Dans une vidéo vue 130 000 fois entre dimanche et lundi, l'influenceur d'extrême droite et son acolyte Code Reinho expliquent comment s’en prendre « aux gauchistes ». La France insoumise et le PCF portent plainte.
Ses protagonistes ont le sourire aux lèvres, jouent la décontraction. La vidéo n’en est que plus glaçante. Le youtubeur d’extrême droite Papacito et son acolyte Code Reinho, sous couvert d’ « expérience scientifique », y tirent sur un mannequin représentant un militant de gauche – un « électeur de Jean-Luc Mélenchon », équipé d’un T-shirt floqué d’un « Je suis communiste », et posté à côté d’un drapeau Che Guevara. « Le but, c’est de savoir si Jean-Gauchiste pourra survivre aux gens normaux qu’il insulte et qu’il méprise depuis des années» , explique l’un, au cas où il subsisterait un doute sur la nature de cet appel au meurtre publié dimanche en fin de journée.
Un tuto pour se procurer des armes
Les deux influenceurs de la fachosphère ne s’arrêtent pas là et transforment la séquence en tuto pour se procurer des armes. «180 euros et un quiz de merde, c’est ce qui vous sépare de l’assurance d’être entendu quand vous avez quelque chose à dire» , lâche Papacito à propos du permis de chasse, et après avoir défini une arme de catégorie C comme « l’assurance de vous faire respecter dans les moments où on mettra en doute vos convictions ».
Et on passe sur le flot continu d’insultes, de propos virilistes ou homophobes, ou encore les invitations à s’inspirer des pires moments de l’histoire. La chute de la vidéo, vue lundi par 130 000 personnes, est à l’avenant, avec une scène dans laquelle le mannequin est poignardé à de très nombreuses reprises par Papacito.
«Des actes odieux suggérés» Ses électeurs directement visés, le candidat FI à la présidentielle a tiré la sonnette d’alarme lundi. Visiblement ému par ce torrent de haine, Jean-Luc Mélenchon a jugé «indispensable» d’en diffuser des extraits pour montrer la véritable nature «des actes odieux suggérés». «Qui que vous soyez, quelle que soit votre opinion politique, à mon sujet ou celui des insoumis, je suis certain qu’aucun d’entre vous n’approuve une telle mise en scène» , a déclaré le leader insoumis lors d’une conférence de presse de dernière minute. Le député a également fait le lien avec la polémique née la veille après son interview sur France Inter: «Je mets en garde, en discernant les choses, contre la violence verbale qui nous entoure et peut parfois conduire à nous désigner en permanence comme des cibles.»
Les communistes et Jean-Luc Mélenchon sont pris pour cible dans une vidéo d’extrême droite d’une rare violence. (...) Au nom des communistes, je saisis le procureur de la République. FABIEN ROUSSEL Secrétaire national du PCF
Sur certains plateaux TV, cette intervention de FI n’a été présentée que comme un «contre-feu» tandis que, à l’heure où nous écrivons ces lignes, la vidéo d’appel au meurtre n’avait pas suscité de réactions unanimes. Les insoumis l’ont signalée à YouTube, d’où elle a finalement disparu en fin de journée, à la plate-forme dédiée Pharos, et au commandant militaire du Palais-Bourbon. Ils portent plainte et invitent les citoyens à se joindre à leur démarche.
Le PCF a également réagi : «Les communistes et Jean-Luc Mélenchon sont pris pour cible dans une vidéo d’extrême droite d’une rare violence. Il faut mettre fin à ce climat de violence. Au nom des communistes, je saisis le procureur de la République» , a annoncé le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.
Un « ami » d'Éric Zemmour Si cette dernière vidéo a franchi un nouveau cap, Papacito, égérie d’extrême droite, n’en est pas à son premier fait d’armes avec de multiples publications et 100 000 abonnés sur YouTube. Éric Zemmour, par exemple, l’évoquait sur CNews la semaine dernière comme son «ami». Celui-ci le lui rend bien, prêt à le soutenir s’il « permet via sa présidence de sortir de plus en plus du cadre républicain » et d’instaurer « un climat qui fait qu’il y aura des flingues ».
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Les deux intelligents sont clairement inspirés du trumpisme, incapables de distinguer PCF et FI. Du reste pour les fascistes, le gauchisme commence au MODEM. Mais c'est un fait nouveau qui porte deux indications :
D'une part la fachosphère est politiquement muette. D'autre part l'essor de la Chine, même le fait que le PCF sorte de l'ombre de la social-démocratie, doit commencer à la mettre sur le gril.
Edité le 08-06-2021 à 20:21:46 par Xuan
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Posté le 08-06-2021 à 20:04:55
Un appel d'info'com CGT. Pourquoi "les idées d'extrême-droite" et non le fascisme ? D'autant que la CGT n'a pas à stigmatiser des idées d'extrême-droite mais le fascisme, qui n'est pas exactement "des idées". On peut se demander quel groupe "de gauche" a imposé ce slogan.
TOUS ET TOUTES ENSEMBLE POUR LES LIBERTES ET CONTRE LES IDÉES D’EXTRÊME-DROITE
Racisme, antisémitisme, attaques contre les libertés, banalisation des idées d’extrême droite...
STOP !
Manifestations unitaires à l'appel de syndicats, associations, partis politiques…
À PARIS : SAMEDI 12 JUIN 2021 14 HEURES • PLACE CLICHY VERS RÉPUBLIQUE
POUR NOS LIBERTÉS ET CONTRE LES IDÉES D’EXTRÊME-DROITE
Depuis maintenant plusieurs mois nous constatons un climat politique et social alarmant. S’allier avec l’extrême droite ou reprendre ses idées ne constituent plus un interdit. Les propos et actes racistes et sexistes au travail et dans la vie se propagent. Les attaques contre les libertés et les droits sociaux s’accentuent gravement. Dans ce contexte politique, économique, social et sanitaire les injustices explosent et génèrent une forte misère sociale.
Plusieurs lois liberticides organisent une société autoritaire de surveillance et de contrôle qui empêcheraient d’informer sur des violences policières, déjà trop importantes. De plus, si certaines de ces lois stigmatisent une partie de la population en raison de sa religion, d’autres en ciblent en raison de leur activité militante.
Comme les signataires de l’appel pour les libertés et contre les idées mortifères de d’extrême droite (www.marchedeslibertes.fr), nous ressentons toutes et tous l’urgence de construire une réponse forte et unitaire qui dessine l’alliance des libertés, du travail et d’un avenir durable.
Face à ce climat de haine, raciste et attentatoire aux libertés individuelles et collectives, nous avons décidé collectivement d’organiser le samedi 12 juin une première grande journée nationale de manifestation et de mobilisations qui se déclinera localement.
Cette journée fait partie des initiatives unitaires qui se multiplient. D’ores et déjà, nos organisations syndicales, politiques, associations, collectifs, signataires de l’appel, ont décidé de co-construire ce combat dans la durée.
Edité le 08-06-2021 à 20:07:34 par Xuan
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Posté le 09-06-2021 à 08:49:22
Commentaire de Laurent Brun à propos de la claque ramassée par Macron :
Comme on dit chez moi « pour être respecté il faut être respectable »... Il appauvrit les jeunes, les vieux, les chômeurs, met à genou les services publics de la santé, de l’éducation, de l’énergie, des transports, brade notre patrimoine public, remet en cause les droits des travailleurs, leur représentation, etc etc etc. Franchement, aucun respect pour ce président. Il a prit une claque dans la gueule, ce n’est pas un mode habituel d’expression, et n’importe quel citoyen doit être protégé de la violence. Mais on a prit des coups de matraque, des lacrymogènes, des tirs de LBD. Nous n’avons pas été protégés de la violence. Sa personne n’est pas plus sacrée que n’importe quel citoyen. La violence qui nous frappe n’est pas plus légitime que celle dont il a été victime. Certains ont perdu des yeux ou des mains sans qu’aucun des ténors de LREM ne verse une larme, au contraire. Quand on légitime la violence, ça finit fatalement par déraper. Alors il est peut être temps de décider que les manifestants ne seront plus tabasses, que les préfets Brutos doivent être démis, que les factieux et les fascistes doivent être expurgés de la police, que lorsqu’un patron provoque un préjudice à un salarié il ne bénéficiera plus de forfait de condamnation ou de prescription, etc etc... Dans une société plus juste, tout le monde serait choqué qu’un manifestant soit violenté et tout le monde serait choqué qu’un président prenne une claque. Enfin Macron alimente l’extrême droite qui se sent pousser des ailes au point que ses électrons libres ou ses nervis passent à l’acte et démontrent qu’ils sont capable de dépasser toutes les limites de la violence et des coups de force. Qu’il cesse de jouer avec le feu et nous risquerons tous moins de brûlure. Franchement ce soir je suis totalement indifférent à ce qui s’est passé à Tain.
Perso je ne pense pas que la population devienne royaliste, par contre beaucoup se sont fendu la gueule de voir le freluquet se faire baffer. A force de courtiser les électeurs de Le Pen, Macron se fait tutoyer par un groupuscule royaliste. Par contre les médias n'ont pas poussé de grands cris pour l'appel au meurtre de papacito.
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Posté le 09-06-2021 à 20:59:35
L'appel à manifester à Lille de Rassemblement Communiste :
LEUR FASCISATION CREVE LES YEUX!
La multiplication des actes politiques « glaçants », pour citer le mot d’Audrey Pulvar au sujet de la manifestation policière, immédiatement menacée par le Ministre de l’Intérieur, est particulièrement nette ces dernières semaines, au point qu’on peut se demander à quoi joue réellement la Macronie.
Dans la même période, le gouvernement interdit une manifestation parisienne de soutien au peuple palestinien qui subit un nouveau déchaînement militaire de la part de l’entité sioniste, et Darmanin participe à une manifestation policière factieuse qui s’en prend directement à la Justice française et joue les gros bras devant le Parlement.
La France a été, de fait, le seul pays à interdire un soutien à la Palestine, quand il s’est exprimé partout ailleurs dans le monde, jusqu’en Israël même ! Dans le même temps, une grande manifestation policière fortement teintée de brun, vue l’omniprésence des courants fascistes de ce pays, du syndicat Alliance au RN en passant par Zemmour et autres « intellectuels » d’extrême droite islamophobe, a ouvert ses rangs à l’arrogant et ambitieux Ministre Darmanin, celui qui disait il y a peu sur un plateau télé à Marine Le Pen qu’elle était « trop molle » en matière de sécurité…
Nous avons d’ailleurs pu mesurer à quel point il s’agissait d’une démonstration de force « politique » à l’absence remarquée de la CGT Intérieur (dont Darmanin vient d’ailleurs de licencier illégalement le secrétaire général), qui a refusé la manipulation d’un appel qui concernait initialement un simple hommage à Eric Masson, policier mort récemment. L’Elysée et le gouvernement ont visiblement pris goût à une forme de « conseil de guerre » excluant systématiquement des décisions politiques les parlementaires, avec la crise sanitaire qu’ils ont géré si lamentablement … mais d’une main de fer (on se rappelle du musicien tabassé par des policiers déchaînés, dans son studio et sous des caméras, au seul motif qu’il n’avait pas de masque dans la rue en rentrant chez lui). Leur déchaînement actuel, à tous points de vue, crève les yeux. La parution publique, dans un journal à large diffusion, d’une tribune putschiste de hauts gradés fascistes à la retraite très influents au sein de la prétendue « grande muette », aurait-elle pu advenir aussi impunément il y a seulement quelques années ?
Ces signes ne sont pas fortuits : Ils découlent d’une politique sécuritaire et discrimimatoire extrêmement dangereuse, flanquée de lois bien concrètes : la loi « sécurité » (qui allait tellement loin dans l’impunité policière qu’elle vient d’être retoquée par le Conseil Constitutionnel) et la loi contre les « séparatismes », qui constitue un arsenal particulièrement agressif et stigmatisant contre un « ennemi intérieur » fantasmé, les musulmans de ce pays. Ils trouvent aussi leur origine dans le régime présidentialiste autoritaire de la Vème République gaulliste.
Bref, nos Droits Démocratiques, qui –rappelons-le- furent conquis par nos luttes et non offerts par les puissants, reculent… pendant que Macron et son gouvernement se « radicalisent à droite » (euphémisme) : soutien aux putschistes fascistes qui ont renversé Evo Morales en Bolivie, soutien au gouvernement hyper-répressif qui mitraille son peuple en Colombie, soutien aux terroristes antiMaduro au Venezuela, soutien au « dissident » raciste Navalny en Russie, au néonazis pro-UE ukrainiens ou au « dissident » nazi Protashevich au Belarus… et peut être surtout, soutien sans faille au gouvernement d’extrême droite israélien qui bombarde impunément les palestiniens quand bon lui semble.
Les « amis » de Macron à l’international sont à l’image de ses propres options politiques sur les plans interieur et extérieur, depuis la répression sanglante, dénoncée à l’étranger, des manifestations populaires des Gilets Jaunes depuis trois ans, et ce n’est qu’un exemple. Depuis la poursuite résolue des opérations meurtrières de la françafrique au Mali, au Sahel également… C’est à ses fruits qu’on reconnaît l’arbre. Et l’arbre, ici, porte un nom précis. C’est la fascisation. Ce terme, contrairement à son apparence, n’est pas équivoque : il s’agit d’un processus de long terme, qui du reste n’a pas commencé avec Macron, mais qui, sous nos yeux, s’accélère. Ce dernier n’est certes pas encore un « fasciste » au sens propre, mais il poursuit un processus offensif de répression et de tentative de dérivation de la colère populaire quand celle-ci se renforce, et qui peut quand « les circonstances l’exigent », sous la forme d’un « état d’urgence » par exemple, déboucher sur le fascisme.
C’est Hindenburg et des magnats très « démocratiques » de la finance allemande qui ont installé Hitler au Pouvoir. Ce sont des financements anglais et français qui ont aidé Mussolini à prendre le pouvoir. Ce sont notoirement les Etats-Unis, « grande démocratie », qui ont assassiné le président élu Allende pour le remplacer par le fasciste Pinochet. Les exemples de ce genre ne manquent pas. Il est donc absurde d’opposer comme des « contraires » le fascisme d’une part et la « démocratie libérale » de l’autre : Toute l’histoire du 20ème siècle l’a déjà confirmé.
Souvenons-nous que ce sont bien des grands patrons qui ont dressé la menace cagoularde contre la montée en puissance du mouvement ouvrier avant la victoire du Front Populaire. Les mêmes, au nom d’un « plutôt Hitler que le Front Populaire », ont fini par mettre Pétain au pouvoir après une « étrange défaite » face à la Wehrmacht. Chaque fois, ils ont défait les droits démocratiques un moment concédés face au mouvement ouvrier organisé menaçant leurs intérêts. Chaque fois ils ont construit un ennemi de l’intérieur pour détourner la colère. Chaque fois ils ont tenté de briser la résistance syndicale et de museler l’opposition politique.
Nous vivons une crise économique et sociale que plus personne ne conteste, et la tentation de criminaliser tout mouvement populaire est grande à l’Elysée et au MEDEF, comme dans les salons de Bruxelles. Si nous ne réagissons pas, si nous refusons de comprendre que la période n’admet pas la division dans nos rangs, si nous ne montrons pas notre unité face à ce processus de fascisation déjà bien entamé et qui s’accélère aujourd’hui, nous désarmerons notre camp contre la menace fasciste, incarnée par le RN, les « identitaires », la LDJ et autres milices, exploitée par LERM et ses satellites LR et PS. Il est plus que temps de dire stop à un pouvoir aux abois qui cherche à brouiller les pistes pour passer à l’attaque ! C’est ainsi que tous ensemble, nous reprendrons l’offensive ! L’ensemble de notre camp social et politique antilibéral doit s’unir pour ne plus subir !
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Quant au "royaliste" confus "Damien T." qui a claqué Macron, il est abonné à la chaîne de papacito, celle de Julien Rochedy, l’ancien président du Front national de la jeunesse, ainsi que les activités du groupe "Équipe Communautaire Paris", affilié au réseau "Les Braves", du suprémaciste blanc Daniel Conversano. Il est aussi président de l'association des arts martiaux historiques européens (AMHE) à Saint-Vallier. Sur les armes et le reste, la presse a déjà tout dit.
Bien qu'il s'agisse d'influenceurs très confus dans leurs idées, ils ont une audience importante sur les réseaux sociaux comme sur You tube, auprès des jeunes notamment.
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Posté le 11-06-2021 à 07:50:39
Crise de l’Impérialisme français en Afrique et processus de fascisation dans l’hexagone
Publié le 10 juin 2021 par bouamamas
Coup d’État au Tchad approuvé et soutenu par Macron avec un appel à « mettre en œuvre un processus démocratique le plus rapidement possible » ; « Coup d’État » au Mali condamné par Macron alors qu’il est soutenu par de nombreuses organisations populaires maliennes ; manifestations et déclarations politiques contre l’ingérence française à Bamako, N’Djaména, Ouagadougou ou Niamey, accusation publique par le Chef de l’’État de la Russie accusée d’ « alimenter un sentiment anti-français en Afrique » , etc. L’impérialisme français en Afrique est indéniablement dans une séquence historique de crise. Dans la même période se déploie dans l’hexagone un processus de fascisation que nous avons longuement analysé dans nos derniers articles [lois jumelles liberticides sur la sûreté globale et sur le « séparatisme », basculement du centre de gravité des discours politiques du ministre de l’intérieur vers l’extrême-droite, tribunes de militaires, manifestations policières devant l’assemblée nationale, multiplication des discours et analyses sur le déclin à conjurer, etc.]. Les deux réalités externe et interne sont rarement mises en lien dans les analyses politique. La cécité sur ces liens est un obstacle à la compréhension des enjeux et dangers politiques contemporains en France.
Si tous les impérialismes, en tant que capitalisme parvenu au stade de « la domination des monopoles et du capital financier », possèdent des invariants [exportation des capitaux, place prépondérante du capital financier, etc.], ils n’en sont pas moins chacun le résultat d’une histoire spécifique les spécifiant et les particularisant. Ils s’insèrent en outre tous dans un rapport de force mondial qu’il est incontournable de prendre en compte pour comprendre les stratégies et les politiques mises en œuvre. Certaines spécificités de l’impérialisme français sont, selon nous, à prendre en compte, pour comprendre la séquence historique actuelle.
La collaboration massive de la classe dominante française avec le nazisme met cette dernière dans une situation particulière au moment de la Libération. Elle ne peut espérer se relever et rester au pouvoir qu’en s’appuyant sur son empire colonial [il en découlera la reconquête du Vietnam et la sale guerre qui lui succède, les crimes de masse de mai 1945 en Algérie, la longue et barbare guerre d’Algérie, etc.]. Cependant cette reconquête est soumise à l’approbation des USA qui deviennent la puissance impérialiste dominante et qui conditionne logiquement cette approbation à une dépendance économique et militaire. Cela se traduira par le plan Marshall dont une des conditions est l’enclenchement de la construction européenne que Washington veut intégrer pour isoler l’Union Soviétique. Affaiblie structurellement la classe dominante française est contrainte d’accepter cette place d’« impérialisme secondaire ». C’est ainsi avec la bénédiction de l’OTAN que la France mène les salles guerres du Vietnam, d’Algérie, du Cameroun, etc.
Cela ne veut pas dire que la classe dominante française renonce à redevenir une puissance impérialiste de premier plan. L’épisode gaulliste en témoigne, de même d’ailleurs que la construction européenne ultérieure. L’épisode gaulliste exprime la tentative de l’impérialisme français de reprendre pied en jouant une place « entre les deux grands » alors que la construction européenne signifie le même objectif en tentant cette fois-ci de devenir la puissance dominante de l’Union européenne. Ce dernier espoir volera en éclat avec la réunification allemande qui fait basculer le rapport de forces intra-européen en faveur de Berlin. Le caractère secondaire de l’impérialisme français est ainsi renforcé par la réunification allemande. L’avenir et la place de l’impérialisme français dépendent désormais de la construction d’un nouveau super-impérialisme : celui de l’’Europe.
Cet avenir et cette place sont l’objet d’affrontements et de contradictions entre les pays européens et en particulier entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Dans cette lutte impitoyable les seuls atouts réels que possède la France est son lien historique particulier avec l’Afrique, son expérience d’interventions militaires et les effets en retour sur la production d’armements, son « pré-carré » reproduit par le système Françafrique, etc. Le caractère secondaire de l’impérialisme français est justement le facteur qui transforme celui-ci en gendarme de l’Afrique dont le dernier avatar est la guerre contre la Libye et ses effets chaotiques qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. La fréquence des interventions militaires françaises en Afrique ne découle pas de pseudo « liens historiques », d’une soi-disant « destinée commune » ou d’une nécessité commune de lutter contre le « terrorisme djihadiste ». Elle s’explique par le fait que l’Afrique est le dernier atout français pour négocier une place au sein des rapports de forces entre puissances impérialistes. François Mitterrand en parlait déjà comme suit en 1957 : « Le monde africain n’aura pas de centre de gravité s’il se borne à ses frontières géographiques. […] Dire à nos alliés que là est notre domaine réservé […] car sans l’Afrique il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle […] La France reste celle qui conduit, celle dont on a besoin, celle à laquelle on se rattache. [ii] » Cinquante ans plus tard Jacques Chirac lui répond en écho : « Sans l’Afrique, la France descendra au rang de puissance de troisième rang[iii]. »
L’aggravation contemporaine de la crise de l’impérialisme français
Un simple regard sur les évolutions des importations et des exportations de l’Afrique ces dernières décennies permet de visualiser la perte d’influence économique française et européenne sur le continent. Les données de la CNUCED [Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement] indiquent ainsi que l’Union européenne comptait pour 48. 2 % dans les exportations africaines en 1995 et pour 33.2 % en 2019. Elles précisent également que 43 % des importations africaine provenaient d’Europe en 1995 contre 29.9 % en 2019[iv]. Concernant la place de la France, un rapport d’Hervé Gaymard [réalisé pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères] utilise l’expression « déclin relatif » pour qualifier l’évolution des échanges entre l’hexagone et le continent. Ce dernier qui porte un titre significatif [« Relancer la présence économique française en Afrique : l’urgence d’une ambition collective à long terme »] résume comme suit la situation :
Le déclin relatif de la présence économique française sur le continent africain est à la fois massif et soudain. Ce déclin relatif est très net : les parts de marché de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2001, de près de 12% à environ 6% […]. Ce déclin relatif, très net, est d’autant plus spectaculaire que le poids de la France dans le commerce total des marchandises avec l’Afrique s’était maintenu, de 1970 au début des années 2000, autour de 15%[v].
Le rapport souligne en outre que le « déclin des parts de marché françaises est particulièrement marqué en Afrique francophone [de 25 % en 2000 à 15 % en 2017]. Une étude de la COFACE [Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur] datée de 2019 précise que tous les grands secteurs d’exportation, à l’exception de l’aéronautique, sont touchés par ce « déclin relatif » : Machines, appareils électriques, Pharmacie, automobile, blé[vi], etc. La perte de ces parts de marché selon cette étude provient de « la fulgurante progression de la Chine […] En Afrique de l’Ouest, la percée de la Chine est encore plus notable si l’on inclut Hong Kong, qui s’est imposé comme un acteur important avec des gains de parts de marché de l’ordre de 10 points[vii]. » Plusieurs seuils symboliques sont dépassés : la Chine remplace la France à la place de premier exportateur vers l’Afrique en 2007 et l’Allemagne remplace la France à la place de premier exportateur européen en 2017. Ces quelques données mettent en exergue que de nombreux pays africains ont mis à profit le contexte de « mondialisation » et la multilatéralisation du monde qui l’accompagne pour sortir du face-à-face contraint avec l’ancienne puissance coloniale. Ils ont diversifié leurs échanges en s’appuyant sur les pays dits « émergents » et en particulier sur la Chine pour desserrer le carcan de la relation de dépendance caractéristique du colonialisme et du néocolonialisme. Ils ont mis en œuvre la logique de la « concurrence libre et non faussée » de la mondialisation capitaliste en la retournant contre un de ses promoteurs important : la classe dominante française.
Les réactions ne tardèrent pas. Elles prirent de multiples formes. En premier lieu elles s’orientèrent vers des campagnes idéologiques diverses [La Chine et les Ouïgours, la mauvaise qualité des produits chinois, le nouvel impérialisme chinois, etc.] dont le point commun est de diaboliser les concurrents actuels des entreprises françaises en Afrique. Elles prirent ensuite la forme des promesses politiques de réformes tous azimuts des rapports franco-africains : promesse de sortie de la Françafrique, reconnaissance euphémisée des massacres coloniaux, discours du « responsable mais pas coupable » à propos du génocide au Rwanda, annonce de la réforme du Franc CFA pour le remplacer par l’ECO, etc. Elles prirent enfin la forme d’un changement de doctrine militaire pour lutter contre le « terrorisme ». Cumulée ces différentes réactions soulignent l’ampleur de la crise actuelle de l’impérialisme français, ravalé plus que jamais au rang d’impérialisme secondaire et menacé de perdre son dernier atout dans les négociations avec les autres impérialismes : son « pré-carré » africain. Le vocabulaire du rapport au ministre des affaires étrangères [« Déclin relatif », « massif et soudain », « spectaculaire », « urgence », etc.] est significatif de l’importance de cette crise conduisant à un diagnostic d’alarme porteur de nombreux dangers pour la paix sur le continent africain.
La même période qui voit se déployer ce « déclin relatif » se caractérise en effet également par un changement de la doctrine militaire française. Le livre blanc de la défense de 2013 s’inquiète ainsi de la « montée en puissance des pays émergents, en particulier celle du Brésil, de l’Inde et de la Chine ». Il alerte sur le fait que ces nouveaux concurrents « ne se limitent plus aux seuls produits énergétiques et aux matières-premières ». Il met en garde également sur l’activisme du concurrent états-unien sur le continent : « [Les États-Unis] continuent de s’intéresser à cette zone comme en témoigne la création d’un commandement spécialisé – Africom. » Il déduit ensuite de ce diagnostic des axes stratégiques prioritaires de défense vers « le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, ainsi qu’une partie de de l’Afrique subsaharienne [qui] sont également des zones d’intérêts prioritaires pour la France, en raison d’une histoire commune, de la présence de ressortissants français, des enjeux qu’elles portent et des menaces auxquelles elles sont confrontées ». Il conclut enfin à la nécessité d’une intervention militaire directe plus forte, plus durable et plus fréquente dans ces « zones stratégiques » : « L’évolution du contexte stratégique pourrait amener notre pays à devoir prendre l’initiative d’opérations, ou à assumer, plus souvent que par le passé, une part substantielle des responsabilités impliquées par la conduite de l’action militaire[viii]. »
Un autre axe essentiel du livre blanc de la défense de 2013 est le renforcement de la production d’armement présentée comme un des atouts importants des capacités de défense française. Cette production, rappelons-le, a besoin de guerres pour se maintenir. Dans les salons où se négocient les contrats de vente d’armements entre États, l’industrie française peut mettre en avant comme arguments de vente des produits des expérimentations pratiques en Afrique. Les profits faramineux de l’industrie d’armement ont besoin de guerres réelles pour se réaliser. La France est ainsi en 2020 le troisième exportateur d’armes dans le monde avec 8. 2 % des exportations mondiales. De même les exportations françaises ont bondit de 44 % entre 2016 et 2020[ix]. Les profits des grands groupes français sont logiquement faramineux : Thalès [8.56 milliards d’euros en 2018] ; Naval group [3.81 milliards] ; Safran [2.93 milliards] ; Dassault [2.65 milliards] ; le Commissariat à l’Énergie atomique [2.08 milliards] ; etc[x].
Le fait que l’impérialisme français est effectivement en crise et en « déclin relatif » ne signifie donc pas qu’il est moins actif et moins agressif. Au contraire la sécurisation des sources de matières premières et des parts de marché des entreprises françaises d’une part et le besoin de promouvoir son industrie d’armement d’autre part suscitent un activisme d’ingérence militaire grandissant dont les derniers évènements africains ne sont que des illustrations.
La fabrique du consentement de l’opinion publique
La crise et le « déclin relatif » de l’impérialisme français, de même que l’activisme d’ingérence militaire qui en découle, se déploient cependant dans une séquence historique particulière caractérisée par une hausse massive de la paupérisation et de la précarisation, une montée de la colère et de la contestation sociale, une crise de légitimité du pouvoir d’État sans précédent depuis de nombreuses décennies. Du mouvement des Gilets jaunes à celui contre la réforme des retraites, des manifestations massives contre les crimes policiers à l’opposition à la loi sur la sureté globale, de la grève longue des éboueurs à celles tout aussi durable de Chronopost ou de l’hôtel Ibis de Batignolles, etc., ce qui s’exprime de plus en plus c’est une distance et une rupture de la majorité de la population d’avec le discours officiel de légitimation du néolibéralisme et de son austérité inéluctable. Le processus de fascisation que nous avons décrit dans nos derniers articles est une réponse à la fois à cette situation hexagonale et à la nécessité de préparer une opinion publique pour le moins indifférente à ces interventions militaires françaises [couteuses pour la nation mais rentables pour les monopoles de l’armement] et pour le mieux favorable.
C’est pour cette raison qu’une logique d’extrême-droitisation de la vie politique française a été déployée par le gouvernement lui-même : nomination de Gérard Darmanin, promotion du thème idéologique sur le séparatisme et loi sur le séparatisme, promotion du thème sécuritaire comme pôle central de la campagne des présidentielles, etc. Cette logique instrumentale d’État a été confortée par les mutations récentes du paysage audio-visuel qui avec le développement des chaînes comme CNews ont pour principal caractéristique de diffuser un discours du « déclin et du sursaut » qui est un des traits identitaires de l’extrême-droite et du fascisme. Elle a été renforcée par la logique de surenchère de la galaxie fasciste et/ou identitaire qui tient le même discours du « déclin et du sursaut » sur un plan général et au sein de certaines institutions en particulier [armée, police, etc. Si chacun joue ici sa partition pour ses intérêts propres, le résultat d’ensemble est la réunion progressive des conditions de possibilité d’une séquence fasciste non plus comme une hypothèse lointaine mais comme une perspective de court terme de réponse au « déclin relatif » national et international. Certes nous n’en sommes pas là et d’autres options existent encore pour la classe dominante. Cependant indéniablement le contexte idéologique promu, de même que les évolutions législatives sécuritaires, constituent des ingrédients d’une solution fascisante à la crise, surtout si on ne limite pas cette dernière à la seule figure du Rassemblement National et de Marine Le Pen. Comme nous l’avons souligné dans nos articles précédents, le fascisme contemporain ne se moule pas forcément dans les habits anciens. Il ne défile pas forcément en chemise brune et peut très bien s’acclimater au « costume-cravate » et même au « jeans et aux cheveux longs ».
Face à ce contexte national et international, force est de constater une faiblesse idéologique des réactions. Nous disons idéologique parce que la faiblesse quantitative n’est, selon nous, qu’une des conséquences de la faiblesse idéologique. Sans être exhaustif au moins trois éléments de faiblesse structurelles de l’opposition à la fascisation peuvent être mentionnés. Le premier est l’analyse du racisme comme phénomène individuel empêchant de saisir sa dimension structurelle comme en témoigne les polémiques au sein même de la « gauche » sur le « racisme d’Etat », le « racisme anti-blanc », les « violences policières systémiques », etc. Le second est le mythe de la République et l’essentialisation des conquis politiques historiques [la laïcité, le principe d’égalité homme-femme, l’interdiction de la discrimination légale en fonction de l’origine, etc.] comme étant des traits de « l’identité française » comme en témoigne la difficulté à constater le développement réel de l’islamophobie en France, à s’opposer radicalement à la loi sur le séparatisme ou à exiger la régularisation de tous les sans-papiers. Le troisième est enfin la sous-estimation de la dimension anti-impérialiste dans la prise en compte des rapports de force entre classes sociales comme en témoigne l’absence dramatique de mobilisations contre les guerres menées par l’armée française en général et en Afrique en particulier.
Négation du racisme comme modalité de gestion du rapport de classe, persistance d’une vision idéaliste de la République et de la Nation et faiblesse de l’anti-impérialisme sont les trois mamelles politiques nourrissant la faiblesse de la résistance antifasciste aujourd’hui.
[i] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, éditions sociales, Editions sociales, Paris, 1971, p. 124.
[ii] François Mitterrand, Présence française et abandon, Plon, Paris, 1957, cité in Abdoulaye Diarra, La gauche française et l’Afrique subsaharienne, Karthala, Paris, 2014, p.258.
[iii] Cité in Philippe Leymarie, Malaise dans la coopération entre la France et l’Afrique, Le Monde Diplomatique, juin 2002, pp. 18 -19.
[iv] Jacques Berthelot, L’extraversion croissante et suicidaire des échanges de l’Afrique, 8 juin 2021, document ronéoté.
[v] Hervé Gaymard, Relancer la présence économique française en Afrique : l’urgence d’une ambition collective à long terme, Ministère de l’Europe, des Affaires Etrangères, avril 2019, p. 15.
[vi] Coface, Course aux parts de marché en Afrique : l’échappée française reprise par le peloton européen, Les publications économiques de COFACE, juin 2018, p. 5.
[vii] Ibid., p. 10.
[viii] Livre Blanc : Défense et sécurité nationale 2013, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2013, pp. 27-29, p. 40, p.54-55 et p.83.
[ix] Auteur anonyme, Défense : bond des exportations d’armes de la France, Capital du 15 mars 2021, consultable sur le site capital.fr.
[x] Rémi Amalvy, Avec ses six plus grosses sociétés du secteur, la France est le quatrième vendeur d’armes mondial, L’usine nouvelle du 9 décembre 2019, consultable sur le site usinenouvelle.com.
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Il est à noter le rapprochement Bolloré-Lagardère et leur soutien à Zemmour. C'est la première fois que le grand capital soutient un courant ouvertement raciste et fasciste.
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Xuan
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Posté le 24-06-2021 à 14:54:12
Je signale cet article de l'Huma sur Bolloré, qui s'oppose à la mainmise ouverte du grand capital - et de sa fraction la plus réactionnaire - sur les médias. Naturellement l'article ne sort pas des canons du réformisme et de la démocratie bourgeoise et des "valeurs républicaines", dont le grand capital se contrefout. L'article parle de dérapage régulier avec une naïveté confondante puisqu'il s'agit d'une ligne éditoriale fasciste. La démocratie bourgeoise est incapable de s'opposer au fascisme, il en est l'expression. C'est le droit de la propriété privée des moyens de production qui autorise CNews à déverse le fascisme.
Par contre il est symptomatique de voir le fascisme soutenu maintenant par le grand capital, ce qui n'était pas officiellement le cas jusqu'ici. C'est un phénomène nouveau sur lequel nous avions déjà alerté, alors que Le Pen devait trouver un financement à l'étranger. Pour l'heure Zemmour n'est qu'un polémiste, il songe fortement à poser une candidature et les médias sont en train de sonder le public dans ce sens :
Vincent Bolloré apparaît comme tout-puissant dans le paysage médiatique. Il existe pourtant des leviers que la puissance publique pourrait décider d’actionner pour empêcher les concentrations et garantir le pluralisme des idées.
Un grand magnat des médias fond sur sa proie, la dépèce, sans que la société, sidérée, n’ait le temps de réagir. Sommes-nous condamnés à voir se répéter indéfiniment cette scène macabre ? Car, c’est ce qui s’est passé en 2016, quand Vincent Bolloré, déjà, avait mis la main sur I-Télé. Chacun se souvient de la brutalité de cette séquence, de cette grève de trente et un jours achevée par une vague de départs, suivis ou choisis, d’une chaîne de télévision débaptisée pour donner naissance à CNews, où se déverse depuis la haine de Zemmour, Praud et consorts. Est-ce à cette sauce que vont être mangés les salariés d’Europe 1 ?
Mobilisés depuis vendredi, ils protestent contre le rapprochement éditorial entre leur station et CNews. Un rapprochement idéologique soutenu par une opération de terreur dans les couloirs, puisqu’un journaliste a été mis à pied en attente d’une sanction le 30 juin et plusieurs personnalités poussées vers la sortie. La grève a été levée mercredi après-midi, mais la question du devenir de ces salariés, et de la station, reste entière. Face aux appétits de Vincent Bolloré, Patrick Drahi ou autre Reworld Media, il existe pourtant des leviers d’action légaux.
«On pourrait carrément couper les fréquences»
Les salariés d’Europe 1 ont raison d’être inquiets. Pour David Assouline, vice-président de la commission des Affaires culturelles du Sénat, Vincent Bolloré a fait «un coup d’essai» en s’en prenant à I-Télé. «Il savait très bien qu’il y aurait conflit, ça lui permettait même de repérer un peu plus amplement qui va dégager. À ce moment, certains hésitaient sur le réel projet de Bolloré : asseoir une puissance ? une direction ou une rédaction à sa botte ?» Aujourd’hui, son but est clair : fonder «un grand groupe de médias d’extrême droite» , estime l’élu. Et « ce qui est le plus dangereux, en termes médiatiques, ce sont les valeurs antirépublicaines qu’il instille tous les jours" , reprend le sénateur. Pierre Laurent, sénateur communiste de Paris, est tout aussi sévère sur le danger. Ce qui se joue, selon lui, « ce ne sont donc pas seulement des mouvements économiques, mais aussi des mouvements de quadrillage politique du paysage informationnel. Ces mouvements politiques correspondent en parallèle à une radicalisation d’une partie des forces de droite et des forces du capital » (1).
Quelles solutions, alors, face à cette situation? Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourrait être un levier. C’est d’ailleurs cette instance qui a condamné CNews à payer 200 000 euros d’amende à la suite des propos racistes de son éditorialiste vedette, Éric Zemmour. L’instance dispose par ailleurs d’un catalogue de sanctions importantes. Pour David Assouline, « on pourrait carrément couper les fréquences de ceux qui ne respectent pas le jeu démocratique. Le problème est structurel : il y a une convention entre le CSA et la chaîne ou la radio pour avoir le droit d’émettre. Les médias audiovisuels occupent des fréquences qui sont un bien public. Ces fréquences sont louées, en quelque sorte, à partir d’engagements établis dans une convention. Quand on lit bien la convention qui lie CNews au CSA, il est dit qu’il faut œuvrer à la concorde républicaine et aux valeurs antidiscriminatoires ». CNews dérape régulièrement ? On est loin d’un « manquement isolé, c’est donc un choix ». La sanction devrait pouvoir tomber, sans gradation. Idem pour Europe 1. « Il y a un changement de projet. Il faut donc que le CSA s’en mêle. Et s’il y a un changement éditorial, la clause de conscience des journalistes doit pouvoir s’effectuer. »
Droit d’opposition des journalistes
Mais le tempo de Bolloré, qui fait appliquer au pas de charge ses décisions, et le temps long du CSA sont-ils compatibles ? Emmanuel Vire, du SNJ-CGT, n’est guère confiant : «La grille de rentrée, avec les nouveaux acteurs dépêchés par CNews, est calée.» Pourtant, explique le journaliste, le CSA pourrait jouer un tout autre rôle, «intervenir en amont, sur les cahiers des charges des chaînes. Rien que sur l’égalité hommes-femmes, il n’intervient pas… L’organisme ne se donne pas les moyens parce que la puissance publique ne dit rien, sur ce sujet comme sur les autres, le pluralisme des idées par exemple» . Pierre Laurent reprend cette idée au vol : « On a mis en place des notions d’équité extrêmement vagues qui permettent de contourner déjà beaucoup les règles d’égalité de temps de parole. Mais là, on passe à autre chose. Parce que les chaînes militantes comme CNews s’affranchissent justement de toutes les règles et, pour le moment, dans une très grande impunité.» Pour lui, la question médiatique doit «devenir une question démocratique, dans un moment où il y a une telle crise politique et démocratique, le débat politique et le débat législatif devraient se saisir à nouveau de la question du pluralisme de l’information. » David Assouline note, en défense du CSA, que la garantie démocratique exige, comme dans un procès, d’avoir du temps. Pour autant, dit-il, «il faut permettre que les menaces lourdes s’exercent. Certains pensaient que taper au portefeuille aurait un écho. Mais ce n’est pas assez. Ce qui compte pour Bolloré, c’est le projet politique, et il a sans doute déjà intégré des amendes.» Il faut donc taper autrement. Sur le droit d’émettre, donc, ou d’acquisition de nouveaux médias.
Les médias français sont-ils tous destinés à finir dans les mains de milliardaires ? Emmanuel Poupard, secrétaire général du Syndicat national des journalistes, avoue sa colère : «En tant que journalistes, on a une liberté et des droits individuels, statut et convention collective, carte de presse, etc. Mais ce n’est pas suffisant. Nous demandons l’indépendance juridique des équipes rédactionnelles, c’est-à-dire un droit d’opposition collectif aux décisions de l’actionnaire majoritaire." Il rappelle que la sénatrice Nathalie Goulet avait déposé, en 2014, une proposition de loi en ce sens, prévoyant notamment la suspension des aides publiques en cas d’entrave au bon fonctionnement de la rédaction. Elle n’a jamais été examinée.
Un débat législatif et citoyen pour un vrai contre-pouvoir
«Certes, il s’agit d’une entreprise privée, mais il n’y a pas de condamnation de la concentration. Le gouvernement ne l’a fait ni pour Prisma, ni pour Europe 1. Bolloré va devenir tout puissant, ça doit interroger notre démocratie, le législateur, la ministre de la Culture, le premier ministre, le président…» s’agace le syndicaliste. Même ton chez Emmanuel Vire, du SNJ-CGT, qui plaide pour un renforcement des lois anticoncentration : «Jusqu’où l’État subventionnera-t-il des médias détenus par des milliardaires ? Roselyne Bachelot ne réagit pas quand on lui demande d’intervenir sur cette question, parce qu’elle n’est pas d’accord.»
La sanction, d’un côté, le débat législatif et citoyen, de l’autre. À la clef, une possibilité de contre-pouvoir, que pointe Pierre Laurent : «La condition des journalistes, de leur travail, du respect des règles déontologiques doit aussi redevenir un sujet de mobilisation de la profession, en dialogue avec les citoyens. On aurait besoin d’états généraux citoyens et professionnels du pluralisme de l’information. Parce que, sinon, la dégradation du débat politique, sa violence, va malmener beaucoup de médias et de journalistes.» Dans les médias indépendants, bien sûr. Et dans le service public, aussi, dont David Assouline regrette qu’il soit «asséché». Les leviers existent pour garantir leurs droits aux rédactions, le premier étant de pouvoir informer le public sans contrainte. Pour les actionner, encore faut-il avoir confiance en la puissance publique. Et la volonté de ne pas laisser un Vincent Bolloré, au nom de sa fortune, décider de repeindre en brun un des piliers de la démocratie…
(1) Les entretiens de David Assouline et Pierre Laurent sont à retrouver sur l’Humanité.fr
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Motion de défiance Les salariés d’Europe 1 ont voté, mardi 22 juin, une motion de défiance en assemblée générale contre Donat Vidal-Revel, le directeur de l’information. Pour eux, « tordre les faits, proposer des faits alternatifs, ce n’est pas l’esprit d’Europe 1. La grande tradition de rigueur, de mesure, d’indépendance intellectuelle de notre radio mérite mieux. Nos auditeurs aussi» . Ils dénoncent «plusieurs cas de burn-out», des «mensonges» sur le rapprochement avec CNews, et l’arrivée d’un transfuge de Valeurs actuelles à la tête du service politique. Enfin, estiment les salariés, Donat Vidal-Revel «porte la responsabilité des changements incessants de la ligne éditoriale et de leurs échecs successifs» .
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Xuan
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Posté le 24-06-2021 à 19:18:15
Sur la candidature de Zemmour, on lit dans Politico * :
ZEMMOUR CHERCHE POIDS LOURD INFO PLAYBOOK. Patrick Stefanini, figure bien de connue de la droite, ancien directeur de campagne de Jacques Chirac en 1995 et François Fillon en 2017, a été aperçu prodiguant quelques conseils dans une réunion de travail en visio sur la préparation de la candidature à la présidentielle d’Eric Zemmour, d’après deux personnes ayant participé à la réu. Playbook a donc décroché son téléphone hier pour interroger le principal intéressé.
S’il n’a pas confirmé — ou plutôt pas commenté — cette information, Stefanini nous a bel et bien dit avoir rencontré le polémiste de CNews, à l’occasion d’un déjeuner il y a un an, par l’intermédiaire de feu Philippe Martel, un ex-juppéiste époque RPR passé plus récemment par le cabinet de Marine Le Pen. Puis l’ex-préfet a revu Zemmour en début d’année. “Il m’a exposé son projet”, raconte-t-il, “j’ai écouté avec intérêt”.
Il ajoute que l’ancien journaliste lui a demandé avec insistance d’être son directeur de campagne. “Je lui ai dit qu’autant j’étais prêt à lui expliquer ce qu’est une campagne présidentielle, autant je ne suis pas en mesure de prendre le moindre engagement présidentiel”, précise Stefanini. Ce dernier rappelle être pour l’heure candidat aux élections départementales dans les Yvelines et pris par la campagne de Valérie Pécresse, en Ile-de-France, qu’il conseille, et dont il a été le directeur général des services.
*Politico Europe est un média hebdomadaire de langue anglaise, basé à Bruxelles.
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Xuan
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Posté le 08-07-2021 à 00:06:43
Déménagements sur Europe 1 où clairement le PS se fait virer d'Europe 1. Difficile de dire s'il s'agit d'une fascisation à proprement parler, les socialos qui sont débarqués ou qui s'en vont par désaccord ne valaient guère mieux dans leur genre. Affirmer que Patrick Cohen faisait de l'information "non partisane" ce serait se foutre du monde. Mais tout se passe comme si le remplacement du "journalisme frondeur et impertinent, mais jamais partisan. " par le "commentariat" soit la mise au rencart des chroniqueurs social-démocrates. Pendant que la candidature de Zemmour est lancée : https://news.google.com/stories/CAAqOQgKIjNDQklTSURvSmMzUnZjbmt0TXpZd1NoTUtFUWlmaDZ6VW80QU1FWVBYYkpfck9CZmJLQUFQAQ?hl=fr&gl=FR&ceid=FR%3Afr
Les journalistes d'Europe 1 ont été soutenus par :
Philippe Alfonsi ; Antonin Amado ; Jean-Michel Aphatie ; Roger Arduin ; Claude Askolovitch ; Sylvain Attal ; Marc Autheman; Pierre-Louis Basse ; Laurent Bazin ; Brigitte Bejean ; Claude Bellei ; Brigitte Benkemoun ; Inès de Beistegui ; Emilie Bonnaud ; Bérengère Bonte ; Ariane Bouissou ; Bernard Chabbert ; Jean-Yves Chaperon ; Xavier Colin ; Paule Coudert ; Mathieu Delahousse ; Nicolas Delourme ; Luc Evrard ; Emmanuel Faux ; Hélène Fontanaud ; Marielle Fournier ; Philippe Gault ; Camille Girerd ; Michel Grossiord ; Jérôme Godefroy ; Damien Gourlet ; Béatrice Hadjaje ; Hélène Jouan ; François Jouffa ; Jean-François Kahn ; Pascal Lafitte Certa ; Benoit Laporte ; Nathalie Leruch ; Ivan LevaÏ ; Patrice Louis ; Serge Marie ; Elizabeth Martichoux ; Michel Moineau ; Jean-Pierre Montanay ; Robert Namias ; Stéphane Paoli ; Dominique Paganelli ; Michel Pascal ; Elodie Pigeon ; Nicolas Poincaré ; Lise Pressac ; Jean-François Rabilloud ; Emilie Raffoul ; Brigitte Rinaldi ; Karim Rissouli ; Olivier de Rincquesen ; Gilles Schneider ; Anne Sinclair ; Dominique Souchier ; Laurence Thomas ; Jean-Noël Tournier ; Marc Tronchot ; Alba Ventura ; Edmond Zucchelli
Selon nos informations, 76 salariés, dont 36 journalistes radio, ont déposé un dossier pour partir dans le cadre de la rupture conventionnelle collective.
Par Sandrine Cassini
A Europe 1, les salariés voguent vers la sortie. Selon nos informations, 76 salariés, dont 36 journalistes radio, ont déposé un dossier pour partir dans le cadre de la rupture conventionnelle collective (RCC) ouverte en avril, et dont la période de volontariat s’achevait mardi 6 juillet au soir. Le nombre de candidats est bien supérieur aux objectifs de l’accord, qui prévoyait entre 39 et 48 départs sur 204 salariés, et ce afin de réduire les 20 millions de pertes annuelles de la radio. « En vingt ans, on n’avait jamais vu autant de gens qui avaient envie de partir. A Europe 1, il y a une ambiance de fin de règne. Une nouvelle histoire va s’écrire à la rentrée » , constate un journaliste.
...Les salariés ont appris, lundi 5 juillet, par Le Parisien, qu’outre Dimitri Pavlenko (chroniqueur dans « Face à l’info », l’émission d’Eric Zemmour), Laurence Ferrari et Sonia Mabrouk, d’autres figures de CNews prendraient place à la rentrée.
...Romain Desarbres va remplacer Patrick Cohen, Mouloud Achour (« Clique » sur Canal+) succédera à Emilie Mazoyer, aux commandes d’une émission musicale, et Thomas Lequertier, matinalier du week-end, enchaînera par des journaux au sein de la station. « Les gens prennent la fuite, surtout depuis qu’ils ont découvert le profil des nouveaux visages de l’antenne », commente un vétéran d’Europe 1...
Edité le 08-07-2021 à 00:09:53 par Xuan
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L'article cité ici On lit : "Selon ses informations, la présence médiatique de Zemmour conforte aux yeux des macronistes «l’idée d’un nouveau clivage, non plus droite-gauche, mais progressistes et européens contre nationalistes et conservateurs» . L’administration française actuelle considère le polémiste comme un candidat capable d’affaiblir à la fois Marine Le Pen et le candidat LR, indique le magazine. «Bruno Roger-Petit, le "conseiller mémoire" d’Emmanuel Macron, est spécialement chargé de suivre l’évolution de cette candidature» . Toujours d’après l’hebdomadaire, la participation des ministres tels que Clément Beaune, Agnès Pannier-Runacher, Emmanuelle Wargon et Alain Griset à l’émission de M.Zemmour sur CNews est également censée «marquer encore plus» la différence entre «conservateurs» et «progressistes»."
A noter Clément Beaune qui s'est distingué à plusieurs reprises au parlement européen, conte la Chine et la Russie. Agnès Pannier-Runacher a refusé, malgré les appels émanant des oppositions et des syndicats42, de nationaliser l'usine Luxfer de Gerzat. Emmanuelle Wargon fille de Lionel Stoleru, a été lobbyiste de Danone Alain Griset a juste fait l'objet de deux enquêtes pour abus de confiance
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