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| Posté le 10-03-2007 à 12:19:16
| Oaxaca : la tragédie continue Le Mexique, c'est connu, est un pays où les gouvernements n'ont pas trop de scrupules sur les méthodes qu'ils emploient pour réprimer les mouvements sociaux. Ce qui se passe à Oaxaca, cependant, est, en grande partie, inédit. Après la répression féroce de la fin de l'année 2006, les journaux et télévisions du régime, depuis des semaines, font tout pour présenter une réalité idyllique, mais, sous les cendres d'une paix imposée par les armes, couvent quantité de braises. Le conflit, de fait, présente de multiples aspects. Au premier rang desquels, Ulises Ruiz Ortiz, le gouverneur haï, du PRI, qui durant ces neuf derniers mois a déchaîné la terreur contre l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO). Tout comme l'actuel président mexicain, Felipe Calderon, Ruiz est le produit d'une colossale fraude électorale. En 2004, à peine "élu", Ruiz - politicien vraiment hors série, à la fois faible, autoritaire et psychopathe - déclara la guerre au quotidien indépendant Noticias, faisant brûler les kiosques où il était en vente et occupant militairement son siège, sans toutefois arriver à le faire taire. Ce fut ensuite le tour de la Section 22 du syndicat des enseignants - 70 000 adhérents -, organisme indépendant avec une vieille tradition de lutte. Dans la réalité de misère rurale qui règne à Oaxaca, la fonction de l'instituteur, comme facteur de conscience sociale, est très importante. Le 14 juin 2006, Ruiz déchaîna un véritable déluge contre les enseignants qui avaient occupé le centre de la ville pour obtenir des améliorations salariales. En réponse, la population s'insurgea spontanément et, le 23, 400 organisations sociales environ créèrent l'APPO (Asemblea Popular del Pueblo de Oaxaca) forum permanent et organe de décision du mouvement. Le mot Pueblo fut significativement changé ensuite pour Pueblos, indiquant la pluralité des participants et l'exclusion explicite des partis politiques. Le mouvement s'unifia autour d'une seule revendication : chasser Ruiz. On institua une commission formée de délégués révocables, avec mission de mener les tractations avec le gouvernement fédéral. Face à l'absence de réponse claire, l'APPO répondit en occupant les bureaux du gouvernement, le palais de justice et le parlement local. Ruiz se retrouva dans la situation insolite de devoir opérer dans un état de semi-clandestinité. Les élections du 2 juillet et l'agitation qui s'ensuivit firent passer au second plan ce qui se passait à Oaxaca. Ruiz pensa que le moment de contre-attaquer était venu. Il organisa alors les terribles "caravanes de la mort", c'est-à-dire des groupes de tueurs qui, à bord de fourgons et motos sans immatriculation, commettaient des crimes effroyables dans la plus totale impunité. En réaction, l'APPO éleva des centaines de barricades dans le centre-ville et dans les banlieues, en se proclamant seul gouvernement légitime d'Oaxaca. Le 1er août, face à la manipulation persistante de l'information, 2 000 femmes environ, en majorité des ménagères, des enseignantes et des étudiantes, prirent possession de la radio et de la télévision gouvernementales, en les transformant en outils de communication alternative ouverts à tous les secteurs sociaux. La liste des morts augmentait, mais au lieu de reculer, le mouvement s'appropriait des espaces stratégiques, devenant une menace non seulement locale mais aussi nationale. On commença à parler de la "commune d'Oaxaca". Les choses se précipitèrent le vendredi 27 octobre quand furent tués Brad Will, journaliste indépendant d'Indymedia, et deux militants de l'APPO, dans le faubourg de Santa Lucia del Camino. Le coupable, un employé de Ruiz qui avait été filmé au moment où il tirait, sortit rapidement de prison. A l'heure actuelle, la version officielle est encore que Brad a été tué par certains de ses camarades à cause de "rixes personnelles". Au même moment, à quelques kilomètres de là, à Santa Maria Coyotepec (siège du gouvernement de Ruiz), la police massacrait un nombre indéterminé de militants de l'APPO. Ce qui fait penser à une planification froide des deux crimes. On sait que, dans une époque d'assassins, les victimes sont toujours coupables. Il ne faut donc pas s'étonner si les crimes de Ruiz ont ensuite été allégués par le gouvernement fédéral pour justifier l'irruption de la Police fédérale préventive (PFP), corps spécialisé dans les opérations anti-insurrectionnelles, qui était déjà intervenu à Atenco. Le 28, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Carlos Abascal, lança un ultimatum : l'APPO avait vingt-quatre heures pour démonter les barricades, quitter le centre historique et abandonner les bureaux du gouvernement. Le dimanche 29, 4 000 policiers, appuyés par des hélicoptères et des blindés, marchèrent sur la ville, alors que 5 000 soldats prenaient position dans des points névralgiques des régions environnantes. La résistance fut importante mais, vers 19 heures, la PFP arriva à dégager le zocalo (la place principale) et à reprendre possession des radios contrôlées par l'APPO, sauf Radio Universidad, dernier bastion de la communication indépendante. La ville ressemblait à un champ de bataille : véhicules en flammes, maisons détruites, routes creusées de tranchées. En outre, il y avait 60 détenus, deux victimes reconnues et un nombre indéterminé de desaparecidos [disparus]. Le jeudi 2 novembre, le Jour des morts, la PFP échoua dans sa tentative d'occuper la Cité universitaire et la barricade du carrefour Cinco Señores, place forte de l'APPO. Ce fut une victoire éclatante du mouvement, obtenue en grande partie grâce à l'inventivité des jeunes du quartier qui se défendirent des blindés armés de cocktails Molotov, de frondes et de "bazookas" de plastique improvisés. L'occasion de se venger se présenta quelques semaines plus tard, le 25 novembre, quand la PFP attaqua une manifestation pacifique de l'APPO. Bilan : 141 arrestations - en majorité de vendeurs ambulants et de passants totalement étrangers aux faits - et un nombre imprécis de morts non déclarés. Le lecteur se demandera : pourquoi ne dénonce-t-on pas les victimes de la violence policière à Oaxaca ? La réponse est simple : les parents n'osent pas porter plainte. Pour les détenus commence alors une histoire kafkaïenne : menaces, intimidations, tortures physiques, et psychologiques, violences sexuelles (sur les hommes, plus encore que sur les femmes). A quoi il faut ajouter le transfert - illégal - vers la prison de haute sécurité de Nayarit, à plus de mille kilomètres d'Oaxaca. Bien qu'une grande partie des détenus aient ensuite été ramenés à Oaxaca, 62 personnes restent en prison. Toutes sont accusées des mêmes crimes (sédition, incendie, violation de la propriété privée, etc.), ce qui en dit long sur la façon de procéder de la justice mexicaine. Aujourd'hui, Oaxaca vit dans un état de siège camouflé, mais la résistance continue. Les prisons clandestines, l'impunité, la terreur et les enlèvements rappellent les années sombres des dictatures militaires d'Amérique du Sud. Avec une nouveauté inquiétante : à la différence des groupes armés du passé, l'APPO est un mouvement essentiellement pacifique. Les 23 personnes assassinées (plus une centaine de disparus) sont d'un seul côté : celui du mouvement. Et les autorités se gardent bien d'arrêter les coupables. Tout cela, et plus encore, est décrit dans les moindres détails dans le terrible Informe sobre los hechos de Oaxaca (Rapport sur les événements d'Oaxaca), fait par la Commission civile internationale d'observation pour les droits humains (CCIODH), organisme international qui a visité Oaxaca entre le 20 décembre 2006 et le 20 janvier 2007. A l'appui de 400 témoignages environ, de dizaines de photos et documents et d'une vidéo, le document est disponible en ligne : http://cciodh.pangea.org Sa lecture évoque une continuité perverse avec les événements d'Atenco, en mai 2006. Dans les deux cas, les pouvoirs locaux ont agi avec la complicité des pouvoirs fédéraux, et vice versa. Cela signifie que la responsabilité de ce qui arrive à Oaxaca n'est pas uniquement le fait du psychopathe Ruiz, mais aussi celui du gouvernement fédéral. Nous sommes face à une expérimentation de management social : face à l'insurrection de la contestation, le gouvernement "étudie" jusqu'à quel point il peut emprunter la voie de la répression violente. Seule la réponse combative de la société civile peut arrêter un jeu si pervers et irresponsable. Le 4 mars 2007. Claudio Albertani |
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| Posté le 10-03-2007 à 12:21:42
| OAXACA Selon l'APPO, Lino Celaya a constitué des escadrons de la mort pour attaquer les barricades Un fonctionnaire accusé d'avoir assassiné des militants dans l'Oaxaca a été destitué. Il sera remplacé par Sergio Segreste, l'ancien président de la Commission de l'Oaxaca des droits fondamentaux des personnes. Pour Zenén Bravo, il s'agit d'une manœuvre pour éviter qu'il reçoive la sanction qu'il mérite. Octavio Velez Ascensio, correspondant. Oaxaca, État d'Oaxaca, le 7 mars. Lino Celaya Luría, directeur du Service de protection des citoyens (Seproci), a été démis de ses fonctions. L'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) affirme que Celaya est responsable de la création des "escadrons de la mort" qui ont assassiné plusieurs militants qui montaient la garde sur les barricades, l'année dernière. Dans son rapport sur l'Oaxaca, la Commission civile internationale d'observation sur les droits humains (CCIODH) désigne le Seproci comme l'une des administrations responsables de la répression dont ont été victimes des sympathisants du mouvement des enseignants et du mouvement populaire de 2006. Iñaki García, porte-parole de la CCIODH, est d'avis que la destitution de Celaya ne suffit pas, car "les auteurs" des arrestations illégales, des tortures et des assassinats "n'ont pas été condamnés". Et d'ajouter : "Cela ne change rien à une situation aussi grave de violations des droits fondamentaux des personnes." Il considère en outre que Sergio Segreste, le nouveau directeur du Seproci, qui était auparavant président de la Commission de l'Oaxaca des droits fondamentaux des personnes, devra répondre des accusations et châtier les responsables de cette répression, "parce que les choses ne peuvent pas en rester là". Zenén Bravo Castellanos, membre du conseil de l'APPO pour l'Oaxaca, pense que la destitution de Celaya "ne constitue nullement une sanction mais correspond plutôt à une manœuvre pour le libérer de ses responsabilités" dans le cadre des violations des droits fondamentaux commises lors de l'étape la plus dure de ce conflit politico-social. Selon certaines sources non autorisées, Lino Celaya Luría, ancien maire d'Oaxaca, ancien secrétaire d'État à l'Intérieur et ancien député national du PRI, remplacera Elpidio Concha Areliano à la tête de la Confédération nationale paysanne (CNC) dans l'Oaxaca. Rappelons qu'Elpidio Concha avait été impliqué dans la mort d'un professeur, en juillet 2004, à la clôture de la campagne électorale de l'actuel gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, à Huautla de Jímenez. La décision du Segob contestée La CCIODH déplore le fait que le ministère de l'Intérieur (SG) ait rejeté son rapport sur les violations des garanties individuelles commises par la police fédérale et par la police de l'Oaxaca au cours du conflit social dans cet État, notamment lors des affrontements de novembre 2006. Mario Escárcega, directeur de l'antenne locale du ministère, rejette le rapport de la CCIODH et affirme que son administration n'a enregistré aucune plainte concernant d'éventuels abus commis à l'encontre de membres de l'APPO. Il enjoint également la Commission de fournir les noms des 23 personnes décédées "afin de pouvoir enquêter". Iñaki García, porte-parole de la Commission, rapporte qu'Escárcega "insiste sur l'absence d'informations en ce qui concerne ces 23 homicides, mais notre rapport fournit toutes les données concrètes à ce sujet : noms, date des faits et circonstances dans lesquelles ils ont eu lieu. C'est du domaine public". Sans compter que "ces chiffres coïncident" avec les données en possession de la Commission nationale des droits fondamentaux des personnes juste avant que la CCIODH remette son rapport préliminaire. La Commission est d'ailleurs disposée à commenter les plaintes pour abus avec Mario Escárcega en personne "et espère recevoir une réponse à ses recommandations avant le départ des derniers membres, qui quittent le Mexique mardi prochain". "Nous souhaitons que Mario Escárcega assume ses responsabilités car c'est à ce ministère qu'il revient de sanctionner de tels abus, attendu que rien n'a changé. Les déclarations ne suffisent pas, il faut des résultats", conclut Iñaki García. Florentino López Martínez, porte-parole de l'APPO, pense que cette administration rejette le rapport de la CCIODH "pour tenter d'éluder ses responsabilités, parce qu'elle a joué un rôle évident dans la répression du peuple de l'Oaxaca avec l'envoi de la police fédérale de prévention". Le même a ajouté : "La mission de la CCIODH jouit d'un grand prestige au niveau international et comme elle a certifié que de graves violations des droits fondamentaux des personnes ont été commises, le ministère de l'Intérieur mexicain voudrait invalider son rapport pour cacher ce qui s'est passé." Escárcega se montre "cynique" dans ses déclarations, parce que les preuves de tortures, d'arrestations arbitraires et d'homicides commis par les forces de l'ordre fédérales et oaxaquiennes ne manquent pas. "Les morts sont là pour le prouver, les personnes torturées, les personnes emprisonnées illégalement. Quelles preuves supplémentaires veut (le gouvernement fédéral) ?" demande pour finir López Martínez. Des affrontements entre la section 22 et la section 59 du SNTE font plusieurs blessés Hiram Moreno et ADN Sureste. Santa Cruz Huatulco, Oaxaca, le 7 mars. Des membres de la section 59 du syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE), une section créée tout récemment, ont affronté à coups de pierres, de bâtons et de machettes des enseignants de la section 22 du même syndicat, avec qui ils se disputent des collèges de l'Oaxaca. Plusieurs personnes ont été blessées, dont un fonctionnaire du gouvernement de cet État et trois journalistes. Vers 17 h 30, ce mercredi, une vingtaine d'enseignants de la section 59 animaient une assemblée de parents d'élèves organisée dans l'école primaire Leona Vicario, dans le district H3 de la commune, quand environ 120 enseignants de la section 22 ont surgi et les ont expulsés, ce qui n'a entraîné qu'un échange d'insultes. Cependant, à l'aide d'un mégaphone, les membres de la section 59 ont demandé le soutien de la population et, quarante-cinq minutes plus tard, ils sont revenus pour tenter de rentrer à nouveau dans l'école. Des agents de la police municipale étaient sur place, sous le commandement de Marco Tulio Solís, coordinateur de la sécurité publique, mais ils n'ont fait qu'assister aux faits. Fernando Franco, délégué du gouvernement pour la région de la Côte, et Fernando Rodríguez, agent municipal de Santa Cruz Huatulco, se sont aussi rendus sur les lieux, mais ils ne purent éviter qu'un affrontement se produise. Pedro Sánchez, sous-délégué du gouvernement de l'Oaxaca, a reçu un coup de bâton assené par un des membres de la section 59 qui lui a cassé deux dents et brisé les lunettes. Omar Gazga, directeur d'un journal radiodiffusé, Reyes Hector Suárez Olvera, correspondant de Televisa à Huatulco, et Antonio García Pérez, journaliste du quotidien Enlace de la Costa, ont également été agressés par des membres de la section 59. En outre, le véhicule de Reyes Hector Suárez Olvera a été endommagé. Étant donné la situation, la section 22 a fait savoir qu'elle suspendra toute activité ce jeudi pour participer aux diverses marches organisées à Oaxaca, selon les informations fournies par Daniel Rosas Romero, secrétaire de presse et de propagande du syndicat. La manifestation commencera à 10 heures du monument en l'honneur de Juárez, à Trinidad de Viguera, en direction de la Place de la Danza. Daniel Rosas a répété que les revendications du syndicat continuent d'être la destitution du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, la libération de tous les prisonniers politiques, le refus des réformes décrétées par la "Ley del Instituto de Seguridad y Servicios sociales de los Trabajadores del Estado" ainsi que la remise des écoles passées au pouvoir de la section 59, entre autres. Le jeudi 8 mars recommencera à émettre Radio Plantón, moyen de communication lié à la section 22 du SNTE et à l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (92,1 FM). |
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| Posté le 15-03-2007 à 17:33:43
| Le mouvement de l'Oaxaca se rassemble au sein d'une initiative sans vocation électorale Voces Oaxaqueñas Construyendo la Autonomía y la Libertad (VOCAL : "Voix oaxaquiennes pour la construction de l'autonomie et de la liberté" ) se veut un lieu de rencontre avec cette partie du peuple de l'Oaxaca qui recherche, sur des bases éloignées de tout électoralisme et des partis, l'autonomie des peuples et des personnes afin de parvenir à un changement profond des institutions politiques de cet État et des structures économiques sur lesquelles il repose. Après l'assemblée de l'Oaxaca qui s'est tenue les 10 et 11 février, on a pu constater qu'il existe au sein de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) deux façons différentes d'appréhender la manière dont on veut poursuivre la lutte dans la conjoncture électorale actuelle. Contrairement à ceux qui, à l'instar du Frente Popular Revolucionario (Front populaire révolutionnaire, FPR) et du Frente Amplio de Lucha Popular (Front large de lutte populaire, FALP), cherchent à se situer avantageusement dans la course électorale, d'autres groupes et organisations ont préféré poursuivre la lutte en marge des institutions gouvernementales et des élections, avec la création d'un lieu devant se construire et se définir à travers le contact "direct" avec les peuples de l'Oaxaca. Pour David Venegas, membre du comité de presse de l'APPO, "le principal objectif de VOCAL est de se rendre partout où existe une lutte et une rébellion pour relier les tentatives de tous les gens qui participent au mouvement social dans l'Oaxaca". Et d'ajouter : "Lors de l'assemblée (de l'ensemble de l'Oaxaca), le désir que le mouvement conserve son indépendance et son autonomie par rapport aux partis politiques est clairement apparu au sein de l'APPO. C'est la ferme conviction de l'APPO de vouloir rester à l'écart du processus électoral, mais aussi la volonté de tous ceux qui n'en font pas partie mais avec qui nous partageons cette façon de penser, qui a débouché sur la création de VOCAL." En effet, VOCAL ne naît pas comme un espace à usage exclusif de l'APPO mais comme une manière de penser la lutte qui veut renouer avec un mouvement oaxaquien éminemment populaire éloigné des institutions et de toute hiérarchie. Pour l'un des membres de la barricade de Cinco Señores, "l'APPO n'a jamais perché dans une assemblée mais dans la rue, sur les barricades et dans les quartiers, chez les gens qui ont cru qu'un changement pouvait avoir lieu. Mais aujourd'hui on voit apparaître la même rengaine de toujours entonnée par une partie des organisations membres de l'APPO qui vont aux élections". Et pourtant, affirme-t-il, "toute l'APPO ne se compose pas de gens qui ne sont mus que par des intérêts personnels, il y en a qui veulent véritablement un changement et qui le démontrent par les positions qu'ils adoptent au sein de l'APPO". Ce qui explique que la convergence entre certains groupes de l'APPO et une partie de ceux qui ont participé au mouvement en restant à l'écart des différentes organisations de l'APPO n'a pas été possible. Il s'agit d'une tentative dans laquelle le combat pour l'autonomie constitue un pilier fondamental. Pour le collectif "Tod@s somos pres@s" (Nous sommes tou(te)s des prisonniers et des prisonnières), "ce sur quoi nous sommes d'accord et notre objectif est de relier les groupes, les individu(e)s, les collectifs et les peuples autonomes ou ceux qui luttent ou qui veulent lutter pour l'autonomie". Selon VOCAL, "nous voyons qu'aussi bien à l'intérieur qu'en dehors de l'APPO la population mobilisée partage cette idée de la nécessité pour notre mouvement de conserver son indépendance et son autonomie envers les partis politiques". Une indépendance qui se fonde sur la défense de l'autonomie et du droit à l'auto-organisation des peuples de l'Oaxaca, en particulier les peuples indigènes ou originels. Il ne s'agit ni plus ni moins que "notre mouvement reste fidèle à ses principes […] pour constituer une alternative réelle d'opposition au système de gouvernement autoritaire actuel". Pour Dolores Villalobos, membre du Conseil indigène populaire de l'Oaxaca-Ricardo Flores Magón (CIPO-RFM), "nous devons réunir toutes les résistances" et "les indigènes ont une grande expérience et peuvent apporter beaucoup à VOCAL en matière d'autonomie", qui est "une des formes qu'adopte la libre détermination des peuples, pour laquelle le peuple indigène s'est toujours battu". Une autonomie qui n'en reste pas là, cependant, et à laquelle il faut ajouter celle que sous-tendent la défense des droits individuels tels que le droit à choisir son orientation sexuelle et dont les partisans sont également invités à participer à VOCAL et à partager leurs expériences de lutte. Un lieu où existent des activités concrètes qui reposeront, selon le collectif "Tod@s somos pres@s", sur deux types d'action : "La première concerne la construction et la consolidation de nos autonomies par la mise en pratique ce que nous pensons que cette société devrait être, il s'agit de se mettre réellement au boulot (assez de discours !) dans des projets qui créent d'autres réalités." La seconde repose sur "l'emploi de la protestation publique et de la mobilisation sociale comme outil populaire de lutte". Au nombre des activités prévues par VOCAL, citons des manifestations dans la capitale, Oaxaca, mais aussi des déplacements pour se rendre dans les différentes communes autonomes et là où existe une lutte quelconque, par exemple contre le Plan Puebla-Panama, afin de pouvoir construire directement et "d'en bas" une proposition commune opposée aux procès politiques et économiques dominants. Sergio de Castro Sánchez http:www.rebelion.org/noticia.php?id=47931 ***************************************************** Oaxaca est debout ! La participation nombreuse et enthousiaste de milliers de manifestants qui sont à nouveau descendus dans la rue en réponse à l'appel de l'APPO, le 3 février dernier, est un signe évident que le mouvement citoyen des "Oaxaqueños" n'a pas été anéanti par la "guerre sale" qui est menée contre lui, pas plus que par l'arrestation de Flavio Sosa, son leader aux yeux des médias. Cette manifestation montre clairement que tant que persisteront les causes profondes ayant engendré l'une des plus grandes mobilisations populaires de l'histoire du Mexique, ni la paix véritable ni la gouvernabilité démocratique ne seront possibles dans l'Oaxaca. L'attitude des manifestants a aussi permis de sentir que les gens ont recommencé à vaincre leur peur, une peur provoquée par la vague des crimes perpétrés par le terrorisme d'État. Peu à peu, le mouvement populaire se réorganise et détermine à nouveau les actions nécessaires pour obtenir la libération des 64 personnes encore emprisonnées dans différentes prisons disséminées dans l'Oaxaca et dans l'ensemble du Mexique, sans oublier pour autant sa principale exigence, la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz, actuel gouverneur de l'État. Cette année, il y aura des élections locales dans l'Oaxaca, ce qui constituera le principal objet de la dispute politique dans cet État. De grands défis devant elle attendent l'APPO. D'un côté, définir de quelle manière elle participera aux élections, alliée au Frente Amplio Progresista (Front large progressiste), peut-être, et éviter au maximum que des scissions et des ruptures aient lieu au sein de l'Assemblée. À savoir : appliquer un de ses principes de base, l'indépendance face à tous les partis politiques, quels qu'ils soient. Elle devra aussi préserver l'unité du mouvement, en tentant de prendre tous les accords par consensus, comme l'exigent les organisations et les peuples indigènes, et ainsi éviter d'être le théâtre d'interminables querelles pour choisir une liste de candidats. D'un autre côté, l'APPO ne doit pas cesser d'encourager toute action qui permette une réelle transformation démocratique de l'Oaxaca et non une simple réforme de façade comme celle que conduit cette commission spéciale discréditée créée par Ulises Ruiz. La réforme de l'État, la convocation d'une nouvelle assemblée constituante et l'élaboration d'un nouveau pacte social qui institue de nouvelles formes de participation citoyenne et établisse clairement les droits des femmes et des peuples indiens doit continuer d'être une priorité de notre mouvement citoyen. La conjoncture électorale ne doit pas faire oublier l'objectif d'une transformation démocratique en profondeur, comme le réclament depuis des mois des milliers de citoyens dans l'Oaxaca. La plupart des observateurs pensent que le plus gros de la répression a terminé ; il n'empêche, il y a encore des dizaines de disparus et de détenus et non seulement les auteurs matériels directs de nombreux assassinats et enlèvements, tels les cadres de la police Manuel Moreno Rivas et Aristeo López, sont toujours en liberté, mais ils occupent toujours dans le cynisme le plus complet les fonctions qui leur ont permis de gruger des centaines de citoyens d'Oaxaca. Ce n'est pas le moment de relâcher notre méfiance, sachant qu'un des principaux combats que devra livrer l'APPO sera de contrecarrer la répression, d'autant plus que d'innombrables mandats d'arrestation continuent d'être en vigueur, qui ont été lancés contre des centaines de dirigeants de la lutte sociale, professeurs, autorités communautaires et militants. La nouvelle vague de répression qui se prépare est incontestablement liée à l'inquiétude du gouvernement d'Ulises Ruiz Ortiz devant le nouvel essor qu'a pris l'APPO, depuis la grande marche du 3 février, et il s'imagine qu'avec de nouvelles arrestations il pourra contenir la révolte citoyenne. Pour finir, un autre défi que doit affronter le mouvement populaire est celui de se réorganiser et de regrouper de nouveaux secteurs, avec leurs revendications spécifiques, sans oublier de poursuivre et d'augmenter la mobilisation citoyenne, en évitant dans la mesure du possible les actions violentes et les provocations. Les méthodes de notre mobilisation démocratique devront prévaloir sur les théories qui prônent l'affrontement violent – qui n'a servi jusqu'ici qu'à faire réprimer de larges secteurs de la population. La situation dans l'Oaxaca a commencé à changer car les cercles gouvernants se montre craintifs et désunis. L'heure est venue pour notre mouvement citoyen de repasser à l'offensive, en profitant des fractures et des affrontements visibles à l'intérieur de la clique d'Ulises Ruiz Ortiz, le démantèlement du CROC, syndicat très agressif affilié au PRI, et la confrontation directe à laquelle nous avons assisté entre le président de la Grande Commission de la magistrature locale et le ministre de l'Intérieur ne constituant qu'un échantillon de sa faiblesse interne. Les 150 derniers éléments de la PFP ont enfin quitté l'Oaxaca et la contention de la révolte citoyenne est maintenant entièrement dans les mains de l'appareil répressif d'Ulises Ruiz, qui présente cependant lui aussi de graves fissures, comme le montre les déclarations publiques de cadres intermédiaires de la police qui ont dénoncé les menaces qu'ils ont reçues de leurs supérieurs. Au cours des mois qui vont suivre, le conflit politique et social patent dans l'Oaxaca ne manquera de s'étendre. Le mouvement populaire est certes face à de grands et sérieux défis, mais on peut être sûr qu'il parviendra à les surmonter, à condition de ne pas abandonner les causes et les exigences qui l'ont fait naître et l'ont alimenté. Le peuple n'oublie pas, le peuple reste vigilant. Carlos Beas Torres "La Jornada", 10 mars 2007. http://www.jornada.unam.mx/2007/03/10/index.php?section=opinion&article=014a1pol Traduit par Ángel Caído.
Message édité le 15-03-2007 à 17:34:26 par Paria |
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| Posté le 15-03-2007 à 17:35:51
| VOIX OAXAQUIENNES CONSTRUISANT L'AUTONOMIE ET LA LIBERTÉ (VOCAL) Les membres actuels de VOCAL sont des individu(e)s autonomes, des collectifs libertaires, des lieux autogérés, des antiautoritaires, des organisations magonistes, des collectifs zapatistes, des groupes anarchistes, des barricadières et barricadiers, des membres de l'APPO et des adhérent(e)s à l'Autre Campagne. Tous et toutes participent à l'actuel mouvement social dans l'Oaxaca. VOCAL se veut un lieu de convergence et d'union des tentatives autonomes du peuple d'Oaxaca en lutte, de tous ceux qui, appartenant ou non à des regroupements tels que l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO), participent activement au mouvement social actuel et veulent que ce mouvement reste fidèle à ses principes d'autonomie et d'indépendance vis-à-vis des partis politiques, en revendiquant l'assemblée souveraine comme la manière la plus juste et la plus harmonieuse pour réussir à nous comprendre, à nous organiser de façon autonome et à nous autogouverner. Un lieu où les accords du peuple ne se fondent ni sur la prédominance de la majorité sur une minorité ni sur aucune autre façon d'imposer son point de vue comme celle communément exercée par le pouvoir de ceux d'en haut, mais sur le respect mutuel entre toutes les composantes du peuple. Dans un tel lieu, nous nous proposons donc de lutter pour construire, consolider et relier des autonomies, estimant que l'autonomie des peuples, des groupes, des collectifs, des individus, des organisations et autres constitue une alternative réelle d'opposition au système de gouvernement autoritaire actuel. L'autonomie entendue comme la construction d'autres réalités montrant qu'il existe une autre manière de changer les choses à la source, dans laquelle les peuples décident de leurs propres modes de vie, et non au sein d'institutions qui ne font que réformer l'oppression et la répression, comme le font les partis politiques qui produisent des tyrans, homme ou femme, des caciques et un autoritarisme chez tous ceux et toutes celles qui y accèdent à travers des postes qui leur confèrent une quelconque autorité. Aussi les activités de VOCAL ne se limiteront-elles pas aux périodes électorales, attendu qu'avec ou sans des élections l'autonomie fait son chemin à travers l'organisation et le projet d'une autre société possible. Au stade actuel du mouvement, tandis qu'une période électorale qui a été présentée comme une possibilité de faire triompher notre lutte est sur le point de commencer, nous pensons qu'il est indispensable que tous les enfants, toutes les femmes, tous les hommes, tous les peuples et régions de notre État qui ont participé d'une manière ou d'une autre à ce grand mouvement, pour revendiquer précisément l'indépendance et l'autonomie vis-à-vis des partis politiques, viennent avec nous renforcer, auprès de tous ceux qui partagent ce point de vue, l'idée que cette circonstance n'est qu'une étape, qu'il nous faudra sortir de cette période d'élection plus fort(e)s et plus mûr(e)s afin d'affronter les assauts des gouvernements du pouvoir au service des intérêts des maîtres de l'argent, les véritables responsables du malheur des peuples, comme Ulises Ruiz Ortiz et Felipe Calderón, notamment. L'assemblée de l'Oaxaca de l'APPO qui s'est tenue les 10 et 11 février 2007 a disposé que l'APPO en tant que mouvement ne participera pas à ces élections, décision qui respecte les principes de l'APPO, en ce sens qu'elle ne se veut pas un parti politique. Il a été convenu que les organisations qui le souhaiteraient seront libres de participer en toute autonomie à ces élections, mais qu'aucun candidat ne pourra utiliser ni le nom ni les liens unissant son organisation avec l'APPO pour faire campagne et que les conseillers [de l'APPO] qui participeraient au processus électoral devront démissionner de façon irrévocable dès l'instant ou leur candidature serait acceptée sur les listes d'un parti politique – la participation de l'APPO à ces élections se limitant exclusivement à appeler à un vote de sanction contre les candidats d'Ulises Ruiz Ortiz et des ses alliés. Nous avons pu constater que, au sein de l'APPO comme en dehors, la population mobilisée partage cette idée de la nécessité de conserver l'indépendance et l'autonomie de notre mouvement vis-à-vis des partis politiques, l'histoire de notre pays ayant largement démontré qu'à différents moments et dans différentes circonstances les partis politiques ont réprimé et censuré les intérêts légitimes du peuple. Dans le cadre des accords convenus, l'APPO a jugé qu'elle ne croyait pas que les partis politiques répondent aux besoins du peuple et a réaffirmé que la lutte du peuple de l'Oaxaca va au-delà de tout processus électoral. Les peuples de l'Oaxaca sont conscients de l'importance de leur mobilisation et de leur organisation comme principal outil pour obtenir la victoire. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut continuer à se mobiliser dans l'ensemble de l'Oaxaca et faire tous et toutes cause commune, rassembler les différentes manières de concevoir la société et la résistance, et que, de par sa diversité et son caractère pluriel, VOCAL est un appel à stimuler encore cette lutte. La fraternité entre enfants, femmes, hommes et le peuple en général ne se réalise pas dans une marche ou dans un meeting, où la différence entre ceux qui prennent toujours la parole et ceux qui ne font qu'écouter existe nécessairement, non, ce lien doit se créer au sein des quartiers, des écoles, des villages, des communautés et des régions, par le débat et par l'action, et c'est au peuple mobilisé qu'il revient d'entamer un tel dialogue, et à l'APPO, aux collectifs et aux personnes qui participent en toute indépendance à cette lutte, mais c'est surtout du peuple qu'émane l'organisation et la possibilité de représention de cette lutte. Nous voulons ce qui aujourd'hui aux yeux des gouvernements et des patrons criminels et exploiteurs constitue le pire des délits : nous voulons la justice et la dignité, nous voulons ne plus avoir peur d'exprimer nos idées, nous voulons ne plus être victimes de ségrégation pour la couleur de notre peau, notre pensée, notre langue ou nos goûts, nous voulons des aliments sains que nous obtenons par notre travail et ne plus être volés par les riches, nous voulons employer notre énergie créatrice pour le bien commun, nous voulons la libération de nos prisonniers et de nos prisonnières. Nous voulons la liberté de choisir notre façon de vivre et que personne ne nous impose ses mensonges, sa violence et sa manière de gouverner, et nous savons que ce que nous voulons est correct et juste. Nous voudrions devenir frères et sœurs dans cette lutte par en bas, avec tous ceux et toutes celles qui, à la ville ou dans l'arrière-pays, ont comme nous opposé résistance à tous les maîtres du pouvoir et de l'argent, nous voulons jumeler nos expériences de lutte avec le moindre recoin de notre État, nous voulons dialoguer et échanger avec toutes les femmes et tous les hommes de l'Oaxaca. Les Afro-Mexicain(e)s, Zapotèques, Mixtèques, Huaves, Triquis, Chatines, Chontales, Mixes, Mazatèques, Chinantèques, Cuicatèques, Ixcatèques, Choches, Nahuas, Amuzgos, Zoques, Tacuates, et des habitant(e)s des "colonias", des barricadiers et barricadières, des enfants, des instituteurs et institutrices, des ouvriers et ouvrières, des paysan(ne)s, des migrant(e)s, des émigrant(e)s, des jeunes, des étudiant(e)s, des homosexuel(le)s, des bisexuel(le)s, des lesbiennes. Tous ceux et toutes celles qui se battent pour un monde meilleur. Traduit par Ángel Caído. |
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| Posté le 22-03-2007 à 13:40:53
| Oaxaca de Juárez, État d'Oaxaca, le 16 mars 2007. Au peuple de l'Oaxaca. Aux peuples du monde, Avec ce bulletin, nous voulons dénoncer et éclaircir les faits survenus le 15 mars, Journée internationale de protestation contre la brutalité policière. Dans le cadre des journées contre la brutalité policière organisées par "Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad" (VOCAL), hier, à 16 heures, un meeting avait lieu devant le siège de la Commission des droits de l'homme de l'Oaxaca. Ce rassemblement a aussitôt été décrié par Mme Jennifer Aguilar, qui, sans consultation préalable des bases de l'APPO, a désavoué la manifestation et a pris à partie organisateurs et participants, qu'elle a qualifiés de troupes de choc du gouvernement, de partisans du PRI, de nervis, de groupes violents et d'infiltrés cherchant à diviser le mouvement actuel dans l'Oaxaca. Sachant que la grande diversité d'opinions et de pensée qui existe au sein de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) fait qu'il est peu probable que cette assemblée désavoue cette forme de protestation, la situation nous a énormément surpris. Les déclarations de Mme Jennifer Aguilar ont entraîné l'intervention musclée des forces de l'ordre commandées par Aristeo López, chef de la police municipale, qui a été vu inspectant en plusieurs occasions les lieux en cyclomoteur. Cette intervention totalement disproportionnée était visiblement prête à être déclenchée en vue de réprimer la manifestation, la police encerclant le lieu du rassemblement, et a débouché, pendant plus d'une demi-heure, sur la persécution dans les rues de la ville de personnes qui abandonnaient les lieux. Les déclarations de Mme Jennifer Aguilar constituent une tentative manifeste de criminalisation de la jeunesse et de tous ceux qui cherchent la manière de changer les choses sans passer par des élections et des structures hiérarchiques autoritaires qui essaient de manipuler le mouvement actuel. Nous répétons que VOCAL est un regroupement qui veut écouter et jumeler les peuples en résistance, les communautés traditionnelles et autres mouvements autonomes dans l'Oaxaca, à travers le travail sur place, l'échange entre les peuples et la manifestation pacifique de nos idées. Comme le démontrent les activités culturelles – ateliers de peinture pour les enfants et les jeunes, tags, musique, danse folklorique, fresques murales, projection de la vidéo "Pesadilla Azul" (Cauchemar bleu), théâtre de rue, performance et veillée populaire – que nous avons organisées avec le peuple de Zaachila et avec sa radio communautaire, le 14 mars. La grandeur et la légitimité du mouvement populaire se doivent à la participation honnête et spontanée du peuple qui s'organise de lui-même et prend l'initiative des protestations, comme on a pu le voir avec la participation radicale du peuple lors des occupations et de la levée de barricades, de sorte qu'aucune organisation ni aucun individu autoritaires prônant les structures hiérarchiques ne peut monopoliser la lutte et l'insatisfaction sociale, car on court en outre le risque que ces organisations justifient aux yeux du gouvernement la répression contre celles et ceux d'Oaxaca qui ont choisi de lutter de manière autonome et indépendante. Nous demandons à tous les peuples de l'Oaxaca, du Mexique et du monde de soutenir et de montrer leur solidarité avec l'espace autonome de lutte qu'est VOCAL et au sein duquel nous recherchons, de manière fraternelle et coude à coude avec l'ensemble du peuple de l'Oaxaca, à faire destituer et châtier le tyran Ulises Ruiz Ortiz et à réaliser un changement profond et véritable pour le bien de nos peuples de l'Oaxaca, dans le respect de l'autonomie et des us et coutumes des peuples et des personnes. Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad (VOCAL) vocal@riseup.net Traduit par Ángel Caído. |
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| Posté le 25-03-2007 à 21:56:28
| Violente répression contre un campement de l’appo a mexico Rappelons que la mairie de mexico est dirigée par un maire du Prd de manuel lopez obrador un soit disant parti de gauche Dans la nuit du 18 au 19 mars, environ 400 policiers de la ville de Mexico (PRD, centre gauche), ont procédé à l’expulsion du campement de la APPO (Assemblée populaire des peuples de Oaxaca), situé depuis plus de cinq mois sur une des places du centre historique de la capitale. Ces occupants réclament la démission d’Ulises Ruiz, gouverneur de l’état de Oaxaca, la libération des prisonniers politiques et que la lumière soit faite sur la répression terrible qui s’est abattue sur Oaxaca. Une soixantaine de personnes environ – dont beaucoup de femmes et d’enfants de la communauté Triquis – était présents lorsque l’opération policière a débuté. Face à un tel déséquilibre des forces, les occupants n’ont pu que rester impuissants. Alors que la police déployait ses troupes, des hommes armés de barres et de petites machettes sont entrés sur la place occupée et ont saccagé violemment le campement, détruisant systématiquement les affaires des membres de la APPO en proférant des injures racistes. Il est clair que les autorités locales ont eu recours à des hommes de main pour faire le « sale boulot » à la place de la police. Lorsque ces mercenaires ont discrètement quitté les lieux, ils ont été vu à bord d’une camionnette blanche appartenant à la municipalité. Après que le secteur ait été bouclé pour empêcher à quiconque d’entrer et d’assister à l’expulsion musclée, les éboueurs de la ville sont arrivés avec d’immenses camions bennes pour « nettoyer » les lieux. La majorité des affaires a été saisie pour être détruite (des tentes, des ordinateurs, du matériel d’artisanat, des matelas, etc). Cantonnés à l’extérieur du périmètre contrôlé par la police, les membres de la APPO sont resté unis et ont montré leur détermination a toute épreuve. Malgré le froid et la fatigue ils ont tenu toute la nuit tête à la police en criant des slogans et en allumant à plusieurs reprises des feux. Dans la nuit, deux personnes au moins ont été blessés lors d’accrochages : un policier et Gustavo Sosa (frère de Flavio Sosa, un des leaders de la APPO toujours en prison). Lundi matin 19 mars, ni la police, ni les membres de la APPO ne s’étaient retirés du lieu. La APPO a annoncé son intention de réoccuper les lieux et de continuer à lutter. Une politique de « nettoyage » du centre historique. Il y a 5 mois, l’installation du campement sur cette place où se trouve la chambre des sénateurs s’est faite avec l’accord des autorités municipales de Mexico. Or le prétexte utilisé aujourd’hui pour déloger le campement est qu’il est devenu un repère de vendeurs ambulants. Ce qui est évidemment faux. Cette décision d’expulsion n’est rien d’autre qu’un geste politique fort visant à mettre un terme définitif à la révolte des peuples de Oaxaca. La position extrêmement ferme adoptée par la municipalité dite de gauche à l’encontre de l’APPO doit être replacée dans le contexte d’une politique plus globale visant à « nettoyer » le centre historique de la ville de Mexico. Officiellement, il s’agit de lutter contre la contrebande et le narcotrafic. Officieusement, il existe une volonté claire de vider et de nettoyer le centre ville de ces pauvres, de ces commerçants ambulants et des gens qui luttent. En lieu et place de toute cette population qui survit grâce aux revenus de l’économie informelle, Ebrard, le gouverneur de Mexico veut permettre l’implantation de commerces normalisés (les grandes chaînes de magasins qui poussent comme des champignons à Mexico). Slim, puissant homme d’affaire mexicain et connu comme l’un des hommes les plus riches du monde, a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaitait partir à la conquête du centre historique. Pour mener à bien leur funeste projet, les autorités locales devront faire face à la fronde des dizaines de milliers de petits commerçants qui peuplent le centre ville, bien déterminés à ne pas s’en laisser chasser. Le quartier populaire de Tepito, considéré comme le quartier le plus chaud du Mexique, haut lieu du narcotrafic et de la contrebande est déjà entré en résistance après que les expropriations aient commencé le mois dernier. Les autorités et la police sont déjà sur le pied de guerre et savent que le petit peuple de Tepito s’organise et est prêt à résister. Une manifestation des habitants du quartier est prévue jeudi 23 mars contre les expropriations et pour la défense de leur lieu de vie et de leur dignité. Affaire à suivre donc. |
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| Posté le 04-04-2007 à 20:57:56
| Notes d'information sur Oaxaca et le Mexique Oaxaca, 1er avril 2007. Amparo pour les frères Sosa L'actualité strictement oaxaquègne est plutôt calme, ce qui va nous permettre de développer un peu des aspects qui lui sont liés indirectement. Les frères Sosa, Flavio et Erick, viennent de bénéficier d'un amparo ("protection"), pour l'un des procès contre eux. Il s'agit d'une sorte d'habeas corpus, reconnaissant qu'il n'y a pas de charges suffisantes pour leur maintien en prison. Les juges reconnaissent ainsi qu'il n'y a pas de preuves qu'ils aient volé un camion-citerne et une excavatrice (on aura compris qu'il s'agit de matériel réquisitionné par la population pour former les barricades). Erick pourrait sortir bientôt. Flavio, qui a été l'un des porte-parole les plus visibles de l'APPO, a encore cinq autres procès sur les reins, mais son avocat espère obtenir sa libération dans les dix jours. Excès d'optimisme ? Ah oui, autre chose : deux membres du PRI viennent d'être arrêtés ! Il s'agit du maire de San Bartolomé Ayautla et d'un dirigeant de la 59e section du SNTE, la section jaune montée de toutes pièces par Elba Ester Gordillo pour tenter de faire contrepoids à la 22e section oppositionnelle. Les priistes occupent encore indûment 70 écoles, où ils font faire la classe par des gens non qualifiés. Selon les accords signés en octobre, ils auraient dû les rendre aux vrais instit's, mais ils s'y refusent. Dans leur élan, ils avaient séquestré le responsable à l'éducation du gouvernement d'Ulises Ruiz. Là, ça faisait carrément désordre, d'où l'arrestation. Bah, ils seront sûrement bientôt en liberté… Retraites : la mobilisation continue Le système de sécurité sociale mexicain, assez proche du nôtre, même s'il laissait de côté les millions de travailleurs du secteur informel, a été souvent présenté comme une des plus grandes conquêtes de la Révolution. Cela explique sans doute l'attachement que lui manifestent les Mexicains et la vigueur des protestations face à sa démolition par la récente loi de "réforme" de l'ISSSTE (Institut de Sécurité et Services Sociaux des Travailleurs de l'Etat) adoptée à la sauvette cette semaine. La journée de protestation du 27 mars a été des plus massives, aussi bien à Mexico que dans tous les Etats de la Fédération. Si les enseignants, à l'appel de la Coordination Nationale des Travailleurs de l'Education (CNTE, qui regroupe les sections oppositionnelles à la direction du SNTE) étaient venus par gros bataillons, ils n'étaient pas seuls, loin de là. Les travailleurs de la Santé étaient aussi descendus en masse, de même que d'autres secteurs, regroupés dans l'Union Nationale des Travailleurs (UNT), à laquelle appartient par exemple le combatif Syndicat Mexicain des Electriciens (SME). A l'issue de la manifestation de la capitale a été plébiscitée par la foule la mise sur pied d'une Coordination Nationale de Grève. Il semble bien qu'on s'oriente vers une grève nationale illimitée qui commencerait le 2 mai. Ce serait une grande première au Mexique : le verrouillage mis en place par le PRI grâce à son système de syndicats charros à la botte du pouvoir l'avait jusqu'ici toujours empêché. Mais certains travailleurs ont préféré battre le fer tant qu'il était chaud. Les protestations, avec arrêts de travail, ont continué à peu près toute la semaine. Dans l'Etat de Guerrero, à l'appel de l'Assemblée Populaire des Peuples du Guerrero (APPG), ils ont même envahi le Congrès local. Sans qu'on puisse en jurer — on ne connaît pas par cœur la liste des sections oppositionnelles du SNTE — il semble bien que ces actions soient aussi le fait de sections en principe tenues en main par la Gordillo, mais qui cette fois se rebellent. Chiapas, Oaxaca, Guerrero, Michoacán, Zacatecas, Chihuahua, Durango, Tlaxcala, Hidalgo… La liste des Etats mobilisés est longue. Dans le Zacatecas, 40 % des écoles publiques ont déjà entamé un "arrêt de travail indéfini". Les néo-cons désignent leurs ennemis : les Indiens. Le 27 mars dernier, José María Aznar, ex-chef du gouvernement espagnol de 1996 à 2004 et membre du Parti Populaire (PP) fondé par l'ancien ministre de Franco Fraga Iribarne, a présenté à Madrid son (petit) livre intitulé Amérique Latine, un agenda de liberté. Il y expose la doctrine que, selon lui, doivent suivre les dirigeants latino-américains proches de ses idées, ceux qu'il appelle fièrement — en espagnol dans le texte — los "neocon". Remarquons que Manuel Espino, chef du Parti d'Action Nationale (PAN) du président mexicain FeCal (Felipe Calderón), a participé à l'élaboration. La prétention d'Aznar à se poser en maître à penser peut faire sourire : il est de notoriété publique que, sur le plan intellectuel, ce n'est pas une flèche… Cependant, si on se souvient que le leader mondial de la droite dure est un certain G.W. Bush, pourquoi pas Aznar, après tout ! Le "livre", en fait une grosse brochure de 98 pages, met en garde contre la menace permanente des "ennemis de l'Occident". Ces nouveaux ennemis, puisque la gauche est, selon lui, hors course depuis la chute du mur de Berlin, sont au nombre de trois : "l'islamisme djihadiste", "l'altermondialisme" et "les différentes manifestations d'indigénisme" ; et ils "font partie d'une alliance diffuse, mais opérationnelle". Il y a là quelque chose de nouveau. Se donnant pour héritier du libéralisme politique du XIXe siècle, le néolibéralisme n'avait jamais osé, jusqu'ici, s'en prendre directement et nommément au mouvement indigène. Bolívar ne voulait-il pas émanciper les Indiens ? Il est vrai que les mesures qu'il avait prises à l'époque dans ce sens avaient eu des résultats allant du nul au catastrophique, car elles ne tenaient pas compte – involontairement ? – des traditions communautaires indiennes. Il n'empêche qu'aujourd'hui, dénoncer ouvertement le mouvement irrésistible des peuples natifs vers la reconnaissance de leur égalité et de leurs droits, notamment à s'autogouverner, est plutôt gonflé. Cela marque un retour en arrière d'au moins quinze ans, quand, à l'occasion du V° centenaire du premier voyage de Christophe Colomb, l'expression "découverte de l'Amérique" (qui niait jusqu'à l'existence des Indiens) avait été remplacée par "rencontre des deux mondes". C'est aussi un clair aveu de racisme au nom de la "supériorité de l'Occident" : cela signifie, crûment, qu'il y a des cultures qui valent moins que d'autres, et qu'elles doivent pour cela se soumettre aux cultures "supérieures". Mais au-delà du caractère scandaleux et brutal de telles affirmations, il semble au rédacteur de ces lignes qu'Aznar ne se trompe pas d'ennemi. Quand nous défendons, en Europe, l'idée qu'un autre monde est possible (ou que d'autres mondes sont possibles), nous invitons nos concitoyens à imaginer, à rêver à quelque chose qui n'a encore jamais existé ou presque. D'où le scepticisme si fréquent : "ça ne marchera jamais !". Quand les Indiens affirment qu'un autre monde est possible, ils ne demandent pas d'imaginer, ils démontrent : non seulement il est possible, mais il existe, regardez-le, c'est le nôtre. Les Indiens sont aujourd'hui, sur le plan mondial, les seuls à pouvoir fournir à l'échelle de masse un contre-modèle au capitalisme : celui d'un monde fondé sur la solidarité, la coopération, la démocratie directe, le respect de l'environnement, l'usage raisonné et raisonnable des ressources naturelles… Cela n'est pas vrai seulement au Chiapas et à Oaxaca, on le voit aussi à plus petite échelle dans bien d'autres Etats du Mexique (cas d'Atenco, par exemple), et également à plus grande échelle en Bolivie et en Equateur. Des processus allant dans le même sens ont commencé ailleurs, même si on en parle peu : Pérou, Colombie, Guatemala, sud du Chili, Nicaragua… Aznar a donc raison quand il voit dans "l'indigénisme" le pire ennemi du capitalisme. Son existence même est sans aucun doute ce qui se fait aujourd'hui de plus subversif. D'autant que les mouvements indiens comprennent de plus en plus que ce monde qui est le leur ne peut exister à côté du monde capitaliste, car celui-ci prétend à la domination globale et veut donc étouffer tous les autres. En même temps, Aznar menace clairement : en mettant dans le même sac altermondialisme, indigénisme et terrorisme, il annonce que c'est fini de rire. Il ne s'agit plus de "démocratie", mais "d'état de droit", nuance ! Or, dans le droit actuel, il est une valeur qui écrase toutes les autres : la propriété. C'est justement celle que les Indiens rejettent en premier. Tous ceux qui mettent en péril l'état de droit doivent s'attendre aux foudres divines de l'Etat tout court, cette "bande d'hommes armés au service du capital", comme disait l'autre… |
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| Posté le 25-06-2007 à 20:46:24
| OAXACA, UN AN PLUS TARD LE MIROIR DU MEXIQUE "La guerre, c'est la paix, la liberté, c'est l'esclavage, l'ignorance, c'est la force." George Orwell ("1984" ) "La paix règne à Oaxaca et on et respire un climat de tranquillité." Ulises Ruiz, le 10 mai 2007. Un an après le conflit des enseignants qui a éclaté dans l'Oaxaca, cet État est le miroir du Mexique. La droitisation que connaît le pays avance à pas de géant, mais la rébellion aussi, qui cherche, et parfois trouve, de nouveaux chemins. La pauvreté dans laquelle vivent environ 67 % des Oaxaquègnes (2 349 570 habitants, sur un total de 3 506 821, selon les données officielles) et l'inégalité sociale "sont deux éléments qui les empêchent de participer activement à la société", affirme la Banque mondiale (1). Creuset de cultures indigènes et métisses, les dernières années ont vu Oaxaca, la capitale de l'État du même nom, se transformer en une immense vitrine pour touristes qui rapporte beaucoup d'argent aux investisseurs locaux, mexicains et étrangers, mais très peu au commun des habitants. Avec l'arrivée d'Ulises Ruiz Ortiz (URO) au poste de gouverneur, fin 2004, cette situation a encore empiré, inaugurant un nouveau cycle autoritaire caractérisé par l'emploi arbitraire des deniers publics, l'augmentation du narcotrafic, la destruction du patrimoine historique et naturel, la persécution des moyens de communication indépendants et la répression sous toutes ses formes. Brute maladroite et sans pitié, le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz doit son poste non pas au verdict des urnes mais à la fraude électorale, comme le président Felipe Calderón. LES GUERRES D'URO Loin d'être un reliquat du passé, le despotisme qui règne dans l'Oaxaca résume et à la fois révèle les contradictions aiguës du Mexique d'aujourd'hui. Certains vont jusqu'à évoquer à ce sujet un processus larvé de fascisation (2). Sans entrer dans un tel débat, le fait est que la droite archaïque et oligarchique actuellement au pouvoir a entrepris une modernisation agressive et discriminatoire, qui va de pair avec l'émergence d'une vague de subversion sociale inédite qui la met en péril. Cette droite ne recule devant rien. Elle ne prétend à aucune légitimité et n'a que faire de la concertation, elle cherche uniquement à s'enrichir et à perpétuer sa propre existence. Dans l'Oaxaca et ailleurs, son programme reste inchangé : démanteler les derniers vestiges de l'État du contrat social, soumettre le pays aux nécessités du capital multinational et en finir avec tout ce qui ressemble de près ou de loin à la gauche. Les nuances politiques et les guerres intestines – car il y en a – importent donc peu puisque, dès que le besoin s'en fait sentir, de telles disputes n'empêchent pas cette droite de rallier non seulement le PAN, mais une bonne part du PRI et même de ladite gauche institutionnelle. Le maintien d'URO dans ses fonctions et l'appui qu'il a reçu de la part de deux exécutifs fédéraux consécutifs (celui de Vicente Fox et celui de Felipe Calderón) ne tranchent en rien sur le panorama mexicain actuel : les premiers mois de la nouvelle administration du PAN se caractérisent en effet par la militarisation des principales régions indigènes du pays, par les nombreux assassinats perpétrés par l'armée et par la demande effectuée par le gouvernement mexicain auprès de son homologue nord-américain de lancer au Mexique un "Plan Colombie", sous le prétexte de lutter contre le narcotrafic (3). Quant à l'arbitraire dont fait preuve le gouverneur de l'Oaxaca, un avant-goût en avait été donné dès le lancement de sa campagne électorale. Le 27 juillet 2004, en effet, lors d'un meeting de propagande tenu à Huautla de Jiménez, ses sbires ont battu à mort Serafín García, un enseignant, dont le seul délit était de s'opposer à sa candidature. Comme beaucoup d'autres, ce crime est resté impuni (4). Le jour des élections, le 1er août, par trois fois le dépouillement du scrutin s'écroula comme un château de cartes, dans le chaos le plus complet, aussi "Todos Somos Oaxaca" ("Nous sommes tous Oaxaca"), une coalition dirigée par Gabino Cué, demanda-t-elle officiellement l'annulation de la "victoire" d'URO – surnommé le "mapache mayor" (5) ("le Grand Mapache"). En pure perte : les jeux étaient faits et tout semble indiquer que le poste de gouverneur constituait le paiement de la dette contractée avec la guerre sale qu'URO avait supervisée quelques années auparavant au Tabasco contre Andrés Manuel López Obrador, ennemi juré de Roberto Madrazo, l'aspirant du PRI à la candidature à l'élection présidentielle. Quoi qu'il en soit, la première action du nouveau gouverneur fut de déclencher une autre guerre, cette fois contre un journal local indépendant, "Noticias de Oaxaca", jugé coupable du crime de dissidence. Le 17 juin 2005, des nervis menés par David Aguilar, député affilié au PRI et "dirigeant syndical", faisaient irruption dans les locaux de ce quotidien. Devant le refus de la rédaction de se joindre à une prétendue "grève", les assaillants ont retenu sur place pendant plus d'un mois les 31 journalistes qui s'y trouvaient (6). Malgré tout, "Noticias de Oaxaca" continua de paraître car les otages sont parvenus à envoyer des informations par Internet et le journal put être imprimé à Tuxtepec, à plus de 200 kilomètres d'Oaxaca. Quand la police de Ruiz Ortiz voulut intercepter les camionnettes qui transportaient les imprimés, le propriétaire du journal, Ericel Gómez, loua un petit avion pour que les vendeurs de rue puissent aller le chercher directement à l'aéroport, avec l'aide du syndicat des enseignants. La bataille ne s'acheva pas là, le tirage fut considérablement réduit mais "Noticias de Oaxaca" réussit finalement à survivre à la persécution des autorités. Du coup, le journal s'est visiblement radicalisé et il est devenu le quotidien le plus vendu de l'État de l'Oaxaca. URO essuyait ainsi sa première défaite. Un autre signe avant-coureur est l'attaque qu'a subie Santiago Xanica, une communauté indigène zapotèque en pleine Sierra Sur, en lutte depuis des années pour faire respecter ses droits collectifs. En décembre 2004, quelques jours seulement après la prise de fonctions d'URO, l'armée a commencé à patrouiller dans la localité et, le 15 janvier 2005, la police préventive de l'Oaxaca tira sur environ 80 indigènes qu'elle prit dans un feu croisé alors qu'ils effectuaient des travaux communautaires aux abords du cimetière. Abraham Ramírez Vázquez, dirigeant du Comité pour la défense des droits indigènes (Codedi), fut grièvement blessé lors de cette embuscade. Partant du principe que, au temps des assassins, ce sont les victimes qui sont coupables, ce combattant social fut arrêté sans autre forme de procès et croupit toujours à l'heure actuelle dans les geôles de la prison de Pochutla (7). Peu après, URO s'est embarqué dans un réaménagement au coût exorbitant et néfaste, écologiquement parlant, du zócalo d'Oaxaca, la grand-place, travaux qui lui ont valu l'antipathie de la classe moyenne locale mais lui a permis d'engraisser substantiellement le compte en banque de ses proches. Dès la fin mai 2006, on comptait déjà près de soixante-dix prisonniers politiques dans l'Oaxaca. N'étant pas satisfait, le gouverneur fit tirer sur la section 22 du Syndicat national des travailleurs de l'enseignement (SNTE), qui rassemble environ 70 000 membres et s'appuie sur une longue tradition de luttes indépendantes. Depuis des années, à l'approche du Jour des instituteurs (le 15 mai), les enseignants installent un "plantón", un piquet de grève-rassemblement, dans le centre-ville d'Oaxaca, pour émettre leurs revendications. Les habitants s'en plaignent et ronchonnent mais leur refusent rarement leur sympathie. Catalyseurs de la conscience sociale, pleinement dévoués à leur travail et fins connaisseurs des réalités locales, ils jouissent d'un grand respect dans cet État du Mexique. Cette année-là, ils exigeaient le réajustement de leur maigre salaire pour toucher ce qui est en vigueur dans le reste du pays, une revendication qui débordait donc le cadre de l'Oaxaca pour impliquer aussi les autorités fédérales. Cependant, au printemps 2006, toute négociation devint subitement impossible : URO menaça ouvertement les enseignants et essaya de monter l'une des fractions du mouvement contre l'autre, tandis que le gouvernement fédéral du PAN ne voulut rien savoir de cette affaire, pensant en profiter pour porter un coup sérieux au PRI. Le "plantón" a commencé le 22 mai, sans provoquer de réponse particulière de la population. Encouragé par ce peu d'écho, le 14 juin, URO ordonna l'expulsion, comptant sur un effet surprise. À 4 h 50 du matin, appuyés par des hélicoptères lançant des grenades au gaz toxique, des agents de différents corps de police attaquèrent les manifestants, tirant sur les gens désarmés. Non contents de la panique causée parmi la population, les policiers ont cassé tout ce qui leur tombait sous la main, y compris le siège de Radio Plantón, la station de radio des enseignants. L'attaque s'est soldée par 200 blessés, sans compter un nombre indéterminé de disparus. URO manifestait ainsi le talent qui est le sien pour répondre à l'insatisfaction sociale, comme l'avait fait Enrique Peña Nieto, gouverneur – du PRI, lui aussi – de l'État de Mexico, à Atenco, quelques semaines auparavant, avec la collaboration enthousiaste de l'exécutif fédéral du PAN (8). À la veille de l'élection présidentielle, le gouverneur de l'Oaxaca transmettait donc le message émis par son chef, Roberto Madrazo : le PRI est le parti de l'ordre. Dès cet instant, les élections étaient entachées de sang. L'INCENDIE Ce qui est arrivé ensuite montre à nouveau clairement que, quand les puissants se montrent trop avides, ils finissent par aller à l'encontre de leurs intérêts (9). La population, qui était restée passive jusque-là – si ce n'est ouvertement hostile –, changea totalement d'attitude et se précipita dans la rue pour se solidariser avec les enseignants. Ces derniers, regroupés pour affronter les forces de l'ordre avec des pierres et des bâtons, étaient maintenant aidés par des universitaires, par des organisations sociales et par des habitants. En quelques heures, la foule enflammée reprit le zócalo et réinstalla le "plantón", au grand dépit d'Ulises Ruiz. Immédiatement, les instituteurs désavouèrent le gouverneur et exigent depuis lors sa démission, condition préalable et non négociable à une résolution de ce conflit salarial. Le 16 juin, une gigantesque marche rassemblant près de 300 000 personnes démontra le poids social des enseignants. La population – étudiants, mères et pères de famille, travailleurs, fonctionnaires, et même commerçants – accueillait le cortège avec des applaudissements et quand quelqu'un a levé une banderole qui disait "À bas Ulises !", tout le monde a applaudi. Au même moment, une manifestation de l'Union des communautés indigènes de la zone nord de l'Isthme (Ucizoni) avait lieu à Matías Romero, bloquant pendant plusieurs heures la route transisthmique. Ces deux événements annonçaient ce qui allait bientôt avoir lieu : les "mégamarches" à Oaxaca, la capitale, et la ramification du mouvement dans l'ensemble de l'État. Le mouvement allait prendre un tour décisif avec la formation, le 18 juin, de l'Asamblea Popular del Pueblo de Oaxaca (APPO : Assemblée populaire du peuple de l'Oaxaca), qui rassembla, outre les instituteurs, quelque 350 organisations de toute sorte : syndicats, collectifs libertaires, vieux groupements de la gauche marxiste-léniniste, organisations citoyennes, indigènes, travailleurs, artistes, étudiants et individus sans affiliation à un parti. L'APPO naissait donc sur l'initiative des instituteurs, dans l'idée de canaliser le soutien social vers leur mouvement de revendication, mais elle allait bien vite dépasser ce simple cadre. Le 20 juin, ses membres s'accordèrent sur la création d'une direction collégiale provisoire formée de trente personnes, dans le but de faire front commun "pour entamer une lutte prolongée jusqu'à obtenir la dissolution des pouvoirs, la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz et l'instauration d'un pouvoir populaire" (10). Bien que le terme de "pouvoir populaire" puisse faire grincer des dents, étant donné les expériences passées qu'il pourrait évoquer, il exprime la volonté de transformer les conditions de vie en établissant les bases d'une nouvelle relation entre société et gouvernement. Rapidement, des commissions internes telles qu'une commission de presse, une commission des barricades et une commission de propagande ont été créées. "Nous avons commencé à constituer un réseau d'organisations et pour toute action envisagée la base devait être consultée, la base des instituteurs et celles de l'APPO elle-même (11)." À ce stade, les revendications salariales et corporatives étaient désormais reléguées au second plan face à l'exigence du départ d'Ulises Ruiz, revendication qui posait à son tour une exigence de démocratisation. Pour Gustavo Esteva, trois courants démocratiques distincts (12) ont convergé au sein de l'APPO. Le premier lutte pour une démocratie formelle : comment améliorer les conditions de représentation ; comment en finir avec les pièges et les fraudes du système électoral, éviter la manipulation des médias et garantir un fonctionnement des institutions digne d'un État de droit. Ces revendications sont très fortes dans l'Oaxaca et nettement présentes au sein de l'APPO. Un deuxième courant envisage une démocratie participative : soit le renforcement de l'initiative populaire, l'instauration de formes juridiques telles que le référendum et le plébiscite, la possibilité de révoquer tout mandat et l'accès à ce qui est appelé "budget participatif", autrement dit le fait que les travaux et services publics s'effectuent en consultant systématiquement les habitants et non pas de façon arbitraire. Le troisième, que l'on pourrait dénommer démocratie radicale, dit : nous n'avons nul besoin d'aucun pouvoir politique installé là-haut ; nous pouvons éventuellement avoir besoin de coordination à des fins administratives, mais rien de plus. Ce courant-là lutte pour une société dans laquelle la loi émane de l'autonomie individuelle et collective de tous les êtres humains. Il s'agit là d'un courant transversal qui s'inspire au Mexique des pratiques des peuples indigènes, mais aussi des luttes urbaines et de l'anarchisme. Pour reprendre les paroles de David Venegas "El Alebrije" [figure chimérique multicolore, de bois ou de papier mâché peint dans l'artisanat populaire oaxaquègne], membre du conseil de l'APPO, incarcéré depuis le 13 avril 2007 à la prison d'Ixcotel, "[…] il est possible de vivre et de coexister dans un ordre social émanant de la volonté collective, et non pas imposé par un gouvernement étranger aux intérêts et aux besoins de nos peuples, un ordre social au sein duquel les valeurs dominantes […] sont la fraternité, la solidarité, la coopération et la défense communautaire et non plus un ordre social reposant sur la peur du châtiment, de l'autorité, du qu'en-dira-t-on ou de la prison (13)". David Venegas se réfère ainsi à la volonté d'auto-organisation et d'autogouvernement des masses qui ont rejoint le mouvement et au désir de créer un monde nouveau à partir des entrailles du vieux monde. Outre que de telles aspirations expliquent le débordement des syndicats et des organisations marxistes-léninistes qui a eu lieu, elles continuent également de constituer la meilleure garantie pour que le danger de fascisation se heurte à une barrière infranchissable. Loin d'être extrémiste, la "démocratie radicale" est une position réaliste, en ce sens qu'elle s'appuie sur les faits. Elle n'est pas non plus "partisane", attendu qu'elle ne s'identifie à aucune organisation en particulier. Elle n'en est pas moins consciente de ne pas être une position dominante dans l'ensemble du pays. Au Mexique, il existe une caricature de démocratie formelle et un soupçon de démocratie participative, tandis que la démocratie radicale s'exprime notamment au sein des communautés indigènes, chez les zapatistes et, en tant qu'aspiration, dans certaines luttes urbaines. "Donc, conclut Esteva, en ce qui nous concerne, nous coexistons avec les deux premiers courants, parce que nous vivons au Mexique. Nous ne prétendons pas nous séparer du Mexique. C'est là que nous sommes et nous allons accepter certains aspects de la démocratie formelle, mais nous allons tenter de faire les choses à notre façon." LA FÊTE Fin juin 2006, au sein de l'APPO, c'est non seulement une multiplicité d'organisations qui allaient converger, mais aussi des manières différentes de concevoir les choses, une pluralité d'individus et de sensibilités qui renvoient d'une certaine façon à la vieille tradition libertaire du magonisme, encore bien vivante dans l'Oaxaca. À mesure que l'indignation augmentait, le mouvement gagnait en force, en créativité et en richesse. À l'élection présidentielle du 2 juillet, l'APPO prôna un vote de désaveu contre Ulises Ruiz. Même si beaucoup de membres se sont prononcés clairement en faveur de l'abstention – et malgré les habituelles manipulations et subterfuges –, le résultat a été sans appel : Andrés Manuel López Obrador remporta le scrutin avec une très large majorité et le PRI fut relégué en troisième position, du jamais vu dans cet État. La suite des événements forme une histoire très controversée qui reste à raconter dans le détail, nous n'en retiendrons ici que quelques temps forts. Dès le début, l'APPO s'inspira des pratiques démocratiques des Zapotèques, des Mixtèques, des Mixes, des Amuzgos et autres peuples aborigènes. D'où le changement opéré dans son nom – quelque peu anachronique –, qui passa d'"Assemblée populaire du peuple" (au singulier) à celui d'"Assemblée populaire des peuples" (au pluriel), ce qui vise plus d'un objectif. En effet, l'idée d'"assemblée" se référant aux pratiques autogestionnaires qui continuent d'exister dans 80 pour cent des 570 communes de l'Oaxaca, il fallait donc aussi relever le fait que ces assemblées possèdent des expressions nombreuses et variées. Oaxaca, la capitale de l'État, est elle-même, entre autres, une métropole indigène, dont plusieurs des colonias, les quartiers, sont essentiellement habitées par des migrants qui vont et viennent entre leurs villages d'origine et la ville. Un grand nombre d'entre eux ont rejoint les protestations ; certains étaient instituteurs, mais la plupart étaient des artisans et des vendeurs ambulants (14). Apprenant ce qui se passait, les communautés indigènes rejoignirent également le mouvement, auquel elles ont apporté leur immense expérience et la liste de leurs innombrables griefs : misère, oppression, marginalisation, caciquisme, spoliation, oubli… Dans le même temps, des jeunes de la ville dont l'identité collective se construit dans les quartiers, dans leur musique, dans l'habillement et dans l'art ont accouru eux aussi. "[…] des groupes exclus et marginalisés, et pas seulement par le gouvernement, tels que les prostitué(e)s, les homosexuels, les lesbiennes et autres amours, qui sont venus participer, quoique de manière réduite", parvenant ainsi à ce que "leurs propres griefs s'ajoutent au cri collectif de justice et de liberté pour tous et toutes" (15). De juin à octobre 2006, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue au cours d'une douzaine de "mégamarches" de proportions absolument inouïes. Ensemble, elles ont forgé une lutte plurielle au sein de laquelle plusieurs secteurs de la société ont appris à coexister, sans renoncer pour autant à leurs différences et à leurs particularités. Ensemble, elles ont relégué Ulises Ruiz à la clandestinité, éclipsant dans les faits tous les pouvoirs institués. Ensemble, elles se sont emparées des administrations, elles ont créé des organes de gouvernement autonome et fait administrer la justice par "l'Honorable Corps des Topiles", milice populaire qui s'inspire de la tradition indigène (16). Ce ne fut pas un mouvement de classe au sens traditionnel, la classe ouvrière étant quasi inexistante dans l'Oaxaca (17). À la rigueur, un mouvement de mouvements. Des gens brandissant des drapeaux avec une faucille et un marteau marchaient à côté des couleurs de la Vierge de Guadalupe et du fanion du A cerclé de l'anarchie, mais un plus grand nombre s'identifiaient par leur appartenance territoriale : quartier, colonia ou communauté. Ce ne fut pas non plus uniquement un mouvement local : "Ce que nous entreprenons aujourd'hui existe aussi grâce à ce qui s'est fait en Équateur, au Brésil et en Argentine. Nous avons suivi avec intérêt tout ce qui a eu lieu en Amérique latine, mais aussi aux Etats-Unis, avec nos compañeros émigrés (18)." Bien que les médias n'aient pas tardé à dénicher quelqu'un à qui faire porter le chapeau, comme Flavio Sosa, par exemple, l'APPO n'a pas non plus été un mouvement de leaders. Lors d'une interview que j'ai réalisée quelques jours avant qu'il ne soit arrêté, Flavio Sosa lui-même démentait le rôle qu'on lui attribuait : "Quand on a commencé à entendre cette histoire, quelqu'un a aussitôt fait une affiche qui disait "ce mouvement n'est pas un mouvement avec des dirigeants, c'est un mouvement des bases", et l'a signé comme groupe. Tout de suite après, des petits malins ont ajouté au-dessous, à la main : "ce n'est pas un mouvement de dirigeants ; et pas non plus de groupes" (19)." Ce fut encore moins un mouvement qui cherchait à s'emparer du pouvoir, en dépit des délires staliniens de certains des participants. C'est ce qu'indique clairement, par exemple, un bombage que l'on pouvait lire vers la fin octobre 2006 près de la rue Tinoco y Palacios, dans le centre historique d'Oaxaca : "Ils veulent nous obliger à gouverner, nous n'allons pas tomber dans cette provocation." Qu'est-ce que cela signifie ? Gustavo Esteva répond pour nous : "Ça veut dire que ça ne nous intéresse pas de s'emparer de ce gouvernement ; ça veut dire que ce gouvernement est une structure de domination qui sert à contrôler les gens et que nous ne voulons pas avoir une telle fonction (20)." Confrontés aux atrocités commises par URO, les gens ont entamé un processus innovateur d'auto-organisation et, pendant de longs mois, Oaxaca a connu cette expérience singulière d'une vie sans gouvernement et sans bureaucratie, ouverte au dialogue et à l'innovation. La sagesse collective a su s'imposer pacifiquement aux "convois de la mort", aux disparitions forcées et aux exactions amplement dénoncées, preuves à l'appui, par des organismes de protection des droits humains fondamentaux mexicains et étrangers. Comme cela se passe dans une authentique révolution sociale, beaucoup de gens ont découvert dans le cours de l'action des capacités qu'ils ignoraient posséder. La participation des femmes fut très intense. Certaines d'entre elles, qui avaient pourtant voté pour le PRI, ont acquis une nouvelle conscience en participant au mouvement. L'une de ces femmes, très âgée, agissant complètement seule et armée de sa seule dignité rebelle, s'empara d'un autobus pour le mettre au service de la cause. Et c'est un collectif de femmes qui a fait fonctionner la télévision vingt jours durant, démontrant si besoin était que la communication alternative est possible. On ne peut négliger d'analyser le rôle des médias occupés et détournés car ils ont constitué le fer de lance de cette mobilisation. L'occupation de douze stations de radio commerciales et celle de Canal 9, la chaîne de télé locale, n'étaient au départ que de simples mesures défensives qui suivaient la destruction de Radio Plantón et les dégâts causés à Radio Universidad, les seules voix indépendantes de la ville. Mais il est évident que le mouvement ne se serait pas développé aussi rapidement sans la radio, ce qui constitue une importante leçon à retenir, à dans l'Oaxaca comme ailleurs. Il y a eu beaucoup de speakerines à la radio. L'une des plus connues, la doctora Berta – aujourd'hui célèbre dans le monde entier –, médecin et âgée de cinquante-huit ans, assurait les émissions de Radio Universidad jour et nuit, buvant tasse sur tasse de café et fumant ses cigarettes Delicados. Elle n'en sortait que pour aller s'occuper des victimes de la répression. J'ai pu la voir personnellement, qui distribuait de l'eau aux manifestants à bord d'une ambulance de la Croix-Rouge. Nous avons tous appris à reconnaître sa voix un peu rauque qui communiquait avec calme et sérénité les besoins urgents des manifestants tandis que pleuvaient sur eux les balles et les gaz. Le 3 novembre, au lendemain de la bataille de la cité universitaire qui vit la défaite humiliante de la PFP, elle m'avait confié : "À Radio Universidad, comme avant à celle de La Ley, à Radio Plantón ou à Canal 9, la communication est comme il faut qu'elle soit: dans les deux sens, le téléphone ouvert à tous et des connexions via Internet pour l'étranger. Si un bonhomme arrive et me dit qu'il veut envoyer un message, eh bien, faites donc, entrez et envoyez votre message. Les gens viennent ici et disent les choses avec leurs propres mots, avec leur propre pensée, mais de toute façon les gens sont très objectifs. Ils ne parlent peut-être pas bien l'espagnol, mais ils savent ce qu'ils veulent. Personne ne pourra plus stopper un truc pareil (21)." Il a beaucoup été question des barricades, dans lesquelles on a voulu voir une preuve de la "violence" exercée par l'APPO. En réalité, les barricades ont été une mesure défensive, pour contenir ce que l'on a appelé les "convois de la mort" qui assassinaient des gens. C'était des convois de camionnettes de la police judiciaire de l'Oaxaca auxquelles on avait ôté les plaques d'immatriculation et qui circulaient de nuit, en ouvrant systématiquement le feu contre les passants. Le 21 août, après l'assassinat de Lorenzo Sanpablo, un architecte, des hommes, des femmes, des enfants et des vieux ont commencé à dresser des barricades, en cercles concentriques, dans toute la ville mais en particulier dans les quartiers périphériques, les plus exposés à la violence des tueurs. De nuit, les barricades étaient montées et, de jour, elles étaient retirées. Il y a eu au moins 1 500 barricades, mais il faut bien avouer que personne ne les a comptées et que nous ne connaîtrons jamais leur nombre exact. Les gens qui les gardaient n'appartenaient pas toujours à l'APPO, c'étaient parfois des citoyens comme les autres et des ménagères qui manifestaient de la sorte leur sympathie avec le mouvement. Chaque matin, ils partaient travailler, mais ils passaient des nuits entières sans dormir à protéger une barricade – et, au passage, à vivre une véritable fête collective (22). À mon sens, c'est uniquement ce côté festif qui justifie la comparaison qui a été faite avec la Commune de Paris, révolte qui fut elle-même définie comme "la plus grande fête du XIXe siècle". Cela dit, au bout du compte la Commune d'Oaxaca a connu le même isolement que son illustre prédécesseur : il n'y a pas eu au Mexique – pas plus qu'à l'étranger – de grandes mobilisations en soutien à l'APPO. Ajoutons que les habitants d'Oaxaca ne parlent pas de "commune" mais de "communalité" (comunalidad), terme qui renvoie aux pratiques indigènes locales (23). Ce qui est sûr, c'est que les jeunes des barricades qui ont livré les combats de rue n'étaient ni des "professionnels" ni des militants au sens traditionnel du terme. C'était le peuple, purement et simplement – et même des enfants des rues, comme celui que l'on peut voir dans une vidéo filmée par le collectif Mal de Ojo (24) –, des gens qui ne savaient rien de la guérilla urbaine et qui se sont formés à la faveur des événements. ET MAINTENANT ? Le grand mouvement social qui a ébranlé la société oaxaquègne est un des événements les plus importants de l'histoire récente du Mexique, uniquement comparable avec l'insurrection zapatiste de 1994. La réponse populaire aux abus d'Ulises Ruiz fut aussi inattendue que massive, imaginative et prometteuse. À l'écologie de la peur, les Oaxaquègnes ont répondu par l'écologie de la fête, qui est profondément enracinée dans la tradition locale. Contre les délires du pouvoir, les habitants ont réaffirmé leur droit au tyrannicide non violent, incarné par le slogan "Ya cayó, Ulises ya cayó" ("Ça y est ! Il est tombé, Ulises est tombé !"). L'APPO est le résultat d'une longue accumulation progressive d'expériences historiques – faite d'erreurs et de réussites – qui convergent dans l'objectif commun de démocratiser les structures du pouvoir. Même si on a pu voir que le sens de cette démocratisation est encore en discussion, il n'en reste pas moins que c'est l'axe autour duquel s'est aggloméré un mouvement multiforme qui ne peut être saisi en partant des analyses marxistes traditionnelles ou sociologiques. "Car ce qui est en train de s'ébaucher [à Oaxaca] se situe dans la lignée de la Commune de Paris et des collectivités andalouses, catalanes et aragonaises de 1936-1938, où l'expérience autogestionnaire jeta les bases d'une nouvelle société", écrivait Raoul Vaneigem dans un appel à la solidarité internationale avec le mouvement, publié au Mexique par le journal "La Jornada" (25). Vaneigem a raison, en ce sens que ce qui s'est passé à Oaxaca en 2006 est riche d'espoir pour tous ceux qui sont en quête d'alternatives à la barbarie dominante, au Mexique comme ailleurs. Cependant, il est tout aussi vrai que la répression a anéanti ces mêmes espoirs. Je n'évoquerai pas ici le calvaire vécu par le peuple de l'Oaxaca à partir du 27 octobre 2006, date de l'assassinat du journaliste Brad Will à Santa Lucía del Camino et du massacre d'un nombre indéterminé de personnes à Santa María Coyotepec. La meilleure source d'informations à ce sujet reste encore le rapport de la CCIODH que nous avons cité et dont les membres déclarent dans leur conclusion : "La Commission considère que les faits survenus dans l'Oaxaca constituent le maillon d'une stratégie juridique, policière et militaire comportant des éléments psychosociaux et communautaires qui visent en dernière instance à obtenir le contrôle des populations civiles et à les soumettre à la terreur dans des zones où l'on assiste au développement d'une organisation des citoyens ou de mouvements d'un caractère social hors des partis (26)." J'ai participé à cette commission et je peux témoigner de ce que cette conclusion est non seulement modérée, mais qu'elle reste en dessous de la réalité. Bien que nous ayons pu vérifier qu'il y avait eu au moins 23 victimes mortelles jusqu'à la dernière quinzaine du mois de janvier 2007 (toutes du côté du mouvement), nous n'avons pas pu nous informer avec exactitude du grand nombre de disparitions survenues depuis le début du conflit. Pourquoi ? Parce que la terreur est telle que les gens n'ont pas osé dénoncer la disparition de leurs proches, pas même devant un organe aussi digne de confiance que la CCIODH. Les abus commis par les forces publiques de l'ordre n'ont été ni des "excès" ni des "erreurs", mais une expérience d'ingénierie sociale froidement calculée dans laquelle les pouvoirs fédéraux ont agi en coordination totale avec les pouvoirs locaux. Quels objectifs poursuivaient-ils ? Peut-être bien mesurer la dose de répression qu'un peuple est capable de supporter sans que la situation ne leur échappe. Armando Bartra le dit fort bien : "[…] se préparer à affronter des masses furieuses, c'est supposer qu'elles vont apparaître (27)." À Oaxaca, les masses ont fait leur apparition, et, comme en Amérique centrale dans les années 1980, le but de l'opération a été d'"ôter l'eau au poisson" (comme le prônent les manuels de contre-insurrection), de semer la terreur et de montrer au citoyen quelconque ce qui peut lui arriver s'il sort du rang. La condamnation inouïe à une peine de soixante-sept ans de prison qui a été récemment prononcée contre Ignacio del Valle, Felipe Álvarez et Héctor Galindo – dirigeants du Front des communes pour la défense de la terre (FPDT) d'Atenco –, coupables au même titre que leurs frères de l'Oaxaca de l'effroyable crime de dissidence, projette une ombre sinistre sur le Mexique de Calderón (28). Quel bilan peut-on tirer de sept mois de contre-insurrection ? La terreur continue, quoi qu'en disent les lénifiantes déclarations officielles. Les prisonniers sont libérés de manière purement arbitraire et au compte-gouttes, poursuivant la même stratégie contre-insurrectionnelle qui les avait fait arrêter (29). Une retraite progressive des masses a eu lieu et, tandis que les voix qui participaient de la pluralité se taisaient, les groupes de la vieille gauche ont gagné du terrain, terrain qu'ils ne possédaient pas auparavant. Ou, plutôt, terrain que leurs membres possédaient, mais en tant que participants légitimes du mouvement et non en tant que dirigeants de tel ou tel groupe. Parmi eux, certains travaillent d'arrache-pied pour transformer l'APPO en une organisation politique centralisée de type stalinienne. On l'a vu par exemple lors du Congrès constitutif de l'APPO (du 10 au 12 novembre 2006) ou au cours de l'"Assemblée populaire des peuples du Mexique" – tentative en grande partie échouée d'"exporter" le modèle de l'APPO –, quand un membre éminent et connu du Front populaire révolutionnaire (FPR) affirma sans aucune réserve que "le mouvement d'Oaxaca est un mouvement de dirigeants (30)". Aux traditionnelles querelles qui opposent les vieilles organisations accumulant trente ans de défaites successives est venue s'ajouter à partir de février de 2007 la division sur la question des élections, à savoir : participer ou non aux élections locales ayant lieu fin juin. Un "bloc électoral" s'est formé à l'intérieur de l'APPO, (FPR, FALP, NIOax, etc.), qui a aussitôt engagé une bataille à mort contre le bloc en faveur de l'abstention (VOCAL, CODEP, CIPO, POS, etc.). Le bloc électoral s'est à son tour fracturé, en raison de conflits internes portant sur qui allait empocher telle ou telle candidature et sur les listes de quel parti. Au bout du compte, personne n'a récolté grand-chose car le PRD, avec son habituelle générosité, ne leur a cédé qu'une seule candidature. Par contre, les dégâts qui en résultent ont une portée incalculable. L'une de ces conséquences est très probablement l'arrestation de David Venegas – membre du conseil de l'APPO, élu par le secteur des barricades –, membre de VOCAL, libertaire et prônant l'abstention. David Venegas a été arrêté par la police le 13 avril, alors qu'il se rendait à une réunion de l'APPO, sous l'accusation fantaisiste de possession de 30 grammes de cocaïne et de deux sacs contenant de l'héroïne. Quelques semaines plus tard, il lançait de la prison de graves accusations contre plusieurs dirigeants connus du bloc électoral, à qui il attribue la responsabilité de son emprisonnement. Sans vouloir entrer dans le vif de la question, il se trouve que David Venegas a été arrêté sous le même chef d'accusation que celui que ces dirigeants avaient fait circuler contre lui, avant son arrestation (31). Qui plus est, au mois de mars, dans le cadre de sa contre-offensive, la police avait "semé" des explosifs à proximité de ce qui avait été la barricade de Brenamiel, où El Alebrije s'était illustré, l'existence de tels explosifs ayant immédiatement été démentie par David dans une conférence de presse (32). Les choses étant ce qu'elles sont, il serait vain de vouloir chercher les organisations pures et de vouloir séparer les "bonnes" des "mauvaises" ou les "révolutionnaires" des "réformistes". De telles distinctions ne tiennent pas aux organisations elles-mêmes, elles les traversent en tout sens. Même chez les staliniens du FPR on trouve des compañeras et des compañeros de valeur. Redonner de l'élan au mouvement n'est pas plus une affaire ethnique. Il ne fait aucun doute que la contribution des indigènes est fondamentale, mais eux non plus ne sont pas immunisés contre la corruption ou contre la funeste séduction de la politique professionnelle, comme plusieurs d'entre eux me l'ont dit personnellement. David Venegas suggère que "si le canal que l'APPO lui offre […] est par trop étroit et limité, ce peuple héroïque saura chercher et trouver le chemin de son émancipation (33)". Un diagnostic sévère, mais qui ne semble pas s'éloigner outre mesure de la réalité. Malgré tout, tout n'est pas perdu. À Oaxaca, une question court les rues : comment faire renaître le moment magique que l'on a vécu l'an dernier ? Il n'y a que les femmes et les hommes qui ont participé à ce mouvement qui pourront trouver la réponse. En attendant, le 14 juin, 100 000 personnes sont redescendues dans la rue pour exiger la démission d'Ulises Ruiz Ortiz, et le 18, les enseignants de la section 22 ont repris leur plantón. Non, Oaxaca n'est pas en paix. Mexico, District fédéral, le 20 juin 2007, CLAUDIO ALBERTANI Notes 1. Cité par Luís Arellano Mora dans "Oaxaca: la pobreza en cifras" ("Oaxaca, les chiffres de la pauvreté"): http://www.transicionoaxaca.com.mx/index.php?option=com_content&task=view&id=42&Itemid=75 2. Carlos Fazio, "¿Hacia un estado de excepción?" ("Vers un État d'exception?" ) La Jornada, le 4 décembre 2006. 3. La Jornada, le 9 juin 2007. On se reportera également au viol et meurtre d'Ernestina Ascensión, une femme âgée, dans la Sierra de Zongolica, au Veracruz (La Jornada, le 27 février), ainsi qu'au massacre d'une famille de cinq personnes dans le Sinaloa, coupables de "ne pas s'être arrêtés à un barrage de police" (La Jornada, le 3 juin 2007), qui constituent un véritable modus operandi. 4. Cf. Commission civile internationale d'observation pour le respect des droits humains (CCIODH), Rapport sur les événements de l'Oaxaca (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/quinta/informe_oaxaca_cas.shtml 5. Au Mexique, "mapaches" n'est pas seulement le nom donné aux ratons laveurs, il désigne aussi les vendus qui réalisent les fraudes électorales : manipulant les bulletins de vote déposés dans les urnes, ces spécialistes transforment une défaite en victoire ou annulent la victoire d'un parti, généralement un parti de l'opposition. 6. Interview d'Ismael Sanmartín Hernández, directeur de Noticias de Oaxaca, réalisée le 29 décembre 2006. 7. Cf. mexico.indymedia.org/tiki-download_file.php?fileId=62 ; la répression ne s'est pas arrêtée là car le 18 juin 2007, comme le dénonce l'Alliance magoniste zapatiste, à Xanica, les sbires d'URO ont enlevé Cesar Luís Diáz, membre du conseil de l'APPO et du Codedi. 8. San Salvador Atenco est une commune de la vallée de Mexico, qui s'opposa victorieusement en 2002 à la construction d'un aéroport sur les terres communales. En guise de représailles, elle subit en mai 2006 une véritable attaque en règle de l'armée mexicaine, qui fit deux morts et plusieurs dizaines de blessés et se solda par 150 arrestations, 28 personnes étant aujourd'hui encore emprisonnées. Cf. Commission civile internationale d'observation pour les droits humains, Rapport préliminaire sur les événements d'Atenco, 2006 : (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/cuarta/informe_preliminar.htm 9. Pour cette rapide reconstruction des faits, je me fonde sur les interviews que j'ai réalisées personnellement, sur le Rapport sur l'Oaxaca, op. cit., et sur le récit de Gustavo Esteva lors d'une "Session d'analyse du mouvement social dans l'Oaxaca. Dialogue entre des membres d'organismes civils et des institutions académiques d'Oaxaca et de la ville de Mexico", Université de la Terre, Oaxaca, le 18 mars 2007. 10. La Jornada, le 19 juin 2006. 11. Interview de Miguel Linares Rivera réalisée par Hernán Ouviña, ville de Mexico, le 29 octobre 2006 : http://www.espacioalternativo.org/node/1731 12. Interview de Gustavo Esteva, Université de la Terre, Oaxaca, le 3 novembre 2006. 13. David Venegas Reyes, "Alebrije", lettre écrite de la prison d'Ixcotel, le 23 avril 2007 : http://chiapas.indymedia.org/display.php3?article_id=144954 14. Interview de Nicéforo Urbieta, le 3 mai 2007. 15. David Venegas, lettre citée. 16. Dans les communautés indigènes, les topiles, sortes d'agents, sont élus en assemblée et, investis du bâton de commandement, exercent sans rémunération la justice. Ils ne sont pas armés. 17. Ce qui a entraîné la critique virulente d'un groupe anarchiste qui a vu dans l'APPO un mouvement de la petite bourgeoisie (!). Cf. "Oaxaca: APPO y el reformismo de siempre" ("Oaxaca : l'APPO, le réformisme de toujours" ) : http://argentina.indymedia.org/news/2006/11/463625.php 18. Miguel Linares Rivera, interview citée. 19. Interview de Flavio Sosa, le 4 novembre 2006. 20. G. Esteva, interview citée. 21. Interview de la docteur Berta Muñoz, Oaxaca, Cité universitaire, le 3 novembre 2006. 22. "Las barricadas fueron la manera en que el pueblo mantuvo al mouvement" ("C'est par les barricades que le peuple a maintenu en vie le mouvement"), interview de "Drak", pseudonyme d'un membre du Conseil de l'Oaxaca de l'APPO et de la barricade de Soriana : http://lavoladora.net/content/view/690/82/ 23. Pour en savoir plus sur le concept de comunalidad dans les communautés indigènes de l'Oaxaca, cf. Benjamin Maldonado, La comunalidad indígena ("La "communalité" indigène" ) : http://www.antorcha.net/biblioteca_virtual/politica/comunalidad/comunalidad.html 24. Ce collectif a effectué un excellent travail de compilation des événements d'Oaxaca. Cf. www.maldeojotv.net 25. Raoul Vaneigem, "Appel d'un partisan de l'autonomie individuelle et collective", publié en espagnol dans La Jornada, le 11 novembre 2006, et en français sur le site du CSPCL : http://ouvaton.org/article.php3?id_article=387 26. CCIODH, "Conclusions et recommandations préliminaires": (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/quinta/070120_inf_conclusiones_recomendaciones_cas.shtml. 27. Armando Bartra, "El tamaño de los retos" ("La dimension des défis"), revue La Guillotina Nº 56, printemps 2007. 28. La Jornada, le 6 mai 2007. 29. Selon Noticias de Oaxaca du 9 juin 2007, il ne reste que 6 détenus et environ 20 mandats d'arrêt émis contre des membres de l'APPO, auxquels il faut ajouter un nombre indéterminé de prisonniers politiques à l'occasion d'autres conflits, en particulier dans la région des Loxichas et à Santiago Xanica. 30. 11 et 12 novembre 2006, locaux du Situam, Mexico DF. 31. David Venegas, lettre du 15 mai 2007 : http://www.vocal.lunasexta.org/davidvenegas/carta-de-david-15-de-mayo.html 32. La Jornada, le 14 avril 2007. 33. David Venegas, le 23 avril, lettre citée. |
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| Posté le 17-07-2007 à 15:59:57
| Nous avons reçu, à 10 heures ce matin, cette chronologie des événements d'hier, 16 juillet, dans la ville d'Oaxaca. Nous en remercions les auteurs. 8:00 De nombreuses personnes arrivent à la place centrale (zocalo) de la ville d'Oaxaca. 10:30 La manifestation commence. 11:35 Les premiers affrontements ont lieu, pierres et bâtons contre gaz lacrymogène et matraques. 11:45 Les forces anti-émeute bloquent la manifestation et isolent ses premières lignes, formées d'universitaires. Une partie de la manifestation a réussi à entrer dans l'amphithéâtre de la Guelaguetza officielle. Les affrontements continuent, les détenus sont brutalement frappés. 12:30 à 14:00 Les affrontements continuent. La police d'Oaxaca reçoit le renfort de la Police fédérale préventive (PFP). Du côté des manifestants, la résistance diminue. En effet, les dirigeants de la section XXII du Syndicat des enseignants ont commencé la Guelaguetza populaire au niveau de la place de la Danza et la majorité des gens s'y concentre. 13:15 On rapporte 40 manifestants blessés, 20 policiers blessés et plusieurs détenus. 5 camions ont été incendiés. L'arrière de la manifestation a été durement attaqué et a dû se replier. Dans le jardin d'El Llano des personnes sont détenues. La situation reste tendue. 20:15 La mort d'Emeterio Cruz est confirmée. Il était hospitalisé suite à l'impact d'une grenade lagrymogène. Les autorités ont voulu le transférer. C'est lors du transfert qu'il a perdu la vie. 21:45 La Radio Disturbio confirme le décès de Raymundo Torres des suites de blessures provoquées par une grenade lacrymogène. 22:43 Les listes officielles et celles des organisations civiles ne coïncident pas. L'APPO compte 62 détenus. 22:54 La direction de la section XXII du Syndicat des enseignants se désolidarise des manifestants. 22:55 La police occupe le zocalo de la ville d'Oaxaca. 22:57 Des barrages policiers sont installés à l'entrée de la ville d'Oaxaca et sur la route Tehuacán-Oaxaca. 23:10 3 hélicoptères de la PFP viennent d'arriver à l'aéroport d'Oaxaca. 23:10 La radio Oaxaca libre est privée de transmission. 23:10 Les taxis ne prennent plus personne. Liste provisoire de détenus : SILVIA GABRIELA HERNÁNDEZ SALINAS, LOURDES HERNÁNDEZ HERNÁNDEZ, EDITH GONZÁLEZ, JOSÉ LÓPEZ MARTÍNEZ, GABRIEL IVÀN VIRGEN, SAÙL MARTÌNEZ PÈREZ, SERGIO YAHIR MARTÌNEZ, JULIÁN CONSTANTINO MARTÌNEZ SÁNCHEZ, IGNACIO MARTÌNEZ PÈREZ, ARMANDO AGUSTÍN CARRIEDO CHÀVEZ, CARLOS YAHIR BALDERAS GARCÌA, JUAN MANUEL CRUZ RÌOS, GARCÌA HERNÀNDEZ "X", JOAQUIN VICENTE, JESUS LOPEZ MARTINEZ, JORGE LUIS MARTINEZ, JUAN CARLOS CRUZ, EDILBERTO LLESCAS AGUILAR, PABLO PEREZ HERNANDEZ, GENARO HERNANDEZ, JOAQUIN ISRAEL VICENTE CRUZ Vous pouvez envoyer vos messages de protestation à : Presidente FELIPE DE JESÚS CALDERÓN HINOJOSA Residencia Oficial de los Pinos Casa Miguel Alemán Col. San Miguel Chapultepec, C.P. 11850, México DF Tel: +52 (55) 27891100 fax: +52 (55) 52772376 felipe.calderon@presidencia.gob.mx Licenciado Francisco Javier Ramírez Acuña, Secretario de Gobernación, Bucareli 99, 1er. piso, Col. Juárez, Delegación Cuauhtémoc, México D.F., C.P. 06600, México, fax: +52 (55) 5093 3414 frjramirez@segob.gob.mx Ambassade du Mexique 9 rue de Longchamp - 75116 Paris Tel 01.53.70.27.70 fax 01.47.55.65.29 Site internet http://www.sre.gob.mx/francia/ Consulat du Mexique & Office du tourisme 4, rue Notre-Dame-des-Vicoires - 75002 PARIS Tel 01 42 61 51 80 fax 01.42.86.56.20 fax 01 42 86 56 20 Consulat honoraire : Toulouse 35 rue Ozenne - 31000 Toulouse Tel 05.61.25.45.17 fax 05.61.55.01.55 Consulat honoraire : Strasbourg 19a rue Lovisa - 67000 Strasbourg Tel 03.88.45.77.11 fax 03.88.45.87.69 Consulat honoraire : Lyon 3 chemin des Cytises - 69340 Francheville Tel 04.72.38.32.22 fax 04.72.38.32.29 Consulat honoraire : Le Havre Société Georges Vatinel 58 rue de Mulhouse - 76600 Le Havre Tel 02.35.26.41.61 fax 02.35.25.18.92 Consulat honoraire : Fort-de-France 31 rue Moreau de Jonnes - 97200 Fort-de-France Tel 05.96.72.58.12 fax 05.96.63.18.09 Consulat honoraire : Bordeaux 11-15 rue Vital Carles V- 33080 Bordeaux Tel 05.56.79.76.55 fax 05.56.79.76.66 Consulat honoraire : Barcelonnette 7 avenue Porfirio Diaz - 04440 Barcelonnette Tel 04.92.81.00.27 fax 04.92.81.33.70 Plus d'information : http://cml.vientos.info http://mexico.indymedia.org http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/ http://oaxacalibre.org/ http://www.larabiosaradio.org Radio Disturbio : http://www.giss.tv:8000/radiodisturbio.ogg.m3u Photos : http://cml.vientos.info/node/9919 Vidéo : http://oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/
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| Posté le 19-07-2007 à 11:50:33
| MANIFESTE DE LA DEUXIÈME RENCONTRE ANARKOGALAKTIKE SUITE À LA NOUVELLE VAGUE DE RÉPRESSION À OAXACA Aujourd'hui 16 juillet 2007, aux alentours de 10 heures du matin, des incidents eurent lieu pendant la marche organisée dans la ville d'Oaxaca afin d'inaugurer la Guelaguetza populaire et boycotter, par la même occasion, la Guelaguetza officielle mise en place et appuyée à la fois par le gouvernement d'Ulises Ruiz et par plusieurs multinationales qui participent au développement d'une politique néolibérale et impopulaire. Cette marche avait été préalablement convoquée par de nombreuses associations, collectifs et individu-E-s du peuple d'Oaxaca. Des les premiers pas de la manifestation, la police s'est montrée omniprésente, surveillant, intimidant et arrêtant plusieurs participants. Plus tard, des affrontements eurent lieu pendant le trajet lorsque la police a commencé à lancer des pierres et des gaz lacrimogènes, provoquant la dispersion du rassemblement. Profitant du mouvement de foule, la police s'est alors approchée pour encercler, frapper et arrêter violemment une soixantaine de companer@s. A l'heure de la traduction de ce communiqué (mardi 17 juillet, vers 10 heures), une liste officielle confirme la comparution à la Procuraduria de Oaxaca de 40 personnes qui sont en train de faire leur déclaration. Parmi celles-ci, quatre reçoivent toujours des soins médicaux, dont notre compagnon Emeterio Merino Cruz Vazquez, touché par l'impact d'un explosif lancé par la police. Nous recevons également la confirmation de la détention de Silvia Gabriela Hernandez Salinas, étudiante en sciences sociales à l'Université Benito Juarez d'Oaxaca, incarcérée dans la prison de Tlacolula. Silvia, continuellement menacée et torturée pour son engagement au sein du collectif Voix d'Oaxaca pour la construction de l'autonomie et la liberté (VOCAL). La mise en place de ce dispositif répressif se produit au moment où le mouvement populaire de l'Oaxaca commence à reprendre des forces et à se repositionner comme une force de lutte sociale efficace. Cette récente attaque est un nouvel exemple de la militarisation croissante à laquelle doivent faire face les différentes luttes organisées à travers le pays. Le présent communiqué provient de la seconde rencontre anargalaktike qui a lieu en ce moment à San Cristobal de Las Casas, Chiapas. Y participent des companer@s mexicain-E-s et internationaux-ALES qui travaillent à la mise en place d'une coordination permettant d'intégrer des travaux et des propositions organisatrices, afin de fortifier le mouvement anarchiste et de pouvoir, à notre tour, non seulement nous solidariser avec le peuple de l'Oaxaca mais également agir de manière concrète, pour répondre à une analyse critique et intégrale de la situation actuelle. A travers ce communiqué, les différentes organisations, collectifs et individu-E-s présents manifestent leur dégoût et leur refus de la pseudo-politique de sécurité mise en place par la dictature militaire du PAN, à la tête de laquelle se trouve actuellement Calderon - main dans la main avec le PRI et le PRD. Cette politique répressive, organisée dans l'ensemble du pays, se développe de façon brutale et inhumaine dans l'État d'Oaxaca. En tant que mouvement libertaire nous ne cesserons jamais de lutter contre les politiques criminelles d'un État qui cherche à terroriser la société, emprisonnant, réprimant, assassinant et éliminant finalement tout espace nécessaire à une lutte critique et efficace permettant l'auto-organisation et l'autodétermination de l'ensemble de la société. Nous nous solidarisons avec le peuple de l'Oaxaca et exigeons le retour immédiat et en bonne santé des personnes disparues, comme nous exigeons la liberté de tou-TE-s les prisonnier-E-s politiques que le gouvernement maintient derrière les barreaux alors que leur unique délit fut de lutter pour une véritable transformation d'un peuple digne et rebelle. Nous lançons un appel au mouvement libertaire, à l'Autre Campagne, à la société en général et à la communauté internationale à la mobilisation générale le 18 juillet prochain et à l'organisation de différentes activités nous permettant de dénoncer la situation actuelle et de manifester notre solidarité ; le 19 juillet, nous appelons à la réalisation d'actions locales pour protester contre la répression et s'aligner avec le Forum contre la répression afin de stopper la guerre de basse intensité éhontée que nous vivons depuis si longtemps. HALTE À LA MILITARISATION LIBERTÉ POUR TOU-TE-S LES PRISONNIER-E-S POLITIQUES RETOUR DES DISPARU-E-S EN BONNE SANTÉ DISPARITION DE TOUS LES POUVOIRS D'ÉTAT ET SORTIE DE LA PFP D'OAXACA DISSOLUTION DE TOUS LES CORPS RÉPRESSIFS Nombre de personnes assistant à la rencontre : 120 Représentations venues de : MEXIQUE Hidalgo, Veracruz, Texcoco, Durango, Tijuana, Monterrey, San Luís Potosí, Basse-Californie du Nort, San Cristóbal de las Casas, DF, Querétaro. AMERIQUE DU NORD San Diego, Portland Oregon, Phoenix, Arizona, Indiana, San Francisco, Montreal Canada. AMERIQUE LATINE Bresil, Argentine, Venezuela. EUROPE Angleterre, Espagne, Catalogne, Italie, France, Allemagne, Belgique (de nombreuses villes). OCEANIE Nouvelle-Zélande, Australie. COLLECTIFS ET ORGANISATIONS: Moiliirasalii, Radio Ocupa – Ari Caravana,, Roadblokef, Bandera Negra, Inkworks Press, Bay Area Indymedia, Célula Metropolitana Julio Chávez López, Colectivo O.R.G.A.N.I.C, Adherentes a la Otra Campana, Bloquear al Imperio, Catas, Red Ya Basta, Coordinadora Anarcopunk, Centro Social Libertario-Biblioteca "Viviendo la Utopía", Regeneracion Radio, Casa de la Paz, Quinta Brigada, Radio Sabotaje, Brigada Libertaria, Smashedo, La Brigada Sociedad Civil, El Palicate zona norte del DF, Karakola Global, No Fronteras SF, Centro de Medios Libres DF, Plantón de Santiaguito, Plantón de Molino de las Flores, Colectivo Conciencia, Pensares y Sentires, HIJOS de la Plata, CZI, parmi beaucoup d'autres. Traduction réalisée par la banda de l'Anarkagalaktika Sites avec plus d'information : http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/ http://oaxacalibre.org/oaxlibre/index.php http://www.oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/ http://www.nodho.org http://www.espora.org/limeddh - ligamexicana@prodigy.net.mx http://cml.sarava.org |
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| Posté le 25-07-2007 à 09:53:06
| Un article sur la Guelaguetza : La revanche de la Guelaguetza La "Guelaguetza" est une invention relativement récente, ce qui n'a sans doute plus beaucoup d'importance aujourd'hui. On en connaît la date de naissance (1932), sur l'initiative d'un gouverneur (Francisco López Cortés) et parrainée par un président de la République mexicaine (Abelardo Rodríguez, président par intérim, en 1933), et elle possède un sérieux handicap (elle est issue d'une initiative raciste, celle de rendre "un hommage racial" aux Oaxaquiens d'en bas) tout en s'inscrivant dans l'action humanitaire qui a suivi le tremblement de terre de 1931 ayant fait d'énormes ravages dans l'Oaxaca, à qui notre Union fédérale mexicaine était soucieuse de prêter une main secourable. La Guelaguetza urbaine, surgie suite à un séisme, fête donc ses soixante-seize ans, secouée par un nouveau séisme. Ce qui n'est pas sans importance aujourd'hui, c'est qu'elle nous sert à faire remarquer, une fois de plus, à quel point ce pays est sans vergogne, qui autorise à rester en place à un gouvernement usurpateur, mafieux et violent comme l'est celui d'Ulises Ruiz Ortiz. La "dispute" pour la Guelaguetza est devenue révolte d'un symbole sur un terrain douloureusement réel et concret. Puisant ses origines dans les traditions festives des vallées centrales de l'Oaxaca majoritairement zapotèques, puis expropriée par les missionnaires espagnols qui lui ont substitué le jour de la Vierge du Carmen, la Guelaguetza a toujours été une fête populaire qui se fonde sur le don et la coopération communale. Ce n'est pas par hasard qu'elle est issue d'une civilisation pratiquant le tequio (le travail collectif pour le bien commun). La légende des amours tragiques de la princesse zapotèque Donají, fille du seigneur de Zaachila (région déjà christianisée à l'époque) et de Nucano, un guerrier ennemi mixtèque, avait été mise à profit par les missionnaires pour asseoir la domination des Zapotèques et des Mixtèques. Depuis lors, cette fête et ses danses sont syncrétiques (comme quasiment toutes les manifestations indigènes qui survivent de nos jours). Le fait est que la Guelaguetza représente le banquet par excellence du pouvoir politique et patronal de l'Oaxaca, qui s'abrite derrière l'hypocrisie typique du racisme métis : utiliser l'indien pour encenser son maître. En ce début du XXIe siècle, la bourgeoisie locale conserve certains aspects du XVIIe siècle, dans le pire sens du terme. Sans oublier qu'aujourd'hui, pour participer aux festivités, on doit passer par Ticket Master et/ou American Express. L'État postrévolutionnaire s'est servi de la Guelaguetza pour attirer les Mixes, les Zapotèques de l'Isthme, les Huaves, les Mazatèques des montagnes. Intégration. Identité. Contrôle ? Aujourd'hui, elle est censée être une cérémonie des seize peuples (et surtout pas "ethnies" de l'Oaxaca. Non pas pour qu'ils se rassemblent. Non, uniquement pour qu'ils se montrent sous leur plus beau jour. Au fil des ans, la Guelaguetza est devenue une grande offre touristique pour les hôtels, les restaurants, les agences de voyage, les boutiques d'artisanat, les bijouteries et les services. Pour les peuples, le pourboire. Qu'ils dansent, s'adonnent à leur folklore et se tiennent tranquilles ! Au cours de son évolution, passant d'être un festin à un spectacle, elle a été transférée sur la colline du Fortín, où elle a été lentement assassinée, pierre après pierre. Sous le mandat de José Murat, elle était déjà totalement pervertie : les Indiens déposaient leurs offrandes aux pieds du "señor" (guajolotes [dindons] vivants, fruits, pain, fleurs) et les filles de leurs maîtres pouvaient s'afficher en dansant parmi les Indiens. Ulises Ruiz était bien loin de soupçonner ce que serait la Guelaguetza qui scellait son destin : une crise répressive (pour la deuxième année consécutive). Au rythme où vont les choses, ce sera sa tombe, politiquement parlant. Nous assistons à une nouvelle transformation de la Guelaguetza, qui se perpétue par ailleurs telle quelle chez de nombreux peuples de l'altiplano de l'Oaxaca. L'APPO la voit comme une tradition à réhabiliter, au moment précis où l'on semblait oublier le sens profond du mouvement social dans cet État (et non pas seulement dans la capitale). Celui d'une lutte qui ne date pas d'hier et qui a déjà trouvé ses diverses manières de dire "basta !" dans chaque peuple. Avec le retour en scène de l'EPR et les très productives théories du complot censées expliquer le mécontentement dans l'Oaxaca par la "provocation" ou par le "complot de groupes extrémistes", la répression a perdu toute pudeur et toutes limites. Même le scandale à l'échelle internationale semble "gérable". Et ne parlons pas des médias. Les capitalistes d'Oaxaca sont désespérés. Le butin que leur rapporte le tourisme (en vampirisant les Indiens) risque de s'évaporer. "On veut nous ôter la Guelaguetza", brament-ils dans le dernier couplet de leur discours sur "l'identité oaxaquienne" menacée par le désordre qui vient assurément de la planète Mars et mérite "tout le poids de la loi" – et peu importe que ceux qui sont censés faire respecter la loi soient les instances les plus illégales de l'Oaxaca : l'exécutif, le parlement, les forces de police et les magistrats. (Qui d'autre aura d'ailleurs à répondre de la "correction" criminelle qu'a subie Emeterio Merino Cruz ?) Il y a cependant une Guelaguetza populaire qui attire les foudres répressives des gestionnaires de la fête patronale (du mot patron), uniquement parce qu'elle réclame la place qui lui est due. Il se peut qu'Ulises Ruiz Ortiz soit le dernier "seigneur" de la Guelaguetza artificielle, lui qui ne peut se rendre au bal sans cordon de grenadiers et sans militariser toutes les routes, pour cette "fête" que l'on voyait déjà servir de défilé de mode aux gamines de riches, sur fond de figurants en chair et en os des communautés indigènes pomponnées et emplumées, des jeunes filles déguisées à leur tour en Indiennes pour parader devant des gouverneurs qui ont plutôt l'air de capos dans leurs propriétés fortifiées. Qui aura pu prévoir que cette célébration/spectacle se transformerait en un puissant moment de revendication populaire ? Chargés de symbolisme et mythifiable à souhait, les Lundis de la colline du Fortín ne seront plus jamais les mêmes. Voilà que la Guelaguetza mord là où on s'y attendait le moins et dénude le pouvoir qui croyait qu'elle lui appartenait à jamais. Hermann Bellinghausen "La Jornada", 23 juillet 2007. Traduit par Ángel Caído. |
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| Posté le 11-11-2007 à 10:29:18
| Nouvelles d'Oaxaca AUX ORGANISATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES DE DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME A LA SOLIDARITE NATIONALE ET INTERNATIONALE AVEC LE PEUPLE D'OAXACA AUX PERSONNES BIEN INTENTIONNÉES DU MEXIQUE ET DU MONDE A NOUVEAU LES ASSASSINS FELIPE CALDERON ET ULISES RUIZ ORTIZ RÉPRIMENT, TORTURENT ET EMPRISONNENT LE PEUPLE DE OAXACA Un an après la bataille livrée contre la police fédérale préventive, le peuple d'Oaxaca regroupé dans l'APPO s'est rassemblé massivement et de manière pacifique en ce jour du 2 Novembre de 2007 pour déposer des offrandes à la mémoire de tous les compagnons tombés au carrefour des 5 Señores. Cela a commencé à 6 h du matin et à 7 h30 les forces de répression mandatées par Ulises Ruiz Ortiz sont intervenues brutalement avec des fourgons de la UPOE, de la police ministérielle et aussi avec des véhicules militaires et des policiers en civil. Ils ont agressé des membres de l'APPO, arrêtant illégalement, arbitrairement et violemment environ 20 personnes parmi lesquelles des enseignants, des étudiants, des membres d'Organisations Sociales et des gens du peuple en général, tels Ernesto López López et Eduardo Diaz, membres du CODEP-APPO, l'instituteur Nazario de l'Éducation Indigène, l'institutrice Belem de l'Éducation Spécialisée, entre autres. Ils ont agressé tous les représentants des médias, comme Carlos Leyva et toute son équipe, ainsi que d'autres télévisions. Ils ont bloqué toutes les rues autour de ce carrefour des 5 Senores, fouillant les maisons des quartiers voisins, comme celui de colonia Gomez Sandoval. Ils continuent à arrêter toutes les personnes qui passent près de leur blocus. Nous demandons que ces actes soient dénoncés pour que cessent les agressions contre l'APPO et le peuple d'Oaxaca et qu'Ulises Ruiz et Felipe Calderon soient condamnés pour tous les attentats et tous les crimes commis à l'encontre du peuple d'Oaxaca. POUR NOS COMPAGNONS MORTS, DISPARUS, PRISONNIERS ET POURSUIVIS POUR RAISON POLITIQUE, NOUS NE RECULERONS PAS D'UN PAS ! COMITÉ DE DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE ASSEMBLEE POPULAIRE DES DROITS DU PEUPLE POUR LA DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE QUI CONSTRUIT LE POUVOIR POPULAIRE ! CODEP -APPO Ville de la Résistence, Oaxaca, le 2 de novembre 2007. |
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| Posté le 11-11-2007 à 10:30:05
| La répression du 2 novembre 2007 a Oaxaca encore passée sous silence par les médias français Complices Aussi complice que la police française qui forme encadre et entraine les assassins de la Pfp mexicaine depuis 1994 Je vous adresse le témoignage de notre camarade Nicéforo Urbieta, arrêté puis relâché le 2 Novembre à Oaxaca Le Vendredi 2 novembre à environ 7 heures du matin, des habitants des différents quartiers périphériques (colonias) étaient en train de se rassembler au rond-point « 5 Señores » pour élever un autel traditionnel en commémoration des victimes des peuples de Oaxaca. Les gens arrivaient avec des fleurs, des pains spéciaux (pan de muerto) , des bougies, de la nourriture, ainsi que de la sciure, des pigments et des camions de sable pour créer des personnages sur un tapis funèbre. C'est à ce moment là qu'une voiture noire sans plaque d'immatriculation est arrivé et a foncé sur un groupe de camarades qui étaient en train d'organiser l'événement, essayant de leur rouler dessus, la voiture prit alors la fuite à grande vitesse. En même temps, des policiers armés de fusil d'assaut AK-47 et FAL remontaient et redescendaient les contre-allées, deux par deux, et d'autres prenaient des photos et des vidéos des participants afin de les intimider et d'en faire un enregistrement pour le fichage policier. Ayant terminé, ils sont partis. Environ 5 minutes plus tard, plusieurs camions de patrouille ont déboulé à grande vitesse de toutes parts, sur les 6 rues et avenues qui convergent vers le rond-point connu sous le nom de « Cinco Señores », provoquant la dispersion des participants. Puis ces camions de patrouille se sont rapprochés des manifestants et quelques uns se sont arrêtés là où étaient concentrés les camarades. Sans un seul mot, [les policiers] ont commencé à battre les gens et à charger tout le groupe dans plus de 10 camions de type pick-up qui encerclaient les manifestants pour les empêcher de s'enfuir. Puis ils se sont précipités sur les camarades qui avaient commencé à créer l'Autel Commémoratif, pendant que ceux qui avaient des fusils s'en servaient pour leur taper dessus. Ils ont prenaient les gens par la ceinture et les jetaient dans les camions jusqu'à ce que ceux-ci soient pleins de prisonniers, entassant les corps les uns sur les autres comme des sandwichs, hommes et femmes ensemble, professeurs, maçons, architectes, étudiants de l'Université Autonome Benito Juarez (UABJO), membres du Conseil de l'APPO (Belén, Román). Pendant le trajet vers le Ministère de la Protection Civile [SEPROCI], ils ont été battus et injuriés avec toute la vulgarité policière habituelle. Après, dans les cellules de la police, les camarades ont subis des interrogatoires accompagnés de violences physique et verbale. Les techniques de terreur psychologiques étaient appliquées, [les interrogateurs] disaient aux gens qu'ils allaient les tuer ou leur verser de l'essence dessus et les mettre en feu, montrant une cruauté plus forte encore envers ceux qui avaient des cheveux longs. Dix-sept d'entre nous ont été libéré de SEPROCI à 11 heures grâce à la pression exercée par les camarades, parmi lesquels des proches de leurs familles, le Comité de Défense des Droits de l'Homme, le Comité 25 Novembre, les Comités de Voisinage des colonias de « 5 Señores » et de « Sta. Lucia del Camino » ainsi que des étudiants de l'UABJO. Trois camarades de l'APPO ont été emmenés vers un Centre de la Sécurité à l'ouest de la ville avant d'arriver au SEPROCI. Nous allons confirmer la mort d'un camarade qui a reçu une balle dans le dos puis est passé sous les roues de deux camions alors qu'il venait d'être tué. Deux anciens témoins de l'incident disent qu'une fois à terre, il a été achevé par les deux camions de patrouille. Après quoi ils ont interpellé les policiers en disant « si vous croyez que ce crime va effrayer les gens, vous vous trompez, au contraire ça va devenir bien pire ». En ce moment même, une marche commence de l'Hotel Magisterio vers le rond-point « 5 Señores », là où, il y a un an, le peuple a arrêté l'agression de la Police Fédérale Préventive (PFP) contre la station de radio de l'UABJO (XUBJ Radio Universidad 1400 AM) PS : Deux blessés sont à l'hôpital. C'est tout ce que l'on a pu rassembler comme info. |
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