Sujet : Infos et témoignages de Oaxaca | | Posté le 05-11-2006 à 21:50:38
| Un témoignage venu de Oaxaca Une lettre en français datée de samedi 28 octobre, qui nous éclaire sur la lutte du peuple de Oaxaca et sur les manipulations sordides de ceux qu’elle gêne. Bien le bonjour d’Oaxaca, Cette journée d’arrêt de toute activité a été particulièrement meurtrière, quatre morts et un grand nombre de blessés par balles, ou comment se défend la dignité de tout un peuple. Les barricades dans les colonies et sur toutes les voies d’accès au centre ville ont bien tenu malgré les escadrons de la mort et surtout les troupes de choc de policiers municipaux en civil fortement armés face à des gens qui les affrontaient avec des pierres. Ce sont les municipalités des environs, encore contrôlées par le PRI, le parti révolutionnaire institutionnel d’Ulises Ruiz, qui ont recruté et armés ces tueurs et qui sont directement responsables des violences et des assassinats. La municipalité de Santa Lucía del Camino où un jeune journaliste nord américain d’Indymédia a trouvé la mort, et la municipalité de Santa María Coyotepec où il y eut deux morts et dix huit blessés ont joué un rôle déterminant dans cet affrontement contre les membres de l’Assemblée populaire. L’ambassadeur des États-Unis ment en parlant d’un échange de coups de feu. Rueda Pacheco, dirigeant du syndicat enseignant, ment en parlant de groupes violents et en se gardant bien de dire d’où viennent les tueurs. L’État a désormais le prétexte qu’il attendait pour rétablir l’ordre et l’État de droit comme il dit si bien. Ulises Ruiz joue-t-il son va tout dans une ultime confrontation meurtrière ou a-t-il l’aval de l’État pour provoquer des morts en vue de l’intervention de l’armée et de la police préventive fédérale ? L’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca n’a pas jusqu’à présent répondu à la provocation en s’armant, ce qui justifierait l’envoi des troupes, et c’est les mains nues qu’elle garde les barricades et qu’elle fait face, avec une vaillance admirable, aux escadrons de la mort et aux sbires du PRI. Les familles ou les amis restent auprès des blessés et veillent à ce qu’ils soient soignés par des médecins et transportés par les ambulances rouges de l’APPO, les ambulances de la protection civile sont fliquées et l’hôpital n’est pas sûr. La croix rouge, nous dit-on, refuse d’intervenir sur ordre du gouverneur déchu. Les disparitions sont nombreuses, la personne qui avait été enlevée ce matin a été retrouvée en prison. Heureusement la radio université fonctionne, ce qui permet de coordonner les mouvements, de renforcer une barricade qui montre des signes de faiblesse par exemple, de prévenir de la venue des troupes de choc, ainsi s’est organisé tout un réseau d’entraides, les habitants de Saachila, une commune en résistance, se sont regroupés pour envoyer des équipes afin de prêter main forte aux habitants d’Oaxaca, à San Bartolo Coyotepec les habitants se sont retrouvés pour venir en aide à leurs voisins de Santa María Coyotepec. La nouvelle s’est répandue rapidement et la capitale réagit, des barricades ont été élevées à proximité de l’hémicycle Benito Juárez, nous dit-on. Le bruit court que le ministère de l’intérieur est occupé par ceux qui se trouvaient devant le Sénat. C’est le matin, j’apprends qu’Abascal, le ministre de l’intérieur, vient de donner l’ordre à la troupe d’intervenir. La complicité entre le gouverneur tueur et le gouvernement fédéral est donc bien une complicité objective, l’assassin avait l’aval de l’État pour lancer ses troupes de choc contre les habitants. La ville est bien décidée à résister et toutes les voies d’accès sont hermétiquement fermées par des barricades. Oaxaca, le 28 octobre 2006 ----------------------------------------------------------------------------------------- Dimanche 29 octobre, le président mexicain Vicente Fox, après des semaines d'hésitation, a finalement envoyé ses troupes, flanquées de blindés et d'hélicoptères, dans la ville d'Oaxaca, où la population est en rébellion depuis des mois contre le gouverneur. Officiellement, il s'agit de rétablir l'ordre public troublé par... la police du gouverneur. Ce qui aurait décidé Fox est le fait que, vendredi 27, des policiers locaux, en civil, ont tiré sur des manifestants et tué au moins trois personnes, dont un jeune journaliste américain. Mais l'intervention des troupes fédérales était attendue, depuis des semaines, par le gouverneur contesté. Depuis août dernier, la ville était contrôlée par sa population, qui exige la démission d'Ulises Ruiz, politicien corrompu comme tant d'autres, et responsable de la répression. Le mouvement a commencé le 22 mai dernier avec la répression d'une manifestation d'enseignants qui exigeaient une prime de vie chère et des moyens pour l'école. À partir de là, le mécontentement s'était étendu. Les 70000 enseignants de l'État avaient trouvé le soutien de centaines de milliers de personnes parmi les déshérités, en majorité indiens. Oaxaca était un des fiefs du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), qui fut pendant des dizaines d'années le parti unique régnant sans partage sur le pays. Il a finalement dû céder la présidence au Parti d'Action Nationale (PAN) de Vicente Fox, qui est une scission du PRI. Mais les notables locaux du PRI comme Ruiz entendent conserver leur fief. Aussi le gouverneur, dont les manifestants réclament la démission, a continué de faire parler les armes. En cinq mois, ses hommes de main ont tué une quinzaine de militants du mouvement. En juin, suite à la répression, la population s'insurgeait avec la participation des syndicats indépendants, d'associations et de municipalités, paralysant la capitale. Trois cent quatre-vingts organisations regroupées dans une Assemblée populaire du peuple de Oaxaca (Appo) entendaient substituer leur autorité à celle des administrations locales. Cinq marches nationales de protestation ont regroupé des centaines de milliers de manifestants. Une trentaine de mairies ont été occupées, des administrations et des tribunaux fermés, des routes bloquées pour tenter de paralyser l'activité économique. L'entrée des troupes envoyées par le président Fox a été applaudie par les commerçants du centre-ville, où de nombreux magasins et restaurants sont fermés du fait des événements, mais pas par la population pauvre. Les possédants attendent la reprise des affaires et le gouverneur espère sauver son siège. Mais la population d'Oaxaca, qui a participé à ces mois de luttes, n'a peut-être pas dit son dernier mot. Jacques FONTENOY. ----------------------------------------------------------------------------------------- Tout le monde aura remarqué le total passage sous silence de ces infos... Quelques photos (au cas où certains anarchistes auraient l'intention de se réaproprier ce mouvement comme ils aiment le faire avec le Commune): http://static.flickr.com/58/223055027_07d4a041fb_o.jpg http://static.flickr.com/120/267234146_570f3b78be_o.jpg Et pour plus de photos voir ICI
Message édité le 25-06-2007 à 20:47:31 par Paria |
| | Posté le 05-11-2006 à 22:07:25
| Paria, le lien marche pas. |
| | Posté le 05-11-2006 à 22:09:03
| Désolé, réparé. |
| | Posté le 05-11-2006 à 22:20:01
| super info que tu nous donne là ! |
| | Posté le 05-11-2006 à 23:12:53
| J'ai déjà vu cette info dans certains journaux online, mais je n'avais pas encore vu de photos. Merci Paria site de l'APPO |
| | Posté le 06-11-2006 à 10:07:13
| un magnifique signe également de la propagande bourgeoise.... ça fait 6 mois que le souleèvement à commencer mais les médias en ont réellement parler que lors de l'arrivée de la police fédérale... mise à part ça ça fait plaisir de voire les portaits de MELS dans un mouvement comme celui-ci même si je le soutiendrais sans... |
| | Posté le 06-11-2006 à 19:02:32
| Chronique de la situation du 4 novembre, 17 heures, au 5 novembre, 2 h 25. (soit de minuit à 9 h 25 le 5 novembre, heure de Paris) 17 heures. Au barrage de Nochixtlán, le plus important (il y en a d’autres). Près de mille éléments de la PFP fouillent, questionnent et enregistrent les personnes qui passent par là. Le barrage est une violation flagrante du droit à la libre circulation. La PFP est anticonstitutionnelle. Si, comme le disent les mass-médias de communication, la situation à Oaxaca se limite à un seul quartier, ou à l’UABJO [Université autonome Benito Juárez, ndt], pourquoi y a-t-il un barrage à 40 kilomètres de la ville d’Oaxaca ? 17 h 01. La caravane de soutien à Oaxaca qui est partie de la ville de Mexico passe le péage de Puebla ; l’enthousiasme grandit. 17 h 49. Pendant toute la journée, des avions de type boeing de la PFP ont survolé la ville d’Oaxaca, et la PFP se repli en dehors de la ville. (la question est simple : pourquoi le font-ils, vont-ils chercher du renfort ?). Il y a aussi une avionnette de reconnaissance qui survole depuis 15 minutes. 18 h 04. Radio Universidad continue à transmettre sur le 1400 am dans la ville d’Oaxaca. On signale qu’il y a un barrage à Huitzo, avant d’arriver à Telixtlahuaca et Etla, à 30 minutes d’Oaxaca. 18 h 50. Dans les stations, on refuse l’essence à la caravane qui se dirige vers Oaxaca ; la PFP a donné l’ordre qu’aucune station-service ne vende de combustible aux membres de la caravane qui se trouve pour le moment arrêtée à Chachapa, Puebla. 19 h 43. Radio universidad est bloquée, tant sur la fréquence am que sur Internet. Il y a deux antennes bloquées ; elles ont été localisées, mais sont fortement protégées par la PFP. 20 h 24. La caravane qui se rend à Oaxaca se trouve vers Tehuacán, Puebla ; elle fera un arrêt à Huajapan de León pour secourir les 8 autobus qui sont retenus à cet endroit par des membres de la PFP. 20 h 52. Un convoi de 6 camions pleins de PFP et 12 camionnettes de type pick-up ont été vus à la hauteur de Huitzo, en direction de la ville d’Oaxaca. 20 h 56. La Police fédérale des chemins et la fédérale préventive suivent la caravane qui se dirige vers Oaxaca. 21 h 08. À l’entrée de la ville d’Oaxaca, un barrage militaire très important a été installé afin « d’éviter que les groupes qui soutiennent l’APPO ne fassent entrer des armes ou des explosifs dans la ville. » 1 h 50. Dans le discours officiel, et dans les mass médias, il est dit que l’APPO et les compañeros solidaires qui arrivent à Oaxaca agressent la PFP avec des bâtons, des pierres et des cocktails molotov ; cependant, les images montrées à la télévision montrent clairement que l’armée d’occupation a des camions anti-émeutes et des gaz lacrymogènes entre autres armes. Le gouvernement justifie que pour une pierre, il faut un camion anti-émeutes, que pour un cocktail molotov, il faut 10 000 policiers (soldats). Le peuple d’Oaxaca n’agresse pas, il se défend ; Radio Universidad n’incite pas, elle est la voix des Oaxaqueñ@s. Le gouvernement de Fox a signé un grand nombre de traités, en faveur des droits humains, au cours de son mandat. Il réclame mollement pour le mur de la frontière, mais se tait de toutes ses forces à Oaxaca. Il y a des protestations dans le monde entier contre la répression à Oaxaca et contre URO qui reste gouverneur. 2 heures. 5 novembre. Dans quelques heures, ce sera la mégamarche à Oaxaca, demandant la démission d’Ulises Ruiz. Radio Universidad a convoqué le peuple d’Oaxaca à se réunir au monument Benito Juárez du carrefour de Viguera. 1400 d’Amplitude Modulée. Radio Universidad. Si on s’y branche, la première chose que l’on entend est un synthétiseur qui simule frénétiquement un violon et un aller-retour sur les mêmes tons. Ça dure 30 secondes, et après une coupure arithmétique, un "tu rrún tu rrún tu rrún" d’un tambour, un cri aigu et strident, et de nouveau le violon dans sa frénésie. Il s’agit de l’intervention sur le signal de Radio Universidad. En à peine quelques secondes de silence, on peut entendre, au loin, les voix des locuteurs qui veillent pour continuer à informer le peuple d’Oaxaca de la situation qui se vit actuellement dans cet État de la république mexicaine blessée. 2 h 25. On entend les pétards de reconnaissance entre barricades. Des tirs lointains. C’est une nuit de pleine lune, et ceux qui le peuvent à Oaxaca dorment d’un calme tendu, d’autres veillent, supportant le froid de la nuit, pour éviter que la prise de la radio ne se convertisse en la prise des installations, ce qui amènerait sans aucun doute une arrestation de ceux qui, dignement, ont soutenu ce moyen de communication au service du peuple et de ses luttes. 2 h 25. La caravane est arrivée à Huajuapan, son pas est sûr, ils vont bien. Ils sont reçus avec un dîner (ou petit-déjeuner anticipé) et vont décider s’ils continuent ou dorment un peu. Centro de Medios Libres ----------------------------------------------------------------------------------------- Où est la caravane Par Juan Pablo Romo, 5 novembre, 3 heures. Ce matin, à 11 h 30 précises, Radio Universidad annonçait qu’à Mexico, une caravane de compañeros partait en direction d’Oaxaca, dans l’intention de soutenir le mouvement du peuple d’Oaxaca, et de manifester sa réprobation face à la situation de violence et d’état de siège qui se vit dans cette ville, principalement depuis l’arrivée de la Police fédérale préventive (PFP) le samedi 28 octobre dernier. Cette caravane est partie de l’Hémicycle à Juárez dans le District fédéral (Mexico) et avait comme objectif d’arriver vers 5 heures du matin ; cependant, vers 16 h 30, les rumeurs disant qu’ils avaient été arrêtés sur le trajet se confirmaient ; le Collectif juridique contre la répression à Oaxaca, signalait que la caravane en question avait été retenue dans la ville de Nochixtlan, qui se trouve à 45 minutes de cette ville. Selon les informations données par les représentants de divers groupes de droits humains, la caravane qui se composait de 12 autobus qui transportaient des compañeros de plusieurs universités, ainsi que d’organisations comme le Front communal en défense de la terre, le Front Francisco Villa, l’UNAM (Université nationale autonome de Mexico), l’IPN (Institut polytechnique national), l’ENAH (École nationale d’anthropologie et d’histoire), l’Université autonome de Chapingo, le collectif CLETA (Centre de libre expérimentation théâtrale artistique) entre autres, avait été retenue dans une opération montée par la PFP et l’armée mexicaine, pour laquelle près de 500 éléments avaient été utilisés. Ainsi, on informait qu’on les empêchait de faire le plein d’essence, ce qui fait que vers 5 heures de l’après-midi, une commission de défense des droits humains, ainsi que des journalistes, allaient se rendre à cette ville pour superviser et participer comme observateurs de la situation. En ce moment, à presque 2 heures au matin du 5 novembre, l’information sur le trajet de la caravane est très réduite, puisque le seul moyen de communication (Radio Universidad) qui pourrait donner des informations, est constamment saboté et bloqué par le personnel de la SCT (Ministère de la communication et des transports), ce pourquoi nous demandons à tous les compañeros d’être attentifs à cette situation et de s’informer de façon régulière de ce qui se passe.
Message édité le 06-11-2006 à 19:03:02 par Paria |
| | Posté le 06-11-2006 à 19:17:57
| Jameul a écrit :
un magnifique signe également de la propagande bourgeoise.... ça fait 6 mois que le souleèvement à commencer mais les médias en ont réellement parler que lors de l'arrivée de la police fédérale... mise à part ça ça fait plaisir de voire les portaits de MELS dans un mouvement comme celui-ci même si je le soutiendrais sans... |
Et encore , juste pour dire que le soulèvement avait été "écrasé" et que la police avait "rétablit l'ordre", limite si c'était pas "bienfait pour eux à ces sales pauvres" sinon merci à paria pour les infos |
| | Posté le 06-11-2006 à 19:24:36
| Sur indymedia Paris ils anoncent "VIDEO OAXACA LIBRE EN FRANÇAIS (Résumé du 1er mai au 2 novembre 2006)" , je vient de télécharger le fichier mais chez moi c'est un son audio en espagnol. Si vous voulez essayer, ou si vous êtes espagnol : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=72296 |
| | Posté le 06-11-2006 à 23:34:55
| Ils disent que la vidéo est en divx et que le francais est en sous titre, peut être n'as tu pas les codecs divx installés sur ton ordi vas sur cette page ( ici )et descend jusqu'en bas, download le pack de codec, il y a tout ce qu'il faut pour lire tout les formats vidéo en vogue (divx, xvid, vcd/svcd ect.) je télécharge en ce moment ...verra bien ... |
| | Posté le 07-11-2006 à 00:12:31
| Super video, à télécharger et a diffuser. Belle révolte populaire, cela force le respect une détermination comme celle-ci émanant de toutes les couches populaires ... Des infos plus précises sur les syndicats ouvriers en présences ou les partis d'extréme gauche seraient les bien-venues, Paria tu pourrais peut être suivre l'affaire et faire qlqs recherches puisque tu as lancé le topic' ? Qu'en penses-tu ? Je regarderais aussi de mon côté. |
| | Posté le 07-11-2006 à 11:38:31
| Pas de problème, je vais essayer de trouver plus d'infos, mais je ne garantie rien, les infos ne se bousculent pas...
Message édité le 17-01-2007 à 12:18:34 par Paria |
| | Posté le 07-11-2006 à 12:07:06
| Information du 22 juin 2006 : Cela faisait trois semaines que les maestros (professeurs) de la section 22 du syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE), de l’État de Oaxaca, avaient établi un campement dans le centre historique de la capitale. Ils revendiquaient jusqu’à maintenant une augmentation de salaire, des aides matérielles, comme des petits déjeuners et un transport gratuit pour les enfants, ainsi que le refus de la réforme de l’éducation, qui prévoit, outre une privatisation avancée, une négation de l’apprentissage de l’histoire pré-colombienne du pays. Rejoints plus tard par des pères de familles, ils ont dû faire face, le 14 juin, à une tentative de délogement par la police de l’État. A 4h30, peu avant le lever du soleil, des sirènes et des cris se sont fait entendre, suivis à 5h00 par des gaz lacrymogènes. A l’aide de couteaux et de flammes, la police a mis à sac le campement et a rapidement dispersé le millier d’hommes, de femmes et d’enfants présents sur les lieux. Vers 6h00, la résistance a commencé a s’organiser et environ 600 personnes se sont confrontées aux forces de l’ordre de Oaxaca. A l’aide de pierres, de pavés, de barres de fer, parfois de machettes, de bus urbains requisitionnés, de voitures abandonnées, de vinaigre, de coca-cola et surtout d’une phénoménale force collective, ils ont lutté contre les gaz et les uniformes. Jusqu’aux environs de 9h00, la police a subi physiquement les effets de la résistance, avant de se retirer pour envoyer les gaz directement par hélicoptère, sur la foule. Les affrontements ont finalement cessé vers 10h30 et les maestros, les pères de familles, rejoints par une partie de la population, ont reintégré leur campement Le triste spectacle de leurs tentes et pétitions en cendres, de la nourriture éparpillée, du nombre de bombonnes de gaz lacrymogène vides dans les caniveaux, n’a fait que raviver un désir de lutte et de rancoeur envers le gouverneur de Oaxaca. Issu du parti de la révolution institutionnelle (PRI), qui est resté 70 ans au pouvoir au Mexique sans élections libres, le gouverneur Ulices Ruiz avait en effet été élu grâce à la corruption et à la falsification des bulletins. Vers 13h, le bilan de la répression tombe : une femme a dû avorter du fait des gaz, deux enfants sont morts asphyxiés, deux professeurs sont morts, près de 20 blessés et environ 16 prisonniers, dont 12 ont été relachés plus tard. On est sans nouvelle des autres, ainsi que de l’état des blessés. Officiellement, la police ne détenait pas d’armes à feu, mais des dizaines de balles ont été retrouvées sur les lieux. Des actes d’attouchements sexuels, voire de viols, ont également été rapportés. Après quelques heures de repos, le campement a été reconstruit, et a dû être étendu, du fait du ralliement de la population de Oaxaca. Le quartier du centre de la ville a été barricadé, et des tours de garde ont été organisés durant la nuit. Le lendemain, diverses assemblées se sont formées, pour organiser tous les angles de la lutte à mener. Le gouvernement mexicain a fait savoir au gouvernement de Oaxaca que les forces fédérales n’interviendraient pas (à la difference de ce qui s’était passé à San Salvador Atenco, en mai dernier). La principale revendication du mouvement est, depuis ce jour, la destitution du gouverneur de Oaxaca, ce qui est un droit garanti par la constitution mexicaine. Le 16 juin, une megamarcha, la troisième organisée en deux semaines, a réuni près de 300 000 personnes, sur un trajet d’environ dix kilomètres. Il y avait autant de monde sur la route que de gens autour, avec des messages de soutien à la lutte des maestros, mais surtout contre la répression et pour la destitution du gouverneur. A la suite de cette marche, et de la réappropriation du campement, des négociations ont été ouvertes par le gouvernement. Celui-ci persiste à dire que les moyens manquent pour satisfaire les volontés des maestros, et surtout à ignorer la demande de destitution. Le 20 juin, les négociations ont été rompues, sans parvenir à un accord. Le campement est toujours en place, le quartier est toujours bloqué, et les campeurs s’attendent à une nouvelle répression policière. Les préoccupations principales du gouvernement de Oaxaca sont la chute du tourisme et les éventuelles perturbations à prévoir pour les élections présidentielles qui se tiendront le 2 juillet 2006. Dans la presse nationale et régionale, la censure persiste. Les maestros sont montrés du doigt comme des terroristes prenant en otage toute une région. En parallèle, le syndicat des professeurs est loin d’être uniforme. Il abrite environ sept courants, et son secrétaire général, membre du PRI, a plusieurs fois été en première ligne lors de scandales de corruption. Proche du parti de la révolution democratique (PRD), la coalition de gauche réformiste, candidate aux élections présidentielles, il est confronté à des aspirations moins institutionnelles, plus proches de l’EZLN du subcommandante Marcos. Ce dernier mène actuellement une otra campaña en marge de la campagne présidentielle, dans tout le pays, pour sensibiliser la population au problème des indiens du Mexique, et à celui des méfaits du néo-libéralisme mondial. Apres la répression des miniers au début de l’année, celle de San Salvador Atenco en mai, et celle de Oaxaca, le nouveau président à venir va devoir rendre les comptes que son prédécesseur, Vicente Fox (Parti de l’Action Nationale, PAN, libéral), n’a toujours pas rendu.
Message édité le 07-11-2006 à 12:09:36 par Paria |
| | Posté le 07-11-2006 à 12:14:32
| Résumé depuis vendredi 27 octobre 2006 : La journée du vendredi 27 octobre, où ont attaqué des groupes paramilitaires ou policiers locaux en civil, s’est soldée par 4 morts, dont le compagnon d’Indymedia Brad Will, et une vingtaine de blessés. La journée de dimanche 29 octobre fut celle de la résistance du peuple d’Oaxaca à l’envahissement de la ville par des policiers fédéraux, arrivés par mer, air et terre, agissant de manière violente, au moyen de graves violations des droits humains. On déplore 3 morts de plus, dont un enfant, 70 personnes arrêtées illégalement, et de nombreuses personnes blessées ou disparues. Le lundi 30 octobre marque de nouvelles mobilisations réalisées dans Oaxaca pour reprendre la place centrale, la base de la résistance au tyran gouverneur Ulises Ruiz. Mardi et mercredi toute la ville continue de résister. Jeudi, la police est repoussée du campus. Samedi 28 octobre Dès le matin, le président du Mexique, Vicente Fox, ordonne l’envoi de forces fédérales qui se concentreront dans la capitale d’Oaxaca. L’après-midi, des policiers ministériels en civil, dans des camionnettes et sur des motos, ouvrent le feu et criblent de balles les barricades de Bartolo Coyotepec Sain où un enseignant a été assassiné. L’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca (APPO) appelle à la grève nationale, et à des blocages de commerces et de routes pour exiger qu’Ulises Ruiz abandonne sa charge de gouverneur de l’État. Dans la ville de Mexico, des enseignants qui font la grève de la faim dans un campement, en soutien à l’APPO, installent une barricade symbolique face au Secrétariat de Gouvernement. L’autre campagne de l’EZLN (Chiapas) appelle à soutenir l’APPO et le peuple d’Oaxaca. Dimanche 29 octobre Alors que l’armée occupe la région montagneuse alentour à la recherche de résistants, six hélicoptères survolent la ville de Oaxaca. Après le débarquement par avion de 500 policiers fédéraux, arrivent ensuite 40 camions plein de policiers et de grenadiers, ainsi que de nombreux tancks compacts, en même temps que 16 camions lanceurs d’eau et des grues destinées à broyer les barricades. Ce sont alors des barrières humaines pacifiques qui viennent s’opposer à l’avancée des policiers fédéraux, en leur offrant des fleurs blanches, symbole de la résistance pacifique, et aussi des affiches, en les exortant de refuser d’occuper la ville et de réprimer le peuple. À deux heures de l’après-midi, en faisant hurler des sirènes, les 16 lanceurs d’eau avancent pour essayer de casser les barrières humaines. Dans l’eau projetée il y a un acide qui esquinte la peau. Les manifestants essayent de les arrêter désespérément avec la seule arme dont ils disposent c’est-à-dire leurs corps. La lutte dure plus d’une heure. Les éléments terrestres de la police font tout pour pousser les manifestants, qui décident finalement de se replier pacifiquement et d’éviter une confrontation violente. Le premier contingent de la PFP de 500 grenadiers et policiers armés de grenades lacrymogènes a effectué une action de diversion, en passant le premier pont, et est resté stationné à cet endroit. Pendant ce temps, des convois d’environ 100 véhicules de la PFP ont été obligés de se dévier en prenant la direction de la rivière Atoyac, pour éviter les centaines de barricades situées sur toute la route fédérale. En même temps d’autres éléments de la PFP, commençaient la tentative de la prise du contrôle du centre métropolitain. Alors, le comité de sécurité de l’APPO a donné l’ordre de maintenir et de renforcer les barricades pour empêcher l’arrivée des renforts de la PFP. Trois hélicoptères effectuent sans cesse des vols à basse altitude dans toute la ville près des différentes barricades. Il n’y a aucun transport en commun qui ne circule. Environ dix mille manifestants masculins partis vers 11h du matin du Monument de Juárez - situé à l’extérieur de la ville, de fait bon nombre d’habitants de la Montagne Nord ont pu s’y joindre - sont arrivés dans le centre dans l’après-midi, mais ils ont été dispersés avec des gaz lacrymogènes de la PFP qui avait déjà le contrôle de la place centrale. Cependant pendant le repli ils brûlent des camions urbains garés dans les premiers halls du centre, puis ils se réorganisent... Un groupe décide de retourner sur la place pour faire une assemblée, et un autre groupe marche vers le campus universitaire de l’UABJO, d’où émet Radio Université, dans le but de renforcer la surveillance devant un possible délogement. On décide de convoquer pour les 9, 10 et 11 novembre une assemblée constituante de l’APPO avec la désignation de délégués de chaque secteur. Un contingent de la PFP pénètre à la hauteur du Canal 9 (la télévision qui a été prise par les femmes d’Oaxaca) et réprime les manifestants, avec l’aide d’un hélicoptère depuis lequel sont lancés des gaz lacrymogènes. Environ 300 policiers de la PFP sont aidés par un bulldozer à l’angle de Porfirio Díaz avec la rue de l’Indépendance et 300 autres policiers se trouvent au carrefour de la rue Bustamante. Le médecin volontaire José Alberto López Bernal a été tué par l’explosion d’une grenade lancée par un policier, qui lui a perforé la poitrine, entre la Chaussée le Madrier et l’ancien marché. Une autre personne a été tuée à la hauteur de l’ITO (Institut Technologique d’Oaxaca). On a en outre eu connaissance du décès d’un enfant de 12 ans par un tir d’arme à feu. Cela fait donc trois morts supplémentaires pour cette seule journée de dimanche. Une quarantaine de professeurs ont été arrêtés dans le Parc de l’Amour et ont été embarqués par hélicoptère. D’autre part, en les embarquant dans une Suburban de couleur blanche, des policiers ont arrêté deux jeunes qu’ils ont livré à des éléments de l’AFI. De plus des recherches ont été effectuées au domicile-même de professeurs et de personnes reconnues sur des barricades pour les arrêter. A 19h, il y eu une coupure d’électricité sur le campus de l’UABJO et Radio Université cessa d’émettre. Pendant ce temps à Mexico, la circulation a été bloquée dans l’après-midi pendant près de 2 heures par deux trolleybus au croisement de l’Axe Central et de l’avenue Juárez, en solidarité avec le peuple d’Oaxaca. Lundi 30 octobre Ce lundi, de nouvelles mobilisations se sont réalisées dans Oaxaca pour reprendre à la police la place centrale. A l’une des entrées de la place, les manifestants ont lancé des pierres et des pétards sur les policiers fédéraux pour les déloger ; ils ont aussi enflammé des pneus. Les policiers ont tiré, eux, des grenades lacrymogènes sur la foule. Le peuple d’Oaxaca continue de résister. Dans de nombreuses villes du monde des rassemblements se sont produits en soutien à la lutte du peuple d’Oaxaca et contre la répression sanglante de l’État du Mexique. Mardi 31 octobre Daniel Gildardo Mota Figueroa, journaliste au journal « l’Avis », a été arrêté par les policiers fédéraux vers 4 h du matin dans le secteur de l’aéroport. Dans l’état du Michoacán, plus de deux mille professeurs du Syndicat National de Travailleurs de l’Éducation (SNTE) se mettent en grève et annoncent qu’ils partent à Oaxaca soutenir l’APPO et les enseignants d’Oaxaca en lutte. On commence à désigner des délégués pour l’Assemblée Constituante de l’APPO du 9 au 11 novembre. L’aéroport est transformé en quartier général de la police fédérale. Des renforts, avec des brigades spéciales, se sont installés dans le Parc de l’Amour. A Santa Maria Coyotepec, les médecins, qui soignaient des professeurs blessés, se sont fait arrêter. Près de la Place de la Vallée, des personnes qui tenaient les barricades ont vu des groupes de partisans d’Ulises Ruiz piller les magasins "Usines de France", ainsi que d’autres magasins situés près de la station de pompiers. D’autre part, des éléments de la police fédérale ont pillé et saccagé des commerces dans le quartier de la Place Centrale (On parle de 37 magasins saccagés). Evidemment, ces faits ont immédiatement été attribués à l’APPO, alors qu’il n’y a pas eu un seul vol dans un commerce par des résistants depuis le début de la lutte. On a bien identifié que c’était des policiers fédéraux qui ont saccagé ces commerces, ainsi que le dépot des périodiques, situé près de l’ancien palais du gouverneur. Mercredi 1er novembre La PFP a commencé à encercler le campus d’où émet Radio Université. Dans la nuit, la PFP et des convois militaires, ainsi que des groupes de paramilitaires, soutenus par les policiers, ont fait du harcèlement contre les barricades qui protègent la radio du mouvement populaire pour faire tomber l’assassin Ulises Ruiz. Deux membres de l’APPO ont été brutalement arrêtés et frappés, un fonctionnaire de la PFP les a libérés ensuite, non sans les frapper aussi. Trois personnes mineures ainsi qu’une autre ont été arrêtées sans avoir été libérées. La population est alors arrivée en masse au carrefour de Cinq Messieurs pour dissuader de manière pacifique trois convois militaires qui voulaient passer en force sur le campus. Dans d’autres points de la ville on prépare des marches en direction de l’Université où les policiers attaquent déjà avec des tancks, des canons à eau et lancent des grenades de gaz depuis des hélicoptères. Sur l’aéroport d’Oaxaca arrivent 3000 éléments de la PFP. La bataille s’engage sur le campus ; la PFP recule un instant et attaque de nouveau. Entre-temps des policiers ministériels essayent d’entrer sur le terrain universitaire. Au carrefour de Cinq Messieurs il y a plusieurs blessés et d’avantage encore de personnes arrêtées. La PFP lance des grenades lacrymogènes à l’intérieur même des maisons. Dans la ville de Mexico, l’APPO et des sympathisants ont bloqué de manière indéfinie l’axe central « Lazaro Cardenas » à la hauteur du centre ville. Les médias corporatistes, notamment Televisa et TV Aztèque, sont des complices de l’occupation militaire à Oaxaca. Attaque du Campus par la PFP ("soi-disant entree pacifique" ) : tirs avec balles reelles Jeudi 2 novembre Le matin du Jour de Morts, des forces fédérales ont encerclé complètement le campus. Après plus de 7 heures de confrontation, des milliers de personnes ont réussi à contenir l’avance des forces fédérales qui sont soutenues par des brigades de policiers ministériels encore au service du gouverneur. Comme il fallait s’y attendre, les autorités policières ont informé que leur « objectif a été atteint » alors que le Secrétariat de la Sécurité Publique a fait diffusé de fausses informations. À 21 h, le rapport préliminaire note 50 personnes blessées (10 policiers fédéraux inclus), ainsi que 30 détentions arbitraires. L’appareil policier avec des milliers d’hommes en armes, des buldozers, des tanks, des hélicoptères et des gaz lacrymogènes n’ont rien pu faire contre la volonté du peuple en lutte. Dimanche 5 novembre Tandis que les barricades ont été renforcées partout, et notament autour du campus, la PFP reste sur la place du Socle. Mais une énorme manifestation s’ébranle à 10h, c’est la 6ème mégamarche avec près d’un million de manifestants qui réaffirment leurs exigences de voir partir de l’état d’Oaxaca le tyran Ulises et les forces de répression de la PFP !
Message édité le 07-11-2006 à 12:15:43 par Paria |
| | Posté le 07-11-2006 à 12:47:31
| merci Paria |
| | Posté le 07-11-2006 à 14:27:09
| Qu’est-ce que l’APPO ? Bien le bonjour, Je vais répondre à tes questions, cela m’a paru intéressant de faire un petit topo sur le fonctionnement interne de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), je ne vais pas rentrer dans les détails, du moins je vais essayer de trouver un juste équilibre. À la suite de l’envoi des forces de police le matin du 14 juin contre les enseignants, qui manifestaient depuis le mois de mai, la population de la ville d’Oaxaca prit spontanément le parti des maîtres d’école. C’est en grande partie avec l’aide des habitants du centre que les enseignants purent se remettre de l’attaque surprise des flics et reprendre l’offensive, infligeant aux forces de l’ordre de l’État d’Oaxaca une défaite dont ils ne se remettent pas. À la suite de cet affrontement, eurent lieu deux manifestations, qui ont regroupé plusieurs centaines de milliers d’habitants. Peu à peu, les gens ont commencé à s’organiser. Le 23 juin, les délégués des colonies (les colonies sont des quartiers créés à partir de la concession de terrains par les habitants eux-mêmes), des associations civiles (de développement, de communication, de culture, d’éducation, de santé, de droits humains, de protection de la nature... Il y en a plus de 500 répertoriées dans tout l’État d’Oaxaca), des associations indiennes (UNOSJO, Service Mixe, CIPO - Ricardo Flores Magón, Conseil des anciens de Yalalag, Service communautaire Ñuu Savi, Union des communautés et peuples indigènes Chontales, Union des femmes Yalatèques...), des représentants des communes de l’État (plus de cent communes se sont libérées à cette occasion, de la tutelle du Parti révolutionnaire institutionnel - PRI), des artistes, des représentants du secteur académique (université autonome Benito Juárez d’Oaxaca - UABJO), des groupes politiques de gauche et d’extrême gauche, des étudiants, des individus sans qualité particulière, des libertaires, des syndicats (de la santé, par exemple) et, bien entendu, la section 22 du syndicat de l’éducation (la section 22 est la section syndicale qui correspond à l’État d’Oaxaca) se sont réunis en assemblée pour désigner les membres d’une commission provisoire négociatrice. Cette commission, comme son nom l’indique, est chargée d’entreprendre les négociations avec le gouvernement fédéral (pour l’assemblée, le gouvernement de l’État d’Oaxaca n’existe plus), elle doit continuellement rendre compte des négociations à l’assemblée populaire, qui, en retour, lui dicte ses volontés. Théoriquement, les décisions sont prises par l’APPO, par la majorité des présents quand le consensus ne peut être atteint, jusqu’à présent la majorité a toujours été proche du consensus. J’écris "théoriquement" et "jusqu’à présent", car il se dessine une tendance, parmi les dirigeants syndicaux proches des partis, qui cherche à passer outre aux décisions de l’assemblée. La base ne se laisse pas faire mais ces manœuvres sont déplaisantes et à la longue accentuent le divorce entre deux courants (les modérés et les radicaux) et affaiblit par des tensions internes l’assemblée. Le 10, le 11 et le 12 novembre aura lieu le congrès constituant de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Une dernière remarque, c’est une assemblée ouverte, tous les habitants peuvent y participer, cependant il existe comme une vigilance interne à travers une chaîne ou réseau de reconnaissances, dans le sens où il est toujours possible de savoir qui est "ce nouveau venu". Il faut comprendre que la ville n’a pas été ébranlée dans ses fondements par l’absence et le non-fonctionnement des institutions gouvernementales. La vie continue comme avant, elle est même plus passionnante et agréable, c’est une ville touristique et les touristes l’ont désertée, ce qui a entraîné une perte des profits de l’industrie touristique et de ses satellites, mais les marchés sont approvisionnés, les magasins sont ouverts, les transports publics fonctionnent, les restaurants et les cafés sont ouverts, on y dépense son argent, seulement la ville est en alerte, des barricades aux entrées d’Oaxaca obligent à de longs détours et parfois, en alerte maximale, l’entrée de la ville est interdite, ou alors très difficile. Il y a aussi des barricades dans les colonies et dans les endroits stratégiques, elles sont en général ouvertes la journée, sauf celles qui se trouvent dans des endroits à protéger comme la radio communautaire, le zócalo, le siège de l’assemblée, ou des bâtiments publics désoccupés et interdits comme le siège du gouvernement, le tribunal, etc. Ces barricades ont été dressées spontanément par les habitants des colonies pour se protéger des opérations commandos des escadrons de la mort (des policiers municipaux en civil qui tiraient sur les gens, la nuit, à partir de camionnettes). Ces opérations d’assassinat, commanditées par le gouverneur déchu, à partir de commandos et de francs-tireurs continuent à faire des blessés et des morts à proximité des barricades ou dans des rues isolées. Des commissions ont été créées par l’assemblée pour le fonctionnement minimal de la ville, j’en cite quelques-unes de mémoire : commission de la santé, de l’hygiène, des finances, de la logistique, de la presse, de la cuisine et de l’approvisionnement (pour les campements et pour ceux qui viennent de l’extérieur), commissions des brigades mobiles et de la surveillance, de la sécurité. La commission de sécurité a été constituée sur le modèle des topiles, ou plus précisément de la police communautaire telle qu’elle existe dans le Guerrero ou au Chiapas parmi les zapatistes, ils ont été désignés, ou plutôt acceptés (ce sont pour la plupart des volontaires) par l’assemblée. Les délinquants sont remis à l’APPO, qui, en général, après leur avoir expliqué la situation, les condamnent à un travail d’intérêt collectif comme balayer les rues, actuellement la situation se durcit et les voleurs sont souvent frappés quand ils sont pris par les commerçants. Quand il s’agit d’un assassin, d’un paramilitaire ou d’un franc-tireur, l’assemblée le remet à la justice fédérale, la PGR (Procuraduría General de la República) par l’intermédiaire du syndicat des enseignants. Les revendications des enseignants et la destitution par l’État fédéral d’Ulises Ruiz restent au premier plan des négociations. Les enseignants ont obtenu satisfaction sur l’ensemble de leurs demandes, reste la destitution du gouverneur ou la reconnaissance de la disparition des pouvoirs dans l’État d’Oaxaca, qui est la revendication principale de l’Assemblée populaire. C’est là qu’apparaît la fracture entre les dirigeants syndicaux qui ont obtenu satisfaction sur tous les points et l’Assemblée, qui comprend aussi les instits de base, qui ne veut plus d’Ulises Ruiz. C’est la partie qui se joue actuellement. Les dirigeants syndicaux ont l’appui de l’opposition dite de gauche et représentée par le premier parti de l’État, le PRD, et avec lui une grande partie de la société civile. L’APPO se trouve face à une union sacrée de l’ensemble des forces politiques capitalistes. Derrière ces objectifs du premier plan se sont dessinés d’autres objectifs plus généraux et plus pratiques à travers une réflexion sur un nouveau pacte social, à laquelle a été conviée la société d’Oaxaca (par l’assemblée). Ce travail de réflexion et de proposition a commencé le 10 octobre et se prolongera par le moyen de tables de discussion et de dialogue, d’assemblées générales et de retour aux tables de discussion, jusqu’au congrès constituant de l’APPO. Environ 1 500 personnes de tous horizons (dont les délégués des communes indiennes) participent à ce travail de réflexion sur un nouveau contrat social. Les tables sont les suivantes : 1. Nouvelle démocratie et gouvernabilité à Oaxaca ; 2. Économie sociale et solidaire ; 3. Vers une nouvelle éducation à Oaxaca ; 4. Harmonie, justice et équité sociale ; 5. Patrimoine historique, culturel et naturel d’Oaxaca ; 6. Moyens de communication au service des peuples. La solidarité envers ce mouvement insurrectionnel s’exprime sur plusieurs plans, il y a d’abord une solidarité proche et quotidienne, des familles des quartiers qui, à 2 heures ou à 3 heures du matin, vont apporter du café chaud à ceux qui se trouvent derrière les barricades, qui apportent des provisions aux campements, des communes (souvent très pauvres) qui font parvenir de l’argent à l’assemblée. La marche sur Mexico a donné l’occasion à cette solidarité populaire de s’exercer avec toute la générosité dont elle est capable ; le campement qui se trouve actuellement dans la capitale reçoit de l’aide, alimentaire ou autre, de la part de la population. Il y a ensuite une solidarité plus militante du fait de certaines organisations syndicales, politiques et sociales qui s’est exprimée au cours du forum national et international qui eut lieu à Oaxaca le 14 octobre au cours duquel diverses propositions de soutiens ont été avancées : mobilisation nationale et internationale un jour déterminé (à préciser), bloquer la circulation en divers points de la capitale du Mexique, création d’une alliance nationale unitaire, manifestation devant la télévision pour exiger un droit de réponse, campements dans tous les États de la république pour exiger la libération des prisonniers politiques et de conscience... En fait, la solidarité s’est surtout manifestée par l’intermédiaire de petits comités (étudiants, libertaires, radios libres, associations civiles, groupes d’extrême gauche, l’Autre Campagne zapatiste) qui se sont constitués à cette fin et qui offrent un appui logistique (au cours de la marche et dans la capitale) et de communication, informer sur ce qui se passe à Oaxaca (face à la désinformation et la calomnie). Il faut savoir qu’au Mexique les principaux syndicats ouvriers et paysans sont aux mains du pouvoir par le biais du Parti révolutionnaire institutionnel, qui a contrôlé le mouvement ouvrier, et plus tard paysan, à partir de 1920. Ce n’est qu’exceptionnellement que certaines sections syndicales ont pu s’émanciper de la tutelle de l’État, comme ce fut le cas de la section 22 du syndicat de l’éducation nationale, le syndicat reste dans son ensemble entre les mains de dirigeants "charros", c’est-à-dire des dirigeants qui sont dans le cercle du pouvoir. Dans ce domaine d’une solidarité effective c’est encore le monde indigène, et paysan (70 % de la population d’Oaxaca est indienne) qui l’apporte par sa détermination à mettre fin à la domination des caciques, ceux qui, avec l’appui de tout l’appareil de l’État, cherchent à s’emparer à leur seul profit des biens collectifs. Je ne pense pas avoir répondu à toutes les questions que vous vous posez et surtout y avoir répondu avec la clarté et la précision nécessaires à une bonne compréhension de la réalité. J’ajouterai qu’à mon sens le mouvement insurrectionnel d’Oaxaca est essentiellement empirique et pragmatique, les idéologies sont à sa traîne et elles ne cherchent même pas à le contrôler. Il risque d’être marginalisé par la société civile, cette part indéfinissable, mais importante, de la société attachée aux droits de l’homme contre le droit des peuples et des communautés villageoises (ou de quartiers). C’est un mouvement désarmé face à l’infanterie de la marine mexicaine à laquelle s’ajoutent des bataillons de l’armée de terre et les forces de la Police préventive fédérale. Sa marge de manœuvre dans ces conditions est très étroite. L’État attend sa marginalisation dans la société pour intervenir au nom du rétablissement de l’État de droit. À la suite de cette intervention, les leaders dans les communes isolées, qui n’auront pas été emprisonnés sous divers prétextes, seront assassinés par des groupes de choc paramilitaires. D’un autre côté, la société mexicaine n’est pas disposée (du moins, il me semble) à accepter un retour aux bonnes vieilles traditions de la violence étatique, qui avait caractérisé les temps, désormais révolus, du parti unique, dans ces conditions, il appartient à l’assemblée populaire de surmonter les tentatives de division, de trahison et d’isolement instruites par l’État et ses partisans. Le prochain congrès, le 10 novembre, pour la mise en place d’une assemblée constituante sera déterminant pour l’avenir de ce mouvement social. Oaxaca le 18 octobre 2006. George Lapierre
Message édité le 07-11-2006 à 14:30:28 par Paria |
| | Posté le 07-11-2006 à 19:30:25
| Merci Paria, avoir l'info en direct ici même c'est quand même bien pratique |
| | Posté le 07-11-2006 à 19:48:48
| De rien. Pour la composition de l'APPO en parti d'extrême gauche et syndicat ouvrier j'ai cherché et mailez certains site d'information mais ils ne sont pas avancé que nous sur ce point...
Message édité le 07-11-2006 à 19:51:51 par Paria |
| | Posté le 08-11-2006 à 18:26:51
| Actions armées au Mexique Des mouvements armés de gauche ont revendiqué lundi la responsabilité de l`explosion de bombes de faible puissance la nuit précédente à Mexico, selon Reuters. Ces attentats dans la nuit de dimanche à lundi dans un tribunal, au QG du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, opposition) et dans une banque n`ont pas fait de victimes. Les bombes ont explosé simultanément, peu après minuit. Cinq mouvements de guérilla de gauche ont revendiqué ces attentats dans un communiqué commun, dans lequel ils ont en outre demandé la démission du gouverneur PRI d`Oaxaca Ulises Ruiz et le retrait des forces fédérales déployées dans la ville du même nom. "Tant que les forces fédérales d`occupation resteront sur le territoire d`Oaxaca, tant qu`Ulises Ruiz restera à la tête du gouvernement d`Oaxaca, les soldats de notre révolution armée poursuivront leurs actions politiques et militaires", ont déclaré ces mouvements. "Nous n'avons rien à voir avec cela. Notre combat est pacifique et démocratique", a dit Flavio Sosa, un des leaders de la contestation à Oaxaca. La police a affirmé qu'elle connaissait les mouvements qui ont revendiqué ces attaques. Une déflagration a fait voler en éclats des fenêtres du Trife, tribunal électoral qui a suscité la colère de partisans de la gauche, en septembre, pour avoir estimé que le candidat conservateur à la présidentielle de juillet, Felipe Calderon, l'avait remporté à la régulière. Les juges ont débouté le candidat de la gauche, Andres Manuel Lopez Obrador, qui a dénoncé des irrégularités après avoir perdu de justesse. Un bâtiment du PRI a lui aussi été endommagé par une bombe. Une succursale de la banque canadienne Scotiabank, dans sud de Mexico, a également été la cible d'une explosion. Une quatrième bombe posée près d'une banque n'a pas explosé et la police a désactivé un cinquième engin dans un restaurant proche du QG du PRI. Le PRI, qui a dirigé le pays pendant 71 ans jusqu'à ce que le président Vicente Fox le chasse du pouvoir en 2000, est aujourd'hui la troisième force politique du pays. Le ministère des Affaires étrangères a été évacué en raison d'une alerte à la bombe qui s'est avérée fausse. ----------------------------------------------------------------------------------------- Sur un autre site j'avais lu hier que les poseurs de bombe avaient prit des précautions pour ne pas faire de victime : en prévenant la police et même en mettant un panneau "Danger Bombe" . |
| | Posté le 08-11-2006 à 18:48:32
| Evénement à Oaxaca le 7 novembre 2006 Evenements de Oaxaca d'aujourd'hui Ce matin Le compas des grévistes lèvent la grève de faim, Une Marche de paramilitaires Priistses protégés par la Pfp a eue lieue 10 :30 du matin Une Marche des femmes de l'APPO leur a répondu a 16 :00. Plus nombreuses qu'eux La RADIO APPO D'OAXACA CONTINUE À TRANSMETTRE. Il y a des miroirs sur Radio Zapote ,. On tombe de manière intermittente sur le signal en ligne, par internet, quand il se produit, on peut continuer à l'écouter par la radio Ke Huega Des ACTIONS de SOLIDARITÉ NATIONALE ET INTERNATIONALE dans quelques lieux du Mexique ont eues lieues certaines ont étés réprimées a mexico notamment De nombreuses mobilisations solidaires internationales ont cependant lieues un peu partout 13 :29 la Faculté Médecine et chirurgie de l'Université Autonome Benito Juárez d'Oaxaca a été prise aujourd'hui par des étudiants, qui ont activement soutenu le mouvement social depuis les différents postes d'aide, la Communauté de la faculté a rédigé là un pli avec les points suivants : chômage de 24 heures en protestation par l'entrée de la PFP dans l'université, le respect sans restriction à l'autonomie universitaire, l'appui aux étudiants et les académiciens qui donnent appui dans les postes d'aide, on décidées de rendre le gouvernement responsable pour toutes agressions dont pourraient souffrir les membres de la Communauté de la faculté, ils seront les gardiens du respect à l'intégrité physique et la liberté de membres de la Communauté médicale universitaire qui prennent part les actions populaires en Oaxaca. 10 :24 un marche de collabos Priistes protégé par la Pfp a prié en criant "Dehors l'APPO de l'université" Radio Université d'Oaxaca clarifie que l'APPO n'est pas dans l'Université, mais dans la place de Saint-Domingue et que qui sont sur le terrain universitaire et le Secteur Estudiantin de l'Assemblée Populaire, mais en dehors de la faculté 10 :20 Radio Université annonce que des " autobus du sud " et de la compagnie " starbus " sont les autobus qui ont transportés les paramilitaires et sicaires et tueurs priistes à la marche qu'ils avaient organisés aujourd'hui pour tenter de terroriser la population de Oaxaca , en arrivant à la ville ils obligeaient les autobus urbains à les transporter en rackettant les chauffeurs 09 :05 Radio Université transmet toujours sur le net 00 :30 le mouvement en Oaxaca est pacifique, ainsi nous l'avons vu, APPO, Radio Université, est transmis jusque dans les images des journaux télévisuels. , Radio Appo annonce que lutte doit continuer mais de manière pacifique. et d'éviter le contact frontal avec la Pfp pour éviter le maximum d'arrestation La résistance continue dans toute ville Radio Université depuis UABJO continue à transmettre Par contre a minuit heure locale de nombreuses informations sur les disparus et les personnes arrêtées nous manquent toujours ----------------------------------------------------------------------------------------- Nouvelle de Oaxaca le 8 nomvrembre 2006 : Désolé pour cette traduction un peu sommaire je parle pas bien l'espagnol section 18 démocratique de Michoacán, qui soutient à la CNTE et l'APPO, déclare que le 9 et 10 novembre en appui aux actions de l'APPO et de la section 22 d'Oaxaca, s'ajoutera aux marches qui auront lieues dans diverses régions de l'état au moins, plus de onze mille professeurs vont sortir dans les rues à exprimer l'appui au peuple d'Oaxaca et exiger la démission de Ulises Ruiz. D'autre part dans la ville importante de Morelia, des professeurs de tout l'état se réuniront à 10 :00 heures dans l'Obélisque à Lázaro Cárdenas pour mobiliser du premier panneau de la ville, jusqu'à à la Place Melchor Ocampo à 12 :00 heures où on prévoit de mener à bien un meeting dans lequel seront présents Artemio Ortiz l'appo la section 18. On informe aussi par l'APPM, qu'il y aura vendredi une grève des tâches agricoles et industrielles qui s'ajouteront aux actions du corps enseignant michoacano, tandis que les 75 organisations sociales qui intègrent l'APPM continueront dans grève civique national Action de la journée du 8 ÉVÉNEMENTS DU JOUR : La marche qui est convoquée partira de Radio Université à 11 :00 AM 03 :20 Dans la barricade la Calicanto on a pus voir des camionnettes ministérielles remplies de sicaires en civil qui rodaient dans la ville 00 :53 on annonce des tirs près de la barricade de la Soria et il y a six personnes arrêtées dans la barricade de la colonie Carrillo Port, deux d'entre eux mineurs d'âge. On demande de l'aide et des informations. 00 :08 on nous annonce qu'il y a un instant une voiture la police ministérielle a été repéree remplie de sicarios en civil qu'ils ont attaqués et tirés a la barricade de Santa Lucia del camino cette attaque est attribué a l'adjoint municipal Manuel Martínez Feria un priiste local Il N'Y A PAS de blessés ni de décés signalés mais la tension est vive en ville . |
| | Posté le 08-11-2006 à 21:19:43
| Chronique d'Oaxaca, 8 novembre 2006 Le gouverneur Ruiz est lâché par le gouvernement fédéral Le ministre de la politique intérieure, Carlos Abascal, a déclaré dans une conférence de presse que le gouverneur d'Oaxaca, Ulises Ruiz, devait, ou bien parvenir à un pacte de gouvernement avec ses opposants et obtenir une trêve pour montrer qu'il était capable de gouverner, ou bien donner sa démission. Le ministre a refusé d'évoquer un possible chantage du PRI, qui menacerait d'être absent à la cérémonie d'investiture de Felipe Calderon. Il a annoncé que, si le fédéral n'avait pas le droit de destituer un gouverneur d'Etat, en revanche il existait des moyens légaux pour le contrôler : 1. un audit de la gestion des ressources fédérales reçues par l’Etat ; 2. une enquête judiciaire sur la responsabilité du gouverneur dans les violences perpétrées par des paramilitaires. Cependant, il s'est refusé à avancer une date pour le retrait de la police fédérale de la capitale oaxaquénienne, celle-ci étant, selon lui, nécessaire "pour garantir la sécurité des citoyens". La situation sur place Ce mercredi, l'APPO doit remettre une proposition au gouvernement fédéral dans laquelle elle demande la destitution de plusieurs hauts mandataires de l'administration Ruiz, comme condition pour entamer des négociations avec le ministre de l'intérieur. Les étudiants estiments nécessaire de maintenir les barricades qui défendent l'université et la radio. En effet, la situation est toujours dangereusement tendue : des agressions sporadiques de la part de policiers ont encore eu lieu contre des indigènes ou contre des habitations ; la radio du gouvernement, Radio Ciudadana, continue à émettre des appels à la haine contre les professeurs et les militants de l'APPO ; des inconnus cagoulés ont détruit un fast-food à coups de cocktails Molotov. La chambre des députés a refusé au président l'autorisation de partir en voyage officiel au Vietnam et en Australie, estimant que la gravité de la situation requérait sa présence dans le pays. Un député de son propre parti s'est demandé non sans humour : "Pourquoi veut-il aller au Vietnam, puisqu'il a le sien ici ?" Les actions futures L'APPO appelle tous les groupes de lutte, formels ou informels, à envoyer des délégués à un congrès constitutif à Oaxaca, du 10 au 12 novembre, qui aura les objectifs suivants : 1. Constituer formellement l'Assemblée populaire des Peuples d'Oaxaca 2. Discuter et approuver les statuts, principes, programme et propositions de l'Assemblée nationale des peuples d'Oaxaca 3. Elire le premier Conseil national des peuples d'Oaxaca, qui sera l’organe de coordination et de représentation de l'APPO 4. Approuver le plan d’action à court, moyen et long terme. L'organisation souligne à cette occasion que sa lutte ne se limite pas à chasser "le tyran Ruiz" mais a pour objectif de transformer profondément l'organisation politique de l'Etat pour répondre aux demandes des peuples qui l'habitent. Les attentats à la bombe du DF revendiqués par cinq groupes de guérilla Les attentats à la bombe qui ont secoué la ville de Mexico la nuit de dimanche à lundi ont été revendiqués en commun par cinq groupes de guérilla : le Mouvement révolutionnaire Lucio Cabanas Barrientos (MR-LCB), la Tendance démocratique révolutionnaire – Armée du peuple (TDR-EP), l'Organisation insurgée 1er Mai, la Brigade de justice 2 décembre et les Brigades populaires de libération. Ces organisations avaient déjà annoncé à la presse le mois dernier qu'elles passeraient à l'action si la police fédérale réprimait violemment la contestation à Oaxaca. Dans leur communiqué, elles reprennent les revendications de l'APPO et dénoncent en outre la fraude électorale et "la violence néolibérale institutionalisée". Malgré cette revendication, les autorités judiciaires n'excluent pas la possibilité que ces groupes ne soient pas les auteurs des attentats mais "profitent de l'opportunité pour se montrer". En tout cas, aucun mandataire judiciaire ou politique n'accuse l'APPO ou le PRD d'en être responsables, comme on l'avait tout de suite craint. Le ministre de la Sécurité publique, Eduardo Molina Mora, a déclaré l'état d'alerte contre la menace d'autres attentats, ce qui consiste à renforcer la surveillance policière et militaire des ports, terminaux aériens et routes fédérales. Annick Stevens |
| | Posté le 09-11-2006 à 20:51:38
| Evénement de Oaxaca le 9novembre 2006 Les femmes combattent, elles aussi Uro et les fascistes du Pri et du Pan Les Femmes Oaxaqueñas manifestent plus déterminées que jamais 5 :00 de l'après midi les femmes de Oaxaca ont entamées la marche luctuosa convoquée par le COMME (Coordination des Femmes Oaxaqueñas crée le 1 août ) et la COFADAPPO (Comité qui regroupe les familles de Disparu-es des personnes Assassiné-es et Emprisonné-es par les Politiciens d'Oaxaca) face à la Faculté de Medicia, 5000 femmes oaxaqueñas habillées de noir avec des bougies, ont défilées avec des veilleurs et piqueteros avec des pancartes. Les hommes ont formé une barrière humaine comme mesure de sécurité contre la pfp et les sicaires et tueurs priistes de Uro. Aux cris de le puño de la femme lutte contre le pouvoir " le défilé avançait en criant " ici nous voulons revoir tout les prisonniers en vie maintenant " Les femmes ont défiée aux cris de " Avec les cheveux d'Ulises je vais à faire une éponge, pour me tailler l'ombligo et la partie plus bas " ou " Ni ici ni là la les femmes se laissent faire" La manifestation se dirige vers le palais de Uro gardée comme une place forte Dans la rue V. Trujano au coin de celle du 20 novembre une barricade de femmes a fait face à la PFP, qui en réponse les a bombardé a coup de canon a eau pour essayer de les intimider ça ne semble d'ailleurs pas marcher beaucoup. La manifestation s'est conclu par un énorme meteting à l'ex Couvent de Saint-Domingue de Guzmán, avec participation de tout-es les compagnons et les parents de des disparu-es , emprisoné-es ou assassiné-es par les tueurs priistes ceux de Uro et de la Pfp PS de Paira : désolé pour la traduction, j'essaye d'arranger certaines fautes d'un texte déjà traduit, mais je suis pas espagnol. ----------------------------------------------------------------------------------------- Répression et manifestation, le pain quotidien à Oaxaca Seules trente minutes s’étaient écoulées ce mercredi 8 novembre quand la Doctora Berta, une des voix les plus emblématiques et combatives de 1400 AM, Radio Universidad, nous informa de la détention arbitraire et illégale de 16 camarades universitaires, l’ un d’eux participait à l'antenne. Selon les premières informations qui furent transmises par la radio, 8 de ces camarades étaient détenus avenue Ferrocarril, très près de la barricade de cinco señores, 6 autres étaient détenus avenue Carillo Puerto et les deux derniers à seulement un pâté de maison du Campus Universitaire. On nous informa aussi que l’ on avait entendu des tirs près de la barricade de Soriana, il faut signaler que ces tirs nocturnes ne sont plus une nouveauté, cela fait 6 jours que nous sommes ici et chaque nuit nous avons entendu ces tirs. Malheureusement, deux de ces balles répressives ont atteint le camarade Marcos Manuel Sánchez Martínez, étudiant de l’ Instituto Tecnologico d Oaxaca (ITO), dimanche dernier 5 novembre, le blessant gravement. Actuellement, ce camarade est hospitalisé au « Seguro Social », se battant pour rester en vie. Selon l ’info que transmettait Radio Universidad, « la voix de la vérité », les camarades appréhendés ont été embarqués dans des camionnettes de la police municipale de Sta Lucia del Camino, commune qui se trouve à dix minutes de Oaxaca et où fut assassiné le camarade d’ Indymedia Bradley Will, raison pour laquelle la radio accuse le maire de la commune, Manuel Martínez Puerto, d ’avoir dirigé cette opération. Selon les versions que donnent les témoins, plusieurs policiers de l'État, des « porros » (ndt : paramilitaires au service du gouvernement d'Oaxaca) et autres vandales reçoivent quotidiennement de petites sommes pour faire ce genre de basses oeuvres ; ces sommes dépendent du niveau du fonctionnaire et du travail qu ’il doit effectuer : cela va de centaines de pesos à quelques milliers (ndt : de dizaines d’ euros à quelques centaines). On dit aussi que le Sr. Ruiz a engagé ce que l’ on appelle des « cholos », qui ne sont rien de plus que des vandales, pour aller frapper les gens et en particulier les étudiants qui défendent dignement, jour après jour, leur Université et leur Radio. Durant cette émission très matinale, on nous informait aussi qu ’il était prévu qu’ à 11h du matin du jour même les étudiants et les travailleurs du syndicat de l’ UABAJO (Universidad Autónoma Benito Juárez de Oaxaca) allait effectuer une manifestation de l’ avenue Universidad jusqu ’aux bureaux de la SCT Secretaria de Comunicaciones y Transportes) pour exiger que cette succursale fédérale cesse de bloquer le signal de Radio Universidad. Le blocage de la radio a commencé samedi 3 novembre, il consiste principalement recouvrir le signal de radio Universidad par une musique rock stridente et étourdissante qui empêche quasiment d’ entendre les voix des locuteurs et, étant répétitive, génère tension et dégoût chez celui qui l’ écoute. La manifestation, à l’ appel des étudiants, ne partit pas comme prévu à 11h, mais quasiment une heure et demie plus tard, cependant elle fut menée à terme y dura environ 2h30. Le point d’ arrivée fut la Secretaria de Comunicaciones y Transportes, où il y eut lieu une prise de parole d’ environ 20 minutes durant laquelle deux orateurs du Trabajadores de la UABJO se pasèrent le micro et reprochèrent à cette succursale son intervention et le blocage du signal de Radio Unversidad. Vers 14h30, la manifestation, qui regroupait près de 500 personnes parmis lesquels des étudiants, des travailleurs, des ouvriers et des membres de la société civile, avait accompli son objectif. |
| | Posté le 11-11-2006 à 13:17:44
| Les camarades Blanca Canseco Méndez, professeur Coordinatrice du Secteur Tlacolula, Vallées Centrales, de la Section 22 de Oaxaca, et l'étudiant de la Faculté des Sciences de l'UNAM et ex dirigeant du CGH de l'UNAM, Jaime Rouges Guzmán, sont partis vers la ville de Huajuapan de Leon à 23:25 le vendredi 3 novembre, à partir du terminal ADO-AU du Metro Acatitla, dans un autobus de la ligne SUD à destination de la Ville d'Oaxaca, pour prendre part à l'Assemblée d'Etat de la Section XXII en appui à Oaxaca. Ils ont été arrêtés au poste militaire localisé dans la station d'essence de Nochixtlán, à 7:30 h le matin suivant, alors qu'ils voyageaient à ce moment là dans une camionnette Suburvan du transport public étatique vers cette localité. Ils avaient présumément été présentés à la prison d'Yanhuitlán, proche de Nochixtlán, mais des parents et des compagnons maîtres de la Section 22 du SNTE ont confirmé qu'ils n'étaient pas retenus là. Les camarades ont en réalité été transférés dans un camp militaire de la région où ils ont été interrogés et gravement torturés physiquement (frappés principalement dans la nuque et les côtes) et psychologiquement pendant toute la journée et la nuit par des effectifs de la Marine, de l'Armée et des services de renseignement Militaire. En outre, ils ont été dévêtus et ont été photographiés et filmés, et emportés dans un hélicoptère militaire pendant plus de deux heures, pieds et mains liés et menacés d'être lancés à la mer s'ils ne se déclaraient pas "senderistes", "qui allaient déstabiliser le gouvernement d'Ulises Ruiz Ortiz", "qui étaient responsables d'incendies de camions", "qui appartenaient à un groupe subversif". On voulait particulièrement que le camarade Jaime Rouges Guzmán accepte la charge d'être membre de Sentier Lumineux. Après ces faits ils ont été présentés le soir dans le pénitencier d'état (CERESO) d'Etla. À la demande de la famille du Professeur Blanca Canseco, il a été obtenu que la Commission des Droits de l'Homme de l'état leur rende visite. On sait qu'ils ont été examinés par le médecin légiste du pénitencier, celui-ci ayant seulement annoté les plus petites lésions, mais on a empêché qu'un médecin légiste des Droits de l'Homme les examine pour constater les lésions dont ils ont fait l'objet. Jusqu'à aujourd'hui, dimanche 5 novembre, au matin, on a eu connaissance de sa présentation dans le dit Pénitencier d'Etla. On a informé les parents du professeur et les camarades du Secteur Tlacolula auquel elle appartient. Le Dossier Administratif 224/FM/06 a été ouvert (il n'y a pas eu d'enquête préalable). Les camarades ont été arrêtés sans mandat d'arrêt ils se réservent son droit constitutionnel à déclarer. Aujourd'hui à 7:30 les 48 heures légales pour déterminer leur situation sont dépassées. Jusqu'à ce maintenant, ils sont illégalement détenus. Nous exigeons la liberté immédiate de nos camarades et de tous les prisonniers politiques ! Nous sollicitons le soutien solidaire pour la diffusion de ce message! Front Enseignant Indépendant National (FMIN) et Mouvement etudiant Révolutionnaire Internationaliste (MERI) - Dimanche 5 novembre 2006. |
| | Posté le 11-11-2006 à 21:46:11
| Poster par Gorki dans la rubrique "action en communs des menbres" : Communiqué du Comité Central du Parti Communiste du Mexique (ML) à propos des événements d'Oaxaca Le processus démocratique et révolutionnaire va de l'avant, acculant les forces de la réaction, les forces du fascisme, le régime capitaliste, à prendre des mesures contre le peuple, mais celles-ci n'ont pas réussi à nous affaiblir. Au contraire, ces mesures se sont attirées le rejet de millions et de millions d'opprimés du Mexique et renforcent l'organisation d'un futur Front Unique contre l'oligarchie financière. Ainsi, l'oligarchie financière, incapable de résoudre les grands problèmes du Mexique puisqu'elle en est la cause, prétend, avec ses forces d'occupation, freiner et anéantir ce processus démocratique, pour le bon plaisir des monopoles impérialistes, pour aller plus loin encore dans l'exploitation et l'oppression, déjà exacerbées. Les enseignements que nous offre le peuple d'Oaxaca dans sa longue marche et sa ferme résistance à l'offensive fasciste, nous amènent, à n'en pas douter, à une nouvelle interprétation de la réalité nationale, interprétation plus large, beaucoup plus claire, de ce que signifie le système capitaliste, de ce que représente la soumission du Mexique au néo-colonialisme, de ce qu'implique le Plan Puebla-Panama, le Traité de Libre Echange, de toute la cochonnerie des négoces bourgeois du tourisme international, de la sauvegarde de caciques et de propriétaires terriens et de la protection des usines-prisons de millions de prolétaires. Oaxaca est une source d'inspiration pour la classe ouvrière et pour tout le peuple mexicain. Celui-ci, acculé à la pauvreté et à l'oppression de la bourgeoisie et de ses partis, subit aujourd'hui la répression féroce du régime, pour le simple fait d'exiger la liberté, d'exiger la démocratie, d'exiger de meilleurs conditions de vie. Pour toute réponse, l'oligarchie financière n'a fait que manoeuvrer et imaginer différents subterfuges pour conserver le statut-quo, mettant ainsi au grand jour le rôle de son Etat, de ses institutions, de ses partis politiques et de ses moyens d'information ; par là-même, elle démontre la nécessité de la révolution prolétarienne. La réaction de l'oligarchie financière et de son Etat face au problème social à Oaxaca est partie intégrante de la politique destinée à maintenir soumis le peuple. Les Ulises Ruiz sont présents dans tous les Etats de la république, sous toutes les couleurs (jaune, bleu et tricolore), mais, à Oaxaca, ils ont dû faire face à une résistance organisée, à la conscience de classe ; c'est pour cela qu'ils cherchent à noyer ce peuple dans le sang. La dictature du capital, voilà ce que défend la Police Fédérale Préventive à Oaxaca, rien d'autre. Les grands affairistes, voilà qui appuie Fox en pressurant les peuples. Offrir le pays à l'impérialisme, voilà le programme de Calderon. Offrir à la bourgeoisie les ressources du peuple, voilà l'objectif d'Ulises Ruiz et de la classe qu'il représente. Voici les questions qui sont en débat à Oaxaca comme dans tout le pays, et c'est pourquoi la lutte doit être développée activement et largement, dans la montagne, sur la côte, à la campagne et dans les villes, dans tous les recoins de notre pays. L'offensive des "forces publiques" contre les peuples d'Oaxaca signifie par ailleurs l'échec de la démocratie bourgeoise, démasquée, et l'entrée en scène du fascisme, face à l'impossibilité pour la bourgeoisie de continuer à gouverner comme jusqu'à présent. Voilà pourquoi tant d'opérations militaires et cet entêtement à soumettre ce peuple, pour qu'aucun exploité et opprimé n'ose remettre en cause l'ordre actuel des choses. Mais les choses ne tournent pas comme l'espérait l'oligarchie financière, et elle y risque encore plus sa crédibilité, elle y risque son régime même, face au rejet général. Ainsi, il ne resta plus à la bourgeoisie qu'à se jeter dans les bras de l'impérialisme, totalement et définitivement. Pas à pas, petit à petit, dans les rues de la ville d'Oaxaca, le foxisme, les impérialistes, l'oligarchie financière et ses partis serviles reçoivent en pleine figure le rejet de leur système et, surtout, une déclaration de guerre de la part de ce peuple, lassé de la misère et de l'exploitation auxquelles il a été soumis. La répression de la part régime et la façon dont cette tendance s'est consolidée à travers le Sénat et les structures dirigeantes du PRI, du PAN et du PRD, montre suffisamment que toutes les forces du capitalisme sont associées afin de conserver le système de domination de la propriété privée. Ainsi, les différentes tendances soi-disant humanistes du capitalisme se démontrent inefficaces à détenir le fascisme, puisqu'assises sur le fondement du profit maximum et du régime en soi de la démocratie du capital. Tout ceci démontre leur incapacité à résoudre les problèmes économiques, politiques et sociaux, et démontre qu'aucune des vieilles politiques social-démocrates, qu'elles se proclament "de gauche", néo-libérales, national-bourgeoises, ou bien "patriotiques", ne sont suffisantes pour endormir l'instinct de classe des masses travailleuses. Ainsi donc, notre Parti et le FPR appellent à la résistance populaire et à l'offensive contre le régime bourgeois, pour la défense de nos intérêts sociaux, pour un gouvernement ouvrier, de paysans pauvres, et populaire. Halte à la répression ! Police Fédérale Préventive, hors d'Oaxaca ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! Seule la Révolution Socialiste est changement ! ----------------------------------------------------------------------------------------- Communiqué de médias indépendants harcelés à Oaxaca Oaxaca de Juárez, Oaxaca. 7 novembre 2006. à Vicente Fox Quezada, président de la République, à Carlos Abascal Carranza, ministre de l'Intérieur (Secretario de Gobernación), à José Luis Soberanes, de la Commission nationale des droits humains, à la Commission internationale des droits humains, aux défenseurs des droits humains indépendants, à la société civile nationale et internationale, Depuis le début du conflit, la majorité des moyens de communication commerciaux, au niveau national et international, a systématiquement dissimulé des informations sur ce qu'il se passe dans l'État et dans la ville d'Oaxaca, particulièrement en ce qui concerne les actes de violence provenant du gouvernement de l'État, et maintenant aussi de la Police fédérale préventive. Durant les dernières semaines, beaucoup de journalistes alternatifs qui couvrons le conflit pour les médias libres, avons subi toutes sortes de harcèlements et de menaces de la part des groupes paramilitaires qui opèrent pour le gouvernement de l'État, de la radio clandestine qui opère avec l'aval de M. Ulises Ruiz Ortiz, et maintenant aussi de la Police fédérale préventive. Il est évident que le travail des médias libres empêche les actions répressives provenant de l'État. La mort du journaliste américain Brad Will, produite de la main de fonctionnaires municipaux sympathisants d'Ulises Ruiz Ortiz, est une preuve de ce qui précède, bien que le scandale qui se déchaîne autour de ce fait ait aggravé la situation précaire dans laquelle nous nous trouvons en travaillant comme organisations, groupes et journalistes de médias libres. Des exemples de cela sont : les appels de l'autonommée "Radio citoyenne" pour attaquer les journalistes "étrangers", produisant ainsi une campagne de xénophobie contre toute personne qui n'est pas oaxaquénienne ; menaces de mort directes à des journalistes ; le vol de leurs matériels ; coups et menaces avec des armes à feu. Comme journalistes indépendants, nous réprouvons aussi le blocus des transmissions de Radio Universidad parce qu'il viole l'autonomie universitaire et la liberté d'expression protégée par la Constitution mexicaine et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous nous opposons à la discrimination entre les médias officiels et les médias libres, parce que nous accomplissons tous la fonction d'informer. Pour toutes ces raisons, nous rendons responsables M. Ulises Ruiz Ortiz et le président de la République, Vicente Fox Quezada, de tout incident qui pourrait arriver à un membre des organisations et des groupes signataires ci-dessous ou à tout autre journaliste. Salutations, Agence populaire de photographie Lok'tavanej, Bibaani, A.C., Canal 6 de Julio, Centre d'information et de documentation communautaire Yagavila, Centre des médias libres DF, Collectif Chanti Ollín, Collectif Radio Zapote, Convergence des groupes de l'ENAH, Édition Lucía Zenteno, Estéreo Communal, Front oaxaquénien de communication alternative, Indymedia Oaxaca, Ke Huelga Radio, Mal de Ojol TV, OaxacaLibre, Ojo de Agua Communication, Radio Bemba, Radio Chapingo, Radio Guetza, Radio Maíz, Radio Molocha, Radio Nandiá, Radio Pacheco, Radio Plantón, Radio Réforme, Radio Sabotaje, Radio Tupa Oaxaca, Radio Universidad, Réseau de radios communautaires de l'Isthme (Radio Ayuuk, Radio Ikoots, Radio Umalalang, Radio Totopo, Radio Huave), Corrugated Films, Indymedia Barcelona, Indymedia NYC, Kaos en la Red, La Haine.org, Organisation anglaise de journalistes, 43 signatures de journalistes indépendants... |
| | Posté le 12-11-2006 à 21:45:57
| La lutte continue à Oaxaca Cependant hier de nombreuses disparitions et arrestation restent a déplorer, de nombreux convois de gens solidaires convergent toujours vers Oaxaca , même s'ils sont bloqués car les porcs fascistes de la Pfp interdisent aux stations services de vendre de l'essence a ceux et celles qui sont sur les routes qui mènent a la villes les sicaires et tueurs du Pri de Ulisse Ruiz eux continuent de tuer en toute impunité alors que la Pfp elle se retranche derrière des barbelés et tiens certains coin stratégiques de la ville comme le Zocalo laissant les sicaires et tueurs du Pri " sous traiter " les arrestations et " disparitions " Quand à l'assassin Uro il refuse toujours de démissionner et déclare aux médias mexicains que le " problème " de Oaxaca se résume "une avenue dans la capitale". et la Pfp reconnaît détenir " que 50 personnes " ils sembleraient qu'ils mentent et que le chiffre soit beaucoup plus élevé qu'ils ne l'annoncent Ce 11 novembre l'appo tiendra un grand meeting a Oaxaca , de nombreuses actions sont prévues de nombreuses caravane convergent toujours d'un peu partout au Mexique vers Oaxaca malgré les contrôles de la Pfp le mépris toujours le mépris, les coups de matraque de Oaxaca a Neuilly les encostumés fascisants n'ont que ça a nous apporter En attendant d'autres nouvelles les Photos de la méga marche du 6 novembre a 0axaca http://nyc.indymedia.org/en/2006/11/78870.html ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- L'APPO commence sa réunion constitutive. Oaxaca, Oax. L'Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca a convoqué ses sympathisants à célébrer, ce vendredi, la réunion constitutive de l’APPO. Les dirigeants ont annonce qu’elle définira les principes et les objectifs de la lutte, La réunion qui a débuté ce vendredi dans la capitale pourrait emmener l'APPO à se transformer en une Assemblée de l’Etat du Peuple de Oaxaca, d'après un rapport diffusé par W Radio. La réunion se fixe aussi pour objectif l'élection d'une direction permanente, vu que jusqu'aujourd'hui, l'organisation formée en juin par le conflit d’Oaxaca, ne compte que des portes paroles. A peu près 3.000 personnes, représentant les différentes régions de l'Etat (qui compte environ trois millions et demi de personnes), sont attendues à cette rencontre. Florentino López Martínez, l'actuel porte parole de l'APPO, a informé que la réunion se terminerait dimanche, et que lundi ils appelleront de nouveau à une manifestation dans les rue de la ville ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Oaxaca : Appel d'un partisan de l'autonomie individuelle et collective Chaque fois qu'une révolution a dédaigné de considérer comme son objectif prioritaire le soin d'améliorer la vie quotidienne de tous, elle a donné des armes à sa répression Appel d'un partisan de l'autonomie individuelle et collective. Raoul Venegeim Considérant que les habitants d'Oaxaca ont le droit de vivre comme ils le veulent dans la ville et dans la région qui sont la leur ; Considérant qu'ils ont été victimes d'une agression brutale des policiers, des militaires et des escadrons de la mort à la solde d'un gouverneur et d'un gouvernement corrompus dont ils ne reconnaissent plus l'autorité ; Considérant que le droit de vivre des habitants d'Oaxaca est un droit légitime et que l'illégalité est le fait des forces d'occupation et de répression ; Considérant que la résistance massive et pacifique de la population d'Oaxaca atteste à la fois sa résolution de ne pas céder à la menace, à la peur, à l'oppression, et sa volonté de ne pas répondre à la violence des policiers et des tueurs paramilitaires par une violence qui justifierait le travail de souffrance et de mort accompli par les ennemis stipendiés de la vie ; Considérant que la lutte du peuple d'Oaxaca est la lutte de millions d'êtres revendiquant le droit de vivre humainement et non comme des chiens dans un monde où toutes les formes de vie sont menacées par les intérêts financiers, la loi du profit, les mafias affairistes, la transformation en marchandises des ressources naturelles, de l'eau, de la terre, des espèces végétales et animales, de la femme, de l'enfant et de l'homme asservis dans leur corps et dans leur conscience ; Considérant que la lutte globale entreprise au nom de la vie et contre l'emprise totalitaire de la marchandise est ce qui peut empêcher le peuple d'Oaxaca de céder à ce désespoir qui sert toujours fidèlement le pouvoir parce qu'il paralyse la pensée, ôte la confiance en soi, entrave la faculté d'imaginer et de créer des solutions nouvelles et de nouvelles formes de lutte ; Considérant que la solidarité internationale se contente trop souvent de rabâchages émotionnels, de discours humanitaires et de déclarations creuses où seule la fatuité de l'orateur trouve un objet de satisfaction ; Je souhaite qu'un soutien pratique soit apporté aux assemblées populaires d'Oaxaca afin que ce qui n'est pas encore une Commune puisse le devenir. Car ce qui est en train de s'ébaucher se situe dans la lignée de la Commune de Paris et des collectivités andalouses, catalanes et aragonaises durant la Révolution espagnole de 1936-1938, où l'expérience autogestionnaire jeta les bases d'une société nouvelle. A cette fin, je fais appel à la créativité de chacun pour aborder des questions qui, sans préjuger de leur pertinence et de leur intérêt, sont de nature à apparaître, à tort ou à raison, dans la constitution d'un gouvernement du peuple par le peuple, c'est-à-dire d'une démocratie directe où les revendications individuelles soient prises en considération, examinées sous l'angle d'une harmonisation possible et dotées d'une accréditation collective qui permette de les satisfaire. _Si tant est qu'il soit possible et souhaitable que les parents des victimes de la répression et de l'occupation policière se constituent partie civile contre le gouverneur et les instances responsables des assassinats et des violences, comment leur garantir un soutien international ? _Comment empêcher les emprisonnements, l'action des paramilitaires, le retour de la région entre les mains sanglantes des corrompus ? _Au-delà du sursaut d'indignation suscité par la barbarie policière et mafieuse, comment aider la population d'Oaxaca à donner des garanties effectives à cette aspiration qu'elle ne cesse d'exprimer : nous ne voulons plus être en proie à aucune violence ? _Comment agir en sorte qu'aucune oppression ne s'exerce sur le droit de vivre des individus et des collectivités attachées à la défense de ce droit universel ? _Quel soutien la solidarité internationale peut-elle apporter à la résistance civile d'Oaxaca en sorte que cette résistance civile devienne simplement la légitimité d'un peuple à se gouverner directement lui-même par le recours à la démocratie directe ? Et dans une perspective de plus longue échéance : _Si celle-ci le souhaite, comment pouvons-nous aider la Commune d'Oaxaca à collaborer à l'organisation de l'approvisionnement en nourritures et en biens d'utilité individuelle et collective ? _Comment pouvons-nous aider les associations populaires à assurer elles-mêmes et sans dépendre des pouvoirs "d'en haut" la gestion des transports, des services sanitaires, de la fourniture en eau, en électricité ? _Quel appoint international peut-il être fourni au projet d'"éducation alternative" qui, après la longue grève des enseignants, s'esquisse en Oaxaca ? _Ne se trouve-t-il aucune association scientifique qui puisse faciliter le développement d'énergies naturelles et non polluantes dans la région d'Oaxaca ? Le but serait double. D'une part, éviter que celles-ci soient implantées autoritairement au profit de l'Etat et des multinationales -comme cela s'est passé dans l'isthme. D'autre part, rappeler que la préoccupation énergétique et environnementale n'a de sens pour nous que dans sa relation avec l'autogestion. Car mises au service de communautés autogérées, elles ne permettent pas seulement de se rendre indépendants des mafias pétrolières et technologiques, elles instaurent peu à peu cette gratuité que leur caractère renouvelable et leur source inépuisable garantissent, une fois couverts les frais d'investissement. Et cette idée de gratuité des énergies, qui implique aussi la gratuité des moyens de transport, des soins, de l'éducation, est, plus encore qu'une arme absolue contre la tyrannie marchande, le plus sûr garant de notre richesse humaine.
Message édité le 12-11-2006 à 21:53:06 par Paria |
| | Posté le 14-11-2006 à 19:20:19
| Textes sur oaxaca témoignages contre le silence des pantoufles de la médiocre médiacratie française Bien le bonjour, Dimanche 5 novembre, le départ de la marche avait lieu à Viguera, petite municipalité qui se trouve à l'entrée de Oaxaca et à environ 12 kilomètres du centre ; là, sur la route qui vient de Mexico se dresse la statue de Benito Juarez. La marche s'est ébranlée, il était un peu plus de dix heures du matin. ¡Hombro con hombro, codo con codo, la APPO, la APPO, la APPO, somos todos ! (Epaule contre épaule, coude contre coude, l'Appo, l'Appo, nous sommes tous l'Appo !) Le Comité des familles et des amis des disparus, des assassinés et des prisonniers politiques a pris la tête de la marche, venait ensuite, se tenant par le bras, les membres de la direction provisoire de l'assemblée populaire, puis les autorités municipales de la Sierra Juarez avec leurs bâtons de commandement enrubannés, que leur a confiés l'assemblée du village. Et puis le fleuve s'est écoulé, puissant, énorme, tranquille, sur la route à quatre voies qui conduit à Oaxaca. ¡No que no, si que si, ya volvimos a Salir ! Tout devant, en haut d'une perche, se balance la maquette en carton d'un tank chasse barricade de la police fédérale préventive, avec dans la coupole le pantin d'un policier anti-émeute tout harnaché. ¡Se ve, se nota, en Oaxaca no hay derota ! Plus de deux kilomètres et demi de long, sans musique ni fanfares, mais avec des slogans repris à tue tête sur un ton chantant, toujours ; pas de haut parleurs, mais des pancartes brandies au bout d'un bâton, des gens d'humble condition, ni riches, ni puissants, ont arpenté l'asphalte d'un pas alerte et soutenu. ¡Ya cayó, ya cayó, Ulises ya cayó ! (Il est tombé, il est tombé, Ulises est tombé !) Dans ce défilé sans fin, nous avons pu remarquer les brigades de Puebla, le Front populaire Francisco Villa, un groupe de paysans armés de leurs bâtons à fouir (bâton avec lequel le paysan creuse un trou où il dépose le grain de maïs), les femmes triquis vêtue de leur robe traditionnelle rouge avec de fines lignes blanches, elles font partie du mouvement unificateur de la lutte triqui indépendante (MULTI). L'Assemblée des peuples en résistance de San Salvador Atenco fermait la marche. ¡Que sube, que baja, Oaxaca no se raja ! (Qu'il monte, qu'il descende, Oaxaca ne se dégonfle pas !) Le long de la route des gens nous offraient des oranges, de l'eau fraîche, des tortillas, du pain, des mandarines, et le fleuve humain a pénétré dans la ville, resserré comme un torrent immobile, bouillonnant, dans les rues trop étroites (en haut des murs, aux fenêtres, sur les terrasses, les gens nous acclamaient), pour finalement se déverser sur la place Santo Domingo et s'écouler dans les rues environnantes. ¡Oaxaca no es cuartel, fuera Ejercito de el ! (Oaxaca n'est pas une caserne, que s'en aille l'armée !) Pourtant l'armée était bien là, qui avait transformé le Zócalo en camp retranché. Plusieurs rouleaux de fil de fer barbelé tranchant comme des rasoirs en barraient l'accès, une rue était même barrée par un haut mur d'acier, les camions tanks, les canons à eau étaient prêts à entrer en action, en haut, sur les terrasses des maisons autour de la place, les vigiles observaient avec angoisse cette déferlante qui arrivait vers eux. Quelques échauffourées commençaient d'ailleurs, quand la locutrice, désormais célèbre, de la Radio Universitaire, une femme assez âgée, est intervenue pour calmer le jeu, et les jeunes avec leurs foulards, sortis tout prêts à en découdre de la marche, les durs à cuire et les irréductibles l'ont écoutée. « Face à face se trouvent les deux défenses ennemies : la barricade du peuple et la tranchée militaire. La barricade montre au soleil son énorme masse irrégulière et paraît fière de sa difformité. La tranchée militaire fait valoir ses lignes géométriques et sourit de sa rivale contrefaite. Derrière la barricade se tient le peuple insurgé, derrière la tranchée se trouve la milice. ─ Quelle horrible chose qu'une barricade ! s'exclame la tranchée, aussi horrible que les gens qui se trouvent derrière, on sait bien qu'il y a seulement des gens perdus derrière ce machin encombrant et inutile. Je n'ai jamais vu qu'un truc aussi mal fichu et si ridicule puisse servir à autre chose qu'à protéger d'une mort méritée la canaille. Des gens crasseux, qui sentent mauvais, des bandits, la plèbe turbulente, c'est tout ce que peut protéger une chose si moche. Par contre derrière moi se trouvent les défenseurs de la loi et de l'ordre, les piliers des institutions républicaines, gens disciplinés et corrects, garants de la tranquillité publique, bouclier de la vie et des intérêts des citoyens. Les barricades ont de l'amour propre et la barricade dont on parle ne peut faire exception à la règle. Elle sent que ses entrailles de bois, de vêtements, de tessons, d'ustensiles divers, de carcasses, de pierres, tressaillent d'indignation et dans le ton de sa voix il y a la solennité des suprêmes résolutions et la sévérité des déterminations populaires. ─ N'en dis pas plus, refuge de l'oppression, réduit du crime, tu es en présence du bastion de la Liberté ! Moche et contrefaite comme je suis, je suis grande parce que je n'ai pas été fabriquée par des gens à gages, par des mercenaires au service de la tyrannie. Je suis fille de la désespérance populaire, je suis le produit de l'âme tourmentée des humbles et de mes entrailles naissent la Liberté et la Justice. Il y a un moment de silence, la barricade paraît méditer. Elle est difforme et belle tout à la fois. Difforme de par sa constitution, belle par sa signification. Elle est un hymne fort et robuste à la liberté, elle est la protestation formidable de l'opprimé. ─ Une barricade dans chaque ville au même moment, et la liberté jaillira de mes entrailles, lumineuse, rayonnante comme la respiration d'un volcan ! Obscure comme je suis, j'illumine. Quand le pauvre m'aperçoit, il soupire et dit : Enfin ! » (Ricardo Flores Magón, Regeneración, número 213, 20 de noviembre 1915) Ce mouvement social se veut pacifique, il est l'expression d'une volonté populaire face à un pouvoir totalitaire et despotique, ce mouvement entend substituer à un rapport vertical, une relation horizontale : « Eux, ils ont les armes, nous, nous avons la raison et la raison doit triompher de la force ». C'est une insurrection pacifique. La lutte devant l'université fut une lutte de résistance, la défense opiniâtre d'une liberté. L'armée pouvait venir à bout des bombas molotof et des coyotas, mais pas des gens qui sont descendus dans la rue avec un seul mot d'ordre : « A bas le tyran ! » Pourtant la lutte ne peut se circonscrire à la chute du tyran. Derrière ce mot d'ordre se trouve l'exigence d'un changement de régime, substituer à un régime autoritaire, un gouvernement véritablement démocratique, selon le modèle des communautés indiennes, où les « autorités » sont désignées pour accomplir ou veiller à l'accomplissement des initiatives prises par l'assemblée du village. Le Congrès Constituant de l'assemblée populaire des peuples d'Oaxaca, qui se tiendra à partir du 10 novembre, devra définir les statuts, les principes, le programme et les objectifs de l'assemblée. Il élira le Conseil des peuples d'Oaxaca et approuvera un plan d'action. Il analysera les contextes international, national et régional ainsi que la crise des institutions pour entreprendre une réforme de l'Etat pour Oaxaca. Il y discutera les caractéristiques du nouveau gouvernement, de la nouvelle constituante et de la nouvelle constitution. Vaste projet, mais qui prend forme peu à peu, déjà les tables pour le dialogue et les premières résolutions dites de Santo Domingo avaient abordé ces thèmes et ébauché une réflexion. Nommer une direction, désigner des dirigeants, c'est toujours un moment délicat et bien ambigu et tout peut très vite dégénérer en une forme plus ou moins larvée de pouvoir, pouvoir qui cherche, selon sa propre logique, à se renforcer par divers moyens ; c'est ce qui s'est passé, il y a quelques années à Juchitán avec la dérive de la COCEI (Coalition ouvrière, paysanne étudiante de l'Isthme) au cours de laquelle se sont perdues et dénaturalisées des années de luttes. Déjà certains dirigeants nommés provisoirement ont donné des signes de faiblesse face au pouvoir au cours des négociations. Pas tous, bien des gens sont clairs, d'autres se mettent trop en avant pour être honnêtes. Après la trahison de la direction de la section 22, se préparent d'autres trahisons. L'Assemblée devra se montrer vigilante. Gustavo Esteva avait relevé sur un mur de la ville cette phrase, que je cite de mémoire : « Ne tombons pas dans la provocation, ne prenons pas le pouvoir. » A suivre… Jusqu'à présent l'assemblée populaire repose sur les pratiques ancestrales des communautés indiennes : les « autorités » désignées obéissent aux décisions prises par l'assemblée communautaire, ce que les zapatistes traduisent par « mandar obedeciendo » (commander en obéissant). Ce n'est pas si facile et je vois bien que certaines personnes de la direction provisoire suivent leur propre ligne de conduite ou celle de leur parti. Cette façon de faire s'appuie sur des traditions sociales ou culturelles fortes, celle du tequio, qui est une forme de travail bénévole, communautaire et solidaire et celle de la guelaguetza, mot zapotèque qui signifie « art de donner » et qui recouvre l'ensemble des échanges festifs. Tout ce mouvement de résistance sociale a pu s'organiser, se construire, se maintenir et durer grâce à ces deux coutumes : activité bénévole et solidaire, appui matériel et alimentaire de la part de la population. L'assemblée est bien hétéroclite elle draine des organisations les plus diverses, indigènes, civiles, des droits humains comme la Ligue mexicaine des droits humains (Limedh), des autorités municipales, des délégués syndicaux, des étudiants, des partis politiques comme celui de Flavio Sosa (Nueva Alianza), le Parti Ouvrier Socialiste (POS), le Parti communiste mexicain etc., etc., des organisations comme le Front populaire révolutionnaire (FPR), le comité de défense des droits du peuple (Codep)… Ce côté hétéroclite constitue à la fois la faiblesse et la force de l'Appo. Force car il conduit pour l'instant l'assemblée à chercher le consensus, les divergences idéologiques sont mises de côté dans la recherche d'un « dénominateur commun », faiblesse car il peut laisser trop de marge de manœuvre à la direction, qui en profitera nécessairement. Ce dimanche matin un étudiant, Marcos Manuel Sanchez Fernandez, a été gravement blessé par des groupes paramilitaires. Il était 6H45 quand diverses personnes fortement armées sont arrivées à bord de plusieurs véhicules et ont fait feu à partir d'endroits différents en direction de la cité universitaire et de la barricade de los Cinco Señores. Oaxaca, lundi 6 novembre 2006. Bien le bonjour, Nous sommes le mercredi soir, nous pensions aller « monter la garde » au camp retranché, qui défend la Radio Universitaire au sein de la cité du même nom. Après réflexion, nous n'allons pas nous y rendre, c'est fort Alamo et, en plus, cette cité universitaire est une véritable nasse, j'ai horreur de me sentir ainsi pris au piège. Nous ne sommes pas les seuls à prendre, ou à avoir pris, cette décision, d'autres se sont rendus compte du danger que représente cette cité universitaire complètement close. A l'extérieur, les habitants ont dressé des barricades, mais la cité est vaste et n'est protégée que sur deux côtés, pourtant ce n'est qu'à l'extérieur que l'on peut espérer, non pas arrêter, mais ralentir, freiner, l'avancée de l'armée et laisser le temps aux gens de la radio de s'échapper. Je pense que c'est finalement ce qui va se passer, les mexicains (les gens du peuple, s'entend) choisissent en général la solution la plus rationnelle. Nous irons à Santo Domingo qui est toujours occupé par les membres de l'assemblée populaire, avec une présence remarquée des maîtres d'école, qui sont venus contre l'avis de leur direction syndicale. Ils ont le sourire, les yeux clairs et brillants de ceux qui ont su garder leur dignité. La direction syndicale non seulement a apporté la division au sein de l'assemblée, mais elle est devenue l'ennemie déclarée de tous ceux qui l'ont critiquée et mise en cause, se rappeler Rueda Pacheco, un dirigeant, courant sous les insultes et les débris de nourriture, désormais, il n'a plus qu'une idée en tête, briser l'assemblée, il est devenu l'allié inconditionnel de l'Etat. Il y avait bien 3000 personnes qui occupaient ainsi l'espace devant le couvent des dominicains ce matin. De Santo Domingo, nous pourrons toujours nous rendre aux abords de la cité universitaire si la situation là-bas devient critique. Au cours de son avancée, l'armée a perquisitionné, sans mandat, évidemment, un grand nombre d'habitations (une cinquantaine) et arrêté plus d'une trentaine (sans doute beaucoup plus avec les disparitions) de personnes. Elle a l'ordre d'appréhender tous ceux qui ont un mandat d'arrêt, plus de 200 personnes pour l'instant, mais le nombre augmente tous les jours. Aujourd'hui, elle a repris deux barricades importantes, Brenamiel, qui se trouvait à l'entrée nord d'Oaxaca, le long du rio Atoyac, et celle du Canal 9. Nous avons appris qu'elle avait reçu l'ordre de perquisitionner la cité universitaire, malgré l'opposition clairement exprimée du recteur (cela mérite d'être signalé) ; ce ne sera sans doute pas pour ce soir. Dans les jours qui viennent, la police fédérale va chercher à détruire une par une les dernières barricades et puis elle va occuper, par des rondes continuelles, toute la ville. Elle n'occupera pas si facilement le cœur des habitants. Aujourd'hui, 1er novembre, c'est la fête des morts et l'assemblée a hélas beaucoup de morts récents à fêter. La coutume consiste à dresser un autel avec des berceaux faits de palmes et de fleurs, de ces fleurs qui ressemblent à nos chrysanthèmes, mais plus petites, de couleur orange foncé, que l'on appelle cempasúchitl, avec les pétales de ces fleurs on trace le chemin des morts jusqu'à l'autel. A Oaxaca les autels sont renommés pour leur débauche de fleurs et de fruits, ils sont en général à trois étages où sont exposés les offrandes pour les morts qui vont venir au cours de la nuit du 1er au 2 novembre : du tabac, un verre de mescal, des fruits, des petites têtes de mort en sucre, des épis de maïs et, surtout le pain des morts, c'est un pain fait spécialement pour eux et que l'on mangera le lendemain en buvant le fameux chocolat bien mousseux d'Oaxaca. Ce matin nous nous sommes rendu à Santa Lucia, à la barricade où a été tué le jeune reporter Brad Will, les habitants de ce quartier populaire lui rendait hommage, ils ont dressé un autel à un coin de rue, proche du lieu où il est tombé, lieu dit le Ferrocaril, une ligne de chemin de fer partageant l'avenue en deux ; la mort nous a laissé en mémoire une chaussure au milieu de l'asphalte, les jeunes du quartier ont fermé un grand espace avec des bougies autour de cette chaussure et ils ont écrit le nom de Bradley Will en lettres dorées avec des étoiles. Les familles se sont ensuite retrouvées pour une oraison publique autour de l'autel qu'elles lui avaient élevé. Je reprends cette chronique deux jours plus tard, nous sommes maintenant vendredi soir. Jeudi, au matin, nous avons été appelés en renfort pour protéger la radio universitaire, les troupes de la police fédérale venaient de prendre la barricade de la Glorieta Cinco Señores, qui protégeait la cité universitaire. La radio poussait son cri d'alarme et lançait un appel au peuple d'Oaxaca : « Nous sommes menacés, venez en grand nombre, ne restez pas chez vous, venez défendre votre radio ! » La police avait choisi son jour, jour de la fête des morts, le 2 novembre est une fête familial importante : on invite les voisins à déjeuner, à boire le chocolat et à manger le pain des morts, on a préparé le mole, la sauce aux vingt épices, au piment et au chocolat, que l'on mangera, accompagnée de poulet, en famille, avant de se rendre au cimetière. Nous sommes arrivés assez tôt et nous avons pu contourner, avec l'aide des habitants des quartiers environnants, les flics qui avaient pris los Cinco Señores pour nous trouver au pied de l'université. Il fallait renforcer les barricades existantes et en élever d'autres à des points stratégiques afin de ralentir les forces de police. Les habitants du quartier se sont mis à l'œuvre, pas tous, des familles du parti du gouverneur déchu ont soulevé des objections, ce qui a entraîné de fortes discussions entre voisins, finalement notre parti l'a emporté et les familles récalcitrantes sont rentrées s'enfermer chez elles. Le matin, de bonne heure, vers 7H, des gens du PRI étaient passés en camionnette aux abords de l'université et avaient tiré en direction de la radio, nous avons retrouvé 24 douilles de différents calibres. Des carcasses de voitures, et même la carcasse d'un camion, ont été soulevées et transportées à la force des poignets au pied des gendarmes mobiles. Les habitants et les jeunes de l'université allaient faire feu, c'est le cas de le dire, de tout bois, et nous pourrions ajouter, de tout véhicule avec cependant une prédilection pour les bus. Trois autobus de Montoya, une colonie assez éloignée, sont venus nous prêter main forte, à leur arrivée les passagers ont pris les clés et ont dit aux chauffeurs : « les bus ne sont pas à vous, donc on vous les prend, on vous rendra les clés plus tard. » Les bus ont servi de barricades, une des tactiques consiste aussi à mette le feu à un bus et à le lancer ainsi tout enflammé sur les forces de police. A la fin de l'affrontement, nous avons vu les chauffeurs partir avec les clés, mais sans leurs bus. Nous avons fait de belles rencontres, des mères de famille, des personnes âgées, des gens simples, sans parler des jeunes et des gamins, tous sur le pied de guerre, et ils allaient être toujours là aux moments les plus durs et les plus critiques, quand les hélicoptères nous bombardaient avec des grenades de gaz lacrymogène. La bataille a duré 7 heures. Des équipes médicales étaient présentes avec du vinaigre, du coca-cola et de l'eau, le vinaigre pour respirer sous les gaz lacrymogènes, le coca pour s'en asperger, ce qui a pour effet d'atténuer rapidement les brûlures du gaz, on peut employer aussi de l'eau sucrée, mais les gens ici préfèrent le coca, et l'eau pure pour les yeux. Les jeunes ont fait preuve d'une vaillance et d'une imagination à toute épreuve : bazookas improvisés avec des tubes de PCV, il m'a semblé, mais je ne suis pas un expert en guérilla urbaine, des bouteilles de gaz enflammées, je vous assure qu'une grande bouteille de gaz, comme ils ont ici, au milieu de la rue fait le vide autour d'elle, aussi bien du côté de la police que des assaillants, ils ont aussi des fusées, sans parler des traditionnelles bombas molotof ; j'ai aussi noté des pétards de fabrication artisanale ou coyotas, on mélange de la poudre, un acide, des clous et des punaises, le tout dans du papier d'aluminium qu'on entoure ensuite d'un adhésif, on y ajoute une mèche et le tour est joué ; j'ai pu apprécier leur habileté à la fronde, la pierre atteint une vitesse, une hauteur et une distance impressionnante. Offensive, repli, offensive…, vers trois heures nous avons ressenti comme un petit relâchement, le combat semblait se déplacer vers les rues adjacentes, on annonçait à la radio une série d'arrestations, j'ai pensé que les flics nous encerclaient et que je devais trouver un moyen de sortir de cet encerclement si je ne voulais pas me trouver déporter en Europe. Nous avons offert notre aide à un groupe médical qui avait une camionnette, transporter du coca-cola et du vinaigre sur le front, mais le front reculait au fur et à mesure que nous avancions, la troupe battait en retraite et finalement nous nous sommes retrouvés tous sur la Glorieta Cinco Señores, et les gens venaient de partout. Les habitants d'Oaxaca venaient de remporter la victoire sur plus de 4000 hommes de troupe, les hélicoptères ont fait un dernier passage pour lancer quelques grenades et ils sont partis. Réduit à ma portion de quartier, pour ne pas dire de rue, entre la cité universitaire et le bataillon de flics, je n'avais aucune vision d'ensemble. En fait les habitants, qui peu à peu arrivaient par vagues sur les lieux à l'appel de la radio, ne purent passer le barrage des policiers qui tenaient les cinq avenues, bientôt ceux-ci se sont trouvés pris en tenaille, les arrivants ont commencé à dresser des barricades et à s'affronter aux forces de police, et ils étaient de plus en plus nombreux, au bout de quelques heures la police fédérale préventive a commencé à manquer de munitions et les canons à eau se sont trouvés vides. Elle a été débordée par le nombre. La seule solution qui lui restait était de faire feu sur la foule qui l'entourait, elle a choisi de battre en retraite : No fue un fracaso, se evito un baño de sangre, porque no teniamos por qué cambiar los toletes por metralla (ce ne fut pas un échec, on a évité un bain de sang, car nous n'avions d'autre solution que de remplacer les matraques par la mitraille). La victoire revient au peuple d'Oaxaca qui s'est mobilisé pour défendre sa radio. Depuis le début nous avons affaire à une révolte sociale, qui émerge des profondeurs de la société, et tout l'appareil d'Etat est en train de se fissurer sous la poussée de cette force. Ces deux mobilisations populaires, celle de dimanche et celle de jeudi, ont pallié l'absence, pour ne pas dire la trahison de la section 22, et l'assemblée s'est trouvée toute revigorée, ce qui est bon signe pour le Congrès Constituant qui doit se tenir le 10, 11 et 12 novembre. Ce n'est qu'une victoire dans une guerre sociale qui promet d'être longue. Déjà le lendemain, c'est-à-dire aujourd'hui, à 6h50 du matin, des escadrons de la mort dans un style commando ont à nouveau tiré avec des armes de gros calibre sur les installations de la radio. Une grande manifestation est prévue dimanche prochain avec l'arrivée de trois caravanes venant du Nord, du Centre et du Sud. Les caravanes, qui ne pourront entrer, dresseront une barricade à l'endroit même où elles seront arrêtées, cette proposition fut faite à l'assemblée cet après-midi. A dimanche ! Oaxaca, vendredi 3 novembre 2006. George |
| | Posté le 16-11-2006 à 19:38:54
| Bien le bonjour d’Oaxaca, le 14 novembre. Bien le bonjour, Le Congrès constituant de l’Assemblée s’est ouvert le vendredi 10 novembre. Il avait pour but de définir, autour de trois thèmes de discussions, les perspectives, les principes, le programme et le plan d’action, à court, moyen et long terme, de l’Assemblée, puis de désigner les membres qui formeront le Conseil de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Ce Conseil des peuples d’Oaxaca, (Consejo Estatal de los Pueblos de Oaxaca) constituera la direction collective permanente de l’Assemblée, elle sera l’organe de coordination et de représentation de l’APPO. Trois jours plus tard, le lundi 13, à 4 heures du matin, après d’âpres disputes, interrompues par des discours de soutien venus de toute part, la recherche opiniâtre du consensus et quelques tentatives de manipulation, le Congrès avait atteint ses objectifs. Le Congrès s’est tenu dans une salle des sports, surchauffée en milieu d’après-midi, froide la nuit, qui se trouve à la sortie de la ville. Les délégués des sept régions de l’État d’Oaxaca et des différents secteurs de la société composant l’Assemblée formaient le corps du Congrès, huit cents au début, un peu plus de mille sur la fin, ils avaient un carton orange et eux seuls avaient le droit de vote, puis venaient les invités munis d’un carton jaune (les invités avaient le droit à la parole, mais non au vote) et la presse, autre carton, qui a dû sortir dès le commencement des débats. Interdiction était faite de sortir avant la fin des débats, sauf pour les invités, qui, dans ce cas, ne pouvaient pas revenir. L’alcool et les armes à feu étaient interdits, ainsi que les appareils photo. Un comité de vigilance veillait au bon respect des règles et cherchait à éviter l’infiltration de gens indésirables. Au dernier jour, nous avons été retardé par la découverte de faux délégués, qui avaient présenté une « feuille de route » suspecte. En général, les gens, par délégation, se connaissaient, et il était difficile de se glisser à l’intérieur d’une délégation sans soulever des interrogations. Cela dit... Certains délégués, venus des régions, ont apporté leurs couvertures et dormaient sur place. Petits déjeuners, repas du midi et du soir étaient prévus, en outre les habitants des quartiers et des barricades apportaient à manger dans des camionnettes ou des autos particulières, qu’ils distribuaient à l’heure de la comida. Le repas de midi se faisait dehors sous un soleil assassin et la file était interminable. Les Indiens, les jeunes et les femmes étaient un peu perdus dans un monde d’hommes, d’adultes et de métis. J’ajouterai que le monde paysan était sous-représenté au profit du corps enseignant. Pourtant, ces minorités issues des colonies, des barricades et des communautés villageoises vont marquer d’un esprit nouveau l’Assemblée populaire face aux traditions de lutte des militants marxistes, qui constituaient tout de même le gros morceau de l’Assemblée. Durant toute la durée du congrès, ces deux formes de pensée vont s’affronter, mais aussi s’écouter, pour finir par conclure une forme d’alliance, un pacte provisoire : les militants ayant parfois été sensibles à ce qui constitue le fondement de l’Assemblée et lui donne un sens, la communauté ; les jeunes libertaires, les habitants des colonies et des villages reconnaissant, semble-t-il, la capacité d’organisation et de convocation des militants issus des formes historiques de la « lutte des classes ». En fin de compte ce que cherche l’Autre Campagne zapatiste, l’alliance entre le mouvement indien et les forces d’opposition au monde capitaliste, semble se concrétiser ici avec l’APPO. Cette union ne se fait pas sans grincements de dents, torsions et contorsions, ce qui donne à l’Assemblée une tournure complexe et parfois ambiguë, elle est populaire, ce qui convient à l’esprit marxiste et léniniste, mais elle est aussi l’assemblée des peuples d’Oaxaca, ce qui lui donne un tout autre esprit. La première journée a été en grande partie occupée à enregistrer les délégués et les invités, et le congrès n’a véritablement commencé qu’au début de l’après-midi. Les sept présidents et vice-présidents, les quatre rapporteurs et les dix scrutateurs chargés de la direction du congrès ont été désignés par les délégués, chaque région devant nommer trois représentants. La règle du consensus a été retenue et le programme des trois tables de travail a été présenté. Durant cette journée, à travers des discussions, des idées ont pu se préciser : maintenir l’unité entre les forces qui composent l’Assemblée, entre un mouvement anti-autoritaire et spontané et un mouvement organisé ; des concepts comme la révocation des mandats, la démocratie participative, l’initiative citoyenne, du « mandar obedeciendo », la reconnaissance des droits indigènes, une éducation multiculturelle, l’égalité des genres, ont été avancés, qui devaient définir et rappeler les grands traits de l’Assemblée. La deuxième journée a été plus consistante, avec la tenue des trois tables de discussion autour des thèmes suivant : Table 1, analyse du contexte international, national et régional, à l’intérieur duquel se constitue l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Table 2, la crise des institutions : pour une réforme intégrale de l’État libre et souverain d’Oaxaca, pour un nouveau gouvernement, une nouvelle constituante et une nouvelle constitution. Table 3, l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, perspectives, déclaration de principes, statuts et buts, plan d’action à court, moyen et long terme. Nous avons assisté à la table numéro 3, les résolutions et les propositions de la première assemblée des peuples d’Oaxaca, qui eut lieu fin septembre, ont été reprises dans leur ensemble, ce sont en général des déclarations de principes, qui n’ont de sens que s’ils sont réellement appliqués, ce qui est encore à voir. Retenons le principe de la révocation des membres élus du Conseil, que toutes les décisions prises par l’APPO devront être analysées et discutées par la base, le consensus sur les décisions, le service ou tequio, le « mandar obedeciendo »... Nous retrouvons ce caractère de généralité quant aux propositions concernant le programme de lutte, souveraineté nationale, pour un nouveau modèle de développement économique, pour une démocratie populaire, pour la justice sociale... Je vous laisse deviner le contenu de tous ces paragraphes, je retiendrai le droit à la terre pour les femmes indigènes et le respect de la médecine traditionnelle et des médecins et des sages-femmes indigènes ; et puis chacun y a été pour de nouvelles propositions de principes ou de luttes ou pour confirmer et préciser les propositions existantes, insistant sur l’horizontalité des rapports, les radios communautaires, le système des charges, une cinquantaine de personnes sont ainsi intervenues, chacune d’entre elles exprimant, dans une certaine confusion entre réformisme et radicalité, ses préoccupations et ses idées. Au cours de toutes ces interventions, se dessinaient peu à peu les trois courants qui allaient s’affronter le lendemain : le courant que j’appellerai « magoniste » et qui s’appuie sur les pratiques et les règles de la vie communautaire (souvent, d’ailleurs, la communauté est mise en avant comme une simple référence, un peu abstraite, par de jeunes libertaires venus des barricades), le courant « révolutionnaire » marxiste-léniniste, qui tourne autour du concept clé de pouvoir populaire, et un courant plus souterrain, moins visible mais qui pointe parfois le bout de son nez, le courant réformiste proche du Parti de la révolution démocratique et de la Convention nationale du même nom. La troisième journée a été consacrée au débat, à partir de l’analyse des résultats ou conclusions des trois tables, et ce ne fut pas une mince affaire, tentatives de manipulation ou l’art de faire passer en force ou en douceur des propositions inacceptables pour la majorité des délégués. Usure, résistance, acharnement, fatigue, les militants des partis politiques et en particulier du PRD, ressortaient de leurs sombreros tous les vieux procédés usés jusqu’à la corde pour faire accepter l’inacceptable. Pris dans la tourmente le bateau du congrès a tenu bon, malgré quelques voies d’eau qui n’ont pu être colmatées à temps. Il s’agissait ensuite de nommer les membres du Conseil, la règle de pas moins de 30 % de femmes ayant été acceptée et retenue par la majorité : dix hommes ou femmes pour chacune des sept régions à l’exception de la Vallée centrale, où se trouve Oaxaca, qui sera représentée par vingt délégués auxquels s’ajouteront les représentants des différents secteurs (de 3 à 5 par secteur) : colonies et quartiers, barricades, femmes, organisations civiles, organisations des peuples indigènes, syndicats, autorités municipales, jeunes et étudiants, paysans et producteurs, religieux, commerçants, secteur culturel et artistique, intellectuels. Tout le monde y retrouvait son compte finalement et il y eut plus de 260 membres nommés pour deux ans. Remarquons que les délégués de la Sierra Norte au Congrès, conséquents avec leur tradition communautaire, n’ont pas nommé de membres au Conseil, laissant ce soin à l’assemblée régionale, qui se réunira prochainement à Guelatao. Je reviendrai sur ce congrès dans une prochaine lettre. Oaxaca, le mardi 14 novembre 2006. George Lapierre. |
| | Posté le 16-11-2006 à 19:42:00
| CHRONIQUE DU MEXIQUE EN LUTTES, 15 NOVEMBRE 2006 Oaxaca L’APPO (Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca) annonce qu’elle empêchera le gouverneur de l’État, Ulises Ruiz, de rendre son deuxième rapport d’activités au Congrès. Cette cérémonie, en effet, vise à montrer qu’il y a gouvernabilité, ce que conteste l’APPO. Le programme de gouvernement présenté mercredi passé par Ruiz au ministre de l’Intérieur comprenait six points : réconciliation, réforme de l’État, réactivation économique, sécurité, révision des structures de gouvernement et avancée dans l’accomplissement des accords passés avec les enseignants. Cependant, aucun détail n’a toujours été fourni quant à savoir comment seront accomplis ces six engagements. Les étudiants de l’Université autonome Benito Juárez d’Oaxaca refusent de reprendre les cours, ainsi que de démanteler les barricades qui entourent le campus. Le recteur a annoncé lui-même que les cours étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre, mais il avait demandé la levée des barricades en échange d’une protection policière pour les étudiants militants, protection que ceux-ci estiment "incongrue" étant donné la répression violente que la police a exercée sur eux il y deux semaines. Trois étudiants sont toujours incarcérés ; la section locale de la Ligue des droits humains demande leur libération ainsi que la présentation en vie de 31 personnes disparues lors des assauts policiers subis par la ville. Pour marquer leur détermination, 2 000 étudiants ont effectué une marche depuis la Cité universitaire vers le camp principal de l’APPO, au couvent de Santo Domingo. Dans une petite ville de l’État, des professeurs ont fait prisonniers six militants du PRI qui cherchaient à remplacer les professeurs de la section 22 du syndicat, toujours en grève. L’ex-maire de Mexico, Andrés Manuel López Obrador, ainsi que des députés du PRD organisent vendredi prochain une rencontre nationale "pour la défense d’Oaxaca" ; ils exigent le retrait de la PFP et la démission du gouverneur comme préalable à toute négociation et souhaitent promouvoir des actions pour éviter de futures violences et terreurs à l’encontre des populations en lutte. Chiapas Lundi dernier, des indigènes lacandons, militants du PRI, ont entrepris de chasser par la force des indigènes tzetales et choles, sympathisants de l’EZLN, de certaines terres revendiquées par les deux parties dans la réserve écologique des Montes Azules. Selon le Centre des droits humains Fray Bartolomé de las Casas, proche des zapatistes, l’affrontement a fait 14 morts, 10 du côté des sympathisants de l’EZLN et 4 du côté des Lacandons. Le ministère fédéral de la réforme agraire et le gouvernement du Chiapas avaient, au terme d’une négociation, attribué ces terres aux Lacandons et obligé les autres indigènes à les évacuer. Lutte pour la présidence La tension monte à l’approche de l’entrée en fonction du nouveau président de la République, qui doit avoir lieu le 1er décembre au Palais législatif. Le PRD, dont fait partie le candidat Andrés Manuel López Obrador (AMLO), évincé par une fraude électorale plus que probable, a réaffirmé son intention d’empêcher à tout prix cette cérémonie. Le PAN, parti du président, veut faire protéger les lieux par l’armée, ce qui est refusé par les autres partis, y compris le PRI qui estime "lamentable" qu’un acte constitutionnel comme la transmission de pouvoir doive se faire sous la protection de l’armée et de la police ; le PRI demande que des négociations politiques soient faites avec le PRD pour que les choses se passent sans violence. L’APPO annonce sur son site Internet qu’aura lieu le 1er décembre une marche d’un million de personnes vers Mexico, à la fois pour exiger la démission de Ruiz et pour rejeter la présidence de Calderón. Le porte-parole de l’actuel président a demandé que la voix de la majorité soit respectée, puisqu’en démocratie c’est la majorité qui commande, et puisque la majorité a voté pour Calderón. AMLO, de son côté, a déclaré que le gouvernement de Calderón serait une mascarade et un pur appareil bureaucratique, car tel est un gouvernement "sans l’appui du peuple". Il a ajouté que le parti pris de la majorité des médias, "vendus à la droite néofasciste", est une preuve que le pays n’est pas une démocratie. Il maintient que le 20 novembre aura lieu sa propre entrée en fonction comme "président légitime", avec le cabinet qu’il a constitué et avec le programme qu’il a annoncé pour gouverner "pour le peuple et avec le peuple". La hiérarchie catholique abonde dans le sens de la présidence, méprisant les accusations de fraude électorale. Pour rappel, les indices de fraude sont surtout le nombre beaucoup plus important de votes que de votants officiels dans certains États, des bizarreries dans la progression du décompte des voix, une partialité évidente de l’IFE (Instituto Federal Electoral, institution créée en 1988 pour garantir la transparence du processus, mais qui a été immédiatement assujettie au gouvernement en place, ses membres faisant exclusivement partie du PAN et du PRI) - tout cela sans parler d’une campagne électorale véritablement haineuse et diffamatoire envers le candidat du PRD. Un article extrêmement détaillé, et dont la conclusion est accablante pour le PAN, a paru à ce propos dans "La Chronique des Amériques" (juillet 2006, n° 26, Observatoire des Amériques, Université du Québec à Montréal) : Les élections présidentielles mexicaines : parodie électorale ou tragédie démocratique ?, par Émilie E. Joly. Les sénateurs du PRD, reprenant l’ensemble des irrégularités commises lors des élections, demandent la démission de tous les membres de l’IFE. Annick Stevens, à partir de "La Jornada". |
| | Posté le 16-11-2006 à 21:03:12
| Le compte rendu de George Lapierre est intéressant et notement sur le rôle des ML qui consisteraient une des trois forces du congrés et apparement la mieu organisé mais les décisions d'organisations collégiale de l'assemblé suivant des critéres sociaux culturels un peu flou semble sujet à caution. Ce qui serai bien ce serait d'avoir un texte des ML précisant la stratégie au sein du congrès et de l'assemblée puisqu'ils représentent une force trés importante. Il se joue peu être un événement politique important ... Paria, quelque part on lit que l' APPO a un site internet, tu l'as trouvé ? (encore merci pour ce dossier) |
| | Posté le 16-11-2006 à 21:05:48
| http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/ c'étais pas compliqué en fait ... |
| | Posté le 16-11-2006 à 21:12:45
| Oui, oppong l'avait mis un peu plus haut : http://www.asambleapopulardeoaxaca.com Pour ce qui est des groupes ML présent à l'APPO je cherche toujours des informations supplémentaires mais je n'ai encore rien trouvé. |
| | Posté le 16-11-2006 à 21:21:18
| Merde, je l'avais zappé. Désolé |
| | Posté le 22-11-2006 à 16:05:15
| CHRONIQUE DU MEXIQUE EN LUTTES, 21 NOVEMBRE 2006 Naissance de l’Assemblée populaire des peuples du Mexique, pour la démocratie directe issue de la tradition indigène. Ce 20 novembre a été un jour historique au Mexique pour plusieurs raisons. La plus importante pour l’avenir est probablement la constitution officielle de l’Assemblée populaire des peuples du Mexique (APPM), qui regroupe 19 assemblées populaires, dont l’APPO, et 75 organisations sociales et politiques. L’APPM cherche à former un front le plus large possible contre la domination politique et économique de droite ; c’est pourquoi elle invite les zapatistes de l’« Autre Campagne » et le « Front élargi progressiste » (c’est-à-dire le PRD et les petits partis qui lui sont alliés) à se joindre au mouvement ; seuls sont exclus les groupes liés au PRI ou au PAN, dans la mesure où il doit s’agir d’un « processus d’organisation populaire qui veut en finir avec les vieux cercles de pouvoir et où les décisions émanent directement des assemblées, avec une coordination horizontale, sans possibilité d’imposer des décisions depuis des petits cercles de pouvoir ». Parmi les objectifs de l’APPM, en effet, le plus révolutionnaire est sans doute celui de promouvoir la formation d’assemblées à tous les niveaux, depuis le plus local jusqu’au plus fédéral, afin de « retrouver les traditions collectives, communautaires et populaires qui trouvent dans les assemblées l’expression la plus complète et la plus développée de la démocratie directe ». La première activité de l’APPM sera l’appui au plan d’action de l’APPO, qui comprend, demain mercredi, une mégamarche vers la ville d’Oaxaca, des blocages de routes autour de celle-ci, et des meetings devant une quinzaine d’ambassades dans divers pays du monde. À Mexico, les promesses du « Président légitime » López Obrador. La célébration de l’anniversaire de la Révolution dans le centre ville de Mexico, c’est d’abord une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes qui assiste au défilé commémoratif, culturel et sportif, dans une atmosphère joyeuse et bon enfant. Mais cette année c’est surtout l’occasion qu’a choisie le candidat présidentiel, évincé par fraude, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), pour prendre symboliquement ses fonctions de Président légitime, avant que son rival Felipe Calderón ne le fasse officiellement le 1er décembre. Devant la foule accourue de tous les coins de la république, AMLO s’est engagé à protéger les droits du peuple, défendre le patrimoine et la souveraineté nationale et entamer la transformation profonde du pays. À cette fin, il a annoncé un programme en 20 points, parmi lesquels des initiatives légales pour affronter les monopoles économiques liés au pouvoir et pour favoriser l’économie populaire. En préparation du 1er décembre, le Palais législatif où doit se passer la cérémonie d’investiture de Calderón s’est transformé en une véritable place forte, gardée par des centaines de policiers, et dont tous les accès sont désormais scellés, murés, contrôlés. Une exposition consacrée à Pancho Villa, qui devait être inaugurée aujourd’hui, a été interdite par le PAN, au grand dam de tous les autres groupes politiques qui estiment les mesures de prévention démesurées. Qui sait cependant ce qui va se passer ce jour-là ? Une banderole sur le zócalo annonçait clairement : « La démocratie est morte. S’il n’y a pas de solutions, ce sera la révolution ». Toujours l’état de siège à Oaxaca. Dans la capitale d’Oaxaca, des affrontements ont eu lieu entre la Police fédérale préventive (PFP) et les quelques 1 500 partisans de l’APPO qui avaient organisé une marche pour commémorer l’anniversaire de la Révolution. Durant tout l’après-midi, les jets de pierres et les pétards ont lutté contre les gaz lacrymogènes et les matraques, avant que la PFP finisse par se retirer de la zone de la manifestation. On compte 53 blessés du côté de l’APPO et au moins 5 du côté des policiers. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et remis aux autorités judiciaires. Plusieurs journalistes et preneurs d’images, y compris appartenant à des agences de presse internationales et à la toute puissante télévision TV Azteca, ont été poursuivis et agressés par des policiers. La Ligue mexicaine de défense des droits de l’homme dénonce le fait que « La Police fédérale préventive continue à violer les droits de l’homme, outrepasse ses fonctions et, au lieu de rétablir la paix, provoque le contraire » ; elle demande au gouvernement fédéral de retirer la PFP de l’État, vu que « sa présence aiguise le conflit ». Une femme n’ayant aucun lien avec l’APPO a porté plainte pour agression sexuelle de la part de policiers, et l’APPO dénonce un harcèlement continuel vis-à-vis des femmes de la part de la force d’occupation policière qui campe toujours dans le centre ville. La radio libre sympathisante des insurgés, Radio Universidad, est toujours complètement entourée de barricades et gardée comme une forteresse ; la professeure de médecine Berta Muñoz, qui avait assuré l’antenne durant les sept heures d’assaut policier le 2 novembre, est désormais cantonnée à l’intérieur des locaux de la radio en raison des menaces de mort qu’elle reçoit sur son portable et qui sont diffusées par la radio proche du gouvernement. Elle a confié à une journaliste de « La Jornada » que rien ne serait plus pareil à l’université, qui doit désormais se rapprocher du peuple et lui donner la parole. Quant au gouverneur de l’État, Ulises Ruiz, comme seule réponse à l’immense mouvement populaire qui réclame sa démission, il a déclaré que « celui qui retire et impose, c’est Dieu ». Cette tranquille assurance de gouverner de droit divin lui a valu le sévère reproche du coordinateur de la commission « Justice et Paix » de l’archidiocèse d’Oaxaca, pour avoir évoqué le nom de Dieu pour « justifier son maintien au pouvoir, qui manifestement est autoritaire, méprisant, despotique et tyrannique. Quand on idolâtre le pouvoir, on tombe dans la fétichisation et on n’écoute plus la voix du peuple. » Du côté des zapatistes D’État en État et de communauté en communauté, l’ « Autre Campagne », entamée il y a déjà presque un an, continue de donner la parole à toutes les victimes des confiscations de terres, des assassinats et disparitions, de la misère imposée par les grands propriétaires et leurs milices privées, les caciques et leurs policiers corrompus, les narcotrafiquants et leurs blanchisseurs. Donnant ainsi une voix aux sans voix, elle permet au moins de révéler à quel point la façade de démocratie et d’État de droit qu’affiche le Mexique vis-à-vis de l’extérieur est un leurre et une mascarade. Hier, des milliers d’indigènes, « bases d’appui » de l’EZLN, ont bloqué diverses routes du Chiapas pour manifester leur soutien aux revendications de l’APPO. Annick Stevens, à partir de « La Jornada ».
Message édité le 22-11-2006 à 16:05:43 par Paria |
| | Posté le 22-11-2006 à 19:33:35
| Bien le bonjour, Nous en étions restés à la troisième et dernière journée, celle des débats houleux (je n’ai pas perdu de vue ma métaphore du bateau dans la tempête) et de la nomination des membres du conseil. Du débat houleux, j’ai retenu quelques sujets qui posaient problèmes, le premier concernait la question du pouvoir et avec elle, celle des partis politiques, devait-on accepter comme membres du Conseil des adhérents à un parti politique ? Le deuxième concernait le nombre de places à l’intérieur du Conseil consenties aux enseignants ? Nous reviendrons un peu plus loin sur ces deux questions, nous allons commencer par les conclusions des tables de travail. Dès le matin, consacré à la lecture des résultats, les mésententes ont fait surface et ont envenimé les discussions. La première table concernant l’analyse de la situation internationale, nationale et régionale n’a pas posé de problèmes particuliers, tous sont tombés d’accord pour trouver la situation catastrophique : capitalisme généralisé s’appuyant en grande partie sur l’impérialisme des Etats-Unis, qui conduit à l’appropriation des ressources et à la destruction du milieu, des cultures et de la vie sociale (avec parfois un petit côté marxiste au sujet des contradictions du capitalisme et des allusions à la classe ouvrière), la signature des traités commerciaux ont ruiné le marché national et prolétarisé les paysans, condamnés à émigrer aux Etats-Unis. Sur le plan régional cette avancée du capitalisme s’accompagnant de la privatisation des biens communs est une agression contre la vie communautaire, les usages et les coutumes ancestraux. Cette destruction de la richesse naturelle et culturelle, s’accompagne d’un accroissement de la répression : violation constante de la liberté, des droits collectifs et des droits humains. On vient de m’appeler pour me dire que la situation est critique du côté du Zócalo, la manifestation de ce jour, 20 novembre, vient de s’affronter à la police fédérale préventive qui garde l’endroit. Je vais y faire un saut, je vous tiendrai au courant… Ce sont surtout des jeunes qui harcèlent les forces militaires, ils ont dressé une belle barricade avec les matériaux d’un immeuble en construction sur la rue qui descend de Santo Domingo au Zócalo, de ce point, ils asticotent les flics, qui, de leur côté, répliquent en lançant des grenades lacrymogènes ; les autres rues d’accès sont mal protégées si bien que les forces ennemies peuvent nous prendre à revers, c’est d’ailleurs ce qui se passe à un moment donné, ce n’est heureusement qu’un commando d’une vingtaine d’individus, qui tirent à bout portant avec leurs fusils lance-grenades et puis se replient, quelques blessés. Des secours se sont formés spontanément, des familles sont venues avec tout le matériel et proposent des tampons de vinaigre, du coca-cola et de l’eau pour les yeux. Des équipes médicales sont en place. Les jeunes ne sont pas en position de force et ils n’ont pas une vue stratégique qui leur permettrait de coordonner leurs mouvements, ils en ont conscience, déjà toute une équipe est partie renforcer la barricade de los Cinco Señores dangereusement laissée sans protection. Ce qui me paraît préoccupant est l’attitude des membres du Conseil présents, au lieu de prendre le parti des jeunes, ils ont commencé à parler de provocations, de manifestation pacifique, nous connaissons tous ce genre de discours, pour ensuite donner l’ordre du repli. "Comment, vous, qui représentez d’une certaine manière le peuple, osez parler de provocations quand vous devriez être en première ligne pour le défendre contre les exactions des forces d’occupation, les jeunes font ce travail, alors respectez-les et ne les accusez pas d’être des provocateurs !!", la réponse ne s’est pas laissé attendre ! Si tous ceux qui ont des ambitions politiques, forts de leur position au sein du Conseil, continuent à se manifester de cette manière autoritaire bien des gens des barricades, des colonies et des quartiers vont se sentir rejetés ou écartés et ne vont plus participer à l’Assemblée ; un divorce en ce moment me paraît prématuré car il laisserait le champ libre aux politiques et mettrait un terme à la commune d’Oaxaca. Fin de cette grande parenthèse, qui est celle de l’action un après-midi à Oaxaca, et revenons à l’analyse de cette troisième journée du Congrès, qui est, elle aussi, pleine d’enseignements. La lecture des conclusions de la table 2 va soulever de vigoureuses protestations et mettre en péril l’unité du Congrès. Le passage incriminé est le suivant : "Se consideró importante que la APPO negocie y vaya ocupando espacios de decisión y de poder en las instituciones vigentes, que se negocie con el gobierno federal y se ocupen espacios en el gobierno estatal… que la APPO sea un ente político en la legislatura local… y participar en el próximo proceso electoral." (On a considéré important que l’APPO négocie et occupe des espaces de décision et de pouvoir dans les institutions existantes, qu’on négocie avec le gouvernement fédéral et qu’on occupe des espaces dans le gouvernement de l’Etat [d’Oaxaca]… que l’APPO soit un organisme au sein de la législature locale… et participe au prochain processus électoral.) Les rapporteurs ont bien ajouté que ce passage n’avait pas obtenu le consensus, il était tout de même proposé au Congrès, avec l’espoir de passer inaperçu ? Ce ne fut pas le cas. Les gens étaient vraiment en colère, à tel point que l’unité du Congrès s’est trouvée, un temps, compromise. Il fut décidé de refaire le texte pendant l’heure du repas. Le Congrès avait pris un coup dans l’aile. Etait-ce une réalité ou un prétexte ? La découverte de personnages suspects venait à point pour ressouder artificiellement l’assemblée et calmer le jeu : attente interminable après le repas, retour au compte goutte dans la salle des débats, musique et danse au "son de la barricada", discours de soutien, la lecture d’un nouveau rapport n’eut lieu qu’à 6 heures du soir devant des esprits qui avaient été divertis de la dispute du matin. Un rapport qui ménage la chèvre et le chou, d’un côté il est question d’un pouvoir populaire, de l’autre on reconnaît "comme instances fondamentales dans la prise de décisions à l’intérieur de l’APPO les assemblées communautaires." Des interventions qui ont suivi cette lecture, je retiens la proposition de reconnaître l’autonomie et la libre détermination des peuples indiens, la valorisation du tequio ou travail communautaire, l’accomplissement des accords de San Andrès, la critique du Plan Puebla-Panama et du projet de dresser plus de 2000 éoliennes dans l’isthme de Tehuantepec, par contre, je me garderai de retenir la motion proposant de "construire un pouvoir populaire et un nouvel Etat". Je vous ai déjà parlé de la table 3 portant sur les principes généraux de l’Assemblée et sur les plans d’action, je les rappelle ici brièvement : communalité, démocratie participative ou démocratie directe, plébiscite et référendum, révocation des mandats, non réélection, probité et transparence, équité du genre, égalité et justice, service (mandar obedeciendo), unité (les partis politiques apportent la division), autonomie (respect de l’autonomie des communautés, des groupes et des associations), consensus (décisions prises par consensus), la critique et l’autocritique, inclusion et respect de la diversité, discipline et respect mutuel, solidarité internationale, mouvement anticapitaliste, anti-impérialiste et antifasciste, mouvement social pacifique. Avec ces principes comme base, il fut décidé que l’instance suprême des décisions sera l’Assemblée de l’Etat d’Oaxaca. Cette Assemblée au niveau de l’Etat d’Oaxaca, ou Assemblée estatal, devra être soutenue et nourrie par les assemblées des peuples, des régions et des secteurs, constituant ainsi l’Assemblée des assemblées. Face à la crise actuelle de la démocratie représentative, le congrès de l’APPO a revendiqué et assumé les formes concrètes de la démocratie directe. L’APPO, malgré la présence de délégués venus des communes avoisinantes, a été jusqu’à présent un mouvement essentiellement urbain, dominé par les groupes politiques de la gauche traditionnelle surtout d’obédience marxiste-léniniste ; les familles et les jeunes venus des barricades ont rompu les schémas des "avant-gardes" dogmatiques et ouvert de nouveaux espaces à l’intérieur des luttes populaires. Jusqu’à la dernière minute, les délégués indiens ont hésité à s’intégrer au Conseil ; la participation massive et spontanée des habitants des quartiers, des colonies et des barricades, la barricade définissant à la fois un territoire et une communauté, les a amenés à faire le pas. La figure centrale de l’Assemblée reflétant l’esprit et l’expérience communautaire a fini par s’imposer malgré toutes les ambiguïtés qui ont pu surgir au cours des débats. Dans une entrevue collective réalisée par Blanche Petrich de La Jornada (La Jornada du 14 novembre), plusieurs leaders de la montagne, Aldo González, de Guelatao, Adolfo Regino, d’Alotepec-Mixe, Joel Aquino, de Yalálag, Fernando Melo et Manuel Suárez, du secteur Soogocho, et Fernando Soberanes, du Congrès de l’éducation indigène et interculturel, ont reconnu qu’il n’y avait jamais eu de conditions aussi favorables pour unifier les forces des peuples indiens avec le reste du mouvement populaire. Cela ne va pas être facile. Le processus qui consiste à sortir de la cellule marxiste-léniniste et être avec le peuple au service de la communauté commence à peine. Mais, aujourd’hui, nous avons vécu un moment unique car sont en train de naître de nouvelles pratiques politiques. (Aldo González) De cela dépend la réussite ou l’échec du Conseil estatal. S’il n’y arrive pas, cela peut conduire le mouvement à une impasse comme cela est arrivé avec la direction des enseignants. (Joel Aquino) Le Congrès eut la volonté sous la pression de la majorité d’incorporer des concepts qui n’étaient pas contemplés dans les documents initiaux : culture communautaire, aide mutuelle, serviteurs au lieu de dirigeants. Tout cela fut bien vu et accepté parce que cela se trouve à la racine indigène de la majorité de la population urbaine dans les quartiers, les colonies et les barricades. (Adolfo Regino) L’influence de l’esprit communautaire a marqué dès le début la forme d’engagement des populations bases d’appui de l’APPO, c’est un chemin qui vient de loin. (Fernando Soberanes) L’inévitable opposition entre la verticalité de la gauche traditionnelle et l’horizontalité de la cosmovision indienne n’est pas résolue pour autant, c’est une question qui reste en suspens ; même si l’apport des Indiens a ouvert l’horizon du Congrès, l’esprit politique reste bien présent : "Maintenant nous devons initier un processus sérieux et profond de discussion avec la participation de tous les secteurs du peuple pour élaborer le programme de lutte et de gouvernement, qui devra reprendre les aspirations des grandes masses dans le but de conquérir le pouvoir pour le mettre au service de tous." (Zenén Bravo du Front populaire révolutionnaire – FPR) "Il s’agit d’adopter le modèle bolivien d’inclure les indigènes dans la dispute pour le pouvoir politique." (Flavio Sosa, qui se rêve en futur Evo Morales !) C’est cet esprit qui va se faire entendre pour réserver 40 places au Conseil aux enseignants de la Section 22, alors que la plupart avaient déserté le Congrès, pour admettre les adhérents du PRD, Parti de la révolution démocratique, qui soutien Lopez Obrador, et d’autres partis de gauche. C’est encore lui qui va chercher à accaparer les commissions que les hommes politiques jugent importantes et à en écarter les délégués des quartiers ou les jeunes des dernières barricades. Il y a 23 commissions, les conseillers, nommés pour deux ans, doivent s’intégrer à chacune d’elles et y remplir leur fonction selon le principe du service communautaire : commissions d’organisation, de liaison et de relations, de presse et d’information, juridique, de sécurité, de finance, d’éducation, de culture, de santé intégrale, des droits humains, des affaires administratives... Le Congrès s’est terminé par le rituel de la prise de fonction des conseillers (la toma de protesta). Alors qu’il devait être confié à Felipe Martínez Soriano, ex-recteur de l’université d’Oaxaca, ancien leader guérillero du PROCUP (maintenant dissous), proche du FPR, il fut finalement confié au président de la communauté de San Juan Tobaa, de la région Soogocho de la Sierra Norte, le Zapotèque Melitón Bautista. Il a expliqué ce que signifie pour un Indien de recevoir de l’assemblée communautaire le bâton de commandement, l’engagement qu’il implique auprès de toute la communauté. Il a raconté sa trajectoire, le parcours de tous les échelons des charges communautaires, toute une vie consacrée au service des siens, de son peuple, un honneur, un prestige et une dignité. Ce matin, à l’aube, des groupes paramilitaires sont intervenus à Santo Domingo et ont tiré plusieurs coups de feu avec des armes de gros calibres. Deux arrestations à la barricade Cinco Señores. Oaxaca, le 21 novembre 2006. George Lapierre |
| | Posté le 23-11-2006 à 12:59:18
| ASSEMBLÉE DES PEUPLES ZAPOTÈQUE, MIXÉ ET CHINANTÈQUE DE LA SIERRA JUÁREZ DÉCLARATION DE GUELATAO Les autorités municipales et communales représentant les organisations communautaires et régionales et les citoyens et citoyennes venus des communautés et des communes de San Miguel Cajonos, San Francisco Cajonos, Santa Cruz Yagavila, San Baltasar Yatzachi, Villa Hidalgo Yalalag, San Juan Analco, Calpulalpan de Méndez, San Juan Yetzecovi, San Juan Yalahui, San Juan Atepec, San Cristóbal Chichicaxtepec Mixe, San Juan Tabaá, Santa María Yavesía, Ixtlán de Juárez, Tanetze de Zaragoza, Asunción Cacalotepec Mixe, Villa Alta, Macuiltianguis, Ayutla Mixe, Tamazulapan Mixe, San Juan Teponaxtla, San Miguel Tiltepec, Guelatao de Juárez, Santa María Alotepec Mixe, Jaltepec de Candayoc Mixe, Asunción Lachixila, San Mateo Éxodo, Cristo Rey La Selva, Arroyo Macho, Talea de Castro, Santa María Mixistlán Mixe, Chuxnaban Mixe, San Lucas Camotlán Mixe, San Miguel Quetzaltepec Mixe, Totontepec Villa de Morelos, Amatepec Mixe, San Juan Guichicovi Mixe, San Pedro Ocotepec Mixe, Santa Cruz Condoy Mixe, San Isidro Aloapan, Santiago Zoochila et Santa María Tepantlali Mixe, appartenant aux peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque et réunies dans la commune de San Pablo Guelatao de Juárez, État d’Oaxaca, Mexique afin d’analyser la situation réelle dans laquelle vivent nos communautés, d’engager une réflexion et de proposer notre propre manière de participer à l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, ONT DÉCIDÉ : Que tant que Monsieur Ulises Ruiz Ortiz conservera son poste [de gouverneur], il ne pourra y avoir ni paix, ni stabilité gouvernementale ni harmonie dans l’Oaxaca. Aussi exigeons-nous qu’il soit démis de ses fonctions suivant une procédure politique et légale conforme aux règlements en vigueur, attendu qu’il est l’incarnation même du régime de caciquisme autoritaire. ET EXIGENT : Une profonde transformation de l’Oaxaca, afin de surmonter la terrible arriération, la grave marginalisation et l’oubli dont nos peuples sont victimes. Il est urgent de sceller un nouveau pacte social entre tous les Oaxaquiens, qui permette de fonder un nouvel ordre des choses et une nouvelle société où vivre en paix, dans la justice et la démocratie. Nous condamnons l’emploi de la violence et de la répression pour résoudre les graves problèmes sociaux que nous connaissons. C’est pourquoi nous exigeons le départ des forces fédérales de l’Oaxaca, la démilitarisation des communautés de la Sierra Norte, la libération des prisonniers politiques, la présentation des disparus vivants, l’annulation des mandats d’arrestation, le respect de l’autonomie universitaire et la fin immédiate de toutes agressions à l’encontre du mouvement populaire d’Oaxaca. Nous exigeons le départ immédiat de toutes les administrations et délégations gouvernementales de l’ensemble des régions indigènes, et en particulier de la Sierra Norte, attendu que ce sont elles qui ont fomenté la division au sein de nos communautés et que ce sont leurs agents qui ont agressé nos autorités et dirigeants communautaires. Nous demandons de même à tous les partis politiques, et en particulier le PRI, qu’ils cessent de commettre des agressions contre les institutions politiques de nos communautés et de nos communes, et qu’ils n’interviennent en rien dans le déroulement de notre vie communautaire. Si ces exigences ne se voyaient pas respectées, nous nous verrions forcés à prendre des mesures radicales pour procéder à leur expulsion définitive de la Sierra. Nous appelons à l’unité des autorités et des membres des peuples zapotèque, mixé et chinantèque afin de faire triompher nos exigences et nos aspirations à mener la vie que nous souhaitons. Nous savons que certaines personnes et institutions ont cherché à nous diviser et nous ont fait nous affronter. Nous ne permettrons plus qu’elles continuent à nous dominer et à nous manipuler. Aussi devons-nous ouvrir les yeux et réveiller nos consciences afin de nous unir et marcher ensemble pour renverser le mauvais gouvernement et opérer les changements nécessaires dans notre État. Les autorités indigènes soussignées estiment que les problèmes que l’on connaît aujourd’hui dans l’Oaxaca doivent être résolus par la voie du dialogue. C’est pourquoi nous trouvons bonne l’actuelle « Initiative citoyenne de dialogue pour la paix, la démocratie et la justice dans l’Oaxaca » et nous rejoignons cette initiative. Notre démarche doit se poursuivre par des moyens pacifiques afin de parvenir à la conciliation et à l’unité de tous les habitants de l’Oaxaca. En vertu de ce qui précède, nous avons DÉCIDÉ ce qui suit : PREMIÈREMENT : Les autorités et organisations zapotèques, mixés et chinantèques soussignées ont accordé de se constituer en Assemblée des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque, lieu de rencontre régional ainsi créé dans le but de partager nos problèmes et d’y apporter ensemble des solutions, différentes le cas échéant, solutions reposant sur notre droit inaliénable à la libre détermination et à l’autonomie comme il est établi par les Accords de San Andrés et par le droit international. Aussi déclarons-nous séance tenante la formation de l’Assemblée des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque ; DEUXIÈMEMENT : Pour que cette grande Assemblée des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque soit une réalité, nous devons renforcer et étendre les attributions de nos assemblées communautaires, municipales et régionales, pour en faire les organes de débat et de décision de toutes les affaires qui nous concernent. Dans l’assemblée réside notre force et notre légitimité. L’assemblée est à la base de l’autogouvernement indigène et c’est sur elle que repose l’ensemble du système politique communautaire. C’est pourquoi nous la revendiquons et nous voyons en elle une arme pour la lutte actuelle du peuple de l’Oaxaca contre le mauvais gouvernement ; TROISIÈMEMENT : L’assemblée des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque sera la base qui facilite nos relations avec l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. C’est le lieu où nous prendrons les décisions et les engagements qui devront guider nos travaux pour réussir à ce que les exigences des peuples d’Oaxaca deviennent réalité, en particulier la reconnaissance des droits et des aspirations fondamentales de nos peuples indigènes ; QUATRIÈMEMENT : Afin d’assurer comme il se doit notre participation au Conseil populaire de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), les autorités et organisations soussignés ont décidé de nommer nos représentantes auprès de cette instance, en fonction des critères suivants : a) Les peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque doivent être dûment représentés au sein du Conseil populaire, selon les travaux et capacités requises ; b) Les femmes devront y être représentées et participer en toute équité et égalité ; c) Il s’agit également d’établir une relation mutuelle avec les groupes de migrants des montagnes se trouvant dans l’Oaxaca, au Mexique et aux États-Unis d’Amérique ; d) Les conseillers choisis devront respecter à tout moment notre principe communautaire « servir en obéissant » ; CINQUIÈMEMENT : En vertu de ce qui précède, les personnes suivantes ont été désignées pour nous représenter au Conseil populaire de l’APPO : Pour le peuple Zapotèque : Teresa Rodríguez Valdivia, Nehemias Pascual Pascual, Oliverio Hernández Chávez, Constantino Martínez Rincón (Maire de la commune de Lalopa), Olegario Bautista Benítez, Constantino Carrillo Morales, Teódulo Fernández Jiménez, Álvaro Vázquez Juárez, Aldo González Rojas, Isaac García Reyes, Gloria Castillo, Juan Tereso Hernández, Germán Octavio Mayoral, Edita Alavez Ruiz ; Pour le peuple Mixé : Genaro Rodríguez Rojas, Commissaire principal des Biens Communaux de San Miguel Quetzaltepec ; Epifania Domínguez Gónzalez, habitante de Cacalotepec ; Fortunato Montes Jiménez, Commissaire principal des Biens Communaux de San Pedro Ocotepec ; Margarita Melania Cortés, habtante de Santa María Ocotepec, Totontepec Villa de Morelos Mixe ; Víctor Gutiérrez Contreras, Commissaire principal des Biens Communaux de San Cristóbal Chichicaxtepec ; Arnulfo Aldaz González, habitant de Santa María Mixistlán ; Silvestre Ocaña López, régisseur du Trésor publicde San Juan Guichicovi, et Hildeberto Díaz Gutiérrez, habitant de Jaltepec de Candayoc Mixe. En ce qui concerne le peuple Chinantèque de la Sierra, la communication et la liaison nécessaire s’établiront pour que ses autorités, organisations et membres rejoignent le processus en cours. SIXIÈMEMENT : Nous appelons les autorités et membres des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque à rejoindre ce processus d’organisation régionale. Nous savons que ce ne sera pas là une tâche facile, mais nous devons tous faire au mieux pour parvenir à nous unir et à nous organiser pour pouvoir résoudre nos problèmes et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. C’est pourquoi nous demandons que la présente Déclaration ainsi que les accords émanant de cette Assemblée soient diffusés le plus largement possible. En particulier, nous demandons aux stations de radio communautaires existant dans la Sierra de diffuser les propositions et les aspirations de nos peuples ; SEPTIÈMEMENT : Conformément à ce qui est établi par les Accords de San Andrés, nous exigeons que l’on remette la chaîne de radio XEGLO « La Voz de la Sierra » [La voix de la Sierra] aux mains des peuples Zapotèque, Mixé et Chinantèque, suivant les démarches et mécanismes qui auront été convenus conjointement. Nous déclarons que dès maintenant nous avançons dans la consolidation de l’organisation des peuples indigènes de la Sierra de l’Oaxaca, tout en contribuant au renforcement de la construction de notre autonomie respective, à notre reconstitution et à notre développement en tant que peuples. C’est notre meilleur chemin et notre rêve le plus cher. POUR LA LIBRE DÉTERMINATION ET L’AUTONOMIE DES PEUPLES INDIGÈNES Établi dans la communauté de San Pablo Guelatao de Juárez, État d’Oaxaca, Mexique, en ce 19e jour du mois de novembre de l’année 2006. Traduction : Ángel Caído. |
| | Posté le 23-11-2006 à 19:06:21
| Le mouvement d’Oaxaca devient « gouvernement alternatif » La chute des barricades ne freine pas le mouvement social d’Oaxaca. Sans arrêter de réclamer le départ du gouverneur corrompu Ulises Ruiz, les « communards » mexicains se concentrent sur leur expérience autogestionnaire. par Christophe Koessler « Oaxaca, c’est moi. Nous sommes tous Oaxaca. » Le slogan qui retentit chaque jour dans les rues des villes de Mexico et de Oaxaca symbolise l’espoir que soulève aujourd’hui, dans tout le pays, la lutte des 300 organisations sociales, communautés indigènes et syndicats de cet Etat du Sud du Mexique pour la démocratie et la satisfaction des besoins de la population. Après 184 jours de conflit, 22 morts, 34 disparus, et plus de 104 détentions illégales, le mouvement social, réuni au sein de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), continue à tenir tête pacifiquement au gouvernement local du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), au pouvoir depuis plus de septante ans. Répression et prédation Quotidiennement, des milliers de personnes défilent dans les rues, exigeant la démission du gouverneur Ulises Ruiz, ainsi que le repli de la police fédérale, qui occupe depuis fin octobre la place centrale de la ville, après avoir balayé les centaines de barricades dressées par les insurgés. Si des voyageurs s’aventurent à nouveau dans la très touristique ville d’Oaxaca dans ce climat surréaliste, un graffiti tout récent en anglais vient les mettre en garde : « Touristes ! La ville est fermée momentanément, et sera réouverte dès que nous obtiendrons justice. » La semaine passée, à la suite de trois jours de débats exténuants, un millier de délégués de l’APPO ont formellement constitué l’organisation du mouvement, adopté ses statuts et élu ses 230 membres, tous sur pied d’égalité. A la satisfaction générale : « Il y avait de grands risques que le mouvement se divise ou que soit adoptée une structure très verticale, car ce sont deux spécialités de la gauche traditionnelle », assure Gustavo Esteva, chercheur et directeur de l’Université de la terre, à Oaxaca. Or rien de tout cela. C’est à travers 23 commissions de travail thématiques que les délégués vont organiser la résistance civile et coordonner leur appui aux communautés locales, sans comité central. A court terme, l’objectif de l’APPO est de pousser à la démission le gouverneur Ulises Ruiz, qui cristallise à lui seul le mécontentement populaire. Arrivé au pouvoir par la fraude en décembre 2004, le cacique du PRI a immédiatement réprimé toute contestation. Avant même le début des grandes mobilisations de mai 2006, les organisations locales de défense des droits humains dénombraient déjà 32 assassinats commis par les autorités locales et les groupes paramilitaires. Un autoritarisme qui a fait l’unité contre lui - alors que les groupements étaient très dispersés jusqu’alors - surtout après la dure répression qui s’est abattue le 14 juin sur les instituteurs, alors en grève pour une simple augmentation salariale. « Les puissants ont cru que la violence pouvait résoudre le conflit. En réalité, ils n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu », explique Rodolfo Rosas Zarate, jeune sociologue, militant du Comité de défense des droits du peuple. Le pouvoir par le bas Loin de répondre aux besoins criants en eau, santé et éducation des populations marginalisées, Ulises Ruiz s’est lancé dans de grands travaux de rénovation des places principales de la Ville de Oaxaca. « Il a détruit les places de la ville pour attirer des fonds de l’Etat fédéral, sans aucun égard pour le patrimoine national. Remplacer la pierre verte d’Antequera de nos régions par des dalles de béton est une absurdité, tout comme l’abattage d’arbres centenaires », s’emporte M. Esteva. Une pratique qui avait pour but de détourner une grande partie de cet argent pour les besoins de son parti et de son entourage, assurent les militants. L’outrance avec lequel le régime local poursuit les pratiques classiques de prédation, de népotisme et de corruption a encouragé le mouvement à se lancer dans un processus de changement radical du politique. « Nous voulons construire un pouvoir qui va peu à peu détruire de lui-même le pouvoir existant », explique Soledad Ortiz Vázquez, déléguée élue de l’APPO. D’où le nom du nouvel organe constitutif de l’organisation : le « Conseil étatique » (Consejo estatal), qui vise non seulement à faire tomber les caciques actuels, mais aussi à assumer actuellement des fonctions dévolues à l’Etat. Au plus fort du conflit, par exemple, l’APPO se chargeait de sanctionner les délits de droit commun, le plus généralement par l’assignation des coupables à des travaux d’utilité publique. Aujourd’hui, le Conseil veut aussi répondre de lui-même aux besoins les plus pressants de la population. Il a ainsi constitué une commission de sécurité sociale, une autre de développement communautaire et rural, ou encore de santé publique. « Il s’agit d’un gouvernement parallèle, et ces commissions sont nos départements », explique fièrement Mme Ortiz. « A long terme, nous l’installerons au palais du gouvernement. » Valeurs indigènes Les valeurs du Conseil s’inspirent en grande partie des pratiques politiques des communautés indigènes : « L’APPO a fait un grand pas dans notre direction en adoptant les principes de communauté et d’autonomie comme premiers principes de l’organisation », s’enthousiasme Adelfo Regino, président de l’Organisation des peuples Mixes. Si les nations autochtones n’ont pas été suffisamment intégrées à l’APPO à ses débuts, le mouvement s’est toutefois fortement inspiré des us et coutumes indigènes : l’organisation en Assemblée, où toutes les décisions importantes sont prises, le tequio, travail collectif non rémunéré et obligatoire, et la guelaguetza, solidarité ou aide désintéressée entre les membres d’une communauté. Mais la déclaration de principe du nouveau Conseil va encore plus loin : elle stipule qu’aucun des 230 membres ne pourra être réélu à l’issue d’une période de un à deux ans, intègre le principe de l’égalité des genres et fait sienne la consigne des zapatistes du Chiapas : « Ordonner en obéissant » (mandar obedeciendo). Au-delà, c’est à une véritable transformation économique et sociale qu’en appelle l’APPO, en se prononçant pour l’avènement d’un monde non capitaliste et non impérialiste, sur une base démocratique. Pour l’heure, les esprits sont à la mobilisation. Après cinq mois de conflit et une situation d’ingouvernabilité de fait dans la ville d’Oaxaca, le gouverneur s’obstine toujours. Cette semaine, l’APPO a d’ores et déjà prévu d’occuper le Palais du gouvernement, d’ériger des barricades symboliques devant les bureaux de l’Etat pour dissuader les fonctionnaires de se rendre à leur travail, et de bloquer des routes régionales. L’organisation participe aussi, depuis hier, à une grève nationale lancée par le mouvement zapatiste et se joindra aux protestations massives contre l’entrée officielle à la présidence du pays de Felipe Calderon le 1er décembre. Son élection a également été entachée de fraudes. Inspirées par l’Assemblée d’Oaxaca, 25 organisations sociales du Chiapas ont fondé, le 11 novembre dernier, une APPCH. Une assemblée populaire de Mexico devait être constituée ce week-end. Le mouvement d’Oaxaca sera-t-il le déclencheur d’un changement radical pour l’ensemble du pays ?
****** Les femmes s’emparent de la télévision d’état « Nous étions 20 000 », raconte Soledad Ortiz Vázquez, déléguée de l’APPO. « Nous avions décidé de convoquer une manifestation le 1er août pour rendre plus visible notre force. Car depuis le début de la résistance, nous avons joué un rôle fondamental au sein du mouvement. » Casseroles à la main, « en hommage aux femmes chiliennes », les femmes défilent au centre-ville et « ferment » un hôtel qui jouait le rôle de Chambre des députés (le Parlement ayant été occupé depuis longtemps par les insurgés). Spontanément, arrivées au Zocalo (la place centrale), elles décident de demander un espace d’antenne à la chaîne de télévision publique Canal 9, pour exprimer leurs revendications. Devant le refus de la direction, celles-ci décident tout simplement de... « prendre » la télévision. Pendant deux mois, les femmes se chargeront de gérer ce qui devient la chaîne de l’APPO, malgré leurs faibles connaissances techniques, les hommes étant appelés pour protéger les antennes de diffusion situées sur les collines alentours. L’aventure se termine avec l’entrée en force de groupes paramilitaires lourdement armés à 4 h du matin, à la fin septembre. Qu’à cela ne tienne. A 6 h, elles décident d’occuper les douze radios commerciales et étatiques, qu’elles garderont plus d’un mois. Désormais, il faudra compter avec la Coordination des femmes de Oaxaca du 1er août pour promouvoir la place des femmes aux postes à responsabilité. Car, sur les 230 membres du Conseil étatique de l’APPO, seules vingt-cinq sont des femmes : « Peu de femmes ont pu participer aux congrès. Les leaders de communautés sont en général des hommes. Nous devons construire l’égalité peu à peu, ce sera un travail intense. Nous avons rendu visible notre rôle. Les hommes se sentent plus sûrs avec nous », assure Mme Ortiz Vázquez.
****** Trois questions à Gustavo Esteva, de l’Université de la Terre Gustavo Esteva a créé, il y a quatre ans, l’Université de la Terre, destinée aux jeunes des communautés indigènes. Celles-ci ont pour la plupart chassé l’école publique de leurs terres, car perçue comme un instrument de domination. Vous analysez le mouvement oaxaqueño comme la convergence de trois luttes démocratiques. Lesquelles ? Ce qui se construit à Oaxaca anticipe notre futur et est porteur d’énormément d’espoir. Le mouvement a réuni d’abord ceux qui souhaitent renforcer la démocratie formelle, dont les faiblesses sont bien connues à Oaxaca. Les gens sont fatigués des manipulations et des fraudes et ceux qui ont confiance dans le système électoral veulent qu’il soit propre et efficace. D’autres insistent davantage sur la démocratie participative, par le biais d’initiatives populaires, de référendums, de plébiscites, de budgets participatifs, et la possibilité de révoquer les élus. Enfin, de manière surprenante, un très grand nombre de groupements souhaitent étendre la démocratie autonome ou radicale, comprise comme l’exercice direct du pouvoir par les gens eux-mêmes. Dans l’Etat d’Oaxaca, quatre municipalités sur cinq ont leur propre forme de gouvernement, sans passer par l’intermédiaire des partis. Mais, bien que leur autonomie, leur droit de se régir eux-mêmes par us et coutumes leur a été reconnu légalement en 1995, elles continuent à être l’objet de harcèlement de la part des autorités. Les partisans de la démocratie radicale souhaitent qu’avec le temps, ces municipalités se coordonnent jusqu’à constituer une forme de gouvernement à l’échelle de l’Etat. La tradition autochtone semble rejoindre ici l’idéal anarchiste. Qu’en pensez-vous ? L’anarchie est associée à l’idée qu’il n’y a pas de gouvernement. Les gens d’ici veulent se gouverner eux-mêmes, avoir un gouvernement constitué d’eux-mêmes. Il y a un respect de l’autorité, à partir du moment où elle respecte le principe zapatiste d’« ordonner en obéissant ». L’APPO s’est aussi abstenue de chercher à prendre le pouvoir. Plutôt que de grimper sur les chaises vides de ceux qui ont abusé du pouvoir, les organisations sociales tentent de reconstruire la société depuis le bas et de créer un nouveau type de relations sociales. Comme disent les zapatistes : changer le monde est très difficile, si ce n’est impossible. Une attitude plus pragmatique est la construction d’un monde nouveau. Cette construction peut-elle se faire sans violence ? Pour Gandhi, la non violence était la plus grande vertu et la lâcheté le pire de vices. Il ajoutait que la non violence était réservée aux forts, tandis que les faibles n’avaient d’autre choix que d’utiliser la violence. Mais il est difficile d’expliquer aux jeunes de Oaxaca qu’en réalité ce sont eux les forts. Je suis étonné que l’on y soit arrivé. Très franchement, je craignais un bain de sang quand la police fédérale est entrée en ville. Nous avons fait un énorme effort pour que cela n’arrive pas. Beaucoup ont montré l’exemple en se couchant devant les blindés et, surtout, en montrant qu’ils n’avaient pas peur. Source |
| | Posté le 23-11-2006 à 19:11:41
| Miguel Linares : « Nous vivons un processus d’insurrection populaire similaire à la Commune de Paris » Interview de Miguel Linares, enseignant et membre de l’Assemblé Populaire des Peuples d’Oaxaca (APPO). par Hernán Ouviña Depuis cinq mois, l’Etat d’Oaxaca, au sud du Mexique, traverse une période d’intense mobilisation politique. En consonance avec d’autres luttes de différents espaces et organisations dans le reste du Mexique - comme l’Autre Campagne impulsée par l’Armée zapatistes de libération nationale (EZLN, sigles en espagnol), le Front populaire pour la défense de la terre d’Atenco, les mineurs de SICARSA et de Cananea, et même le mouvement de résistance civile contre la fraude électorale dans le District fédéral [la ville de México, ndlr] -, la Section 22 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE, Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación), qui regroupe les enseignants d’Oaxaca et sur un plan plus général l’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca (APPO) sont les protagonistes d’un processus inédit d’auto-organisation et de contrôle politique de la ville qui comprend l’occupation permanente de bâtiments publics, la construction de centaines de barricades avec des comités d’autodéfense, la prise de décisions à travers des dynamiques d’assemblées et l’autogestion de plusieurs moyens de communication « réappropriés ». Avec une grande tradition de résistance, Oaxaca, l’insurgée, fut la terre natale de Benito Juárez et des frères libertaires Flores Magón. Bastion historique du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), c’est l’Etat qui compte la plus importante population indigène dans tout le Mexique. Sa richesse et sa beauté contrastent avec l’énorme pauvreté et la marginalité dans lesquelles sa population est plongée depuis des décennies. Ce qui suit est un dialogue avec Miguel Linares Rivera, l’un des 21 enseignants et militants de l’APPO qui (...) mènent une grève de la faim face au symbolique Hémicycle à Juárez de la ville de México. Pourrais-tu te présenter et m’expliquer les raisons de ce campement et pour quelles raisons vous menez une grève de la faim dans le District fédéral ? Nous sommes des grévistes de la faim de l’APPO. La raison principale de cette grève se fonde sur trois objectifs fondamentaux. Le premier est que nous demandons le départ d’Ulises Ruiz Ortiz, le gouverneur de l’Etat d’Oaxaca. Le deuxième est de diffuser et de faire connaître la situation que nous traversons aux médias nationaux et internationaux. Le troisième est l’appel à la solidarité aussi bien au Mexique que dans le reste du monde de toutes les organisations indépendantes, pour qu’on ne massacre pas notre peuple comme on est en train de le faire actuellement dans la ville d’Oaxaca. Quand et comment le conflit dans l’Etat d’Oaxaca est-il survenu ? Nous, les travailleurs de l’éducation, tous les ans au mois de mai, nous devons réviser le contrat collectif de travail. Cette année, nous sommes sortis pour demander au gouvernement de l’Etat une “rezonification pour vie chère” [1] de tous les membres du corps enseignant, pour qu’on nous accorde une augmentation comme aux autres travailleurs dans le reste du pays. Quelle est la situation actuelle des enseignants à Oaxaca ? Une minorité exerce dans les grandes villes, mais la grande majorité des enseignants se trouvent dans une situation extrêmement précaire. Beaucoup d’entre nous doivent voyager plus de 18 heures pour arriver sur leur lieu de travail ou rentrer à la maison. Parfois, la moitié du salaire est dépensée en transport, sans compter que nous avons également un loyer à payer. En plus, dans des lieux comme à la côte, parce que c’est une zone touristique, la nourriture est extrêmement chère. Malgré les bas salaires, nous devons nous acheter les fournitures et tout le matériel dont nous avons besoin. Nous payons même nos propres cours pour nous former sur le plan culturel et éducatif. L’immense majorité du corps enseignant d’Oaxaca est dans la merde. La pratique éducative de l’Etat exprime en général un colonialisme et un mépris considérable envers la culture indigène. Comment essayez-vous de lutter contre cela ? Il existe en tout 16 langues indigènes dans les communautés d’Oaxaca. La plupart des enseignants parlent une autre langue en plus de l’espagnol. En ce qui me concerne, je parle le zapotèque. Mais, outre quelques exceptions, nous sommes bien conscients que notre tâche ne consiste pas à coloniser les communautés ni à imposer une culture aux compañeros. Nous appelons les enfants compañeros parce que nous sentons que nous apprenons également d’eux. Lorsque nous, les enseignants, arrivons dans une communauté, nous devons respecter la langue de l’enfant. Loin de nous l’idée de vouloir imposer l’espagnol. Nous expliquons à l’enfant que s’il apprend l’espagnol, c’est pour qu’il défende sa langue. Ainsi, l’enfant le comprend : il apprend l’espagnol mais en conservant sa propre langue et sa propre culture. Nous essayons également de créer un processus démocratique à l’intérieur des classes, bien que celles-ci soient construites avec une estrade surélevée, réservée au maître d’école. Nous disons que ces structures ne devraient pas être autorisées à Oaxaca. Dans les classes, beaucoup d’entre nous construisent le collectivisme avec les enfants, qui font partie de ce même processus. À Oaxaca, les idées de Paulo Freire, très ancrées chez les enseignants, ont souvent été appliquées. Même si elles ne sont pas suffisantes, parce que sa pratique a fini par être liée en partie aux appareils institutionnels du Brésil. Nous reprenons donc son expérience, comme la cubaine, même si nous avons aussi notre propre expérience en matière d’éducation alternative à Oaxaca. Il s’agit d’un processus très long mais nous y travaillons. Quelle réponse le gouvernement a-t-il donné aux demandes du corps enseignant ? Face à notre proposition, nous ne trouvons pas de réponse : le gouvernement s’est replié sur lui-même et n’a même pas appelé à la négociation. Le 22 mai, nous avons décidé de commencer une grève et d’établir un campement à Oaxaca, en pensant qu’ils allaient nous donner une réponse immédiate. Néanmoins, le gouverneur Ulises Ruiz a fait la sourde oreille jusqu’au 14 juin. Ce jour-là, la réponse s’est faite entendre à quatre heures du matin : une intervention policière, avec plus de trois mille policiers nationaux et municipaux, aussi bien par voie terrestre que par hélicoptère. Ils nous ont attaqués avec tout ce que comptent les forces répressives : chiens, gaz lacrymogènes, etc.. Et même si les gens se sont repliés pour préserver leur intégrité physique (beaucoup d’entre eux sont des enseignants retraités, des enfants et des femmes enceintes), il y a eu un grand nombre de blessés. A six heures du matin, nous, les enseignants sommes revenus avec le soutien du peuple pour reprendre le Zócalo (la place centrale), en expulsant les policiers. Cela a permis aux gens de percevoir l’enseignant comme une personne courageuse. Après cela, la grande majorité des colonies et des habitants d’Oaxaca, d’abord de la capitale et après de tout l’Etat, ont commencé à nous rejoindre. C’est ainsi qu’est fondée l’APPO, où la revendication des enseignants passe au second plan, la demande centrale devenant “¡Fuera Ulises Ruiz de Oaxaca !” (“Ulises Ruiz, hors de Oaxaca !”). Le peuple a assumé tout le contrôle d’Oaxaca et a commencé à former des barricades parce qu’il y avait des « escadrons de la mort », des policiers habillés en civil observés aussi bien sur les chaînes nationales que sur des photographies, des paramilitaires qui circulaient et blessaient par balle les compañeros qui se trouvaient sur les barricades. Au cours de tout ce processus, 15 des nôtres ont perdu la vie [2] et nous venons d’apprendre à l’instant qu’un autre compañero vient de mourir dans cette incursion lancée par le gouvernement fédéral avec la Police fédérale préventive (une sorte de force policière militarisée) et les militaires dans la capitale d’Oaxaca. Que s’est-il passé après cette première tentative de répression ? Nous avons fait de grandes manifestations, avec même plus de 500 mille personnes dans les rues d’Oaxaca. Du jamais vu auparavant, mais, néanmoins, nous n’avons pas été écoutés par le gouvernement. Non seulement ils nous ignoraient mais toutes les nuits ils continuaient à nous réprimer. C’est pourquoi nous nous sommes dit : Il faut faire sortir ce problème d’Oaxaca. Et nous avons commencé une marche le 22 septembre vers le District fédéral. Environ 5 000 personnes d’Oaxaca, dont des enseignants et des organisations sociales, ont marché plus de 500 kilomètres. Nous sommes arrivés le 9 octobre et, une semaine après (le 16 octobre), nous avons installé ce campement de grève de la faim illimitée sur la base des points que j’ai mentionnés. Quel type de pratiques et d’espaces communautaires sont en train de voir le jour à Oaxaca ? Avant la répression, nous avions une radio qui s’appelait Plantón. Elle transmettait dans toutes les zones centrales de la capitale. Pendant la répression, la première chose qu’ils ont endommagée fut cette radio. Ils l’ont détruite. Mais, parallèlement, à 6h du matin, en apprenant que la communication avec le peuple via Radio Plantón avait été bloquée, les étudiants se sont emparés de Radio Universidad. Cette radio a alors commencé à devenir la voix du peuple. Mais, peu après, ils nous l’ont enlevée. Face à cela, les femmes ont réagi avec une mobilisation le 1er août, en s’emparant d’une chaîne de télévision et de radios officielles. Peu de temps s’est écoulé avant que les paramilitaires essaient de bloquer les antennes et de nous les confisquer. Ce jour-là, un autre camarade est décédé. Les gens ont riposté en s’emparant de nouvelles radios à Oaxaca. Après plusieurs négociations avec les autorités au cours de ces mois, sur les douze radios “prises”, dix ont été “libérées”, et une autre détruite. Il avons gardé Radio Ley, la seule qu’il nous restait jusqu’à ce qu’ils nous la bloquent. Voila où nous en étions lorsque Radio Universidad est revenu sur les ondes. Elle fonctionne jusqu’à maintenant. Ces mobilisations et “prises” de radios constituent une réaction spontanée de la société d’Oaxaca parce que nous en avons marre des 76 années de gouvernements du PRI. Tous ces médias ont toujours servi à “transmettre”, en insultant de manière permanente les enseignants et les pauvres, en faisant systématiquement l’éloge du gouverneur. C’est pourquoi il y a eu une réaction naturelle des gens, ce « ¡Ya basta !’ » (« Ca suffit ! ») envers tous ces médias qui rendaient Oaxaca idiot. En ce moment, ils ne fonctionnent même pas, pour éviter précisément d’être à nouveau “pris” par les habitants. Comment les barricades sont-elles apparues et quelle est la situation là-bas ? Au début, nous ne pensions pas qu’Oaxaca allait exploser de cette manière. Nous en avons seulement pris conscience lorsqu’ils nous ont attaqués le 14 juin. Il y a eu une réponse immédiate de la population. Les gens se sont solidarisés avec les enseignants et ont participé aux actions. Les barricades sont apparues à ce moment précis, lorsque nous avons commencé à être attaqués par des groupes paramilitaires. Des groupes d’autodéfenses ont alors commencé à être formés pour ne pas les laisser circuler librement dans Oaxaca. De petites barricades furent ainsi construites, mais elles se sont généralisées quand ces personnes attaquèrent Radio Ley et tuèrent un camarade. On a dressé dans tout Oaxaca des centaines de barricades. Même avant l’incursion de la Police fédérale préventive avec les militaires, on a réussi à installer plus de 1 600 barricades. C’est donc vraiment un processus d’insurrection populaire que nous sommes en train de vivre. Avez-vous également occupé des bâtiments publics pendant tout ce temps de lutte ? Bien sûr, les trois pouvoirs d’Oaxaca. Tous les bureaux publics ont été pendant plusieurs semaines entre les mains des enseignants et du peuple, et défendus avec des barricades. Face à cela, dans la Maison du Gouverneur, ce vendredi, les paramilitaires se sont acharnés lourdement contre nos frères de la côte, de la même façon qu’à Procuraduría, en cherchant à nous déloger à travers la répression et les assassinats, comme on l’a vu dans la presse. Qui intègrent l’APPO et comment y prend-t-on les décisions ? Au départ, l’APPO s’est créée avec 340 organisations autour d’une idée centrale qui était la chute d’Ulises Ruiz Ortiz. Par rapport à cela, on a commencé à créer des commissions internes comme celles de la presse, des barricades et de la propagande. Nous avons commencé à former tout un réseau d’organisations à Oaxaca. Toute action que nous voulions réaliser devait passer par une consultation de la base, aussi bien celle des enseignants que celle de l’APPO elle-même. C’est le mécanisme qui fonctionne, il y a tout le temps des réunions avec toutes les organisations et avec les délégués des colonies et des barricades. Les décisions et les résolutions se prennent de manière collective. Notre résistance civile et pacifique dans l’Etat d’Oaxaca est ainsi. Des assemblées populaires du peuple ont même déjà été créées dans le Guerrero, le Morelia et dans l’État de México. Même si elles sont très symboliques, elles sont des embryons qui pourraient déterminer les lignes directrices d’une organisation nationale. C’est un processus que le pays est en train de vivre parallèlement à un processus électoral où des millions de Mexicains inquiets rejètent ce nouveau président « élu » (Felipe Calderón, du Parti d’Action Nationale). Quelle a été la réponse des partis traditionnels face à la situation d’auto-organisation de l’APPO ? Les organisations institutionnelles, comme le sont les partis politiques à Oaxaca, ont été complètement dépassées. Tant le PRI que le PAN se sont révélés être des ennemis du peuple. Même le Parti de la Révolution Démocratique (PRD), qui se réclame du centre-gauche, a été dépassé : même si beaucoup de ses militants de base sont avec l’APPO, ses dirigeants sont restés muets et ont été obligés de reconnaître que le peuple a agi par lui-même, sans eux. Outre la chute d’Ulises Ruiz, quelle est la proposition politique de l’APPO ? En fait, indépendamment de ce qui s’est produit, nous avions déjà appelé à la formation du Congrès constitutif de l’APPO. Qu’est ce que cela signifie ? Eh bien, que dans les communautés, les colonies, les syndicats et tout ce qui se mobilise de manière organisée, des délégués allaient être nommés pour que ce congrès se tienne, où l’on pourrait discuter de plateformes, de principes et de formes d’organisations. La proposition était pour le 8, 9 et 10 novembre, mais, face aux derniers évenements, je crois que nous devrons le reprogrammer. Nous espérons ne pas trop devoir la repousser pour ainsi pouvoir former le nouveau pouvoir populaire à Oaxaca [Finalement, le Congrès s’est tenu du 10 au 12 novembre, ndlr]. Beaucoup de gens appellent “Commune de Oaxaca” ce processus. A quoi font-il référence ? Je crois que c’est une allusion aux processus d’organisation interne : le fait d’avoir nos “topiles” [sorte de police communautaire, ndlr], de nous organiser en assemblées et à travers des barricades, d’affronter directement les forces policières. Cela fait référence à la question de l’auto-organisation, bien que nous ne puissions toujours pas arriver à nos fins comme dans la Commune de Paris. L’idée de “Commune” à Oaxaca renvoie plutôt aux pratiques des communautés indigènes qui maintiennent ces processus depuis de très nombreuses années. Notre processus consiste en une insurrection avec certaines tendances de pouvoir populaire ressemblants à celles de la Commune de Paris. Mais, de toute manière, il ne s’agit encore que d’un embryon sur lequel nous travaillons. Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que sont les “topiles” ? Nous empruntons ce terme aux communautés indigènes. Dans ces dernières, il n’y a pas de policiers en uniforme portant des armes à feu. L’autorité est constituée par les paysans et les indigènes eux-mêmes, ils ont un “bâton” de commandement dans la main et un “chipote” [sorte de massue, ndlr]. Sans besoin d’avoir des armes, ils sont l’autorité. Dans le cas d’une plainte de voisinage, ils parviennent à résoudre le problème. Les “topiles” exercent gratuitement la justice dans le village, sans recevoir de salaire pour cela. De quelle manière sont-ils élus ? En assemblées communautaires. Nous avons transposé cette expérience indigène à la capitale d’Oaxaca lorsque notre mouvement est né. Les “topiles” sont les compañeros qui se proposent volontairement ou sont élus dans leurs organisations pour jouer ce rôle sur les barricades, dans les fonctions d’autodéfense contre les policiers et les chapardeurs. Outre cette énorme influence indigène, en quoi cette lutte à Oaxaca rejoint-elle les résistances observées dans le reste de l’Amérique ? Bien que nous ayons subi l’influence de nos communautés indigènes, régies par les us et coutumes à travers des assemblés communautaires, notre processus de lutte n’est pas quelque chose d’isolé mais c’est tout un ensemble. Notre expérience actuelle est aussi due à ce qui s’est fait en Equateur, au Brésil et en Argentine. Nous avons suivi toutes les expériences qui ont eu lieu en Amérique Latine, mais aussi aux Etats-Unis avec nos compañeros migrants. C’est pourquoi nous espérons que la solidarité nationale et internationale avec notre lutte sera immédiate. En fait, elle existe déjà. Nous savons qu’en Espagne, en Italie, aux Etats-Unis et dans d’autres endroits, des mobilisations et des protestations ont été organisées devant des consulats et des ambassades. Nous pensons que l’avenir de l’humanité peut changer et nous pouvons le mener à bien,de l’endroit où nous nous trouvons. Quelle est la situation actuelle à Oaxaca après la récente répression ? Je crois que si le gouvernement est intelligent, il va replier ses forces policières. Sinon, cela finira par une bataille rangée à Oaxaca parce que nous n’allons pas rendre la ville à la Police fédérale préventive. Pour finir, quel est votre état d’esprit ? Nous sommes confiants sur le fait que notre mouvement doit triompher parce qu’il ne s’agit pas d’une rébellion de quelques groupes ou de quelques « radicaux » mais d’une insurrection populaire. Quiconque ne comprend pas cela, continuera à essayer de faire taire ces voix avec des baïonnettes. Qu’ils sachent qu’ils pourront les faire taire pendant un temps, mais d’autres jailliront et la bataille continuera. NOTES: [1] [NDLR] La « rezonificación » est une réévaluation du coût de la vie, qui impliquerait une hausse du salaire minimum des instituteurs. [2] [NDLR] Depuis la réalisation de cet entretien, on comptabilise 22 morts et 34 disparus. SOURCE |
| | Posté le 23-11-2006 à 21:04:46
| Nouveau texte de George Lapierre avec quelques éléments sur les ML -et les maoïstes-, pas vraiment positif. ----------------------------------------------------------------------------------------- Bien le bonjour, L’importance de la gauche traditionnelle (en France nous parlerions d’extrême gauche), ses manœuvres et sa suffisance nous ont préoccupés. Nous avons décidé de rendre visite à un leader zapotèque, Joel Aquino, connu pour son autorité morale acquise par des années consacrées à reconstruire l’autonomie des peuples indiens et à lutter avec une obstination remarquable contre les caciques de la Sierra et le gouvernement de l’Etat d’Oaxaca. Il habite Yalálag, un village de montagne à environ 4 heures de route de la ville d’Oaxaca, c’est un village tout en pente et les maisons paraissent en équilibre précaire entre les arbres sur ce dévalement de terre. Nous rencontrons la linguiste zapotèque, Juana Vázquez et Joel Aquino dans la maison de la culture de ce village. Cette maison est une de leur réalisation et elle est consacrée à la langue et à la culture zapotèque sans oublier l’élément le plus important de la culture villageoise, la musique ; on y apprend aussi à se servir de l’ordinateur et d’Internet. Nous commençons par parler du syndicat des enseignants, qui a joué (et qui joue toujours, ne serait-ce que pas son absence remarquée, qui laisse un vide que l’Assemblée populaire a du mal à combler) un rôle important dans le mouvement social à Oaxaca. C’est en 1980 que la section 22 a commencé à lutter contre le "charrisme" syndical, un syndicat "charro" étant un syndicat dont les dirigeants sont corrompus par le pouvoir, pour, finalement, s’émanciper de la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation (CNTE). Les communautés ont appuyé la démocratisation de la section 22. Les maîtres d’école qui sont allés travailler dans les villages ont découvert le sentiment de la communalité (sentiment de faire partie d’une collectivité régie par un ensemble de règles). Beaucoup se sont incorporés à la vie communautaire et ont accepté des responsabilités et des charges, et ont participé au travail collectif, le tequio. Cependant, d’autres enseignants se sont enfermés dans une idéologie marxiste-léniniste ou maoïste. Ils ont minimisé l’importance du monde indigène et déprécié la conception communautaire, qui fonde et soutient la résistance des peuples indiens. Ils ne sont pas sensibles aux problèmes réels des communautés et à leurs demandes. Ils centrent leurs discours sur la conscience de l’exploitation, ou de l’exploité, le prolétaire, et restent fermés à la conscience de la réalité sociale des peuples. Ils fonctionnent un peu à la manière des sectes, ils ignorent la réalité culturelle et historique des gens. Ils préfèrent vivre en ville et fuir les villages. Dans l’assemblée des villages, la conception individualiste est absente, il n’est pas possible d’avoir un projet de libération avec cette idée d’individualisme, de l’intérêt privé. Dans l’Assemblée populaire, par exemple, les discours avaient un contenu pauvre, réduit, et montraient une absence de réflexion et d’analyse. Il faut se méfier du discours marxiste-léniniste ou maoïste surtout quand on sait qu’il est historiquement démontré que ceux qui ont un tel discours oublient leur engagement avec le peuple et vont jusqu’à l’opprimer et le réprimer dès qu’ils ont le pouvoir. Joel Aquino nous cite alors toute une série de noms de personnes qui ont mal tournées dont Eliodoro Diaz étudiant marxiste qui a participé au mouvement de 68 et qui a fini par travailler pour le CISEN (Intelligence militaire), il nous parle aussi d’un ex-gouverneur, marxiste-léniniste dans sa jeunesse, et qui a ordonné l’assassinat de 18 paysans. (Les exemples sont infinis, de là à penser que l’antagonisme entre le parti d’Etat, ou les partis d’Etat [PRI et PRD confondus], et les partis d’extrême gauche n’est pas si irréductible que nous pourrions le penser, la paroi est poreuse et les uns servent parfois d’échelon à l’ambition personnelle pour être reconnue par les autres.) La direction provisoire de l’APPO était en grande partie entre les mains du courant marxiste-léniniste représenté par le FPR (Front populaire révolutionnaire) et la CODEP (Comité de défense des droits du peuple), ce qui explique la pauvreté des moyens mis en œuvre et des discours : marches, manifestations, prises des rues, slogans. Les communautés doivent s’incorporer à l’APPO pour lui donner de nouvelles perspectives comme celle du service communautaire, le système des responsabilités, le tequio, le "mandar obedeciendo". Il doit y avoir une coresponsabilité entre celui qui assume une charge et la communauté et tous doivent l’aider à accomplir sa charge, l’assemblée a créé le fond communal qui permet à celui qui a une charge de pouvoir l’accomplir. Dans ce système on ne cherche pas le progrès individuel, personnel, sinon accumuler des savoir-faire, des connaissances, pour le service de la communauté ; la personne qui est désignée par l’assemblée pour accomplir une charge (un cargo) a été reconnue pour ses qualités éthiques et intellectuelles, elle doit aussi disposer de moyens pour se dédier pendant un an au service du village. Finalement, tout ce système de charges est une école de formation politique pour les gens, et toute la famille se trouve engagée dans ce processus. Cette école commence dès l’entrée à l’âge adulte par la charge de "topile" confiée aux jeunes gens : nettoyer les rues, les toilettes publiques, porter les chaises, chasser les chiens quand se tient l’assemblée, aller chercher les clés, nettoyer les cours d’eau, ce sont les hommes à tout faire du village, dur apprentissage du service public. La gestion d’un village selon les us et coutumes emploie beaucoup de monde entre les différentes catégories de charges, jusqu’à une centaine, ou plus, de personnes, c’est que toutes travaillent gratuitement, par contre un gouvernement selon le système des partis emploie peu de gens et ceux-ci reçoivent un salaire, c’est un tout autre esprit, plus individualiste et souvent corrompu. Dans la Sierra Norte, il y a douze charges, de la charge de topile à celle de "principal", les femmes participent à l’assemblée du village (vote et voix) et peuvent être désignée comme "autorité". C’est cette tradition communautaire que nous pouvons déceler dans le mouvement actuel où nous trouvons les trois points qui garantissent l’unité d’un mouvement social : le consensus, l’aide mutuelle et le mandar obedeciendo, nous la retrouvons surtout dans les colonies populaires autour des barricades : préparation en commun des repas et des aliments, tortillas, mole, tamales (pâte de maïs cuite à la vapeur dans une enveloppe de feuilles de maïs ou de palmier, mélangée avec de la manteca, graisse de porc, avec parfois des sucreries ou de la viande à l’intérieur), que l’on distribue ensuite à ceux qui tiennent une barricade ou une place publique, échange des savoir-faire et du matériel, cohetes (fusées), cohetones (gros pétards)... L’initiative dans la région de soutenir l’APPO est venue des familles elles-mêmes, elles sont parties de Guelatao, elles sont passées par le monument de Benito Juarez et, de là, elles ont rejoint le zócalo. Aujourd’hui les peuples mixe, zapotèque et chinantèque de la montagne ont formé un front uni à partir des communautés pour reconstruire des alliances régionales afin de négocier sur un pied d’égalité et dans le respect des peuples avec les institutions gouvernementales. C’est dans les années 70, qu’a commencé ici, dans la Sierra Norte, la lutte contre les caciques, qui, par l’intermédiaire du PRI, contrôlaient les municipalités, nous avons dû faire front aux pistoleros et parfois nous défendre, face à des assassins, il faut pouvoir leur répondre, mais notre lutte était profondément pacifique, c’était celle des habitants zapotèques, mixes, chinantèques contre les gens de pouvoir et leurs hommes de mains, leurs sicaires. Face à notre détermination, les grands caciques de la Sierra ont dû peu à peu céder du terrain pour finir par nous remettre le pouvoir municipal. Aujourd’hui, la plus grande partie des communes de la montagne sont gérés selon les us et coutumes et ont recouvré leur autonomie. - Vous voulez procéder de la même manière avec Ulises Ruiz et ses sbires ? - Oui. Oaxaca, le 22 novembre 2006. George Lapierre |
| | Posté le 26-11-2006 à 15:03:00
| Bien le bonjour, Nous avions noté dans notre compte-rendu sur le Congrès que les délégués de la Sierra Norte, conséquents avec leurs pratiques communautaires, n’avaient pas désigné leurs représentants au Conseil de l’APPO à la fin du Congrès, laissant ce soin à l’assemblée régionale. Cette assemblée s’est tenue à Guelatao ce dimanche 19 novembre. San Pablo Guelatao est le village natal de Benito Juarez. Nous pouvons visiter sa maison ou plutôt la reconstitution de sa maison natale, modeste cahute d’adobe (brique d’argile durcie au soleil) au sol en terre battue, qui se dresse auprès d’un petit lac aux rives boisées et fleuries. L’endroit est agréable dans les contreforts de la Sierra Norte dite aussi Sierra Juarez, à une heure de route d’Oaxaca. Il fait froid ce dimanche matin dans la montagne et il brouillasse, heureusement la tradition des Indiens veut que le village qui reçoit offre avant toute réunion le petit déjeuner, puis ensuite le déjeuner et parfois le souper, c’est que les gens viennent de loin, certains sont partis à 2 heures ou 3 heures du matin, ce sont des hôtes que l’on respecte, on prend soin d’eux, comme eux prendront soin de nous, et cet accueil attentionné et aimable est propice au développement heureux du débat : un petit verre de mescal pour réchauffer l’esprit, la musique des bandas mixes et zapotèques pour réchauffer le cœur et un caldo de pollo (bouillon de poule) pour réchauffer l’âme et nous voilà d’attaque pour participer, comme invités, à l’assemblée régionale des peuples mixe, zapotèque et chinantèque de la Sierra Juarez. Les réunions sont toujours très formelles et elles se déroulent entre un début et une fin qui sont clairement marqués par quelques phrases conventionnelles, qui précisent l’heure d’ouverture et l’heure de la conclusion. Toute assemblée digne de ce nom commence par un petit rituel, c’est Juana Vázquez, la linguiste zapotèque que nous connaissons, qui est chargée d’évoquer les esprits des ancêtres qui nous accompagneront durant les débats et les délibérations. Participent à cette assemblée les principales autorités (environ 150) de 42 communes indiennes de la Sierra Norte. Elle est chargée de désigner les 24 conseillers qui la représenteront auprès du Conseil de l’Assemblée populaire. Avant de lancer les discussions, l’assemblée va écouter un certain nombre d’interventions. Zenén Bravo en tant que membre du Conseil fait un bref compte-rendu des conclusions auxquelles est parvenu le Congrès : les méfaits de l’impérialisme qui se traduit dans la région par le Plan Puebla-Panama, les méfaits du totalitarisme politique qui s’exprime par la non-séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif commandant le législatif et le judiciaire. Il précise ensuite que l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca est l’organe suprême des prises de décision avec un fonctionnement démocratique communautaire : "Qu’Oaxaca arrive à avoir dans un futur proche un pouvoir différent, non celui des seigneurs haut justicier (señores de horca y cuchillo) qui nous gouvernent maintenant, mais un modèle inspiré de la communauté indigène, car là se trouve l’embryon de la vraie démocratie." Regino Adolfo, du Service du peuple mixe, intervient ensuite pour parler des principes fondateurs de l’Assemblée (cf. lettre 12) et pour faire le point sur le système des représentations au sein du Conseil : faire en sorte que tous soient représentés : les différents secteurs de la société, les colonies et les barricades, les groupes et les associations, les communautés et les régions, avec pas moins de 30 % de femmes. Un philosophe fait ensuite un discours passionné au sujet de la profonde mutation sociale qui se prépare ici, à Oaxaca, et qui voit l’émergence du principe directeur de l’identité, de la diversité des cultures, face aux forces unificatrices de la globalisation. Il me semble malheureusement que la montagne a accouché d’une souris quand, en conclusion, il recommande d’établir des relations directes avec les régions autonomes d’Europe comme la Catalogne. Il est applaudi, mais j’ai remarqué que les Mexicains applaudissent plus le ton énergique et passionné d’un discours que son contenu, ils applaudissent la performance. Précisons tout de même que les applaudissements au cours d’un débat extériorisent un consensus quant au contenu, lorsque celui-ci est exprimé avec conviction. Une jeune femme parle ensuite avec sensibilité de la différence de comportement entre la souris des champs et la souris des villes. Je laisse ici, rassurez-vous, le seigneur Jean de La Fontaine. Au cours du débat qui suit, plusieurs grands axes vont apparaître. La revendication de l’autonomie communale et, avec elle, le rejet de tous les partis politiques revient souvent sur le tapis. Une autorité du secteur d’Ixtlán, je crois, se montre particulièrement ferme sur ce sujet : "Nous, nous avons l’argent que nous envoient les gens de la commune qui ont immigré aux Etats-Unis, et nous ne demandons plus rien à l’Etat, nous finançons nous-mêmes nos projets." Tiens, tiens, cela fait penser aux zapatistes et aux immigrés africains en Europe ou comment l’immigration, quand la tradition communautaire est encore forte, permet de construire ou de renforcer l’autonomie des villages. Ceux qui sont allés appuyer Ulises Ruiz, au cours d’une manif organisée par ce personnage à laquelle furent contraints de participer tous ceux qui travaillent pour le gouvernement ou pour une municipalité contrôlée par le PRI, ont été qualifiés d’opportunistes et de compañeros maiceados (compagnons corrompus, manipulés) et vont être exclus des assemblées communales. L’idée de constituer formellement une assemblée régionale des peuples de la Sierra Norte prend corps peu à peu : "Nous devons une chose à URO (Ulises Ruiz Ortiz), il nous a secoué la tête et il nous a réunis ; pour la première fois, nous sommes ensemble, les quatre districts de la Sierra." Il s’agit de reconstituer l’unité régionale à partir des assemblées communautaires et en relation avec les associations d’immigrés qui se trouvent aux Etats-Unis, dans la capitale de l’Etat ou du pays. Il faut profiter de cette occasion unique, avance Joel Aquino, et si certaines autorités municipales refusent par opportunisme de participer, il est toujours possible de créer des associations citoyennes (comité de parents d’élèves, association culturelle) qui pourront nommer des délégués à cette assemblée des peuples de la Sierra Norte : "C’est une opportunité unique que nous ne pouvons pas laisser passer parce qu’elle ne se représentera pas avant dix ou vingt ans. C’est vrai, nous ne sommes pas tous là, mais à mesure que nous avancerons, d’autres s’uniront à nous. Il n’y aura pas un pauvre qui refusera de participer à la lutte des pauvres." Précisons que la Sierra de Juarez comprend quatre districts, Ixtlán, Villa Alta, Mixe et Choapas, qui furent historiquement terres des grands caciques priistes. Le PRI a perdu graduellement le pouvoir dans les communautés pour ne plus contrôler que 10 % des municipalités. Le grand moment de cette journée fut donc la constitution formelle de l’Assemblée des peuples mixe, zapotèque et chinantèque de la Sierra Juarez, premier pas, mais un pas très important à mon sens, vers l’unité des peuples indiens de l’Etat d’Oaxaca, qui comprend, je le rappelle, seize peuples indigènes. Les délégués au Conseil seront désormais responsables devant cette assemblée et devront défendre le droit à la libre détermination et à l’autonomie des peuples, "avec conviction", est-il précisé. La journée est déjà bien avancée et nous avons sauté le repas de midi, la nuit s’est installée dans la bruine et le froid. Chaque secteur de la montagne se réunit pour nommer ses représentants au Conseil estatal, en tout 24 conseillers. Après le discours d’investiture, au cours duquel un ancien rappelle le sens de leur charge, l’assemblée passe à la discussion d’un plan d’actions. Plusieurs propositions sont retenues, dont celle d’une déclaration publique ou Pronunciamiento, ce sera la "Déclaration de Guelatao", lue et discutée un peu plus tard dans la soirée. Il n’y est pas seulement question de la destitution d’Ulises Ruiz, de la condamnation des violences et des abus de la police, du rejet des forces militaires, ou du refus des partis politiques, la déclaration fait aussi allusion à un pacte social et à une profonde transformation de la société à la recherche de ses principes directeurs à travers le dialogue, la libre détermination et l’autonomie : "Nous appelons à l’unité des autorités et des membres des peuples zapotèque, mixe et chinantèque afin de faire triompher nos exigences et nos aspirations à mener la vie que nous souhaitons... Pour que cette grande assemblée des peuples zapotèque, mixe et chinantèque soit une réalité, nous devons renforcer et étendre les attributions de nos assemblées communautaires, municipales et régionales, pour en faire des organes de débat et de décision… Dans l’assemblée réside notre force et notre légitimité." (Cf. "Déclaration de Guelatao".) Il fut aussi décidé de fermer les délégations et les diverses administrations gouvernementales qui se trouvent dans la montagne et de s’emparer de la radio de Guelatao, Voz de la Sierra, qui est administrée actuellement par la Commission nationale du développement indigène (CNDI) afin de pouvoir informer les habitants sur la lutte, ou les luttes, en cours. Enfin, il fut décidé de participer à la grande manifestation du 25 novembre qui partira de Santa María Coyotepec, où se trouve le palais du gouvernement, pour le zócalo, mais avec les fanfares municipales et avec la présence des autorités avec leurs bâtons de commandement. Avec la participation des peuples indiens de la Sierra, l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca passe dans une autre dimension du temps et la patience, le temps indien, prend le pas sur l’urgence et l’impatience "révolutionnaire" du monde occidental. C’est une partie d’échec où les coups et les avancées sont mûrement réfléchis en fonction d’une stratégie à long terme, mais où il s’agit aussi de saisir l’occasion quand celle-ci se présente. Le 28 et le 29 novembre se tiendra dans la ville le forum des peuples indigènes d’Oaxaca. Oaxaca, le 24 novembre 2006. George Lapierre |
| | Posté le 27-11-2006 à 03:09:35
| Il nous tien informé ce George Lapierre mais alors il est relou sur les ML. La vision communautaire indigéne (petite propriété, vision clanique et territoriale, pratiques religieuses etc.) et le socialisme se sont toujours accordé difficilement et pour cause. C'est un forme de communisme primitif qui permet de lier les luttes entre elles (de la cause indigéne et celle du prolétariat) mais c'est un accord précaire comme nous le montre encore une fois les paroles de ce leader indigéne. Merci Paria pour la mis à jour. |
| | Posté le 27-11-2006 à 12:15:57
| Salut à tous, Voilà déjà un mois que je traîne mes souliers par ici, dans la poussière des manifestations, des marches ou celle des champs de bataille. Tout va très vite et souvent, on n’est pas vraiment maître de son temps qui défile rapidement. La réalité mexicaine est toujours complexe et il faut toujours un peu de temps et de recul pour saisir ce qu’il se passe vraiment et ce qui est en jeu. En ce moment à Oaxaca, malgré l’apparition du froid, il y a des manifestations quotidiennement et se maintient, malgré la pression venant de tous côtés, la barricade de "Cinco Señores". Hier, ont réapparu en taule et salement amochés les deux jeunes de la barricade qui avaient été arrêtés la veille sur place. Leurs corps portent encore les marques des tortures subies et des nombreux impacts des balles en caoutchouc. Le gouvernement de l’Etat, avec l’aide de la police fédérale préventive et de ses propres groupes de paramilitaires entame une véritable guerre de basse intensité (arrestations, tortures et passage à tabac systématiques, disparitions, fusillades... 17 morts jusqu’à présent) contre le mouvement de l’APPO et contre ceux qui forment une partie importante et radicale du mouvement, à savoir : les jeunes et les habitants des quartiers populaires. Les rapports ou les dénonciations des diverses organisations des droits de l’homme restent lettre morte. Les assassins et les hommes de main à la solde d’Ulises Ruiz agissent en totale impunité. Il semble que la situation sur place n’évoluera guère jusqu'à la prise de fonction de Calderon (le futur président), le 1er décembre. La suite est à craindre... Celui-ci a déjà prévenu qu’il ne permettra pas que l’ordre soit troublé, qu’il appliquera toute la force de la loi et qu’il en coûtera des vies humaines... En attendant, une grande marche est prévu samedi prochain (demain). Hier soir, une réunion entre colonos, barricadas et des représentants du conseil de l’APPO avait lieu à l’université, à deux pas de la barricade de "la Victoria" ( dernière dénomination de la Barricade de Cinco Señores après "la Muerte"). Il s’agissait de discuter afin d’organiser la prochaine manifestation dans de bonnes conditions... Les conseillers de l’APPO ont fait part à la petite assemblée d’un dialogue avec les autorités (secrétaire d’Etat, commandant de la Police fédérale préventive...) qui eut lieu la nuit précédente. De nouveau, l’APPO, lors de ce dialogue avec les autorités, a réitéré ses exigences : liberté pour les prisonniers (60 ?), élimination des ordres d’appréhension (plus de 200), réapparition des disparus(une trentaine), changement des autorités de l’Etat, que cesse le brouillage intempestif de la radio "Universidad" et que, dans le même temps soit bloqué le signal de la radio pirate "mapache" qui soutient grossièrement le tyran et appelle au meurtre de certain membres de l’APPO. En fait, lors de ce dialogue avec les autorités, il fut surtout question de la marche de samedi. Les flics de la PFP ont proposé de se retirer du zocalo le temps d’un meeting pour le réoccuper ensuite et que, si tout se passe bien (s’il n’y a pas d’affrontement), ils envisageraient de se retirer définitivement. Donc, du point de vue de certains conseillers de l’APPO, il était surtout question d’organiser, de structurer, "¡Todo el poder al pueblo organisado!"... Tout le monde ne voyait pas les choses ainsi, et rapidement a été exprimé le fait qu’il n’y avait rien à attendre d’un pacte avec les flics, qu’ils pouvaient partir avant le samedi s’ils craignaient des affrontements, et que, s’ils quittent le zocalo, c’est surtout pour la bonnes marche des affaires des hôteliers qui, après avoir ardemment exigé l’entrée de la PFP, réclament maintenant qu’elle se retire du zocalo transformé en caserne depuis le début du mois. De plus, il est certain que la police ne se retirera pas définitivement d'Oaxaca mais se redéploiera dans les quartiers populaires de la périphérie. D’une manière plus générale, il y eut pas mal d’interventions : notamment signalant que le mouvement est pacifique mais se défend et se défendra comme il se doit... Qu’il n’y avait que deux voies, celle du dialogue ou celle des armes, mais que le mouvement n’en possédant pas, alors logiquement s’imposait la voie du dialogue. Il y eut la proposition de récupérer des espaces publics, leur donner vie et alegria, des endroits pour se rencontrer, s’écouter et faire la fête... renforcer et reconstruire les barricades avec la même idée d’en faire des lieu de rencontres et de convivialité... de construire, dans les quartiers, l’autonomie... Toujours les mêmes parlaient de donner des structures aux colonies et aux barricades, de créer et coordonner des groupes d’autodéfense et d’inviter à une nouvelle réunion de colonos y barricadas. Des batailles avec la PFP, je garde le souvenir du courage certain des jeunes en première ligne, des blessés, du feu, des pierres, de la rage, des barricades qui s’improvisent à la hâte de bric et de broc, de l’imagination et de l’esprit d’initiative des insurgés. Je me rappelle des gamins qui passaient dans la foule proposant des masques (certains cousus à la main) pour se protéger du gaz que les flics lançaient, des femmes passant avec des seaux remplis d’un mélange eau et vinaigre pour en atténuer les effets toxiques ou chargées de grandes bouteilles de Coca pour calmer les yeux aveuglés qui brûlent, de ces mères de famille, "amas de casa", qui apportent chaque jour dans de hautes marmites à manger sur les barricades. Milles souvenirs chaleureux. Et bien sûr je me souviens très bien de l’allégresse communicative de la rue après la victoire sur les flics ce 2 novembre à Cinco Señores. Bon, il y a encore plein de chose a raconter... et malgré les vieilles manières de faire de la politique d’un grand nombre des adhérents de l’APPO, qui cherchent en premier lieu leur propre intérêt, celui de leur parti ou de leur groupe, il y a du sang nouveau qui circule et beaucoup de lucidité sur toutes les manœuvres et autres tentatives de manipulation qui s’exercent et qui ne passent finalement pas. Il est certain qu’il faut encore un peu de temps avant de savoir vraiment qui de ces deux forces l’emportera vraiment dans l’APPO. Les communautés avec l’idée du "commander en obéissant", de la révocation des mandats allié à l’esprit rebelle et radical des jeunes et des colonos des quartiers populaires contre les "degauches" qui se rêvent déjà au pouvoir... La suite des événements nous permettra rapidement de le savoir. Bon, nous en somme là pour le moment et c’est déjà samedi... Nous nous préparons doucement afin de rejoindre la marche quand elle passera par l’entrée de la ville pour rejoindre le zocalo. J’espère que de votre côté tout va bien. Donnez donc des nouvelles. A bientôt. M, le 25 novembre 2006. ----------------------------------------------------------------------------------------- Le samedi 25 novembre, au 188e jour de conflit, la mégamarche est arrivée dans le centre-ville après 15 kilomètres dans les pattes, elle était bien différente des précédentes et paraissait plus grave, après avoir tenté d’encercler le zocalo et les rues adjacentes ou s’était concentrée et fortifiée la PFP (Programa Foxista conta la Pobreza). Il était l’heure de se restaurer et chacun est resté ainsi pendant une paire d’heures sur sa position dans une ambiance assez pesante... puis, malgré les appels à ne pas céder à la provocation, à rester pacifique et organisé, sans crier gare la bagarre a éclaté. Chacun était prêt et les masques et le vinaigre ont commencé à circuler, les flics barricadés nous balançaient de leurs positions des salves de grenades lacrymogènes et bien vite un brouillard gris s’est étendu sur tout le centre. Les insurgés malgré leur nombre, leurs équipements hétéroclites, leur détermination et leur courage, n’ont pas pu faire reculer les flics et, après quelques heures d’affrontements violents, les flics ont commencé à avancer en direction de Santo Domingo où les gens se dépêchaient de se faire des munitions de pierres de toutes tailles en démolissant le parvis de la cathédrale, dans les rues à côté, et des terrasses des maisons les pierres volaient en direction des flics, des jeunes derrière de grands boucliers (des portes) avançaient en ligne au plus près du contact avec les flics afin de lancer les cocktails Molotov et autres projectiles en étant sûrs d’atteindre leur cible. Des barricades improvisées se construisaient précipitamment, des incendies s’allumaient pendant que le soir tombait. A Santo Domingo, Flavio Sosa (un "leader" de l’APPO, complètement compromis au jeu politique, celui-là même qui en appelle au pape) exhortait les gens à cesser les combats, la réponse de la foule a été claire : "Tire-toi, fils de pute, ou commence à te battre !", "C’est le peuple qui commande !" Alors qu’il quittait la place, il déclara la situation incontrôlable aux journalistes présents... L’offensive des flics se fit encore plus brutale à l’approche de Santo Domingo. Au poste de secours improvisé du IAGO (la bibliothèque de Toledo) arrivaient de nombreux blessés ou intoxiqués en même temps que des gens inquiets et désespérés de ne pas retrouver des membres de leur famille. Nous avons dû quitter Santo Domingo devant l’hallali des chiens et trouver refuge dans une maison à proximité. De là, nous pouvions observer la rue et apercevoir au loin, dans la nuit, de grandes colonnes de volutes éclairées par l’incendie des bâtiments au dessous. Après un court répit, les flics ont repris leurs basses œuvres en ouvrant la chasse aux attroupements épars. De là où nous étions, nous avons pu observer d’assez près la sauvagerie sans limite de ces chiens : un jeune au volant d’une "pipa" (un camion-citerne qui transporte de l’eau) s’est retrouvé, à un carrefour, nez à nez avec les flics qui venaient d’une rue perpendiculaire. Il s’est enfermé dans le camion pour ne pas se faire défoncer la gueule, les flics ont tiré une cartouche de gaz à travers le pare-brise du camion qui s’est arrêté et ont poursuivi leur chemin. L’épaisse fumée sortait de tous les orifices de la cabine, les flics étaient partout dans la rue et personne n'a pu porter secours au chauffeur qui est resté, certainement inconscient, un bon quart d’heure dans cette chambre à gaz. Les flics, au retour, ont mis un masque à gaz, l’un d’eux a pris la place du chauffeur et ils sont repartis avec le camion et le jeune toujours dedans... A ce stade, la répression de la manifestation a fait au moins une quarantaine de blessés, plus de cent arrestations, pour l’instant nous ne connaissons pas le nombre exact de disparus (certainement plusieurs dizaines) et on parle de quatre morts. Les flics ont tiré des balles en caoutchouc et, par moment, à balles réelles. Une bonne partie de la nuit, des convois de la PFP ont sillonné les rue de la ville à la recherche d’irréductibles. Il y a de nombreux témoignages dans les journaux de ce matin, sans parler des nombreuses photos qui illustrent la cruauté et la sauvagerie répressive. De leur côté, les insurgés ont mis le feu au tribunal supérieur de la justice, aux bureaux des jugements fédéraux, au secrétariat du tourisme, à l’association des hôtels et motels, à l’entrée de l´hôtel de luxe "Cuatro Caminos", une partie du théâtre Juarez a également souffert des flammes à cause de sa proximité avec un des bâtiments publics, sans parler des dizaines de véhicules qui illuminaient la nuit... Aujourd’hui, dimanche, de bonne heure, en sortant de la maison où nous avions été hébergés pour la nuit, je suis retourné faire un petit tour du côté de Santo Domingo, où les équipes de la municipalité s’affairaient à effacer toutes traces des évènements qui avaient eu lieu. Il me semble, vu les moyens déployés, que les autorités officielles ne permettront pas que les gens réoccupent l’endroit... à voir... J’ai voulu aller jusqu'à la grand-place du Llano, prendre quelques photos des bâtiments d’où je voyais, la veille, les hautes colonnes de fumée montées paisiblement vers le ciel en se rejoignant dans la nuit. Sur place, je suis tombé sur un convoi de la PFP qui descendait la rue, j’ai traversé le parc en admirant de loin la belle œuvre, un autre convoi montait en sens inverse... Je ne suis pas resté, je n’ai pas fait mes photos. J’ai continué mon chemin comme un touriste égaré en appréciant les rayons du soleil qui me chauffaient les os. Cet après-midi pendant que j’écrivais ce petit récit, nous entendions le survol d’un hélicoptère sur la ville... A bientôt. M, le 26 novembre 2006 ----------------------------------------------------------------------------------------- Bien le bonjour, Nous sommes le samedi matin et nous nous préparons à aller à la manifestation, le point de départ, Santa María Coyotepec, se trouve à plus de quinze kilomètres de la ville, cela en fait hésiter plus d’un et plus d’une autour de moi, quinze kilomètres à pieds sous le soleil de Satan, il y de quoi hésiter en effet. Le tyranneau a pris soin de construire le nouveau et luxueux palais du gouvernement loin de la ville et de ses turbulences. Avec Calderón, le futur président du Mexique, qui va prendre possession du pouvoir à San Lázaro derrière des murailles d’acier élevées tout autour du bâtiment législatif et dans un quartier encerclé depuis plusieurs jours par les policiers et les militaires, ce sont les images les plus délirantes et tordues de la science-fiction qui deviennent réalité. La manifestation doit se terminer par un encerclement effectif des forces d’occupation qui se trouvent sur le zócalo pendant 48 heures. Nous sommes allés voir les jeunes qui tiennent la barricade de Cinco Señores. El Cholo et el Conejo, ainsi qu’un troisième barricadier, ont été faits prisonniers par un commando de la police ministérielle soutenue par la police fédérale préventive, ils ont été salement tabassés et torturés avant de se trouver derrière les barreaux sous des inculpations grotesques, comme tentative d’homicide, mais qui peuvent leur coûter cher. Les gens de la barricade avaient retiré, sous la pression semble-il du Conseil, certains véhicules pour "libérer le passage", ils ont libéré le passage au commando, finalement. Cela sent la provocation à plein nez. Deux réunions ont eu lieu avec les colonies pour parler de la manifestation et de l’idée de l’encerclement des forces militaires. L’intervention de celle qui est la porte-parole au sein du Conseil de la barricade Los Cinco Señores a été très intéressante : "Il faut être clair sur les buts, chacun, que ce soit l’Etat ou l’APPO, fait valoir sa scénographie, la mise en spectacle de la confrontation, par exemple, ou du dialogue, par contre, l’intention reste confuse et floue, on ne poursuit pas un objectif précis et immédiat ou, du moins, explicite, on se contente d’une mise en scène." Notre première inquiétude au sujet de l’isolement de la barricade Cinco Señores s’est dissipée au vu de ces réunions, les gens venus des barricades comme Brenamiel, Calicanto, et des colonies se sont reconnus sur des points de vue très proches. Les "dirigeants", du moins ceux qui aimeraient bien être reconnus comme dirigeants, craignent la réaction des quartiers et des barricades, c’est un monde qu’ils ne peuvent contrôler. Dialogue de sourd ? Quoi qu’il en soit, il y a là comme un hiatus qui affaiblit le mouvement. Les habitants des quartiers par exemple ne veulent pas entendre parler de dialogue ou de négociation avec le gouvernement central ni avec les commandants de la Police fédérale préventive. Ils veulent chasser les flics du Zócalo, or l’APPO a perdu une bonne opportunité de le faire, le 2 novembre, quand les porcs ont dû battre en retraite après la bataille de l’université. Ce souhait est-il réalisable ou non ? S’il est réalisable, donnons-nous les moyens de le réaliser, s’il ne l’est pas à quoi rime la manifestation et cette idée d’encerclement ? Deux réunions ont été nécessaires pour ne pas répondre à cette question. Je reprends cette chronique ce dimanche matin avec des sentiments mêlés et contradictoires dus au relâchement après les moments intenses de cette nuit insurrectionnelle. Tôt ce matin, des équipes de balayeurs tentaient d’effacer toute trace de l’émeute de la veille, des peintres recouvraient avec de la peinture blanche les slogans, des camions-bennes enlevaient les restes des barricades, en vain. Comment gommer les six immeubles, dont le Tribunal supérieur de justice, La Chambre des hôtels et motels, le ministère des Relations extérieures, qui ont été incendiés ? Des flics en civil rôdent, mêlés aux bourgeois, dans les rues autour du Zócalo et des patrouilles composées de quatre à cinq camionnettes remplies jusqu’à la gueule de flics en tenue anti-émeute tournent les unes derrière les autres dans les rues adjacentes. Beaucoup de gens ont été appréhendés, on parle d’une centaine de disparus, d’autres ont pu trouver refuge, ce fut notre cas, dans des maisons amies. Ce ne fut pas une émeute, ce fut le premier pas d’une insurrection. A la jubilation de voir dans la nuit Oaxaca en flammes se mêle le goût amer des massacres et assassinats perpétrés par les forces de l’ordre. Nous avons rejoint la marche à mi-parcours, beaucoup de monde mais moins de monde que lors de la grande marche du dimanche 5 novembre, moins de slogans, absence des peuples indiens de la Sierra, qui devaient venir, des participants plus tendus, aussi. La rumeur avait couru qu’il allait y avoir des affrontements, que des francs-tireurs embusqués tireraient sur la foule, ou que des commandos de paramilitaires interviendraient, c’est Ulises Ruiz qui était à l’origine de ces rumeurs en laissant entendre qu’il ne contrôlait pas la situation (comme s’il l’avait contrôlée un jour !), cela signifiait en fait qu’il laissait carte blanche à ses tueurs. La marche sous le soleil de midi s’est déroulée sans incidents. A 3 heures et demie, nous étions au centre-ville et les gens ont envahi les rues qui mènent au Zócalo, foule bigarrée, assez silencieuse, fatiguée aussi par cette longue marche. Temps d’orage, mais nous ne savions pas si l’orage allait éclaté ou non. Une longue file s’est formée où l’on distribuait de la nourriture, riz et haricots noirs, et puis rien, quelques groupes descendaient bien les rues pour aller défier la Police fédérale préventive, mais sans trop de conviction, celle-ci était bien protégée derrière des murailles d’acier, le Zócalo était devenu une place forte, à mon sens, imprenable. Et puis comme un premier éclair, des gamins qui descendent la rue en courant avec un cadi rempli de caillasses, des femmes sur le parvis de l’église les encouragent à grands cris tout en leur demandant de ne pas céder à la provocation. Des pierres partent dans tous les sens, des fusées zigzaguent et éclatent, les cloches de l’église se mettent à sonner le tocsin, on arrache des palissades pour former des barricades, on monte sur la terrasse du bâtiment en construction, des brigades de secours se forment avec coca, eau et vinaigre, des masques de tampax imbibés de vinaigre sont proposés aux combattants, les rues se remplissent de tonnerre et de fumée, l’orage. Il est 4 h 30 de l’après-midi, l’offensive, on se jette à corps perdu contre la place forte en espérant la faire fléchir. Le parvis de Santo Domingo est devenu une carrière à fabriquer du caillou, tous s’activent. La horde sauvage, la horde de la dignité, face à l’armée de l’ordre, retranchée, bien protégée et supérieurement armée, la place ne cède pas, un espoir, pourtant, dans une rue parallèle, les forces armées, moins bien protégées auraient montré des signes de faiblesse, nous nous y lançons, défiant les grenades de gaz, nous avons des bus à notre disposition, nous en manœuvrons un et nous avançons derrière ce tank improvisé, en vain, les grenades pleuvent de tous les côtés le bus devient alors une barricade derrière laquelle seuls ceux qui ont des masques à gaz peuvent encore résister. Mais l’idée était bonne et nous la renouvelons de l’autre côté, pour le même résultat. C’est alors que se déclanche la contre-attaque, elle nous a surpris et malgré une résistance acharnée, nous nous rendons vite compte que nos positions sont indéfendables : nous nous replions en vitesse vers la place de Santo Domingo sous une grêle de grenades lacrymogènes. Un court moment de répit, on repart à l’assaut et puis tout se passe très vite après quatre heures de combat, c’est le soir maintenant. Une des filles est intoxiquée par les gaz, tout le centre-ville est devenu irrespirable, nous la conduisons à un poste de secours improvisé dans la bibliothèque publique du peintre Toledo, nous la laissons à l’intérieur et nous nous replions vers les rues perpendiculaires, des bataillons de choc de la police fédérale avancent derrière leurs tanks, nous avons juste le temps de passer. Nous allons faire un tour du côté des associations des droits humains pour rendre compte de la situation, mais surtout pour respirer. Nous y restons peu de temps, il faut récupérer la copine, un repli des forces de police nous permet de revenir vers Santo Domingo, la copine n’est plus dans le poste de secours, nous la retrouverons plus tard chez des amis, saine et sauve. Les commandos de la police fédérale entrent à nouveau en action derrière leurs tanks, ils cherchent à prendre en tenaille les irréductibles qui se sont regroupés un peu plus bas, nous marchons vite, une porte amie s’ouvre, à quelques secondes près nous étions pris et matraqués. Impuissants nous assistons à une scène terrible, le croisement est noir de flics, les irréductibles ont pu s’échapper mais l’un d’eux est resté prisonnier du camion qu’il conduisait, je pense qu’il avait déjà été atteint et blessé, à la merci de la meute, qui balance des grenades lacrymogènes dans la cabine... (C’était le vrai conducteur du camion, je viens d’apprendre qu’il a réussi à s’échapper au dernier moment, bien que blessé, avec l’aide des jeunes par quel miracle ? Les chiens ont rempli de gaz une cabine vide. Ouf !) La ville brûle, tout autour rôdent les camions de la PFP à la recherche des derniers mohicans, beaucoup vont pouvoir se cacher dans des maisons hospitalières, rôdent aussi les tueurs à gage d’Ulises Ruiz, nous entendons des coups de feu, la radio signale qu’ils auraient tiré du côté de la barricade Cinco Señores et qu’il y aurait des morts. Un commando vêtu de noir, armé jusqu’aux dents, se trouvent dans les jardins de l’hôpital. Sept personnes en civil, armées de révolvers, sont entrées dans les urgences et ont menacés les personnes présentes. Le bilan est tragique, on parle de quatre morts, le nombre de blessés est incalculable, 149 détenus et 41 disparus. Ulises Ruiz et l’Etat fédéral entendent profiter de la situation pour perquisitionner les habitations, arrêter les leaders de l’APPO, et occuper militairement tout le centre touristique et pas seulement le Zócalo ; leurs prochains objectifs seront la cité universitaire et la barricade de Cinco Señores ; ils n’arrêteront pas le mouvement, qui, selon mon sentiment, va se reconstituer rapidement, c’est un simple coup de vent d’un mouvement insurrectionnel venu des profondeurs de l’Etat d’Oaxaca. Les communautés indiennes de la Sierra Norte n’y ont pas participé, ils se doutaient bien de ce qui allait se passer, ils ne voulaient pas affaiblir leur force dans une escarmouche. Oaxaca, le 26 novembre 2006. George Lapierre
Message édité le 27-11-2006 à 12:17:25 par Paria |
| | Posté le 28-11-2006 à 15:21:21
| Nouvelles du jour (28 novembre 2006) 5 :12 l'Université d'Oaxaca Continue de transmettre des nouvelles par radio Universidad Cette nuit d'enormes patrouilles de la PFP ont engendrées la crainte que la station serait attaquée dans la nuit a n'importe quel moment Les interférences à la radio sont très fortes mais elle transmet toujours dans la ville d'Oaxaca, et sur internet par une centaine de miroirs dans le monde 00 :47 les Policiers locaux ( ou des Pfp en civils ) ont été vus sur la place Santa Lucía del Camino, mondialement connue désormais par ses tueurs paramilitaires a la solde du Pri qui y traînent jour et nuit 00 :48 l'Université d'Oaxaca vis peut être sa nuit la nuit la plus critique depuis le commencement du mouvement social oaxaqueño et la Lutte Populaire des Peuples(Villages) d'Oaxaca la menaces d'une attaque de la radio est toujours imminente 00 :33 aujourd'hui les companeros-as on fait un compte des cartouches tirées par les forces fédérales ( Pfp ), trouvéés après le massacre du 25 novembre : des cartouches de carabines 223, d'un pistolet automatique 45, d'automatique 38, d'un pistolet 9 millimètres. Certains de ces projectiles ont étés tirés dans les salles de la faculté de médecine. 00 :25 La PFP a été aux environs de la cité universitaires ils montent a ses abords 00 :19 encore une fois on informe la radio que la police fédérale préventive assiège de nouveau l'université d'Oaxaca, en ce moment elle se redéploie à la hauteur de soriana non loin de l'université http://vientos.info/cml/ |
| | Posté le 28-11-2006 à 15:30:29
| Chronique du Mexique en luttes, 27 novembre 2006 Nouvelle agression policière à Oaxaca Samedi dernier, 25 novembre, les adhérents et sympathisants de l’APPO effectuaient une nouvelle marche de protestation pour exiger le changement politique dans l’Etat d’Oaxaca ; à l’arrivée de la marche au centre-ville, ils ont encerclé le zocalo occupé depuis le 2 novembre par la Police fédérale préventive (PFP). Vers 16 ou 17 heures (selon les sources), on ne sait qui exactement a lancé la première pierre, mais en tout cas la provocation a immédiatement mis le feu aux poudres, et des affrontements de plusieurs heures ont opposé les résistants, armés de pierres et de portes, en guise de boucliers, aux policiers qui les attaquaient à coups de gaz lacrimogènes, de balles en caoutchouc et, pour certains, d’armes à feu. Devant la violence des attaques, les membres de l’APPO ont dû quitter toutes leurs positions, y compris leur campement principal du couvent de Santo Domingo, et se réfugier dans des maisons amies, jusqu’où les policiers les ont pourchassés pendant toute la nuit. Plusieurs sources affirment que des policiers en civil ont attaqué la station d’autobus avec des armes à feu. De leur côté, les résistants ont incendié le Tribunal supérieur de justice, le ministère des Relations extérieures, le ministère du Tourisme et l’Association mexicaine des hôels et motels d’Oaxaca ; le théâtre Juarez a également été endommagé. L’APPO a cependant déclaré par l’un de ses porte-parole que ces destructions n’avaient pas été planifiées et a répété qu’elle se voulait un mouvement pacifique. Elle a aussi déclaré que dès ce lundi elle reprendrait possession de son campement à Santo Domingo. De l’intérieur de l’APPO, certains témoignages confirment un manque d’unité sur la question des buts et des moyens, entre, d’un côté, les habitants des quartiers et les jeunes défenseurs des barricades, qui veulent principalement chasser la PFP par tous les moyens, et les membres plus "politiques" qui veulent privilégier la négociation du retrait. Le soir même, le gouverneur Ulises Ruiz déclarait à tous les médias que la situation était redevenue normale à Oaxaca, que les affrontements avaient été minimes et n’étaient dus qu’à quelques agitateurs qui ne représentaient qu’une petite minorité des habitants. Le dimanche, tandis que les véhicules anti-émeutes quadrillaient sans cesse les rues, les camions municipaux se dépêchaient de déblayer les gravats et de repeindre les façades pour accréditer la thèse du retour à la normale. Le nombre de blessés et d’arrestations dément cependant de lui-même la thèse de l’escarmouche : de l’aveu même du Parquet général de justice, 149 personnes ont été mises à la disposition de la justice ; quant aux blessés, leur nombre précis n’est pas fixé, mais selon les sources il varie entre 150 et 200 ; il semble certain aussi que trois personnes ont été tuées. Les films et les photos attestent également de l’extrême violence et de l’ampleur des combats. Impunité par soumission du pouvoir judiciaire à l’exécutif Pendant ce temps, le même Parquet général refuse de révéler le résultat de l’enquête sur le meurtre du journaliste états-unien Bradley Will, tué le 28 octobre dans la première attaque des barricades par des paramilitaires. En revanche, on atteint maintenant des centaines d’inculpations et d’ordres d’arrestation contre des militants de l’APPO. La même complaisance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif a lieu autour des tortionnaires d’Atenco : il existe une institution nationale particulière pour les délits "liés aux actes de violence contre la femme" ; or, cette institution n’a toujours pas été saisie du cas des seize femmes qui ont déposé plainte pour avoir été violées par les policiers après leur capture les 3 et 4 mai dernier lors des affrontements de San Salvador Atenco. Les associations locales et nationale des droits humains multiplient les dénonciations et les appels ; elles ont obtenu que le Comité pour l’élimination des discriminations contre les femmes de l’ONU demande à l’Etat mexicain de vérifier et de punir les coupables de ces viols. Sans le moindre résultat jusqu’à présent. De même, le Comité contre la torture, dépendant des Nations unies, a pressé le Mexique d’effectuer une enquête rapide et impartiale sur les événements d’Atenco, les féminicides de Ciudad Juarez et les plaintes récentes pour tortures et violences à Oaxaca ; le Comité a donné un an au gouvernement pour fournir une information sur la réalisation de ses recommandations. Réactions à Mexico et craintes pour l’avenir Les membres et sympathisants de l’APPO dans la capitale fédérale ont bloqué un axe central pendant une heure, ainsi que les postes de péage de deux autoroutes menant à la capitale, en guise de protestation contre la violence policière de ce samedi. Dans une conférence de presse, ils ont exposé leur crainte que la répression ne fasse que commencer, du fait que, selon une rumeur, l’armée serait prête à intervenir à son tour à Oaxaca, et en raison des déclarations du futur président, Felipe Calderon, qui a déjà promis d’utiliser la manière forte dans ce conflit. Une marche a également eu lieu vers le zocalo de Mexico, au terme de laquelle, devant le Palais national, 28 volontaires se sont ouvert les veines en criant : "Si ce que veut le gouvernement c’est du sang, voici le sang du peuple du Mexique." Cependant, malgré la difficulté du combat et l’intensité de la répression, une chose est sûre : le processus entamé est irréversible, partout surgissent des associations indigènes de plus en plus nombreuses, de plus en plus déterminées à poursuivre une lutte à long terme pour le respect de leurs droits et de leur autonomie. Appel à des réactions internationales L’APPO et diverses organisations qui en sont membres demandent aux Nations unies et aux autres organisations internationales de se prononcer sur ces délits ; ils demandent une intervention de la Croix-Rouge internationale pour assister les nombreux blessés. Un appel est fait également aux associations de droits humains et aux associations sociales au niveau national comme international pour organiser des actions de protestation devant les institutions et ambassades et envoyer des messages aux autorités politiques pour qu’elles fassent cesser le massacre à Oaxaca. Voici les adresses de celles-ci : Gouverneur de l’Etat d’Oaxaca (Ulises Ruiz Ortiz) : gobernador@oaxaca.gob.mx Ministre de l’Intérieur de l’Etat d’Oaxaca (Jorge Franco Vargas) : Tel. (951) 5153175, 5157490 sriagral@oaxaca.gob.mx sriagral2@oaxaca.gob.mx President de la République (Vicente Fox Quesada) : email: vicente.fox.quesada@presidencia.gob.mx radio@presidencia.gob.mx webadmon@op.presidencia.gob.mx Telefonos (55) 50911100 y (55)151794 Ministre de l’Intérieur de la République (Carlos Abascal Carranza) : Telefono (00 52) 5 55 546 Email segob@rtn.net.mx Procureur général de la République (Cabeza de Vaca) : Telefono (00 53) 4 60 904 Email: ofproc@pgr.gob.mx Annick Stevens, à partir de "La Jornada", des communiqués de l’APPO et du Conseil indigène populaire d'Oaxaca - Ricardo Flores Magon (CIPO-RFM). |
| | Posté le 01-12-2006 à 16:57:00
| "Plus aucune arme pour le Mexique" (Titre original de l'article : "No más armas a México" ) Marco Appel – revue "Proceso", 16 novembre 2006. BRUXELLES. Depuis que le président Vicente Fox a décidé d’employer la force dans l’Oaxaca et devant les nombreuses dénonciations d’exactions commises par les forces de police dans ce conflit comme dans d’autres, au sein de l’Union européenne (UE) les déclarations ne succèdent, qui exigent un plus grand contrôle des exportations d’armes vers le Mexique représentant des sommes millionnaires. Ainsi Hélène Flautre, présidente de l’influente sous-commission des droits de l’Homme au Parlement européen, signale : "Les pays de l’UE doivent veiller à ne pas vendre au Mexique des armes qui pourraient ensuite servir à la police pour torturer ou attaquer les citoyens de ce pays." Pour cette eurodéputée française, "étant donnée la situation qui règne au Mexique, ce pays ne devrait pas pouvoir acheter certaines armes européennes si ces gouvernements [de l’UE] appliquaient correctement notre code de conduite". Le 8, mercredi dernier, les partis Verts et Izquierda Unida représentés au Parlement européen ont proposé une "résolution urgente" concernant le conflit de l’Oaxaca et la vente d’armes au Mexique. Les parlementaires du Parti populaire espagnol et du Parti socialiste européen ont opposé leur veto et empêché que cette question soit inscrite à l’ordre du jour de la session plénière de la semaine dernière. Néanmoins, lors de la prochaine réunion de la sous-commission des droits de l’Homme, le lundi 20 novembre, les Verts formuleront à l’UE, entre autres demandes, une motion visant à "interdire strictement toute vente d’armes au Mexique, afin d’éviter qu’elles ne soient employées contre la population civile dans un conflit interne", selon le document original en possession de Proceso, auquel seront tenues légalement de répondre les plus hautes autorités diplomatiques à Bruxelles. Nicolas Kerlereux, porte-parole du conseil des ministres de l’Union européenne, a déclaré à Proceso que "toute révision du commerce des armes avec le Mexique est sujette à caution d’un des gouvernements du bloc [européen]". Contre la répression Le code de conduite en matière d’exportations d’armement signé en 1998 par les gouvernements de l’UE comporte huit "critères". Le deuxième de ces critères interdit d’émettre des licences d’exportation à un pays "s’il existe un risque évident que le matériel en question peut être utilisé pour exercer une répression interne", pour employer "la torture et autres mauvais traitements ou châtiments dégradants, inhumains ou cruels, des exécutions sommaires ou arbitraires, des disparitions, des arrestations arbitraires et toutes autres violations majeures des droits humains". Le troisième critère n’autorise pas non plus les exportations de matériel militaire à des nations connaissant "des tensions politiques ou des conflits armés". Des organismes tels qu’Amnesty International (AI) ou Oxfam soutiennent que ces critères sont appliqués en ce qui concerne le Mexique. Dès le mois de juin dernier, un rapport émis par ces organismes dénonçait le "transfert irresponsable" d’armes européennes vers des pays tels que le Mexique, "où de graves violations des droits humains sont commises". Au cours des dernières années, AI a dénombré des abus commis par les forces mexicaines de sécurité : en 2004, à Guadalajara, lors du sommet UE-Amérique latine ; en mai dernier, à San Salvador Atenco, et le 14 juin dernier, à Oaxaca, lors de la première tentative de déloger les manifestants. Du mois d’août au 27 octobre dernier, cet organisme a émis plusieurs communiqués dans lesquels elle accuse la PFP, la Police fédérale préventive, d’avoir employé "une force excessive et disproportionnée contre les manifestants de l’État d’Oaxaca" et d’avoir commis des délits tels qu’assassinats, tortures et mauvais traitements. Pourtant, dans la période qui va du mois de janvier 2001 à décembre 2005, l’Union européenne a vendu au gouvernement de Vicente Fox plus de 243,5 millions d’euros d’armement varié, situant le Mexique au rang de ses principaux clients d’Amérique latine. Selon les rapports annuels du conseil des ministres de l’Union européenne en cette matière, dans la même période, 14 des 25 pays membres ont fourni du matériel de guerre au Mexique : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Suède. Nicolas Kerlereux, que nous citions auparavant, a confirmé à notre correspondant que la destination finale de ces exportations recouvre l’ensemble des forces de police mexicaines. À elle seule, la France s’est adjugé 38 % de la facture totale. En effet, jusqu’au mois de décembre dernier, ce pays avait vendu au gouvernement mexicain des armes pour un montant de 93 millions d’euros, en grande partie du matériel électronique à usage militaire, des avions de combat et différents types de balles. Le rapport le plus récent émanant du conseil des ministres de l’Union européenne, publié le 12 septembre, révèle que la vente d’armes est un commerce si lucratif pour les fabricants français sous le mandat de Fox que, l’an dernier, la vente d’armes au Mexique représentait 68 % des ventes totales de l’UE Qui plus est, en 2005, le gouvernement de Vicente Fox a quasiment multiplié par trois, par rapport à 2004, l’achat d’armes à la France, qui est passé de 12 à 34 millions d’euros. Le conseil des ministres ne dispose pas d’informations précises en ce qui concerne les pays à qui le gouvernement mexicain a acheté des armes lors de la première année du mandat de Vicente Fox, au cours de laquelle les commandes passées à l’UE ont atteint 26 millions d’euros. Par contre, il est en mesure de préciser que sur les 56 millions d’euros que représentaient les armes devant être livrées que l’Union européenne a exporté au Mexique, 48 millions d’euros (85 %) venaient de France. Enquête Depuis 2003, l’Union européenne fait le détail des caractéristiques de l’armement exporté par les pays membres et les regroupe en 22 catégories. La catégorie qui suppose le plus de risques est celle des fusils, pistolets, revolvers et pistolets-mitrailleurs de calibre inférieur à 20 mm, ainsi que les armes automatiques ou semi-automatiques d’un calibre inférieur ou égal à de 12 mm. Au cours des trois dernières années, le Mexique a acheté des armes de cette catégorie pour un montant de 7,47 millions d’euros – dont la moitié en 2005 –, qui lui ont été fournies par l’Allemagne, par l’Autriche et par la République tchèque, et en moins grande quantité par l’Espagne. Une sérieuse remise en cause des garanties offertes par le Mexique eut lieu, en février 2000, quand ce pays voulut acheter 500 pistolets-mitrailleurs P-90 à la Belgique. La transaction commerciale avait été autorisée, mais le 2 mai suivant le gouvernement belge l’a bloquée de manière unilatérale, le Parlement local ayant exprimée la crainte de voir des armes si sophistiquée – capables de traverser 50 gilets pare-balles à une distance de 100 m – tomber dans les mains de membres de cartels de la drogue et de bandes de malfaiteurs organisés. Dirk Van Der Maelen, chef de file des députés socialistes belges, rappelle lors d’une interview accordée à Proceso, que plusieurs parlementaires s’étaient rendu compte que si ce marché avait été conclu, la Belgique violerait la loi nationale en matière d’armement et le code de bonnes pratiques de l’Union européenne. Au beau milieu de la crise politique provoquée par cette affaire, les autorités bruxelloises concédèrent au gouvernement mexicain deux mois pour démontrer que les pistolets-mitrailleurs serviraient exclusivement à ses forces de police et à l’armée fédérale. Trois semaines plus tard, le Mexique annulait sa commande sans autre forme de procès ! Rupert Knox, expert d’Amnesty International pour le Mexique, admet que les autorités de ce pays sont en droit de maintenir l’ordre et la tranquillité, mais signale cependant que "l’Union européenne doit réviser toute exportation [d’armes] si celle-ci est impliquée dans le viol des droits humains, si on a identifié le corps de police ou de l’armée à qui l’armement est destiné et si on dispose de documents avérés". Le 30 octobre dernier, la section londonienne d’Amnesty International demanda qu’une enquête indépendante soit ouverte sur la mort de deux manifestants lors de l’intervention de la police, la veille, à Oaxaca, ainsi que sur l’assassinat du journaliste américain William Bradley Roland survenue le 27 octobre dans cette même ville, dans le but de "déterminer la responsabilité des autorités locales et fédérales dans l’incitation ou dans la tolérance de la violence et du viol des droits humains". Hélène Roux, militante de la Commission civile internationale d’observation des droits humains au Mexique, une organisation dont le siège se trouve à Barcelone, confiait à notre correspondant : "L’Union européenne conserve des programmes de coopération avec la police mexicaine. Dans le cadre de cette coopération, plusieurs pays de l’UE, et en particulier la France, financent un programme spécifique avec la PFP. Il est plus que temps que l’UE soupèse avec quelle sorte de corps de police elle coopère et quelle sortes de progrès concrets elle apporte à l’amélioration des droits humains." Enfonçant le clou, elle poursuivait : "Dans la mesure où ces accords de coopération sont liés à la vente d’armement, nous ne voyons pas en quoi cette sorte de commerce et de fourniture d’armes plus sophistiquées pourrait contribuer à une amélioration des méthodes employées par la police mexicaine." Traduit par Angel Caido.
Message édité le 01-12-2006 à 16:57:46 par Paria |
| | Posté le 01-12-2006 à 16:58:58
| Chronique du Mexique en luttes, 30 novembre 2006 Repli de l’APPO et menaces sur les prisonniers En raison des nombreuses arrestations des derniers jours, la barricade du carrefour Cinco Señores, dernière barricade d’Oaxaca, qui défendait notamment l’accés à l’université, est restée sans défenseurs durant la nuit du 28 au 29, de sorte qu’à 4 heures du matin des bulldozers sont arrivés, accompagnés d’une centaine de nettoyeurs et défendus par une vingtaine de camionnettes de policiers fortement armés ; ils ont complètement démembré la barricade et dégagé les dernières routes coupées, annihilant ainsi une occupation qui durait depuis six mois. Dans l’après-midi du 29, comme un groupe important de policiers se massait devant la porte de Radio Universidad, les membres de l’APPO qui émettaient encore ont préféré remettre la radio entre les mains de l’Universtité plutôt que de laisser la police s’en emparer par la force. La PFP occupe désormais toute la ville. Toutes les maisons sont systématiquement fouillées à la recherche d’activistes. La criminalisation du mouvement entre dans sa phase judiciaire avec des centaines d’inculpations pour délits de droit commun tels que : dégradations, vols, destructions de bâtiments publics, etc. Parmi les prisonniers de ces derniers jours, 141 ont été transférés par hélicoptères vers la prison d'El Rincon, dans l’Etat du Nayarit. Toute communication est impossible avec eux, y compris pour leurs familles. Les associations pour la défense des droits humains sont arrêtées par un barrage sur la route menant à la prison et ne reçoivent pas l’autorisation d’aller voir les prisonniers. Elles craignent des tortures et ont déjà reçu des témoignages de coups et menaces. Ce déplacement vers le Nayarit a donné lieu à des déclarations hallucinantes. Des représentants de tous les secteurs privés locaux ont manifesté contre la présence des prisonniers oaxaquéniens, et le président du Conseil des entreprises a déploré que celle-ci "générera des protestations sociales, de gens qui viendront d’autres Etats du pays pour demander leur libération, et cela nuira aux activités productives de l’Etat". Ce n’est pas tout : le gouverneur de l’Etat a téléphoné au prochain ministre de l’Intérieur fédéral pour se plaindre qu’on lui ait envoyé ces "inculpés" sans lui demander son avis, et a qualifié ce transfert d’"insensé" parce que "quand on combat un cancer, on doit l’encapsuler et non le disperser à travers tout le pays". Ces réactions illustrent la polarisation qui est en train de se creuser dans tout le pays entre les sympathisants des mouvements sociaux et les partisans de l’ordre économico-politique actuel. Détermination pour le futur Un Forum des peuples indigènes a eu lieu à Oaxaca dans des locaux de l’église de la Vierge des Pauvres, qui a abouti à une déclaration répétant les exigences de démission du gouverneur, de retrait de la PFP, de présentation des disparus en vie, de libération des prisonniers, d’arrêt des violences policières, et dénonçant la terreur exercée par l’occupation policière de la ville et la criminalisation de la protestation sociale en guise de moyen pour désarticuler l’APPO. Selon un porte-parole, le nouveau gouvernement serait déjà impliqué dans la répression actuelle, et la nomination comme ministre de l’Intérieur de Francisco Ramirez Acuna, connu pour privilégier la manière forte, ne présage rien de bon pour l’avenir. De même, les membres de l’APPO réunis dans la capitale fédérale ont annoncé que cette répression était un échantillon de ce que le gouvernement de Felipe Calderon prévoyait de réaliser à l’échelle nationale. Cependant, les organisations présentes au forum invitent tous les résistants à éviter de tomber dans les provocations et la violence et à continuer à lutter de manière créative contre la misère et pour un changement politique en profondeur. L’Eglise locale, jusque dans sa plus haute hiérarchie, a pris résolument le parti des pauvres en appelant les autorités fédérales et locales "à être sensibles aux justes réclamations du peuple, à gouverner avec honnêteté et transparence, à ne pas abuser du pouvoir pour réprimer, à ne pas manipuler ni profiter de l’ignorance et de la pauvreté de la population". Elle a ajouté que, pour éviter de nouvelles violences, il était urgent d’introduire des réformes dans tous les secteurs : légales, économiques, politiques, scolaires, électorales et sociales. Le site de l’APPO continue à appeler à la lutte, affichant en première page "LOS FASCISTAS NO PASARAN" (traduction superflue ! consulter http://www.asambleapopulardeoaxaca.com). Le site comme les interviews de résistants indiquent que la stratégie du pouvoir consistant à arrêter les "leaders" est vaine face à un mouvement où la base agit horizontalement : des milliers de personnes en résistance ne s’arrêteront pas faute de "dirigeants". La force de l’APPO est dans le nombre et l’égale valeur de tous ses membres, dans la détermination de ceux qui savent que la lutte sera longue et difficile mais qu’ils n’accepteront plus jamais la vie indigne qu’on leur a fait subir jusqu’ici. Du côté des réactions internationales, l’hebdomaire mexicain "Proceso" rapporte les chiffres exorbitants des exportations d’armes de l’Union européenne vers le Mexique durant la présidence de Vicente Fox, et révèle que les groupes parlementaires européens Verts et Izquierda Unida ont demandé une interdiction de ces exportations en raison des violations des droits de l’homme et des menaces que les armes soient utilisées contre des civils dans des conflits internes – ce sont là deux raisons suffisantes, d’après la législation européenne, pour refuser toute livraison d’armes à un pays (il est intéressant de noter que la Belgique a récemment refusé un contrat au Mexique pour ces raisons, ce qui est loin d’être le cas de tous les pays européens). Pour ceux qui se demandent comment aider les prisonniers de l’APPO, on voit qu’une pression peut être exercée de l’extérieur, soit par l’intermédiaire de certains parlementaires, soit par l’intermédiaire des organisations internationales de défense des droits humains, ou encore en invitant la presse à parler de ce débat au Parlement européen et à dire la vérité sur la situation mexicaine. Les "soirées pyjama" des députés Pendant ce temps, tout le Mexique se gausse des députés du PAN et du PRD qui, hier, se sont disputé la tribune du Parlement, afin de l’occuper jusqu’à ce vendredi 1er décembre où elle doit être le lieu de la passation de pouvoir au nouveau président. Le quotidien "La Jornada" affiche en première page le titre "‘Piyamada’ à la plus haute tribune de la nation", faisant allusion aux fêtes durant lesquelles les enfants restent dormir chez leurs copains. Des photos montrent en effet des députés se passant des oreillers et d’autres allongés sur des matelats, après les photos qui les montraient se poussant et se frappant pour se maintenir sur l’estrade. Avec le commentaire : "Le Congrès s’est changé en le ‘reality show’ le plus réussi. Depuis que la réalité imite la télévision, la politique a gagné une audience inespérée." Mais, au-delà du cocasse et du ridicule, la tension est réelle entre ceux qui veulent à tout prix empêcher l’investiture du président et ceux qui prétendent simplement appliquer la Constitution. Annick Stevens, à partir de "La Jornada", de "Proceso" et du site de l’APPO.
Message édité le 01-12-2006 à 16:59:38 par Paria |
| | Posté le 01-12-2006 à 17:27:44
| Merci pour toutes ces informations Paria! |
| | Posté le 03-12-2006 à 20:46:39
| Bien le bonjour, Oaxaca est une ville occupée par la soldatesque, vous n’ignorez pas ce que cela signifie : perquisitions sur délation, la radio "papita" ou "mapache" ou citoyenne ou encore radio de la haine, la seule désormais qui occupe les ondes comme les forces armées occupent la ville, demande à la population de dénoncer son voisin, et appelle à mettre le feu aux maisons qui hébergeraient des membres connus de l’APPO ; arrestations arbitraires, seule la jeunesse dorée peut se déplacer sans crainte, les jeunes des quartiers populaires, doivent prendre mille précautions pour aller d’un point à l’autre de la ville, mieux vaut ne pas être indiens ou pauvres ; des maîtres et maîtresses d’école sont détenues avec la plus grande brutalité devant leurs élèves (je viens d’apprendre que la PFP a pénétré dans une école en lançant des grenades de gaz, ils étaient à la recherche d’un instit), sans qu’il y ait de réactions de la part du syndicat enseignant, du moins jusqu’à présent (une manière pour la direction de se débarrasser de ses opposants ?) ; déportation des prisonniers et prisonnières, à qui est refusé tout droit de visite (de la famille, des avocats ou des droits de l’homme), dans des prisons de haute et moyenne sécurité du Nord sous le prétexte d’une extrême dangerosité (en quoi une jeune institutrice indienne enseignant dans un village de la montagne peut-elle être d’une extrême dangerosité ? Elle n’est pas la seule, elles sont huit dans son cas avec des familles entières, père, mère et enfants… la dangerosité d’être indiens ?) ; rondes continuelles dans toute la ville de camionnettes pleines de gardes mobiles (la police fédérale préventive ou PFP) fortement armés, suivies ou devancées par les pick-up des paramilitaires (police de l’Etat en civil, certains ont grossièrement dessiné sur leur tee-shirt une croix gammée) ; tabassage systématique, torture, violence sexuelle et, sans doute, assassinats (avec l’ordre de ramasser les corps de façon à ne pas laisser de preuves) ; la loi et l’ordre sont de retour dans notre bonne ville d’Oaxaca. Le petit tyran tente de s’imposer par la terreur, il est le seul à avoir peur, les gens ne sont pas terrorisés, inutile de chercher un affrontement si inégal, on prend des précautions pour ne pas être arrêté, on se planque et on attend que passe l’ouragan. Cette débauche de violence a été orchestrée et planifiée de longue date dans les sphères du pouvoir. C’est le moment où toute la presse et les médias portent leur attention sur les clowns de la chambre des députés, qui se battent pour occuper la tribune, où Felipe Calderón, dit Fécal, doit faire son discours d’investiture comme président illégitime de la République. La manifestation du 25 novembre fut une aubaine : on provoque les jeunes les plus déterminés en arrêtant, tabassant et torturant trois des leurs ; des terrasses proches du Zócalo, on leur balance des pierres et cela suffit pour réveiller une colère retenue et légitime et déclancher une confrontation à laquelle adhèrent non seulement les jeunes mais l’ensemble des participants à cette manifestation. La bataille a été intense et a duré plus de quatre heures, ce n’est que sous une pluie de grenades lacrymogènes que des commandos de la PFP ont pu avancer derrière leurs tanks et prendre en tenaille les combattants, tabasser et arrêter ceux qui leur tombaient sous la main, se retirer pour répéter ainsi l’opération plusieurs fois jusqu’à être maîtres du champ de bataille, en l’occurrence de la place Santo Domingo. Pendant ce temps, la police de l’Etat en civil (les paramilitaires), à laquelle s’étaient joints des membres du PRI, occupait les jardins publics, les hôpitaux, la faculté de médecine (beaucoup d’étudiants en médecine avaient formé des groupes de secouristes durant les affrontements), la gare d’autobus, le fortin, où pouvaient se réfugier les blessés et les fugitifs ; ils étaient armés et ont fait feu plusieurs fois, ils ont fait le sale boulot en collaboration avec les gardes mobiles qui patrouillaient tout autour du centre. L’objectif de l’Etat est clair : arrêter le plus de monde possible, porter un coup fatal à l’Assemblée, châtier la population rebelle et la tenir sous la menace du fouet et de la geôle. Pendant que j’écris ces lignes me parviennent les mauvaises nouvelles des arrestations, des disparitions, ou la bonne nouvelle de ceux qui ont pu quitter la ville sans dommages, nous nous appelons les uns les autres pour nous tenir au courant en espérant que l’ami que l’on appelle va répondre ou que nous ne serons pas les prochaines victimes. Entre soulagement et tristesse passent les heures. L’Assemblée des peuples depuis la tenue de son Congrès, malgré ses failles, a désormais des assises solides dans la société. Il ne s’agit pas pour elle de prendre le palais du gouvernement mais de se construire et de se développer comme un nouveau mode d’organisation sociale. Plus de 300 participants au forum des peuples indigènes d’Oaxaca ont bravé Ulises Ruiz, ses sbires et l’odeur pestilentielle, qui règne sur la ville depuis son retour, afin de se réunir, en présence des conseillers de l’APPO recherchés par la police, pour deux journées de réflexion et de débats. Le 28 et 29 novembre. Dans ces moments de persécution, de tragédies et de souffrances, dans ces heures cruciales de la lutte des peuples, cette rencontre prenait tout son sens, celui d’une résistance invincible puisant sa détermination non plus dans le passé mais dans le futur : "Nous, les Indiens, avançons lentement parce que nous allons loin." Ces quelques mots dits par une autorité municipale lors de la cérémonie d’ouverture résumaient tout l’esprit du mouvement social apparu il y a peu au grand jour à Oaxaca et connu sous le nom de la Commune libre d’Oaxaca. Cette réunion fut un défi au déchaînement de la barbarie, au vent mauvais qui souffle sur la ville, à la guerre menée contre l’humanité. Elle marque une nouvelle étape de l’Assemblée : la participation des communautés indigènes, avec leurs valeurs propres, leur expérience, à la construction d’un monde nouveau. Cette participation des communautés en donnant à l’Assemblée son assise concrète, pratique (une organisation sociale où l’assemblée joue un rôle central), lui donne du coup son orientation fondamentale : étendre, élargir et renforcer, son champ d’action à toute la société mexicaine. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, les obstacles à cette émancipation, à cette reconquête de soi, sont nombreux et ils ne sont pas seulement extérieurs à l’APPO, partis politiques, syndicats, organisations civiles viennent en quelque sorte s’intercaler entre la source et son devenir. Ces éléments jouent un rôle important par leur capacité d’organisation et de convocation, leur aptitude et leur disposition à mobiliser la population des quartiers ou des villages. Ils devront pourtant s’effacer peu à peu devant l’initiative des assemblées de base, s’ouvrir à ces initiatives, en auront-ils la disposition ? Jusqu’à présent, ils ont comblé un vide, mais en même temps qu’ils le comblent ne le créent-ils pas ? Les autorités municipales, les organisations communautaires et régionales des peuples zapotèque, mixtèque, chinantèque, chatinos, mazatèque, mixe, ikoot, cuicatèque, chontal, zoque, triqui, amuzgo, chochotelque et tacuate ont participé à ce forum. Nous nous sommes partagés autour de quatre tables de réflexion : la libre détermination et l’autonomie ; la terre, le territoire et les ressources ; l’éducation et la communication indigène interculturelle ; la violation des droits humains. Les communautés indiennes connaissent et vivent des agressions continuelles qui s’exercent en général sous le couvert des lois libérales : partis politiques au nom de la démocratie, sectes religieuses au nom de la tolérance, qui tentent d’intervenir dans la vie sociale du village et qui sèment le trouble, la division et le rejet. Depuis la modification de l’article 27 de la Constitution, qui protégeait un tant soi peu les terres ejidales et communales, tout le territoire, tout l’espace de la communauté, est devenu l’objet des convoitises privées : forêts, eau, biodiversité, centres cérémoniels et toute la richesse du sous-sol. Les fonctionnaires forcent la main aux habitants par des menaces et par des promesses pour qu’ils acceptent la parcellisation et la privatisation des terres et plus généralement de l’ensemble des biens communaux. Une fois la privatisation des terres acquise arrivent dans le village des banques de prêts qui proposent de l’argent sur la terre, que le paysan, appauvri par la concurrence des produits nord-américains, devra hypothéquer. Vieux et antique procédé mis en œuvre et soutenu, cette fois-ci, par toutes les forces de l’Etat. C’est une guerre pour s’emparer de l’espace, expulser les paysans de leurs terres, 3 millions d’immigrés pour le seul Etat d’Oaxaca, expulser les habitants des villes des rues et des espaces publics, c’est ce qui se passe aussi en France où les jeunes et, évidemment les adultes, sont expulsés de leurs rues et même de leurs entrées d’immeuble, pour réserver tout l’espace au commerce et au profit que les grands marchands en tirent. "Ce profond et complexe conflit, douloureux comme un accouchement, a permis l’expression pleine et authentique des peuples d’Oaxaca. Il a laissé voir que, dans l’Etat d’Oaxaca, désormais les lois en vigueur, les institutions et les pratiques autoritaires du régime politique ne correspondent pas aux exigences et aux aspirations de la société. En ce sens, Oaxaca a changé et ne peut revenir à la situation antérieure. Nous aussi, les peuples indigènes d’Oaxaca, devons l’entendre de cette manière : ce mouvement nous a changés et nous ne pouvons revenir à notre situation antérieure... Nous voulons faire savoir à la société et au gouvernement d’Oaxaca, du Mexique et du monde que l’énorme abus de la force publique mis en pratique ces derniers jours ne nous intimide pas ni ne nous paralyse, comme nous l’avons montré avec la réalisation de ce forum… Nous sommes sous un état d’exception non déclaré donc illégal. Le fait nous préoccupe et nous amène à agir avec une extrême prudence. Mais cela ne nous arrête pas. Notre chemin est tracé et nous allons le suivre à notre manière avec nos temps et nos rythmes. Ce chemin comprend la transformation de toutes les normes et institutions qui, actuellement, régissent notre cohabitation. Nous n’allons pas le faire seuls. Mais nous ne serons plus jamais exclus de la conception et de la mise en œuvre de ces normes et institutions. Jamais plus un Mexique sans nous. Pour le respect de la libre détermination et la reconstitution des peuples indigènes." Oaxaca, le 1er décembre 2006. George Lapierre |
| | Posté le 03-12-2006 à 20:47:18
| Salut à tous d'Oaxaca. Au 733e jour d’impunité d’URO et de sa clique d’assassins, nous vivons à Oaxaca un véritable état d’exception, les garanties individuelles n’existent plus. Les convois de la PFP tournent en tous sens à travers la ville, et le centre est occupé par les flics, qui ont installé un campement au parque du Llano. L’APPO a abandonné, pour l’instant, l’idée de se réinstaller à Santo Domingo et de manifester lundi dernier, de crainte de la répression. Depuis samedi, il y a eu plus de 300 détenus (35 femmes officiellement recensées, des mineurs...), tous se sont fait copieusement tabasser, la majorité d’entre eux ont été sauvagement torturés. Les familles et les avocats des détenus n’ont toujours pas accès aux prisonniers qui ont commencé à être, dès le lundi, transférés vers des prisons de haute sécurité du nord du Mexique (Etats du Nayarit, Tamaulipas, Jalisco...), les autorités en charge de la répression, arguant du fait de la dangerosité des prisonniers, les éloignent et espèrent ainsi cacher les preuves de tortures et empêcher toute protestation devant les centres de détention. Jusqu’à présent ils ont été 141 à être déportés, dont 35 femmes et 8 instituteurs du CMPIO (Coalition de "maestros" et promoteurs indigènes d'Oaxaca). Certains détenus ont été relâchés et ont pu raconter comment ils ont été ramassés dans la rue alors qu’íls rentraient chez eux, simplement du fait d'être jeunes ou en petits groupes, ils ont témoigné de comment ils se sont fait sévèrement cogner et menacer par les flics. Nous ne comptons plus les témoignages de ce genre… Samedi, lors de la manifestation, les 3 500 flics de la PFP ont pourchassé les manifestants jusqu’en dehors du centre-ville, où attendaient des groupes de "sicarios" (des hommes de main, des tueurs à la solde d’Ulises) et de policiers en civil qui ont continué la sale besogne toute la nuit en tirant sur les attroupements à multiples reprises. Les mêmes scènes se sont reproduites aux abords de l’université que certains manifestants cherchaient à rejoindre pour se regrouper. Des témoins ont vu les corps être emportés... Le gouvernement ne reconnaît aucune victime, mais il est certain qu’il y a eu des tués, étant donné la violence de la répression, et l’on dénombre une dizaine de blessés par armes à feu parmi les 120 recensés... De plus, dans la nuit du samedi, les assassins ont semé la panique à l’hôpital, parmi les familles venues aux nouvelles, en tirant des coups de feu, puis, entre les infirmières et les médecins médusés, ils ont parcouru sans dire un mot les coursives de l’hôpital à la recherche de quelqu’un, qu’ils n’ont visiblement pas trouvé, et sont repartis bredouilles continuer leurs saloperies ailleurs. Depuis la répression de la marche de samedi dernier, nous subissons l’arbitraire et la brutalité de l’Etat : perquisition de domiciles et arrestations indiscriminées sans ordres judiciaires. Tout autour de la ville, il y a des barrages où l’on fouille les véhicules, où l’on retient, en toute illégalité, les gens qui paraissent suspects. Les femmes qui sont obligées de s’aventurer dans le centre-ville subissent les sarcasmes et les obscénités des forces d’occupation. Quotidiennement, des flics en civil et des groupes de sicarios enlèvent en pleine rue, arme au poing, des personnes impliqués dans le mouvement de l’APPO. Chaque jour, le nombre de détenus et de disparus augmente (plus de 300 détenus, il y en a eu jusqu’à 520, et plus de 100 disparus). Il semble bien que le gouvernement se soit offert une semaine d’impunité pour faire le ménage dans la ville et en finir une fois pour toute avec le mouvement de l’APPO avant la prise de fonction de Calderon. En début de semaine, l’APPO a eu un contact avec le secrétariat du gouvernement pour exiger le droit de manifester pacifiquement. La réponse a été très claire : l’unique ordre que possède la police est l’agression directe contre le mouvement et il ne sera pas permis de manifestation même si celle-ci est on ne peut plus pacifique... De son côté, la radio "mapache", aux ordres de Ruiz, continue ses appels au lynchage, en donnant les noms et les adresses de certains adhérents de l’APPO, et appelle de la même manière à la délation de ses voisins s’ils sont supposés être sympathisants du mouvement. Ainsi, les bureaux de la Nouvelle Gauche d'Oaxaca, le parti créé par Flavio Sosa, ont été incendiés après avoir été fouillés. L'animatrice de Radio Universidad, la doctora Bertha, ainsi que sa famille, le troubadour Andrés Contreras, et d'autres plus anonymes ont été directement menacés. Le centre de secours improvisé de "7 Principes" et l’automobile du pasteur qui a en charge le temple ont été mitraillés dimanche dernier (il y a eu d’autres fusillades tout au long de la semaine). Des étudiants en médecine ont été enlevés en début de semaine, les ravisseurs n’ont pas hésité à tirer sur la facade de l’université de médecine pour faire fuir les étudiants qui accouraient pour tenter de délivrer un des leurs. Jeudi matin à l’aube, la PFP est intervenue pour retirer la barricade de Cinco Señores, la seule qui restait, et dégager la rue qui mène à Radio Universidad (qui est brouillée depuis le 2 novembre). De peur d’être arrêté par les flics, tabassé et détenu, personne n’est venu pour défendre les lieux, et devant le petit nombre de personnes qui étaient présentes pour protèger la radio (une quinzaine), les responsables ont préféré la remettre au recteur de l’université, plutôt qu’aux flics ou au "porros". Depuis maintenant trois jours, la PFP, en coordination avec des policiers de l’Etat vêtus en civil, pénètre dans les écoles et détient des profs qui ont participé au mouvement. A Ocotlàn, la police est intervenue dans une école primaire en se servant de gaz lacrymogène et, semant la panique et la terreur parmi les élèves et le personnel d’éducation, ils ont enlevé quatre instituteurs et le directeur de l’école. Les mêmes faits se sont reproduits dans d’autres municipalités, à Xoxocotlàn, à Esquipulas, à San Javier, à Etla, à Miahuatlàn, à Huatla de Jimenez, à San Antonio Castillo Velasco et à Santa Cruz Amilpas. A Santa Cruz Amilpas, les familles se sont opposées au rapt des professeurs qui ont réussi à s’enfuir. Malgré la tiédeur et le manque de réaction de la Section 22, de nombreuses écoles ont voté une nouvelle grève de 48 heures pour protester contre le manque de sécurité. De fait, nous vivons ici un véritable état de siège où les droits les plus élémentaires sont niés. Cela rappelle les épisodes les plus noirs de la "guerra sucia" (la guerre sale que le gouvernement mexicain a menée dans les années 1970 contre les mouvements sociaux). L’impunité la plus totale règne. Hier, les responsables de la mort du journaliste d’Indymedia Bradley Will (assassiné le 27 octobre à Santa Lucia) - le régisseur de la sécurité publique de Santa Lucia del Camino, Abel Zarate, et le sous-officier de la police municipale Orlando Manuel Aguilar Coello - ont été remis en liberté pour une faute de procédure… Bon, voila où nous en sommes aujourd’hui, le 1er décembre, à Oaxaca. Les autorités recherchent toujours une centaine d’étrangers, pour l’instant ils ont réussi à en choper cinq (deux Françaises, un Espagnol, un Argentin et un Cubain), qui seront expulsés du pays d’ici peu s’ils ne sont pas accusés de charges plus importantes. L’APPO a convoqué à une méga-marche aujourd’hui pour exiger le retrait de la PFP de la ville, la libération des prisonniers, et que cesse la répression du mouvement. Il n’est pas sûr qu’il y ait beaucoup de manifestants, non pas à cause d’une quelconque démobilisation du peuple d'Oaxaca, sinon pour la crainte justifiée des exactions policières... A l’instar de Raoul Vaneigem et de son appel "Que vive Oaxaca !", que vous avez reçu il y a peu, je vous invite à vous manifester, de la manière qui vous conviendra le mieux, en faveur de la Commune libre d'Oaxaca et contre la répression, l’impunité, l’arbitraire et les brutalités policières qui s’exercent contre le mouvement populaire et indigène de l’APPO. Si la commune d'Oaxaca est réprimée de telle manière qu’elle ne se relève pas, nous perdons tous... A bientôt. M, Oaxaca, le vendredi 1er décembre 2006. |
| | Posté le 03-12-2006 à 20:50:13
| ENTRÉE EN FONCTIONS DU PRÉSIDENT "ÉLU" FELIPE CALDERON : LES MANIPULATIONS DE LA TÉLÉVISION OFFICIELLE Ce vendredi 1er décembre était attendu avec beaucoup d'inquiétude par la société mexicaine, inquiétude des partisans du PAN qui craignaient que les opposants parviennent à empêcher la cérémonie d'investiture du nouveau président, inquiétude des partisans du PRD qui craignaient qu'elle ait bien lieu, inquiétude des observateurs qui craignaient une nouvelle flambée de violences. En effet, la société mexicaine est polarisée entre les milieux aisés et conservateurs qui soutiennent Felipe Calderon (du Parti d'action nationale) et les milieux populaires qui soutiennent le candidat évincé par fraude électorale, Andrés Manuel Lopez Obrador (du Parti de la révolution démocratique). A 9 h 40 précises, ce matin, toutes les chaînes de télévision du pays ont dû suspendre leurs émissions et diffuser exclusivement les images et commentaires de la télévision nationale officielle - entendez "la voix de son maître". Durant vingt minutes, les téléspectateurs ont eu droit aux dissimulations les plus grossières, et aussi les plus absurdes, étant donné que les autres versions pouvaient être vues et entendues avant et après la version officielle. Avant le début de la cérémonie, en effet, Televisa, l'une des deux principales chaînes privées, montrait la Chambre des députés, où allait avoir lieu la prestation de serment du nouveau président, en véritable branle-bas de combat. La tribune complètement remplie de députés, moitié du PAN, moitié du PRD, les cris opposés des deux côtés, les coups de sifflet de protestation du PRD, les nombreux agents de sécurité habillés en civil mais reconnaissables à leur cravate rouge, enfin quelques escarmouches dans le tumulte, de députés en venant aux mains mais retenus par leurs confrères. Un seul accès à la salle est contrôlé par les Panistes, tous les autres sont occupés par les opposants. Quand la télévision officielle confisque l'antenne, elle montre d'abord les images de Felipe Calderon sortant de chez lui avec sa famille, puis le convoi qui le mène vers le Palais législatif de San Lazaro (siège du Parlement). Quelques minutes après, sans qu'on ait pu voir comment il accédait à la salle, on le voit debout, à côté du président sortant, Vicente Fox, devant une petite chaire amovible qui sera retirée immédiatement après sa très brève prestation de serment. En une minute, il a fini de prononcer les phrases prévues par la Constitution et revêtu la bannière aux couleurs nationales ; en trois minutes, il est sorti de la salle et tout est terminé. Commentaire du journaliste : l'assemblée était très tranquille (et la caméra filme... les hommes en cravate rouge !), les députés acclament le président (et la caméra filme exclusivement le côté du PAN), toute la salle entame l'hymne national (on entend toujours les sifflets furieux du PRD, mais, sans commentaire à leur propos, on pourrait croire qu'il s'agit de sifflets d'allégresse) ; tout s'est passé sans aucune tension et dans le calme. A 10 heures, les programmes indépendants reprennent, et la version est tout autre : durant les trois minutes de présence de Calderon, tandis que les députés du PAN, tous massés autour de lui sur la tribune, criaient "Mexico !" et "Calderon !", les députés de l'opposition, retirés sur leurs fauteuils dans la salle, criaient "espurio !" ("usurpateur !" ) et "fuera !" ("dehors !" ). Après la prestation, les premiers criaient "si se pudo !" ("on a pu le faire !" ) et les autres "va caer !" ("il va tomber !" ). Tranquille et unanime, n'est-ce pas ? Merci la voix officielle ! Autre anomalie dissimulée : normalement, le président prononce devant la même Assemblée son premier discours à la nation ; aujourd'hui, il est immédiatement parti le prononcer ailleurs, à l'Auditorio national, où s'étaient réunis exclusivement des militants du PAN et des amis et invités personnels de Calderon - et c'est ce public qu'on appelle "la société civile mexicaine". Les routes autour de l'Auditorio, qui se situe près du musée d'anthropologie, au bord du parc de Chapultepec, étaient complètement bloquées par des barrières et gardées, selon la journaliste, par une vingtaine d'unités armées empêchant toute pénétration. La presse devait rester dans le hall d'entrée de l'Auditorio et ne pouvait accéder à la salle principale. On annonce que les partisans du PRD entament une manifestation depuis le zocalo vers l'Auditorio, puis plus rien. A suivre. Annick Stevens, à partir de Televisa Mexico
Message édité le 03-12-2006 à 20:51:37 par Paria |
| | Posté le 06-12-2006 à 18:46:03
| Bien le bonjour, Je vous traduis un extrait d’un texte de Lázaro Santiago paru dans Noticias du samedi 2 décembre sous le titre "Oaxaca : Otra ciudad y los perros" (Oaxaca, une autre ville et les chiens). "Quelques amis, dont je tairai le nom pour leur sécurité, m’ont raconté que, peu après 21 h 30, quand les combats frontaux entre la PFP et l’APPO étaient terminés et que commençait une sanglante chasse aux sorcières, ils (mes amis) ont pris un taxi pour San Felipe del Agua, au nord de la ville. Ils ont vu en passant près de la Fontaine des sept régions, symbole de l’unité de l’Etat, des camionnettes blanches stationnées et des policiers – ministériels ? – vêtus de noir et qui tiraient sans se cacher en direction de la faculté de médecine de l’UABJO (Université autonome Benito Juarez d'Oaxaca) avec des armes de gros calibre, les fameux cuernos de chivo (cornes de bélier). Ce qu’on appelle des rafales de plomb. A ces sommets, ceux de l’APPO n’avaient plus de pierres et de billes pour se défendre. Je n’avais jamais entendu tant de coups de feu, dit un de mes amis. Un autre affirme qu’il a clairement vu (dans le taxi, il se trouvait côté fenêtre) comment un jeune – sûrement un brigadier de l’APPO – qui courait vers l’avenue qui monte à San Felipe del Agua a été abattu par les tirs des tueurs vêtus de noir. Y avait-il plus de témoins ? Une autre personne, qui regardait depuis une autre position, nous dit que la police de l’Etat d’Oaxaca, ou police ministérielle, a massacré trois personnes à cette heure-là autour de la faculté de médecine. Il fait ses comptes : il y a eu plus de 100 coups de feu en deux minutes. Les rebelles étaient acculés, sans armes. Les sbires ont tiré comme des gringos fous dans un film sur le Vietnam. Le narrateur ajoute : nous avons vu depuis l’hôpital civil qu’ils ont enlevé les corps et les ont emportés. Un peu plus loin, à la hauteur du Café Caféïna, mes amis ont vu avec surprise environ 40 camionnettes de la PFP et "civiles" arrêtées, avec des éléments fortement armés dans chacune d’elles. Ils ne se rendaient pas compte, ceux de la pééfépé, qu’il y avait des tueurs à gage en train d’abattre des brigadiers de l’APPO, tout près ? Ou étaient-ils en train de couvrir les tueurs ? Pour les sicaires d’Ulises Ruiz, il y a toujours de la tolérance. "Au retour, une amie les a reconduits dans une camionnette aux verres teintés. Il y avait une intense activité des patrouilles de la PFP dans toute la zone. En tournant sur la rue qui vient du parc Colosio, ils ont vu apparaître une caravane de camions de la PFP avec un autobus blanc sans fenêtre à l’arrière. Transportait-il des troupes, des prisonniers ou des corps criblés de balles ? Il portait sur la partie arrière un écriteau avec ce mot : Précaution. Par inconscience ou sagesse, l’amie qui tenait le volant s’est collée avec sa camionnette à la caravane et ils ont pu passer ainsi les barrages, le premier, à l’église de San Felipe. Au second barrage, à la hauteur du Ranch San Felipe, ils ont eu la chair de poule : les corps de trois hommes gisaient, immobiles, l’un sur le dos, avec une veste jaune dans une flaque de sang, sur la route ; les deux autres, sur le ventre, un mètre plus loin, sur le trottoir – comme si on les avait plombés ici même. Autour, un groupe de sicaires en civil prenait la pose du chasseur devant son trophée, pareil aux troupes qui, en Irak, se prenaient en photos face à leurs victimes. Qui étaient-ils ? Les avait-on frappés jusqu’à l’évanouissement ? Les avait-on fusillés ? Ou les avait-on convaincus de prendre cette position grotesque de poupées de chiffon pendant que nous passions, ensuite ils se seraient levés comme si de rien n’était et seraient retournés chez eux ? "La caravane de la PFP a poursuivi son chemin, elle ne pouvait pas s’arrêter à ces détails, sa mission était de capturer les criminels de l’APPO. Qui étaient ceux qui furent criblés de balles devant la faculté de médecine de l’UABJO ? Et les personnes qui, jetées sur le pavé, glorifiaient leurs bourreaux ? Etaient-elles encore en vie ? Nécessitaient-elles un médecin ? Où les a-t-on emmenées ? Combien de morts ? Combien de jeunes, de maîtres d’école, de pères de famille, d’habitants, les paramilitaires et leur parrain de la PFP ont-ils séquestrés, arrêtés et assassinés, la nuit du 25 novembre et les jours suivants ? Combien sont-ils en train de torturer en ce moment ? Saurons-nous un jour leur nom ?" Les habitants d’Oaxaca qui participaient à la manifestation du 25 novembre pouvaient s’attendre, et ils s’attendaient, à une confrontation avec les forces fédérales qui occupaient leur place publique, ils ne s’attendaient pas à être jetés en pleine guerre sociale. Ils pouvaient penser qu’il y aurait des blessés, des arrestations, il ne leur est pas venu à l’esprit que les paramilitaires à la solde du gouvernement, appuyés par la police fédérale, les attendaient au coin du bois pour les massacrer. Ils n’envisageaient pas qu’ils pouvaient tomber dans un piège, un piège bien préparé et, pour ainsi dire, public, l’opération "Hierro" (fer), qui leur était tendu de longue date. Ils adhéraient alors au grand mensonge de nos sociétés, celui de la paix sociale et du droit, le droit contribuant à garantir la paix sociale. Ils sont tombés de haut. Ils pensaient qu’un mouvement social fort et pacifique pouvait transformer par le dialogue la société et modifier en profondeur les règles d’une cohabitation difficile sans se douter que l’Etat n’avait pas la moindre intention de jouer le jeu. Ils ne pouvaient prévoir que, si l’Etat appelait à la négociation, c’était pour mieux les tromper et qu’ils restaient, pour lui, "l’ennemi à abattre". Quand l’Etat parle de paix, il prépare la guerre. Nous devrions le savoir, les exemples ne manquent pas. L’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca continue d’exister, elle se fera moins visible aux yeux du pouvoir et de ses sbires, elle sait désormais que la transformation de la société ne se fera pas par le dialogue avec l’Etat ni par une confrontation armée (elle le savait déjà), mais plus pratiquement, et d’une façon bien plus pragmatique et prosaïque, par la transformation de la société par elle-même, à travers son propre mouvement "assembléiste", le construisant, l’inventant à partir de ce qui existe déjà : les assemblées de villages, de quartiers ou de colonies. L’Etat de son côté fait et veut la guerre, il préfère la guerre civile à l’émancipation de la société, il fera en sorte de conduire ce mouvement de libération, qui se dessine dans tout le Mexique indien, à la confrontation armée. Sa prochaine cible sera le mouvement zapatiste et plus précisément l’Armée zapatiste de libération nationale. Les analystes cherchent dans le passé des références historiques pour expliquer la situation que vit aujourd’hui le Mexique. Carlos Beas intitule un article, Adiós, don Porfirio Fox, faisant ainsi allusion á la dictature de Porfirio Díaz, qui va conduire à la révolution zapatiste de 1910 ; Gustavo Esteva fait appel à Venustiano Carranza et à sa déclaration du 24 septembre 1913, "Sache le peuple du Mexique que, terminée la lutte armée, commencera, formidable et majestueuse, la lutte sociale, la lutte des classes." Le prêtre Ramualdo Mayrén, connu comme le Padre Ubi, fait référence au Guatemala d’Efraín Ríos Montt : "La situation d’Oaxaca est semblable à celle qu’a connue le Guatemala d’Efraín Ríos, qui a conclu un accord secret avec les protestants pour poursuivre et attaquer l’Eglise catholique engagée avec le peuple pour la défense des droits des pauvres." Il n’a pas tout à fait tort, quand on sait que les sectes évangéliques sont les têtes de pont de l’Amérique du Nord et de la CIA dans les pays d’Amérique du Sud et qu’elles ont soutenu la guerre d’Efraín Ríos Montt contre la population indienne et pauvre du Guatemala, qu’Ulises Ruiz a l’appui des sectes évangélistes et que la radio "papita" ou "mapache", qui sème la haine et dont une des cibles est l’Eglise des pauvres, a sans doute trouvé refuge dans un temple protestant. Carlos Fazio, dans un article paru dans "La Jornada" du 4 décembre sous le titre ¿ Hacia un estado de excepción ? (Vers un Etat d’exception ?) voit dans la crise qui secoue le Mexique "un processus larvé conduisant au fascisme" : "Si rien ne le freine maintenant, sa conséquence logique peut être la consolidation d’un Etat terroriste. Il convient de prendre en compte que le terrorisme d’Etat est quelque chose de plus que l’implantation violente d’un régime dictatorial : c’est une politique soigneusement planifiée et exécutée qui répond à un projet de domination d’une classe sociale tendant à configurer un nouveau modèle d’Etat qui agit publiquement et en même temps clandestinement à travers ses structures institutionnelles. Jalisco en 2004, avec Francisco Ramírez Acuña, et les Etats de Mexico et d’Oaxaca avec, respectivement, Enrique Peña Nieto et Ulises Ruiz à leur tête, sont les uns et les autres comme des essais en laboratoire pour l’imposition d’un nouveau modèle de domination au niveau national [...] Face à l’incapacité des vieilles formes de domination pour défendre l’ordre capitaliste et contrecarrer la contestation sociale grandissante, la classe au pouvoir impose à l’Etat et à ses appareils coercitifs une double manière d’agir : une, publique et soumise aux lois, l’autre, clandestine appliquant une "terreur bénigne" en marge de toute égalité formelle." Ces références historiques aident à cerner la complexité de la situation qui prévaut au Mexique. Elles ne sont peut-être pas suffisantes, il y a un aspect nouveau que nous devrons tenter de préciser. Le Mexique se trouve sur un des fronts d’une guerre sociale qui n’est plus limitée aux frontières nationales, si jamais elle l’a été un jour, elle ne l’était déjà plus en 1910 ou en 1936. Le front du Mexique met à nu les mécanismes et la logique de cette guerre : un monde totalitaire qui se nourrit et se renforce de la décomposition de la vie sociale. Toute éthique, c’est-à-dire toute forme de vie en société construite (à travers des relations de réciprocité), ne se présente pas seulement comme un obstacle au devenir totalitaire du monde, le devenir totalitaire du monde s’alimente de la décomposition qu’il engendre, cette décomposition est le terreau, ou plutôt le fumier, sur lequel il croît et se renforce. Felipe Calderón et sa clique, cette oligarchie qui se maintient au pouvoir, ne sont qu’une figure de ce pouvoir totalitaire et ils sont soutenus par toutes les forces capitalistes. Tout ce qui conduit à la désagrégation sociale est pur bénéfice pour eux et c’est ce bénéfice qu’ils engrangent dans leur coffre-fort de "petits hommes d’Etat". La guerre civile les arrange et consolide leur pouvoir, la guerre civile divise, détruit et dévaste la société. C’est là qu’ils nous conduisent. Une vie sociale qui se construit, ou se reconstruit, ici on parle de la construction éthique des peuples, est la seule voie qui nous reste pour nous libérer de la servitude. Oaxaca, le 5 décembre 2006. George |
| | Posté le 06-12-2006 à 18:49:06
| Paroles du délégué Zéro de la Commission Sexta de l’EZLN Le 2 décembre 2006. COPAI-Mexique. I. L’Autre Campagne dans le nord du Mexique : décliner Oaxaca en haut et en bas Arrestations illégales de centaines de femmes et d’hommes, des dizaines de disparus, la torture, les fouilles, les coups. Femmes et hommes jeunes, indigènes, enfants, anciennes et anciens. Bref, le peuple de l’Oaxaca d’en bas. En haut, la police fédérale préventive, les paramilitaires d’Ulises Ruiz, les grands médias, la classe politique. Se taire devant tout cela, ce serait décliner l’Oaxaca dans les termes d’en haut et, d’en haut, faire joyeusement les comptes... et des comptes idiots. Là-haut, en effet, on se précipite pour déclarer que tout est rentré dans l’ordre et que le "conflit" est sous contrôle parce que les "meneurs" ont été appréhendés, comme si ce mouvement avait des "dirigeants" qui pouvaient être achetés ou emprisonnés ou tués. On nous dit qu’il faut porter nos regards ailleurs. Autrement dit, avoir les yeux fixés sur ce qui se passe en haut, sur les singeries du pouvoir politique, sur ses simulacres, sur sa prétention à nous faire croire qu’il commande et ordonne alors que le véritable pouvoir fixe l’ordre du jour de ses moyens de communication, de ses commentateurs, de ses locuteurs, de ses artistes, de ses intellectuels, de ses chefs de la police, de ses chefs de l’armée et de ses paramilitaires. Décliner Oaxaca en bas, c’est dire compañera et compañero, c’est accueillir ceux que l’on persécute, c’est mobiliser nos forces pour que l’on présente les disparus et obtenir la libération des prisonniers et des prisonnières, c’est informer, c’est appeler à la solidarité internationale et au soutien du monde entier, c’est ne pas se taire, c’est dire la souffrance de ce Sud et préciser qu’elle s’étend dans tout le Mexique et au-delà des ses frontières des quatre côtés, comme si c’était en bas que l’on nomme, que l’on dit, que l’on écoute et que l’on vit ces souffrances. Oaxaca se répand en douleur, mais aussi en lutte. Des morceaux de ce peuple se distribuent tel un puzzle sur l’ensemble du territoire national et au-delà de limites géographiques plus ridicules que jamais, en tout cas au Nord. Pendant les deux mois que nous avons mis à parcourir le Nord mexicain, l’Oaxaca surgissait à tout bout de champ. Il s’habillait de douleur et de rage. Et il nous parlait et nous regardait. Et l’Autre Campagne écoutait et écoute et elle tend les bras comme les ont tendus en solidarité avec l’Oaxaca les extrémités zapatistes qui paralysèrent en deux occasions les routes du Chiapas et celles des Autres dans le moindre recoin du Mexique d’en bas. Et comme l’ont fait toutes les autres et tous les autres dans le monde entier. Comme ils tendent les bras maintenant, comme ils continueront de le faire même si personne ne tient les comptes, si ce n’est le miroir fragmenté que nous sommes, nous qui ne sommes personne. Devant Oaxaca, pour Oaxaca et par Oaxaca, nous disons : COMMUNIQUÉ DU COMITÉ CLANDESTIN RÉVOLUTIONNAIRE INDIGÈNE-COMMANDEMENT GÉNÉRAL DE L’ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE. MEXIQUE. Le 2 décembre 2006. Au peuple mexicain, Aux peuples du monde, Frères et Sœurs, L’attaque dont a été victime notre peuple frère de l’Oaxaca ne peut être ignorée par quiconque se bat pour la liberté, la justice et la démocratie dans le moindre recoin du globe. C’est pourquoi l’EZLN appelle toutes les personnes honnêtes du Mexique et du monde entier à manifester dès maintenant leur solidarité et leur soutien avec le peuple de l’Oaxaca, et à exiger : Que l’on présente vivants les disparus ; la libération des personnes emprisonnées ; la destitution d’Ulises Ruiz et le départ des forces fédérales de l’Oaxaca, et que les coupables des tortures, des viols et des meurtres soient châtiés. En somme, rien moins que la liberté, la démocratie et la justice pour le peuple d’Oaxaca. Nous appelons les participants à cette campagne internationale à dire, de toutes les manières et dans tous les endroits possibles, ce qui s’est passé et continue de se passer dans l’Oaxaca, chacun à sa façon, en son temps et là où il se trouve. Nous appelons à culminer ces actions par une mobilisation mondiale pour l’Oaxaca le 22 décembre 2006. Le peuple de l’Oaxaca n’est pas seul. Il faut le dire et le démontrer. Le lui démontrer et le démontrer à tout le monde. Démocratie ! Liberté ! Justice ! Sous-commandant insurgé Marcos. Mexique, décembre 2006. II. 45.000 kilomètres en (Autre) campagne La première étape de l’Autre Campagne a fait parcourir à la Commission Sexta de l’EZLN près de 45.000 kilomètres (47.890, selon quelqu’un qui a fait le compte) en long et en large du territoire de ce que nous pouvons désormais nommer, en connaissance de cause, d’effet, et de but, l’Autre Mexique, celui d’en bas. Ce que nous avons vu et écouté n’a pas fait que démonter cette fiction de 31 États plus un district fédéral – étant donné que nous avons rencontré des compañeras et des compañeros d’au moins 35 entités : les 32 de la géographie instaurée d’en haut, plus la région de la Lagune, la Huasteca et cette chose qui prend forme et identité propre au nord du Rio Bravo. Non, ce qui meut l’Autre Campagne est si grand qu’il ne tient pas à l’intérieur des frontières. Au nord du Rio Bravo, il y a aussi un Mexique. "Nous ne perdrons jamais. Nous sommes là. Nous serons toujours là", dit une petite fille chicano qui sait de quoi elle parle. Nous avons écouté et nous avons vu de nombreux Mexiques, de couleurs et de langues distinctes, et qui empruntent des chemins différents. Avec eux, nous avons pu nous rendre compte qu’ils sont tous un quand ils déclinent la douleur et font agir la rébellion. À pied, à moto, à cheval, à bicyclette, en voiture, en train et en bateau, nous avons parcouru 45.000 kilomètres au cours d’une campagne très autre, et, pour employer les termes d’une femme indigène raramuri de la Sierra Tarahumara, "nous avons vu la maladie et là, nous avons trouvé le remède". La douleur y a brillé de ses propres feux et l’arbre de la résistance a commencé à scintiller, qui plonge loin ses racines depuis des siècles. Nous ne pouvons pas continuer à résister tout seuls, chacun de son côté. Nous devons nous unir, pour nous et pour tous. En peu de mots, le Mexique ne vivra que si vit le Mexique d’en bas. Et le Mexique d’en bas ne pourra vivre qu’avec la libération des prisonniers et des prisonnières d’Atenco, avec la libération des tous les prisonniers et de toutes les prisonnières politiques de ce pays, avec la présentation des disparu(e)s vivants et avec l’annulation de tous les mandats d’arrêt lancés contre les opposants de la lutte sociale. III. Ni bleu ni jaune, l’Autre Nord existe aussi Les quatre roues motrices du capitalisme – pillage, mépris, exploitation et répression – unissent en bas ce qu’en haut on s’efforce de diviser à coup de sondages et de désirs bleus et jaunes. L’Autre Campagne a retrouvé notre pays, elle a découvert que le Nord est aussi le Mexique. En voici quelques échantillons : Il existe là-haut une ligne qui unit Teacapan et Dautilo, au Sinaloa, à Isla Mujeres, au Quintana Roo et à Puerto Progreso, au Yucatán ; et qui unit Joaquín Amaro et San Isidro, au Chiapas, à Matamoros, au Tamaulipas, et à El Mayor, en Baja California. Dans ces huit coins du Mexique d’en bas, des familles de pêcheurs sont persécutées à cause de leur travail. C’est comme ça que l’on criminalise le travail, avec l’alibi de la protection de l’environnement. La politique des gouvernements néolibéraux en matière d’environnement à tous les niveaux (fédéral, de l’État ou municipal) consiste à détruire la nature… ou à l’arracher à ses gardiens légitimes pour la livrer à la voracité des grands trusts industriels. D’autre part, dans les États du Sonora, de Zacatecas et de San Luis Potosí, respectivement gouvernés par le PRI, par le PRD et par le PAN, on peut constater de ses propres yeux ce que signifie "conserver les variables économiques". Dans ces trois États, on assiste à la destruction de la campagne mexicaine et à l’exode des populations dû à l’expulsion de millions de Mexicains vers les Etats-Unis. Tout cela s’accompagne de la réhabilitation des anciennes haciendas du régime de Porfirio et de leur recrudescence avec l’afflux de migrants indigènes des États du sud et du sud-est du Mexique. Au Mexique, la "modernité", c’est le retour à l’époque de Porfirio. IV. En haut, après le XXe vient... le XIXe siècle La machine à faire des marchandises se cache dans la cause et non dans l’effet. C’est derrière le marché et derrière le salaire que se cache le noyau dur du système : la propriété privée des moyens de production et d’échange. Ce sont les banques, les industries et le commerce, tous étrangers, qui forment les nouvelles nations qui participent à cette reconquête du Mexique. De même, leurs armées de conquête et d’occupation sont formées de députés du parlement national, de sénateurs, de maires, de députés du parlement local, de gouverneurs, de présidents de la République et de ministres. Voilà l’histoire actuelle qui unit le Mexique du Nord, du Centre et du Sud. Nous voilà revenus à l’époque de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Spoliation des terres. Destruction de la culture et de l’histoire. Destruction de la nature. Destruction de la communauté humaine. Destruction de la culture de l’organisation. Violence et discrimination de genre contre les femmes, au sein des familles, dans la sphère sociale, culturelle et institutionnelle. Mépris des personnes âgées, des ancien(ne)s. Marchandisation de l’enfance. Criminalisation de la jeunesse. Privatisation de l’enseignement préparatoire et supérieur. Démantèlement du système éducatif primaire et secondaire. Démantèlement de la sécurité sociale. Destruction et recomposition des conditions de travail pour revenir à l’époque de Porfirio Díaz. Marginalisation de la vente ambulante et asphyxie du petit et du moyen commerce, au profit du grand capital commercial étranger. Mépris et répression à l’encontre de la différence d’option sexuelle, même au sein de la gauche. Autisme pervers des grands moyens de communication. "La faim te met à genoux, mais la dignité indigène te met debout", nous disait une femme indigène chef des Kumiai. Au Mexique, on travaille pour ne pas mourir et on se tue au travail. V. Nous sommes ce que nous sommes Le plus gros de l’Autre Campagne est formé d’indigènes, de jeunes et de femmes. Tous et toutes des travailleurs et des travailleuses de la campagne et de la ville. Dans le Nord mexicain, on retrouve Oaxaca auprès des Triqui, des Mixtèques et des Zapotèques, mais aussi chez les Kumiai, les Kiliwa, les Kukapa, les Tohono O’odham, les Comca’ac ou Seri, les Pima, les Yaqui, les Mayo Yoreme, les Raramuri, les Caxacan, les Cora, les Wixaritari, les Kikapu, les Maskovo, les Teenek, les Pam, les Nahua, les Chichimèques, les Tepehuan et les Guarijio. Chez les peuples, tribus et nations indigènes du Nord, il est plus fréquent et naturel qu’ailleurs que les femmes soient chef, autorité ou dirigeante. "Nous voulons continuer à être ce que nous sommes", nous disait une indigène raramuri. Ce qu’aurait pu tout aussi bien dire un jeune homme, une jeune femme, une femme. "Que la voix fasse son chemin, pour donner des forces à ce monde", dit cette femme, cette jeune indigène du nord du Mexique. VI En bas, un cœur surgit La lutte anticapitaliste n’est pas apparue avec de la Sixième Déclaration et de l’Autre Campagne. Elle a emprunté et emprunte encore de nombreux chemins différents au sein d’organisations politiques, sociales et non gouvernementales, au sein de peuples indiens, de collectifs, de groupes, de familles et d’individus. La Sexta et La Otra ont été un catalyseur, un appel à nous rencontrer, à nous connaître, à nous respecter, à nous unir. On y est arrivé. Maintenant, il s’agit que tous, toutes, nous répondions en tant que cette Autre Campagne que nous sommes et que nous disions où nous en sommes, comment nous voyons le Mexique et le monde, ce que nous voulons faire et comment nous voulons le faire. C’est pour cela que nous appelons à une consultation interne du 4 au 10 décembre 2006. L’Autre Campagne n’est pas une lutte de plus en bas, c’est celle de tout un chacun, mais en tissant d’autres liens, ceux de la solidarité et du soutien, ceux d’une même douleur et d’une identique rébellion, ceux du respect, ceux de des différences qui sont reconnues et se reconnaissent. L’Autre Mexique commence en bas et ne s’achèvera pas avant qu’on ne le refasse entièrement, parce qu’il faut encore ce qu’il faut. L’Autre Campagne se mue en un Autre Front contre l’en haut et ses miroirs déformants. Nous n’allons ni converger ni nous unir, le différend étant irréconciliable. Ceux qui s’opposent d’en haut ne veulent pas changer ce pays, ils veulent arriver au pouvoir. Ceux qui comme nous s’opposent à Calderón d’en bas sont contre tout ce qui, là-haut, feint des idées et pratique le mépris de toute sorte. L’officiel sera vaincu, de même que le "légitime" ou que tout autre nom que prendra celui qui s’imagine que tout continuera comme avant et déclarera d’en haut pour ou contre l’en bas pour continuer à administrer le même cauchemar. Ce pays est truffé de recoins, d’angles. C’est de là, et non des palais, des sièges de gouvernement et des bunkers de la classe politique, que naîtra, grandira et existera une autre alternative. L’ensemble de ce pays vit dans une prison, mais il y a des prisons qui sont plus vraies que d’autres. C’est pourquoi la lutte pour que soient présentés vivants les disparus, celle pour la libération des prisonniers et des prisonnières d’Atenco, et maintenant pour ceux et celles d’Oaxaca, doivent s’inscrire dans une campagne nationale. De pair avec cette campagne, d’autres mouvements nationaux peuvent se dresser contre les tarifs des compagnies d’électricité, pour la défense et la protection de l’environnement, pour la promotion de la vente ambulante et du petit commerce ou le boycott au grand commerce. En tant que zapatistes, nous attirons l’attention sur la contribution qu’apportent les luttes anticapitalistes de groupes et collectifs anarchistes et libertaires, par leur caractère autogestionnaire. Au Chihuahua, on nous a parlé des tlatoleros, des messagers indigènes qui parcouraient les villages pour inciter à la rébellion contre le vice-royaume. D’une manière ou d’une autre, nous avons été et nous serons ces messagers. Tandis que ceux qui ont le regard fixé sur en haut retournent à leur quotidien et au sujet à la mode, l’Autre Campagne se regarde, se définit, se prépare. En haut, ils parlent déjà de 2012 et s’interrogent. En bas, l’Autre Campagne continuera de demander qui et quoi au sein de son Programme national de lutte, puis comment et quand. Ce jour-là le calendrier d’en haut sera brisé et en suivra un autre, celui d’en bas et à gauche. L’heure est venue. Nous serons ce que nous sommes, mais autres et meilleurs. Il est temps de se réveiller. Sous-commandant insurgé Marcos. Mexique, décembre 2006. P.-S. : Dans la pièce aveugle de l’Ombre, seule la pendule permet de distinguer le jour de la nuit. C’est toujours le petit matin, ici. L’Ombre se prépare à retrouver les ombres dont elle est née et qui l’alimentent. Elle fait le compte et les comptes. Elle se redresse à nouveau sur son siège, le cœur brisé et plein de cicatrices et tout rapiécé. Elle lève des ancres, hisse des voiles. Elle porte un autre pays accroché aux pieds, collé à la peau, à ses oreilles et dans son regard. Elle possède une rage et une douleur qui ne tiennent dans aucun des mots d’aucune langue. Dans les montagnes du Sud-Est mexicain, dans ce cœur collectif brun qui commande, elle attend une réponse qu’elle connaît depuis des siècles : il faut que l’aube se lève, comme elle a pour coutume de le faire, avec douleur et rage. Ombre sait ce que lui dira la montagne brune qui est son guide. Donnant du baume à la douleur et de l’espoir à la rage, elle lui dira, en langue ancestrale : "Ne t’inquiète pas, n’aie pas trop de peine, que le cœur de notre patrie ne soit pas triste car il faut encore ce qu’il faut." -- Traduit par Angel Caido. Diffusé par le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris) - 33, rue des Vignoles - 75020 Paris - France réunion (ouverte) le mercredi à partir de 20 h 30 http://cspcl.ouvaton.org cspcl@altern.org |
| | Posté le 06-12-2006 à 18:52:03
| PEUPLE D'OAXACA ! PEUPLE DU MEXIQUE ! PEUPLES DU MONDE ! D’un lieu quelconque de l'État d'Oaxaca, le Conseil d'État de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca DÉCLARE : PREMIÈREMENT : L'APPO continue plus que jamais de vivre dans le cœur des travailleurs, des indigènes, des paysans, des femmes au foyer, des étudiants, des jeunes, des enfants, de tous les exploités et les opprimés de l’Oaxaca et du Mexique. La Terreur que l’État a déchaînée dans toute sa violence contre le peuple de l’Oaxaca et certains membres de la communauté internationale, du 25 novembre dernier jusqu’à ce jour, n’a en rien entamé notre volonté d’être des femmes et des hommes libres. Elle n’a pas non plus réussi à nous détourner de notre combat, nous continuons à penser que notre lutte doit être politique, pacifique et massive, en dépit des 17 personnes assassinées, les dizaines de disparus et les centaines de prisonniers politiques par laquelle s’est soldée notre lutte à ce jour, chose que nous qualifions de Crime contre l’humanité. DEUXIÈMEMENT : L'APPO continue d’agir en permanence, bien que nous ne participions pas visiblement aux piquets ou que nous ne nous fassions pas entendre vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la radio. Nous sommes toujours vivants et nous communiquons à travers l’esprit indomptable qui constitue l’héritage des peuples exploités, nous luttons et continuerons de lutter de toutes nos forces jusqu’à obtenir la chute du tyran et de sa dictature, la dictature du capital. Une nouvelle étape de la lutte commence, que nous appellerons désormais "Étape pour la paix dans la justice, la démocratie et la liberté et sans Ulises Ruiz Ortiz" et qui constitue une nouvelle manière de poursuivre la lutte que l’APPO apprend à construire patiemment, avec persévérance et sagesse. C’est ainsi que nous l’ont enseigné les peuples originels dont nous sommes issus, rassemblés les 28 et 29 novembre au sein du Forum des peuples indigènes de l’Oaxaca, où ils nous ont dit que "le chemin à faire doit être parcouru lentement" : c’est ce que nous faisons maintenant, sans perdre de vue l’objectif commun qui est la transformation profonde des conditions de vie, de travail, d’études et de survie de nos peuples. C’est cette voie qu’a voulu barrer Ulises Ruiz, marionnette fidèle des riches et des narcotrafiquants qu’il défend et représente. Quant à nous, en tant que représentants d’un peuple qui a choisi d’emprunter le chemin de son émancipation, nous allons le balayer de cette voie qui est la nôtre. TROISIÈMEMENT : Le Conseil d'État de l'APPO appelle le peuple de l’Oaxaca à organiser et à réaliser dès aujourd’hui et jusqu’au 10 décembre des mobilisations et des actions de protestation pour diffuser cette "Étape pour la paix dans la justice, la démocratie et la liberté et sans Ulises Ruiz Ortiz", pour la libération des prisonniers politiques, pour la présentation en vie des disparus, pour le retrait de tous les mandats d’arrestation, pour que cessent les arrestations arbitraires et les violations de domicile, pour le départ immédiat de la PFP et pour ce qui nous a tous unis, à savoir : pour le départ de l’assassin Ulises Ruiz Ortiz de l'Oaxaca. Nous appelons à réaliser ces actions et à diffuser nos exigences dans l’ensemble de l’Oaxaca, à travers nos Assemblées populaires régionales, municipales et sectorielles. Jusqu’au 10 décembre, parce qu’à cette date nous sommes tous appelés à une macro-concentration au pied du monument à Juárez situé au Crucero de Viguera, dans la ville d’Oaxaca, à 10 heures, afin d’exprimer notre opposition et notre condamnation de la politique du bâton et du fusil à laquelle veut nous résigner cette camarilla d’assassins et de voleurs qui se fait appeler gouvernement dans l’Oaxaca. FRATERNELLEMENT, "TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE !" CONSEIL D'ÉTAT DE L'APPO Le 2 décembre 2006. -- Traduit par Angel Caido. Diffusé par le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris) - 33, rue des Vignoles - 75020 Paris - France réunion (ouverte) le mercredi à partir de 20 h 30 http://cspcl.ouvaton.org cspcl@altern.org liste d'information :[url] http://listes.samizdat.net/sympa/info/cspcl_l[/url]
Message édité le 06-12-2006 à 18:52:39 par Paria |
| | | | Posté le 07-12-2006 à 18:17:59
| À la société civile mexicaine, À la société civile internationale, Au gouvernement mexicain, Aux médias, À l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca (APPO), En février 1998, devant le massacre perpétré trois mois plus tôt à Acteal (au Chiapas, Mexique) contre les indigènes rebelles du Chiapas, la société civile internationale s'est mobilisée pour exprimer son indignation et tenter de trouver une issue pacifique au conflit en cours. Plus de 500 personnes et membres d'organisations des cinq continents ont approuvé la création d'une Commission civile internationale d'observation pour les droits humains (CCIODH), qui se rendit au Chiapas début 1998. En novembre 1999, une deuxième commission renouvelait sa mission d'observateur afin d'évaluer la situation du moment et de la comparer avec les observations et les recommandations de la précédente. En février 2002, après la victoire électorale de Vicente Fox et la formation du nouveau gouvernement, une troisième visite de la CCIODH avait lieu, dans le but d'examiner les possibilités de parvenir à une résolution juste du conflit. En 2001, cette possibilité s'est vue frustrée par l'approbation par le Congrès [mexicain] de la loi indigène (concernant les droits et la culture des peuples indigènes), cette réforme constitutionnelle allant à l'encontre des Accords de San Andrés (février 1996), comme le dénonçaient l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale), le Congrès national indigène (CNI) et une grande partie de la société civile mexicaine et internationale. Une quatrième visite de la CCIODH eut lieu en mai et juin 2006, suite aux événements survenus à San Salvador Atenco et à Texcoco (État de Mexico), les 3 et 4 mai, l'intervention des forces de l'ordre mobilisant plus de 2.000 policiers s'y étant soldée par deux morts, plusieurs blessés graves, près de 300 arrestations et l'expulsion de cinq ressortissants étrangers. Cela donna lieu à la dénonciation de graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes, notamment les abus sexuels, les viols, les mauvais traitements, l'humiliation et les tortures. Ces quatre commissions ont eu comme résultat l'élaboration d'autant de rapports contondants qui ont été remis à tous les interlocuteurs de cette Commission au Mexique, à toutes les organisations et à toutes les personnes qui avaient soutenu une telle initiative et aux institutions internationales (Parlement européen, parlements de divers pays, Parlement d'Amérique centrale, Haut-Commissariat pour les droits humains de l'ONU, etc.). En mai dernier, dans l'État d'Oaxaca, les enseignants ont entamé une lutte pour l'amélioration de leurs conditions salariales. Suite à la répression déclenchée par le gouvernement de l'Oaxaca le 14 juin, le mouvement, jusque-là limité à des revendications corporatives, s'est étendu à d'autres secteurs pour déboucher sur un vaste mouvement populaire, qui exige depuis plus de six mois la destitution du gouverneur de l'Oaxaca, Ulises Ruíz Ortiz (appartenant au PRI). Au cours des derniers mois, le conflit s'est durci, jusqu'à l'intervention récente de la police nationale mexicaine, qui a violemment délogé les piquets et les campements de l'APPO (l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca). Depuis le début du conflit, au moins 17 personnes ont été assassinées, des centaines de manifestants ont été arrêtés, et on déplore des dizaines de disparus. Des organisations de défense des droits humains ont d'ores et déjà enregistré les plaintes pour tortures, mauvais traitements et menaces dont ont été victimes les personnes appréhendées, ainsi que les persécutions et les abus commis par les corps de police et des groupes paramilitaires. Au niveau international, la préoccupation causée par ces graves événements a suscité une forte mobilisation et le souci de relayer la dénonciation de ces abus avec un soin particulier, afin de trouver à ce conflit une issue qui passe par le dialogue. En vertu de tout ce qui précède, nous demandons à la société civile mexicaine ainsi qu'au gouvernement fédéral et au gouvernement de l'État d'Oaxaca, aux organisations et aux ONG victimes de cette situation de nous accorder la même confiance que celle qu'ils ont déposée en nous au cours des quatre séjours précédents. Nous leur demandons de bien vouloir nous recevoir, de nous fournir leurs témoignages et de nous permettre d'effectuer notre mission en toute liberté et responsabilité. Nous sollicitons également toutes les organisations qui nous ont déjà soutenus par le passé, pour qu'elles renouvellent leur soutien pour que nous puissions observer, engager une réflexion et évaluer les conséquences que peut avoir le conflit sur la situation en matière de droits humains. Au vu de quoi, les personnes soussignées déclarent soutenir cet appel qui sera rendu public par voie de presse et remis au gouvernement mexicain, aux instances internationales et à la société civile concernées. Un premier groupe de membres de la CCIODH se rendra au Mexique à partir du 16 décembre 2006 pour y préparer et y organiser la visite qui se poursuivra par l'arrivée d'un second groupe chargé de réaliser, entre le 7 et le 20 janvier 2007, les entretiens avec les différents acteurs du conflit. Après quoi, un rapport sera élaboré et remis aux différentes instances, institutions et organisations, selon le même procédé que lors de nos précédentes visites. Le 7 décembre 2006. Commission civile internationale d'observation pour les droits humains (CCIODH) courriel : cciodh@pangea.org site Internet : http://cciodh.pangea.org/ |
| | Posté le 08-12-2006 à 19:52:01
| merci encore Paria pour toutes ses infos |
| | Posté le 08-12-2006 à 19:58:36
| Pas de problème, c'est normal. |
| | Posté le 10-12-2006 à 14:43:28
| Salut à toutes et tous, Je vous avais laissés vendredi 1er décembre alors que se déroulait la marche et je vous confiais mes doutes au sujet de la mobilisation. Ce jour-là, malgré la présence évidente de flics en civil dans la manifestation et des patrouilles de la PFP à proximité, cinq mille personnes sont descendues dans la rue, défiant la peur et le gouvernement pour réclamer la libération des détenus, la fin de la répression et l’éviction du satrape Ulises Ruiz. Depuis et jusqu’à aujourd’hui, la situation n’a pas vraiment changé ici par rapport à celle que je vous décrivais. Même si la PFP a libéré le Zocalo, sa présence dans le centre-ville est pesante et inquiétante et elle occupe toujours le Llano et le "parque", mal nommé pour la circonstance, de l’Amour. Les patrouilles circulent dans toute la ville, dans les quartiers périphériques et dans les municipalités qui sont considérées dangereuses aux yeux de l’autorité. Les arrestations de sympathisants au mouvement se poursuivent jours après jours. Beaucoup d’entre eux se sont planqués et certains sont entrés en clandestinité. Radio "Mapache", qui fait signer des pétitions pour demander sa légalisation, continue d’émettre des appels au lynchage et à la délation. Dans ce climat tendu de persécution et de répression, samedi dernier des inconnus ont mis le feu au palais municipal de Miahuatlan qui était aux mains de sympathisants de l’APPO (ceux-ci l’avaient déserté quelques jours avant devant l’arrivée de la PFP et des polices locales). Des profs du secteur d’Ocotlan ont décidé de suspendre les cours dans 200 écoles de différents niveaux pour protester contre le harcèlement de la PFP et des corporations policières de l’Etat. Devant les menaces des paramilitaires et des groupes de sicaires payés par le PRI pour enlever et remettre aux autorités les profs impliqués dans le mouvement et pour demander la libération de cinq des leurs détenus à Nayarit, 4 500 maîtres d’école de la région des Cañadas n’ont toujours pas repris les cours. Lundi à Zaachila, des profs ont été détenus. Après l’incursion violente des flics à l’école primaire de San Isidro Zautla, dans la commune de Soledad Etla, des maîtres d’école ont été appréhendés. A Oaxaca, là encore, trois profs de la région de la Mazateca ont été capturés… Le leader de la section 22 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation, Enrique Rueda Pacheco, qui vit planqué de crainte d’être détenu à son tour, ne reconnaît pas la répression et le harcèlement que subissent les profs, et disqualifie la grève que mènent les maîtres de la région de Valles Centrales. Ce qui permet au directeur général de l’Institut de l’Etat de l’éducation publique d'Oaxaca, Abel Trejo Gonzalez, d’affirmer qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de persécution ni d’arrestation arbitraire ni non plus de chasse aux sorcières… Des membres du centre de droits humains Yax’kin ont été suivis dans leurs déplacements par des flics en civil circulant dans des véhicules sans plaque d’immatriculation, ils ont été encerclés et pris en photos par les flics alors qu’ils sortaient de leur hôtel. La Commission diocésaine de justice et paix et le Centre des droits humains Bartholomé Carrasco Briceño ont dénoncé le harcèlement et les menaces répétées dont sont victimes le mandataire de l’archevêché, Romualdo Wilfrido Mayrén Pelàez, et le curé de l’église de Siete Principes, Carlos Franco Lopez, pour leur soutien humanitaire aux blessés des manifestations précédentes. Les familles des détenus se sont organisées en comité et ont manifesté dimanche dernier dans le centre-ville d'Oaxaca pour exiger la libération des prisonniers et le retrait de la PFP d'Oaxaca, puis, certaines d’entre elles se sont déplacées jusqu’à Nayarit, où elles ont renforcé un "planton" (occupation permanente d’un espace public) devant le palais du gouverneur de l’Etat. Les autorités pénitentiaires en charge de l’établissement de moyenne sécurité de Nayarit refusent toujours aux familles et aux avocats d’avoir accès aux détenus pour éviter le scandale sur les méthodes qu’utilise l’Etat pour en finir avec les luttes sociales. Peu à peu nous parviennent des témoignages et nous savons que les détenus ont été cruellement torturés plusieurs d’entre eux ont eu les doigts brisés sous l’effet du supplice, d’autres encore ont subi des violence sexuelles ou ont été menacés d’être tués, de disparaître sans laisser de traces… Une fois de plus, en totale violation des traités internationaux qu’a signés le Mexique, les autorités pénitentiaires de Nayarit refusent l’attention médicale aux détenus blessés (certains sont dans un état grave et ont besoin d’attention médicale). Parmi les 141 détenus qui ont été déportés jusqu'à Nayarit se trouvent 3 mineurs qui ont été déclarés formellement prisonniers et incarcérés en ce lieu en absolue infraction avec les lois qui les protègent, de même que les 34 femmes détenues dans cette taule qui est un établissement exclusivement masculin. En clair, les autorités se contrefoutent des lois et des règlements qu’elles ont elles-mêmes conçus. Les trois juges du Centre fédéral de réadaptation social de Nayarit ont fixé des cautions jusqu'à 4 millions de pesos pour la libération des prisonniers qui ont été accusés, sans investigation sérieuse sur leur culpabilité, de sédition, d’association de malfaiteurs, incendie, etc., des charges qui peuvent entraîner jusqu’à vingt ans de condamnation...* La persécution la plus brutale, la torture, la fabrication de délits, l’emprisonnement, les disparitions, les meurtres comme réponses aux expressions de mécontentement, l’impunité et la protection aux répresseurs et aux assassins. Si on te frappe tend l’autre joue... En début de semaine, à l’initiative de l’artiste bien connu Francisco Toledo, des écrivains, des intellectuels, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des avocats et des représentants de l’Eglise catholique ont créé le Comité de libération 25 Novembre, qui se propose d’aider à la libération des prisonniers qui n’auraient pas commis d’acte de vandalisme, et qui n’auraient pas agressé les forces de l’ordre... Lundi soir, à Mexico, quelques heures après que l’APPO eut annoncé que se tiendrait le lendemain le premier contact avec le gouvernement de Calderon par l’intermédiaire du tout nouveau secrétariat du gouvernement**, quatre conseillers de l’APPO ont été appréhendés en sortant d’une réunion (Flavio Sosa, son frère Horacio, Ignacio Gracia Maldonado et Marcelino Coache Verano, porte-parole de l’APPO et secrétaire général du syndicat indépendant du conseil municipal d'Oaxaca). Flavio Sosa, que les médias persistent à présenter comme le "dirigeant" ou le "leader" de l’APPO, a déclaré faire parti du PRD (quelques jours auparavant, on pouvait lire, dans une interview qu’il avait donnée, qu’il regrettait d’avoir démissionné de ce parti pour soutenir Fox durant la campagne présidentielle de 2000). Le message que fait passer le gouvernement avec l’arrestation des quatre conseillers de l’APPO qui étaient venus pour négocier est qu’il se sent suffisamment fort et qu’il réglera les problèmes sociaux et les protestations populaires en les criminalisant, en les réprimant, et en persécutant tous ceux qui n’adhéreront pas aux projets néolibéraux du pouvoir. Le leitmotiv du gouvernement et de ses amphitryons résonne comme une menace : "Rien ni personne au-dessus des lois" (sauf pour eux-mêmes, leurs complices et leurs chiens de garde, bien entendu). Oaxaca est un laboratoire d’expérimentation répressive dont les résultats pourront être étendus au reste du pays si besoin est. Bon, et bien voila... je suis bien conscient que je vous ai dressé un bien sombre et déprimant tableau de la situation. Mais il est bien certain que les gens ici ne se sont pas soumis à l’ordre fascistoïde qui s’est imposé impitoyablement ; de plus, les problèmes de fond, sociaux et politiques, ne sont pas résolus et les revendications demeurent. Dimanche prochain (le 10) une énième mégamarche est prévue pour exiger la destitution du despote, la libération des prisonniers, la réapparition des disparus, l’annulation des ordres d’appréhension et le retrait de la PFP de Oaxaca. On y attend plusieurs centaines de milliers de personnes. ATENCO, OAXACA, NOUS TOUTES, NOUS TOUS ! A bientôt M, Oaxaca, vendredi 8 décembre 2006 * Aux dernières nouvelles : les autorités pénitentiaires de Nayarit obligent les familles à signer un document dans lequel elles s’engageraient à retourner à Oaxaca après avoir visité leurs proches détenus (138 à ce jour). ** Le nouveau titulaire du poste est l’ancien gouverneur de Jalisco Francisco Ramirez Acuña, qui s’était fait remarquer durant le troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, Caraïbes et Union européenne, à Guadalajara en mai 2004, pour son zèle à réprimer les altermondialistes qui protestaient (détentions arbitraires, tortures, jugements injustes... certains sont encore en taule plus de deux ans après...). |
| | Posté le 13-12-2006 à 11:42:27
| Bien le bonjour, Aujourd’hui, dimanche 10 novembre, nous nous préparons pour la manifestation qui doit partir de la statue de Benito Juarez, à l’entrée de la ville. Je n’irai pas, je me suis trop fait remarquer ces derniers temps, certes, je ne risque pas mes doigts dans l’affaire, les doigts tordus et cassés, les violences à caractère sexuel exercées sur les femmes et les hommes ont été des formes de torture couramment pratiquées ces derniers temps sur les prisonnières et prisonniers de l’APPO pour leur faire avouer des actes, comme les incendies d’immeubles, commis par ces mêmes tortionnaires... non, je risque seulement de regagner un peu trop vite à mon goût la trop douce et tranquille Europe. Cette différence de traitement, qui me serait en quelque sorte réservée, m’isole un peu de mes amis ; dans la confrontation, dans la bagarre, les risques sont partagés, mais c’est après que les frontières s’élèvent pour nous séparer. Le totalitarisme nous touche tous et nous plie sous son joug, nous nous sentons solidaires des luttes pour la reconquête de notre dignité ; une des principales fonctions de ces figures de l’Etat totalitaire que sont les Etats nationaux est bien d’isoler et de contenir dans les limites des frontières nationales l’insurrection des peuples. Les filles et M. se préparent pour se rendre à cette marche, c’est la grande rigolade dans ces dernières minutes consacrées aux essais de déguisements afin d’échapper à l’œil inquisitorial des caméras, certains accoutrements sont particulièrement réussis et nous nous esclaffons de bon cœur. Ce sera l’occasion de retrouver les amis, de renouer avec tous ceux qui ont échappé au piège mortel tendu par le gouvernement, d’armer à nouveau les solidarités nationales et internationales autour de la Commune d’Oaxaca. Retour de manif : du monde, manifestation imposante mais tout de même moins importante que celle du 25 novembre, plutôt des gens de la ville, los valientes, les Indiens, ne sont pas descendus en nombre de la montagne, mais les Zapotèques, les Triquis, les Mazatèques, les Mixes, les Chinantèques, les Mixtèques étaient bien présents, les personnes "activement recherchées" ne sont pas venues, les jeunes libertaires particulièrement persécutés ne s’y sont pas risqués, quelques "chavos", cependant, faisaient discrètement des bombages sur les murs, mais rien à voir avec les autres manifs ; les familles des prisonniers ouvraient la marche, on remarquait surtout la présence des leaders du PRD et du Frente Amplio Progresista, ce sont eux qui vont se montrer les plus éloquents lors du meeting de clôture qui s’est tenu sur la place de la danza avec le discours de la pasionaria et "sénatrice" Rosario Ibarra de Piedra, qui nous assurait du soutien de Lopez Obrador, le président qui s’est autoproclamé Président légitime du Mexique. Une marche bien trop sage face à l’ampleur de la persécution, une façon de dire "nous sommes toujours là", rien de plus, l’éloquence n’était pas de mise, elle a été laissée aux politiques. Les filles ont pu rencontrer quelques amis, qui tiennent le coup malgré l’énorme pression qu’ils subissent. Les habitants des quartiers et des colonies ne cachent pas leur inquiétude, c’est que la gente du PRI a désormais tout le loisir d’organiser la chasse à l’homme, silencieuse, furtive, un coup de feu dans la nuit, une voiture qui démarre sur les chapeaux de roue… L’une des nôtres a ensuite assisté avec les maîtres indigènes à une réunion au sujet des prisonniers et prisonnières du Cefereso (Centre fédéral de réadaptation social) el Rincón de Nayarit. Celle qui parlait a pu s’entretenir avec 17 des 34 femmes et quelques hommes. Ces femmes ont été frappées au moment de leur détention puis quand elles ont été emmenées dans les prisons d’Oaxaca et au cours de leur transfert en hélicoptère à Nayarit, elles avaient les yeux bandés et ont été menacées d’être violées et jetées dans le vide. Ce ne fut que le mercredi 28, trois jours après leur détention, qu’elles ont su qu’elles se trouvaient à Nayarit, elles n’avaient aucune idée où elles étaient après ce rapt de la part des autorités. Elles sont deux par cellule (les hommes sont trois par box et seront observés toute la journée pendant plus d’un mois avant que l’on décide de leur sort en fonction de leur personnalité) et n’ont pas la possibilité de communiquer avec les autres détenues. Les hommes furent aussi torturés et se trouvent dans une autre section de la prison. On sait maintenant que bien des prisonniers et prisonnières appartiennent à la même famille, il y a ici l’épouse, la sœur, la fille ou la cousine, mais ils n’ont aucune possibilité de communiquer entre eux. Ils sont considérés comme des prisonniers de "alta peligrosidad" (de haute dangerosité) et la prison d’El Rincón est, dit-on, parmi les plus dures du Mexique. Les prisonniers se déplacent à l’intérieur de la prison, menottés, la tête baissée, les yeux rivés au sol, ils ne peuvent se parler, même dans leur box. Les femmes comme les hommes ont eu les cheveux coupés, petite humiliation ajoutée à toutes les autres, il faut dire que cette prison est une prison d’hommes et que les femmes ne devraient pas s’y trouver. Les visites sont strictes, nous entrons dans un univers kafkaïen, ce ne fut que le 3 décembre que les parents purent voir leurs proches, à condition, évidemment, d’avoir fourni tous les papiers exigés. Pourtant trois hommes jeunes ont été libérés très rapidement, sans autre forme de procès, les incendiaires d’Ulises Ruiz pris malencontreusement dans les filets ? Quand les autorités ont décidé de transférer les prisonniers à Nayarit, elles ont parfaitement mesuré les impacts sociaux que cela allait avoir. Les gens pour se trouver près des leurs et les accompagner durant leur détention vont abandonner leur travail, immigrer dans le Nord, tenter d’y survivre. Pour leur premier voyage certains se sont endettés, d’autres ont été aidés par leurs voisins, qui se sont cotisés pour payer le billet de car ; il y a des époux, des épouses, des mères, prêts à tout quitter pour se rapprocher des êtres qui leur sont chers. Les autorités avaient très bien évalué les conséquences sociales de cette déportation, le déchirement qu’elle signifiait pour de nombreuses familles. Dans leur acharnement à dévaster la vie des gens, elles ont oublié, ces autorités, une répercussion possible de leur mesure infâme : alors qu’elles prétendaient désarticuler la mobilisation, elles sont en train de l’étendre dans tout le pays. Le gouverneur de Nayarit commence à faire la gueule, c’est que les familles manifestent dans la ville et expliquent aux gens leur situation. Cette décision de transfert est parfaitement arbitraire comme vous pouvez vous en douter, mais Ulises Ruiz, le petit roi soleil d’Oaxaca, a du monde derrière lui via les sectes évangélistes et la CIA, toute la puissante Amérique du Nord ; soutenu par la clique de Bush, il reste le satrape des lieux. Tout ce qu’a tenté l’Etat a eu jusqu’à présent un effet de retour, quand il a cherché à réprimer la grève des instits le 14 juin, est apparue l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca ; quand il a essayé d’intimider la population avec les escadrons de la mort, sont apparues les barricades. Il arrête les "dirigeants" les plus en vue comme Flavio Sosa et c’est la base la plus déterminée ou la plus radicale qui se construit et se renforce dans une semi-clandestinité. Les partisans de Lopez Obrador, le PRD et toute la gauche molle tentent de récupérer le mouvement social, certains conseillers qui font partie de la direction collective de l’APPO, maintenant hors contrôle de l’Assemblée, font et disent n’importe quoi, il s’agit de sauter sur l’occasion, le dragon est blessé, sinon à l’agonie, pensent-ils, ils ne voient pas dans leur empressement à vendre la peau du dragon que le dragon est ailleurs, qu’il a mué et qu’il leur a laissé une enveloppe vide. Serait-il devenu zapatiste ? Dans ma dernière lettre, je vous avais rapporté la réflexion de Carlos Fazio selon laquelle la classe au pouvoir impose à l’Etat une double manière d’agir : une, publique et soumise aux lois, l’autre, clandestine appliquant une "terreur bénigne" en marge de toute égalité formelle. Nous devons pousser un peu plus loin le raisonnement. Nous avons pu nous rendre compte au cours de tous ces événements que l’Etat organisait une véritable mise en scène du conflit ; face à un mouvement social qui avait des revendications précises à faire valoir, l’Etat a répondu par une mise en spectacle d’un affrontement tragique, mise en spectacle qui avait évidemment des conséquences terribles pour les gens (nous en sommes sans doute à plus de vingt morts, tous du côté de l’APPO). L’Etat traduisait un mouvement social complexe en scènes de violence, en images chocs. Le message est clair : tout mouvement social engendre la terreur, et il s’adresse à la partie molle et soumise, à la partie décomposée de la société. L’Etat joue sur deux tableaux à la fois : d’un côté, il est celui qui organise le spectacle de la violence et à cette fin il doit, d’une façon plus ou moins clandestine, user de moyens terroristes ; de l’autre, il se présente comme celui qui met fin à la violence par l’exercice d’une terreur légitime. La terreur de l’Etat est présentée comme légitime parce qu’elle met fin à une violence sociale, dont l’Etat avait au préalable organisé la représentation. Où est le droit ? Il n’y a pas de droit dans cette affaire ou seulement comme justification du terrorisme d’Etat par la mise en scène d’une paix sociale rompue par les insurgés. Nous devons reconnaître que l’Etat Janus a joué sa partition avec un certain brio : la tâche d’organiser le spectacle de la violence par des moyens terroristes est revenue à Ulises Ruiz et à ses hommes de main, en l’occurrence la police de l’Etat d’Oaxaca, ou police ministérielle, habillée en civil (le vêtement civil représentant le côté clandestin de la police, l’uniforme son côté public), ce sont eux qui ont constitué les escadrons de la mort, qui ont assassiné en toute impunité et mis le feu à certains bâtiments publics ou autres au cours de l’opération du 25 novembre dite "opération Hierro" ; la tâche de mettre un terme à la violence en faisant usage d’une terreur légitime, après la mise en scène du dialogue et du droit, revenait au ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral, avec l’aide de la Police fédérale préventive, en uniforme cette fois-ci. L’Etat Janus, emporté par son élan et la facilité avec laquelle il a pu mettre en place sa stratégie, nous a offert un dernier spectacle avec une mise en scène grandiose, celui du glaive de la justice impartiale à l’œuvre : à quatre heure dans l’après-midi, sous l’œil des caméras de la télévision convoquée pour la circonstance, la Police fédérale préventive sur son quarante et un, aidée par l’armée (voyez du peu !) a fait une descente dans l’antre des paramilitaires (de la police ministérielle) ; à cette heure-là, il n’y a plus personne, elle a pu tout de même mettre la main sur quatre pelés, qu’elle s’est empressée de libérer deux jours plus tard quand les caméras n’étaient plus là ; la perquisition, nous dit-on, a duré deux heures, elle a passé au crible les voitures volées, dont se servent les paramilitaires pour leur opérations meurtrières, et elle a emporté les quelques armes qu’elle a trouvées sur place pour les analyser. L’Etat metteur en scène a peut-être été un peu trop loin cette fois-ci ; en tout cas, à Oaxaca, tout le monde en rit encore. Oaxaca, le 11 décembre 2006. George |
| | Posté le 15-12-2006 à 23:56:59
| DÉCLARATION DE DÉCEMBRE DE L’ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES DE L’OAXACA AUX PEUPLES D’OAXACA, AUX PEUPLES DU MEXIQUE, AUX PEUPLES DU MONDE, Aujourd’hui, après plus de deux cents jours, cela fait plus de six mois que le peuple d’Oaxaca lutte en permanence dans la rue, essuyant le feu ennemi des assassins et des voleurs menés par URO*, d’un côté, et par le Yunque et Fox-Fécal**, de l’autre. Leur Sainte Alliance s’est abattue de toutes ses forces sur le peuple de l’Oaxaca. Les six mois écoulés ont été très durs pour notre peuple, qui l’a payé de son sang : il y a des dizaines de personnes disparues, des centaines de prisonniers politiques et des centaines, si ce n’est des milliers, de personnes mutilées et blessées ; et ce sont d’innombrables familles, les plus pauvres, les plus marginalisées et les plus vulnérables, qui font les frais de cette grande lutte. Cette courte période a suffi à condamner toute une histoire de lutte des peuples de l’Oaxaca, du Mexique et du monde. Après les défaites que nous avons fait subir à URO, à sa police, à ses escadrons de la mort, à ses "porros" (groupes de provocateurs d’extrême droite) et à ses policiers, et par la suite à la PFP, notamment lors des affrontements sur le pont Valerio Trujano et à l’Institut de technologie, le 20 octobre, et pendant la bataille de la Toussaint, aux abords de la cité universitaire, le 2 novembre, l’État n’a cessé de chercher à frapper notre mouvement, à l’anéantir. Mais l’ampleur de la solidarité au Mexique et sur le plan international a momentanément permis d’empêcher que l’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca (APPO) et que le peuple de l’Oaxaca ne soient victimes d’une agression à plus grande échelle. Cependant, à la mi-novembre, après l’écran de fumée qui a été levé autour de la mort du journaliste Will Bradley Rolland, l’État a déclenché une répression d’une violence et d’une intensité jamais vues auparavant dans l’Oaxaca, montrant de quoi il était capable le 20 novembre, et plus encore le 25 novembre dernier. La bataille du 25 novembre fut empreinte de douleur pour notre peuple car même si l’arrivée de la PFP à Oaxaca s’était immédiatement accompagnée d’arrestations, d’incarcérations, de tortures et de disparitions, tous nos compañeros se voyant agressés, ce jour-là on a pu voir dans toute son horreur le plan du gouvernement pour écraser l’ensemble de notre mouvement. Après nous avoir poursuivis toute la nuit et avoir assassiné plusieurs de nos compañeros, sans que nous ayons retrouvé leurs cadavres à ce jour, les forces gouvernementales ont emprisonné des centaines de nos compañeros. Et le 26 novembre, le jour s’est levé sur une ville entièrement occupée par l’armée vêtue de gris, par les porros, par les tueurs à gages et par tous les policiers au service d’Ulises Ruiz Ortiz. Un véritable état d’exception, le moindre quartier et la moindre rue étant surveillés par nos bourreaux, et depuis, les habitants des quartiers pauvres, les femmes au foyer en général et les travailleurs de notre ville n’ont pas pu circuler librement dans les rues d’Oaxaca, sous peine d’être arrêtés et poursuivis pour avoir commis le seul délit dont tous les habitants de l’Oaxaca se sont rendus coupables : LA LUTTE POUR UN OAXACA LIBRE, DIGNE ET DÉMOCRATIQUE. L’état d’exception instauré dans l’Oaxaca est l’un des plus féroces que l’humanité ait jamais connus. Non seulement nous sommes surveillés et persécutés par les agents en tenue, mais nous devons aussi affronter les paramilitaires, les "porros", les tueurs et les membres du PRI de nos différents quartiers, cités et communautés. Mais rien de tout cela ne parviendra à faire plier l’indomptable volonté de l’héroïque peuple d’Oaxaca. AUX FAMILLES DE NOS COMPAÑEROS EMPRISONNÉS OU DISPARUS, Frères et sœurs, le sang de nos compañeros Andrés Santiago Cruz, Pedro Martínez Martínez, Octavio Martínez Martínez, Marcos García Tapia, José Jiménez Colmenares, Lorenzo Sampablo Salazar, Arcadio Fabián Hernández Santiago, des professeurs Pánfilo Hernández Vázquez et Emilio Alonso Fabián, et bien d’autres dont nous n’avons pas de nouvelles, a été versé, ils ont donné leur vie et ont baigné de leur sang cette terre qu’il nous incombe à tous de transformer en une terre juste, à l’image de celle dont ils ont tous rêvé, libérée de la pauvreté, de la marginalisation, affranchie du joug de l’oppression et de l’exploitation. Vous tous qui ignorez encore tout comme nous le destin de vos parents, de ceux que nous avons déclarés disparus politiques, sachez que c’est Ulises Ruiz et son gang de malfaiteurs qui est responsable de la disparition de nos compañeros. L’État tout entier est responsable de ce qui a pu leur arriver, c’est pourquoi notre lutte ne peut s’achever, les coupables de ces disparitions doivent être châtiés et tous les disparus doivent être présentés vivants. Nous savons que dans des centaines de foyers dans l’Oaxaca, on ressent indignation, tristesse et honte, parce que plusieurs centaines de nos frères, de nos mères, de nos pères et de nos enfants ont été jetés en prison. Parce que beaucoup d’entre eux ont été sauvagement torturés. Parce qu’on les a emportés dans des terres lointaines comme au Nayarit, à Matamoros, au Tamaulipas ou dans l’État de Mexico, et qu’on les a traités comme les bandits les plus dangereux. Nous, nous savons qu’il n’en est rien et qu’en tout cas, ceux qui devraient garnir les prisons, ce sont ceux qui voudraient aujourd’hui nous gouverner, eux qui ont violé toutes les libertés individuelles garanties par la Constitution, tous les droits élémentaires dont jouit tout être humain, et qui ont accaparé toutes les ressources économiques, naturelles et culturelles du peuple. Ulises Ruiz Ortiz et son gang, les patrons qui le soutiennent, le Yunque et le gouvernement fédéral, ils ont tous commis DES CRIMES DE LÈSE-HUMANITÉ. C’est eux qui devraient remplir les geôles. Nos compañeros doivent recouvrer la liberté et tant que nous n’obtiendrons pas leur libération, leurs familles et le peuple de l’Oaxaca, ensemble, doivent continuer le combat. AUX MEMBRES DE L’ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES DE L'OAXACA ET AU PEUPLE DE L’OAXACA, Dès le 20 juin dernier, entamant la construction de ce grand instrument de lutte et d’insurrection, en vue de l’instauration du pouvoir populaire dans ce petit morceau de notre patrie, nous nous sommes engagés à mener la lutte jusqu’au bout, ce que nous avons ratifié lors du grand congrès constitutif de notre Assemblée, qui s’est tenu les 10, 11, 12, 13 et 14 novembre 2006, et plus encore pendant toute cette période si brève où nous avons tous pu voir grandir de manière extraordinaire nos forces. Nous avons étendu nos tentacules dans plusieurs endroits au Mexique et dans le monde, répandant aux quatre vents la nouvelle que la lutte que mène ce peuple qui est le nôtre ne se fait pas seulement pour obtenir la chute d’un tyran, mais que nous sommes convaincus que là où roulera la tête d’Ulises Ruiz Ortiz et là où tombera son cadavre, il nous appartient de construire cette nouvelle société que nous voulons, sans exploités ni opprimés, et que pour y parvenir, il faut une profonde transformation de l’économie, des institutions politiques de notre État et de nouvelles lois. Bref, nous avons besoin d’une nouvelle assemblée constituante qui dicte une nouvelle Constitution, pour pouvoir construire un État d’Oaxaca véritablement libre et souverain. PEUPLE DE L’OAXACA, le tyran n’a pas encore été renversé et nous sommes encore très loin d’avoir pu construire un État d’Oaxaca véritablement libre et souverain, mais que rien ni personne ne fasse plier notre volonté, rien ni personne ne va nous enlever le droit légitime de choisir notre propre destin. De grandes tâches nous attendent, nous devons continuer à consolider l’APPO en tant que seule organisation qui puisse nous aider à réaliser les aspirations les plus pures et les plus justes des oaxaquiens. Consolider l’APPO dans chaque quartier, chaque cité et chaque communauté continue d’être une des tâches les plus importantes pour atteindre ce but. Renforcer l’APPO signifie qu’il nous faut améliorer notre organisation à tous les niveaux, prendre soin et protéger les meilleurs cadres que nous ait donnés l’Oaxaca. Ils se comptent par milliers aujourd’hui et ils ont démontré une authentique capacité et détermination. Assurer leur sécurité à tous, c’est garantir la poursuite de notre lutte. À l’heure où le fascisme veut s’imposer coûte que coûte sur nos terres, une totale unité est plus que jamais nécessaire au sein de l’APPO. Nous devons resserrer les rangs face à l’État qui cherche à nous diviser pour nous frapper plus fort, chose qu’il faut empêcher à tout prix. Nous devons au contraire mobiliser toutes nos forces contre les bourreaux de notre peuple, luttons contre eux sans trêve, faisons de l’APPO un seul homme pour la rendre plus forte, ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons jusqu’au bout. AUX PEUPLES DU MEXIQUE ET DU MONDE, Dans le monde entier, les capitalistes assistent à la décomposition de leur système, car chaque jour la crise du capital est plus aiguë et pour survivre, ils en sont réduits à déclencher des guerres de pillage, comme ils l’ont fait en Irak, en Afghanistan, en Palestine et au Liban. Une fois encore, les grands empires veulent une nouvelle répartition du monde. L’impérialisme, en tant que système qui a servi à l’enrichissement d’un petit nombre de maîtres de l’argent et du pouvoir et à sucer le sang et la sueur de millions de pauvres dans le monde entier, s’épuise. Au Mexique aussi, dans le cadre de cette crise généralisée, ceux qui pensaient pouvoir régner longtemps encore en maîtres absolus sur notre pays voient aujourd’hui fondre entre leurs mains toute l’histoire du capital au Mexique, ses institutions, ses lois, le contrôle désormais impossible qu’il exerce sur la vie économique, sociale et culturelle, et ils font tout ce qu’ils peuvent pour se maintenir au pouvoir, violant partout les lois de la Constitution, employant sans retenue toute la force de leur armée et de leur police pour résoudre les problèmes politiques et sociaux, jetant en prison tous les opposants, violant les droits humains les plus élémentaires. À peine parvenu au pouvoir, Felipe Calderón a montré les crocs avec lesquels il pense gouverner le pays, à la manière de l’extrême droite la plus réactionnaire, comme le Yunque, au lieu de chercher à résoudre véritablement la misère, la famine et la marginalisation dont souffrent des millions de Mexicains. Mais non, la première chose qu’il a faite, c’est de réduire les dépenses des services de santé et d’éducation et toutes les autres dépenses sociales, pour augmenter la solde des militaires. PEUPLE DU MEXIQUE, devant une telle situation, si le système impérialiste cesse de fonctionner pour les puissants de ce pays, cela signifie que le moment est venu pour les millions de travailleurs de la campagne et de la ville de construire le Mexique d’en bas. Pour y parvenir, nous devons joindre tous nos efforts d’unité et de lutte en un FRONT UNIQUE contre le capitalisme et l’extrême droite, remplacer les anciennes lois par de nouvelles lois véritablement au service du peuple mexicain. C’est pourquoi la création d’une NOUVELLE ASSEMBLÉE CONSTITUANTE en vue d’élaborer une NOUVELLE CONSTITUTION est une des tâches les plus urgentes pour l’ensemble des Mexicains. Le peuple de l’Oaxaca et l’Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca vous appellent donc très humblement et fraternellement à avancer tous ensemble sur cette voie. Le moment décisif approche, les heures, les jours décisifs. C’est notre tour, c’est au tour de tous les travailleurs des campagnes et des villes. CONSTRUISONS DES ASSEMBLÉES POPULAIRES DANS CHACUN DES ÉTATS DE LA RÉPUBLIQUE, CONSTRUISONS L’ASSEMBLÉE NATIONALE DES PEUPLES DU MEXIQUE. PEUPLES DU MONDE, nous voulons que vous sachiez aussi que la lutte que nous menons dans ce petit morceau de notre planète qui s’appelle Oaxaca est votre lutte aussi, comme le sont celles de nombreux autres peuples au Moyen-Orient, en Europe, en Amérique latine, comme le sont celles des émigrants aux USA et de bien d’autres encore. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de resserrer les liens d’unité et de solidarité entre nos luttes. Avec votre aide à tous, nous allons stopper la répression et le fascisme que l’on veut imposer à Oaxaca et au Mexique. Nous vous demandons de continuer les mobilisations de solidarité avec les peuples de l’Oaxaca dans le monde entier, il n’y a que de cette manière que l’on réussira à briser le siège de l’extrême droite et du fascisme. À TOUS LES INTELLECTUELS, TOUS LES ARTISTES, TOUS LES MEMBRES ÉMINENTS DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE ET AUTRES, TOUTES LES ONG, Nous vous appelons à poursuivre et à multiplier vos actions pour divulguer les graves violations des droits élémentaires des personnes dont est victime notre peuple et en particulier la situation de nos prisonniers et de nos disparus. Pour le peuple de l’Oaxaca, vous avez joué un rôle crucial pour briser le blocus de l’information avec lequel l’État voudrait occulter la situation dans l’Oaxaca. Nous vous demandons d’aller voir nos prisonniers et de dénoncer la disparition de beaucoup de nos frères oaxaquiens. Nous lançons un salut combatif aux actions qui ont été appelées pour le 22 décembre prochain par l’Armée zapatiste de libération nationale dans le cadre de l’anniversaire du massacre perpétré contre nos frères à Actéal, au Chiapas, et nous appelons à multiplier ces actions de solidarité avec les peuples de l’Oaxaca. POUR UN ÉTAT D’OAXACA VÉRITABLEMENT LIBRE ET SOUVERAIN ! LE FASCISME NE PASSERA PAS DANS L’OAXACA ! VIVE LE PEUPLE DE L’OAXACA ! TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ! ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES DE L’OAXACA. Décembre 2006, ville de la Résistance Oaxaca de Juárez Oaxaca. Traduit par Angel Caido. http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/boletines/ |
| | Posté le 18-12-2006 à 21:22:17
| Salutation à vous toutes et à vous tous, Tout d’abord, un petit mot rapide pour apporter une correction importante à mon courrier précédent : le Comité du 25 de Noviembre ne fait pas de distinction entre les prisonniers qui auraient ou non commis des actes de vandalisme ou auraient ou non agressé les flics de la PFP, comme je l’affirmais. A ma décharge, je dois dire que je n’ai fait que rapporter les propos inconsidérés d’un des membres du Comité qui l'assurait à "La Jornada". Après vérification auprès des intéressés, il est important et urgent d’apporter cette rectification. Hier (lundi), nous sommes allés rendre visite aux instituteurs du CMPIO qui ont neuf des leurs enfermés à Nayarit. Il y avait là présentes quelques familles des détenus qui revenaient justement de Nayarit après avoir pu enfin visiter les membres de leurs parentés embastillés. Elles nous ont relaté comment elles ont décidé de faire ce voyage de dix-huit heures qui leur a coûté 800 pesos dès qu’elles ont appris que leurs proches avaient été transférés, elles nous ont raconté les jours d’attente, l’angoisse, la difficulté d’obtenir ce droit de visite*, la nécessité de frais supplémentaires (puisque les autorités pénitentiaires exigent que les visiteurs soient habillés de vêtements de couleurs spécifiques qui ne se confondent pas avec les uniformes des prisonniers), l’humiliation des fouilles (neuf au total) tout au long du processus pour s’approcher du parloir, les photos de face, de profil et de dos, les machines où l’on présente ses mains qui sont censées détecter des traces de drogue (l’épouse d’un des détenus s’est fait recaler à ce stade, la machine ayant décelée des traces d’héroïne et de cocaïne). Finalement, après avoir poireauter trois heures à l’entrée du centre pénitentiaire puis encore trois autres heures à se prêter aux singeries et aux vexations de l’administration, en fin de journée, certaines d’entre elles ont pu avoir ce premier contact tant attendu (depuis leur arrestation le 25 novembre) avec leur parent. A travers une vitre, avec un maton derrière le visiteur et un autre derrière le prisonnier ils ont pu ainsi discuter une demi-heure et pas une minute de plus. Les cheveux ras (hommes comme femmes) et leurs corps portant encore les stigmates des coups reçus, ils ont raconté les conditions dans lesquelles ils ont été appréhendés, leur transfert jusqu'à Nayarit et les conditions de détention dans ce centre de moyenne sécurité. Les prisonniers, depuis leur arrivée, sont sous surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de déterminer leur degré de dangerosité (ce qui durera au moins un mois et demi). A trois par cellule pour les hommes, à deux ou seule pour les femmes, il leur est interdit de converser entre eux (la nuit, quand la surveillance se relâche quelque peu, ils murmurent pour communiquer), ils n’ont pas le droit d’avoir d’objets personnels, ni livre, ni revue, ni papier, ni crayon... Le père de Yenny Aracely Sanchez (dix-neuf ans, promotrice d’éducation indigène) nous a rapporté que sa fille a été serrée ainsi que quatre de ses compagnons le 25 novembre vers 20 heures par des éléments de la PFP alors qu’ils étaient en train d’attendre un de leurs amis à une station de bus en dehors du centre-ville. Tabassée et menacée d’être violée, elle a été conduite à la prison de Mihuatlan, de là, le lendemain, elle a pu prévenir sa famille de sa détention avant d’être transférée le lundi à Nayarit. Durant le transfert en hélicoptère, les détenus ont été menacés d’être balancés dans le vide. Elle porte encore les marques des coups de matraque sur les bras et sur les jambes. L’épouse de Joel Zaraga Carrera (trente-deux ans, père de cinq enfants, instituteur du CMPIO) nous a raconté que son mari a été arrêté dans le centre-ville le 25 novembre. Il a été sauvagement matraqué et tabassé bien plus que d’autres, car il s’est montré "bravo" (vaillant) face aux cognes, insulté et menacé. Il a révélé que c’est le pire de ce qu’íl a vécu jusqu'à présent. Détenu à Tlacolula avant d’être transféré le lundi avec les autres à Nayarit. Il est resté sans soin et exhibe sur tout le corps les traces des coups reçus. Sa femme est inquiète car il est déprimé et désespéré. La compagne de Fortunato Morales (trente-trois ans, père de famille, instituteur du CMPIO) nous a exposé que son mari a été appréhendé le 25 novembre dans le centre-ville alors qu’il portait secours à son frère. Aveuglé par le gaz lacrymogène, il s’est fait tabasser tandis qu’il cherchait à se protéger des brutalités policières. Il présente des marques de coups sur toutes les parties du corps et une profonde plaie sur le côté droit du crâne. Détenu à Tlacolula dans un premier temps, il a été transféré le lundi, les yeux bandés, jusqu’à Nayarit. La conjointe d'Eloy Morales Pastelia (vingt-sept ans, instituteur du CMPIO et frère de Fortunato) nous a narré l’arrestation de son époux le 25 novembre alors que celui-ci était à terre, atteint par une grenade lacrymogène. Brutalement frappé et matraqué par la PFP, il a été conduit à Tlacolula puis à Nayarit le lundi. Comme les autres, il montre des ecchymoses sur tout le corps. Blessé à l’œil et au genou, il est resté sans soin durant tout ce temps. En prison, les deux frères n’ont pas de contact entre eux. Le père de Rosalba Aguilar Sanchez (vingt ans, institutrice du CMPIO) nous a affirmé que sa fille a été appréhendée vers 20 heures en dehors du centre-ville le 25 novembre, puis transférée à Nayarit. Elle dévoile des contusions et une blessure à la tête. Il faut savoir que, parmi les familles qui ont fait le déplacement à Nayarit, toutes n’ont pas pu visiter leur parent. Les plus atteints physiquement par la répression restent au secret. A Nayarit, le "planton" de protestation composé des familles des détenus devient de plus en plus important et compte maintenant une centaine de personnes. En compagnie des familles, nous sommes allés rencontrer l’avocat qui s’occupe de la défense des maîtres indigènes détenus. Celui-ci a fait le voyage jusqu'à Nayarit pour rencontrer ses clients, mais les autorités pénitentiaires lui ont refusé l’accès. Il nous a exposé ses deux stratégies d’actions pour obtenir la libération des prisonniers, la juridiction de droit commun ou la juridiction de droit fédéral. Dans le premier cas, le "fuero comùn", il mettrait en évidence l’absence de preuve et de témoin pour parvenir à l’appellation et ainsi obtenir la libération des détenus. Dans le second cas, le "fuero federal", il mettrait en évidence la violation des droits humains pour obtenir la libération. Le premier cas présente l’avantage d’être la voie la plus rapide pour obtenir la libération mais un gros désavantage puisqu’il impliquerait une négociation avec le gouvernement d’Ulises Ruiz, donc une reconnaissance de l’autorité du tyran. Le second cas, la voie la plus longue (plus ou moins un mois et demi), présenterait l’avantage de mettre en évidence les irrégularités du processus juridique et en même temps d’apporter la preuve et de dénoncer les violations des garanties individuelles et des droits humains. Dans le post-scriptum, je vous transmets deux numéros de compte. A bientôt, M., Oaxaca, le 12 décembre 2006. PS : Si vous voulez soutenir en contribuant financièrement les familles des détenus, je communique deux numéros de compte : Pour le CMPIO : au nom de Maximo Morales Gonzàlez ou Beatriz Gutiérrez Luis Calle Paraiso #723 Colonia del Bosque, Santa Lucia del Camino CP 68000 Oaxaca numéro de compte : 60-52322008-3 numéro de SWIFT : ? Banque : Santander Serfin 5358 Sucursal Abastos Oaxaca Calzada Fco. I. Madero # 539 colonia Centro Oaxaca CP: 68000 (il manque le numéro de SWIFT qui vous sera prochainement communiqué) Pour le Comité de familles de détenus et de disparus d'Oaxaca (COFADAPPO) : au nom de Deysi Santiago Hernàndez, numéro de compte : 120-7895381, numéro de SWIF : BNMXMXMM Banque : Sucursal 120 de Banamex Calle Hidalgo # 821 Colonia Centro CP 68000 Oaxaca * Pour obtenir le droit de visite, les familles doivent fournir : l’acte de naissance original du détenu et deux copies simples ; l’acte de naissance original du visiteur et deux copies certifiées auprès d’un notaire ; l’acte de mariage original et deux copie certifiées devant notaire ; en cas de concubinage, il est nécessaire de présenter la preuve de concubinage d’un juge de famille ; une preuve de domiciliation (une facture récente) qui coïncide avec le domicile de la carte d’électeur et qu’elle soit au nom de la personne qui fait la demande du droit de visite. Dans le cas contraire, il faut annexer la preuve de l’identité du titulaire, ou la preuve de résidence original et deux copies simples ; une pièce d’identité avec photo en cours de validité et deux copies simples ; trois lettres de références personnelles qui ne soient pas de la même famille ni de ses chefs de travail, qui signalent le nom de la personne, son domicile, son téléphone, son travail, et depuis combien de temps ils se connaissent, originales avec ses deux copies ; et trois photo d’identité de taille infantile en couleur et sur fond blanc... Voila c’est tout, c’est pas simple mais c’est original... |
| | Posté le 20-12-2006 à 14:34:37
| LA BATAILLE D'OAXACA Suspense à la chambre des députés ce 1er décembre. Dans l'imposant hémicycle du Parlement règne un tohu-bohu incontrôlable. Sous les deux drapeaux géants vert-blanc-rouge qui servent de toile de fond, au milieu des braillements, des slogans rageurs ou patriotiques, les députés du PRD, la gauche, et du PAN, la droite au pouvoir, sont agrippés à la tribune, qui a servi de ring, de dortoir et de cantine depuis trois jours. Ils ont mangé sur place, dormi sur les velours et les boiseries et, à plusieurs reprises, fait le coup de poing, ni les uns ni les autres ne voulant abandonner leurs positions stratégiques dans le grand salon des séances plénières. A 8 heures du matin, le pugilat reprend. Ceux de la gauche tentent de bloquer toutes les portes avec leurs chaises curules pour empêcher d'entrer Felipe Calderón, le nouveau président, et Vicente Fox, le président sortant, qui doit lui transmettre aujourd'hui les insignes du pouvoir. Jamais Calderón ne prêtera serment, le PRD l'a juré, jamais il ne sera intronisé devant le Congrès à la date solennelle fixée par le calendrier institutionnel. Début juillet, lorsque Felipe Calderón a été déclaré vainqueur des élections avec un avantage de 1,4 %, plus d'un million de partisans d’Andrés Manuel López Obrador, le candidat du PRD, sont descendus dans la rue pour protester contre un résultat qu'ils estiment frauduleux. Tout l'été, ils ont multiplié les manifestations, exigeant, en vain, le recompte des voix. Pendant un mois et demi, ils ont occupé l'avenue Reforma, la principale artère de la capitale, qu'ils ont transformée en un immense campement. Le 1er septembre, ils ont empêché le président Fox de faire son rapport d'activité devant le Congrès. Comblant chaque fois le Zocalo, la grand-place de Mexico, ils l'ont éclipsé de deux fêtes nationales : celle de l'Indépendance, le 16 septembre, où il a dû se contenter d'une maigre célébration en province, et celle de la Révolution, le 20 novembre, où ils ont proclamé López Obrador "président légitime". Ce 1er décembre, López Obrador harangue la foule qui remplit le Zocalo, une nouvelle fois. Et une nouvelle fois, pas une image de cette mobilisation à la télévision. Aucune chaîne ne remarque ces cent mille manifestants qui remontent maintenant l'avenue Reforma. Pour plus de sûreté, les autorités ont interdit aux hélicoptères des médias de décoller, prohibant ainsi toute vision d'ensemble. En prévision des troubles, l'état-major présidentiel a bloqué les grands axes où doivent se déplacer les convois, encerclé les points névralgiques de l'opération transition et restreint l'accès à plusieurs zones de la capitale. Tout autour de l'immense palais du Congrès et du quartier avoisinant ont été fixés au sol des kilomètres de rambarde d'acier de trois mètres de haut, gardées par des cordons de forces de l'ordre de toutes les corporations. Autre périmètre interdit, une triple barrière policière entrave l'avenue Reforma et une garnison fait la haie autour du parc du parc de Chapultepec, où doit se dérouler une partie des célébrations. Des postes de contrôle assurent la stricte étanchéité du dispositif. Le déploiement logistique traverse toute la géographie urbaine. Coupée en deux moitiés protégées l'une de l'autre, la ville schizophrène doute de qui croire : la douce musique de la télé ou la rumeur amère de la rue. Le Parlement est juste sur la frontière, unique point de contact de deux univers imperméables, étape obligatoire de la passation du pouvoir, dixit la Constitution, où le rite doit s'accomplir ponctuellement. 9 h 30, toutes les télés s'arrêtent, toutes les radios se taisent pour faire place à la parole unique : le Centre de production des programmes spéciaux de la Présidence prend le relais et monopolise la transmission, ne laissant filtrer aucune autre image. Un couple de présentateurs bien peignés se félicitent du calme régnant et du bon fonctionnement de la démocratie. Pendant ce temps, le prochain chef de l’État, un petit chauve à lunettes, s’est glissé par la porte de derrière les drapeaux jusqu'à la tribune bondée. Au moment exact, il apparaît sur les écrans, en plan serré, toute turbulence hors cadre. Il dit ses trois phrases dans le micro sacré, jure de respecter et faire appliquer la Constitution dans un presque silence où les huées et sifflets, baissés au mixage, se sont amenuisés jusqu'à n'être plus qu'un murmure qu'on pourrait croire d'approbation. Fox, apparu entre deux épaules, lui remet plus ou moins solennellement l'insigne de sa fonction, et Calderón enfile l'écharpe tricolore encore chaude de son prédécesseur. Le président de séance envoie l'hymne en vitesse, et tous deux disparaissent par où ils sont apparus un instant plus tôt, fin de transmission. Cérémonie express, la passation est expédiée en 3 minutes 45 secondes. Big Brother rend l'antenne. Son forfait commis, la caméra s'enfuit de ce grand salon qui sent la sueur et les cris vers les beaux quartiers pour la suite du programme : close-up au téléobjectif de gens frais rasés entre visages nets de gardes empanachés. Loin du centre houleux, sous les frondaisons du parc de Chapultepec, on a commencé à filtrer les entrées à l'Auditorium national, la moderne salle de spectacle que le nouvel intronisé a réservée pour adresser son message à la nation. Très loin de là, à Oaxaca, les brigades d'intervention spéciale patrouillent dans les rues, ratissent les quartiers rebelles, s'emparent des passants suspects, effectuent des arrestations en sourdine, sans mandat, rompant les portes et les meubles des domiciles des "agitateurs", torturent les détenus et les font monter dans des hélicoptères d'où ils menacent de les jeter en plein vol, tandis que les bataillons de gendarmes qui occupent le centre-ville tentent d'effacer toute trace de six mois de lutte. Le 22 mai dernier, dans cet État gouverné le Parti révolutionnaire institutionnel depuis 1929, les 70 000 maîtres d’école se mettent en grève pour exiger un réajustement de leurs salaires. Venus des banlieues et des villages, de la sierra et de la côte pacifique, vingt mille instituteurs et institutrices, nombre d'entre elles avec des enfants en bas âge, portant leurs couvertures, marmites et braseros, campent autour du palais du gouvernement et de la cathédrale et organisent ce qu'on appelle au Mexique un planton, c'est-à-dire un forum permanent de pression, d'exposition de leurs revendications. Le 14 juin à l'aube, le gouverneur du PRI, Ulises Ruiz, envoie 2 000 policiers évacuer le campement manu militari. Réveillés en sursaut à coups de matraque, les instits et leurs familles se réfugient dans les établissements scolaires. Les hélicoptères entrent en action et les bombardent de grenades lacrymogènes. Dans les cours d'école, la situation devient insoutenable. On dénombre une soixantaine de blessés. Pourtant, les grévistes se regroupent et à 10 heures du matin, forts de leur nombre et de l'appui des habitants, réoccupent le centre-ville. L'action du gouverneur Ruiz a déclenché contre lui beaucoup plus de forces que celles qu'il comptait réprimer. En plus du planton, de ces profs en grève qui jour et nuit font de l'agitation autour de leur cause, il a sur les bras, à partir de ce 14 juin, un soulèvement social, pacifique mais virulent, qui exige sa démission et dénonce une multitude d'abus des autorités. Ce qui était une grève corporatiste soutenue par la population est devenu une contestation généralisée. Trois jours après se cristallise l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca. "Des peuples", au pluriel. Il ne s'agit pas du peuple, la référence fondatrice des idéologies socialistes européennes, mais des peuples, de toutes sortes de peuples différents. L'APPO agglutine des syndicats professionnels, organisations autonomes, associations culturelles, groupements paysans, coopératives, communautés de villages, porte-parole des seize peuples indiens qui habitent l'État d'Oaxaca. Dans un même forum se retrouvent les formations qui représentent ces diverses cultures, ces diverses appartenances qu'on appelle des "minorités", des groupes politiques nés de luttes antérieures, héritiers de décennies de combats et de répression, mais aussi une masse d'inorganisés sans emploi, marginaux, habitants de hameaux isolés, prostituées, artistes contestataires, mères de famille, punks, instituteurs, travailleurs migrants, étudiants et autres tribus, le réseau dense des micro-sociétés qui couvre l'espace rural et urbain. Pendant cinq mois, elle tient la ville d'Oaxaca, et son action s'étend aussi à beaucoup de bourgs et de campagnes. Les écoles sont fermées, les instances de l'État sont paralysées ; elle occupe les institutions, le siège des pouvoirs et des administrations, envahit des mairies. Le 17 juillet, elle bloque les hôtels et empêche la réalisation de la Guelaguetza, l'ancienne fête indienne de la prodigalité et des récoltes, que les autorités ont converti en festival touristique payant, et qu'elle célèbre à la manière traditionnelle sur les places publiques. Le gouverneur ne laisse pas aux rebelles de l'APPO le temps de pousser plus avant cette expérience de la liberté, de conquête d'espaces nouveaux. Très vite il les harcèle ; par les attaques des médias à ses ordres, par les exactions de ses hommes de main, il les pousse à la guerre, à l'activité obsédante de la résistance. Le 1er août, plusieurs milliers de femmes envahissent les studios pour faire taire la station Radio La Ley (la loi) et la chaîne 9, la télévision locale où les actualités sont jour après jour un long reportage sur les réalisations du gouverneur Ulises Ruiz et un constant dénigrement de leur cause. Tapant sur des casseroles, elles obstruent la transmission puis se mettent à donner les nouvelles au micro, à présenter leurs luttes, à dénoncer les injustices, à convoquer des mobilisations, à passer des vidéos sur d'autres mouvements. Deux jours plus tard apparaissent des commandos en 4×4 noirs sans plaque qu'on appellera les "convois de la mort" ; la nuit, ils mitraillent à la kalachnikov les locaux de télé occupés. Dans les jours qui suivent, trois membres d'organisations indiennes sont exécutés. Puis trois instituteurs sont enlevés par la police et torturés. Le lendemain, au milieu d'une marche pacifique pour leur libération, un manifestant est tué par des agents en civil embusqués. Le 20 août, un contingent armé tente de récupérer radio La Ley et tue un des occupants. Le 21 août, un groupe paramilitaire expulse les femmes de la télévision ; l'APPO s'empare de douze stations de radios. Pour bloquer les convois de la mort, le mouvement décide de construire des obstacles, de dresser des barricades. Mais les agressions et les raids se multiplient. Les gens qui veillent sur les barricades sont à leur tour la cible des assassins. Le 27 octobre, quatre personnes sont tuées par balles dont un journaliste américain, Bradley Will, qui travaillait pour le réseau d'information par Internet Indymedia. Les morts sont dans le camp du mouvement et les tueurs dans celui du gouverneur. Pourtant, ces meurtres, la télé les appelle des "affrontements" et les speakers appellent à rétablir l'ordre, à "mettre fin à la violence, de quelque bord qu'elle soit". Le 30 octobre, le gouvernement de Fox envoie de Mexico les forces fédérales. Les pistoleros insaisissables sont remplacés par les bataillons casqués. Douze "tankettes", comme les dénomment les journaux, sinistres blindés anti-émeutes bardés d'un chasse-neige à manifestants, hérissés de caméras et de canons à eau qui crachent un liquide corrosif, ouvrent la voie aux 6 500 gendarmes qui marchent sur la ville ; les hélicoptères survolent leur progression. La bataille d'Oaxaca, comme titre les journaux, dure toute la journée. La population oppose une résistance opiniâtre. Un peu avant 3 heures, encerclés par une foule qui agite des affiches manuscrites et les invective, un premier contingent de 300 policiers doit se retirer du zocalo. Le gros des troupes avance pourtant. Au soir, une manif de 15 000 personnes se rassemble dans le nord et progresse vers le centre, mais évite l'affrontement. La police finit par conquérir la place centrale. Parallèlement, elle perquisitionne les maisons des militants de l'APPO. Les blessés et disparus se chiffrent par dizaines. Un jeune infirmier est tué par l'impact d'une grenade lacrymogène. Le 2 novembre, le jour des morts au Mexique, les habitants des quartiers ont transformé les barricades en autels dédiés aux victimes de la répression et décoré le campement de l'APPO d'offrandes traditionnelles. Ils disposent devant leurs portes des bassines d'eau vinaigrée, des caisses de bouteilles de soda, des chiffons, des draps qu'ils déchirent, des paquets de serviettes menstruelles humidifiées que les manifestants utilisent en guise de masque à gaz. Certains, sur leurs terrasses, éblouissent avec les miroirs les pilotes des hélicoptères qui effectuent des vols rasants et tirent des grenades de gaz lacrymogène. Une partie du mouvement s'est repliée à l'université pour protéger Radio Universidad, la dernière radio de l'APPO. Les policiers ont pris la barricade qui en défendait l'accès, sur le rond-point de Cinco Señores. Ils ont bloqué toutes les rues qui y mènent et marchent sur les bâtiments des facultés. Face à eux, les étudiants, résolus, contre-attaquent à coups de pierres, de cocktails Molotov, de pétards qu'ils lancent à l'aide de sarbacanes, des tuyaux en PVC que la télé appelle des bazookas. Les plus aventureux renvoient les grenades lacrymogènes avec un gant ou un chiffon pour ne pas se brûler. D'autres ont trouvé un truc, les arroser de Coca-Cola dès qu'elles sont à terre : le liquide caramélise, les étouffe et les scelle complètement. Les manifestants réussissent à immobiliser une "tankette" et même à en prendre une autre, du moins à déloger ses occupants : bravant la bête, un guerrier masqué grimpe sur la carlingue et bombe à la peinture la meurtrière du pare-brise et l'œil de la caméra, aveuglant le monstre ; d'autres l'aspergent d'essence et y mettent le feu. Les occupants s'enfuient, abandonnent leur engin réduit à l’impuissance. A ce moment, au milieu de la journée, de tous côtés, derrière les rangs de la police, des manifestations descendent des hauteurs de la ville par les rues qu'ils ont barrées. Prises à rebours, les forces de l'ordre, à court de liquide pour leurs canons et de cartouches de gaz pour leur lance-grenades, se retrouvent encerclées et doivent se replier au pas de course. Professeurs de fac, ouvriers, vendeuses du marché, combattants aux boucliers de bois peints aux couleurs de l'APPO et paysans maniant la fronde, exultent : "Victoria !" Le 20 novembre, les zapatistes bloquent les routes du Chiapas en solidarité avec Oaxaca. Cette nuit-là, la police brûle le dernier campement de l'APPO. L'ultime radio tenue par les rebelles est baillonnée. Le 25 novembre, l'APPO décide d'encercler la police. Celle-ci attaque les cortèges qui l'entourent. Postés sur les toits, les sbires du gouverneur tirent sur les manifestants. Des cocktails Molotov sont lancés contre le tribunal, le théâtre et un hôtel. Exactement ce qu'il fallait à la télévision : Oaxaca en flammes ! A la nuit, la rafle commence, une vague de détentions visant à exécuter les quelque 600 mandats d'arrêts lancés par la justice. Plus de deux cents personnes sont détenues. Ceux qui échappent se cachent. Tandis que la chasse continue, 141 prisonniers dont 3 mineurs et 36 femmes sont transférés en hélicoptère au pénitencier de haute sécurité de l'État de Nayarit, à 1 200 kilomètres de là, et soumis au régime réservé aux délinquants très dangereux : sans contact avec leur famille, interdits de visite des avocats, médecins, observateurs des droits de l'homme. Ce 1er décembre, le journal annonce que les deux fonctionnaires municipaux identifiés comme les meurtriers du journaliste Bradley Will ont été libérés. La presse publie la photo du gouverneur Ulises Ruiz, parcourant triomphalement les rues de sa capitale pour la première fois depuis six mois, malgré les 17 morts qu'on lui impute. A midi, alors que sur l'avenue Reforma les partisans de López Obrador se dispersent dans l'amertume d'une vaine mobilisation, télé-présidence reprend possession des ondes, interrompant le cours des émissions. Le couple de présentateurs bien coiffés soulignent les ovations et slogans : "La satisfaction est générale, le pays a su mener d'une façon incontestable l'étape de la transmission des pouvoirs, moment historique qui inaugure une nouvelle ère..." "Sí se pudó!" (on a pu le faire !) scande une foule sage et réjouie, un public choisi, nanti de 8 000 cartons d'invitation, que balayent les caméras téléguidées suspendues au plafond du bâtiment comme dans les matches de foot. A l'Auditorium national, le vrai show de la journée commence. Monsieur Slim, le propriétaire de la compagnie de téléphone, messieurs Salinas Pliego et Azcarraga, les patrons des deux télés commerciales, sont là, parmi les grands hommes du business et de la politique. Les seuls visages sombres sont les gardes du corps indiens aux tempes rasées en complets cintrés répartis dans les travées, et une petite délégation de représentants indigènes. Leurs chemises brodées et sombreros, qui détonnent parmi les cravates et les étoles, accrochent un instant le regard des caméras qui s'éloignent aussitôt car ils ne chantent pas l'hymne assez visiblement. Devant ce parterre trié sur le volet, ce Mexique sur mesure, opulent et satisfait, Calderón, sur le podium tapissé de blanc étincelant, a l'occasion de se montrer un vrai leader et lance des phrases comme : "Tous les enfants qui naîtront à partir de ce 1er décembre 2006 auront la sécurité sociale" ou "Je vais dès à présent baisser les salaires des hauts fonctionnaires d'État et du président". Il ne dit pas de combien (finalement ce sera de 10 %). Sous le charme de l'orateur, le peuple des millionnaires, les militants du capitalisme scandent, paraphrasant un slogan populaire (ça se voit, ça se sent, le peuple est présent) : "Ça se voit, ça se sent Felipe président !" De part et d'autre de son pupitre, les ministres qu'il vient de nommer font étal de leurs mérites. Celui de la Santé a mené victorieusement la croisade contre la légalisation de la pilule du jour d'après. Celui de l'Intérieur, ex-gouverneur de Jalisco, s'est chargé de la violente répression des manifs contre le sommet de Guadalajara en 2004. Celui de la Justice, ancien chef des services secrets, s'est chargé personnellement de coordonner et mener à bien la répression à Atenco et à Oaxaca. L'armée défile ensuite devant le chef de l'État, son nouveau commandant en chef, l'occasion du déploiement d'un drapeau sur un mât de 100 mètres de haut, de 21 coups de canon, et de la promesse de Calderón que son plan d'austérité n'affectera aucunement l'augmentation générale de salaire qu'il prévoit d'octroyer aux forces armées (ce sera de 20 %). "Le Mexique a un nouveau président ; beaucoup de choses vont se produire pour que tu vives mieux", enchaîne un message exalté des services de communication officiels sur des images d'un nouveau-né poussant son premier cri, d'un paysan accueillant la pluie avec ferveur, de jeunes se donnant l'accolade sur le chemin de l'école, de travailleurs à la tâche enthousiastes. A Oaxaca, ce 1er décembre aussi, malgré l'occupation policière et les mandats d'arrêt, une manifestation vainc la peur et défile dans les rues de la ville. Le mouvement continue, se réorganise dans les montagnes, tisse des contacts avec d'autres États où des luttes semblables tentent de se rejoindre. Pendant six mois, ses participants ont résisté, confrontés à des appareils répressifs de plus en plus puissants. Loin de l'idée de révolution léniniste, ils refusent le choix guérilla ou soumission, affirment et revendiquent leur différence avec les révoltes passées, cherchent leur chemin, une autre voie, une autre inspiration nourrie des expériences des villages et des cultures indiennes, de leur forme de démocratie, de leurs assemblées, de l'influence du précédent zapatiste. Au Chiapas, l'EZLN s'apprête à fêter le treizième anniversaire de son irruption à la surface du monde et se prépare à tenir tête à un nouveau président, le quatrième depuis son apparition publique. Les zapatistes convoquent une troisième rencontre internationale pour cet hiver et Marcos, au terme de sa tournée à travers tout le pays, lance le 2 décembre, au lendemain de la prise du pouvoir de Calderón, une nouvelle campagne pour la libération des prisonniers d'Atenco et d'Oaxaca. Joani Hocquenghem Texte à paraître dans le prochain numéro de la revue "Chimères". http://www.revue-chimeres.org/ |
| | Posté le 20-12-2006 à 18:59:31
| Un texte du PCMLM sut le "commune" d'Oaxaca :
Au sujet de la « commune » d'Oaxaca Jusqu'à présent il n'était pas souhaitable de critiquer le mouvement s'étant développé à Oaxaca, car la solidarité primait sur la répression. Mais désormais rien ne doit empêcher la critique non seulement de la nature de ce mouvement, de son développement, de son effondrement totalement prévisible. S'imaginer que dans un pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, on puisse avoir une contestation faisant reculer le fascisme, est une illusion criminelle. C'est pourtant cette illusion qui a été propagé par le courant anarchiste, en France comme dans d'autres pays. Ainsi, il a été considéré comme « scandaleux » que les médias ne parlent pas de la situation à Oaxaca, alors que ces mêmes anarchistes n'ont jamais parlé ne serait-ce qu'une seule fois de la grève de plusieurs milliers d'usines au Bangladesh en mai-juin 2006 ou des affrontements armés qui ont lieu quotidiennement en Inde. Et dire cela ce n'est pas opposer un mouvement à un autre, mais simplement constater que les ouvriers et les paysans n'intéressent pas les anarchistes, pas plus que la révolution agraire ou le fait de chasser les monopoles US ou européens. Les anarchistes préfèrent qualifier d'exemplaire une lutte des... instituteurs protestant contre le caractère non démocratique des élections du gouverneur. Cette protestation a consisté en l'occupation de la place principale de la ville, d'une ville de 300.000 habitants dans un pays de 100 millions de personnes - c'est dire si l'action est à la fois réformiste et d'une proportion infime dans l'histoire du Mexique. Même la répression contre le mouvement le 14 juin 2006, qui a fait 8 morts, 15 disparus, n'est malheureusement rien dans l'histoire révolutionnaire du Mexique, un pays fasciste où les opposants sont exterminés - mais cela les anarchistes ne veulent pas le voir. Ils préfèrent fantasmer sur l'Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO), qui serait une « Commune de Paris » moderne alors qu'en fait il s'agit d'un rassemblement de 350 différentes organisations (associatives, syndicales, politiques, indigènes mais également des syndicats de professions libérales) ayant géré la misère sociale pendant plusieurs mois, sans jamais socialiser la production et la consommation. Certaines associations ou personnes participaient beaucoup à l'APPO, d'autres très peu, d'autres parfois, etc.; il n'y a pas eu de révolution au Mexique et l'APPO n'était pas le pouvoir des conseils populaires, voilà la vérité! L'APPO était une coordination visant, sur la base du pacifisme, aux négociations avec l'Etat fasciste mexicain - à qui était attribué la légitimité (par opposition au pouvoir régional du gouverneur). Ainsi, si l'APPO faisait appliquer aux « délinquants » des travaux d'intérêt général, dans le cas d'un assassin, d'un paramilitaire ou d'un franc-tireur, l'APPO remettait celui-ci à la justice fédérale, la PGR (Procuraduría General de la República) par l'intermédiaire du syndicat des enseignants! Et l'on veut faire passer cette pratique pour la Commune de Paris? Alors dans ce cas la Commune de Paris vit dans chaque canton de la Confédération Suisse! L'un des principaux dirigeants de l'APPO explique lui-même les misérables objectifs du mouvement : « Dans un premier temps, l'APPO était une réponse populaire face à l'agression contre les enseignants et cherchait à atteindre un objectif commun : la démission de Ulises Ruiz Ortiz [le gouverneur de l'Etat d'Oaxaca, ndlr]. Par la suite, l'idée s'est développée qu'il ne s'agissait pas seulement de rechercher la chute d'Ulises mais aussi de commencer à transformer nos conditions de vie et d'établir les fondements d'une nouvelle relation société-gouvernement. Dans cette perspective, on a réalisé plusieurs débats très intéressants, avec notamment la participation d'universitaires, d'intellectuels, de religieux et de membres d'autres organisations. » (Interview de Flavio Sosa, 6 décembre 2006, RISAL). Oui, la résistance populaire aux escadrons de la mort, les affrontements et les barricades, ont été une bonne chose - mais tout cela dépasse le cadre étroit et réformiste « dur » de l'APPO, tout cela a voir avec la lutte de classes et non pas le culte d'un gloubi-boulga rassemblant différentes couches sociales, sans aucune préoccupation de la paysannerie et sans direction de la classe ouvrière. Ce n'est pas pour rien que l'APPO s'est clairement désolidarisé des actions unifiées de 5 guérillas (le Mouvement révolutionnaire Lucio Cabanas Barrientos, la Tendance démocratique révolutionnaire - Armée du peuple, l'Organisation Insurgée 1er Mai, la Brigade de justice 2 décembre et les Brigades populaires de libération). Comme l'a constaté Miguel Linares, enseignant et membre de l'APPO : « Au début, nous ne pensions pas qu'Oaxaca allait exploser de cette manière. Nous en avons seulement pris conscience lorsqu'ils nous ont attaqués le 14 juin. Il y a eu une réponse immédiate de la population. Les gens se sont solidarisés avec les enseignants et ont participé aux actions. Les barricades sont apparues à ce moment précis, lorsque nous avons commencé à être attaqués par des groupes paramilitaires. Des groupes d'autodéfenses ont alors commencé à être formés pour ne pas les laisser circuler librement dans Oaxaca. » (Interview, 23 novembre 2006, RISAL). Ainsi en octobre l'Etat mexicain n'a pas eu de mal à reprendre la ville et écraser la centaine de barricades; après avoir toléré les protestations, il n'a pas eu de mal fin novembre à écraser l'APPO. Les anarchistes de la CNT-AIT de Toulouse disaient : « Il y a une différence de taille entre la commune de Paris et celle de Oaxaca, c'est que cette dernière n'est pas isolée. » (Le peuple mexicain est prêt pour le communisme, 9 novembre 2006). Ils leur auraient suffits de lire « L'Etat et la révolution » de Lénine pour comprendre l'erreur tragique de l'APPO, ils n'auraient alors pas fantasmé sur le communisme au Mexique alors que le massacre par des gens armés de gens désarmés. De la même manière, l'appel de l'EZLN du « sous-commandant » Marcos est pathétique car répétant depuis une dizaine d'années la même rhétorique chrétienne : « Nous appelons à culminer ces actions par une mobilisation mondiale pour l'Oaxaca le 22 décembre 2006. Le peuple de l'Oaxaca n'est pas seul. Il faut le dire et le démontrer. Le lui démontrer et le démontrer à tout le monde. Démocratie ! Liberté ! Justice ! » (communiqué de décembre 2006 sur Oaxaca). Ce sont encore les masses, qui ne peuvent pas comme les « leaders » petits-bourgeois « se mettre au vert » dans les montagnes ou les régions reculées, qui sont les victimes de la politique petite-bourgeoise. Les guerres populaires qui se développent - en Inde, au Pérou, au Bangladesh, au Philippines, en Turquie, au Bhoutan - montrent le caractère ridicule de ce réformisme béat qui se croit « démocrate » parce qu'il donne la parole - et la direction politique - à la petite-bourgeoisie. Elles montrent qu'il ne faut pas « manifester quotidiennement » pour protester mais au contraire prendre le pouvoir, tout le pouvoir ! Et ceux et celles ne mettant pas la question du pouvoir au centre ne son t pas des communistes authentiques, comme par exemple la plus grande organisation marxiste-léniniste existante, le MLKP (PC Marxiste-Léniniste de Turquie et du Kurdistan du Nord) qui affirme : « Notre Parti le MLKP appelle toutes les forces progressistes, révolutionnaires et communistes, la classe ouvrière et les peuples opprimés, à se solidariser de la commune d'Oaxaca. » (MLKP, 27 octobre 2006). C'était à la « commune » d'Oaxaca de se solidariser avec les ouvriers et les paysans du Mexique, de s'emparer de l'idéal communiste, de comprendre la nécessité de détruire l'Etat - une tâche impossible vu les fondements de classe de l'APPO. En ce sens, l'avenir appartient au Communistes (marxistes-léninistes-maoïstes) du Mexique, à la Guerre populaire ! Pour le PCMLM, décembre 2006. >Source< |
| | Posté le 23-01-2007 à 21:10:21
| Désolé pour la mise à jour... tardive. Bien le bonjour, Le Conseil "estatal" de l’Assemblée des peuples d’Oaxaca continue son chemin, les commissions arrivent à se réunir en prenant quelques précautions élémentaires. Comme vous avez dû le savoir, le Conseil pour la Vallée centrale s’est réuni dans la nuit du 12 décembre en session plénière ; au cours de cette réunion, de nouvelles actions de protestation ont été décidées en vue de la destitution du gouverneur honni, le départ de la Police fédérale préventive et la libération "des prisonniers politiques et de conscience". Faisant preuve d’une grande imagination, le Conseil a décidé une nouvelle manifestation pour dimanche prochain à laquelle participera la COMO (Coordinadora de Mujeres Oaxaqueñas Primero de Agosto). Cette manifestation partira de la fontaine des Sept-Régions pour se rendre à la place de la Danza. En général, les femmes d’Oaxaca, "las cacerolas" qui ont pris le siège de la radiotélévision locale Canal 9 le 1er août, ont des idées, je me souviens que, lors d’une manifestation de rejet de la police fédérale accusée de violence sexuelle, elles avaient levé des miroirs face à la rangée de flics afin qu’ils puissent se voir, et lire, écrit sur les miroirs : "violadores". Cette fois, elles parlent de s’enchaîner et de se bâillonner. Cela dit, cette succession de manifestations est importante, c’est une façon de maintenir en ces moments difficiles l’unité du mouvement et la mobilisation des esprits en vue des échéances à atteindre. Hier, vendredi 15, ce sont les étudiants qui ont manifesté avec les familles des disparus et des prisonniers, ils ont surpris la PFP, qui dut prendre des mesures de protection dans la précipitation quand ils sont passés à proximité du zócalo. Durant cette session, les conseillers ont aussi résolu de se joindre à la grande mobilisation convoquée par les zapatistes le 22 décembre prochain pour le neuvième anniversaire du massacre d’Acteal, avec des manifestations dans les principales villes de l’Etat et dans la capitale. "Il y a toujours un état d’exception de fait afin d’intimider le peuple et qu’il s’écarte du mouvement", précise le porte-parole de l’APPO et il souligne que "la lutte du peuple" va bien au-delà des objectifs immédiats mis en avant au cours des manifestations publiques et qu’elle poursuit une profonde transformation de la vie sociale et politique de l’Etat à travers une nouvelle constitution. 150 membres sur plus de 200 ont participé à ce Conseil "estatal" de l’APPO. J’ajouterai à ce court exposé sur l’activité du Conseil que la plupart de nos amis de la Coalition des maîtres d’école indigène, de l’Autre Campagne et des barricades sont surtout occupés à défendre les prisonniers, à soutenir les familles et à échapper aux flics. La réponse à la répression n’est pas un retour au "chacun pour soi" comme l’espérait l’Etat, mais une réponse collective. Pendant un moment, nous avons pu croire que certaines familles, d’obédience priiste par exemple, allaient faire bande à part et chercher à négocier la liberté de leurs prisonniers avec le gouvernement en se dédouanant sur le dos des autres. Ce ne fut pas le cas, la défense reste collective et l’expression de la solidarité de tous. Je viens d’apprendre que 43 prisonniers de Nayarit viennent d’être libérés sous caution, de manière tout aussi arbitraire que celle qui avait présidé à leur enfermement ; personne ne sait ici qui a bien pu payer la caution. Le syndicat de l’éducation nationale ? Le fait du prince ? Et les autres ? Mesure d’apaisement ou de division ? Je pencherai pour la seconde hypothèse : quand les familles ont appris la nouvelle cet après-midi, certaines ont crié leur joie, d’autres leur désespoir, toujours le fait du prince. Les gens sont arrêtés sur décisions supérieures, les accusations ayant été préfabriquées de longue date, ils plongent alors dans les méandres kafkaïens d’une justice aux ordres et les procès vont pendant des années s’enliser, s’engloutir dans les sables mouvants de l’impuissance jusqu’au moment où l’Etat, lassé par le bruit, décidera de leur sort. C’est ce qui s’est passé pour les torturés de Loxicha, ce qui se passe pour les suppliciés d’Atenco et maintenant pour ceux d’Oaxaca. La passion, la frénésie avec laquelle les Mexicains se lancent tête baissée dans le juridique tout en sachant au fond d’eux-mêmes toute la vanité de leurs efforts insensés me surprendra toujours. C’est la passion pour le juste, une soif de justice qui est d’autant plus forte qu’elle n’est jamais étanchée. Aux dernières nouvelles, Ulises Ruiz aurait négocié avec Rueda Pacheco, du comité "estatal" de la section 22 du syndicat enseignant, la libération des maîtres d’école ; en effet, pratiquement tous les instits vont retrouver la liberté, 17 sur 22, il manque à l’appel tout de même un maître d’école et trois éducatrices indiennes. Le comité directeur du syndicat cherche à apaiser sa base, qui est particulièrement remontée contre lui, et le gouverneur ne veut pas se retrouver avec une nouvelle grève du corps enseignant sur les bras au moment où la police fédérale se retire du centre-ville pour laisser la place aux touristes, Oaxaca est très prisée, l’hiver, par les touristes nord-américains. Je reviens de la manif des femmes. Le lieu de rendez-vous était bourré de flics. On nous a fait remarqué que c’étaient des flics ministériels déguisés en policiers fédéraux : "Regarde, certains ont des moustaches, d’autres une panse qui déborde du ceinturon, ce n’est pas le corps d’élite, bien entraîné de la PFP !" Je crois bien qu’ils ont raison. Pour les premières au rendez-vous, ce déploiement de force est impressionnant et il faut un certain courage pour rester à l’ombre et attendre l’arrivée des autres afin que le nombre fasse une masse plus compacte à opposer à cette présence dissuasive. Ils sont venus pour protéger, je pense, la fontaine des Sept-Régions restaurée et enlaidie par le gouverneur. Finalement, nous marchons jusqu’au parc Madero à la sortie de la ville en direction de Mexico. Là, nous attendons l’arrivée des 43 prisonniers récemment libérés. L’attente est longue sous le soleil de midi, mais, ici, les gens ont la patience du Grand Sud. Ils ont fait venir une troupe de musiciens pour accueillir les ex-détenus. La "banda" joue par intermittence et sans grande conviction, les heures passent et rien à l’horizon, les musiciens, qui ont rempli leur contrat et ont d’autres échéances, partent, on tente de les retenir, de les convaincre de rester, en vain, ils se sauvent, il ne reste que le trombone, son instrument est trop lourd pour qu’il puisse prendre la fuite, les autres sont déjà loin, il n’y a rien à faire… et c’est à ce moment qu’arrivent les cars tant attendus. Il n’y a pas de musique, qu’importe, nous allons chanter et c’est en chantant en chœur ("Vence-re-mos! Vence-re-mos, al Estado sabremos vencer, vence-re-mos, vence-re-mos... a luchar, a luchar... el campesinos, maestros, obreros, la mujer de la casa también todos juntos a luchar, a luchar!"), et sous les applaudissements, que la foule accueille les déportés. C’est un moment de grande émotion, cette effusion collective à cœur et bras ouverts. La prochaine échéance importante à mon sens sera la convocation de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Elle ne se fera pas dans l’immédiat, je pense ; d’une part, à la suite de la bataille du 25, une reconstitution silencieuse des forces est nécessaire ; d’autre part, cette assemblée plénière des peuples devrait être l’aboutissement des assemblées communales et régionales, qui devraient se tenir successivement dans tout l’Etat d’Oaxaca. C’est le moment de reprendre notre souffle et d’analyser entre mythe et réalité les lignes de force de cette "Commune d’Oaxaca". Tenter de donner une signification à un ensemble d’événements, c’est déjà interpréter la réalité. La différence entre le travail d’un historien et le mythe tient à peu de chose. Le mythe comme le travail de l’historien est "un discours qui révèle le réel", pour reprendre une définition de Hegel sur le mythe. Seulement alors que le travail de l’historien reste l’expression d’une pensée individuelle, ce qu’on appelle une thèse, le mythe est l’expression d’une pensée collective, c’est le sens attribué collectivement, après coup, à un événement historique, qui apparaît alors comme un événement civilisateur, marquant un point de départ. Le mythe est la "vérité" de l’histoire, du moins la vérité qu’en tire un groupe social, une communauté de pensée. Quand, le 2 novembre, la locutrice de la radio universitaire, la docteur Bertha dite Escopeta, nous appelait à venir défendre la radio, elle nous engageait clairement à entrer dans l’histoire, autant dire dans le mythe : "C’est une journée historique, ne restez pas chez vous, venez défendre votre radio, entrez dans l’histoire, c’est un moment historique que nous vivons, ne restez pas à la maison..." Et, dans un certain sens, elle avait raison, la victoire du 2 novembre des habitants d’Oaxaca sur les forces fédérales va marquer les esprits et son souvenir alimenter la légende de la "Commune d’Oaxaca". "C’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même pour la grande masse de la classe moyenne de Paris, boutiquiers, commerçants, négociants – les riches capitalistes étaient les seuls exceptés [...] La grande mesure sociale de la Commune, ce furent sa propre existence et son action. Ses mesures particulières ne pouvaient qu’indiquer la tendance d’un gouvernement du peuple par le peuple." Cette réflexion de Marx au sujet de la Commune de Paris (cf. "La Guerre civile en France" ) peut nous aider à mieux cerner les caractères de la Commune d’Oaxaca. Disons tout de suite que la mesure sociale de la Commune d’Oaxaca, comme pour celle de Paris, est sa propre existence. C’est par son propre développement, en imposant son propre style de relations, sa cosmovision, par le rôle majeur et déterminant que tient l’assemblée, que la Commune parvient ou peut parvenir à transformer en profondeur toute la vie politique et sociale : "Nous avons la mission d’accomplir la révolution moderne la plus large et la plus féconde de toutes celles qui ont illuminé l’histoire", disaient déjà les partisans de la Commune de Paris. Toutes les deux sont ennemies de la guerre civile et cherchent à l’éviter. Dans les deux cas, les femmes ne sont pas exclues et participent à égalité avec la gente masculine à la construction d’une nouvelle organisation sociale, tout en ayant leur propre association : l’Union des femmes pour la défense de Paris et le secours aux blessés, d’un côté ; la Coordinadora de Mujeres Oaxaqueñas Primero de Agosto, de l’autre. Deux différences importantes. Première différence : la Commune de Paris a réellement gouverné la capitale et c’est en tant que gouvernement légitime issu du peuple de Paris, des comités de quartiers et d’arrondissements, qu’elle s’est opposée au gouvernement versaillais, rien de tel ici, à Oaxaca, où elle est restée un mouvement d’opposition exigeant la destitution du gouverneur, ce qui supposait de nouvelles élections, sans chercher à se substituer à lui en tant que nouveau gouvernement de l’Etat d’Oaxaca. En empêchant Ulises Ruiz de gouverner, elle a créé un vide, elle a organisé une vacance du pouvoir, ce qu’on a appelé la disparition des pouvoirs. C’est cette disparition qu’elle cherchait à faire reconnaître par l’Etat central, sans y réussir. Elle n’a pas cherché à remplir ce vide. Cependant, elle n’allait pas en rester là et elle n’en reste pas là. Du fait de son mode d’organisation, la Commune d’Oaxaca est porteuse d’un projet politique et social, elle appelle à une Constituante pour l’élaboration d’un nouveau contrat social. En fin de compte, elle se présente aux yeux de la société comme un commencement, comme le point de départ d’un dialogue entre les différents secteurs pour une nouvelle constitution, qui reconnaîtrait, par exemple, l’assemblée communautaire comme l’élément fondateur de la vie politique. Deuxième différence : le monde ouvrier, bien présent à travers les sections de l’Internationale, les chambres syndicales et les coopératives dans la Commune de Paris, brille par son absence dans la Commune d’Oaxaca. Les catégories sociales dont parle Karl Marx sont présentes, boutiquiers, petits commerçants, artisans, maçons, menuisiers, mécaniciens, manœuvres, journaliers, portefaix, musiciens, serruriers, tout le monde des petits métiers, qui constitue la population des colonies et des quartiers pauvres, participent ou ont participé à divers degrés à ce mouvement social, mais pas les ouvriers conscients d’appartenir à une classe particulière, disons le prolétariat, travaillant dans les mines, l’industrie et les manufactures. Il y a bien hors de la ville ce que le gouvernement nomme pompeusement une zone industrielle où se trouvent quelques maquiladoras, les syndicats y sont bannis et, à ma connaissance, les gens qui y travaillent ne se sont jamais manifestés à l’assemblée comme travailleurs ou travailleuses organisés, s’ils ont pu un jour faire partie de l’APPO. Il y a bien, comme dans la France du XIXe siècle un exode important des campagnes, mais c’est pour aller travailler dans le pays voisin ou dans les plantations de tomates de Sonora, ou pour venir dans la ville exercer les petits métiers cités plus haut. En aucun cas, nous pouvons dire au sujet d’Oaxaca ce qu’écrit Marx au sujet de Paris, que "c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale". Si les habitants des colonies ont pu jouer un rôle important, c’est surtout comme communauté de voisinage, et non en tant qu’ouvriers organisés. Deux groupes sociaux jouent (ont joué et vont jouer) un rôle déterminant dans l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca : le corps enseignant et le monde indigène. Comme vous avez pu vous en rendre compte, le courant passe difficilement entre les deux, en général les communautés villageoises reprochent aux maîtres d’école le fait de participer très peu à la vie sociale du village. Souvent, il y a eu, au cours du mouvement, mésentente entre la population et les enseignants, et la raison en est très simple : les maîtres d’école ont dédaigné aviser de leur lutte les habitants du village. "A travers la rumeur, nous avons eu connaissance des problèmes avec le gouvernement, mais les éducateurs n’ont pas eu la courtoisie de nous dire en assemblée comment se présentait l’affaire", dit un habitant de la région mixtèque. Cet hiatus, nous l’avons ressenti aussi dans la ville même, où la communication passait mal non seulement entre les enseignants et une partie de l’assemblée mais aussi entre l’APPO, dominée par le corps enseignant, et les colonies, les quartiers et les barricades, au point d’ailleurs où certains jeunes des barricades ont failli rompre avec l’assemblée. Pas toujours, il faut aussi signaler que dans certaines municipalités ou colonies le lien était étroit et très fort entre les maîtres d’école, les parents d’élèves et la municipalité, ce sont dans ces communes ou dans ces quartiers que le mouvement populaire était, et reste, le plus puissant. Revenons à ces deux pôles de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca et commençons par le corps enseignant, qui a fourni ce que j’appellerai les cadres politiques de l’APPO. Le Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE) a été fondé en 1943 et il est divisé en 58 sections (il y a des Etats qui ont deux sections comme l’Etat du Chiapas, la section 7 et la section 40). La section 22 correspond à l’Etat d’Oaxaca. Le syndicat, comme tous les syndicats mexicains, est contrôlé au niveau national par le Parti révolutionnaire institutionnel qui était, il y a peu le parti d’Etat, ou parti unique. Par exemple, Esther Gordillo, l’actuelle secrétaire nationale, a été placée à la tête du SNTE par le président de la République, Salinas de Gortari en 1989, elle y est encore. En 1979 est apparu au sein du SNTE un courant démocratique critique de la bureaucratie syndicale restée entièrement sous la coupe du parti d’Etat. Ce courant est apparu pour la première fois au Chiapas en décembre 1979 où il est resté minoritaire, il a un nom, c’est la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation – Coordinadora Nacional de los Trabajadores de la Educación – ou CNTE. Elle est minoritaire au Guerrero, Michoacán, District fédéral, pratiquement inexistante ailleurs. Elle est majoritaire dans un seul Etat, celui d’Oaxaca. Cette tendance, après une lutte féroce contre la bureaucratie avec son cortège d’assassinats, de grèves et de répressions sanglantes, a pris le contrôle de la section 22 en 1982. Elle a glissé sa propre organisation à l’intérieur du SNTE et elle a en quelque sorte inversé le sens des prises de décision. A la base se trouvent les délégations (plus de 40 personnes) et les centres de travail (moins de 40 personnes) en fonction de la concentration des écoles ; il y a 570 délégations et plus de 200 centres de travail. Les délégations et les centres de travail désignent leurs délégués, deux par délégation et un par centre de travail, qui formeront les comités ou coordinadoras de secteur (37) et de régions (7), ils sont désignés pour deux ans et continuent à travailler. L’assemblée générale des travailleurs de l’éducation a lieu chaque mois, c’est l’organe suprême, c’est elle qui désigne les membres de la direction collective ou comité "estatal" chargés de l’application des décisions prises en assemblée et de coordonner à travers les comités de région et de secteur les plans d’action. Les membres du comité au niveau de l’Etat sont des permanents nommés pour trois ans. C’est à ce niveau que le bât blesse actuellement, puisque les permanents comme Rueda Pacheco semblent agir à leur guise, pour un intérêt étranger à la volonté de l’ensemble, ils ont réussi à falsifier les votes et à manipuler les gens, provoquant une colère qui n’attend que la prochaine assemblée pour s’exprimer. Ce n’est pas nouveau, depuis quelques années déjà s’était peu à peu reconstituée une bureaucratie syndicale qui, avec l’aide des partis politiques, cherchait à prendre le contrôle de la section 22. C’est le comité "estatal" qui doit convoquer tous les mois l’assemblée et pour l’instant, sachant ce qui l’attend, il en repousse indéfiniment l’échéance. L’APPO est calquée en grande partie sur l’organisation de la section 22, elle a eu la sagesse de former un conseil, el Consejo estatal, comme direction collective (plutôt qu’un comité directeur) dont les membres sont bénévoles et nommés pour deux ans (plutôt que salariés et nommés pour trois ans), ajoutons que les conseillers sont révocables à tout instant par l’assemblée s’ils accomplissent de travers la mission qui leur a été confiée. Cela dit, le problème qui est apparu au sein du syndicat enseignant ne disparaîtra pas pour autant au sein de l’APPO, c’est à l’assemblée à se montrer vigilante quant au choix de ses délégués. Pour l’instant, la grande partie des conseillers, sous diverses casquettes, délégués de quartiers, de groupes politiques et d'associations civiles, de municipalités, en plus des quarante sièges qui ont été réservés à la section syndicale, sont membres du corps enseignant, ce sont eux, avec les militants des différentes organisations politiques et civiles (le PRD et Flavio Sosa, par exemple), qui leur sont assez proches en pensée, qui forment le corps politique de l’APPO. La plupart sont issus de la gauche traditionnelle marxiste-léniniste avec une grande expérience de la lutte syndicale et fort jaloux de la démocratie assembléiste à laquelle ils étaient parvenus. Pourtant, leur formation intellectuelle et politique, l’idéologie qui les anime, les a parfois éloignés de la vie sociale proprement dite des quartiers, des colonies et des communautés. Ils luttent pour ce qu’ils appellent d’un terme générique "le peuple", pour "un gouvernement du peuple par le peuple", disent-ils, tout en éprouvant quelques difficultés de communication avec ce fameux peuple, dont ils se sont trouvés, par la force des circonstances et de l’idéologie, séparés. Pour l’Etat, ils représentent la partie visible et la mieux connue de l’APPO ; fils rebelles et prodigues de l’Etat, ils sont en première ligne et forment les cibles privilégiées de la répression et du châtiment. Pour Ulises Ruiz et ses comparses de l’Etat fédéral, dont Esther Gordillo, la section 22 du syndicat des enseignants reste l’ennemi à abattre, l’ennemi déclaré, l’ennemi numéro 1, et ils cherchent par tous les moyens à la défaire, à rompre l’unité qui faisait sa force, à y apporter la division. Rappelons pour mémoire que la section Oaxaca compte 70 000 adhérents et que l’assemblée a un pouvoir de convocation et de mobilisation exceptionnel. Le jeu ambigu des dirigeants aide le gouvernement d’Ulises Ruiz dans sa tâche de démolition. Un coup de force, en quelque sorte un coup d’Etat, se prépare au sein de la section 22 ; il est désormais urgent pour le pouvoir de reprendre le contrôle de cette section syndicale avec l’appui des permanents du comité directeur : "Ont-ils été menacés ? Ont-ils été achetés ? Ou les deux à la fois ?" s’interrogeait dernièrement un syndicaliste de base. C’est dans cette perspective d’un coup de force du pouvoir qu’il faut comprendre la non-convocation de l’assemblée des syndiqués et la libération récente de 17 instits négociée avec Ulises Ruiz. Défaire le syndicat, c’est aussi rompre l’unité, à l’intérieur de l’APPO, entre les maîtres d’école et le reste de la population. Une première tentative de division avait eu lieu, on s’en souvient, avec la reprise des classes votée d’une façon suspecte fin octobre. Cette première division avait été surmontée grâce à la population et à l’attitude de certaines délégations qui, contre l’avis du comité central, avaient poursuivi la grève et l’occupation de Santo Domingo. Nous sommes face à une deuxième tentative de trahison. Affaire à suivre, donc. Pourtant, ce puissant mouvement social, parti d’un soutien apporté par la population à la lutte des maîtres d’école, bouleverse bien des données ; dans le feu du débat et de la critique effective d’un monde, des positions, que l’on croyait immuables, sont en train de changer. Dans le cours de ce mouvement est apparu un acteur omniprésent et pourtant difficilement saisissable dans les termes convenus et rigides de l’idéologie, la population pauvre de la ville et de l’ensemble de la région. C’est elle qui a résisté à l’avancée des troupes fédérales, qui a protégé la radio universitaire avec un courage et une détermination admirable, c’est elle qui est descendue dans les rues pour manifester dans les moments difficiles son rejet d’un état d’exception et son soutien aux maîtres d’école puis à l’APPO, c’est elle enfin qui s’est organisée autour des barricades, établissant des tours de garde, faisant la cuisine, apportant le café dans les heures froides de la nuit ; les "chavos bandas" y côtoyaient l’étudiant ; l’institutrice, le maçon ou le charpentier ; les mères de famille, le casseur. Cette population pouvait paraître hétéroclite, elle ne l’est pas, un dénominateur commun unissait tous ces gens, l’attachement à un savoir-vivre. C’était sans doute la même population qui se trouvait sur les barricades de la Commune de Paris, attachée, elle aussi, à un savoir-vivre, qui avait ses racines dans les traditions ancestrales des peuples originaires. Les colonies qui ont soutenu le plus fort des combats furent celles où la proportion des immigrés indigènes, Zapotèques, Mixtèques, Mixes, Triquis, était la plus forte. Au début, cette population n’était pas présente ni représentée, dans l’APPO. Quand l’Assemblée du peuple d’Oaxaca fut créée, le 20 juin, elle n’avait d’autre fonction que celle d’appuyer la lutte des enseignants. Elle était surtout composée des formations politiques issues d’un même courant de pensée (marxiste-léniniste) auxquelles se sont incorporés par la suite des dirigeants de diverses organisations. L’APPO se présentait alors comme une coalition de dirigeants sociaux et politiques articulée par un comité provisoire de 30 personnes. Peu à peu, au cours des mois qui suivirent, sous la poussée de cette base sociale, cette partie immergée de l’iceberg, une mutation a commencé à se produire. Après avoir hésité, les peuples indiens de la Sierra Norte ont décidé de participer à l’assemblée au cours du congrès constituant des 10, 11, 12 et 13 novembre. Actuellement, les conseillers continuent à se rencontrer et à se réunir au niveau local et régional. Dans la région de Villa Alta, par exemple, au cœur de la montagne Juarez, les habitants ont décidé de fermer la délégation gouvernementale de la commune de Lachirioag, ils ont poursuivi et chassé le fonctionnaire du gouvernement. Un ami, qui a dû se réfugier quelque temps dans les cañadas, m’a rapporté que la résistance restait très forte dans bien des villages. C’est un travail de l’ombre, qui inquiète le gouvernement, il a bien l’intuition que tout un pan du mouvement échappe à sa vigilance, il a dû tout dernièrement arrêter trois membres de l’APPO, leur poser des questions sous la torture pour tenter de savoir ce qui se passe, pour ensuite les relâcher. Ce travail de l’ombre échappe aussi en partie aux militants d’extrême gauche qui, de leur côté, sont amenés à prendre des initiatives au nom de l’APPO sans toujours rendre des comptes. Le 27 décembre aura lieu une assemblée plénière à l’échelle de l’Etat d’Oaxaca du Conseil, nous n’y verrons sans doute pas plus clair. Je pense que l’Assemblée populaire des peuples comme le Conseil sont des instruments d’unification des luttes sociales, cette unification ne va pas se faire du jour au lendemain, mais l’outil est là ainsi que la volonté de s’en servir. La société est bien consciente de la faillite d’un système, elle se rend compte de la dégradation de ses conditions de vie, de l’épuisement des formes traditionnelles de résistance et de la nécessité où elle se trouve d’inventer d’autres voies de survie. Oaxaca, le 19 décembre 2006. George Lapierre
Message édité le 23-01-2007 à 21:45:34 par Paria |
| | Posté le 23-01-2007 à 21:46:55
| Bien le bonjour, "Oaxaca se distingue por la diversidad, tanto natural como cultural. Desde hace tiempo se reconoce en el mundo la riqueza de nuestras culturas indígenas. En el curso de nuestro movimiento nos dio gusto sentir y ver la riqueza de nuestras culturas urbanas. Muestran la misma diversidad de las indígenas, y en ellas aparece claramente el sello de la comunalidad, el tejido social que nos permite, en cada grupo, construir un NOSOTROS fuerte y claro." (Oaxaca se distingue par la diversité, tant naturelle que culturelle. Depuis quelque temps, on reconnaît de par le monde la richesse de nos cultures indigènes. Dans le cours de notre mouvement, nous avons eu le plaisir d’apprécier et de voir la richesse de nos cultures urbaines. Elles offrent la même diversité que les cultures indigènes, et en elles apparaît clairement le sceau de la "communalité", le tissu social qui nous permet, dans chaque groupe, de construire un NOUS fort et clair.) C’est le premier paragraphe du "Manifeste pour la défense et la renaissance de notre culture" ("Manifiesto por la defensa y regeneración de nuestra cultura" ) écrit par nos amis de la commission chargée de la culture au sein du Conseil. Je ne résiste pas au plaisir de vous traduire les derniers paragraphes : "La culture ne s’exprime pas seulement à travers l’art, dans la peinture, la musique, la sculpture, la littérature ou le cinéma, mais aussi dans la quotidienneté de la vie collective, la langue est un clair témoignage de la puissance du collectif, la culture de la fête chez nos peuples et quartiers, la "gozona", le "tequio" et les offrandes à la Terre mère comme expression de la pensée de nos peuples indiens, et tout ce qui nous nourrit dans la communauté ou dans la ville et nous fait être partie de quelque chose, de cette APPO que nous sommes tous et toutes [...]. Dans les diverses réflexions et propositions pour le renforcement de nos cultures on peut compter avec la présence de l’APPO des barricades, des "colonies", l’APPO des communautés, des quartiers et des peuples, cette Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, qui est, en elle-même, une culture." Ce manifeste a été distribué au cours de la "Noche de rábanos" (la Nuit des radis) le 23 décembre, la vraie, celle organisée par l’APPO, non l’officielle qui se tenait, elle, sur le zócalo. Cette Nuit des radis est une tradition qui remonte loin, peu après la conquête espagnole. Des jardins potagers furent créés sur les terres proches des haciendas de la Noria et des Cinco Señores. Avant Noël et jusqu’au 23 décembre, les maraîchers exposaient leurs légumes, dont les fameux radis, sur la place d’Armes d’Antequera. Les jardiniers ont commencé à sculpter les radis pour décorer leurs étals. Le premier concours a eu lieu en 1897. La tradition s’est perpétuée jusqu’à nos jours : saynètes de mœurs où la créativité et l’imagination se donnaient libre cours, comme nous pouvons le supposer quand nous avons un radis de la dimension d’une betterave entre les mains. Hélas, la truculence ou le badinage érotique ont cédé la place à la Sainte Famille quand l’Etat a fait de cette tradition populaire une attraction touristique. Comme pour la Guelaguetza, l’APPO a voulu redonner sa dimension populaire à cette Nuit des radis. Pari réussi, comme pour les enfants, ce sont surtout les scènes de la violence, hélicoptères, tanks, robocops et matraques et jusqu’au portrait d’Ulises Ruiz en radis, qui ont frappé les imaginations, mais il y avait aussi quelques bons petits diables. Beaucoup de monde, de la musique, de la danse, des chants, de l’enthousiasme, les habitants des quartiers étaient descendus et les quelques rares touristes, perdus dans la foule, sont restés éberlués devant tant de force, de détermination et de passion. Au "son de la barricada", l’assemblée présente retrouvait sa joie de vivre, son allégresse ; après les jours sombres et terribles de la répression, elle exultait enfin. Pourtant, cette fête avait été longtemps compromise. Bien avant la manifestation du 22 décembre, le bouche à oreille, au sujet de cette "Noche de rábanos", courait entre les sympathisants de l’APPO, les radis étaient déjà entreposés dans un lieu humide et les sculpteurs préparaient leurs couteaux. Cette fameuse nuit devait avoir lieu sur la place Santo Domingo, nous devions nous retrouver sur cette place dès 10 heures du matin afin de l’occuper ; las, au matin du 23 nous apprenons que les flics nous avaient devancés. Je m’y rends tout de même en ma qualité de touriste, les flics bloquent toutes les entrées, ils ne laissent passer que ceux qui ont une bonne conscience, je m’arme donc d’une bonne conscience pour me glisser entre les rangs de ces tristes (anges) gardiens ; notre espion, vieux et impénitent lutteur social, dont la femme et la fille se sont retrouvées derrière les barreaux, vend des bonbons et des cigarettes sur la place ; comme dans les films (je suppose que vous imaginez parfaitement cette scène que je me rejoue cent fois), il m’informe, alors que je lui achète quelques bonbons, que les flics sont là depuis l’aube et que leur présence a été dissuasive, ce n’est que depuis peu qu’ils laissent passer les touristes. La commission de l’APPO chargée des négociations avec le gouvernement fédéral (elle n’a aucun contact avec le gouvernement d’Ulises Ruiz) insiste pour que le ministère intervienne auprès d’URO afin qu’il retire ses troupes, en vain. Le gouvernement promet d’intervenir, mais rien ne se passe. Finalement en fin d’après-midi, l’APPO arrive à occuper la petite place de Carmen Alto, qui ne se trouve pas très loin de Santo Domingo, elle devrait d’ailleurs s’appeler la place Ricardo Flores Magón, mais passons. Les gens arrivent peu à peu et cette place, tout en longueur, paraît bien étroite quand la nuit tombe ; c’est la fête, la fanfare de Calicanto, où se trouvaient les fameuses barricades tout le long du "ferrocarril", ouvre la danse. La manifestation du 22, convoquée par les zapatistes et l’Autre Campagne, avait déjà été un succès, chaque fois il y a un peu plus de monde dans les manifs, même si les gens préfèrent quitter la manifestation avant l’arrivée au centre-ville, ils se sentent plus chez eux dans les quartiers périphériques ; de toute façon, ils ne s’attardent pas et se dispersent assez rapidement, prudence, prudence, mais ils relèvent la tête, les habitants d’Oaxaca n’ont pas été défaits malgré les mesures extrêmes prises par l’Etat. Le gouverneur joue la carte de la division, la libération de 81 prisonniers va dans ce sens et la situation des familles de ceux qui restent embastillés est difficile, le comité qui s’occupent de la défense des prisonniers est mis sur la sellette : "Pourquoi eux et pourquoi pas les nôtres ?" Et tous sortent des réunions bien éprouvés ; pourtant, jusqu’à présent, ils tiennent le coup et restent solidaires, ils ne vont rien quémander à Ulises Ruiz (c’est ce qu’attend le tyran) et ils vont occuper les alentours des prisons de Miahuatlán et de Tlacolula. Ces mesures sont si arbitraires qu’on en arrive à des situations surréalistes : Qui a payé les 150 millions de caution des 81 détenus libérés ? Le secrétaire général du gouvernement d’Oaxaca (ce qui correspondrait au ministre de l’intérieur du gouvernement d’Oaxaca), García Corpus, ne sait pas exactement qui est intervenu ni d’où vient la finca (la propriété) qui a été hypothéquée pour payer l’énorme caution : "No podría afirmar primero yo desconozco a ese abogado, no sé si sea de la APPO o no. Yo no niego, porque no sé quién es ese señor." ("Je ne peux rien affirmer, premièrement je ne connais pas cet avocat, je ne sais pas s’il est de l’APPO ou non. Je ne refuse pas de parler, parce que je ne sais pas qui est ce monsieur".) Pour un ministre de l’intérieur, il ne sait pas grand-chose : un avocat fantôme et une propriété tout aussi spectrale, plus un juge des libertés illusionniste sans doute. Nous ne sommes pas dupes, évidemment, derrière ces fantômes se cache la main d’Ulises Ruiz, qui est arrivé à cette situation absurde de devoir payer la caution de gens qu’il a accusés de tous les crimes, au point de les envoyer dans une prison de haute sécurité, afin qu’ils puissent sortir : ou ces gens sont coupables de tous les forfaits dont ils sont accusés et l’Etat n’avait pas à payer la caution, ou ils n’ont pas commis ces crimes et alors ils n’avaient pas à être détenus, sans parler des conditions de leur arrestation. Pendant ce temps, c’est un législateur du PAN qui exige des autorités de l’Etat qu’elles mènent une enquête au sujet de la participation (supposée ?) des groupes de "porros" et des policiers en civil à l’incendie des édifices durant la nuit tragique, entre eux, Teodardo Martínez Canseco, coordinateur des unités mobiles de développement de l’Etat dans la microrégion mixe, en relation avec le député local du PRI, qui fut arrêté par la PFP le 25 novembre et envoyé au pénitencier de moyenne sécurité de San José del Rincón, Nayarit, sans que l’on sache jusqu’à présent s’il a été libéré ou s’il est encore prisonnier. Aux dernières nouvelles, deux membres de l’APPO ont été blessés au cours d’une embuscade dans la région mixtèque alors qu’ils retournaient dans leur communauté après avoir participé avec les militants du FPR et du MULTI (Mouvement unificateur de la lutte triqui indépendant) à une manifestation dans la municipalité de Santiago Juxtlahuaca. Le 27, c'est-à-dire hier, le Conseil "estatal" de l’APPO s’est réuni, environ 160 personnes, il y fut décidé diverses manifestations pour janvier : le 6, manifestation des enfants avec, à leur tête les enfants des détenus ; le 7, réinstallation du Conseil ; le 27, assemblées régionales, municipales et communales, et des colonies, avec comme objectif, celui de renforcer l’assemblée plénière au niveau de l’Etat d’Oaxaca. Je ferai les quelques remarques personnelles suivantes, qu’il ne faut absolument pas prendre pour argent comptant : l’embrouille actuelle au niveau de la section 22 du syndicat des enseignants risque bien de déteindre sur l’APPO ; le fossé entre les militants d’extrême gauche du Front populaire révolutionnaire (FPR) et les délégués des quartiers et des "colonies" ainsi que les militants d’autres obédiences semble se faire plus visible. Bonnes fêtes ! Oaxaca, le 28 décembre 2006. George Lapierre
Message édité le 23-01-2007 à 22:16:04 par Paria |
| | Posté le 23-01-2007 à 21:52:56
| Les infos sont essentielles à nous qui sommes loin mais encore une fois, l'anti-communisme du commentateur est gonflant ... De plus c'est un ignard en matière d'idéologie qui intellectualise à travers ... |
| | Posté le 23-01-2007 à 22:16:36
| ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES DE L’OAXACA Bulletin de presse, le 9 janvier 2007. AUX MOYENS DE COMMUNICATION, AU PEUPLE DE L’OAXACA, Suite à la session ordinaire du Conseil populaire des peuples de l’Oaxaca qui s’est tenue le 7 janvier, au cours de laquelle il a été procédé à l’analyse de la situation actuelle de notre lutte dans cet État et des conditions dans lesquelles l’APPO effectue sa réorganisation, ainsi que du plan d’action prévu pour les jours prochains, nous sommes convenus d’informer l’opinion publique des faits suivants : 1. La réorganisation actuelle de l’APPO en est bonne voie, preuve en est que le conseil a été informé que dans toutes les régions, dans les centaines de communautés, dans les colonies et divers quartiers, organisations et syndicats, des réunions ont eu lieu ou sont prévues pour les prochains jours au cours desquelles un consensus a été atteint sur la nécessité de poursuivre notre lutte jusqu’à ce que nos revendications principales aboutissent. À savoir : le départ d’Ulises Ruiz Ortiz, la libération de nos prisonniers politiques, la présentation vivants des disparus, l’arrêt de toute répression, le départ de la PFP, la démilitarisation de l’Oaxaca et une profonde transformation de cet État ; 2. Nous maintenons fermement notre position qui est de faire aboutir nos revendications par la voie du dialogue, mais aussi en mobilisant de façon pacifique notre peuple, en usant de notre droit constitutionnel de manifestation et de libre circulation, droits qui ne sont en aucune façon astreints à négociation avec le gouvernement fédéral, et moins encore avec Ulises Ruiz Ortiz. L’annulation de facto des garanties des personnes dans l’Oaxaca jette une ombre d’incertitude sur notre pays, à quoi s’ajoute le fait d’avoir un président partisan du Yunque ; 3. Nous sommes convenus d’une série d’activités pour les jours prochains. Le 10 janvier, des mobilisations régionales dans les vallées du centre de l’État, avec une marche à Oaxaca (départ de la fontaine des 7 Régions jusqu’à la place de la Danza, à partir de 16 heures) ; les 11 et 12, poursuite de la session du Conseil populaire des peuples de l’Oaxaca ; le 20, participation à la manifestation politico-culturelle dans la commune autonome de San Juan Copola ; les 27 et 28, session de l’Assemblée populaire des peuples du Mexique, et assemblée régionale de l’APPO dans l’Isthme ; le 28, un festival culturel sera organisé à Mexico, et les 3, 4 et 5 février suivants, nous participerons au IVe Dialogue national à Mexico ; 4. Le 3 février et le 8 mars, on appelle à des MÉGAMARCHES dans la ville d’Oaxaca. Nous exigeons que la sécurité et la libre circulation des manifestants soient garanties afin de pouvoir effectuer ces manifestations ; 6. Les 11 et 12 février, nous appelons à la PREMIÈRE ASSEMBLÉE DE L’APPO DE L’ÉTAT D’OAXACA à laquelle devraient participer les délégués des communautés, communes, colonies, quartiers, organisations et syndicats, et où nous ferons le bilan de la situation actuelle et du développement de l’APPO. Nous appelons également les diverses organisations et divers fronts, syndicats et ONG ainsi que les artistes, les intellectuels du Mexique et du monde à participer ou à envoyer leur salut à cette Première Assemblée de l’Oaxaca de l’APPO ; 7. En ce qui concerne les agressions dont continue à être la cible le Mouvement démocratique des travailleurs de l’éducation de l’Oaxaca rassemblés dans la Section 22, et notamment l’agression qui s’est produite aujourd’hui même, NOUS PROTESTONS SOLENNELLEMENT CONTRE CETTE AGRESSION qui s’inscrit dans une stratégie de l’État et d’Ulises Ruiz Ortiz pour affaiblir l’APPO et ses secteurs les plus combatifs, tels les enseignants, mais qui est également liée à la toute récente création d’un nouveau syndicat de travailleurs de l’éducation nationale, la SECTION 59 DU SNTE, directement patronné par Elba Esther Gordillo Morales, responsable de l’assassinat d’un grand nombre d’enseignants démocratiques mexicains. L’APPO RECONNAÎT COMME SEULE ORGANISATION DES TRAVAILLEURS DE L’ÉDUCATION LA SECTION 22, véritable instrument de lutte voué à la défense des travailleurs de l’éducation nationale, et se déclare ouvertement en faveur de sa défense ; la section 59 est un instrument de l’État mexicain qui a pour but de diviser les travailleurs de l’éducation et d’empêcher le plein exercice de leurs droits, mais surtout de frapper l’un des secteurs les plus importants de l’APPO dans le cadre de la lutte du peuple de l’Oaxaca. FRATERNELLEMENT. TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ! ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES DE L'OAXACA. ACTIVITÉS PRÉVUES DE L’APPO : Construisons tous ensemble la démocratie ! 8 janvier : Réunion avec des intellectuels et des personnalités pour consolider la solidarité et le soutien mutuel 9 janvier : Forum des droits de l’homme à la chambre des députés du Congrès de l’Union mexicaine 10 janvier : Mobilisations régionales 11 et 12 janvier : Réunion du conseil de l’APPO 12 janvier : Assemblée régionale des vallées centrales de la Section 22 du SNTE 20 janvier : Participation à la manifestation politico-culturelle en soutien à la création de la commune autonome de San Juan Copola 27 et 28 janvier : Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca 27 et 28 janvier : Assemblée populaire des peuples de l’Isthme 28 janvier : Festival culturel à Mexico 28 janvier : Assemblée populaire des peuples de la Côte 3 février : Mégamarche 3, 4 et 5 février : Participation au IVe Dialogue national 11 et 12 février : Assemblée de l'Oaxaca de l’APPO 8 mars : Mobilisation de la Journée internationale de la femme prolétaire Traduit par Angel Caido. |
| | Posté le 23-01-2007 à 22:19:08
| La commune autonome de San Juan Copala Le 1er janvier de cette année, l’Oaxaca s’est réveillé avec une commune de plus, celle de San Juan Copala fondée par plusieurs communautés du peuple Triqui appartenant officiellement aux communes mixtèques de Juxtlahuaca, Putla et Constancia del Rosario, à l’ouest de cet État du Mexique, dont les chefs-lieux sont contrôlés par des métis. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’une commune supplémentaire venant s’ajouter aux 570 autres du découpage administratif de l’Oaxaca, mais d’une nouvelle commune autonome comme celles que les indigènes érigent dans différents endroits dans ce pays pour défendre leurs droits et construire leur propre avenir. La réponse du gouvernement de l’Oaxaca - un gouvernement dont l’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca (APPO) ainsi qu’une grande partie des habitants de cet État exigent la dissolution - ne s’est pas fait attendre. Selon lui, la création de cette commune ne repose sur aucune base légale et n’est pas viable car elle manque des ressources économiques permettant son bon fonctionnement, tandis que le secrétaire général du Parti révolutionnaire institutionnel, de son côté, affirme que c’est une farce qui ne contribue en rien au renforcement des institutions de l’État de l’Oaxaca. Les choses ne s’arrêtent pourtant pas à la vision étroite de l’administration, la situation étant plus complexe. Entrent en jeu l’érosion des institutions locales, incapables en effet de répondre aux exigences d’une grande partie de la société, les conditions dans lesquelles vivent les Triqui de San Juan Copala, le procès historique et politique et les événements récemment survenus dans cette région, sans compter les politiques antidémocratiques et corrompues de ségrégation et d’exclusion du gouvernement local. Comme en d’autres endroits de la République mexicaine, la fondation de la commune autonome de San Juan Copala constitue une réponse pacifique des peuples indigènes qui cherchent à créer leurs propres espaces de participation et de représentation politique en assumant eux-mêmes ses nécessités économiques, politiques et culturelles. Pour y parvenir, ceux-ci créent leurs institutions ou renouent avec d’anciennes en les adaptant à leurs besoins. C’est ce qui explique que les communautés qui prennent cette décision en appellent à leur droit à la libre détermination selon leur conception de l’autonomie, qui s’incarne ainsi dans la commune, fondement de l’organisation politique de ce pays, sans se rebeller et prendre les armes pour détruire l’État, à la différence de ce qui se pratique dans certains pays européens. Personne parmi ceux qui connaissent cette région ne sera étonné d’apprendre que San Juan Copala et les communautés qu’elle regroupe sont restées isolées pendant des siècles, abandonnées à leur sort par les communes auxquelles elles ont été formellement rattachées en 1948, quand la 60e législature de l’Oaxaca leur ôta le statut de communes libres qu’elles possédaient depuis 1826. La même période s’est caractérisée par la poursuite d’une brutale exploitation de la main-d’œuvre triqui et d’un pillage irraisonné de leurs ressources naturelles. L’exercice de son droit à l’autonomie représente donc pour ce peuple la possibilité de s’affranchir du joug politique et économique auquel il a été soumis, afin de participer réellement à la vie politique, économique et sociale de cet État et de ce pays, à égalité de condition avec d’autres communes et sans rien perdre de leurs particularités culturelles. D’autre part, la création de cette commune autonomie constitue un progrès substantiel dans la lutte historique des Triqui pour faire reconnaître leurs droits. On l’ignore souvent, mais les Triqui de Copala sont parmi les premiers peuples indigènes à s’être rebellés contre le gouvernement mexicain quand le Mexique conquit son indépendance, car les métis que les mêmes Triqui avaient aidé à conquérir le pouvoir les ont privés de leurs territoires et de leurs structures de gouvernement. Leur première rébellion, en 1832, ne dura pas, leurs dirigeants ayant été emprisonnés et exécutés. Onze ans plus tard, ils se soulevèrent à nouveau, avec plus de succès que la fois précédente, leur rébellion s’étendant à d’autres peuples d’Oaxaca et du Guerrero, jusqu’à ce qu’ils soient matés par l’armée. Plus près de nous, dans les années 70, leur lutte repris de plus belle, les communautés se donnant une organisation sobrement nommée Le Club qui allait déboucher sur le Mouvement d’unification et de lutte Triqui, qui s’est battu pour démocratiser l’exercice du pouvoir dans la région, pour conquérir des libertés politiques, pour défendre la terre et les ressources naturelles. Avec le temps, l’organisation a poursuivi d’autres objectifs et s’est concentrée sur des projets de production, ce qui la rapprocha des institutions et des politiques du gouvernement local, jusqu’en 2003, date à laquelle elle s’est transformée en un parti politique. Bon nombre de ses membres n’étant pas d’accord avec le nouveau cap pris par cette organisation, il s’en séparèrent et fondèrent alors le Mouvement d’unification et de lutte Triqui indépendant, qui participe de façon importante à l’APPO. C’est, semble-t-il, dans ce contexte qu’a surgi l’idée de fonder la commune autonome de San Juan Copala. Il est important de bien saisir l’ensemble de ce processus, pour ne pas tomber dans des interprétations simplificatrices qui empêchent de comprendre la situation actuelle et compromettent les véritables solutions politiques qui pourraient y être apportées. Le gouvernement d’Oaxaca a ainsi l’occasion de mesurer l’ampleur de la réforme dont cet État a besoin. De leur côté, les Triqui sont placés devant la possibilité et face au défi de trouver le meilleur chemin pour poursuivre leur mouvement, en corrigeant les erreurs du passé et en démontrant la capacité politique permettant de construire un nouveau type de relation entre leur peuple et les autres. Francisco López Bárcenas. http://www.jornada.unam.mx/2007/01/10/index.php?section=opinion&article=019a1pol L’APPO fonde une commune autonome en région triqui Vingt communautés rejoignent l’assemblée populaire régionale Copala, Oaxaca. L’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca (APPO) entame 2007 par la création de la « Commune libre et autonome de San Juan Copala » dans l’ouest de l’État, où vit le peuple Triqui. Peu après minuit, hier, 1er janvier, au cours d’une cérémonie indigène, un conseil des anciens a remis au nom de 20 communautés de cette zone le bâton de commandement à José Ramírez Flores, président de l’assemblée populaire, un paysan de 23 ans qui n’a pas achevé l’école primaire. « Vous devrez gouverner selon les principes triquis et écouter le peuple pour conserver la charge qui vous a été donnée. Vous ne devrez pas tomber dans la corruption et rechercher la paix pour l’ensemble de la nation Triqui », ordonna dans sa langue l’un des anciens aux membres du nouveau gouvernement. Les ethnies triquis qui ont décidé de déclarer leur autonomie font partie des trois communes officielles mexicaines de Juxtlahuaca, Putla de Guerrero et Tlaxiaco. « Nous savons que le gouvernement ne l’acceptera pas, mais nous, nous le reconnaîtrons comme notre propre gouvernement et nous allons le faire vivre. Maintenant, nous allons nous gouverner nous-mêmes parce qu’eux (les municipalités officielles) ne sont pas indigènes, ne sont pas des Triqui et ne savent pas gouverner », affirme Jorge Albino Ortiz, conseiller de l’APPO appartenant au Mouvement d’unification et de lutte Triqui indépendant (le MULTI). « Nous avons fait plusieurs assemblées entre nous et nous avons décidé qu’il n’y aurait plus d’organisations afin de renouer avec nos traditions pour construire un gouvernement triqui, avec un président triqui, et d’avoir une commune libre, autonome et indigène. De la sorte, nous pensons que la violence cessera. C’est une des choses que nous avons apprises de l’APPO, prendre des décisions par nous-mêmes sur ce qui nous concerne, a-t-il ajouté. » D’après les membres du nouveau gouvernement de Copala, depuis l’arrivée de l’administration du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, en décembre 2004, il y a eu 70 meurtres politiques dans cette région, les autorités en question n’en reconnaissant que 48. « Nous ne voulons plus d’organisations, parce qu’avec elles c’est la division qui s’installe, comme quand il y avait le MULTI, l’UBISORT et le MULT, et ce que nous voulons c’est travailler à la paix », explique Albino, qui ajoute, en parlant des partis politiques : « Il y a le parti de l’unité populaire, le PRI, le PRD et aucun ne veut admettre les véritables causes de la situation dans cette région. Ils ne voient pas des indigènes, ils ne voient pas des Triqui, ils utilisent les Triqui pour leurs campagnes électorales et autres mais ils refusent de voir le problème de fond, comment il est vécu et s’il est vraiment vécu. » La création de la nouvelle commune a été célébrée dans les locaux de l’agence municipale de San Juan Copala, qui est désormais depuis hier le siège officiel du gouvernement populaire autonome. Vers 21 heures, les représentants d’une vingtaine de communautés voisines (où l’on estime que vivent 20 000 personnes) commençaient à arriver, pour entamer l’année nouvelle par un bal. Suites aux embuscades qui ont eu lieu au cours des dernières semaines, des indigènes armés appartenant à la police communautaire de la nouvelle commune gardaient les entrées de Copala, afin d’éviter, selon leur propre dire, la présence des « paramilitaires » qui opèrent dans cette zone. DIEGO ENRIQUE OSORNO Pour The Narco News Bulletin http://www.narconews.com/Issue44/articulo2478.html Vacances de fin d’année en terres insoumises. « Milenio », Mexico, le 11 janvier 2007. Copala, Oaxaca. Dans le cœur des Triqui, rebelles de tout temps, les instances officielles n’existent pas. « L’année 2006 nous a appris que nous ne devons pas nous soumettre, disent-ils. » La création de leur commune autonome semble en être la preuve. « Hé, moi, à votre place, je ne resterais pas ici, parce que toutes les après-midi on se prend des coups de feu dans le coin. Moi, je suis juste venu livrer les pétards et je me tire », nous lâche à toute vitesse de sa camionnette un homme qui va d’emprunter la piste de terrassement pleine d’ornières qui unit San Juan Copala, le cœur de la culture triqui, et les routes asphaltées de la sierra mixtèque. « Ils sont comme ça les Triqui, ils aiment se massacrer entre eux », concluent avec un brin de racisme aussi bien des fonctionnaires du gouvernement local que des activistes de l’APPO. D’autres rendent coupables les organisations sociales présentes dans cette zone de semer la terreur et le découragement, en particulier le Mouvement d’unification et de lutte Triqui que dirige de sa chaise roulante Heriberto Pazos Ortiz, un vieux dirigeant triqui qui s’est acoquiné avec le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, ce qui lui a valu la rébellion des membres de cette organisation. Dans le passé, son organisation disputait à l’« Unité du bien-être social de la région triqui » le contrôle de cette zone pauvre qui recouvre 13 000 hectares. Passant outre les conseils du vendeur de pétards, nous poursuivons notre voyage vers Copala sur la piste accidentée où se sont produites au moins cinq embuscades de gens armés de fort calibre dans les dernières années. En chemin, d’énormes blocs de pierre barrant le milieu de la piste témoignent des barricades que les habitants ont élevées pour empêcher de passer un convoi de la police d’intervention préventive. Plus loin, deux véhicules Tsuru de couleur blanche comme ceux qu’utilise la police nationale gisent renversés sur la berge de la rivière. Peu après nous entrons à Copala, la commune autonome des Triqui en rébellion, où toutes les dépendances de l’administration officielle ont été fermées et les fonctionnaires expulsés, où l’on n’aperçoit nulle part l’écriteau classique lançant « Bienvenue au village Untel » ou « Vous êtes à Machin, soyez les bienvenus »... Rien de tout cela ici. Les pins majestueux si caractéristiques de la région triqui ont peu à peu disparu, on n’en voit plus non plus sur les bords des chemins et aux portes des villages de ce secteur. Je m’en étonne auprès d’un des dirigeants de la communauté, qui me confie à voix basse que c’est « à cause des embuscades ». Il ajoute que les pins rendaient plus facile à des hommes armés de se cacher et de tendre une embuscade quand on passe en voiture ou quand on est chez soi. Bien sûr, je suis bête de ne pas y avoir pensé. Aussi les habitants préfèrent-ils les tailler, pour ne pas boucher la vue. C’est l’aspect que donne aujourd’hui Copala, où il ne reste plus que quelques grands arbres dans deux des angles du village. « Et ceux-là, pourquoi ne pas les avoir coupés ? », lui dis-je. - « Ah ! C’est que ceux-là, la police municipale s’en sert. », me répond-t-il. Je commence à saisir que le village a des hommes armés qui surveillent à leur tour l’éventuelle incursion de ce « groupe paramilitaire » qui opère dans la zone. « Nous savons qu’il va y avoir une répression et que des paramilitaires vont venir, tôt ou tard. Nous nous y attendons, pas moyen d’y échapper, mais nous savons que nous n’agissons pas mal, que ce que nous faisons garantit la paix pour les Triqui », nous raconte Jorge Albino Ortiz, jeune indigène de 23 ans qui participe à l’APPO en tant que conseiller. « L’heure est arrivée pour les communautés de l’Oaxaca, pour les peuples indiens, de manifester leur désaccord. Voilà ce que nous avons retenu de 2006, qu’il ne faut plus rester soumis, ajoute-t-il. » Et la cérémonie d’instauration du gouvernement populaire commence, au cas où l’on aurait cru qu’il ne s’agissait que de paroles en l’air. DIEGO ENRIQUE OSORNO http://www.milenio.com/mexico/milenio/nota.asp ?id=468725&sec=19 Traduit par Ángel Caído.
Message édité le 23-01-2007 à 22:20:10 par Paria |
| | Posté le 23-01-2007 à 22:20:59
| Et, cependant, cela bouge Le gouvernement fédéral persiste à traiter comme une organisation l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca (APPO). Il semble croire qu'elle est formée de masses dociles conduites par un petit groupe de dirigeants. Avec ceux-ci, il veut se concerter ou imposer des accords. Il semble aussi supposer qu'emprisonner certains d'entre eux et poursuivre les autres suffira à la liquider : le chien mort, la rage disparaîtrait. Dans une organisation, un syndicat ou un parti, les dirigeants conduisent ou contrôlent leurs membres et ils les mobilisent ou les contiennent. Ce sont des fonctions qui leur correspondent. Comme ils ont la faculté de représenter l'ensemble et négocier en leur nom, ils peuvent aussi les trahir ou s'écarter de leur volonté. Dans des mouvements sociaux comme l'APPO apparaissent parfois des chefs charismatiques ou symboliques qui accomplissent d'importantes fonctions, mais ce ne sont pas des dirigeants. Certains, comme Martin Luther King ou Che Guevara, gagnent des batailles après leur mort, à la manière du Cid. Mais ils ne sont jamais des représentants. Ils ne peuvent pas négocier au nom du mouvement ou remplacer sa volonté. L'APPO n'a jamais eu de dirigeants ou de chefs. N'étaient pas chefs les membres de la coordination provisoire. Non plus les membres du Conseil, lequel ne s'est jamais réuni si ce n'est le jour de sa constitution. Ni ensemble ni séparés, ils ne représentent l'APPO. Les fonctions d'orientation et de coordination qu'ils peuvent accomplir dans certaines circonstances n'équivalent pas à direction ou conduite. Ils ne sont pas non plus responsables de la somme de ce que font tous ceux qui agissent en son sein. Un jugement juste trouvera impossible d'attribuer aux "dirigeants" emprisonnés les délits qu'on attribue à l'APPO. C'est pourquoi ils sont des prisonniers politiques. Les mouvements sociaux et politiques ne sont pas maniables ou contrôlables. Les autorités, les événements ou certains "chefs" (s'ils existent) peuvent les influencer, mais ils ne peuvent pas les manipuler. Et ils s'éteignent seulement quand on a modifié les conditions qui leur ont donné naissance. (Les écraser, c'est comme les élaguer. Certains mouvements, comme celui de 68, gagnent des batailles après avoir été détruits.) Les mouvements n'ont guère de propositions, d'objectifs ou de modèles ; ils ont des motifs ou des raisons, des forces qui les propulsent dans une certaine direction ; ils sont définis par des convergences critiques de l'état des choses depuis une grande hétérogénéité ; ils évitent l'uniformité et les formes de type parti, pour prendre la forme d'un NON, avec beaucoup de OUI : un rejet commun et une variété d'affirmations, de projets, d'idéaux. Des mouvements très connus, comme l'environnementalisme ou le féminisme, illustrent bien ces caractéristiques. Ils maintiennent leur vitalité et augmentent leur force, parce que, malgré leurs réalisations, persistent les motifs : la destruction environnementale ou l'oppression et la discrimination de la femme. Ils se montrent parfois dans des explosions ponctuelles : contre des dommages environnementaux spécifiques, contre des actes féminicides concrets ; mais agissent de manière continue, de mille manières différentes, sans dirigeant, structures formelles ou définitions uniques. L'APPO est un mouvement social et politique d'une grande profondeur sociale et d'une énorme portée historique. Y prennent part des personnes très diverses, des groupes et des organisations. Parmi celles-ci, il y en a d'engagement partisan, appartenant à des organisations nationales, ils essayent d'apporter à l'APPO, au moulin de sa cause ou de son idéologie et ont eu, dans les mécanismes de coordination de l'APPO, un poids plus grand que leur importance réelle. Mais personne n'est à charge. Personne ne représente l'APPO. Personne ne dirige ou règle les initiatives de ceux et celles qui font partie d'elle. Ulises Ruiz est une expression maladive et exacerbée du régime corrompu et autoritaire que les Oaxaquéniens ne sont pas disposés à tolérer plus longtemps. Le rejet de sa présence, qui a déclenché le mouvement et qui continue à le rassembler, n'est ni son moteur ni son destin. L'APPO continuera à combattre pour se défaire de lui parce qu'il est un obstacle insupportable sur son chemin. Mais elle avance déjà sur son cadavre politique pour réaliser les transformations qui sont sa véritable raison d'être. L'APPO s'occupe de la réforme de l'État, si, comme telle, on comprend : une transformation complète des lois, institutions et comportements sociaux, afin établir un régime adéquat aux réalités d'Oaxaca après s'être délivré de la structure "caciquiste" et mafieuse qui a prévalu jusqu'aujourd'hui. Elle promeut ces modifications de manière pacifique et démocratique, et face à la société, non dans les coulisses du pouvoir. Elle ne les négocie pas dans un bureau du gouvernement, ni ne les traite avec les sbires d'Ulises, dans ses bureaux ou dans l'actuel Congrès local, ce qui, au lieu de changements, produirait une métamorphose grotesque. Le mouvement continue. La répression brutale a inhibé certaines de ses manifestations, quand il cherchait sa voie naturelle, mais ne l'a pas arrêté. La rivière descend, continue à accumuler des forces irrépressibles qui cherchent à nouveau leur voie. Le défi est qu'ils la trouvent à temps et qu'on évite ainsi un débordement ravageur qui pourrait être très destructif. Gustavo Esteva "La Jornada", Mexico, 15 janvier 2007. http://www.jornada.unam.mx/2007/01/15/index.php?section=opinion&article=027a2pol Traduit par Denis. |
| | Posté le 25-01-2007 à 19:02:51
| Rencontre entre la CCIODH et le docteur Berta Elena Muñoz La CCIODH (Commission civile internationale d’observation des droits humains) a recueilli des dizaines de témoignages de personnes et d’organisations. Hier, la CCIODH a rencontré le docteur Berta Elena Muñoz, qui a participé aux postes de secours et a été coordinatrice de Radio Universidad (de l’Université autonome Benito Juárez d’Oaxaca). Le docteur Muñoz se cache actuellement parce qu’elle et ses enfants ont reçu des menaces de mort par téléphone par une station de radio. Elle raconte ce qu’elle a vécu entre mai et novembre. Elle raconte les actes commis par des "escadrons de la mort formés par des policiers fédéraux et municipaux". Elle affirme que la révolte d’Oaxaca a eu un caractère pacifique pendant ces sept mois et dénonce le fait que n’importe quel passant pouvait être suspect, ou que quiconque ayant une tête d’étudiant, pouvait être empoigné, embarqué dans une camionnette, frappé et emmené. Les policiers entraient dans les maisons... "Et j’ai su, à ce moment-là, ce qu’est le terrorisme d’État". Elle met l’accent sur l’état précaire des droits élémentaires de la population et souligne l’implication et la responsabilité du gouvernement fédéral nécessaires à la résolution du conflit. Elle exige également de ce même gouvernement fédéral des garanties pour sa propre sécurité. Madame Berta Elena Muñoz a émis le souhait que ce témoignage soit rendu public. Dès notre arrivée, nous avions annoncé que nous l’accepterions lorsque le cas se produirait. Ville de Mexico, 7 janvier 2007. BM : Je suis le docteur Berta Elena Munoz. Entre autres, coordinatrice de Radio Universidad, de l’Université autonome Benito Juarez d’Oaxaca. CCIODH : Nous aimerions vous demander quelle est votre situation personnelle en ce moment. BM : Eh bien, je me cache pratiquement depuis le jour où on a rendu Radio Universidad au recteur de l’université d’Oaxaca (UABJO), vu que les rumeurs et les menaces - et depuis quelques jours, plus encore, les menaces dirigées à mon encontre, que les rumeurs - étaient de plus en plus nombreuses et persistantes, disant que moi, on ne me mettrait pas en prison, mais qu’on me ferait disparaître. Ce jour-là, devant le conseil de l’APPO, j’ai proposé de me livrer publiquement en présence des médias, oui, des journalistes, pour qu’on ne me fasse pas disparaître, parce que personne d’après moi, n’a envie de "disparaître". On m’a alors fait remarquer qu’au point où on en était et au vu de ce qui s’était passé jusque-là, personne ne pouvait garantir - même si je me livrais publiquement - qu’on ne me ferait pas disparaître. Nous nous sommes donc mis d’accord sur ce que nous allions faire, non seulement moi mais quelques autres personnes, celles qui d’une manière ou d’une autre s’étaient faites le plus remarquer pour une raison ou pour une autre, sur le fait que nous devions nous cacher pour voir venir les choses. Je me donc suis cachée depuis le 28 novembre et vis ainsi depuis le 28, 29 novembre. CCIODH : Est-ce qu’à un moment quelconque on vous a signifié un mandat d’arrêt ou une inculpation spécifique pour un délit quel qu’il soit ? BM : Il est évident que le gouvernement, l’État, ne rendent pas publiques les listes de ceux qu’ils veulent arrêter. Je ne sais pas de façon certaine s’il y a un mandat d’arrêt me concernant. Bien sûr, quand on voit les délits dont sont accusés les camarades détenus, y compris des gens qui n’appartiennent pas à l’APPO, des gens qui n’ont participé à rien, et quand on voit qu’ils leur collent des délits tels que "sédition", etc., eh bien, on se dit, ma foi, qui sait ? moi, ils vont m’accuser d’avoir brûlé les pieds de Cuauhtémoc. De Cuauhtémoc le roi aztèque, pas l’autre Cuauhtémoc. CCIODH : Votre situation a-t-elle affecté votre famille ? BM : Bien sûr, parce que mes enfants ont été menacés. Et cela, ils l’ont fait par l’intermédiaire de la fameuse "Radio Citoyenne" par laquelle ils m’ont menacée ainsi que mes enfants, lesquels sont bien évidemment également cachés. Cela fait plus d’un mois que je les ne vois pas. Ils ne se voient non plus l’un l’autre, parce que chacun est caché dans un lieu différent. Je n’ai pas vu le reste de la famille non plus. CCIODH : En quoi avez-vous participé au mouvement, au déroulement des événements à Oaxaca ? BM : Au début, j’étais responsable d’un poste de secours, le premier poste de secours qui ait existé dans le mouvement. Pour les besoins mêmes du mouvement, il a fallu organiser un service médical pour faire face aux urgences, soigner les blessés, ceux qui avaient des fractures, des lésions... Plus tard, par un hasard du destin, je suis devenue coordinatrice de Radio Universidad et je crois que ça a été ce dernier rôle qui a le plus attiré l’attention, aussi bien de l’État que des gens qui y ont participé. CCIODH : Est-ce que vous avez assumé une quelconque responsabilité organisationnelle après le rôle fondamental que vous avez joué en tant qu’animatrice de la radio ? BM : Non, mon principal rôle a été organisationnel, c’est-à-dire que je me suis occupée des postes de secours, en tant que médecin, car je suis médecin. Pour les postes de secours créés par la suite, nous avons essayé de tous les coordonner. Personne ne commandait, mais il y avait une coordination. En ce sens, l’organisation du poste de secours a été ma seule responsabilité organisationnelle. Mon autre rôle a consisté à parler à la radio, pendant l’étape la plus difficile du mouvement. CCIODH : Dans notre travail, dans les textes et les documents qui sont portés à notre connaissance, sont dénoncées des violations des droits humains. En votre qualité de médecin, et avec la responsabilité qui a été la vôtre, avez-vous des éléments qui nous aideraient à définir et à rendre concrètes ces violations ? BM : Bien sûr, nous avons transporté des blessés vers différents hôpitaux. Des gens blessés par balles par les escadrons de la mort ou par des tueurs à gages et cela tant le 2 novembre, au cours duquel nous avons eu un grand nombre de blessés, que les jours suivants. Bien évidemment, le fait qu’on nous tire dessus dans une manifestation pacifique, comme cela s’est passé, est selon moi une violation des droits humains. Que l’on vienne tirer sur les gens qui participaient pacifiquement à un piquet, est également, je crois, une violation des droits humains. Que ce soit dans les piquets, les manifestations, ou même en marchant dans la rue, les camarades ont été attaqués. Ils l’ont été par des tueurs du gouvernement de l’État et bien sûr, plus tard, par la Police fédérale préventive et par ceux de l’AFI. Je crois que ça, c’est une violation des droits humains, d’après ce que je comprends par "droits humains". CCIODH : Tout au long du conflit, les violations les plus graves sont celles qui ont porté atteinte au droit à la vie. On a documenté au moins 17 cas de morts par balles, à cause de la violence politique. Pas en un seul jour, pas seulement pendant les minutes les plus dures, mais... BM : ... pendant les sept mois qu’a duré le mouvement. CCIODH : Vous avez peut-être connu ces cas. Comment définiriez-vous et quelle est votre impression de la façon dont se sont déroulés ces événements? BM : En vérité, je vais être franche, je pense que nous ne nous attendions pas à cette réponse aussi violente de la part de l’État, étant donné que notre mouvement est pacifique. Jamais, à aucun moment, nous n’avons fait appel à la violence. Il est vrai qu’il y avait les manifestations, les piquets, les blocages de routes et bien entendu que tout cela dérange, mais cela nous dérangeait aussi, parce que, nous non plus, nous ne pouvions pas passer. Mais cela s’est fait parce qu’ils ne nous ont pas laissé d’autre choix. Nous en arrivons alors au premier cas : lors d’une manifestation qui se dirigeait vers Canal 9, la radio et TV d’Oaxaca prise depuis peu, ça a été une chose très étrange, cette fusillade à l’extérieur de l’hôpital en particulier, où est mort le premier camarade, le mécanicien. C’est moi qui ai dû aller voir le cadavre, et les gens me disaient : "C’était une fusillade, docteur, il y a eu plusieurs coups de feu." C’étaient des gens qui étaient allés à la manifestation par solidarité, des gens qui n’appartenaient à aucune organisation, à aucun syndicat. D’ailleurs, quand on m’a appelée pour m’avertir, j’entendais encore des coups de feu au téléphone, c’était une fusillade, ce n’était pas un coup de feu. Et quand est survenue la seconde mort à radio La Ley, cette fois, c’étaient les escadrons de la mort. Et c’est vrai que voyant ces choses, je ne me les expliquais pas, je ne pouvais pas y croire, parce que... c’était comme si nous étions au Chili de Pinochet ou l’Argentine de Videla ou, pardonnez-moi, dans l’Espagne de Franco. Il y avait plus de vingt camionnettes remplies de policiers armés jusqu’aux dents, qui tiraient. Et alors on se dit "pour l’amour de Dieu, et nous qui n’avons pas d’armes...". C’est à cause de ça, de cet escadron de la mort à ce moment-là, que les barricades se sont étendues pour éviter qu‘ils accèdent aux stations de radio et aux antennes des stations de radio. Bien sûr, vous pouvez dire "pourquoi ont-ils pris les stations de radio ?" Eh bien, il y avait une station de radio quand le mouvement était simplement la Section 22, un mouvement des enseignants, parce que la Section 22 avait sa radio, Radio Planton. Et au moment de l’évacuation, le 14 juin, ils ont détruit cette station de radio. Un groupe d’étudiants a alors pris Radio Universidad pour diffuser l’information, parce que l’information que donnaient les médias était tendancieuse, fausse. Et il était primordial que les gens soient mis au courant de ce qui se passait réellement. Alors, on a pris Radio Universidad. Leur première tentative de détruire la radio a échoué. A la deuxième tentative, oui, ils ont fait sauter la radio, mais un groupe de camarades, des femmes, avait déjà décidé de prendre la radio et télévision d’Oaxaca. Le 1er août, elles l’ont prise et se sont mises à diffuser l’information. Ils ont alors détruit les antennes de Canal 9, et là-bas il y a eu des blessés, parce que ces tueurs sont arrivés de nuit, tôt le matin, pour tirer sur les gens. Moi, j’ai dû emmener un blessé, je m’occupais de l’ambulance, du poste de secours, de sorte que nous avons réussi à évacuer les blessés, c’est comme cela que j’ai été témoin. Là-bas, les gens ont décidé de prendre les stations de radio, c’était une nécessité, parce que l’information qu’elles diffusaient était une information fausse, tendancieuse. Et il y avait cette nécessité d’informer les gens de ce qui se passait réellement. Quand on a pris les stations de radio, c’est là que sont apparus les escadrons de la mort composés de policiers fédéraux et municipaux, armés jusqu’aux dents, et il n’y avait pas deux, trois, ou quatre camionnettes, c’étaient des convois entiers. Si cela n’est pas une violation des droits humains, eh bien je ne sais pas ce que c’est. CCIODH : Vous avez été capable de déterminer que c’étaient des policiers fédéraux à cause des uniformes ou de quelque autre élément... BM : Il y a même un film, de ce jour où ils ont tué le compagnon architecte, c’est filmé, ils l’ont montré à la télévision parce qu’ils ont aussi attaqué un reporter de TV Azteca, ils lui ont arraché sa caméra. C’est documenté, je ne comprends pas que quelqu’un, ayant vu cela à la TV mexicaine, puisse nous reprocher à nous des choses, alors que nous... nous, nous n’avons jamais appelé à la violence. CCIODH : Y a-t-il eu une enquête préalable ou une inculpation de certaines de ces personnes, dont vous ayez eu connaissance ? BM : Non, aucune. Ils ont essayé de faire un simulacre d’enquête… Dans le cas du premier compagnon qu’ils ont tué, la procureure de l’État a dit que ça avait été une rixe et qu’on lui avait tiré dessus. Plus tard, l’autopsie a montré qu’il n’avait pas reçu une balle, mais plusieurs balles. Dans le cas du second compagnon, rien n’a été fait non plus. Je crois que ça a été pour le troisième ou le quatrième, je ne me rappelle pas bien, qu’ils ont arrêté un soldat. Ils ont vaguement dit qu’ils allaient enquêter sur la mort du Nord-Américain, le reporter Brad, parce que là, les médias internationaux ont bondi. Et là ils ont essayé, malgré le fait qu’on voit dans le film ceux qui étaient armés et ceux qui ont tiré, la procureure de Justice, ou plutôt d’Injustice, de l’État, elle-même, a dit que c’était nous qui l’avions tué. Mais vous savez déjà tout cela, toutes ces choses absurdes. Même le compagnon médecin qui a aidé quand ils l’ont transporté alors qu’il était déjà mort est menacé, parce qu’il a déclaré que ce n’était pas vrai qu’il n’avait reçu qu’une balle. Toutes ces morts dans nos rangs n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes, et il n’y en aura pas. J’en suis on ne peut plus sûre. Pourquoi ? Parce que le responsable direct est le gouverneur de l’État. C’est lui qui a donné l’ordre et ce sont ces tueurs à gages qui les ont assassinés. Ils ont été assassinés de façon vile, avec préméditation, traîtrise et par appât du gain. CCIODH : Y a-t-il eu une quelconque réponse violente de l’APPO, ou une réaction à tous ces faits ? BM : Curieusement, et j’en ai même pris ombrage, lorsqu’ils ont tué le compagnon là-bas à radio La Ley, les gens étaient calmes, on disait toujours : c’est un mouvement de résistance pacifique. Et les gens étaient calmes. Il y avait des moments de rage, parce que, évidemment, si vous voyez qu’on vous tire dessus et que vous n’avez pas de quoi vous défendre, il vous vient un sentiment d’impuissance qui inévitablement se transforme en rage. Cependant, les gens étaient parfaitement conscients du caractère pacifique de notre mouvement et oui, ils retenaient leur colère, parce que rien ne justifiait ces morts, rien, il n’y avait pas la moindre raison pour qu’on leur tire dessus. Ces fusillades se sont produites à Calicanto, là où est mort le compagnon Brad, mais il y a eu également pas mal de blessés. Il a fallu en amener certains à un hôpital, d’autres ont été soignés sur place. Mais ce qui s’est passé à San Antonio de la Cal, à l’Experimental, devant la Casa de Gobiernos, cette rage, cette colère, cette haine avec lesquelles nous avons été attaqués, ne se justifient pas. Nous, nous n’agissons jamais à ce niveau-là, parce que pour nous il ne s’agit pas de haine, ce n’est pas la haine qui nous fait agir. Ce qui nous fait agir est simplement un désir de justice. Parce que nous ne pouvons pas continuer à vivre, en plein XXIe siècle, comme si nous étions à l’époque de Porfirio. Une époque où n’importe quel cacique de village, si quelqu’un n’était pas avec lui ou était contre lui, le faisait tuer et sans qu’il y ait eu la moindre vague. Telle est la situation à Oaxaca, et c’est ainsi que ce monsieur le gouverneur, ou "dégouverneur", parce qu’il est plutôt "dégouverneur", en est arrivé à se comporter à Oaxaca : en s’imposant par la force. Absolument sans aucun sens du devoir politique, parce que ce monsieur n’est pas un politique et tous ceux qui étaient avec lui, qui sont avec lui, eh bien ils sont du même acabit : des gens pour qui la vie humaine n’a absolument aucune valeur. Vous devriez interroger les gens, ceux qui ont été témoins de la manière dont se sont déroulées ces agressions que l’on ne s’explique pas... Eh bien oui, évidemment, il y a eu des moments de colère, et plus que de colère, d’impuissance, parce que nous n’arrivions pas à comprendre le pourquoi d’une réponse aussi démesurée à un mouvement pacifique. CCIODH : Il est de notoriété publique que, en particulier en ce qui concerne la manifestation du 25, les instances institutionnelles accusent les manifestants d’avoir incendié des édifices publics et que, pour cette raison, la manière d’agir et les détentions trouvent une certaine justification. Considérez-vous que leur version des faits est exacte ? BM : Ecoutez, si l’on situe le lieu où se trouvaient les "pefepos", c’est-à-dire la Police fédérale préventive, et où nous, nous nous trouvions, la Banamex n’était pas là où nous étions, mais là où étaient les "pefepos". Le seul édifice qui était dans la zone où nous étions est l’hôtel Camino Real. De plus, il a reçu un cocktail Molotov, eh bien, ça a été accidentel pendant l’attaque ou la défense, car, plutôt qu’attaquer, nous nous défendions. Parce que, moi, ce que j’ai réussi à voir, là-bas dans le corridor touristique, ça a été les "pefepos" en haut sur des terrasses en dehors de leur zone, qui nous attaquaient, nous. En nous lançant des billes et en nous faisant des gestes. Il y avait aussi une quantité énorme de provocateurs, de gens infiltrés de chez eux. Mais oui, moi je l’ai vu, et j’ai vu depuis l’église Sangre de Cristo que les gens de la Police fédérale préventive étaient sur d’autres terrasses, hors de leur zone. Et la zone de Banamex et certains de ces lieux n’étaient pas dans la zone où nous nous trouvions nous. Et comment aurions-nous pu arriver jusque-là puisqu’ils nous repoussaient ? Donc, ils peuvent tout aussi bien dire la messe. Maintenant, en ce qui concerne le tribunal dans lequel il y avait, pour sûr, des preuves contre les gouvernements antérieurs, sur des histoires d’argent, dont personne ne sait où il est passé... eh bien, c’est bizarre qu’il ait brûlé précisément de la manière dont il a brûlé. Donc, c’est très étrange. Voyons, quel intérêt avions-nous, nous, à brûler à ce moment-là cette Bancomer ou la Banamex ou quoi que ce soit. C’est-à-dire, si en sept mois de lutte, nous n’avons pillé aucun commerce, ni rien incendié, ni rien, croyez-vous qu’à ce moment-là nous allions le faire ? Nous ne sommes pas idiots. De plus, il n’y avait aucune raison de le faire. Tout ça a été quelque chose de préparé pour pouvoir justifier toute la répression qui a suivi, qui a été une répression sans discrimination, par laquelle ils ont fait prisonniers des gens qui n’avaient rien à voir avec tout ça, qui n’étaient même pas dans le mouvement, une répression qui a été du terrorisme d’État. Parce que, à partir de ce moment, le climat de terreur à Oaxaca a été épouvantable. Parce que, si quelqu’un passait dans la rue et qu’il leur paraissait suspect, ou avait une tête d’étudiant, ils l’attrapaient, le faisaient monter dans une camionnette, le frappaient et l’enlevaient. Ils entraient dans les maisons pour les fouiller, patrouillaient, mais d’une manière que je n’avais jamais vue, pas même en 68. Et j’ai su alors, pendant ces jours-là, ce qu’est le terrorisme d’État, celui qu’avaient dû vivre les compagnons chiliens, les compagnons argentins, à l’époque de la dictature. En vérité, ça a été une expérience terrifiante. Mais ils devaient justifier d’une manière ou d’une autre cette répression sauvage. Et, ma foi, nous ne pouvons pas dire "ça a été la faute de Fox", parce que Fox n’était déjà plus en fonctions, en pratique il avait déjà dit qu’il n’y était plus. Est-ce que ça a été Calderon, est-ce que ça a été le nouveau ministre de l’Intérieur agissant par anticipation ? Nous ne savons pas, mais cette répression n’a eu aucune justification. Le mouvement d’Oaxaca est un mouvement pacifique. Et vous l’avez vu. Malgré tout ce qui s’est passé, le mouvement continue à Oaxaca et continue à être pacifique. CCIODH : Depuis tous ces événements, la version officielle consiste à dire que l’ordre est revenu et que le conflit est résolu. Que pensez-vous de ces déclarations ? BM : Eh bien, je ne sais pas. C’est évidemment ce que dit le "dégouverneur" Ulises Ruiz, je crois que c’est ce que dit le ministre de l’Intérieur actuel. Mais, pour lui de deux choses l’une : soit il n’est pas au courant de ce qui se passe, soit il ne veut pas voir les choses en face. De la part d’Ulises, cela ne nous étonne pas. Mais le mouvement continue. Parce que c’est un mouvement qui a surgi spontanément. Voilà soixante-dix ans que nous supportons ce "dégouvernement", et surtout les trois derniers mandats de six ans qui ont été terrifiants. Les gens n’en pouvaient plus des vols, des tromperies et de la répression et ils se sont soulevés de leur propre chef. Malgré la répression, les gens étaient présents. Et on l’a vu aujourd’hui, avec l’épisode de la distribution des jouets, et hier avec "l’APPO joueur", qu’ils ont bien peur. C’est même la panique ! On organise un événement pour distribuer... des jouets ! et on leur envoie la police et on encercle les camarades, qui de plus sont toutes des femmes. De quoi ont-ils peur ? Bon, on dit par ici : "Parfois, les regards tuent." Mais bon, jusqu’à présent, nous, autant que nous sachions, nous n’avons tué personne, ni avec des regards ni avec rien. De quoi ont-ils peur ? Si les choses étaient réellement résolues, ils n’auraient pas besoin de ça. Maintenant, Oaxaca s’est soulevée, le peuple s’est mis en route. Et il marche. En quête d’un rêve. Parce que c’est un rêve que nous avons. Le rêve d’avoir un gouvernement juste, qui ne soit pas répressif, pas corrompu qui investisse le budget dans les priorités, et pas dans... bon, je vais parler comme je ne pouvais même pas parler à la radio, mais... pas de conneries. A Oaxaca, il manque des écoles, il manque de l’eau, des rues goudronnées, de l’électricité, les choses les plus élémentaires. Et je ne parle pas de là-bas, des coins reculés de la montagne, non, mais des colonies périphériques. Et ce monsieur dépense, selon lui, 800 millions de pesos pour restaurer le zocalo. Si vous allez voir le zocalo d’Oaxaca, essayez de voir comment se justifient les 800 millions de pesos. Essayez de voir si ça a coûté 800 millions de pesos. Les gens ne sont pas bêtes. Ils savent que cet argent, ils se le sont mis dans les poches. Parce que ce n’était pas une tâche prioritaire, tout ce dont avait besoin le zocalo était un nettoyage de la place, alors qu’il n’y a pas d’écoles. Quand une bonne partie des écoles dans les colonies périphériques sont des cabanes : un sol en terre, pas de chaises, rien. Pas de médicaments dans les unités de santé. S’il vous plaît! Et ça c’était une priorité. Donc ce que nous voulons, c’est que le peu d’argent qu’il y a soit dépensé pour les priorités. Mais que de plus, s’il faut faire des travaux, que cela soit fait comme il se doit : avec un appel d’offres, non parce qu’un tel est mon frère, mon beau-frère "allez, on y va!" et ils empochent la moitié du fric. Oaxaca est un État pauvre, c’est pourquoi ce n’est pas juste. Où les fonctionnaires sont les copains d’untel et sont des gens qui ne connaissent rien à leur domaine, rien. Et cela, nous pouvons le dire de la santé, de l’éducation, nous pouvons le dire de tous les autres domaines. On dit qu’Oaxaca est l’État où l’éducation est la pire et on rejette la faute sur les maîtres. Je ne sais pas si vous, pour votre travail, avez dû arriver sans avoir rien mangé toute la journée en étant obligés de vous concentrer pour pouvoir capter quelque chose. Si nos enfants sont mal nourris, quel niveau vont-ils avoir, quel niveau ? Eh bien, nul. Bien sûr, quelques maîtres sont partiellement responsables, parce qu’il y a partout des brebis galeuses. Mais, quand on sort, quand on voit les communautés, quand on voit leur situation, on se dit : "Non, comment diable veulent-ils que nous ayons un bon niveau d’éducation ?" Quand tout simplement l’université pendant je ne sais combien d’années a été dans les mains du "porrisme". Quand les "porros"** sont nommés maîtres à temps plein. Quand une rectrice est la pire d’entre eux. Quel niveau veulent-ils que nous ayons ? Et tout ça sous la protection du gouvernement. Quel niveau d’éducation, par exemple, peut dispenser CENABUABJO quand cette université consacre une moyenne de 14 000 pesos*** par élève alors que la moyenne nationale est de 30 000 ? Quel niveau. Et on gaspille l’argent en bêtises comme celles-là. Et la fontaine des Sept-Régions, je ne sais pas si vous l’avez connue, c’était une fontaine splendide, une fontaine authentique qui mettait en valeur le frontispice de la faculté de médecine qui lui servait de décor. Voyez ce qu’ils lui ont fait, qui ne se justifiait en rien parce que ce n’était pas nécessaire. Tout cela fâchait déjà les gens, en fait ils étaient déjà fâchés avant à cause de toutes ces bêtises. Quand l’évacuation des maîtres s’est produite, personne n’est venu les chercher chez eux : "Ecoutez, venez nous défendre", ce n’est pas vrai. Nous y sommes allés tout seuls. J’y suis allée toute seule. Bien sûr, les maîtres sont venus à la faculté de médecine, j’étais en train d’enseigner. Une prof est arrivée à 7 heures du matin : "Ils nous font ceci et cela." Étonnement. J’ai dit eh bien, j’y vais, je vais au zocalo voir ce qu’on peut faire. Tout comme j’y suis arrivée seule, les gens sont arrivés. Et c’est ainsi, ils ont continué à arriver par eux-mêmes. Pourquoi : parce que les gens ont ce besoin de changement. Parce que ça suffit qu’Oaxaca soit comme il est, que tout le monde vole de l’argent, et qu’on nous rende coupables, nous les travailleurs, de ce qui se passe. Et alors les gens se sont révoltés, se sont organisés par eux-mêmes. Oui, bien sûr, il y a eu à ce moment-là des groupes organisés, des militants de certains courants politiques, mais, la majorité des gens, nous n’appartenons à rien. Simplement, nous en avions assez. Une chose très intéressante dans ce mouvement, c’est qu’il y avait beaucoup de gens âgés. Des gens de plus de soixante-dix ans, alors que normalement, les gens âgés sont de ceux qui disent : "Non, ils vont finir par se rendre, j’ai déjà vu ça parce que ça, je l’ai déjà vu plusieurs fois." Mais ce mouvement est différent. Vous l’avez vu si vous avez vu les vidéos : les petites vieilles qui portaient des pierres, les petits vieux. Des gens qui peuvent dire "maintenant, je suis plus de l’autre côté que de celui-ci" qui peuvent dire "puisque je suis bientôt en bout de course, pourquoi m’en mêlerais-je ?" Non, eux aussi ressentent ce besoin de changement. Alors, Non, ce mouvement n’est pas terminé et il n’est pas près de se terminer. Et ils peuvent bien continuer à nous réprimer et peut-être que dans une semaine, au lieu d’être dix à nous cacher, peut-être serons-nous cinquante ; et peut-être qu’ils vont de nouveau remplir les prisons ; et peut-être qu’ils vont de nouveau nous tirer dessus. Mais je le répète encore une fois : les gens ont décidé de se mettre en route et ils ne vont pas les arrêter. Ils ne vont pas les arrêter et en voici la preuve : cela continue, le mouvement continue et il va continuer. Et il ne s’agit pas de leaders, il ne s’agit pas de dire "aïe, ils ont mis Flavio Sosa en taule !". Parce que, tout d’abord, dans ce mouvement il n’y a pas de chefs et ça, il faut laisser tomber : il n’y a pas de dirigeants, il n’y a pas de chefs. Ça a été mon tour à un moment donné de parler à la radio, mais tout comme avant moi l’avait fait la camarade Carmen. Je n’y suis plus maintenant, et bon, si se présente à nouveau la possibilité d’avoir une radio, eh bien c’est une autre personne qui le fera si moi je ne peux pas le faire. Et d’autres comme moi, sans la moindre expérience de la radio ou de la télévision. Parce que c’est un mouvement populaire, il n’y a pas de chefs, pas de dirigeants, rien de tout ça. C’est quelque chose d’un peu difficile à comprendre, moi-même parfois, je ne parviens pas à comprendre très bien ce qui s’est passé, comment s’est arrivé. Mais c’est la réalité, ce sont les faits. Et la répression, eh bien, évidemment, elle continue d’être à l’ordre du jour. CCIODH : Après les événements qui se sont déroulés, la possibilité de rechercher une solution pacifique au conflit, par le dialogue, est-elle concevable ? Nous croyons comprendre que c’est ce que souhaitent beaucoup de gens. BM : La condition sine qua non est le départ d’Ulises, et ça ils ne le comprennent pas. Rien ne pourra être résolu tant qu’il sera gouverneur. Lorsqu’il aurait pu négocier, il ne l’a pas fait et a employé la répression. Et il continue de réprimer et il ne fait que réprimer. Hier aussi, c’était de la répression. Il ne peut plus y avoir de dialogue avec des gens qui ne sont plus reconnus par le peuple, parce que Ulises n’est plus reconnu depuis le 14 juin. Personne ne voudra dialoguer avec lui. Bon les traîtres et les vendus oui, mais ça c’est normal, mais ceux qui appartiennent au mouvement ne peuvent accepter et tant qu’Ulises ne partira pas... Il y a bien un dialogue avec le ministère de l’Intérieur, mais ils doivent comprendre eux aussi que notre mouvement est pacifique et qu’ils ne doivent pas nous réprimer non plus. Mais de quel État de droit parlons nous ? ce qu’ils ont fait eux, c’est appeler la Police fédérale préventive et l’AFI pour soutenir Ulises. "Nous venons défendre l’État de droit." Quel État de droit alors que, à peine arrivés, ils ont commencé à violer les droits humains. Nous ne sommes plus en 1910, en 1908, en 1920 ou en 1930 où c’étaient encore l’époque des caciques. C’est une autre époque et il n’est pas possible d’apporter son appui à un gouvernement assassin, répresseur et voleur comme c’est le cas aujourd’hui. Le peuple d’Oaxaca ne va plus se laisser berner. Il se peut que la répression recommence. La peur, la terreur peuvent revenir il nous faudra battre en retraite mais où cela nous mènera-t-il ? Je n’en sais rien. Le mouvement est pacifique mais il nous ferment toutes les solutions pacifiques et cela engendre un sentiment d’impuissance énorme. Vraiment, je ne comprends pas ce gouvernement fédéral. On suppose a priori qu’ils sont intelligents, qu’ils raisonnent, qu’ils réfléchissent et ils devraient donc voir les conséquences de cette répression. Nous ne sommes plus dans les années cinquante pendant lesquelles on pouvait exterminer tout un peuple sans que personne ne le sache. Ce qui se passe aujourd’hui à Oaxaca, tout le monde est au courant. Comment, et avec quel culot, le président du Mexique peut-il parler de démocratie alors qu’il agit de la sorte ? Il y a peut-être une solution, mais tout dépend de l’attitude du gouvernement fédéral. CCIODH : Est-ce que vous espérez, après tous ces événements, une solution qui améliorerait les conditions de vie des gens d’Oaxaca et le respect des droits humains ? BM : De la part d’Ulises Ruiz, c’est clair qu’il ne va pas y avoir de changements et nous en sommes conscients. Sachant que vous étiez à Oaxaca, qu’il y a ici des commissions internationales des droits humains, hier il a envoyé sa police, dans le cadre d’une mission pacifique et de bienfaisance, distribuer des jouets à l’occasion de la fête des Rois mages. De sa part et de la part de ses partisans, comme Lino Celaya et tous ceux-là, non. Il n’y aura pas une amélioration à Oaxaca en ce qui concerne les droits humains. Ce monsieur garde ses atouts et ses avantages. Ici, cela dépendra beaucoup du gouvernement fédéral . Que peut-on espérer - puisqu’on dit que l’espoir est ce qui meurt en dernier ? Eh bien, en effet que ces gens mettent les cartes sur la table. Et, de plus, le Mexique s’est engagé au niveau international, rien que sur ce point. Ils ont une responsabilité face au monde : ils sont là-bas à la commission - ou comité - des droits humains de l’ONU, le Mexique en fait partie. Et vous avez vu, ce n’est pas qu’à Oaxaca : il y a Atenco, et ce qui s’est passé à Guadalajara quand les antiglobalisation, je ne sais pas si vous êtes venus enquêter à cette occasion, mais ça a été également terrifiant. Donc, je ne sais pas... je pense que le gouvernement fédéral doit capituler. C’est ce que nous espérons et, de plus, c’est ce que nous souhaitons. Mais, quoi qu’il arrive, les citoyens et citoyennes d’Oaxaca, je le répète encore une fois, non seulement les citoyens et citoyennes, mais encore ceux qui n’ont pas encore l’âge de l’être, ont décidé de se mettre en route. Et on ne va pas les arrêter. Le prix à payer serait très cher, d’où que l’on considère la question, pour noyer ce mouvement. Ce n’est pas la révolution, non. Il s’agit simplement de respecter les lois qui existent déjà, de respecter la Constitution. C’est-à-dire, il ne s’agit pas de "nous allons changer le monde", non. Simplement : c’est comme cela ? respectez-le. Est-ce si difficile ? Mais il semble qu’ils ne l’ont pas compris. Mais l’espoir, c’est de faire avancer cette compréhension. Moi, j’espère pouvoir retourner à Oaxaca pour retrouver mon travail, voir ma famille, être dans ma maison, bien qu’elle soit minuscule, mais c’est ma maison. Pouvoir marcher dans les rues d’Oaxaca, boire mon petit café au zocalo comme j’en ai l’habitude. Mais en ce moment, je ne peux pas aller à Oaxaca. Pourquoi ? Parce qu’on m’a menacée de me tirer une balle. Et mes enfants de même. Et donc, c’est ça, un "État de droit" ? Peut-être n’y a-t-il pas de mandat d’arrêt à mon encontre, ça je ne sais pas, mais je sais que ma vie est en danger, ma vie est en danger. Ils me l’ont fait savoir une quantité de fois dans mon téléphone portable, ils l’ont dit une quantité de fois à Radio Alcantarilla. Et, que je sache, il n’y a pas de mandats d’arrêt pour ceux qui poussaient à la violence bien plus que ne le faisait Radio Universidad. Parce que, à Radio Universidad, tout ce que nous avons fait a été d’appeler à la défense, jamais à l’attaque. Nous n’avons jamais dit : "Allez brûler leur maison." Jamais. Et heureusement, car on a pu entendre Radio Universidad dans bien des parties du monde via Internet, et grâce à ça on peut vérifier tranquillement que nous n’avons jamais appelé à la violence. Nous avons appelé à se défendre dans les occasions où il était nécessaire de défendre quelque chose. Mais bien sûr que je veux retourner à Oaxaca. Je veux et j’exige des garanties du gouvernement fédéral et du gouvernement de l’État parce que je n’ai commis aucun délit : je n’ai assassiné personne, je n’ai pas volé, je n’ai pas séquestré. Et comment est-ce possible que, simplement parce que j’ai exprimé mes opinions, il plane sur ma tête une menace de mort, et sur celle de mes enfants ? Et je ne suis pas la seule, c’est le cas aussi de l’enseignante Carmen, qui a aussi été coordinatrice de Radio Universidad, à Canal 9 et à radio La Ley. Ont-ils si peur des mots ? Pourquoi tout ce déploiement de forces... bon, il ont déjà recommencé au Michoacan, je crois que ça ne leur a pas réussi. Mais pourquoi n’ont-ils pas envoyé tous ces effectifs de Police fédérale préventive là où il y a l’énorme problème du narcotrafic ? Non, ils les envoient contre un peuple sans défense, un peuple pacifique qui ne fait que demander justice. CCIODH : Désirez-vous ajouter quelque chose ? BM : Eh bien, je crois qu’il est très important d’être bien conscient du fait que ce mouvement n’est pas un mouvement d’organisations ou de partis politiques. Il a surgi spontanément. Bien sûr, initialement, il a eu pour centre le mouvement des enseignants. Mais en fait, comme les maîtres se mettent en grève chaque année depuis vingt-six ans, on n’en fait plus cas. En général, notre seule réaction, c’est de dire : "Ils vont encore faire une manif..., ils vont bloquer telle rue, à quelle heure vais-je pouvoir rentrer à la maison." Mais, le jour de l’évacuation, le mécontentement des gens était tel, que nous y sommes allés. Et nous y sommes allés de notre propre initiative. Et peu à peu, évidemment, les gens se sont organisés dans leurs colonies, leurs quartiers, leurs villages. Mais ce mouvement n’est pas un mouvement de partis et d’organisations politiques, c’est un mouvement du peuple pour le peuple. Et c’est un mouvement dans lequel vous pouvez rencontrer des gens de tous les âges, de professions différentes, de classes sociales différentes, des Indiens, des paysans, des ouvriers - peu d’ouvriers, parce qu’il y a peu d’usines à Oaxaca, il n’y a pas d’industries - des travailleurs, des bureaucrates, des employés, des commerçants. C’est un mouvement du peuple. Et si ça n’avait pas été un mouvement du peuple, je ne sais pas comment on aurait pu tenir sept mois, je ne sais pas comment on aurait pu garder les barricades pendant tant de mois. Deux mille barricades dans la ville d’Oaxaca, avec quels gens. Oui, c’est bien un mouvement du peuple, ce n’est pas autre chose. Notes * UABJO : Université d’Oaxaca ** Porrisme, porros : on peut traduire porros par « hommes de main infiltrés », milices spécialisées dans les coups de main à l’intérieur de l’université. *** 1 dollar : un peu moins de 11 pesos. 1 euro : 14 pesos environ. Traduction trouvée sur a-infos http://www.ainfos.ca/fr/ainfos06426.html http://cciodh.pangea.org/quinta/entrev_070106_b_e_munoz_cas.shtml |
| | Posté le 27-01-2007 à 12:31:55
| COMMISSION CIVILE INTERNATIONALE D'OBSERVATION SUR LES DROITS HUMAINS Ve VISITE SUR LES ÉVÉNEMENTS D'OAXACA CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS PRÉLIMINAIRES PRÉSENTÉES LE 20 JANVIER 2007 DANS LA VILLE DE MEXICO CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS PRÉLIMINAIRES DE LA CCIODH SUR LE CONFLIT SOCIAL D'OAXACA I- CONCLUSIONS La Commission Civile Internationale sur les Droits Humains, s'appuyant sur ses investigations, estime avérés les points ci-après SUR LES MORTS ET LES DISPARITIONS 1.- La commission considère que les faits qui se sont déroulés à Oaxaca constituent un maillon d'une stratégie juridique, policière et militaire, avec des dimensions psychosociales et une politique communautaire dont l'objectif ultime est d'instaurer le contrôle et l'intimidation de la population civile, dans des zones où se développent des processus d'organisation des citoyens ou des mouvements à caractère social non dirigés par les partis. 2.- Le bilan des morts recensées par la CCIODH atteint provisoirement un total de 23 personnes identifiées. La Direction Générale de Justice de l'Etat reconnaît 11 cas et la Commission Nationale des Droits Humains avance le chiffre de 20 dans son rapport préliminaire. En outre, la CCIODH a recueilli des informations sur la mort d'autres personnes non identifiées. 3.- Il existe des présomptions sérieuses de disparition de personnes. L'un des obstacles majeurs aux investigations et à l'éclaircissement de ces disparitions est l'absence de dépôt de plaintes. 4.- Les morts et disparitions se sont produites à des moments où l'on a pu détecter un accroissement du niveau des violences et des affrontements, qui correspond à la mise en marche d'opérations conçues à de telles fins. Au cours de ces opérations, on constate la participation et la coordination de différents auteurs matériels et intellectuels. On peut citer l'exemple du 27 octobre 2006, où de nombreux témoignages permettent d'établir l'existence d'une opération combinée qui a produit des effets graves dans le "municipe" de Santa María Coyotepec et à d'autres endroits, de façon simultanée. 5.- Les homicides ont été perpétrés dans la ville d’Oaxaca et dans les communautés où l'on constate une augmentation significative et concomitante de la violence et de la présence militaire, ainsi que des agressions contre des civils appartenant dans la majorité des cas à différents groupes indigènes. SUR LES ATTEINTES À LA LÉGALITÉ 6.- Les pouvoirs publics n'ont pas garanti le plein exercice de la liberté d'expression, de pensée, d'association, de réunion, de participation politique, de libre circulation et de manifestation. L'exercice de ces droits fondamentaux a été empêché par l'usage de la force physique et de la coercition. Des rassemblements et des marches pacifiques ont été violemment dispersés, et on a interdit le plein exercice des fonctions de représentants communaux légalement élus. Des journalistes ont été agressés, et des médias présents harcelés. 7.- Le droit à l'éducation a été et continue d'être bafoué pour diverses raisons : le manque de moyens matériels et humains, particulièrement dans les zones rurales, ainsi que la prolongation du conflit, due à l'absence de dialogue en vue de le résoudre. Aucune des parties en conflit n'a établi de mesures alternatives pendant la grève des enseignants, afin d'assurer le droit à l'éducation des garçons et filles des écoles. De nombreuses situations irrégulières sont encore recensées à propos des inscriptions, des affectations de postes, des occupations d'école et de reprise des classes. 8.- Les droits de grève et la liberté d'expression syndicale des enseignants, ainsi que leur liberté d'expression dans l'exercice de l'enseignement ont été violés. La Section 22 du SNTE, représentée au sein de l' Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca, a été l'organisation sociale la plus fortement et cruellement affectée par le conflit. Elle a été la cible de destructions matérielles, de harcèlements, de menaces, d'agressions, d'assassinats et de disparitions, dans un nombre significatif de cas. 9.- Les actions répressives ont été menées sans discrimination contre la population civile : hommes, femmes, enfants et personnes âgées ont été l'objet de jets de gaz lacrymogène et de gaz poivre, d'eau additionnée de produits chimiques ainsi que de tirs provenant d'armes de moyens et gros calibre, effectués depuis des véhicules et des hélicoptères militaires. Ont participé à ces opérations des corps de polices fédérales, de l'Etat d’Oaxaca, municipales, et des groupes d'élite, soutenus y compris par l'intervention d'effectifs militaires pour des tâches de logistique et de coordination. Des groupes de personnes en civil, portant des armes de gros calibre, ont effectué des enlèvements, des arrestations illégales, des perquisitions et des tirs, agissant dans certains cas à partir de véhicules de la police et bénéficiant de l'appui de fonctionnaires publics. 10.- Les forces de police de l'Etat et fédérales ont procédé à des arrestations arbitraires et illégales, de façon répétée et parfois à une grande échelle, contre la population civile. Certaines des arrestations ont été menées par des civils qui ont employé la force pour livrer les personnes détenues aux forces de police, avec l'entier consentement de ces dernières. Les arrestations ont été menées avec une violence physique et psychologique totalement disproportionnée, prenant parfois la forme de véritables enlèvements. Des agressions sexuelles ont été perpétrées à l'encontre des détenus, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes. 11.- Les droits des personnes arrêtées n'ont pas été respectés : on ne leur a pas notifié les délits qui leur étaient imputés, ni leurs droits. Elles ont été mises au secret et leur détention n'a pas été communiquée à des personnes de confiance ou à des membres de leur famille. Enfin, les délais légaux de présentation devant la juridiction compétente n'ont pas été respectés. 12- Des endroits illégaux ont été utilisés comme lieux de détention et dans de nombreux cas ils ne présentaient pas les garanties minimales de sécurité et de salubrité : il s'est agi de bases militaires, d'édifices gouvernementaux ou de "maisons de sécurité". 13.- Au cours des transferts en prison les droits humains ont été violés de façon particulièrement grave. Des tortures physiques (chocs électriques, coups, blessures diverses, brûlures, etc.) et psychiques ont été pratiquées. La CCIODH a recueilli des indices évidents de viols sur des hommes et des femmes, confirmés par des témoignages et des observations cliniques. Ont participé à ces transferts des membres des corps de police, ainsi que, dans certains cas, des effectifs de l'armée et des groupes de personnes en civil et armées qui gardaient les détenus jusqu'aux prisons. 14.- Dans le cadre des arrestations et des transferts en prison, un "bureau du procureur" mobile est intervenu ainsi qu'il apparaît dans les documents judiciaires. Un tel organisme est dénué de toute existence légale, et son action, dépourvue de transparence, n'est sujette à aucun contrôle. 15.- Les droits de la défense des personnes détenues et jugées n'ont pas été garantis. Elles n'ont pu disposer de l'assistance d'un avocat de confiance, communiquer avec leur défenseur, bénéficier de conditions de confidentialité lors des entrevues, ou encore recevoir l'assistance d'un interprète dans les démarches concernant des personnes indigènes. 16.- Les avocats ont rencontré de multiples obstacles pour accéder aux dossiers judiciaires de leurs clients, pour la présentation des preuves à décharge, pour l'accès aux auditions publiques, et en général dans l'exercice de leurs fonctions. Dans certains cas, ils ont fait l'objet de menaces et de vexations de la part des fonctionnaires publics. 17.- Une grande partie des détenus ont été assistés par des avocats commis d'office dépendant administrativement du pouvoir exécutif, qui ont suivi des consignes et de ce fait avalisé toutes les illégalités des procédures. 18.- Le droit à un procès équitable et le principe de la protection juridique à tous les détenus a été violé : les irrégularités concernent les organismes compétents sur le déroulement du procès, le respect des délais et des formalités des notifications contenus dans la législation en vigueur ainsi que l'établissement des cautions. Les certificats médicaux n'ont pas reflété la gravité réelle des lésions, ni leur cause. On a observé un manque d'information au sujet des moyens de contestation des décisions. Tous ces éléments provoquent des situations de privation illégale de liberté, de mise au secret et d'impossibilité d'assurer la défense des personnes concernées. 19.- Les incarcérations dans des prisons d’états ou fédérales ont été effectuées sans respecter la procédure légale : notification et ordonnance de mise en détention. Les détenus n'ont pas été informés de la possibilité d'obtenir une mise en liberté sous caution dans certains cas, tandis que dans d'autres on constate un montant des cautions manifestement disproportionné par rapport aux faits imputés. Les conditions de vie, d'hygiène, de salubrité et d'alimentation constatées lors des visites dans certaines des prisons enfreignent les normes minimales de la législation du pays ainsi que celles contenues dans les traités internationaux ratifiés par le Mexique. 20.- On a constaté le cas de personnes détenues dans des prisons fédérales qui ont subi des traitements vexatoires et dégradants. Elles ont fait l'objet de menaces et d'exactions, sur le plan physique et psychologique, de la part des gardiens. 21.- Certaines personnes ont été recluses dans des prisons de moyenne ou de haute sécurité, malgré leur situation en détention provisoire, et sans que soit fourni un quelconque écrit ou document justifiant la dangerosité des prisonniers ni la nécessité d'adopter une telle mesure. 22.- Des mineur ont été arrêtés avec un usage injustifié de la force, et ont été transférés, dans quatre cas , dans des prisons pour adultes. Trois d'entre eux à la prison de moyenne sécurité de Nayarit - où l'âge pénal est de 18 ans -, en violation des conventions, traités et accords internationaux sur la protection des droits humains de l'enfance. Une situation d'insécurité juridique par rapport aux droits des mineurs a été créée à partir de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2007 de la Loi sur la Justice pour les Adolescents. 23.- Les représentants du Ministère Public n'ont engagé aucune procédure contre des représentants d'institutions publiques malgré l'évidence de faits constitutifs de délits que cet organisme a pour rôle de poursuivre. 24.- Certaines procédures entamées à la demande des personnes affectées se trouvent paralysées malgré la présentation de preuves. Selon des témoignages dignes de foi, l'arrêt de ces procédures obéit à des ordres directs en provenance de l'Exécutif de l'Etat d’Oaxaca. 25.- La Commission Nationale des Droits Humains et la Commission de l'Etat des Droits Humains, qui ont capacité à intervenir sur demande d'une partie, ou d'office, l'ont fait de façon tiède et insuffisante. Elles ont pourtant constaté les violations antérieurement énumérées, soit par une observation directe (lors de leurs visites dans les prisons), soit indirectement (par les plaintes et les demandes présentées par des particuliers ou des organisations civiles). En ce qui concerne en particulier la Commission d'Etat des Droits Humains, nous avons recueilli un certain nombre de témoignages rapportant qu'au moment des arrestations, alors qu'étaient infligées des tortures graves, celle-ci n'est pas intervenue malgré les requêtes qui lui étaient adressées. SUR LES ATTEINTES PSYCHOSOCIALES ET SANITAIRES 26.- Les violations des droits humains ont eu d'importantes conséquences physiques, émotionnelles et psychologiques, affectant sévèrement les personnes, les familles et la communauté. Les séquelles psychosociales dérivées du conflit n'ont pas disparu totalement, mais se reflètent au contraire dans la vie quotidienne des personnes, des familles et des populations. 27.- On a relevé des effets et des symptômes caractéristiques de troubles de stress post-traumatique et de trauma social. Les plus fréquents sont les suivants : événements traumatisants revécus de façon permanente, réveil brutal au cours de la nuit, terreur nocturne, frayeur devant certains bruits et sons, peur de la solitude, réactivité psychologique à des stimulations internes et/ou externes, hyper-vigilance et syndrome de persécution. Il se développe un sentiment d’aléa et une sensation d'injustice, de manque de défense, de perte de contrôle de la situation et sur sa propre vie. Nous avons constaté une difficulté à verbaliser ce qui leur est arrivé. 28.- L'assistance médicale a été apportée de façon tardive et insuffisante. Des éléments plus que concordants permettent d'affirmer que des membres des forces de police ont pénétré dans les hôpitaux pour procéder à l'arrestation de personnes blessées. L'action de la Croix-Rouge d’Oaxaca a été mise en cause, précisément pour ces raisons. 29.- On constate l'absence d'aide et un manque de suivi psychologique pour les victimes et leurs proches. Il convient de souligner tout particulièrement le choc psychologique subi par les personnes qui ont été ou demeurent en situation d'incarcération, étant données les conditions de celle-ci, ajoutées à l'absence de soins médicaux et de respect des garanties élémentaires. La situation des mineurs arrêtés et détenus dans des prisons pour adultes s’avère être particulièrement préoccupante. 30.- Nous observons l'importance de l'impact et des conséquences de la stratégie psychosociale visant à inspirer la peur : le fait que l'on ne porte pas plainte et l'accroissement de la défiance, à l'égard des personnes et des institutions, sont confortés par la diffusion de dénonciations et de calomnies, par des campagnes haineuses, par une incitation à la violence, ainsi que par la mise en place d'obstacles juridiques de toutes sortes. 31.- L'unité et la vie familiale ont été affectées par les circonstances nouvelles : division au sein des familles (à cause de différends idéologiques et politiques, des changements de domicile ou de lieu de travail, des séparations forcées), harcèlements et menaces, obligation de modifier ses apparences, réorganisation familiale. On constate un impact économique chez les personnes affectées par le conflit et dans leurs familles : perte d'emploi, stigmatisation sociale ou dans le milieu professionnel, nécessité de déplacements pour les visites dans les prisons et les convocations judiciaires. Il faut ajouter à cela le coût des dommages matériels subis. 32.- La société a atteint un degré important de polarisation qui détériore et rompt le tissu social. 33.- Par ailleurs, nous avons pu constater que malgré la stratégie développée, il existe, au niveau collectif et individuel, un niveau élevé de solidarité qui apporte une forte capacité de récupération et de consolidation. Nous avons observé une certaine dignité dans des situations pouvant être considérées comme extrêmement graves et violentes. Ceci concerne aussi bien les personnes socialement engagées que l'ensemble de la population. 34.- Au niveau social, nous constatons la grave détérioration et la défiance ressentie par les personnes à l'égard des institutions, ce qui met sérieusement en péril les voies de participation démocratique. Etant donné le haut degré de violence sociale existant, il est possible que la stratégie de contrôle social mise en place finisse par générer des réactions d'une plus forte intensité et plus violentes. Cette perte de confiance dans les institutions et l'impunité dont elles ont bénéficié à propos des faits décrits dans ce rapport rendent difficile le dialogue entre les parties en conflit. SUR LES MÉDIAS 35.- Au cours du conflit, un élément significatif a été l’appropriation de plusieurs médias comme réponse à la désinformation et comme expression du mécontentement de la population. Les médias indépendants ont gagné une audience nouvelle et quelques médias communautaires ont acquis leur indépendance. Pour toutes ces raisons ils ont été et demeurent la cible d'attaques et d'une répression sélective. 36.- Les journalistes et les travailleurs des médias ont été victimes d'attaques indiscriminées. A partir de la mort de Bradley Will, nombre d'entre eux ont décrit des conditions de travail similaires à des situations de guerre. 37.- Peu de plaintes ont été déposées auprès des autorités. La CCIODH possède des indices montrant que certaines directions ont incité leurs reporters à taire aussi bien les outrages qu'ils ont subis que des situations dont ils ont été les témoins. 38.- Les investigations autour des homicides du journaliste nord-américain Bradley Will et du journaliste d’Oaxaca Raúl Marcial Pérez, n'ont pas progressé. Les circonstances de ces homicides n'ont pas été clarifiées et sont entachées en matière d'expertise et de procédure de toutes les irrégularités qui ont été décrites antérieurement, dans la partie concernant les dénis de justice HARCÈLEMENT ET MENACES À L'ENCONTRE DE DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS 39.- Les organisations des Droits Humains non gouvernementales et leurs membres ont été victimes d'attaques ciblées, de harcèlement, de menaces, d'agressions, de campagnes diffamatoires, de mépris et d'accusations qui ont entraîné une criminalisation de leurs actions. Nombre d'entre eux ont été obligés de prendre des mesures pour sauvegarder leur intégrité physique et leurs moyens de travail, ce qui a affecté le bon déroulement de celui-ci. SUR LES FEMMES 40.- La commission a enregistré des agressions verbales, physiques et sexuelles (viols, rasage des cheveux, coups, obligation de se dénuder, de s’accroupir etc.) nombreuses et variées à l’encontre des femmes, précisément en raison de leur qualité de femmes. Les conséquences ont été particulièrement graves car elles ont entraîné, dans des cas recensés, des dommages physiques, psychologiques et sociaux tels que des avortements traumatiques. SUR LES PERSONNES ET LES PEUPLES INDIGÈNES 41.- L'assistance d'interprètes au cours des enquêtes policières et judiciaires n'a pas été garantie, et la Loi sur la Défense des Peuples et Communautés Indigènes n'a pas été appliquée. La CCIODH constate que de nombreuses personnes indigènes arrêtées et détenues ainsi que les membres de leurs familles, ont témoigné avoir fait l'objet de discrimination ethnique de la part de fonctionnaires publics : interdiction de communiquer dans la prison de Nayarit, due à la méconnaissance de leur langue, insultes et traitements vexatoires en rapport à la non-maîtrise de l'espagnol. 42.- Dans les régions des Vallées Centrales, de la Mixtèque, de l'Isthme, de la Sierra du Sud et de la Côte, ainsi que dans la zone Triqui, on a constaté une augmentation de la présence des corps militaires, de groupes de civils armés et de pistoleros, commandés dans certains cas par des caciques et des présidents municipaux, qui agressent, assassinent, séquestrent, harcèlent et menacent de mort la population (y compris les enfants et les femmes), provoquant des déplacements dans certaines communautés, avec la fracture sociale et la dislocation familiale correspondante. II – RECOMMANDATIONS S’appuyant sur les conclusions ci-dessus, la CCIODH fait les propositions suivantes : 1. S’attaquer aux causes premières de ce conflit dont il faut chercher les racines dans des problèmes structuraux de la pauvreté, caciquisme, inégalité d’accès aux ressources du manque de moyens pour l’éducation et la santé, non-respect de la mémoire historique et de l’identité indigène, atteinte aux procédures démocratiques et non respect de l’accès à une réelle participation, en créant les conditions rendant possibles la réparation des violations des Droits Humains et la restauration de la cohabitation au sein de cette société aussi polarisée. 2. Afin de garantir la séparation des pouvoirs, la transparence au niveau de l’action des fonctionnaires et le plein respect des Droits Humains à Oaxaca, il convient d’élaborer et de mettre en place une réforme en profondeur des institutions de l’Etat. S’agissant d’une réforme que toutes les parties sans exception jugent nécessaire, il conviendrait de lancer rapidement le processus, dans le respect des principes démocratiques de dialogue et de participation, afin d’éviter un nouveau déchaînement de la violence latente et les manifestations des revendications sociales sous forme conflictuelle. 3. Afin de rétablir l’état de droit, il faut garantir sans délai l’ouverture d’une enquête sur les délits commis, spécialement dans les cas les plus sérieux (morts, disparitions, tortures et agressions sexuelles) ; la révision de la situation juridique des personnes libérées sous caution ; l'abandon des poursuites en cours, et notamment celles pour lesquelles il n’y a pas de preuves ; ainsi qu’une réparation financière, morale et sociale aux victimes. 4. Reconsidérer la situation juridique de toutes les personnes emprisonnées et faire procéder à la libération immédiate, aussi bien des personnes emprisonnées pour des motifs strictement politiques que de celles qui le sont sans preuve et/ou pour lesquelles la gravité des faits incriminés ne justifie pas la privation de liberté. 5. Afin de rétablir la confiance de la société civile dans les institutions publiques, et pour empêcher l’impunité, ses représentants doivent : reconnaître publiquement les violences commises, pointer les responsabilités sans que les uns et les autres se retranchent derrière les attributions de compétences et désormais honorer stricto sensu les Conventions Internationales ratifiées par Mexico. 6. Procéder au désarmement, contrôler la possession et l’utilisation illégale d’armes, empêcher les agissements de milices civiles armées et leur coordination avec les Corps et les Forces de Sécurité. 7.- Impulser les mécanismes nécessaires à la reconstruction de l’équilibre social par des mesures de réparation des préjudices individuels et collectifs. Ces mesures doivent être prises en accord avec les victimes et inclure la réparation morale, émotionnelle du préjudice communautaire, économique, juridique, social et historique. 8. Rétablir l’ordre par la voie du dialogue et non par l’usage de la force publique. 9. Appliquer des programmes d’accompagnement thérapeutique spécialisé en faveur des victimes d’agressions et de tortures de tout ordre, tant physiques que psychologiques, avec une attention toute particulière à l’égard des hommes et des femmes victimes d’agressions sexuelles et de violences. 10. Apporter une attention particulière à tous les mineurs ayant eu à souffrir d’agressions, d’arrestations, de tortures, de déplacements et d’internements. 11. Nous lançons un appel aux organisations locales, nationales et internationales pour qu’elles coopèrent, de concert avec les organisations locales, au suivi psychologique et à la prise en charge médicale et professionnelle des victimes. 12. Prendre les mesures nécessaires, effectives et adéquates pour garantir l'indépendance de tous les médias et équilibrer l'accès et la diffusion de l'information entre les médias commerciaux, indépendants et communautaires. 13. Garantir l'intégrité physique et psychologique des professionnels des médias dans l'exercice de leur profession sur le terrain. 14. Prendre les mesures nécessaires, effectives et adéquates, pour garantir que les défenseurs des Droits Humains puissent réaliser leurs activités librement, tout en privilégiant leur protection et le respect de leurs libertés fondamentales, en garantissant leur sécurité et leur intégrité physique et psychologique dans l'exercice de leur tâche. 15. Prendre en considération les demandes des peuples indigènes en évitant toute discrimination et en respectant leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Garantir le respect et l'application des lois relatives aux communautés indigènes et favoriser le développement de politiques d’intégration de ces communautés par des mécanismes de participation et de défense appropriés à leurs formes d'organisation, de gouvernement et à leurs us et coutumes. 16. Inciter les Ministères Publics Spéciaux (créés pour la protection effective des droits des groupes les plus vulnérables tels que les journalistes, les communautés indigènes, les femmes et les mineurs), à œuvrer de façon ferme et concrète. 17. Déterminer toutes les responsabilités politiques ainsi que les personnes impliquées dans les faits rapportés dans ces conclusions et recommandations. Au niveau de l’état, nous précisons la nécessité d’enquêter sur les agissements des services du Ministère de la Justice, du Secrétariat de Protection Des Citoyens ainsi que du Ministère de l’Intérieur, ce qui implique d’enquêter sur le mode opératoire du gouvernement de l’état dans son ensemble. Au niveau fédéral, il est nécessaire d’enquêter sur les actions de la Police Fédérale Préventive, du Ministère de la Sécurité Publique et du Ministère de la Justice 18. Donner suite maintenant au travail d'observation internationale du respect des Droits Humains à Oaxaca, tâche à laquelle devront se consacrer des institutions et des organismes indépendants et impartiaux qui peuvent garantir la liberté de mouvement, la protection en cas de dénonciation de violences, l'assistance due aux personnes concernées et aux victimes et la juste réparation pour toutes les violences décrites. En ce sens, nous recommandons au gouvernement mexicain de demander instamment la présence à Oaxaca de représentants du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Droits Humains. Données quantitatives concernant la Ve visite de la CCIODH Au 20 janvier 2007, la CCIODH a effectué un total de 420 entrevues sur le conflit social d’Oaxaca, aussi bien dans la ville que dans les différentes régions de l’État. Certaines entrevues sont encore en cours de synthèse et de traitement des informations. Pour ces raisons, les éléments que nous présentons ici ont un caractère provisoire. La Commission a visité 50 personnes détenues dont certaines ont été postérieurement mises en liberté. Parmi les personnes rencontrées figure M. Erick Sosa Villaviencio interné à la prison de haute sécurité de Matamoros. De plus, nous avons également visité 7 autres établissements de haute, moyenne ou basse sécurité à savoir : Miahuatlán, Tlacolula, Cuicatlán, Cosolapa, Ixcotel, Zaachila y Etla, soit donc un total de 8 prisons visitées. Nous avons parcouru 9 régions de l’État d’Oaxaca : San Blas Atempa, Putla, Candelaria, Tlaxiaco, San Juan Copala, Huajuapan, San Francico Caxonos, Guelatao y Zaachila. Indépendamment des personnes qui ont apporté leur témoignage individuel, nous avons réalisé des entrevues avec différents acteurs que nous indiquons schématiquement ci-dessous. Institutions (14) Vice-Ministre de l’Intérieur, M. Abraham Gonzalez Ministre de la Sécurité Publique Commission Nationale des Droits Humains Mission d’Observation à Oaxaca Délégation de l’Union Européenne : Arturo Gutiérrez Haut Représentant de l’ONU : Amérigo Incalcaterra et Ana Gallart ICOMOS, Patrimoine Culturel de l’UNESCO: Javier Villalobos Sous Secrétariat des Droits Humains d’Oaxaca : Rosario Villalobos Rueda Secrétariat de la Protection Citoyenne : Lino Celaya Commission d’État des Droits Humains : Jaime Mario Pérez Jiménez Radio et Télévision d’Oaxaca : Mercedes Rojas Recteur de l’Université Autonome Benito Juárez d’Oaxaca : Fco. Martínez Neri Consul de France en Mexico: Didier Goujaud Consul Honoraire de France à Oaxaca: Sergio A. Hernández Salcedo Ambassade des Etats-Unis d’Amérique Education (5) Procureur Spécial pour les Affaires de l’Enseignement : Mayolo Coronel Institut de l’État de l’Éducation Publique d’Oaxaca : Samael Hernández Commission Juridique de la Section 22 Secrétariat Général de la Section XXII : Enrique Rueda Commission des Droits Humains de l’Education (Comadh) Témoignages d’enseignants : plus de 60 personnes de différentes régions JUSTICE (11) Procureur Spécial pour les Délits contre Journalistes Procureur Spécial pour les Délits contre les femmes Ministère de la Justice, Département pour la promotion et la défense des droits humains Ministère de la Justice de l’État d’Oaxaca : Rosa Lizbeth Caña Cadeza Bureau de la Défense des Indigènes : Jacobo López Sánchez Délégation du Ministère de la Justice à Oaxaca : Javier Davalo Molina Barreau Mexicain : Collège des Avocats d’Oaxaca : Lic. Edna Franco Cabinet Juridique populaire : Israel Ochoa Equipe Juridique de APPO Union des Juristes du Mexique Collectif Autonome des Défenseurs Sociaux Cadre de Santé (5) Hôpital Civil : Dr. Felipe Gama Hôpital des Spécialités : Dr. Rafael Aragón Croix Rouge, délégation d’Oaxaca : Beatriz Quintanar Médecin de Tlacolula : Dr. Aidé Osorio García Brigades Médicales de APPO Personnel Médical venu apporter leur témoignage RELIGION : (3) Confrérie des Pasteurs Evangéliques d’Oaxaca (COPAEO) Archidiocèse d’Oaxaca et Antequera Commission de Justice et Paix, archidiocèse d’Oaxaca et Antequera Organisations de Droits Humains (9) Amnesty International Réseau d’Oaxaca des Droits Humains Limeddh Comité Cerezo PRODH Serapaz Comité de Libération 25 Novembre Transcend Serapaz Yaskin Organisations sociales APPO Collectif Diversité Sexuelle Front des Organisations pour la Sauvegarde d’Oaxaca FPR Institut Nature et Société Société Civile des artistes, intellectuels et écologistes Réseau d’Organisations Civiles Conseil Citoyen d’Oaxaca pour le Progrès, AC Educa Association Civile Binigulazaa Groupe Solidaire : La Venta CODEP Parti Communiste Association des Pères et Mères de Famille d’Oaxaca Commerçants du Centre Historique Syndicat des Travailleurs de l’Université Benito Juárez d’Oaxaca UJRM Collectivité Indigène (6) Réhabilitation et Défense de la langue zapotèque Front Unique de Défense Indigène CIPO CEDHAPI: Centre de Droits Humains et de Conseil aux Peuples Indigènes MULTI (Région Triqui) Médias (9) Journal Noticias Journal El Imparcial Journal El Universal Journal Excélsior Radio Calenda Radio Universidad Radio Plantón Proceso + Journalistes Indépendants (4) http://cciodh.pangea.org |
| | Posté le 27-01-2007 à 19:10:38
| Bien le bonjour, Tu vas à Copala ? Tu te rends à l’invitation des Triquis ? Depuis quelques jours, je fais le tour des amis et des connaissances en leur posant ces questions : réponses négatives. La région a mauvaise réputation, depuis mars 2006 dix personnes ont trouvé la mort, soixante-dix depuis 2004, avec l’arrivée au pouvoir d’Ulises Ruiz. Des groupes de tueurs rôdent cherchant à empêcher, par l’assassinat, la reconstitution de l’unité du peuple triqui. Vingt communautés sur trente-six ont réussi à s’entendre après trois mois de palabres pour former la commune autonome indigène de San Juan Copala et s’émanciper ainsi de la tutelle des trois communes métisses dont elles dépendaient. Le pouvoir n’a pas l’intention d’accepter la constitution d’une commune autonome, c’est la guerre. La Mort se vêt de la longue tunique rouge des femmes triquis, où flottent avec élégance de longs rubans de satin aux couleurs vives. Il faut aussi ajouter que cette région est difficile d’accès, il y a bien des transports en commun mais avec des changements, le plus facile serait encore la voiture particulière ou de location. Je finis par avoir un numéro de téléphone : "Oui, je fais partie d’une commission du Conseil de l’APPO et j’organise un voyage à Copala." Un rendez-vous est fixé pour vendredi matin, il est tout indiqué d’arriver le jour à San Juan Copala. Nous ne sommes que deux à partir, lui et moi. D’autres du Conseil arriveront samedi matin en voiture particulière, la communication ne passe pas très bien entre conseillers. Le voyage est rapide jusqu’à Tlaxiaco, capitale de la région mixtèque. A Tlaxiaco, nous devons changer de voiture et mon compagnon de route se retrouve avec un autre sac de voyage, semblable au sien, mais de couleur bleue et contenant des vêtements de bébé. Cet impromptu nous retarde, la camionnette part sans nous, qui espérons le retour du sac, en vain. Une heure et demie plus tard, nous montons dans une voiture qui nous déposera au croisement du Carrizal, croisement important sur la route de Tlaxiaco des chemins qui mènent, d’un côté, à Putla de Guerrero, de l’autre, à Juxtlahuaca. C’est la montagne mixtèque aux sommets verdoyants et aux vallées arides qui fait frontière entre l’État d’Oaxaca et celui du Guerrero. En arrivant au Carrizal, la vue, soudain, s’échappe à l’infini sur les massifs bleutés, qui descendent dans la lumière du crépuscule vers le Pacifique. Il s’agit maintenant de trouver un taxi collectif qui voudra bien nous conduire à Copala. En compagnie d’une femme et de sa fille qui, elles, se rendent à La Sabana, nous commencions à trouver le temps long quand arrive un taxi qui veut bien nous prendre à condition que nous y mettions le prix : 30 pesos pour Copala, 20 pour La Sabana. Nous ne marchandons pas, la nuit arrive rapidement sous les tropiques. Sur la route, le chauffeur cherche bien à savoir qui nous sommes et mon collègue lui raconte une vague histoire au sujet de l’organisation des dispensaires dans les villages indiens, le temps passe. A La Sabana, tout change, les deux femmes descendent et nous sommes bientôt entourés par un groupe de jeunes gens bien trop curieux à mon goût. Finalement l’un d’eux, qui fait un peu chef de bande, monte à côté du chauffeur, il nous serre la main, une personne plus âgée, dit le professeur, se tasse à nos côtés en silence, et nous partons. Pendant tout le trajet, le jeune va s’en prendre au chauffeur, qui n’en mène pas large : "D’où tu viens ? Tu n’es pas encore triqui ? Tu es toujours à moitié chilango ? Quand vas-tu être entièrement triqui ? Tu n’as pas la frousse de venir par ici ? Tu ne sais pas qu’il y a des embuscades ? Aujourd’hui même, il y a eu une embuscade..." Derrière, c’est le silence. La nuit tombe quand nous arrivons à Copala. Le taxi nous laisse à l’entrée, dans la rue qui descend en pente raide vers le marché, au niveau de la mairie. Le prof a disparu, le jeune aussi, mais pour rejoindre le taxi lorsque celui-ci, après avoir fait demi-tour, se prépare à partir. J’ai une pensée émue pour le chauffeur. Au fronton de la mairie est écrit en gros caractères "Commune autonome de San Juan Copala". Sur la petite esplanade couverte devant le palais municipal, des femmes pleurent un mort étendu sous un linceul à même le sol, il est entouré de petites bougies dont la flamme semble revivre brusquement avec la nuit. Nous nous présentons au président municipal et à ses adjoints, qui devisent entre eux assis dans un coin de la salle principale. Le président est jeune, une trentaine d’années, solide et silencieux à la manière des paysans de la montagne ; il laisse volontiers parler les autres, dont un premier adjoint très jeune, doux et souriant, à qui semble être dévolu le rôle de maître des cérémonies. Les autorités nous apprennent que le matin, alors que les femmes nettoyaient les rues avec les enfants en vue de recevoir les hôtes, le village avait été pris sous le feu nourri de commandos cachés sur les collines qui l’entourent. Il est possible de voir les traces de balles sur les murs du marché couvert, de l’église, de l’école secondaire et de quelques maisons particulières. Plus de peur que de mal, il n’y a pas eu de blessés ni de morts. Ce n’est pas tout, l’après-midi, une voiture qui se rendait à Copala en vue de prendre part à l’événement du samedi est tombée dans une embuscade. Ils venaient d’Unión de los Angeles, huit personnes, avec les enfants, dans une voiture de tourisme blanche, le mort, Roberto García Flores, se trouvait du mauvais côté, il a pris une balle qui a traversé la porte et son corps de bas en haut. Il gît maintenant sur l’esplanade, il restera là toute la nuit et la journée du lendemain, veillé par sa mère et son épouse, salué par les hommes qui se recueillent un moment à ses côtés. La famille devra l’amener à Juxtlihuaca, le procureur se refusant à venir à Copala pour les constatations d’usage. L’embuscade eut lieu à Agua Fria, le fief du député local Rufino Maximino Zaragoza et de sa famille. Les gens du député s’étaient embusqués derrière une baraque au bord de la route d’où ils ont fait feu sur la voiture à son passage. Ils ne seront pas inquiétés, du moins par l’État et sa justice. L’attaque du matin comme le traquenard de l’après-midi ont pour but d’intimider les gens afin de compromettre la bonne tenue de la cérémonie d’investiture qui doit se dérouler samedi. Le peuple triqui connaît un destin singulier. Le sentiment d’identité y est très fort, mais double : appartenance à un peuple avec ses traditions, ses codes, ses fêtes, sa langue, mais aussi appartenance à un lignage. Les femmes portent toutes le costume traditionnel, ample tunique aux manches ouvertes que l’on enfile par le haut et qui descend jusqu’aux pieds. Elles portent cette robe dans la capitale de l’État d’Oaxaca et dans la capitale du pays où elles sont facilement reconnaissables. Une jeune fille venue de Mexico semblait cependant marquer un temps d’hésitation entre tradition et modernité, entre un corsage aux dessins traditionnels et un pantalon plus moderne genre jeans. Tous sont très attachés à leur langue, qui est bien vivante, j’ai noté que les enfants ne prêtaient aucune attention à l’espagnol mais qu’ils dressaient l’oreille pour tout ce qui se disait en langue vernaculaire. Un sentiment identitaire que vient contrarier en partie l’esprit de vendetta qui a fait la mauvaise réputation de la région, nous pouvons dire que le sentiment d’appartenance à un lignage a mis en péril l’unité du peuple triqui et son autonomie. En montant les lignages les uns contre les autres, en enflammant les esprits, l’État a réussi à diviser le peuple, qui s’est perdu dans une guerre sans fin de vengeance, de représailles, de vendetta. Pendant des années, des familles, des clans se sont affrontés et les armes ont parlé : un désir ardent d’unité continuellement détruit, remis en cause par l’affrontement des partis opposés, affrontement d’autant plus implacable et violent que le désir d’unité était fort et désespéré. Un rapide coup d’œil à l’histoire de ce peuple nous permet de saisir le pourquoi d’une si tragique situation. L’unité du peuple triqui représentait un danger pour l’État mexicain qui devait en conséquence y apporter la division, y semer le trouble et les conflits. Si, peu après l’indépendance, en 1826, l’État reconnaît l’autonomie des Triquis pour la participation de ce peuple à la guerre d’indépendance sous les ordres de José María Morelos y Pavón, et donne aux villages le statut de communes libres, il s’en mord les doigts quelques années plus tard. En cherchant à reprendre le contrôle de la région, il se heurte à une première rébellion triqui, qu’il réduit en 1832. Onze ans plus tard, en 1843, il doit affronter une nouvelle insurrection, beaucoup plus forte que la précédente, et qui s’étend à d’autres peuples d’Oaxaca et du Guerrero. L’armée mexicaine met un terme à ce soulèvement. En 1948, l’État met fin aux communes libres et San Juan de Copala qui était une municipalité autonome devient une agence municipale rattachée à la municipalité métisse de Juxtlihuaca. Toute la région triqui va se trouver ainsi divisée et les villages rattachés aux municipalités (Juxtlahuaca, Putla de Guerrero, Constancia del Rosario, Tlaxiaco...) contrôlés par le parti d’État, en l’occurrence le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). À partir de cette position avantageuse, l’État, aidé par l’Institut de linguistique d’été, n’aura de cesse d’entretenir la division à l’intérieur du peuple en favorisant certains lignages au détriment d’autres lignages. A partir de 1970, la lutte pour reconstruire l’unité et reconquérir l’autonomie reprend de plus belle avec le "Club", qui deviendra plus tard le MULT, Mouvement unifié de la lutte triqui. Cette lutte est loin d’être isolée, elle s’inscrit à l’intérieur d’un vaste mouvement de critique sociale, c’est à cette époque que la section 22 du syndicat enseignant s’émancipe de la tutelle du parti unique, que se forme la COCEI (Coalición Obrera, Campesina y Estudiantil del Ismo), qui, au début des années 1980, occupera la mairie de Juchitan, c’est aussi à cette époque que le monde indigène, mixe, zapotèque, mixtèque, triqui, s’organise et affirme ses propres valeurs, sa pensée et sa philosophie, que les maîtres d’école indiens et les promoteurs issus des villages jouent un rôle important dans l’organisation et l’émancipation des communautés. Ce vent de contestation qui a soufflé sur Oaxaca a perdu de sa force en se compromettant avec le pouvoir. Le MULT s’est rapproché peu à peu du gouvernement qui pouvait financer des projets de production et de mise en valeur au point de fonder, il y a peu, un parti politique, le PUP (Parti d'unité populaire), et de participer aux élections. Face à cette déviance et corruption du MULT et de ses principaux dirigeants, des membres de cette organisation s’en séparent pour fonder en 2003 le MULT-I, Mouvement unifié de la lutte triqui indépendant. Entre-temps, en 1998, était apparu l’Ubisort (Union pour le bien-être social de la région triqui), proche de la vieille structure régionale du PRI. Vous me suivez ? Aujourd’hui le vent de la révolte souffle à nouveau, sous la poussée de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca et de la volonté clairement exprimée de se réapproprier la vie politique (confisquée par l’oligarchie au pouvoir), le MULT-I et l’Ubisort (qui s’est libéré de son allégeance au PRI) se sont alliés pour créer la commune autonome de San Juan Copala, qui reprend ainsi son statut de commune indigène libre perdu en 1948. "Está el Partido de Unidad Popular, está el PRI, está el PRD, y no toman en cuenta la principal raíz de lo que está pasando en la región. Ellos no ven a indígenas, no ven a Triquis, usan a Triquis para sus campañas pero no ven cuál es la problemática de fondo que se vive, cómo se vive, y si es que se vive" (Il y a le Parti d’unité populaire, il y a le PRI, il y a le PRD, et ils ne prennent pas en compte ce qui se trouve à l’origine de ce qui est en train de se passer dans la région. Eux ne voient pas des Indiens, ils ne voient pas des Triquis, ils utilisent les Triquis pour leurs campagnes électorales, mais ils ne voient pas quel est le problème de fond qui se vit, comment il se vit, et si même il se vit). Il n’y a rien à attendre des partis politiques, c’est l’idée forte des zapatistes, de l’Autre Campagne, du mouvement indien et de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Dans l’Assemblée, cette idée est continuellement étouffée par ceux qui sont de connivence avec les partis, mais à mon sens elle est l’idée forte, centrale, de l’APPO, c’est à travers elle que ce mouvement social prend tout son sens. Evidemment, toute la clique politique réagit avec force face à ce rejet, ce qui explique la crise actuelle que connaît l’Assemblée populaire, prise entre les feux de la répression tous azimuts du pouvoir et les tentatives de récupération, qui cherchent à transformer l’APPO en parti politique d’extrême gauche. La nuit est tombée, nous traversons le village qui est plongé dans l’obscurité, pas âmes qui vivent, du moins des âmes d’apparence humaine, les portes sont fermées sur une sourde inquiétude, des meutes de chiens se répondent d’un point à l’autre du village, chaque meute semble avoir son terrain d’aventures ou de chasse qu’elle garde jalousement. Nous savons que des patrouilles surveillent les alentours, en sortant de la mairie nous avons repéré dans l’ombre des hommes, le fusil à la main. Nous nous retrouvons autour d’une table où j’écoute nos compagnons nous parler de l’imbroglio politique dans lequel s’est trouvé jeté toute la population triqui. Ils nous parlent aussi de leur espoir de voir naître un jour prochain toute une région autonome qui regrouperait l’ensemble de la population. Le lendemain matin, le village a retrouvé son animation, les chiens ne forment plus des meutes agressives, ils sont devenus indifférents, ils nous ignorent superbement. À 10 heures, les habitants doivent abandonner leurs tâches quotidiennes, fermer leurs maisons et participer à l’événement politique et culturel de l’investiture publique des autorités désignées selon les us et coutumes. Les gens arrivent des communautés voisines qui se sont ralliées à la commune de San Juan Copala, de Yoxoyuzi, de Santa Cruz Tilaza, de Guadalupe Tilaza, de Tierra Blanca, d’El Carrizal, de La Sabana, de Yerba Santa, d’Union de los Angeles… en voitures, en camionnettes, en "redilas", en cars, certaines n’ont pu venir, par crainte ou parce qu’elles ont rencontré sur leur route des barrages, nous dit-on, de la police fédérale. Des invités sont venus d’Oaxaca et de Mexico. Une assiette de bouillie de maïs bien relevée avec un morceau de bœuf est offerte à tous les arrivants. La cérémonie d’investiture avait déjà eu lieu une première fois, début janvier. Aujourd’hui, c’est la confirmation devant non seulement les vingt communautés, mais en présence de témoins nationaux et même, disent-ils, mondiaux, en faisant allusion, je suppose, aux deux Français qui se sont retrouvés le matin dans les rues du village, c’est l’acte public de la naissance de la commune libre de San Juan Copala, l’affirmation d’un peuple, de l’unité du peuple triqui, contre les forces de la mésentente et de la division. C’est un début. Les autorités vont recevoir leurs bâtons de commandement de la main des anciens et des majordomes, qui ont été responsables des fêtes, elles ont droit à un petit discours en langue indienne. Le président municipal, vêtu du pantalon blanc des temps anciens et d’une "guayabera" verte éclatante fera son discours dans cette langue et il ne le traduira pas lui-même en espagnol, comme c’est la coutume, il laissera le soin de la traduction à un de ses adjoints, marquant ainsi clairement son souhait de rester une autorité indienne au service du peuple triqui. Il dit qu’il est prêt à dialoguer avec le gouvernement pour que soit reconnue l’autonomie de cette commune indien, à la différence des communes autonomes zapatistes, il dit aussi qu’il est prêt à recevoir des ressources, comme toute commune, de la part du gouvernement, mais que ces ressources iront directement aux communautés, que sa gestion sera en tout point transparente et qu’il espère que le peuple le respectera comme il respectera le peuple. Ensuite, c’est la fête, les "officiels" de l’APPO, du Front populaire révolutionnaire avec leurs petits drapeaux rouges et faucille et marteau en coin, le Frente Amplio de Lucha Popular, la Promotora por la Unidad Nacional, etc., les journalistes, tous, quittent la scène et laissent le terrain aux clowns, aux vrais, à ceux qui font rire les enfants et les mères de famille. Oaxaca, le 26 janvier 2007. George Lapierre |
| | Posté le 11-02-2007 à 19:03:02
| Oaxaca ; Vers une transformation radicale La crise sociale dans l'Oaxaca et le besoin impérieux d'opérer de profonds changements dans la société de cet État sont devenus plus qu'évidents. La lutte pour la réforme de notre État : Vers une transformation radicale de l'Oaxaca ? Rubén Valencia Núñez Ciudad Ixtepec, État d'Oaxaca La crise sociale dans l'Oaxaca et le besoin impérieux d'opérer de profonds changements dans la société de cet État sont devenus plus qu'évidents. Notre mouvement de résistance passe actuellement par une étape de réflexion dont l'objet principal est de déterminer les changements que nous voulons et la manière dont nous voulons le faire. Nous devons nous poser les questions qui nous aiderons à poser les bases nouvelles de nos actions et faire en sorte que participent à ce processus ceux qui ont toujours été exclus par le système, système que nous voulons réinventer. La société est actuellement polarisée : la quasi-totalité de la classe politique est alliée aux classes aisées, tandis qu'une partie des classes moyennes est avec le peuple et les organisations populaires. Dans le feu de notre mouvement, différentes propositions de transformation de l'Oaxaca ont vu le jour. Certaines semblent aller dans le même sens, ne se distinguant que par la stratégie et par la méthode de représentation qu'elles préconisent pour atteindre leurs objectifs. D'autres se limitent au contraire à exposer certaines priorités et problèmes de fond, dans le seul but de calmer le peuple et de freiner l'ardeur insurrectionnelle et l'esprit de désobéissance civile qui l'animent, dans la conscience grandissante de l'immense tâche à accomplir. Le texte qui suit se propose de décrire brièvement certaines des initiatives prises par la société dans les derniers mois et d'examiner les positions respectivement adoptées par les autorités fédérales et par l'APPO. L'été dernier, des autorités municipales et agraires, plusieurs organismes civils, la Section XXII du syndicat des enseignants et l'APPO ont appelé à un forum national sous le thème "Construire la démocratie et la gouvernabilité dans l'Oaxaca". Il a effectivement eu lieu les 16 et 17 août 2006, rassemblant 1 500 personnes venues de toutes les régions de cet État. L'objectif principal qu'il s'était fixé consistait à examiner la crise actuelle, proposer une issue alternative et répondre aux problèmes qui se posent dans une perspective politique et citoyenne. La publication des résultats et des accords pris dans ce forum permet de dégager trois objectifs principaux : encourager la formation d'une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution pour l'Oaxaca, élaborer un programme politique unitaire et promouvoir des politiques non discriminatoires respectueuses de la diversité dans l'Oaxaca. À propos de la position adoptée par certains représentants indigènes et par certains intellectuels en ce qui concerne le "Pacte de gouvernabilité" proposé par le SEGOB (Secretaria de Gobernación : le ministère de l'Intérieur mexicain) : début octobre 2006, le ministère de l'Intérieur avait invité une centaine de personnes, dont Ulises Ruiz Ortiz et ses mandataires, mais surtout différentes factions politiques, à une réunion devant avoir lieu le 4 octobre au siège de ce ministère afin d'analyser la situation dans l'Oaxaca et de conclure un "Pacte pour la gouvernabilité, la paix et le développement de l'Oaxaca". Seules cinq personnes de la Section XXII et de l'APPO ayant été invitées, ces deux organisations ont décidé de ne pas y participer. Parmi les autres personnes invitées se trouvaient trois dirigeants indigènes et plusieurs intellectuels et artistes, qui décidèrent, après mûre réflexion, d'assister à cette réunion dans l'intention explicite de la boycotter et de dénoncer publiquement son absence totale de légitimité. Avant d'abandonner la salle en signe de protestation, ils définirent ensemble leurs positions, dès le début de cette réunion, en donnant lecture du manifeste suivant : POUR UN DIALOGUE VÉRITABLE ET AUTHENTIQUE DANS L'OAXACA "Nous avons accepté de participer à cette réunion, à laquelle nous avons été invités à la dernière minute et sans disposer des informations suffisantes quant à ses objectifs, ses contenus et ses participants, car nous sommes convaincus que c'est uniquement au travers du dialogue, et non par l'emploi de la force, que la paix, la justice et la démocratie pourront exister dans l'Oaxaca. "Cependant, en l'absence de la Section XXII du Syndicat national des travailleurs de l'enseignement et de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca, deux acteurs indispensables à un tel dialogue, nous nous voyons forcés de nous retirer, non sans exprimer auparavant notre position : "1. Nous pensons que la société de l'Oaxaca n'est pas représentée dans cette réunion, ni suffisamment ni de manière adéquate. En outre, Le procédé employé pour formuler l'invitation à cette rencontre ainsi que les propres termes de cette invitation nous semblent inappropriés ; "2. Aucun pacte de gouvernement ni aucun pacte de gouvernabilité ne sera possible tant que celui qui se prétend gouverneur de l'État de l'Oaxaca continuera formellement d'occuper ses fonctions. En ce sens, nous unissons nos voix à celles de la société de l'Oaxaca qui exige la dissolution des pouvoirs, selon les termes établis par la Constitution fédérale et la procédure réglementaire en vigueur ; "3. D'autre part, nous tenons à déclarer que les questions qui intéressent la plus grande partie de la population de notre État ne sont pas inscrites à l'ordre du jour prévu pour cette réunion. Nous souhaitons également relever la plus grave de ces omissions, qui à notre sens illustre parfaitement le caractère de cette réunion : il n'y est fait aucune mention de la question indigène, alors que les peuples indiens constituent la population de l'Oaxaca de loin la plus nombreuse et que ses difficultés exigent la priorité la plus absolue ; "4. Il y a longtemps que de nombreux citoyens, groupes et secteurs de l'Oaxaca ont examiné et proposé les questions à aborder en vue d'établir un calendrier d'actions absolument nécessaires pour instaurer la démocratie dans l'Oaxaca. Rien de cela n'apparaît ni ne semble pris en compte à l'heure d'aborder, par ailleurs sans aucun ordre ni distinction, toutes sortes d'aspects concernant les intérêts et les perspectives de nos concitoyens ; "Nous sommes favorables à la conclusion d'un pacte pour la démocratie, la paix et la justice afin que tous les secteurs et tous les peuples de l'Oaxaca puissent contribuer à la réalisation d'une réforme en profondeur de cet État. "Nous réaffirmons notre engagement envers l'établissement d'un dialogue. Toutes les parties ici présentes doivent œuvrer à donner une issue politique à l'actuelle crise de l'Oaxaca et s'opposer activement à l'emploi de la force. "Il est impossible de signer quelque pacte que ce soit ici, mais il est cependant possible de formaliser les bases nécessaires à l'établissement d'un authentique dialogue de l'ensemble des secteurs et peuples de l'Oaxaca dans un esprit participatif et non discriminatoire." Après avoir lu ce document, les représentants indigènes et les intellectuels mentionnés se retirèrent du forum et communiquèrent aux médias leur position. Du coup, ledit forum perdit toute crédibilité et toute légitimité. Le ministère de l'Intérieur n'a pu sortir de son chapeau aucun "pacte" pour une quelconque gouvernabilité, dont les termes manifestaient de toute façon la précipitation, l'improvisation et un évident manque de sérieux. Le groupe qui avait répudié de la sorte la réunion appelée par le SEGOB décida d'impulser dans l'Oaxaca un dialogue ouvert à tous les secteurs de la société afin d'envisager tous les changements que l'on jugerait nécessaires, continuant ainsi ce qui avait été commencé avec le forum national des 16 et 17 août. Après plusieurs réunions préparatoires auxquelles participaient les représentants d'organisations de la société civile et d'organisations indigènes, l'Église catholique, des chefs d'entreprise, des artistes et des professeurs, ainsi que des délégués de la Section XXII et de l'APPO, un appel à une "Initiative citoyenne de dialogue pour la paix, la démocratie et la justice" était lancé, le 9 octobre. Initiative citoyenne de dialogue pour la paix, la démocratie et la justice dans l'Oaxaca. Le 12 octobre, dans la galerie du couvent de Santo Domingo, deux mille personnes assistant au lancement cette initiative ont débattu et approuvé la Déclaration de Santo Domingo, qui établit la position des participants et énonce certaines de ses dispositions. La Déclaration examine l'importance, le contexte, le diagnostic et les objectifs du dialogue envisagé et présente les premiers accords issus des six groupes de travail constitués ce même jour : Groupe 1 : Nouvelle démocratie et gouvernabilité (la crise politique) Groupe 2 : Économie sociale et solidaire (la crise économique) Groupe 3 : Vers une nouvelle éducation (la crise de l'éducation) Groupe 4 : Harmonie, justice et équité sociale (la crise sociale) Groupe 5 : Patrimoine historique, culturel et naturel de l'Oaxaca Groupe 6 : Moyens de communication au service des peuples D'autre part, trois forums de réflexion ont été annoncés : un Forum indigène et paysan (afin d'examiner les questions indigènes, agraires et paysannes, ainsi que la question du maïs, de l'eau et de l'émigration), un Forum d'équité de genre et un Forum concernant les droits humains. Cette initiative veut promouvoir au sein de la société de l'Oaxaca un dialogue dans lequel seront représentés tous les secteurs qui la constituent, pour pouvoir définir ensemble, à travers des accords et des consensus, les comportements sociaux et les réformes juridiques et institutionnelles qui permettront d'opérer la transformation profonde que les Oaxaquiens et les Oaxaquiennes appellent de leurs vœux. Dès le jour de son lancement, dans chacune de ses manifestations et activités, l'Initiative a réclamé la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz comme condition préalable indispensable aux changements jugés nécessaires. Bien que les activités de l'Initiative se soient vues entravées par l'entrée des forces de police fédérales et par la vague de terrorisme d'État déclenchée à partir du 28 octobre, et en particulier après le 25 novembre, les réunions des groupes de travail se sont poursuivies. Sans oublier de réfléchir à la situation, les participants ont présenté des propositions et des projets qui émanent le plus souvent de longues analyses et d'actions visant au changement. Aux travaux de réflexion de ces groupes sont venues s'ajouter les activités suivantes : 1. Forum d'analyse des mesures de détente en vue de la paix et de la réconciliation dans l'Oaxaca Organisé le 6 novembre à la bibliothèque de l'ancien couvent de Santo Domingo, ce forum réunissant une grande diversité de participants a servi à présenter un rapport détaillé de la situation des prisonniers et des personnes arrêtées ainsi qu'une liste des disparus lors du conflit, accompagné d'une réflexion sur les mesures de détente et de propositions concrètes à ce sujet. 2. Forum des peuples indigènes de l'Oaxaca Organisé les 28 et 29 novembre, il a pu rassembler près de 500 personnes, dont des autorités communautaires et municipales indigènes, des représentants d'organisations communautaires et des organismes de la société civile. Quatorze des seize peuples indigènes de l'Oaxaca y étaient représentés. Les participants à ce forum ont montré comment, alors que l'Oaxaca est une société pluriethnique et multiraciale où vivent seize peuples indigènes, paradoxalement la construction et l'exercice de l'autonomie et de l'autogouvernement de ces peuples sont sujets à une agression constante. Ils ont appelé la société à lancer des initiatives et des propositions de convivialité, à s'organiser et à effectuer des mobilisations et un dialogue dans ce sens, dans tous les domaines de l'existence, du travail et de la lutte des peuples indigènes. Ils appelèrent aussi à renforcer le processus d'organisation et d'action de l'APPO, notamment en stimulant cette nouvelle attitude au sein de tous les mouvements et de toutes les organisations, pariant sur le fait que c'est ce qui permettra de tout pouvoir articuler, de pouvoir transformer en partant de nous-mêmes, de pouvoir construire d'en bas. Enfin, ils se sont réaffirmés dans leur conviction et dans leur engagement quant à la construction d'un mouvement pacifique qui tienne compte des raisons profondes du conflit vécu aujourd'hui dans l'Oaxaca et qui pose les bases d'un nouveau pacte social et d'un nouveau cadre juridique qui rende possible la justice, la paix et la démocratie pour toutes et pour tous. 3. La société civile face à la réforme de l'Oaxaca Le 18 décembre, des membres de "l'Initiative citoyenne..." ont présenté publiquement leur appel aux peuples de l'Oaxaca en vue de conclure des accords minimaux pour une véritable réforme de cet État qui devra émaner de méthodes de consultation réellement démocratiques telles que sondages d'opinion, ateliers de réflexion régionaux, forums au niveau de l'Oaxaca, consultations publiques et autres mécanismes. Les membres de l'Initiative en ont profité pour déclarer publiquement leur refus pur et simple d'une rencontre autour d'un projet de réforme de l'Oaxaca annoncée par le "dégouverneur" Ulises Ruiz Ortiz. Selon les membres de cette plate-forme, y participer "reviendrait à légitimer une nouvelle parodie, une véritable réforme démocratique ne pouvant émaner que des citoyens et non être décrétée par l'administration, la première visée par une telle réforme". Ils ont également signalé que "toutes les réformes de l'État réalisées au Mexique ont résulté d'une pression sociale et de mobilisations populaires, jamais de commissions officielles", et qu'il est d'autant moins possible de promouvoir une réforme de l'État quand on prétend le faire à travers "une simple opération de chirurgie esthétique effectuée précisément par celui qui a provoqué la profonde crise sociale actuelle et manque de crédibilité et de toute légitimité". Pour conclure, ils ont manifesté que "l'actuelle administration de l'Oaxaca ne peut pas prétendre au dialogue alors qu'elle continue de persécuter, de gruger et de réprimer le peuple de l'Oaxaca". Inversement, une réforme de cet État émanant de la base (sociale) est à même de "nous doter du cadre juridique et politique approprié en vue d'instituer une assemblée constituante plurielle et pleinement représentative qui permette d'élaborer une nouvelle constitution". Le document présenté en cette occasion par l'Initiative cherche à dégager des accords minimaux concernant une réforme de l'État en se fondant sur les consensus atteints précédemment en matière de pluralité juridique, d'état de droit, de division des pouvoirs, de justice et de sécurité publique, de transparence, de participation citoyenne, d'équité de genre, de mécanismes électoraux, de communication, de patrimoine et de justice sociale. La proposition du tyran Le "dégouverneur" Ulises Ruiz Ortiz a lancé un appel à la "réconciliation" et prétend "encourager la recherche d'une résolution aux problèmes structurels, bouillons de culture de la pauvreté, de la marginalisation et de l'injustice, afin d'avoir un nouvel Oaxaca, ordonné et muni de nouvelles institutions à même d'affronter les défis qui se présentent aujourd'hui à nous". Il affirme que pour que l'Oaxaca soit un État prospère et démocratique où prévaut l'équité, il faut lancer un appel aux Oaxaquiens de toutes les couches sociales et de toutes les tendances et il propose d'ouvrir les espaces nécessaires à la discussion et à la participation des citoyens, afin d'élaborer ensemble une nouvelle constitution de l'Oaxaca. Il admet qu'il est indispensable de changer en profondeur de méthode, d'opérer des changements sur le fond, non pas dans la structure hiérarchique du pouvoir mais par la participation citoyenne que réclame la société. Ulises Ruiz Ortiz est secondé au sein de la Commission spéciale pour une réforme de l'État de l'Oaxaca par Hector Sánchez, administrateur et secrétaire technique de cette commission et l'un de fondateurs de la "Coalition ouvrière, paysanne et étudiante de l'Isthme" d'antan, la COCEI, légendaire organisation de gauche qui jouissait d'une grande sympathie au Mexique dans les années 1970 à cause de la lutte qu'elle menait dans l'isthme d'Oaxaca. Aujourd'hui, elle est notoirement connue pour ses liaisons avec le gouvernement et à cause de sa sinistre habitude d'acheter les mouvements sociaux. En effet, cette organisation se consacre à sucrer les organisations sociales pour négocier avec elles une par une et affaiblir ainsi la lutte pour l'indispensable grande transformation. Signalons qu'elle s'est constituée en parti politique en créant le Parti de la révolution démocratique, le PRD, dans l'Oaxaca. Ce n'est pas sans importance, car aujourd'hui comme hier certains secteurs qui ne voient pas au-delà d'une lutte pour des réformes, simples carottes que le système promet sans jamais les réaliser, tirent de là leurs seuls arguments, ne concevant la lutte qu'au travers des partis, le regard rivé sur l'en haut. Hector Sánchez est un métis nanti dépourvu de toute autorité morale et légitimité, inapte à conduire quelque processus de mutation sociale que ce soit dans l'Oaxaca. La nomination de ce triste sire nous permet d'apprécier à leur juste valeur les véritables intérêts de cette "consultation", simple manœuvre pour tenter de manipuler la société et contrôler les deniers publics : le changement dans la continuité, en somme. Le jour de sa prise de fonctions, il a eu le culot de déclarer que "les défis auxquels doit faire face l'Oaxaca sont gigantesques, la réforme de notre l'État devant envisager des changements sur le fond et faire participer tous les Oaxaquiens qui souhaitent construire un État développé où règne la démocratie". Se réfère-t-il aux soi-disant Oaxaquiens "authentiques" ? À ceux qui ont monté Radio Ciudadana ("Radio citoyenne"), radio qui a polarisé la société ? Ou parle-t-il des privilégiés de tous temps ? Quoi qu'il en soit, il ne s'est pas privé d'ajouter que "la société oaxaquienne vit aujourd'hui un conflit qui n'est pas encore totalement apaisé, il est encore trop tôt pour affirmer que les blessures se sont refermées et qu'il ne s'est rien passé, la clameur populaire exige encore un changement, de nombreuses voix demandent à être écoutées, les plaintes et le mécontentement se font entendre ; ce sont les carences et les injustices, le fait de désespérer pouvoir les surmonter, qui ont provoqué cet état de crispation que nous avons connu récemment". Il suffit de savoir d'où sort cet individu pour nous rendre compte de quel côté il lorgne : du côté de la démobilisation, du mensonge et de la trahison. Sa nomination et cette farce n'ont d'autre but que celui d'aggraver la crise que connaît cet État et de continuer à diviser, à polariser le peuple de l'Oaxaca. Les propositions des nouveaux fonctionnaires du SEGOB et du gouvernement fédéral. Le ministère de l'Intérieur a limité le nombre et la qualité des participants à une table de négociation où était représentée l'APPO, tandis que la répression continue. Lors d'une réunion récente, il a remis à l'APPO son "Pacte pour la gouvernabilité, la paix et le développement de l'État de l'Oaxaca", document que le ministre Abascal avait déjà tenté de faire passer le 3 octobre. Il s'agit de propositions sans fondements qui illustrent une vague intention d'encourager des réformes légales et institutionnelles, l'ensemble restant très vague. On y devine que le ministère sait pertinemment qu'il existe de très graves problèmes politiques et sociaux dans l'Oaxaca et que les revendications des peuples de cet État sont légitimes, mais il montre que cet organe a été et reste incapable de formuler le diagnostic exact de la situation et encore moins de prendre les mesures nécessaires pour affronter cette crise et la surmonter. Il juge nécessaire de se réunir pour parvenir à élaborer un grand pacte pour l'Oaxaca. Ses membres disent qu'ils s'engagent à contribuer à un effort conjoint pour que la population indigène et métisse de toutes les communautés bénéficient réellement d'un système d'éducation et de santé, de logements dignes, d'emplois bien payés et des autres services publics dont ils ont été privés jusqu'ici. Ils affirment avoir établi le diagnostic de la situation politique, économique et sociale de l'Oaxaca et que ce diagnostic leur permettra de parvenir, dans le cadre des institutions, non seulement à normaliser les activités de la population, mais aussi à promouvoir une nouvelle forme de convivialité. Ce document mentionne également le fait qu'ils ont notamment pris conscience de l'importance d'une démocratisation effective par le biais d'une réforme de l'État, qui permette, associée à des mesures de détente à court terme, de rétablir des conditions propres au développement de la société oaxaquienne. Ils proposent en outre qu'un tel pacte rompe avec l'opposition classique démocratie parlementaire-démocratie directe, prônant un modèle de "démocratie participative". Leur pacte viserait donc cinq objectifs distincts : Un nouvel équilibre des pouvoirs : une meilleure coordination entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et la Justice ; La participation de la société aux décisions du gouvernement ; La reconnaissance de la diversité sociale dans l'Oaxaca ; Une économie propice au développement ; Un État providence pour éliminer la pauvreté, la marginalisation et l'abandon social dans l'Oaxaca. Pour résumer, ce pacte social pour l'Oaxaca s'articulerait autour de trois axes - démocratie participative, bien-être social et modernisation de l'exercice du gouvernement -, ses propositions en vue d'une réforme complète s'inscrivant dans la dynamique "RÉFORME - DÉTENTE - DÉVELOPPEMENT". La position actuelle de l'APPO L'affrontement direct de certains secteurs de l'APPO et des barricadiers avec la PFP, le 25 novembre 2006, affrontement auquel participaient des nervis infiltrés incitant à une violence par ailleurs magnifiée et déformée par les médias, a donné une image négative de ce mouvement. L'APPO semble donc être tombée dans le piège tendu pour justifier face à l'opinion publique le déclenchement d'une répression décidée antérieurement. La réponse que l'APPO a donnée au terrorisme d'État a été de faire le "tlacuache"*. En dépit de la peur et de la paralysie qui s'étaient emparées de beaucoup de gens, l'APPO a donc fait le mort pendant quelques jours. Quand le gouvernement a cru que le mouvement avait été écrasé, elle a appelé à la marche du 1er décembre, qui est parvenue à rassembler 5 000 personnes. Certes, c'est un nombre insignifiant en comparaison avec les immenses cortèges des manifestations précédentes, mais c'est un nombre très élevé étant donné la persécution dont étaient victimes les habitants. Le Tlacuache avait remué une patte. Il s'est relevé complètement le 10 décembre, le mouvement se réorganisant, ce qui a permis au Tlacuache de regagner les montagnes pour y réfléchir, y opérer sa mue et réapparaître sous différents visages, qui caractérisent la substance de l'APPO. Le repli devant la répression lui a permis de se régénérer, de reprendre l'expérience et le travail en cours dans les villages, les communautés et les quartiers, tout en protégeant ses activités par l'ouverture d'un dialogue avec les institutions, dialogue conçu comme un moyen mais non une fin. La Loi indigène proposée dans l'Oaxaca manifeste la faiblesse d'un processus reposant exclusivement sur des organismes civils qui, en contribuant à améliorer les lois (le regard fixé vers le haut), oublient la construction et la consolidation d'organisations des peuples à qui pourraient bénéficier de telles lois. Si l'on obtient de bonnes lois, comme un plébiscite pour déposer des autorités, par exemple, mais que les peuples ne sont pas organisés, les mêmes lois pourraient être utilisées par des caciques et se retourner contre les rares autorités honnêtes. Ce que nous voulons dire, c'est que la lutte ne s'achève pas en obtenant des réformes appropriées, mais avec l'engagement quotidien des peuples pour qu'une telle transformation soit effective. C'est pourquoi l'APPO appelle à la formation de groupes de réflexion au niveau local et régional pour être en mesure de connaître et de formuler les changements que le peuple de l'Oaxaca veut voir réalisés et dans lesquels il a déposé ses espoirs. L'heure est à la parole et à l'écoute pour que s'exprime la population. Un premier pas dans cette direction est la Première Assemblée régionale de l'APPO qui aura lieu les 27 et 28 janvier 2007 à Ciudad Ixtepec et à laquelle sont invités à participer l'APPO ainsi que les organisations et les secteurs de la région, pour examiner ensemble plusieurs questions, dont l'économie, l'éducation, la culture, l'environnement, la santé, la démocratie, le territoire et la communication. La réflexion engagée sur ces questions est une manière d'encourager un dialogue qui permette de construire une nouvelle société de paix, de justice et de liberté pour la vie bonne et digne rêvée par tous et par toutes. Actuellement, on étudie les conditions minimales pour qu'un tel dialogue au sein de la société puisse se faire. L'Intérieur a autorisé ces groupes de réflexion à la condition expresse qu'on y aborde exclusivement la réforme de l'État et non la libération des prisonniers politiques ni la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz, qui "est en cours", s'imaginant que la question sociale dans l'Oaxaca s'est diluée après les mesures de répression entamées le 25 novembre. De son côté, l'APPO ne renoncera à exiger ni le départ d'Ulises Ruiz, ni à ce qu'il soit châtié pour les crimes commis conte le peuple de l'Oaxaca, ni la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et la présentation des disparus, sans compter l'annulation immédiate de tous les mandats d'arrêt visant les militants de la lutte sociale. Aucune réforme de cet État et aucun changement radical ne pourront s'effectuer tant qu'Ulises Ruiz Ortiz sera gouverneur. Il est essentiel de continuer à réactiver le mouvement par toutes sortes de mobilisations et de manifestations publiques de solidarité, mais aussi et surtout d'encourager la réflexion et l'élaboration de propositions concrètes envisagées par l'APPO. Cela doit s'accompagner des groupes de réflexion impulsés par l'Initiative citoyenne, pour que nous puissions tous et toutes réussir à transformer radicalement l'Oaxaca mais aussi à nous transformer, nous. Un tel éventail de propositions fait automatiquement surgir plusieurs questions. Peut-on lutter pour des réformes légales et institutionnelles dans l'Oaxaca et simultanément s'organiser en bas pour une transformation réelle de la société ? Devons-nous nous épuiser dans un dialogue avec des institutions qui ont toutes les chances de ne pas tenir leurs éventuels engagements et abandonner la construction de notre autonomie ? N'oublions pas que le gouvernement de Zedillo avait effectivement signé les Accords de San Andrés, ce qui ne l'a pas empêché de ne pas les respecter ou de les appliquer, de même que la loi de l'OIT qui envisage le droit des peuples à l'autodétermination dans les faits n'est nulle part appliquée. En admettant que les réformes institutionnelles sont de quelque utilité pour faciliter de véritables changements, comment éviter qu'elles absorbent toutes nos énergies et concentrent tous nos espoirs, au lieu de les placer dans la construction d'une complète autonomie ? Nous avons à effectuer un choix "stratégique" non seulement dans les formes mais aussi sur le fond de la question. Peut-on effectuer des changements ou des réformes à moyen terme tout en poursuivant une stratégie de transformation radicale à long terme ? Dans l'éventualité ou des réformes et le dialogue seraient acceptés, il est de toute première importance qu'elles ne constituent qu'une première étape au sein d'une stratégie plus profonde... Pour cela, leurs acteurs doivent être des personnes jouissant d'une pleine légitimité, réellement représentatives, et que l'un des objectifs avoués du mouvement oaxaquien soit en permanence d'avoir des serviteurs et non des leaders ou des dirigeants. Que ces acteurs ne servent pas d'intermédiaires entre le gouvernement et le peuple pour défendre leurs propres intérêts. Qu'ils ne finissent pas par être ce qu'ils critiquent. Que cette détermination des peuples de l'Oaxaca qui leur ont permis de résister aux assauts du gouvernement serve à construire un présent et un avenir communautaire, sans dirigeants mais avec des personnes entièrement au service de leurs peuples. Il est vital que ce dialogue ne s'effectue pas en négligeant la pluralité la société qui appuie un tel processus. De cette manière, la lutte pour une transformation radicale s'accompagnera d'une véritable réflexion et pourra se poursuivre au-delà de la réalisation d'éventuelles réformes et sera en mesure de continuer à construire la régénération qu'attend l'Oaxaca. N'oublions pas ! Coude à coude, épaule contre épaule, l'APPO, l'APPO c'est nous, ensemble. * Le "tlacuache" est un animal prédateur qui s'attaque surtout aux volailles. Quand on le surprend et que l'on veut le tuer, il faut le frapper longuement, car lorsqu'il est sur le point de mourir, il fait le mort et cesse de respirer pour tromper son adversaire. Dès qu'il se sent à nouveau en sécurité, il sursaute et remue les pattes pour filer par où il est venu et regagne généralement les montagnes. Mais il revient toujours. (Note figurant dans l'original.) Ruben Valencia Núñez est conseiller de l'APPO pour la région de l'isthme de Tehuantepec et adhérant à l'Autre Campagne. http://www.ciepac.org/boletines/ultimo.php |
| | Posté le 16-02-2007 à 13:39:01
| Pour info le journal mensuel CQFD a sorti un hors série consacré au évenement d'Oaxaca de juin a décemblre 2006. Par contre la grande majorité des articles sont ceux de G. Lapierre... |
| | Posté le 16-02-2007 à 15:01:26
| On voit le genre ... |
| | Posté le 28-02-2007 à 18:53:04
| Salut à toutes et tous, J'ai quitté l'assemblée le lundi 12 février vers 6 h 30, le jour se levait et les travaux de la quatrième table (les derechos humanos) n'étaient pas encore terminés, les derniers participants étaient en train de se mettre d'accord sur le plan d'action et il manquait encore l'ultime numéro de la clôture... Faut dire que ça avait pris du temps de se mettre d'accord à la Table 3, plusieurs heures sur le thème controversé de la conjoncture électorale, trouver un consensus impossible sans sombrer obligatoirement dans de multiples contradictions. Chacun des participants est resté déçu et un peu plus fatigué... Le sujet était délicat et risquait la division définitive, ce qui signifierait, chacun l'avait en tête, la fin de l'APPO. L'après-midi dans le grand gymnase lumineux, après l'acte d'inauguration et le salut de bienvenue aux 300 participants, aux 59 conseillers et aux 52 invités présents de la première assemblé de l'APPO, j'avais justement choisi de m'installer à la Table 3 pour identifier ceux qui sont prêts à compromettre l'Assemblé populaire dans le jeu politique et connaître mieux ainsi ceux dans lesquels je me reconnais. Par chance, parmi les trois modérateurs de la Table 3, il y avait Dolores, du CIPO, et Ali Brije, des "barricades". Pendant la discussion, évidemment très vite, deux blocs et deux positions se sont formés. Nous connaissons les raisonnements de ceux qui rêvent du pouvoir et leurs manières de procéder. Sous le pauvre et malheureux argument de participer aux élections pour une raison "tactique", ils sont prêts à prostituer ce mouvement. Comment faire accepter l'idée à un peuple qui s'est rebellé contre son gouverneur et ses institutions pendant de longs mois que la meilleur voie pour sortir de la crise est de participer aux élections ? Pour imposer leurs vues, ils avaient déployé l'artillerie lourde et avaient, du moins le croyaient-ils, préparé le terrain et invité les esprits à se soumettre à leurs ambitions politiques: depuis plus d'une semaine avant le rendez vous de l'assemblée, la presse affirmait que l'APPO avait décidé de participer au processus électoral et le PRD promettait 12 sièges de députés au mouvement populaire. Les défenseurs de l'option électorale voulaient grossièrement placer l'assemblée devant le fait accompli. A la Table 3, Ali a dénoncé le fait que des membres du conseil de l'APPO étaient en train de traiter avec le Frente Amplio de Lucha Popular (FALP) pour se partager des circonscriptions et que le FALP (membre de l'Assemblée populaire) était en train de négocier avec le gouvernement d'Ulises Ruiz des avantages financiers pour son organisation. Remuant ainsi la merde, il s'est vite retrouvé la cible des attaques plus ou moins voilées de ces organisations compromises qui, à partir de ce moment, ont commencé contre lui des contestations infantiles qui avaient comme objet de le discréditer (principalement, on lui reprochait de ne pas être à sa place de modérateur alors qu'il vaquait ici et là). L'offensive des "politiques" s'est fait sentir contre ceux qui s'opposaient plus ouvertement à leurs projets. Présumant de leur forces et affirmant par avance être représentatifs du désir de la majorité de la population d'entrer dans le jeu électoral, ils dépréciaient et minimisaient la représentation dans le mouvement des jeunes des barricades et des quartiers, dont la présence participative dans l'assemblée était remarquée. De nombreuses interventions déterminantes, contraires à leur point de vue allaient dans le sens d'une non-participation. Ceux qui ne partagent pas l'idée d'entrer dans l'arène électorale argumentent du fait que les partis politiques ont créé des divisions dans les communautés et que les élections sont des processus qui engendrent de la violence, que les conditions ne sont pas réunies pour des élections propres, qu'il serait plutôt nécessaire de créer d'autres types de relations, l'on parle d'autogestion, d'autonomie… Les électoralistes sont restés obstinés dans leurs certitudes, mais on a pu observer comment, petit à petit, ils perdaient en même temps patience et leur assurance présomptueuse de la bonne marche de leurs affaires, alors que se dessinait une majorité pour ne pas collaborer au futur processus électoral (déjà, lors de la Première Assemblée régionale des peuples de l'Isthme, qui s'est tenue à Ixtepec les 27 et 28 janvier, une large majorité s'était décidée à ne pas participer au processus électoral). Les deux camps sont restés irréconciliables jusqu'au bout et il a été décidé, à ce stade, qu'un accord consensuel serait éventuellement trouvé au moment de la plénière en ce qui concernait cette prise de position. Les points d'entente ont été que le processus électoral ne doit pas diviser l'APPO, que sa lutte doit aller plus loin, que l'on ne doit pas se fier aux partis politiques, qu'il faut respecter les accords pris en assemblée constitutive, que l'on peut appeler au vote "de castigo", élaborer un plan d'action… et quelques autres dont je n'ai plus le souvenir. Le moment de la plénière est arrivé après le repas. Le résumé et les conclusions de la Table 1 (situation organique de l'APPO) ont duré assez longtemps du fait que les participants à l'assemblée ont débattu longuement sur la révocation des mandats des membres du conseil de l'APPO (une soixantaine d'entre eux étaient présents à l'assemblée sur les 270 que compte l'APPO). En fin de compte, il a été convenu de convoquer par écrit les membres du conseil pour la prochaine assemblée, que chaque commission devra élaborer un plan de travail, révocation des "conseillers" qui ne remplissent pas leur tâche (accompagné de tout un processus bureaucratique pour les virer), création d'une commission "honneur et justice" pour résoudre les problèmes délicat qui se présentent de remplacement des membres du conseil qui sont toujours prisonniers, il a été décidé de réaliser une assemblée mensuelle. Les participants se sont mis aussi d'accord sur la nécessité de renforcer la communication entre les différents conseils. Il a été décidé d'amplifier ces conseils de nouveaux délégués venant des régions et de créer le poste de coordinateur, nommé par les assemblées régionales. Il a été établi de fortifier l'APPO dans les régions, de même les membres du conseil de la section 22 du syndicat enseignant sont invités à se joindre au conseil de l'APPO. L'assemblée s'est aussi mise d'accord pour intégrer une commission de liaison ("enlace" avec l'Assemblée populaire des peuples du Mexique. De plus, il a été proposé et repris l'idée d'une caisse de soutien pour aider ceux qui viennent de loin assister aux marches et aux réunions, il a été demandé de rendre des comptes clairs à chaque assemblée, d'avoir une "officine" (un local d'information), il a aussi été décidé que quelques membres du Comité des familles de prisonniers et de disparus de l'Oaxaca (Cofadapo) se joignent aux membres du conseil de l'Assemblée populaire. Au sujet des prisonniers, le Cofadapo est intervenu dans le débat pour demander plus de soutien de la part de l'APPO (un seul membre du comité juridique de l'APPO pour tenter de résoudre le problème des prisonniers et des disparus), de plus a été dénoncée devant l'assemblée l'attitude de certains membres du conseil qui ont fait venir jusqu'à Mexico des membres du Cofadapo pour parler de la situation des prisonniers et recueillir quelques soutiens financiers, car, après avoir effectué ces démarches, ils ont été abandonnés sur place sans recevoir, de la part des organisateurs, l'aide financière promise. En fait, la dénonciation s'adressait au Frente Popular Revolucionario (FPR), qui tient sous sa coupe, il semblerait, le "planton" installé à Mexico... La réaction du FPR n'a pas tardé… Sans chercher à se justifier, il a dénoncé l'"imposture" des deux jeunes filles qui avaient précédemment témoigné. L'oratrice qui accusait les jeunes filles du Cofadapo a lâché le micro et d'un même mouvement s'est précipitée sur le petit groupe formé par le Comité des prisonniers. L'assemblée, à ce moment-là, a chaviré une première fois et la confusion a régné pendant quelques minutes sans que le problème s'éclaircisse... Durant les travaux de la Table 2 (transformation profonde de l'Etat), il a été évidemment question de pouvoir, de pouvoir populaire… Pour ma part, j'ai surtout apprécié l'intervention d'un dénommé Sergio, de l'Université de la Terre, qui a remis en question le terme et le concept même de pouvoir. Mais une grande majorité a accepté l'idée du "pouvoir populaire" dans les domaines économique, politique et social, tout en recherchant de nouvelles formes de gouvernement respectant l'autonomie des peuples, construisant depuis le bas pour ceux d'en bas... Il a été clairement établi que les partis politiques ne sont pas la voie pour changer le pays, qu'il ne faut pas faire le jeu du discours officiel de la "réforme de l'État", qu'il est nécessaire de détruire les institutions du capitalisme, que le "pouvoir populaire" implique de diriger des territoires, d'utiliser des moyens de communication, d'administrer l'économie, de conduire la politique culturelle et sociale... Il a été dit que les décisions devront être prises de manière collective par les assemblées et qu'il fallait renforcer et défendre les assemblées communautaires. Les débats ont tourné assez longtemps autour des communautés indigènes et il a été décidé que la transformation profonde de l'État devait nécessairement se discuter et s'enrichir depuis les régions et les communautés, que l'on devait récupérer les traditions et les coutumes des villages, comme le "tequio", les fêtes, la forme assembléiste, l'autogestion et l'autonomie. Dans ce sens, l'assemblée de l'APPO s'est engagée à soutenir les communes autonomes. Au sujet des communautés indigènes, il est révélateur qu'une proposition, présentée comme "talleres de concientisacion" en direction des communautés, s'est retrouvée transformée, après discussion, en "Desarollar procesos de reflexion de la situacíon de los pueblos, respectando la cosmovision de los pueblos originarios, porque en el pueblo radica la sabiduria"... Ce qui est bien significatif, à mon avis, de la division dans l'assemblée et de deux modes de pensée opposés. Certains ne renonceront jamais à "conscientiser les masses"... Pendant le compte rendu de la Table 2, l'assemblée a décidé de fixer comme priorité dans ses revendications : le départ et l'emprisonnement d'Ulises Ruiz ; la libération des prisonniers ; la réapparition en vie des disparus ; l'indemnisation aux familles des tués de ce mouvement et des mouvements antérieurs ; l'annulation des ordres d'appréhension. Les points qui sont restés en suspens ont été de savoir si l'APPO doit ou non participer au quatrième dialogue national et de savoir si les grands drapeaux des organisations politiques peuvent s'exhiber durant les manifestations. La discussion prenant trop de temps, il a été décidé de résoudre ce point lors une prochaine assemblée. Le résumé des débats de la Table 3 a commencé vers 21 heures. Les modérateurs ont exposé à l'assemblée les débats de l'après-midi, signifiant l'absence de consensus sur la question de participer ou non au prochain processus électoral. A ce moment-là est arrivé, dans une grande marmite, un café bien chaud. Inévitablement, une bonne partie des participants s'est détournée du débat pour se former en longue queue pour attendre d'apprécier ce breuvage bienvenu. Le café a fini par l'emporter tout à fait quand Zenen, le président de l'assemblée, a levé les débats le temps d'une pause. Le calme avant la tempête... Le pari risqué était d'arriver à un accord "consensuel" sans diviser l'APPO… Deux positions se sont formées et les prises de parole se sont enchaînées comme les heures qui défilaient. Ceux qui défendent l'idée d'entrer dans le jeu politique des élections d'août sont les organisations politiques (FPR, CODEMO, FALP...), qui cherchent clairement à renforcer leur propre parti et leurs intérêts. Ils sont peu nombreux en fin de compte mais tiennent l'organisation de l'assemblée et une bonne partie de "l'appareil" de l'APPO, à savoir, les conseils et le rôle de porte-parole. Ils auront tout tenté pour arriver à leurs fins et imposer leur projet. Ils ont usé des procédés les plus sales et les plus staliniens. Nous avons dû supporter des discours paternalistes ou maternalistes (aux choix…). Ils ont cherché la provocation et, à un moment, espérant la réaction violente des jeunes, par les bons offices de la salope de Guadalupe (FPR), ils s'en sont pris plus directement à Ali, l'accusant d'être un flic (tout en affirmant qu'ils n'avaient pas de preuves, mais que...) quand Ali va de tous côtés alors que les jeunes des barricades se planquent pour éviter d'être appréhendés… L'assemblée, surprise devant une manœuvre aussi nauséabonde, a vivement clamé en chœur sa désapprobation en chavirant de nouveau… De justesse, le naufrage et la bagarre ont été évités et après quelques minutes, une fois le calme rétabli, Ali a exercé son droit de réponse. Très dignement, et sans tomber dans la grossière tentative de provocation, il a répondu que ceux qui usent de ce genre d'arguments se discréditent eux-mêmes, il a parlé de dignité, de cœur... une intervention parfaite, des mots justes qui ont achevé de déconsidérer complètement ceux qui avaient lancé l'accusation diffamante. Fallait voir leurs gueules… de frustrés et de conspirateurs... L'assemblée, malgré la fatigue, s'est montrée vigilante et attentive jusqu'au bout, de nombreuses argumentations développées se sont prononcées pour ne pas participer au cirque électoral. Des voix qui affirment que jamais dans l'histoire, par ces processus électoraux, on a pu obtenir quelque chose de favorable et que, au contraire, ils ont servi pour corrompre les leaders sociaux. De même, il a été entendu de fortes critiques du PRD et de son rôle néfaste joué contre les accords de San Andrés, en signant la loi indigène, contre les zapatistes dans différentes régions du Chiapas, contre les mineurs de Sicartsa, et pendant la répression d'Atenco. Il y a eu encore de nombreux et variés points de vue qui se sont exprimés contre l'idée d'entrer dans le jeu électoral et il se révélait de plus en plus clairement qu'une assez grande majorité n'était pas en faveur de participer au grand cirque. Finalement, tout au long des rondes de prises de parole, l'assemblée a trouvé petit à petit un accord… et dans la douleur a accouché… D'emblée, il est dit que le futur processus électoral ne doit pas diviser l'APPO et que pour cela une posture unitaire et des accords consensuels doivent être trouvés. Il a été reconnu que l'Assemblée populaire est un mouvement social pluriel et incluant qui, de ce fait, ne participera pas aux prochaines élections en tant que tel. D'un autre côté, il a été accepté que les organisations qui choisiront de participer aux élections pourront le faire et il leur a été bien précisé qu'elles devront y aller en leur propre nom. De plus, il a été décidé que ceux qui participeront en se portant candidat devront démissionner de leur poste de "conseiller" de l'APPO. Mais, en même temps, celle-ci appellera les futurs candidats à ce qu'ils s'engagent sur une plate-forme de lutte rédigée en une vingtaine de points et plutôt contraignante, où il est dit, notamment, que le futur élu devra apporter la moitié de son traitement et promettre d'appuyer une loi en faveur de la baisse des salaires des députés et des fonctionnaires publics… toutes sortes de conditions bien incommodes, sans rien en retour, je ne vois pas bien qui pourrait accepter... Bon, c'est sûr, y en a qu'ont les dents longues et qui, pour rien au monde, ne renonceront aux ambitions politiques et au pouvoir, fût-il populaire et surtout pas les organisations politiques comme nous avons pu le voir ici. Sur le même thème du futur processus électoral, l'assemblée a décidé d'appuyer le vote de "castigo" contre Ulises Ruiz, sans préciser contre qui il devait s'appliquer… suggérant par là qu'il pouvait être dirigé contre les candidats PRD qui font le jeu du gouvernement assassin… Il a bien été dit que l'on ne pouvait pas avoir confiance dans les partis politiques et que la lutte de l'APPO va plus loin que le processus électoral et, dans ce sens, il a été indiqué que la mobilisation devait rester une des formes principales de la lutte. L'APPO réaffirme son caractère pluriel, ample, démocratique et indépendant de l'État et des partis politiques… Elle estime qu'il est nécessaire de respecter les accords et les principes de l'assemblée constitutive du mois de novembre. Elle propose, en outre, d'approfondir les politiques d'alliances en respectant strictement les accords pris au congrès constitutif (où il est dit, entre autres, que l'APPO peut s'allier à des partis politiques, à condition qu'ils ne soient pas du PAN ni du PRI...). Il est incontestable que l'accord final conclu dissimule en son sein des contradictions. Contradiction et paradoxes s'exprimant inévitablement quand on cherche absolument un accord consensuel de deux positions antagonistes. J'estime que, durant ce marathon verbal, l'assemblée s'est montrée très attentive et réfléchie. Elle n'a pas succombé aux rengaines électorales qui ont résonné de façon lancinante dans les débats. Pour ma part, je ne suis pas sûr que les accords passés suffiront à ne pas diviser l'APPO, d'autant plus qu'il est bien certain que les organisations politiques et leurs complices n'abandonneront pas l'affaire ni ne renonceront à leurs ambitions de pouvoir, qu'ils tenteront par tous les moyens de reprendre la main pour presser l'APPO d'aller danser au bal électoral. La tronche déconfite et défaite, ils complotaient tandis qu'ils voyaient leurs rêves de pouvoir s'évanouir irrémédiablement. J'ai eu la vision, et je ne suis pas le seul, que ces gens-là pouvaient être dangereux et qu'Ali, à remuer la merde comme il l'a fait et par ses interventions pertinentes, risquait bien de s'attirer des ennuis à force… Miguel est intervenu à propos, et son intervention suggérait une mise en garde au FPR, en faisant de chacun les responsables de la sécurité des membres de l'assemblée. Les lueurs de l'aube se levaient tandis que commençait la lecture du résumé de la dernière table. Une partie de l'assemblée était maintenant allongée sur la moquette grise recouvrant le parquet de basket, à moitié attentive des débats qui continuaient... J'ai choisi de partir à ce moment-là, laissant les orateurs à leurs bavardages et à leurs raisonnements. Il faisait déjà jour et, dans la rue qui s'animait, les gens se pressaient à rejoindre leur boulot comme un quelconque lundi matin n'importe où dans le monde... J'ai su plus tard que, durant les discussions en rapport avec la Table 4 sur le thème des doits humains, les familles des prisonniers et des disparus ont réitéré leurs accusations d'avoir été manipulées par le FPR lors de leur tournée d'information au District fédéral (Mexico DF). Il paraît que l'assemblée, ce matin-là, a chaviré une troisième fois à ce propos... C'est peut être pour cela que les accords pris ont été dans le sens d'une plus grande solidarité envers les détenus et leur familles. L'assemblé demande aux maîtres d'école et aux conseillers de l'APPO de se concentrer prioritairement sur le problème des détenus, des disparus, des assassinés et des persécutés. En même temps, l'assemblée détermine de renforcer et d'appuyer la commission juridique et des droits humains de l'APPO. Il est affirmé explicitement qu'ils ne se laisseront pas manipuler par les organisations et encore moins par les partis politiques, et que personne n'a le droit de profiter de la douleur des familles pour récupérer de l'argent. A quelques jours de là, une autre assemblée de "conseillers" avait été convoquée afin de rédiger le résumé des débats et les accords décidés pendant les deux journées et la nuit de l'assemblée plénière. J'y suis allé passer une bonne partie de la journée... C'était pénible et affligeant mais néanmoins saisissant (et prévisible !) de voir comment les organisations politiques avaient décidé, en se servant de l'appareil des conseils, de reprendre l'affaire en main. Il n'y avait que leurs membres comme modérateurs à la table qui présidaient aux débats. La discussion était dirigée par Mario, qui avait le rôle de président de l'assemblée des "conseillers". C'est un grand spécialiste de la manipulation, on fait appel à lui dans les situations délicates et il sait user d'autorité pour arriver à ses fins. On l'a déjà vu manœuvrer... De nouveau, quand je suis arrivé, Ali Briye était la cible de critiques. On lui reprochait de s'être autoproclamé, face à la presse, nouveau porte-parole de l'APPO (en assemblée plénière, il avait été décidé qu'Ali, au nom des barricades, et un autre compañero de Radio Universidad intègrent la commission "presse et propagande" afin de faire entendre un autre point de vue en ce qui concerne les futures élections). On l'a blâmé et désapprouvé, sans pour cela relever que le porte-parole "officiel", Florentino (FPR), avait, quelques semaines auparavant, gravement outrepassé son rôle de porte-parole en ayant affirmé mensongèrement à la presse que l'APPO allait entrer dans le jeu électoral... Bref, il est apparu nettement que les organisations politiques désirent au plus haut point maintenir leur domination sur certaines commissions en espérant de cette manière contrôler l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca. De nouveau, ils s'en sont pris aux jeunes, se plaignant de leur agressivité lors de l'assemblée passée, exhibant impudiquement leurs bleus et nous faisant entendre jusqu'à l'écœurement des discours bien réactionnaires sans jamais qu'il soit dit que se sont les jeunes qui ont été victimes des provocations. Il apparaît franchement que les organisations politiques cherchent la rupture avec les jeunes, les rendant responsables de leur Berezina et de l'échec de leurs plans. En fin de journée, alors qu'un grand nombre de participants étaient déjà partis et que les organisations politiques étaient outrageusement majoritaires, le maître en manipulations qui officiait à la table a fait passé en force, en la proposant au vote malgré les contestations de procédures qui s'exprimaient (et qui n'ont pas été prises en compte), une résolution qui interdit dorénavant aux observateurs et aux invités d'assister aux débats de l'assemblée… (Une décision qui revient à l'assemblée et non aux conseillers !) La salope de Guadalupe était en train d'observer attentivement la réaction de l'unique observateur reconnu des lieux... Il est bien vrai qu'ils ne veulent pas de témoins de toutes leurs saloperies et de leurs manipulations d'un autre siècle. Et je pense qu'à la prochaine assemblée, sans témoins et appuyés de "porros" pour avoir la majorité dans la réunion, ils régleront leurs comptes aux jeunes, s'ils sont toujours là, et tenteront à nouveau de dresser des plans de campagne... A voir… Les "jeunes" ne sont pas les seuls à s'opposer à leurs projets... Ce qui est évident par contre, c'est que l'APPO s'est discréditée aux yeux de certains et nombreux sont ceux qui ne s'y reconnaissent plus. Notamment beaucoup de jeunes grapheurs qui ont subi l'intolérance de ceux en charge de la sécurité durant les dernières mégamarches. On entend de fortes critiques sur son fonctionnement et sur sa tentation d'entrer dans le jeu électoral. Pour ma part, je pense que l'APPO est toujours un processus en construction, qu'il y a plusieurs "APPO", comme autant d'organisations qui la composent, même s'il est vrai que les organisations politiques, en contrôlant certaines commissions et la charge de porte-parole, tentent d'imposer leurs points de vue. Corrompant ainsi l'esprit même de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca. Les futures élections se sont greffées à l'ordre du jour et ont commencé à semer leur merde. Sans avoir réussi à diviser l'APPO, elles sont, du moins, parvenues à exacerber les divergences de vues et de pensées et les points de frictions... À suivre... donc. Cette lettre est un peu longue, comme l'ont été les réunions des assemblées successives... mais je voudrais ajouter quelque chose avant de terminer et de vous ennuyer complètement : vous faire la proposition de réagir, en écrivant à l'assemblée, contre cette décision d'interdire la présence d'invités ou d'observateurs pendant les discussions de l'assemblée, ce qui prouve, à mon avis, une manière de contrôler et de censurer la parole et les points de vue différents ou contraires, je pense que nous pouvons dire quelques chose sur ce sujet qui nous concerne tous directement. Ce peut être une proposition à faire aux collectifs et aux personnes plus directement concernées... Qu'en pensez vous ? Je vous parlerai bientôt, dans une prochaine lettre, d'un projet enthousiasmant qui se prépare par ici. Dès qu'il sera un peu plus élaboré et qu'il aura été rendu public, je vous le ferai savoir, car il se pourrait bien que vos contributions solidaires soient bienvenues. D'autre part, en mon nom personnel, j'ai proposé à quelques commissions de l'APPO, à la Cofadapo et à d'autres de participer à la conception d'une exposition itinérante en Europe pour raconter l'histoire et le présent du mouvement populaire de l'Oaxaca... A bientôt donc... Victor. P-P-S plus particulièrement français. Durant l'assemblée plénière des 10 et 11 février, nous avons appris que quelques "commissionnés" de l'APPO avaient fait une tournée en France fin janvier et début février, invités par la Fondation France Libertés de Danielle Mitterrand pour parler de la situation sociale qui se vit ici, dénoncer la répression et l'impunité, et promouvoir l'idée que le mouvement de l'APPO ne se "réduit pas à un groupe d'anarchistes et de délinquants"... A la rencontre du Parti communiste, des médias officiels de communication, de députés, d'intellectuels, de sociologues, et de personnalités hors du commun, ils ont décidé qu'une commission organisée par la fondation française visitera avec des journalistes l'État d'Oaxaca au mois de juillet. Ils se sont encore mis d'accord pour étudier de plus près, avec l'aide de sociologues et d'intellectuels européens, le mouvement populaire comme un exemple d'organisation populaire, pacifique et participative dans cette période de crise global du système représentatif... Ça va être beau… Ils ne renonceront jamais à conscientiser les masses informes... Je ne sais pas si c'est en rapport avec la visite en Europe de "conseillers", mais était présente à l'assemblée une délégation de deux jeunes communistes... Un couple pas si jeune et sérieux, comme il se devrait pour de jeunes communistes. Ils ont pris des notes et filmé une bonne partie des débats. Le gars avait l'air triste, un peu désolé, ou peut-être souffrait-il de la "turista"...
Message édité le 28-02-2007 à 18:56:05 par Paria |
| | Posté le 10-03-2007 à 12:19:16
| Oaxaca : la tragédie continue Le Mexique, c'est connu, est un pays où les gouvernements n'ont pas trop de scrupules sur les méthodes qu'ils emploient pour réprimer les mouvements sociaux. Ce qui se passe à Oaxaca, cependant, est, en grande partie, inédit. Après la répression féroce de la fin de l'année 2006, les journaux et télévisions du régime, depuis des semaines, font tout pour présenter une réalité idyllique, mais, sous les cendres d'une paix imposée par les armes, couvent quantité de braises. Le conflit, de fait, présente de multiples aspects. Au premier rang desquels, Ulises Ruiz Ortiz, le gouverneur haï, du PRI, qui durant ces neuf derniers mois a déchaîné la terreur contre l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO). Tout comme l'actuel président mexicain, Felipe Calderon, Ruiz est le produit d'une colossale fraude électorale. En 2004, à peine "élu", Ruiz - politicien vraiment hors série, à la fois faible, autoritaire et psychopathe - déclara la guerre au quotidien indépendant Noticias, faisant brûler les kiosques où il était en vente et occupant militairement son siège, sans toutefois arriver à le faire taire. Ce fut ensuite le tour de la Section 22 du syndicat des enseignants - 70 000 adhérents -, organisme indépendant avec une vieille tradition de lutte. Dans la réalité de misère rurale qui règne à Oaxaca, la fonction de l'instituteur, comme facteur de conscience sociale, est très importante. Le 14 juin 2006, Ruiz déchaîna un véritable déluge contre les enseignants qui avaient occupé le centre de la ville pour obtenir des améliorations salariales. En réponse, la population s'insurgea spontanément et, le 23, 400 organisations sociales environ créèrent l'APPO (Asemblea Popular del Pueblo de Oaxaca) forum permanent et organe de décision du mouvement. Le mot Pueblo fut significativement changé ensuite pour Pueblos, indiquant la pluralité des participants et l'exclusion explicite des partis politiques. Le mouvement s'unifia autour d'une seule revendication : chasser Ruiz. On institua une commission formée de délégués révocables, avec mission de mener les tractations avec le gouvernement fédéral. Face à l'absence de réponse claire, l'APPO répondit en occupant les bureaux du gouvernement, le palais de justice et le parlement local. Ruiz se retrouva dans la situation insolite de devoir opérer dans un état de semi-clandestinité. Les élections du 2 juillet et l'agitation qui s'ensuivit firent passer au second plan ce qui se passait à Oaxaca. Ruiz pensa que le moment de contre-attaquer était venu. Il organisa alors les terribles "caravanes de la mort", c'est-à-dire des groupes de tueurs qui, à bord de fourgons et motos sans immatriculation, commettaient des crimes effroyables dans la plus totale impunité. En réaction, l'APPO éleva des centaines de barricades dans le centre-ville et dans les banlieues, en se proclamant seul gouvernement légitime d'Oaxaca. Le 1er août, face à la manipulation persistante de l'information, 2 000 femmes environ, en majorité des ménagères, des enseignantes et des étudiantes, prirent possession de la radio et de la télévision gouvernementales, en les transformant en outils de communication alternative ouverts à tous les secteurs sociaux. La liste des morts augmentait, mais au lieu de reculer, le mouvement s'appropriait des espaces stratégiques, devenant une menace non seulement locale mais aussi nationale. On commença à parler de la "commune d'Oaxaca". Les choses se précipitèrent le vendredi 27 octobre quand furent tués Brad Will, journaliste indépendant d'Indymedia, et deux militants de l'APPO, dans le faubourg de Santa Lucia del Camino. Le coupable, un employé de Ruiz qui avait été filmé au moment où il tirait, sortit rapidement de prison. A l'heure actuelle, la version officielle est encore que Brad a été tué par certains de ses camarades à cause de "rixes personnelles". Au même moment, à quelques kilomètres de là, à Santa Maria Coyotepec (siège du gouvernement de Ruiz), la police massacrait un nombre indéterminé de militants de l'APPO. Ce qui fait penser à une planification froide des deux crimes. On sait que, dans une époque d'assassins, les victimes sont toujours coupables. Il ne faut donc pas s'étonner si les crimes de Ruiz ont ensuite été allégués par le gouvernement fédéral pour justifier l'irruption de la Police fédérale préventive (PFP), corps spécialisé dans les opérations anti-insurrectionnelles, qui était déjà intervenu à Atenco. Le 28, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Carlos Abascal, lança un ultimatum : l'APPO avait vingt-quatre heures pour démonter les barricades, quitter le centre historique et abandonner les bureaux du gouvernement. Le dimanche 29, 4 000 policiers, appuyés par des hélicoptères et des blindés, marchèrent sur la ville, alors que 5 000 soldats prenaient position dans des points névralgiques des régions environnantes. La résistance fut importante mais, vers 19 heures, la PFP arriva à dégager le zocalo (la place principale) et à reprendre possession des radios contrôlées par l'APPO, sauf Radio Universidad, dernier bastion de la communication indépendante. La ville ressemblait à un champ de bataille : véhicules en flammes, maisons détruites, routes creusées de tranchées. En outre, il y avait 60 détenus, deux victimes reconnues et un nombre indéterminé de desaparecidos [disparus]. Le jeudi 2 novembre, le Jour des morts, la PFP échoua dans sa tentative d'occuper la Cité universitaire et la barricade du carrefour Cinco Señores, place forte de l'APPO. Ce fut une victoire éclatante du mouvement, obtenue en grande partie grâce à l'inventivité des jeunes du quartier qui se défendirent des blindés armés de cocktails Molotov, de frondes et de "bazookas" de plastique improvisés. L'occasion de se venger se présenta quelques semaines plus tard, le 25 novembre, quand la PFP attaqua une manifestation pacifique de l'APPO. Bilan : 141 arrestations - en majorité de vendeurs ambulants et de passants totalement étrangers aux faits - et un nombre imprécis de morts non déclarés. Le lecteur se demandera : pourquoi ne dénonce-t-on pas les victimes de la violence policière à Oaxaca ? La réponse est simple : les parents n'osent pas porter plainte. Pour les détenus commence alors une histoire kafkaïenne : menaces, intimidations, tortures physiques, et psychologiques, violences sexuelles (sur les hommes, plus encore que sur les femmes). A quoi il faut ajouter le transfert - illégal - vers la prison de haute sécurité de Nayarit, à plus de mille kilomètres d'Oaxaca. Bien qu'une grande partie des détenus aient ensuite été ramenés à Oaxaca, 62 personnes restent en prison. Toutes sont accusées des mêmes crimes (sédition, incendie, violation de la propriété privée, etc.), ce qui en dit long sur la façon de procéder de la justice mexicaine. Aujourd'hui, Oaxaca vit dans un état de siège camouflé, mais la résistance continue. Les prisons clandestines, l'impunité, la terreur et les enlèvements rappellent les années sombres des dictatures militaires d'Amérique du Sud. Avec une nouveauté inquiétante : à la différence des groupes armés du passé, l'APPO est un mouvement essentiellement pacifique. Les 23 personnes assassinées (plus une centaine de disparus) sont d'un seul côté : celui du mouvement. Et les autorités se gardent bien d'arrêter les coupables. Tout cela, et plus encore, est décrit dans les moindres détails dans le terrible Informe sobre los hechos de Oaxaca (Rapport sur les événements d'Oaxaca), fait par la Commission civile internationale d'observation pour les droits humains (CCIODH), organisme international qui a visité Oaxaca entre le 20 décembre 2006 et le 20 janvier 2007. A l'appui de 400 témoignages environ, de dizaines de photos et documents et d'une vidéo, le document est disponible en ligne : http://cciodh.pangea.org Sa lecture évoque une continuité perverse avec les événements d'Atenco, en mai 2006. Dans les deux cas, les pouvoirs locaux ont agi avec la complicité des pouvoirs fédéraux, et vice versa. Cela signifie que la responsabilité de ce qui arrive à Oaxaca n'est pas uniquement le fait du psychopathe Ruiz, mais aussi celui du gouvernement fédéral. Nous sommes face à une expérimentation de management social : face à l'insurrection de la contestation, le gouvernement "étudie" jusqu'à quel point il peut emprunter la voie de la répression violente. Seule la réponse combative de la société civile peut arrêter un jeu si pervers et irresponsable. Le 4 mars 2007. Claudio Albertani |
| | Posté le 10-03-2007 à 12:21:42
| OAXACA Selon l'APPO, Lino Celaya a constitué des escadrons de la mort pour attaquer les barricades Un fonctionnaire accusé d'avoir assassiné des militants dans l'Oaxaca a été destitué. Il sera remplacé par Sergio Segreste, l'ancien président de la Commission de l'Oaxaca des droits fondamentaux des personnes. Pour Zenén Bravo, il s'agit d'une manœuvre pour éviter qu'il reçoive la sanction qu'il mérite. Octavio Velez Ascensio, correspondant. Oaxaca, État d'Oaxaca, le 7 mars. Lino Celaya Luría, directeur du Service de protection des citoyens (Seproci), a été démis de ses fonctions. L'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) affirme que Celaya est responsable de la création des "escadrons de la mort" qui ont assassiné plusieurs militants qui montaient la garde sur les barricades, l'année dernière. Dans son rapport sur l'Oaxaca, la Commission civile internationale d'observation sur les droits humains (CCIODH) désigne le Seproci comme l'une des administrations responsables de la répression dont ont été victimes des sympathisants du mouvement des enseignants et du mouvement populaire de 2006. Iñaki García, porte-parole de la CCIODH, est d'avis que la destitution de Celaya ne suffit pas, car "les auteurs" des arrestations illégales, des tortures et des assassinats "n'ont pas été condamnés". Et d'ajouter : "Cela ne change rien à une situation aussi grave de violations des droits fondamentaux des personnes." Il considère en outre que Sergio Segreste, le nouveau directeur du Seproci, qui était auparavant président de la Commission de l'Oaxaca des droits fondamentaux des personnes, devra répondre des accusations et châtier les responsables de cette répression, "parce que les choses ne peuvent pas en rester là". Zenén Bravo Castellanos, membre du conseil de l'APPO pour l'Oaxaca, pense que la destitution de Celaya "ne constitue nullement une sanction mais correspond plutôt à une manœuvre pour le libérer de ses responsabilités" dans le cadre des violations des droits fondamentaux commises lors de l'étape la plus dure de ce conflit politico-social. Selon certaines sources non autorisées, Lino Celaya Luría, ancien maire d'Oaxaca, ancien secrétaire d'État à l'Intérieur et ancien député national du PRI, remplacera Elpidio Concha Areliano à la tête de la Confédération nationale paysanne (CNC) dans l'Oaxaca. Rappelons qu'Elpidio Concha avait été impliqué dans la mort d'un professeur, en juillet 2004, à la clôture de la campagne électorale de l'actuel gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, à Huautla de Jímenez. La décision du Segob contestée La CCIODH déplore le fait que le ministère de l'Intérieur (SG) ait rejeté son rapport sur les violations des garanties individuelles commises par la police fédérale et par la police de l'Oaxaca au cours du conflit social dans cet État, notamment lors des affrontements de novembre 2006. Mario Escárcega, directeur de l'antenne locale du ministère, rejette le rapport de la CCIODH et affirme que son administration n'a enregistré aucune plainte concernant d'éventuels abus commis à l'encontre de membres de l'APPO. Il enjoint également la Commission de fournir les noms des 23 personnes décédées "afin de pouvoir enquêter". Iñaki García, porte-parole de la Commission, rapporte qu'Escárcega "insiste sur l'absence d'informations en ce qui concerne ces 23 homicides, mais notre rapport fournit toutes les données concrètes à ce sujet : noms, date des faits et circonstances dans lesquelles ils ont eu lieu. C'est du domaine public". Sans compter que "ces chiffres coïncident" avec les données en possession de la Commission nationale des droits fondamentaux des personnes juste avant que la CCIODH remette son rapport préliminaire. La Commission est d'ailleurs disposée à commenter les plaintes pour abus avec Mario Escárcega en personne "et espère recevoir une réponse à ses recommandations avant le départ des derniers membres, qui quittent le Mexique mardi prochain". "Nous souhaitons que Mario Escárcega assume ses responsabilités car c'est à ce ministère qu'il revient de sanctionner de tels abus, attendu que rien n'a changé. Les déclarations ne suffisent pas, il faut des résultats", conclut Iñaki García. Florentino López Martínez, porte-parole de l'APPO, pense que cette administration rejette le rapport de la CCIODH "pour tenter d'éluder ses responsabilités, parce qu'elle a joué un rôle évident dans la répression du peuple de l'Oaxaca avec l'envoi de la police fédérale de prévention". Le même a ajouté : "La mission de la CCIODH jouit d'un grand prestige au niveau international et comme elle a certifié que de graves violations des droits fondamentaux des personnes ont été commises, le ministère de l'Intérieur mexicain voudrait invalider son rapport pour cacher ce qui s'est passé." Escárcega se montre "cynique" dans ses déclarations, parce que les preuves de tortures, d'arrestations arbitraires et d'homicides commis par les forces de l'ordre fédérales et oaxaquiennes ne manquent pas. "Les morts sont là pour le prouver, les personnes torturées, les personnes emprisonnées illégalement. Quelles preuves supplémentaires veut (le gouvernement fédéral) ?" demande pour finir López Martínez. Des affrontements entre la section 22 et la section 59 du SNTE font plusieurs blessés Hiram Moreno et ADN Sureste. Santa Cruz Huatulco, Oaxaca, le 7 mars. Des membres de la section 59 du syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE), une section créée tout récemment, ont affronté à coups de pierres, de bâtons et de machettes des enseignants de la section 22 du même syndicat, avec qui ils se disputent des collèges de l'Oaxaca. Plusieurs personnes ont été blessées, dont un fonctionnaire du gouvernement de cet État et trois journalistes. Vers 17 h 30, ce mercredi, une vingtaine d'enseignants de la section 59 animaient une assemblée de parents d'élèves organisée dans l'école primaire Leona Vicario, dans le district H3 de la commune, quand environ 120 enseignants de la section 22 ont surgi et les ont expulsés, ce qui n'a entraîné qu'un échange d'insultes. Cependant, à l'aide d'un mégaphone, les membres de la section 59 ont demandé le soutien de la population et, quarante-cinq minutes plus tard, ils sont revenus pour tenter de rentrer à nouveau dans l'école. Des agents de la police municipale étaient sur place, sous le commandement de Marco Tulio Solís, coordinateur de la sécurité publique, mais ils n'ont fait qu'assister aux faits. Fernando Franco, délégué du gouvernement pour la région de la Côte, et Fernando Rodríguez, agent municipal de Santa Cruz Huatulco, se sont aussi rendus sur les lieux, mais ils ne purent éviter qu'un affrontement se produise. Pedro Sánchez, sous-délégué du gouvernement de l'Oaxaca, a reçu un coup de bâton assené par un des membres de la section 59 qui lui a cassé deux dents et brisé les lunettes. Omar Gazga, directeur d'un journal radiodiffusé, Reyes Hector Suárez Olvera, correspondant de Televisa à Huatulco, et Antonio García Pérez, journaliste du quotidien Enlace de la Costa, ont également été agressés par des membres de la section 59. En outre, le véhicule de Reyes Hector Suárez Olvera a été endommagé. Étant donné la situation, la section 22 a fait savoir qu'elle suspendra toute activité ce jeudi pour participer aux diverses marches organisées à Oaxaca, selon les informations fournies par Daniel Rosas Romero, secrétaire de presse et de propagande du syndicat. La manifestation commencera à 10 heures du monument en l'honneur de Juárez, à Trinidad de Viguera, en direction de la Place de la Danza. Daniel Rosas a répété que les revendications du syndicat continuent d'être la destitution du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, la libération de tous les prisonniers politiques, le refus des réformes décrétées par la "Ley del Instituto de Seguridad y Servicios sociales de los Trabajadores del Estado" ainsi que la remise des écoles passées au pouvoir de la section 59, entre autres. Le jeudi 8 mars recommencera à émettre Radio Plantón, moyen de communication lié à la section 22 du SNTE et à l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (92,1 FM). |
| | Posté le 15-03-2007 à 17:33:43
| Le mouvement de l'Oaxaca se rassemble au sein d'une initiative sans vocation électorale Voces Oaxaqueñas Construyendo la Autonomía y la Libertad (VOCAL : "Voix oaxaquiennes pour la construction de l'autonomie et de la liberté" ) se veut un lieu de rencontre avec cette partie du peuple de l'Oaxaca qui recherche, sur des bases éloignées de tout électoralisme et des partis, l'autonomie des peuples et des personnes afin de parvenir à un changement profond des institutions politiques de cet État et des structures économiques sur lesquelles il repose. Après l'assemblée de l'Oaxaca qui s'est tenue les 10 et 11 février, on a pu constater qu'il existe au sein de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) deux façons différentes d'appréhender la manière dont on veut poursuivre la lutte dans la conjoncture électorale actuelle. Contrairement à ceux qui, à l'instar du Frente Popular Revolucionario (Front populaire révolutionnaire, FPR) et du Frente Amplio de Lucha Popular (Front large de lutte populaire, FALP), cherchent à se situer avantageusement dans la course électorale, d'autres groupes et organisations ont préféré poursuivre la lutte en marge des institutions gouvernementales et des élections, avec la création d'un lieu devant se construire et se définir à travers le contact "direct" avec les peuples de l'Oaxaca. Pour David Venegas, membre du comité de presse de l'APPO, "le principal objectif de VOCAL est de se rendre partout où existe une lutte et une rébellion pour relier les tentatives de tous les gens qui participent au mouvement social dans l'Oaxaca". Et d'ajouter : "Lors de l'assemblée (de l'ensemble de l'Oaxaca), le désir que le mouvement conserve son indépendance et son autonomie par rapport aux partis politiques est clairement apparu au sein de l'APPO. C'est la ferme conviction de l'APPO de vouloir rester à l'écart du processus électoral, mais aussi la volonté de tous ceux qui n'en font pas partie mais avec qui nous partageons cette façon de penser, qui a débouché sur la création de VOCAL." En effet, VOCAL ne naît pas comme un espace à usage exclusif de l'APPO mais comme une manière de penser la lutte qui veut renouer avec un mouvement oaxaquien éminemment populaire éloigné des institutions et de toute hiérarchie. Pour l'un des membres de la barricade de Cinco Señores, "l'APPO n'a jamais perché dans une assemblée mais dans la rue, sur les barricades et dans les quartiers, chez les gens qui ont cru qu'un changement pouvait avoir lieu. Mais aujourd'hui on voit apparaître la même rengaine de toujours entonnée par une partie des organisations membres de l'APPO qui vont aux élections". Et pourtant, affirme-t-il, "toute l'APPO ne se compose pas de gens qui ne sont mus que par des intérêts personnels, il y en a qui veulent véritablement un changement et qui le démontrent par les positions qu'ils adoptent au sein de l'APPO". Ce qui explique que la convergence entre certains groupes de l'APPO et une partie de ceux qui ont participé au mouvement en restant à l'écart des différentes organisations de l'APPO n'a pas été possible. Il s'agit d'une tentative dans laquelle le combat pour l'autonomie constitue un pilier fondamental. Pour le collectif "Tod@s somos pres@s" (Nous sommes tou(te)s des prisonniers et des prisonnières), "ce sur quoi nous sommes d'accord et notre objectif est de relier les groupes, les individu(e)s, les collectifs et les peuples autonomes ou ceux qui luttent ou qui veulent lutter pour l'autonomie". Selon VOCAL, "nous voyons qu'aussi bien à l'intérieur qu'en dehors de l'APPO la population mobilisée partage cette idée de la nécessité pour notre mouvement de conserver son indépendance et son autonomie envers les partis politiques". Une indépendance qui se fonde sur la défense de l'autonomie et du droit à l'auto-organisation des peuples de l'Oaxaca, en particulier les peuples indigènes ou originels. Il ne s'agit ni plus ni moins que "notre mouvement reste fidèle à ses principes […] pour constituer une alternative réelle d'opposition au système de gouvernement autoritaire actuel". Pour Dolores Villalobos, membre du Conseil indigène populaire de l'Oaxaca-Ricardo Flores Magón (CIPO-RFM), "nous devons réunir toutes les résistances" et "les indigènes ont une grande expérience et peuvent apporter beaucoup à VOCAL en matière d'autonomie", qui est "une des formes qu'adopte la libre détermination des peuples, pour laquelle le peuple indigène s'est toujours battu". Une autonomie qui n'en reste pas là, cependant, et à laquelle il faut ajouter celle que sous-tendent la défense des droits individuels tels que le droit à choisir son orientation sexuelle et dont les partisans sont également invités à participer à VOCAL et à partager leurs expériences de lutte. Un lieu où existent des activités concrètes qui reposeront, selon le collectif "Tod@s somos pres@s", sur deux types d'action : "La première concerne la construction et la consolidation de nos autonomies par la mise en pratique ce que nous pensons que cette société devrait être, il s'agit de se mettre réellement au boulot (assez de discours !) dans des projets qui créent d'autres réalités." La seconde repose sur "l'emploi de la protestation publique et de la mobilisation sociale comme outil populaire de lutte". Au nombre des activités prévues par VOCAL, citons des manifestations dans la capitale, Oaxaca, mais aussi des déplacements pour se rendre dans les différentes communes autonomes et là où existe une lutte quelconque, par exemple contre le Plan Puebla-Panama, afin de pouvoir construire directement et "d'en bas" une proposition commune opposée aux procès politiques et économiques dominants. Sergio de Castro Sánchez [url]http:www.rebelion.org/noticia.php?id=47931[/url] ***************************************************** Oaxaca est debout ! La participation nombreuse et enthousiaste de milliers de manifestants qui sont à nouveau descendus dans la rue en réponse à l'appel de l'APPO, le 3 février dernier, est un signe évident que le mouvement citoyen des "Oaxaqueños" n'a pas été anéanti par la "guerre sale" qui est menée contre lui, pas plus que par l'arrestation de Flavio Sosa, son leader aux yeux des médias. Cette manifestation montre clairement que tant que persisteront les causes profondes ayant engendré l'une des plus grandes mobilisations populaires de l'histoire du Mexique, ni la paix véritable ni la gouvernabilité démocratique ne seront possibles dans l'Oaxaca. L'attitude des manifestants a aussi permis de sentir que les gens ont recommencé à vaincre leur peur, une peur provoquée par la vague des crimes perpétrés par le terrorisme d'État. Peu à peu, le mouvement populaire se réorganise et détermine à nouveau les actions nécessaires pour obtenir la libération des 64 personnes encore emprisonnées dans différentes prisons disséminées dans l'Oaxaca et dans l'ensemble du Mexique, sans oublier pour autant sa principale exigence, la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz, actuel gouverneur de l'État. Cette année, il y aura des élections locales dans l'Oaxaca, ce qui constituera le principal objet de la dispute politique dans cet État. De grands défis devant elle attendent l'APPO. D'un côté, définir de quelle manière elle participera aux élections, alliée au Frente Amplio Progresista (Front large progressiste), peut-être, et éviter au maximum que des scissions et des ruptures aient lieu au sein de l'Assemblée. À savoir : appliquer un de ses principes de base, l'indépendance face à tous les partis politiques, quels qu'ils soient. Elle devra aussi préserver l'unité du mouvement, en tentant de prendre tous les accords par consensus, comme l'exigent les organisations et les peuples indigènes, et ainsi éviter d'être le théâtre d'interminables querelles pour choisir une liste de candidats. D'un autre côté, l'APPO ne doit pas cesser d'encourager toute action qui permette une réelle transformation démocratique de l'Oaxaca et non une simple réforme de façade comme celle que conduit cette commission spéciale discréditée créée par Ulises Ruiz. La réforme de l'État, la convocation d'une nouvelle assemblée constituante et l'élaboration d'un nouveau pacte social qui institue de nouvelles formes de participation citoyenne et établisse clairement les droits des femmes et des peuples indiens doit continuer d'être une priorité de notre mouvement citoyen. La conjoncture électorale ne doit pas faire oublier l'objectif d'une transformation démocratique en profondeur, comme le réclament depuis des mois des milliers de citoyens dans l'Oaxaca. La plupart des observateurs pensent que le plus gros de la répression a terminé ; il n'empêche, il y a encore des dizaines de disparus et de détenus et non seulement les auteurs matériels directs de nombreux assassinats et enlèvements, tels les cadres de la police Manuel Moreno Rivas et Aristeo López, sont toujours en liberté, mais ils occupent toujours dans le cynisme le plus complet les fonctions qui leur ont permis de gruger des centaines de citoyens d'Oaxaca. Ce n'est pas le moment de relâcher notre méfiance, sachant qu'un des principaux combats que devra livrer l'APPO sera de contrecarrer la répression, d'autant plus que d'innombrables mandats d'arrestation continuent d'être en vigueur, qui ont été lancés contre des centaines de dirigeants de la lutte sociale, professeurs, autorités communautaires et militants. La nouvelle vague de répression qui se prépare est incontestablement liée à l'inquiétude du gouvernement d'Ulises Ruiz Ortiz devant le nouvel essor qu'a pris l'APPO, depuis la grande marche du 3 février, et il s'imagine qu'avec de nouvelles arrestations il pourra contenir la révolte citoyenne. Pour finir, un autre défi que doit affronter le mouvement populaire est celui de se réorganiser et de regrouper de nouveaux secteurs, avec leurs revendications spécifiques, sans oublier de poursuivre et d'augmenter la mobilisation citoyenne, en évitant dans la mesure du possible les actions violentes et les provocations. Les méthodes de notre mobilisation démocratique devront prévaloir sur les théories qui prônent l'affrontement violent – qui n'a servi jusqu'ici qu'à faire réprimer de larges secteurs de la population. La situation dans l'Oaxaca a commencé à changer car les cercles gouvernants se montre craintifs et désunis. L'heure est venue pour notre mouvement citoyen de repasser à l'offensive, en profitant des fractures et des affrontements visibles à l'intérieur de la clique d'Ulises Ruiz Ortiz, le démantèlement du CROC, syndicat très agressif affilié au PRI, et la confrontation directe à laquelle nous avons assisté entre le président de la Grande Commission de la magistrature locale et le ministre de l'Intérieur ne constituant qu'un échantillon de sa faiblesse interne. Les 150 derniers éléments de la PFP ont enfin quitté l'Oaxaca et la contention de la révolte citoyenne est maintenant entièrement dans les mains de l'appareil répressif d'Ulises Ruiz, qui présente cependant lui aussi de graves fissures, comme le montre les déclarations publiques de cadres intermédiaires de la police qui ont dénoncé les menaces qu'ils ont reçues de leurs supérieurs. Au cours des mois qui vont suivre, le conflit politique et social patent dans l'Oaxaca ne manquera de s'étendre. Le mouvement populaire est certes face à de grands et sérieux défis, mais on peut être sûr qu'il parviendra à les surmonter, à condition de ne pas abandonner les causes et les exigences qui l'ont fait naître et l'ont alimenté. Le peuple n'oublie pas, le peuple reste vigilant. Carlos Beas Torres "La Jornada", 10 mars 2007. http://www.jornada.unam.mx/2007/03/10/index.php?section=opinion&article=014a1pol Traduit par Ángel Caído.
Message édité le 15-03-2007 à 17:34:26 par Paria |
| | Posté le 15-03-2007 à 17:35:51
| VOIX OAXAQUIENNES CONSTRUISANT L'AUTONOMIE ET LA LIBERTÉ (VOCAL) Les membres actuels de VOCAL sont des individu(e)s autonomes, des collectifs libertaires, des lieux autogérés, des antiautoritaires, des organisations magonistes, des collectifs zapatistes, des groupes anarchistes, des barricadières et barricadiers, des membres de l'APPO et des adhérent(e)s à l'Autre Campagne. Tous et toutes participent à l'actuel mouvement social dans l'Oaxaca. VOCAL se veut un lieu de convergence et d'union des tentatives autonomes du peuple d'Oaxaca en lutte, de tous ceux qui, appartenant ou non à des regroupements tels que l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO), participent activement au mouvement social actuel et veulent que ce mouvement reste fidèle à ses principes d'autonomie et d'indépendance vis-à-vis des partis politiques, en revendiquant l'assemblée souveraine comme la manière la plus juste et la plus harmonieuse pour réussir à nous comprendre, à nous organiser de façon autonome et à nous autogouverner. Un lieu où les accords du peuple ne se fondent ni sur la prédominance de la majorité sur une minorité ni sur aucune autre façon d'imposer son point de vue comme celle communément exercée par le pouvoir de ceux d'en haut, mais sur le respect mutuel entre toutes les composantes du peuple. Dans un tel lieu, nous nous proposons donc de lutter pour construire, consolider et relier des autonomies, estimant que l'autonomie des peuples, des groupes, des collectifs, des individus, des organisations et autres constitue une alternative réelle d'opposition au système de gouvernement autoritaire actuel. L'autonomie entendue comme la construction d'autres réalités montrant qu'il existe une autre manière de changer les choses à la source, dans laquelle les peuples décident de leurs propres modes de vie, et non au sein d'institutions qui ne font que réformer l'oppression et la répression, comme le font les partis politiques qui produisent des tyrans, homme ou femme, des caciques et un autoritarisme chez tous ceux et toutes celles qui y accèdent à travers des postes qui leur confèrent une quelconque autorité. Aussi les activités de VOCAL ne se limiteront-elles pas aux périodes électorales, attendu qu'avec ou sans des élections l'autonomie fait son chemin à travers l'organisation et le projet d'une autre société possible. Au stade actuel du mouvement, tandis qu'une période électorale qui a été présentée comme une possibilité de faire triompher notre lutte est sur le point de commencer, nous pensons qu'il est indispensable que tous les enfants, toutes les femmes, tous les hommes, tous les peuples et régions de notre État qui ont participé d'une manière ou d'une autre à ce grand mouvement, pour revendiquer précisément l'indépendance et l'autonomie vis-à-vis des partis politiques, viennent avec nous renforcer, auprès de tous ceux qui partagent ce point de vue, l'idée que cette circonstance n'est qu'une étape, qu'il nous faudra sortir de cette période d'élection plus fort(e)s et plus mûr(e)s afin d'affronter les assauts des gouvernements du pouvoir au service des intérêts des maîtres de l'argent, les véritables responsables du malheur des peuples, comme Ulises Ruiz Ortiz et Felipe Calderón, notamment. L'assemblée de l'Oaxaca de l'APPO qui s'est tenue les 10 et 11 février 2007 a disposé que l'APPO en tant que mouvement ne participera pas à ces élections, décision qui respecte les principes de l'APPO, en ce sens qu'elle ne se veut pas un parti politique. Il a été convenu que les organisations qui le souhaiteraient seront libres de participer en toute autonomie à ces élections, mais qu'aucun candidat ne pourra utiliser ni le nom ni les liens unissant son organisation avec l'APPO pour faire campagne et que les conseillers [de l'APPO] qui participeraient au processus électoral devront démissionner de façon irrévocable dès l'instant ou leur candidature serait acceptée sur les listes d'un parti politique – la participation de l'APPO à ces élections se limitant exclusivement à appeler à un vote de sanction contre les candidats d'Ulises Ruiz Ortiz et des ses alliés. Nous avons pu constater que, au sein de l'APPO comme en dehors, la population mobilisée partage cette idée de la nécessité de conserver l'indépendance et l'autonomie de notre mouvement vis-à-vis des partis politiques, l'histoire de notre pays ayant largement démontré qu'à différents moments et dans différentes circonstances les partis politiques ont réprimé et censuré les intérêts légitimes du peuple. Dans le cadre des accords convenus, l'APPO a jugé qu'elle ne croyait pas que les partis politiques répondent aux besoins du peuple et a réaffirmé que la lutte du peuple de l'Oaxaca va au-delà de tout processus électoral. Les peuples de l'Oaxaca sont conscients de l'importance de leur mobilisation et de leur organisation comme principal outil pour obtenir la victoire. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut continuer à se mobiliser dans l'ensemble de l'Oaxaca et faire tous et toutes cause commune, rassembler les différentes manières de concevoir la société et la résistance, et que, de par sa diversité et son caractère pluriel, VOCAL est un appel à stimuler encore cette lutte. La fraternité entre enfants, femmes, hommes et le peuple en général ne se réalise pas dans une marche ou dans un meeting, où la différence entre ceux qui prennent toujours la parole et ceux qui ne font qu'écouter existe nécessairement, non, ce lien doit se créer au sein des quartiers, des écoles, des villages, des communautés et des régions, par le débat et par l'action, et c'est au peuple mobilisé qu'il revient d'entamer un tel dialogue, et à l'APPO, aux collectifs et aux personnes qui participent en toute indépendance à cette lutte, mais c'est surtout du peuple qu'émane l'organisation et la possibilité de représention de cette lutte. Nous voulons ce qui aujourd'hui aux yeux des gouvernements et des patrons criminels et exploiteurs constitue le pire des délits : nous voulons la justice et la dignité, nous voulons ne plus avoir peur d'exprimer nos idées, nous voulons ne plus être victimes de ségrégation pour la couleur de notre peau, notre pensée, notre langue ou nos goûts, nous voulons des aliments sains que nous obtenons par notre travail et ne plus être volés par les riches, nous voulons employer notre énergie créatrice pour le bien commun, nous voulons la libération de nos prisonniers et de nos prisonnières. Nous voulons la liberté de choisir notre façon de vivre et que personne ne nous impose ses mensonges, sa violence et sa manière de gouverner, et nous savons que ce que nous voulons est correct et juste. Nous voudrions devenir frères et sœurs dans cette lutte par en bas, avec tous ceux et toutes celles qui, à la ville ou dans l'arrière-pays, ont comme nous opposé résistance à tous les maîtres du pouvoir et de l'argent, nous voulons jumeler nos expériences de lutte avec le moindre recoin de notre État, nous voulons dialoguer et échanger avec toutes les femmes et tous les hommes de l'Oaxaca. Les Afro-Mexicain(e)s, Zapotèques, Mixtèques, Huaves, Triquis, Chatines, Chontales, Mixes, Mazatèques, Chinantèques, Cuicatèques, Ixcatèques, Choches, Nahuas, Amuzgos, Zoques, Tacuates, et des habitant(e)s des "colonias", des barricadiers et barricadières, des enfants, des instituteurs et institutrices, des ouvriers et ouvrières, des paysan(ne)s, des migrant(e)s, des émigrant(e)s, des jeunes, des étudiant(e)s, des homosexuel(le)s, des bisexuel(le)s, des lesbiennes. Tous ceux et toutes celles qui se battent pour un monde meilleur. Traduit par Ángel Caído. |
| | Posté le 22-03-2007 à 13:40:53
| Oaxaca de Juárez, État d'Oaxaca, le 16 mars 2007. Au peuple de l'Oaxaca. Aux peuples du monde, Avec ce bulletin, nous voulons dénoncer et éclaircir les faits survenus le 15 mars, Journée internationale de protestation contre la brutalité policière. Dans le cadre des journées contre la brutalité policière organisées par "Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad" (VOCAL), hier, à 16 heures, un meeting avait lieu devant le siège de la Commission des droits de l'homme de l'Oaxaca. Ce rassemblement a aussitôt été décrié par Mme Jennifer Aguilar, qui, sans consultation préalable des bases de l'APPO, a désavoué la manifestation et a pris à partie organisateurs et participants, qu'elle a qualifiés de troupes de choc du gouvernement, de partisans du PRI, de nervis, de groupes violents et d'infiltrés cherchant à diviser le mouvement actuel dans l'Oaxaca. Sachant que la grande diversité d'opinions et de pensée qui existe au sein de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) fait qu'il est peu probable que cette assemblée désavoue cette forme de protestation, la situation nous a énormément surpris. Les déclarations de Mme Jennifer Aguilar ont entraîné l'intervention musclée des forces de l'ordre commandées par Aristeo López, chef de la police municipale, qui a été vu inspectant en plusieurs occasions les lieux en cyclomoteur. Cette intervention totalement disproportionnée était visiblement prête à être déclenchée en vue de réprimer la manifestation, la police encerclant le lieu du rassemblement, et a débouché, pendant plus d'une demi-heure, sur la persécution dans les rues de la ville de personnes qui abandonnaient les lieux. Les déclarations de Mme Jennifer Aguilar constituent une tentative manifeste de criminalisation de la jeunesse et de tous ceux qui cherchent la manière de changer les choses sans passer par des élections et des structures hiérarchiques autoritaires qui essaient de manipuler le mouvement actuel. Nous répétons que VOCAL est un regroupement qui veut écouter et jumeler les peuples en résistance, les communautés traditionnelles et autres mouvements autonomes dans l'Oaxaca, à travers le travail sur place, l'échange entre les peuples et la manifestation pacifique de nos idées. Comme le démontrent les activités culturelles – ateliers de peinture pour les enfants et les jeunes, tags, musique, danse folklorique, fresques murales, projection de la vidéo "Pesadilla Azul" (Cauchemar bleu), théâtre de rue, performance et veillée populaire – que nous avons organisées avec le peuple de Zaachila et avec sa radio communautaire, le 14 mars. La grandeur et la légitimité du mouvement populaire se doivent à la participation honnête et spontanée du peuple qui s'organise de lui-même et prend l'initiative des protestations, comme on a pu le voir avec la participation radicale du peuple lors des occupations et de la levée de barricades, de sorte qu'aucune organisation ni aucun individu autoritaires prônant les structures hiérarchiques ne peut monopoliser la lutte et l'insatisfaction sociale, car on court en outre le risque que ces organisations justifient aux yeux du gouvernement la répression contre celles et ceux d'Oaxaca qui ont choisi de lutter de manière autonome et indépendante. Nous demandons à tous les peuples de l'Oaxaca, du Mexique et du monde de soutenir et de montrer leur solidarité avec l'espace autonome de lutte qu'est VOCAL et au sein duquel nous recherchons, de manière fraternelle et coude à coude avec l'ensemble du peuple de l'Oaxaca, à faire destituer et châtier le tyran Ulises Ruiz Ortiz et à réaliser un changement profond et véritable pour le bien de nos peuples de l'Oaxaca, dans le respect de l'autonomie et des us et coutumes des peuples et des personnes. Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad (VOCAL) vocal@riseup.net Traduit par Ángel Caído. |
| | Posté le 25-03-2007 à 21:56:28
| Violente répression contre un campement de l’appo a mexico Rappelons que la mairie de mexico est dirigée par un maire du Prd de manuel lopez obrador un soit disant parti de gauche Dans la nuit du 18 au 19 mars, environ 400 policiers de la ville de Mexico (PRD, centre gauche), ont procédé à l’expulsion du campement de la APPO (Assemblée populaire des peuples de Oaxaca), situé depuis plus de cinq mois sur une des places du centre historique de la capitale. Ces occupants réclament la démission d’Ulises Ruiz, gouverneur de l’état de Oaxaca, la libération des prisonniers politiques et que la lumière soit faite sur la répression terrible qui s’est abattue sur Oaxaca. Une soixantaine de personnes environ – dont beaucoup de femmes et d’enfants de la communauté Triquis – était présents lorsque l’opération policière a débuté. Face à un tel déséquilibre des forces, les occupants n’ont pu que rester impuissants. Alors que la police déployait ses troupes, des hommes armés de barres et de petites machettes sont entrés sur la place occupée et ont saccagé violemment le campement, détruisant systématiquement les affaires des membres de la APPO en proférant des injures racistes. Il est clair que les autorités locales ont eu recours à des hommes de main pour faire le « sale boulot » à la place de la police. Lorsque ces mercenaires ont discrètement quitté les lieux, ils ont été vu à bord d’une camionnette blanche appartenant à la municipalité. Après que le secteur ait été bouclé pour empêcher à quiconque d’entrer et d’assister à l’expulsion musclée, les éboueurs de la ville sont arrivés avec d’immenses camions bennes pour « nettoyer » les lieux. La majorité des affaires a été saisie pour être détruite (des tentes, des ordinateurs, du matériel d’artisanat, des matelas, etc). Cantonnés à l’extérieur du périmètre contrôlé par la police, les membres de la APPO sont resté unis et ont montré leur détermination a toute épreuve. Malgré le froid et la fatigue ils ont tenu toute la nuit tête à la police en criant des slogans et en allumant à plusieurs reprises des feux. Dans la nuit, deux personnes au moins ont été blessés lors d’accrochages : un policier et Gustavo Sosa (frère de Flavio Sosa, un des leaders de la APPO toujours en prison). Lundi matin 19 mars, ni la police, ni les membres de la APPO ne s’étaient retirés du lieu. La APPO a annoncé son intention de réoccuper les lieux et de continuer à lutter. Une politique de « nettoyage » du centre historique. Il y a 5 mois, l’installation du campement sur cette place où se trouve la chambre des sénateurs s’est faite avec l’accord des autorités municipales de Mexico. Or le prétexte utilisé aujourd’hui pour déloger le campement est qu’il est devenu un repère de vendeurs ambulants. Ce qui est évidemment faux. Cette décision d’expulsion n’est rien d’autre qu’un geste politique fort visant à mettre un terme définitif à la révolte des peuples de Oaxaca. La position extrêmement ferme adoptée par la municipalité dite de gauche à l’encontre de l’APPO doit être replacée dans le contexte d’une politique plus globale visant à « nettoyer » le centre historique de la ville de Mexico. Officiellement, il s’agit de lutter contre la contrebande et le narcotrafic. Officieusement, il existe une volonté claire de vider et de nettoyer le centre ville de ces pauvres, de ces commerçants ambulants et des gens qui luttent. En lieu et place de toute cette population qui survit grâce aux revenus de l’économie informelle, Ebrard, le gouverneur de Mexico veut permettre l’implantation de commerces normalisés (les grandes chaînes de magasins qui poussent comme des champignons à Mexico). Slim, puissant homme d’affaire mexicain et connu comme l’un des hommes les plus riches du monde, a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaitait partir à la conquête du centre historique. Pour mener à bien leur funeste projet, les autorités locales devront faire face à la fronde des dizaines de milliers de petits commerçants qui peuplent le centre ville, bien déterminés à ne pas s’en laisser chasser. Le quartier populaire de Tepito, considéré comme le quartier le plus chaud du Mexique, haut lieu du narcotrafic et de la contrebande est déjà entré en résistance après que les expropriations aient commencé le mois dernier. Les autorités et la police sont déjà sur le pied de guerre et savent que le petit peuple de Tepito s’organise et est prêt à résister. Une manifestation des habitants du quartier est prévue jeudi 23 mars contre les expropriations et pour la défense de leur lieu de vie et de leur dignité. Affaire à suivre donc. |
| | Posté le 04-04-2007 à 20:57:56
| Notes d'information sur Oaxaca et le Mexique Oaxaca, 1er avril 2007. Amparo pour les frères Sosa L'actualité strictement oaxaquègne est plutôt calme, ce qui va nous permettre de développer un peu des aspects qui lui sont liés indirectement. Les frères Sosa, Flavio et Erick, viennent de bénéficier d'un amparo ("protection"), pour l'un des procès contre eux. Il s'agit d'une sorte d'habeas corpus, reconnaissant qu'il n'y a pas de charges suffisantes pour leur maintien en prison. Les juges reconnaissent ainsi qu'il n'y a pas de preuves qu'ils aient volé un camion-citerne et une excavatrice (on aura compris qu'il s'agit de matériel réquisitionné par la population pour former les barricades). Erick pourrait sortir bientôt. Flavio, qui a été l'un des porte-parole les plus visibles de l'APPO, a encore cinq autres procès sur les reins, mais son avocat espère obtenir sa libération dans les dix jours. Excès d'optimisme ? Ah oui, autre chose : deux membres du PRI viennent d'être arrêtés ! Il s'agit du maire de San Bartolomé Ayautla et d'un dirigeant de la 59e section du SNTE, la section jaune montée de toutes pièces par Elba Ester Gordillo pour tenter de faire contrepoids à la 22e section oppositionnelle. Les priistes occupent encore indûment 70 écoles, où ils font faire la classe par des gens non qualifiés. Selon les accords signés en octobre, ils auraient dû les rendre aux vrais instit's, mais ils s'y refusent. Dans leur élan, ils avaient séquestré le responsable à l'éducation du gouvernement d'Ulises Ruiz. Là, ça faisait carrément désordre, d'où l'arrestation. Bah, ils seront sûrement bientôt en liberté… Retraites : la mobilisation continue Le système de sécurité sociale mexicain, assez proche du nôtre, même s'il laissait de côté les millions de travailleurs du secteur informel, a été souvent présenté comme une des plus grandes conquêtes de la Révolution. Cela explique sans doute l'attachement que lui manifestent les Mexicains et la vigueur des protestations face à sa démolition par la récente loi de "réforme" de l'ISSSTE (Institut de Sécurité et Services Sociaux des Travailleurs de l'Etat) adoptée à la sauvette cette semaine. La journée de protestation du 27 mars a été des plus massives, aussi bien à Mexico que dans tous les Etats de la Fédération. Si les enseignants, à l'appel de la Coordination Nationale des Travailleurs de l'Education (CNTE, qui regroupe les sections oppositionnelles à la direction du SNTE) étaient venus par gros bataillons, ils n'étaient pas seuls, loin de là. Les travailleurs de la Santé étaient aussi descendus en masse, de même que d'autres secteurs, regroupés dans l'Union Nationale des Travailleurs (UNT), à laquelle appartient par exemple le combatif Syndicat Mexicain des Electriciens (SME). A l'issue de la manifestation de la capitale a été plébiscitée par la foule la mise sur pied d'une Coordination Nationale de Grève. Il semble bien qu'on s'oriente vers une grève nationale illimitée qui commencerait le 2 mai. Ce serait une grande première au Mexique : le verrouillage mis en place par le PRI grâce à son système de syndicats charros à la botte du pouvoir l'avait jusqu'ici toujours empêché. Mais certains travailleurs ont préféré battre le fer tant qu'il était chaud. Les protestations, avec arrêts de travail, ont continué à peu près toute la semaine. Dans l'Etat de Guerrero, à l'appel de l'Assemblée Populaire des Peuples du Guerrero (APPG), ils ont même envahi le Congrès local. Sans qu'on puisse en jurer — on ne connaît pas par cœur la liste des sections oppositionnelles du SNTE — il semble bien que ces actions soient aussi le fait de sections en principe tenues en main par la Gordillo, mais qui cette fois se rebellent. Chiapas, Oaxaca, Guerrero, Michoacán, Zacatecas, Chihuahua, Durango, Tlaxcala, Hidalgo… La liste des Etats mobilisés est longue. Dans le Zacatecas, 40 % des écoles publiques ont déjà entamé un "arrêt de travail indéfini". Les néo-cons désignent leurs ennemis : les Indiens. Le 27 mars dernier, José María Aznar, ex-chef du gouvernement espagnol de 1996 à 2004 et membre du Parti Populaire (PP) fondé par l'ancien ministre de Franco Fraga Iribarne, a présenté à Madrid son (petit) livre intitulé Amérique Latine, un agenda de liberté. Il y expose la doctrine que, selon lui, doivent suivre les dirigeants latino-américains proches de ses idées, ceux qu'il appelle fièrement — en espagnol dans le texte — los "neocon". Remarquons que Manuel Espino, chef du Parti d'Action Nationale (PAN) du président mexicain FeCal (Felipe Calderón), a participé à l'élaboration. La prétention d'Aznar à se poser en maître à penser peut faire sourire : il est de notoriété publique que, sur le plan intellectuel, ce n'est pas une flèche… Cependant, si on se souvient que le leader mondial de la droite dure est un certain G.W. Bush, pourquoi pas Aznar, après tout ! Le "livre", en fait une grosse brochure de 98 pages, met en garde contre la menace permanente des "ennemis de l'Occident". Ces nouveaux ennemis, puisque la gauche est, selon lui, hors course depuis la chute du mur de Berlin, sont au nombre de trois : "l'islamisme djihadiste", "l'altermondialisme" et "les différentes manifestations d'indigénisme" ; et ils "font partie d'une alliance diffuse, mais opérationnelle". Il y a là quelque chose de nouveau. Se donnant pour héritier du libéralisme politique du XIXe siècle, le néolibéralisme n'avait jamais osé, jusqu'ici, s'en prendre directement et nommément au mouvement indigène. Bolívar ne voulait-il pas émanciper les Indiens ? Il est vrai que les mesures qu'il avait prises à l'époque dans ce sens avaient eu des résultats allant du nul au catastrophique, car elles ne tenaient pas compte – involontairement ? – des traditions communautaires indiennes. Il n'empêche qu'aujourd'hui, dénoncer ouvertement le mouvement irrésistible des peuples natifs vers la reconnaissance de leur égalité et de leurs droits, notamment à s'autogouverner, est plutôt gonflé. Cela marque un retour en arrière d'au moins quinze ans, quand, à l'occasion du V° centenaire du premier voyage de Christophe Colomb, l'expression "découverte de l'Amérique" (qui niait jusqu'à l'existence des Indiens) avait été remplacée par "rencontre des deux mondes". C'est aussi un clair aveu de racisme au nom de la "supériorité de l'Occident" : cela signifie, crûment, qu'il y a des cultures qui valent moins que d'autres, et qu'elles doivent pour cela se soumettre aux cultures "supérieures". Mais au-delà du caractère scandaleux et brutal de telles affirmations, il semble au rédacteur de ces lignes qu'Aznar ne se trompe pas d'ennemi. Quand nous défendons, en Europe, l'idée qu'un autre monde est possible (ou que d'autres mondes sont possibles), nous invitons nos concitoyens à imaginer, à rêver à quelque chose qui n'a encore jamais existé ou presque. D'où le scepticisme si fréquent : "ça ne marchera jamais !". Quand les Indiens affirment qu'un autre monde est possible, ils ne demandent pas d'imaginer, ils démontrent : non seulement il est possible, mais il existe, regardez-le, c'est le nôtre. Les Indiens sont aujourd'hui, sur le plan mondial, les seuls à pouvoir fournir à l'échelle de masse un contre-modèle au capitalisme : celui d'un monde fondé sur la solidarité, la coopération, la démocratie directe, le respect de l'environnement, l'usage raisonné et raisonnable des ressources naturelles… Cela n'est pas vrai seulement au Chiapas et à Oaxaca, on le voit aussi à plus petite échelle dans bien d'autres Etats du Mexique (cas d'Atenco, par exemple), et également à plus grande échelle en Bolivie et en Equateur. Des processus allant dans le même sens ont commencé ailleurs, même si on en parle peu : Pérou, Colombie, Guatemala, sud du Chili, Nicaragua… Aznar a donc raison quand il voit dans "l'indigénisme" le pire ennemi du capitalisme. Son existence même est sans aucun doute ce qui se fait aujourd'hui de plus subversif. D'autant que les mouvements indiens comprennent de plus en plus que ce monde qui est le leur ne peut exister à côté du monde capitaliste, car celui-ci prétend à la domination globale et veut donc étouffer tous les autres. En même temps, Aznar menace clairement : en mettant dans le même sac altermondialisme, indigénisme et terrorisme, il annonce que c'est fini de rire. Il ne s'agit plus de "démocratie", mais "d'état de droit", nuance ! Or, dans le droit actuel, il est une valeur qui écrase toutes les autres : la propriété. C'est justement celle que les Indiens rejettent en premier. Tous ceux qui mettent en péril l'état de droit doivent s'attendre aux foudres divines de l'Etat tout court, cette "bande d'hommes armés au service du capital", comme disait l'autre… |
| | Posté le 25-06-2007 à 20:46:24
| OAXACA, UN AN PLUS TARD LE MIROIR DU MEXIQUE "La guerre, c'est la paix, la liberté, c'est l'esclavage, l'ignorance, c'est la force." George Orwell ("1984" ) "La paix règne à Oaxaca et on et respire un climat de tranquillité." Ulises Ruiz, le 10 mai 2007. Un an après le conflit des enseignants qui a éclaté dans l'Oaxaca, cet État est le miroir du Mexique. La droitisation que connaît le pays avance à pas de géant, mais la rébellion aussi, qui cherche, et parfois trouve, de nouveaux chemins. La pauvreté dans laquelle vivent environ 67 % des Oaxaquègnes (2 349 570 habitants, sur un total de 3 506 821, selon les données officielles) et l'inégalité sociale "sont deux éléments qui les empêchent de participer activement à la société", affirme la Banque mondiale (1). Creuset de cultures indigènes et métisses, les dernières années ont vu Oaxaca, la capitale de l'État du même nom, se transformer en une immense vitrine pour touristes qui rapporte beaucoup d'argent aux investisseurs locaux, mexicains et étrangers, mais très peu au commun des habitants. Avec l'arrivée d'Ulises Ruiz Ortiz (URO) au poste de gouverneur, fin 2004, cette situation a encore empiré, inaugurant un nouveau cycle autoritaire caractérisé par l'emploi arbitraire des deniers publics, l'augmentation du narcotrafic, la destruction du patrimoine historique et naturel, la persécution des moyens de communication indépendants et la répression sous toutes ses formes. Brute maladroite et sans pitié, le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz doit son poste non pas au verdict des urnes mais à la fraude électorale, comme le président Felipe Calderón. LES GUERRES D'URO Loin d'être un reliquat du passé, le despotisme qui règne dans l'Oaxaca résume et à la fois révèle les contradictions aiguës du Mexique d'aujourd'hui. Certains vont jusqu'à évoquer à ce sujet un processus larvé de fascisation (2). Sans entrer dans un tel débat, le fait est que la droite archaïque et oligarchique actuellement au pouvoir a entrepris une modernisation agressive et discriminatoire, qui va de pair avec l'émergence d'une vague de subversion sociale inédite qui la met en péril. Cette droite ne recule devant rien. Elle ne prétend à aucune légitimité et n'a que faire de la concertation, elle cherche uniquement à s'enrichir et à perpétuer sa propre existence. Dans l'Oaxaca et ailleurs, son programme reste inchangé : démanteler les derniers vestiges de l'État du contrat social, soumettre le pays aux nécessités du capital multinational et en finir avec tout ce qui ressemble de près ou de loin à la gauche. Les nuances politiques et les guerres intestines – car il y en a – importent donc peu puisque, dès que le besoin s'en fait sentir, de telles disputes n'empêchent pas cette droite de rallier non seulement le PAN, mais une bonne part du PRI et même de ladite gauche institutionnelle. Le maintien d'URO dans ses fonctions et l'appui qu'il a reçu de la part de deux exécutifs fédéraux consécutifs (celui de Vicente Fox et celui de Felipe Calderón) ne tranchent en rien sur le panorama mexicain actuel : les premiers mois de la nouvelle administration du PAN se caractérisent en effet par la militarisation des principales régions indigènes du pays, par les nombreux assassinats perpétrés par l'armée et par la demande effectuée par le gouvernement mexicain auprès de son homologue nord-américain de lancer au Mexique un "Plan Colombie", sous le prétexte de lutter contre le narcotrafic (3). Quant à l'arbitraire dont fait preuve le gouverneur de l'Oaxaca, un avant-goût en avait été donné dès le lancement de sa campagne électorale. Le 27 juillet 2004, en effet, lors d'un meeting de propagande tenu à Huautla de Jiménez, ses sbires ont battu à mort Serafín García, un enseignant, dont le seul délit était de s'opposer à sa candidature. Comme beaucoup d'autres, ce crime est resté impuni (4). Le jour des élections, le 1er août, par trois fois le dépouillement du scrutin s'écroula comme un château de cartes, dans le chaos le plus complet, aussi "Todos Somos Oaxaca" ("Nous sommes tous Oaxaca"), une coalition dirigée par Gabino Cué, demanda-t-elle officiellement l'annulation de la "victoire" d'URO – surnommé le "mapache mayor" (5) ("le Grand Mapache"). En pure perte : les jeux étaient faits et tout semble indiquer que le poste de gouverneur constituait le paiement de la dette contractée avec la guerre sale qu'URO avait supervisée quelques années auparavant au Tabasco contre Andrés Manuel López Obrador, ennemi juré de Roberto Madrazo, l'aspirant du PRI à la candidature à l'élection présidentielle. Quoi qu'il en soit, la première action du nouveau gouverneur fut de déclencher une autre guerre, cette fois contre un journal local indépendant, "Noticias de Oaxaca", jugé coupable du crime de dissidence. Le 17 juin 2005, des nervis menés par David Aguilar, député affilié au PRI et "dirigeant syndical", faisaient irruption dans les locaux de ce quotidien. Devant le refus de la rédaction de se joindre à une prétendue "grève", les assaillants ont retenu sur place pendant plus d'un mois les 31 journalistes qui s'y trouvaient (6). Malgré tout, "Noticias de Oaxaca" continua de paraître car les otages sont parvenus à envoyer des informations par Internet et le journal put être imprimé à Tuxtepec, à plus de 200 kilomètres d'Oaxaca. Quand la police de Ruiz Ortiz voulut intercepter les camionnettes qui transportaient les imprimés, le propriétaire du journal, Ericel Gómez, loua un petit avion pour que les vendeurs de rue puissent aller le chercher directement à l'aéroport, avec l'aide du syndicat des enseignants. La bataille ne s'acheva pas là, le tirage fut considérablement réduit mais "Noticias de Oaxaca" réussit finalement à survivre à la persécution des autorités. Du coup, le journal s'est visiblement radicalisé et il est devenu le quotidien le plus vendu de l'État de l'Oaxaca. URO essuyait ainsi sa première défaite. Un autre signe avant-coureur est l'attaque qu'a subie Santiago Xanica, une communauté indigène zapotèque en pleine Sierra Sur, en lutte depuis des années pour faire respecter ses droits collectifs. En décembre 2004, quelques jours seulement après la prise de fonctions d'URO, l'armée a commencé à patrouiller dans la localité et, le 15 janvier 2005, la police préventive de l'Oaxaca tira sur environ 80 indigènes qu'elle prit dans un feu croisé alors qu'ils effectuaient des travaux communautaires aux abords du cimetière. Abraham Ramírez Vázquez, dirigeant du Comité pour la défense des droits indigènes (Codedi), fut grièvement blessé lors de cette embuscade. Partant du principe que, au temps des assassins, ce sont les victimes qui sont coupables, ce combattant social fut arrêté sans autre forme de procès et croupit toujours à l'heure actuelle dans les geôles de la prison de Pochutla (7). Peu après, URO s'est embarqué dans un réaménagement au coût exorbitant et néfaste, écologiquement parlant, du zócalo d'Oaxaca, la grand-place, travaux qui lui ont valu l'antipathie de la classe moyenne locale mais lui a permis d'engraisser substantiellement le compte en banque de ses proches. Dès la fin mai 2006, on comptait déjà près de soixante-dix prisonniers politiques dans l'Oaxaca. N'étant pas satisfait, le gouverneur fit tirer sur la section 22 du Syndicat national des travailleurs de l'enseignement (SNTE), qui rassemble environ 70 000 membres et s'appuie sur une longue tradition de luttes indépendantes. Depuis des années, à l'approche du Jour des instituteurs (le 15 mai), les enseignants installent un "plantón", un piquet de grève-rassemblement, dans le centre-ville d'Oaxaca, pour émettre leurs revendications. Les habitants s'en plaignent et ronchonnent mais leur refusent rarement leur sympathie. Catalyseurs de la conscience sociale, pleinement dévoués à leur travail et fins connaisseurs des réalités locales, ils jouissent d'un grand respect dans cet État du Mexique. Cette année-là, ils exigeaient le réajustement de leur maigre salaire pour toucher ce qui est en vigueur dans le reste du pays, une revendication qui débordait donc le cadre de l'Oaxaca pour impliquer aussi les autorités fédérales. Cependant, au printemps 2006, toute négociation devint subitement impossible : URO menaça ouvertement les enseignants et essaya de monter l'une des fractions du mouvement contre l'autre, tandis que le gouvernement fédéral du PAN ne voulut rien savoir de cette affaire, pensant en profiter pour porter un coup sérieux au PRI. Le "plantón" a commencé le 22 mai, sans provoquer de réponse particulière de la population. Encouragé par ce peu d'écho, le 14 juin, URO ordonna l'expulsion, comptant sur un effet surprise. À 4 h 50 du matin, appuyés par des hélicoptères lançant des grenades au gaz toxique, des agents de différents corps de police attaquèrent les manifestants, tirant sur les gens désarmés. Non contents de la panique causée parmi la population, les policiers ont cassé tout ce qui leur tombait sous la main, y compris le siège de Radio Plantón, la station de radio des enseignants. L'attaque s'est soldée par 200 blessés, sans compter un nombre indéterminé de disparus. URO manifestait ainsi le talent qui est le sien pour répondre à l'insatisfaction sociale, comme l'avait fait Enrique Peña Nieto, gouverneur – du PRI, lui aussi – de l'État de Mexico, à Atenco, quelques semaines auparavant, avec la collaboration enthousiaste de l'exécutif fédéral du PAN (8). À la veille de l'élection présidentielle, le gouverneur de l'Oaxaca transmettait donc le message émis par son chef, Roberto Madrazo : le PRI est le parti de l'ordre. Dès cet instant, les élections étaient entachées de sang. L'INCENDIE Ce qui est arrivé ensuite montre à nouveau clairement que, quand les puissants se montrent trop avides, ils finissent par aller à l'encontre de leurs intérêts (9). La population, qui était restée passive jusque-là – si ce n'est ouvertement hostile –, changea totalement d'attitude et se précipita dans la rue pour se solidariser avec les enseignants. Ces derniers, regroupés pour affronter les forces de l'ordre avec des pierres et des bâtons, étaient maintenant aidés par des universitaires, par des organisations sociales et par des habitants. En quelques heures, la foule enflammée reprit le zócalo et réinstalla le "plantón", au grand dépit d'Ulises Ruiz. Immédiatement, les instituteurs désavouèrent le gouverneur et exigent depuis lors sa démission, condition préalable et non négociable à une résolution de ce conflit salarial. Le 16 juin, une gigantesque marche rassemblant près de 300 000 personnes démontra le poids social des enseignants. La population – étudiants, mères et pères de famille, travailleurs, fonctionnaires, et même commerçants – accueillait le cortège avec des applaudissements et quand quelqu'un a levé une banderole qui disait "À bas Ulises !", tout le monde a applaudi. Au même moment, une manifestation de l'Union des communautés indigènes de la zone nord de l'Isthme (Ucizoni) avait lieu à Matías Romero, bloquant pendant plusieurs heures la route transisthmique. Ces deux événements annonçaient ce qui allait bientôt avoir lieu : les "mégamarches" à Oaxaca, la capitale, et la ramification du mouvement dans l'ensemble de l'État. Le mouvement allait prendre un tour décisif avec la formation, le 18 juin, de l'Asamblea Popular del Pueblo de Oaxaca (APPO : Assemblée populaire du peuple de l'Oaxaca), qui rassembla, outre les instituteurs, quelque 350 organisations de toute sorte : syndicats, collectifs libertaires, vieux groupements de la gauche marxiste-léniniste, organisations citoyennes, indigènes, travailleurs, artistes, étudiants et individus sans affiliation à un parti. L'APPO naissait donc sur l'initiative des instituteurs, dans l'idée de canaliser le soutien social vers leur mouvement de revendication, mais elle allait bien vite dépasser ce simple cadre. Le 20 juin, ses membres s'accordèrent sur la création d'une direction collégiale provisoire formée de trente personnes, dans le but de faire front commun "pour entamer une lutte prolongée jusqu'à obtenir la dissolution des pouvoirs, la destitution d'Ulises Ruiz Ortiz et l'instauration d'un pouvoir populaire" (10). Bien que le terme de "pouvoir populaire" puisse faire grincer des dents, étant donné les expériences passées qu'il pourrait évoquer, il exprime la volonté de transformer les conditions de vie en établissant les bases d'une nouvelle relation entre société et gouvernement. Rapidement, des commissions internes telles qu'une commission de presse, une commission des barricades et une commission de propagande ont été créées. "Nous avons commencé à constituer un réseau d'organisations et pour toute action envisagée la base devait être consultée, la base des instituteurs et celles de l'APPO elle-même (11)." À ce stade, les revendications salariales et corporatives étaient désormais reléguées au second plan face à l'exigence du départ d'Ulises Ruiz, revendication qui posait à son tour une exigence de démocratisation. Pour Gustavo Esteva, trois courants démocratiques distincts (12) ont convergé au sein de l'APPO. Le premier lutte pour une démocratie formelle : comment améliorer les conditions de représentation ; comment en finir avec les pièges et les fraudes du système électoral, éviter la manipulation des médias et garantir un fonctionnement des institutions digne d'un État de droit. Ces revendications sont très fortes dans l'Oaxaca et nettement présentes au sein de l'APPO. Un deuxième courant envisage une démocratie participative : soit le renforcement de l'initiative populaire, l'instauration de formes juridiques telles que le référendum et le plébiscite, la possibilité de révoquer tout mandat et l'accès à ce qui est appelé "budget participatif", autrement dit le fait que les travaux et services publics s'effectuent en consultant systématiquement les habitants et non pas de façon arbitraire. Le troisième, que l'on pourrait dénommer démocratie radicale, dit : nous n'avons nul besoin d'aucun pouvoir politique installé là-haut ; nous pouvons éventuellement avoir besoin de coordination à des fins administratives, mais rien de plus. Ce courant-là lutte pour une société dans laquelle la loi émane de l'autonomie individuelle et collective de tous les êtres humains. Il s'agit là d'un courant transversal qui s'inspire au Mexique des pratiques des peuples indigènes, mais aussi des luttes urbaines et de l'anarchisme. Pour reprendre les paroles de David Venegas "El Alebrije" [figure chimérique multicolore, de bois ou de papier mâché peint dans l'artisanat populaire oaxaquègne], membre du conseil de l'APPO, incarcéré depuis le 13 avril 2007 à la prison d'Ixcotel, "[…] il est possible de vivre et de coexister dans un ordre social émanant de la volonté collective, et non pas imposé par un gouvernement étranger aux intérêts et aux besoins de nos peuples, un ordre social au sein duquel les valeurs dominantes […] sont la fraternité, la solidarité, la coopération et la défense communautaire et non plus un ordre social reposant sur la peur du châtiment, de l'autorité, du qu'en-dira-t-on ou de la prison (13)". David Venegas se réfère ainsi à la volonté d'auto-organisation et d'autogouvernement des masses qui ont rejoint le mouvement et au désir de créer un monde nouveau à partir des entrailles du vieux monde. Outre que de telles aspirations expliquent le débordement des syndicats et des organisations marxistes-léninistes qui a eu lieu, elles continuent également de constituer la meilleure garantie pour que le danger de fascisation se heurte à une barrière infranchissable. Loin d'être extrémiste, la "démocratie radicale" est une position réaliste, en ce sens qu'elle s'appuie sur les faits. Elle n'est pas non plus "partisane", attendu qu'elle ne s'identifie à aucune organisation en particulier. Elle n'en est pas moins consciente de ne pas être une position dominante dans l'ensemble du pays. Au Mexique, il existe une caricature de démocratie formelle et un soupçon de démocratie participative, tandis que la démocratie radicale s'exprime notamment au sein des communautés indigènes, chez les zapatistes et, en tant qu'aspiration, dans certaines luttes urbaines. "Donc, conclut Esteva, en ce qui nous concerne, nous coexistons avec les deux premiers courants, parce que nous vivons au Mexique. Nous ne prétendons pas nous séparer du Mexique. C'est là que nous sommes et nous allons accepter certains aspects de la démocratie formelle, mais nous allons tenter de faire les choses à notre façon." LA FÊTE Fin juin 2006, au sein de l'APPO, c'est non seulement une multiplicité d'organisations qui allaient converger, mais aussi des manières différentes de concevoir les choses, une pluralité d'individus et de sensibilités qui renvoient d'une certaine façon à la vieille tradition libertaire du magonisme, encore bien vivante dans l'Oaxaca. À mesure que l'indignation augmentait, le mouvement gagnait en force, en créativité et en richesse. À l'élection présidentielle du 2 juillet, l'APPO prôna un vote de désaveu contre Ulises Ruiz. Même si beaucoup de membres se sont prononcés clairement en faveur de l'abstention – et malgré les habituelles manipulations et subterfuges –, le résultat a été sans appel : Andrés Manuel López Obrador remporta le scrutin avec une très large majorité et le PRI fut relégué en troisième position, du jamais vu dans cet État. La suite des événements forme une histoire très controversée qui reste à raconter dans le détail, nous n'en retiendrons ici que quelques temps forts. Dès le début, l'APPO s'inspira des pratiques démocratiques des Zapotèques, des Mixtèques, des Mixes, des Amuzgos et autres peuples aborigènes. D'où le changement opéré dans son nom – quelque peu anachronique –, qui passa d'"Assemblée populaire du peuple" (au singulier) à celui d'"Assemblée populaire des peuples" (au pluriel), ce qui vise plus d'un objectif. En effet, l'idée d'"assemblée" se référant aux pratiques autogestionnaires qui continuent d'exister dans 80 pour cent des 570 communes de l'Oaxaca, il fallait donc aussi relever le fait que ces assemblées possèdent des expressions nombreuses et variées. Oaxaca, la capitale de l'État, est elle-même, entre autres, une métropole indigène, dont plusieurs des colonias, les quartiers, sont essentiellement habitées par des migrants qui vont et viennent entre leurs villages d'origine et la ville. Un grand nombre d'entre eux ont rejoint les protestations ; certains étaient instituteurs, mais la plupart étaient des artisans et des vendeurs ambulants (14). Apprenant ce qui se passait, les communautés indigènes rejoignirent également le mouvement, auquel elles ont apporté leur immense expérience et la liste de leurs innombrables griefs : misère, oppression, marginalisation, caciquisme, spoliation, oubli… Dans le même temps, des jeunes de la ville dont l'identité collective se construit dans les quartiers, dans leur musique, dans l'habillement et dans l'art ont accouru eux aussi. "[…] des groupes exclus et marginalisés, et pas seulement par le gouvernement, tels que les prostitué(e)s, les homosexuels, les lesbiennes et autres amours, qui sont venus participer, quoique de manière réduite", parvenant ainsi à ce que "leurs propres griefs s'ajoutent au cri collectif de justice et de liberté pour tous et toutes" (15). De juin à octobre 2006, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue au cours d'une douzaine de "mégamarches" de proportions absolument inouïes. Ensemble, elles ont forgé une lutte plurielle au sein de laquelle plusieurs secteurs de la société ont appris à coexister, sans renoncer pour autant à leurs différences et à leurs particularités. Ensemble, elles ont relégué Ulises Ruiz à la clandestinité, éclipsant dans les faits tous les pouvoirs institués. Ensemble, elles se sont emparées des administrations, elles ont créé des organes de gouvernement autonome et fait administrer la justice par "l'Honorable Corps des Topiles", milice populaire qui s'inspire de la tradition indigène (16). Ce ne fut pas un mouvement de classe au sens traditionnel, la classe ouvrière étant quasi inexistante dans l'Oaxaca (17). À la rigueur, un mouvement de mouvements. Des gens brandissant des drapeaux avec une faucille et un marteau marchaient à côté des couleurs de la Vierge de Guadalupe et du fanion du A cerclé de l'anarchie, mais un plus grand nombre s'identifiaient par leur appartenance territoriale : quartier, colonia ou communauté. Ce ne fut pas non plus uniquement un mouvement local : "Ce que nous entreprenons aujourd'hui existe aussi grâce à ce qui s'est fait en Équateur, au Brésil et en Argentine. Nous avons suivi avec intérêt tout ce qui a eu lieu en Amérique latine, mais aussi aux Etats-Unis, avec nos compañeros émigrés (18)." Bien que les médias n'aient pas tardé à dénicher quelqu'un à qui faire porter le chapeau, comme Flavio Sosa, par exemple, l'APPO n'a pas non plus été un mouvement de leaders. Lors d'une interview que j'ai réalisée quelques jours avant qu'il ne soit arrêté, Flavio Sosa lui-même démentait le rôle qu'on lui attribuait : "Quand on a commencé à entendre cette histoire, quelqu'un a aussitôt fait une affiche qui disait "ce mouvement n'est pas un mouvement avec des dirigeants, c'est un mouvement des bases", et l'a signé comme groupe. Tout de suite après, des petits malins ont ajouté au-dessous, à la main : "ce n'est pas un mouvement de dirigeants ; et pas non plus de groupes" (19)." Ce fut encore moins un mouvement qui cherchait à s'emparer du pouvoir, en dépit des délires staliniens de certains des participants. C'est ce qu'indique clairement, par exemple, un bombage que l'on pouvait lire vers la fin octobre 2006 près de la rue Tinoco y Palacios, dans le centre historique d'Oaxaca : "Ils veulent nous obliger à gouverner, nous n'allons pas tomber dans cette provocation." Qu'est-ce que cela signifie ? Gustavo Esteva répond pour nous : "Ça veut dire que ça ne nous intéresse pas de s'emparer de ce gouvernement ; ça veut dire que ce gouvernement est une structure de domination qui sert à contrôler les gens et que nous ne voulons pas avoir une telle fonction (20)." Confrontés aux atrocités commises par URO, les gens ont entamé un processus innovateur d'auto-organisation et, pendant de longs mois, Oaxaca a connu cette expérience singulière d'une vie sans gouvernement et sans bureaucratie, ouverte au dialogue et à l'innovation. La sagesse collective a su s'imposer pacifiquement aux "convois de la mort", aux disparitions forcées et aux exactions amplement dénoncées, preuves à l'appui, par des organismes de protection des droits humains fondamentaux mexicains et étrangers. Comme cela se passe dans une authentique révolution sociale, beaucoup de gens ont découvert dans le cours de l'action des capacités qu'ils ignoraient posséder. La participation des femmes fut très intense. Certaines d'entre elles, qui avaient pourtant voté pour le PRI, ont acquis une nouvelle conscience en participant au mouvement. L'une de ces femmes, très âgée, agissant complètement seule et armée de sa seule dignité rebelle, s'empara d'un autobus pour le mettre au service de la cause. Et c'est un collectif de femmes qui a fait fonctionner la télévision vingt jours durant, démontrant si besoin était que la communication alternative est possible. On ne peut négliger d'analyser le rôle des médias occupés et détournés car ils ont constitué le fer de lance de cette mobilisation. L'occupation de douze stations de radio commerciales et celle de Canal 9, la chaîne de télé locale, n'étaient au départ que de simples mesures défensives qui suivaient la destruction de Radio Plantón et les dégâts causés à Radio Universidad, les seules voix indépendantes de la ville. Mais il est évident que le mouvement ne se serait pas développé aussi rapidement sans la radio, ce qui constitue une importante leçon à retenir, à dans l'Oaxaca comme ailleurs. Il y a eu beaucoup de speakerines à la radio. L'une des plus connues, la doctora Berta – aujourd'hui célèbre dans le monde entier –, médecin et âgée de cinquante-huit ans, assurait les émissions de Radio Universidad jour et nuit, buvant tasse sur tasse de café et fumant ses cigarettes Delicados. Elle n'en sortait que pour aller s'occuper des victimes de la répression. J'ai pu la voir personnellement, qui distribuait de l'eau aux manifestants à bord d'une ambulance de la Croix-Rouge. Nous avons tous appris à reconnaître sa voix un peu rauque qui communiquait avec calme et sérénité les besoins urgents des manifestants tandis que pleuvaient sur eux les balles et les gaz. Le 3 novembre, au lendemain de la bataille de la cité universitaire qui vit la défaite humiliante de la PFP, elle m'avait confié : "À Radio Universidad, comme avant à celle de La Ley, à Radio Plantón ou à Canal 9, la communication est comme il faut qu'elle soit: dans les deux sens, le téléphone ouvert à tous et des connexions via Internet pour l'étranger. Si un bonhomme arrive et me dit qu'il veut envoyer un message, eh bien, faites donc, entrez et envoyez votre message. Les gens viennent ici et disent les choses avec leurs propres mots, avec leur propre pensée, mais de toute façon les gens sont très objectifs. Ils ne parlent peut-être pas bien l'espagnol, mais ils savent ce qu'ils veulent. Personne ne pourra plus stopper un truc pareil (21)." Il a beaucoup été question des barricades, dans lesquelles on a voulu voir une preuve de la "violence" exercée par l'APPO. En réalité, les barricades ont été une mesure défensive, pour contenir ce que l'on a appelé les "convois de la mort" qui assassinaient des gens. C'était des convois de camionnettes de la police judiciaire de l'Oaxaca auxquelles on avait ôté les plaques d'immatriculation et qui circulaient de nuit, en ouvrant systématiquement le feu contre les passants. Le 21 août, après l'assassinat de Lorenzo Sanpablo, un architecte, des hommes, des femmes, des enfants et des vieux ont commencé à dresser des barricades, en cercles concentriques, dans toute la ville mais en particulier dans les quartiers périphériques, les plus exposés à la violence des tueurs. De nuit, les barricades étaient montées et, de jour, elles étaient retirées. Il y a eu au moins 1 500 barricades, mais il faut bien avouer que personne ne les a comptées et que nous ne connaîtrons jamais leur nombre exact. Les gens qui les gardaient n'appartenaient pas toujours à l'APPO, c'étaient parfois des citoyens comme les autres et des ménagères qui manifestaient de la sorte leur sympathie avec le mouvement. Chaque matin, ils partaient travailler, mais ils passaient des nuits entières sans dormir à protéger une barricade – et, au passage, à vivre une véritable fête collective (22). À mon sens, c'est uniquement ce côté festif qui justifie la comparaison qui a été faite avec la Commune de Paris, révolte qui fut elle-même définie comme "la plus grande fête du XIXe siècle". Cela dit, au bout du compte la Commune d'Oaxaca a connu le même isolement que son illustre prédécesseur : il n'y a pas eu au Mexique – pas plus qu'à l'étranger – de grandes mobilisations en soutien à l'APPO. Ajoutons que les habitants d'Oaxaca ne parlent pas de "commune" mais de "communalité" (comunalidad), terme qui renvoie aux pratiques indigènes locales (23). Ce qui est sûr, c'est que les jeunes des barricades qui ont livré les combats de rue n'étaient ni des "professionnels" ni des militants au sens traditionnel du terme. C'était le peuple, purement et simplement – et même des enfants des rues, comme celui que l'on peut voir dans une vidéo filmée par le collectif Mal de Ojo (24) –, des gens qui ne savaient rien de la guérilla urbaine et qui se sont formés à la faveur des événements. ET MAINTENANT ? Le grand mouvement social qui a ébranlé la société oaxaquègne est un des événements les plus importants de l'histoire récente du Mexique, uniquement comparable avec l'insurrection zapatiste de 1994. La réponse populaire aux abus d'Ulises Ruiz fut aussi inattendue que massive, imaginative et prometteuse. À l'écologie de la peur, les Oaxaquègnes ont répondu par l'écologie de la fête, qui est profondément enracinée dans la tradition locale. Contre les délires du pouvoir, les habitants ont réaffirmé leur droit au tyrannicide non violent, incarné par le slogan "Ya cayó, Ulises ya cayó" ("Ça y est ! Il est tombé, Ulises est tombé !"). L'APPO est le résultat d'une longue accumulation progressive d'expériences historiques – faite d'erreurs et de réussites – qui convergent dans l'objectif commun de démocratiser les structures du pouvoir. Même si on a pu voir que le sens de cette démocratisation est encore en discussion, il n'en reste pas moins que c'est l'axe autour duquel s'est aggloméré un mouvement multiforme qui ne peut être saisi en partant des analyses marxistes traditionnelles ou sociologiques. "Car ce qui est en train de s'ébaucher [à Oaxaca] se situe dans la lignée de la Commune de Paris et des collectivités andalouses, catalanes et aragonaises de 1936-1938, où l'expérience autogestionnaire jeta les bases d'une nouvelle société", écrivait Raoul Vaneigem dans un appel à la solidarité internationale avec le mouvement, publié au Mexique par le journal "La Jornada" (25). Vaneigem a raison, en ce sens que ce qui s'est passé à Oaxaca en 2006 est riche d'espoir pour tous ceux qui sont en quête d'alternatives à la barbarie dominante, au Mexique comme ailleurs. Cependant, il est tout aussi vrai que la répression a anéanti ces mêmes espoirs. Je n'évoquerai pas ici le calvaire vécu par le peuple de l'Oaxaca à partir du 27 octobre 2006, date de l'assassinat du journaliste Brad Will à Santa Lucía del Camino et du massacre d'un nombre indéterminé de personnes à Santa María Coyotepec. La meilleure source d'informations à ce sujet reste encore le rapport de la CCIODH que nous avons cité et dont les membres déclarent dans leur conclusion : "La Commission considère que les faits survenus dans l'Oaxaca constituent le maillon d'une stratégie juridique, policière et militaire comportant des éléments psychosociaux et communautaires qui visent en dernière instance à obtenir le contrôle des populations civiles et à les soumettre à la terreur dans des zones où l'on assiste au développement d'une organisation des citoyens ou de mouvements d'un caractère social hors des partis (26)." J'ai participé à cette commission et je peux témoigner de ce que cette conclusion est non seulement modérée, mais qu'elle reste en dessous de la réalité. Bien que nous ayons pu vérifier qu'il y avait eu au moins 23 victimes mortelles jusqu'à la dernière quinzaine du mois de janvier 2007 (toutes du côté du mouvement), nous n'avons pas pu nous informer avec exactitude du grand nombre de disparitions survenues depuis le début du conflit. Pourquoi ? Parce que la terreur est telle que les gens n'ont pas osé dénoncer la disparition de leurs proches, pas même devant un organe aussi digne de confiance que la CCIODH. Les abus commis par les forces publiques de l'ordre n'ont été ni des "excès" ni des "erreurs", mais une expérience d'ingénierie sociale froidement calculée dans laquelle les pouvoirs fédéraux ont agi en coordination totale avec les pouvoirs locaux. Quels objectifs poursuivaient-ils ? Peut-être bien mesurer la dose de répression qu'un peuple est capable de supporter sans que la situation ne leur échappe. Armando Bartra le dit fort bien : "[…] se préparer à affronter des masses furieuses, c'est supposer qu'elles vont apparaître (27)." À Oaxaca, les masses ont fait leur apparition, et, comme en Amérique centrale dans les années 1980, le but de l'opération a été d'"ôter l'eau au poisson" (comme le prônent les manuels de contre-insurrection), de semer la terreur et de montrer au citoyen quelconque ce qui peut lui arriver s'il sort du rang. La condamnation inouïe à une peine de soixante-sept ans de prison qui a été récemment prononcée contre Ignacio del Valle, Felipe Álvarez et Héctor Galindo – dirigeants du Front des communes pour la défense de la terre (FPDT) d'Atenco –, coupables au même titre que leurs frères de l'Oaxaca de l'effroyable crime de dissidence, projette une ombre sinistre sur le Mexique de Calderón (28). Quel bilan peut-on tirer de sept mois de contre-insurrection ? La terreur continue, quoi qu'en disent les lénifiantes déclarations officielles. Les prisonniers sont libérés de manière purement arbitraire et au compte-gouttes, poursuivant la même stratégie contre-insurrectionnelle qui les avait fait arrêter (29). Une retraite progressive des masses a eu lieu et, tandis que les voix qui participaient de la pluralité se taisaient, les groupes de la vieille gauche ont gagné du terrain, terrain qu'ils ne possédaient pas auparavant. Ou, plutôt, terrain que leurs membres possédaient, mais en tant que participants légitimes du mouvement et non en tant que dirigeants de tel ou tel groupe. Parmi eux, certains travaillent d'arrache-pied pour transformer l'APPO en une organisation politique centralisée de type stalinienne. On l'a vu par exemple lors du Congrès constitutif de l'APPO (du 10 au 12 novembre 2006) ou au cours de l'"Assemblée populaire des peuples du Mexique" – tentative en grande partie échouée d'"exporter" le modèle de l'APPO –, quand un membre éminent et connu du Front populaire révolutionnaire (FPR) affirma sans aucune réserve que "le mouvement d'Oaxaca est un mouvement de dirigeants (30)". Aux traditionnelles querelles qui opposent les vieilles organisations accumulant trente ans de défaites successives est venue s'ajouter à partir de février de 2007 la division sur la question des élections, à savoir : participer ou non aux élections locales ayant lieu fin juin. Un "bloc électoral" s'est formé à l'intérieur de l'APPO, (FPR, FALP, NIOax, etc.), qui a aussitôt engagé une bataille à mort contre le bloc en faveur de l'abstention (VOCAL, CODEP, CIPO, POS, etc.). Le bloc électoral s'est à son tour fracturé, en raison de conflits internes portant sur qui allait empocher telle ou telle candidature et sur les listes de quel parti. Au bout du compte, personne n'a récolté grand-chose car le PRD, avec son habituelle générosité, ne leur a cédé qu'une seule candidature. Par contre, les dégâts qui en résultent ont une portée incalculable. L'une de ces conséquences est très probablement l'arrestation de David Venegas – membre du conseil de l'APPO, élu par le secteur des barricades –, membre de VOCAL, libertaire et prônant l'abstention. David Venegas a été arrêté par la police le 13 avril, alors qu'il se rendait à une réunion de l'APPO, sous l'accusation fantaisiste de possession de 30 grammes de cocaïne et de deux sacs contenant de l'héroïne. Quelques semaines plus tard, il lançait de la prison de graves accusations contre plusieurs dirigeants connus du bloc électoral, à qui il attribue la responsabilité de son emprisonnement. Sans vouloir entrer dans le vif de la question, il se trouve que David Venegas a été arrêté sous le même chef d'accusation que celui que ces dirigeants avaient fait circuler contre lui, avant son arrestation (31). Qui plus est, au mois de mars, dans le cadre de sa contre-offensive, la police avait "semé" des explosifs à proximité de ce qui avait été la barricade de Brenamiel, où El Alebrije s'était illustré, l'existence de tels explosifs ayant immédiatement été démentie par David dans une conférence de presse (32). Les choses étant ce qu'elles sont, il serait vain de vouloir chercher les organisations pures et de vouloir séparer les "bonnes" des "mauvaises" ou les "révolutionnaires" des "réformistes". De telles distinctions ne tiennent pas aux organisations elles-mêmes, elles les traversent en tout sens. Même chez les staliniens du FPR on trouve des compañeras et des compañeros de valeur. Redonner de l'élan au mouvement n'est pas plus une affaire ethnique. Il ne fait aucun doute que la contribution des indigènes est fondamentale, mais eux non plus ne sont pas immunisés contre la corruption ou contre la funeste séduction de la politique professionnelle, comme plusieurs d'entre eux me l'ont dit personnellement. David Venegas suggère que "si le canal que l'APPO lui offre […] est par trop étroit et limité, ce peuple héroïque saura chercher et trouver le chemin de son émancipation (33)". Un diagnostic sévère, mais qui ne semble pas s'éloigner outre mesure de la réalité. Malgré tout, tout n'est pas perdu. À Oaxaca, une question court les rues : comment faire renaître le moment magique que l'on a vécu l'an dernier ? Il n'y a que les femmes et les hommes qui ont participé à ce mouvement qui pourront trouver la réponse. En attendant, le 14 juin, 100 000 personnes sont redescendues dans la rue pour exiger la démission d'Ulises Ruiz Ortiz, et le 18, les enseignants de la section 22 ont repris leur plantón. Non, Oaxaca n'est pas en paix. Mexico, District fédéral, le 20 juin 2007, CLAUDIO ALBERTANI Notes 1. Cité par Luís Arellano Mora dans "Oaxaca: la pobreza en cifras" ("Oaxaca, les chiffres de la pauvreté"): http://www.transicionoaxaca.com.mx/index.php?option=com_content&task=view&id=42&Itemid=75 2. Carlos Fazio, "¿Hacia un estado de excepción?" ("Vers un État d'exception?" ) La Jornada, le 4 décembre 2006. 3. La Jornada, le 9 juin 2007. On se reportera également au viol et meurtre d'Ernestina Ascensión, une femme âgée, dans la Sierra de Zongolica, au Veracruz (La Jornada, le 27 février), ainsi qu'au massacre d'une famille de cinq personnes dans le Sinaloa, coupables de "ne pas s'être arrêtés à un barrage de police" (La Jornada, le 3 juin 2007), qui constituent un véritable modus operandi. 4. Cf. Commission civile internationale d'observation pour le respect des droits humains (CCIODH), Rapport sur les événements de l'Oaxaca (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/quinta/informe_oaxaca_cas.shtml 5. Au Mexique, "mapaches" n'est pas seulement le nom donné aux ratons laveurs, il désigne aussi les vendus qui réalisent les fraudes électorales : manipulant les bulletins de vote déposés dans les urnes, ces spécialistes transforment une défaite en victoire ou annulent la victoire d'un parti, généralement un parti de l'opposition. 6. Interview d'Ismael Sanmartín Hernández, directeur de Noticias de Oaxaca, réalisée le 29 décembre 2006. 7. Cf. mexico.indymedia.org/tiki-download_file.php?fileId=62 ; la répression ne s'est pas arrêtée là car le 18 juin 2007, comme le dénonce l'Alliance magoniste zapatiste, à Xanica, les sbires d'URO ont enlevé Cesar Luís Diáz, membre du conseil de l'APPO et du Codedi. 8. San Salvador Atenco est une commune de la vallée de Mexico, qui s'opposa victorieusement en 2002 à la construction d'un aéroport sur les terres communales. En guise de représailles, elle subit en mai 2006 une véritable attaque en règle de l'armée mexicaine, qui fit deux morts et plusieurs dizaines de blessés et se solda par 150 arrestations, 28 personnes étant aujourd'hui encore emprisonnées. Cf. Commission civile internationale d'observation pour les droits humains, Rapport préliminaire sur les événements d'Atenco, 2006 : (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/cuarta/informe_preliminar.htm 9. Pour cette rapide reconstruction des faits, je me fonde sur les interviews que j'ai réalisées personnellement, sur le Rapport sur l'Oaxaca, op. cit., et sur le récit de Gustavo Esteva lors d'une "Session d'analyse du mouvement social dans l'Oaxaca. Dialogue entre des membres d'organismes civils et des institutions académiques d'Oaxaca et de la ville de Mexico", Université de la Terre, Oaxaca, le 18 mars 2007. 10. La Jornada, le 19 juin 2006. 11. Interview de Miguel Linares Rivera réalisée par Hernán Ouviña, ville de Mexico, le 29 octobre 2006 : http://www.espacioalternativo.org/node/1731 12. Interview de Gustavo Esteva, Université de la Terre, Oaxaca, le 3 novembre 2006. 13. David Venegas Reyes, "Alebrije", lettre écrite de la prison d'Ixcotel, le 23 avril 2007 : http://chiapas.indymedia.org/display.php3?article_id=144954 14. Interview de Nicéforo Urbieta, le 3 mai 2007. 15. David Venegas, lettre citée. 16. Dans les communautés indigènes, les topiles, sortes d'agents, sont élus en assemblée et, investis du bâton de commandement, exercent sans rémunération la justice. Ils ne sont pas armés. 17. Ce qui a entraîné la critique virulente d'un groupe anarchiste qui a vu dans l'APPO un mouvement de la petite bourgeoisie (!). Cf. "Oaxaca: APPO y el reformismo de siempre" ("Oaxaca : l'APPO, le réformisme de toujours" ) : http://argentina.indymedia.org/news/2006/11/463625.php 18. Miguel Linares Rivera, interview citée. 19. Interview de Flavio Sosa, le 4 novembre 2006. 20. G. Esteva, interview citée. 21. Interview de la docteur Berta Muñoz, Oaxaca, Cité universitaire, le 3 novembre 2006. 22. "Las barricadas fueron la manera en que el pueblo mantuvo al mouvement" ("C'est par les barricades que le peuple a maintenu en vie le mouvement"), interview de "Drak", pseudonyme d'un membre du Conseil de l'Oaxaca de l'APPO et de la barricade de Soriana : http://lavoladora.net/content/view/690/82/ 23. Pour en savoir plus sur le concept de comunalidad dans les communautés indigènes de l'Oaxaca, cf. Benjamin Maldonado, La comunalidad indígena ("La "communalité" indigène" ) : http://www.antorcha.net/biblioteca_virtual/politica/comunalidad/comunalidad.html 24. Ce collectif a effectué un excellent travail de compilation des événements d'Oaxaca. Cf. www.maldeojotv.net 25. Raoul Vaneigem, "Appel d'un partisan de l'autonomie individuelle et collective", publié en espagnol dans La Jornada, le 11 novembre 2006, et en français sur le site du CSPCL : http://ouvaton.org/article.php3?id_article=387 26. CCIODH, "Conclusions et recommandations préliminaires": (en espagnol) http://cciodh.pangea.org/quinta/070120_inf_conclusiones_recomendaciones_cas.shtml. 27. Armando Bartra, "El tamaño de los retos" ("La dimension des défis"), revue La Guillotina Nº 56, printemps 2007. 28. La Jornada, le 6 mai 2007. 29. Selon Noticias de Oaxaca du 9 juin 2007, il ne reste que 6 détenus et environ 20 mandats d'arrêt émis contre des membres de l'APPO, auxquels il faut ajouter un nombre indéterminé de prisonniers politiques à l'occasion d'autres conflits, en particulier dans la région des Loxichas et à Santiago Xanica. 30. 11 et 12 novembre 2006, locaux du Situam, Mexico DF. 31. David Venegas, lettre du 15 mai 2007 : http://www.vocal.lunasexta.org/davidvenegas/carta-de-david-15-de-mayo.html 32. La Jornada, le 14 avril 2007. 33. David Venegas, le 23 avril, lettre citée. |
| | Posté le 17-07-2007 à 15:59:57
| Nous avons reçu, à 10 heures ce matin, cette chronologie des événements d'hier, 16 juillet, dans la ville d'Oaxaca. Nous en remercions les auteurs. 8:00 De nombreuses personnes arrivent à la place centrale (zocalo) de la ville d'Oaxaca. 10:30 La manifestation commence. 11:35 Les premiers affrontements ont lieu, pierres et bâtons contre gaz lacrymogène et matraques. 11:45 Les forces anti-émeute bloquent la manifestation et isolent ses premières lignes, formées d'universitaires. Une partie de la manifestation a réussi à entrer dans l'amphithéâtre de la Guelaguetza officielle. Les affrontements continuent, les détenus sont brutalement frappés. 12:30 à 14:00 Les affrontements continuent. La police d'Oaxaca reçoit le renfort de la Police fédérale préventive (PFP). Du côté des manifestants, la résistance diminue. En effet, les dirigeants de la section XXII du Syndicat des enseignants ont commencé la Guelaguetza populaire au niveau de la place de la Danza et la majorité des gens s'y concentre. 13:15 On rapporte 40 manifestants blessés, 20 policiers blessés et plusieurs détenus. 5 camions ont été incendiés. L'arrière de la manifestation a été durement attaqué et a dû se replier. Dans le jardin d'El Llano des personnes sont détenues. La situation reste tendue. 20:15 La mort d'Emeterio Cruz est confirmée. Il était hospitalisé suite à l'impact d'une grenade lagrymogène. Les autorités ont voulu le transférer. C'est lors du transfert qu'il a perdu la vie. 21:45 La Radio Disturbio confirme le décès de Raymundo Torres des suites de blessures provoquées par une grenade lacrymogène. 22:43 Les listes officielles et celles des organisations civiles ne coïncident pas. L'APPO compte 62 détenus. 22:54 La direction de la section XXII du Syndicat des enseignants se désolidarise des manifestants. 22:55 La police occupe le zocalo de la ville d'Oaxaca. 22:57 Des barrages policiers sont installés à l'entrée de la ville d'Oaxaca et sur la route Tehuacán-Oaxaca. 23:10 3 hélicoptères de la PFP viennent d'arriver à l'aéroport d'Oaxaca. 23:10 La radio Oaxaca libre est privée de transmission. 23:10 Les taxis ne prennent plus personne. Liste provisoire de détenus : SILVIA GABRIELA HERNÁNDEZ SALINAS, LOURDES HERNÁNDEZ HERNÁNDEZ, EDITH GONZÁLEZ, JOSÉ LÓPEZ MARTÍNEZ, GABRIEL IVÀN VIRGEN, SAÙL MARTÌNEZ PÈREZ, SERGIO YAHIR MARTÌNEZ, JULIÁN CONSTANTINO MARTÌNEZ SÁNCHEZ, IGNACIO MARTÌNEZ PÈREZ, ARMANDO AGUSTÍN CARRIEDO CHÀVEZ, CARLOS YAHIR BALDERAS GARCÌA, JUAN MANUEL CRUZ RÌOS, GARCÌA HERNÀNDEZ "X", JOAQUIN VICENTE, JESUS LOPEZ MARTINEZ, JORGE LUIS MARTINEZ, JUAN CARLOS CRUZ, EDILBERTO LLESCAS AGUILAR, PABLO PEREZ HERNANDEZ, GENARO HERNANDEZ, JOAQUIN ISRAEL VICENTE CRUZ Vous pouvez envoyer vos messages de protestation à : Presidente FELIPE DE JESÚS CALDERÓN HINOJOSA Residencia Oficial de los Pinos Casa Miguel Alemán Col. San Miguel Chapultepec, C.P. 11850, México DF Tel: +52 (55) 27891100 fax: +52 (55) 52772376 felipe.calderon@presidencia.gob.mx Licenciado Francisco Javier Ramírez Acuña, Secretario de Gobernación, Bucareli 99, 1er. piso, Col. Juárez, Delegación Cuauhtémoc, México D.F., C.P. 06600, México, fax: +52 (55) 5093 3414 frjramirez@segob.gob.mx Ambassade du Mexique 9 rue de Longchamp - 75116 Paris Tel 01.53.70.27.70 fax 01.47.55.65.29 Site internet http://www.sre.gob.mx/francia/ Consulat du Mexique & Office du tourisme 4, rue Notre-Dame-des-Vicoires - 75002 PARIS Tel 01 42 61 51 80 fax 01.42.86.56.20 fax 01 42 86 56 20 Consulat honoraire : Toulouse 35 rue Ozenne - 31000 Toulouse Tel 05.61.25.45.17 fax 05.61.55.01.55 Consulat honoraire : Strasbourg 19a rue Lovisa - 67000 Strasbourg Tel 03.88.45.77.11 fax 03.88.45.87.69 Consulat honoraire : Lyon 3 chemin des Cytises - 69340 Francheville Tel 04.72.38.32.22 fax 04.72.38.32.29 Consulat honoraire : Le Havre Société Georges Vatinel 58 rue de Mulhouse - 76600 Le Havre Tel 02.35.26.41.61 fax 02.35.25.18.92 Consulat honoraire : Fort-de-France 31 rue Moreau de Jonnes - 97200 Fort-de-France Tel 05.96.72.58.12 fax 05.96.63.18.09 Consulat honoraire : Bordeaux 11-15 rue Vital Carles V- 33080 Bordeaux Tel 05.56.79.76.55 fax 05.56.79.76.66 Consulat honoraire : Barcelonnette 7 avenue Porfirio Diaz - 04440 Barcelonnette Tel 04.92.81.00.27 fax 04.92.81.33.70 Plus d'information : http://cml.vientos.info http://mexico.indymedia.org http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/ http://oaxacalibre.org/ http://www.larabiosaradio.org Radio Disturbio : http://www.giss.tv:8000/radiodisturbio.ogg.m3u Photos : http://cml.vientos.info/node/9919 Vidéo : http://oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/
Message édité le 17-07-2007 à 16:01:53 par Paria |
| | Posté le 19-07-2007 à 11:50:33
| MANIFESTE DE LA DEUXIÈME RENCONTRE ANARKOGALAKTIKE SUITE À LA NOUVELLE VAGUE DE RÉPRESSION À OAXACA Aujourd'hui 16 juillet 2007, aux alentours de 10 heures du matin, des incidents eurent lieu pendant la marche organisée dans la ville d'Oaxaca afin d'inaugurer la Guelaguetza populaire et boycotter, par la même occasion, la Guelaguetza officielle mise en place et appuyée à la fois par le gouvernement d'Ulises Ruiz et par plusieurs multinationales qui participent au développement d'une politique néolibérale et impopulaire. Cette marche avait été préalablement convoquée par de nombreuses associations, collectifs et individu-E-s du peuple d'Oaxaca. Des les premiers pas de la manifestation, la police s'est montrée omniprésente, surveillant, intimidant et arrêtant plusieurs participants. Plus tard, des affrontements eurent lieu pendant le trajet lorsque la police a commencé à lancer des pierres et des gaz lacrimogènes, provoquant la dispersion du rassemblement. Profitant du mouvement de foule, la police s'est alors approchée pour encercler, frapper et arrêter violemment une soixantaine de companer@s. A l'heure de la traduction de ce communiqué (mardi 17 juillet, vers 10 heures), une liste officielle confirme la comparution à la Procuraduria de Oaxaca de 40 personnes qui sont en train de faire leur déclaration. Parmi celles-ci, quatre reçoivent toujours des soins médicaux, dont notre compagnon Emeterio Merino Cruz Vazquez, touché par l'impact d'un explosif lancé par la police. Nous recevons également la confirmation de la détention de Silvia Gabriela Hernandez Salinas, étudiante en sciences sociales à l'Université Benito Juarez d'Oaxaca, incarcérée dans la prison de Tlacolula. Silvia, continuellement menacée et torturée pour son engagement au sein du collectif Voix d'Oaxaca pour la construction de l'autonomie et la liberté (VOCAL). La mise en place de ce dispositif répressif se produit au moment où le mouvement populaire de l'Oaxaca commence à reprendre des forces et à se repositionner comme une force de lutte sociale efficace. Cette récente attaque est un nouvel exemple de la militarisation croissante à laquelle doivent faire face les différentes luttes organisées à travers le pays. Le présent communiqué provient de la seconde rencontre anargalaktike qui a lieu en ce moment à San Cristobal de Las Casas, Chiapas. Y participent des companer@s mexicain-E-s et internationaux-ALES qui travaillent à la mise en place d'une coordination permettant d'intégrer des travaux et des propositions organisatrices, afin de fortifier le mouvement anarchiste et de pouvoir, à notre tour, non seulement nous solidariser avec le peuple de l'Oaxaca mais également agir de manière concrète, pour répondre à une analyse critique et intégrale de la situation actuelle. A travers ce communiqué, les différentes organisations, collectifs et individu-E-s présents manifestent leur dégoût et leur refus de la pseudo-politique de sécurité mise en place par la dictature militaire du PAN, à la tête de laquelle se trouve actuellement Calderon - main dans la main avec le PRI et le PRD. Cette politique répressive, organisée dans l'ensemble du pays, se développe de façon brutale et inhumaine dans l'État d'Oaxaca. En tant que mouvement libertaire nous ne cesserons jamais de lutter contre les politiques criminelles d'un État qui cherche à terroriser la société, emprisonnant, réprimant, assassinant et éliminant finalement tout espace nécessaire à une lutte critique et efficace permettant l'auto-organisation et l'autodétermination de l'ensemble de la société. Nous nous solidarisons avec le peuple de l'Oaxaca et exigeons le retour immédiat et en bonne santé des personnes disparues, comme nous exigeons la liberté de tou-TE-s les prisonnier-E-s politiques que le gouvernement maintient derrière les barreaux alors que leur unique délit fut de lutter pour une véritable transformation d'un peuple digne et rebelle. Nous lançons un appel au mouvement libertaire, à l'Autre Campagne, à la société en général et à la communauté internationale à la mobilisation générale le 18 juillet prochain et à l'organisation de différentes activités nous permettant de dénoncer la situation actuelle et de manifester notre solidarité ; le 19 juillet, nous appelons à la réalisation d'actions locales pour protester contre la répression et s'aligner avec le Forum contre la répression afin de stopper la guerre de basse intensité éhontée que nous vivons depuis si longtemps. HALTE À LA MILITARISATION LIBERTÉ POUR TOU-TE-S LES PRISONNIER-E-S POLITIQUES RETOUR DES DISPARU-E-S EN BONNE SANTÉ DISPARITION DE TOUS LES POUVOIRS D'ÉTAT ET SORTIE DE LA PFP D'OAXACA DISSOLUTION DE TOUS LES CORPS RÉPRESSIFS Nombre de personnes assistant à la rencontre : 120 Représentations venues de : MEXIQUE Hidalgo, Veracruz, Texcoco, Durango, Tijuana, Monterrey, San Luís Potosí, Basse-Californie du Nort, San Cristóbal de las Casas, DF, Querétaro. AMERIQUE DU NORD San Diego, Portland Oregon, Phoenix, Arizona, Indiana, San Francisco, Montreal Canada. AMERIQUE LATINE Bresil, Argentine, Venezuela. EUROPE Angleterre, Espagne, Catalogne, Italie, France, Allemagne, Belgique (de nombreuses villes). OCEANIE Nouvelle-Zélande, Australie. COLLECTIFS ET ORGANISATIONS: Moiliirasalii, Radio Ocupa – Ari Caravana,, Roadblokef, Bandera Negra, Inkworks Press, Bay Area Indymedia, Célula Metropolitana Julio Chávez López, Colectivo O.R.G.A.N.I.C, Adherentes a la Otra Campana, Bloquear al Imperio, Catas, Red Ya Basta, Coordinadora Anarcopunk, Centro Social Libertario-Biblioteca "Viviendo la Utopía", Regeneracion Radio, Casa de la Paz, Quinta Brigada, Radio Sabotaje, Brigada Libertaria, Smashedo, La Brigada Sociedad Civil, El Palicate zona norte del DF, Karakola Global, No Fronteras SF, Centro de Medios Libres DF, Plantón de Santiaguito, Plantón de Molino de las Flores, Colectivo Conciencia, Pensares y Sentires, HIJOS de la Plata, CZI, parmi beaucoup d'autres. Traduction réalisée par la banda de l'Anarkagalaktika Sites avec plus d'information : http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/ http://oaxacalibre.org/oaxlibre/index.php http://www.oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/ http://www.nodho.org http://www.espora.org/limeddh - ligamexicana@prodigy.net.mx http://cml.sarava.org |
| | Posté le 25-07-2007 à 09:53:06
| Un article sur la Guelaguetza : La revanche de la Guelaguetza La "Guelaguetza" est une invention relativement récente, ce qui n'a sans doute plus beaucoup d'importance aujourd'hui. On en connaît la date de naissance (1932), sur l'initiative d'un gouverneur (Francisco López Cortés) et parrainée par un président de la République mexicaine (Abelardo Rodríguez, président par intérim, en 1933), et elle possède un sérieux handicap (elle est issue d'une initiative raciste, celle de rendre "un hommage racial" aux Oaxaquiens d'en bas) tout en s'inscrivant dans l'action humanitaire qui a suivi le tremblement de terre de 1931 ayant fait d'énormes ravages dans l'Oaxaca, à qui notre Union fédérale mexicaine était soucieuse de prêter une main secourable. La Guelaguetza urbaine, surgie suite à un séisme, fête donc ses soixante-seize ans, secouée par un nouveau séisme. Ce qui n'est pas sans importance aujourd'hui, c'est qu'elle nous sert à faire remarquer, une fois de plus, à quel point ce pays est sans vergogne, qui autorise à rester en place à un gouvernement usurpateur, mafieux et violent comme l'est celui d'Ulises Ruiz Ortiz. La "dispute" pour la Guelaguetza est devenue révolte d'un symbole sur un terrain douloureusement réel et concret. Puisant ses origines dans les traditions festives des vallées centrales de l'Oaxaca majoritairement zapotèques, puis expropriée par les missionnaires espagnols qui lui ont substitué le jour de la Vierge du Carmen, la Guelaguetza a toujours été une fête populaire qui se fonde sur le don et la coopération communale. Ce n'est pas par hasard qu'elle est issue d'une civilisation pratiquant le tequio (le travail collectif pour le bien commun). La légende des amours tragiques de la princesse zapotèque Donají, fille du seigneur de Zaachila (région déjà christianisée à l'époque) et de Nucano, un guerrier ennemi mixtèque, avait été mise à profit par les missionnaires pour asseoir la domination des Zapotèques et des Mixtèques. Depuis lors, cette fête et ses danses sont syncrétiques (comme quasiment toutes les manifestations indigènes qui survivent de nos jours). Le fait est que la Guelaguetza représente le banquet par excellence du pouvoir politique et patronal de l'Oaxaca, qui s'abrite derrière l'hypocrisie typique du racisme métis : utiliser l'indien pour encenser son maître. En ce début du XXIe siècle, la bourgeoisie locale conserve certains aspects du XVIIe siècle, dans le pire sens du terme. Sans oublier qu'aujourd'hui, pour participer aux festivités, on doit passer par Ticket Master et/ou American Express. L'État postrévolutionnaire s'est servi de la Guelaguetza pour attirer les Mixes, les Zapotèques de l'Isthme, les Huaves, les Mazatèques des montagnes. Intégration. Identité. Contrôle ? Aujourd'hui, elle est censée être une cérémonie des seize peuples (et surtout pas "ethnies" de l'Oaxaca. Non pas pour qu'ils se rassemblent. Non, uniquement pour qu'ils se montrent sous leur plus beau jour. Au fil des ans, la Guelaguetza est devenue une grande offre touristique pour les hôtels, les restaurants, les agences de voyage, les boutiques d'artisanat, les bijouteries et les services. Pour les peuples, le pourboire. Qu'ils dansent, s'adonnent à leur folklore et se tiennent tranquilles ! Au cours de son évolution, passant d'être un festin à un spectacle, elle a été transférée sur la colline du Fortín, où elle a été lentement assassinée, pierre après pierre. Sous le mandat de José Murat, elle était déjà totalement pervertie : les Indiens déposaient leurs offrandes aux pieds du "señor" (guajolotes [dindons] vivants, fruits, pain, fleurs) et les filles de leurs maîtres pouvaient s'afficher en dansant parmi les Indiens. Ulises Ruiz était bien loin de soupçonner ce que serait la Guelaguetza qui scellait son destin : une crise répressive (pour la deuxième année consécutive). Au rythme où vont les choses, ce sera sa tombe, politiquement parlant. Nous assistons à une nouvelle transformation de la Guelaguetza, qui se perpétue par ailleurs telle quelle chez de nombreux peuples de l'altiplano de l'Oaxaca. L'APPO la voit comme une tradition à réhabiliter, au moment précis où l'on semblait oublier le sens profond du mouvement social dans cet État (et non pas seulement dans la capitale). Celui d'une lutte qui ne date pas d'hier et qui a déjà trouvé ses diverses manières de dire "basta !" dans chaque peuple. Avec le retour en scène de l'EPR et les très productives théories du complot censées expliquer le mécontentement dans l'Oaxaca par la "provocation" ou par le "complot de groupes extrémistes", la répression a perdu toute pudeur et toutes limites. Même le scandale à l'échelle internationale semble "gérable". Et ne parlons pas des médias. Les capitalistes d'Oaxaca sont désespérés. Le butin que leur rapporte le tourisme (en vampirisant les Indiens) risque de s'évaporer. "On veut nous ôter la Guelaguetza", brament-ils dans le dernier couplet de leur discours sur "l'identité oaxaquienne" menacée par le désordre qui vient assurément de la planète Mars et mérite "tout le poids de la loi" – et peu importe que ceux qui sont censés faire respecter la loi soient les instances les plus illégales de l'Oaxaca : l'exécutif, le parlement, les forces de police et les magistrats. (Qui d'autre aura d'ailleurs à répondre de la "correction" criminelle qu'a subie Emeterio Merino Cruz ?) Il y a cependant une Guelaguetza populaire qui attire les foudres répressives des gestionnaires de la fête patronale (du mot patron), uniquement parce qu'elle réclame la place qui lui est due. Il se peut qu'Ulises Ruiz Ortiz soit le dernier "seigneur" de la Guelaguetza artificielle, lui qui ne peut se rendre au bal sans cordon de grenadiers et sans militariser toutes les routes, pour cette "fête" que l'on voyait déjà servir de défilé de mode aux gamines de riches, sur fond de figurants en chair et en os des communautés indigènes pomponnées et emplumées, des jeunes filles déguisées à leur tour en Indiennes pour parader devant des gouverneurs qui ont plutôt l'air de capos dans leurs propriétés fortifiées. Qui aura pu prévoir que cette célébration/spectacle se transformerait en un puissant moment de revendication populaire ? Chargés de symbolisme et mythifiable à souhait, les Lundis de la colline du Fortín ne seront plus jamais les mêmes. Voilà que la Guelaguetza mord là où on s'y attendait le moins et dénude le pouvoir qui croyait qu'elle lui appartenait à jamais. Hermann Bellinghausen "La Jornada", 23 juillet 2007. Traduit par Ángel Caído. |
| | Posté le 11-11-2007 à 10:29:18
| Nouvelles d'Oaxaca AUX ORGANISATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES DE DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME A LA SOLIDARITE NATIONALE ET INTERNATIONALE AVEC LE PEUPLE D'OAXACA AUX PERSONNES BIEN INTENTIONNÉES DU MEXIQUE ET DU MONDE A NOUVEAU LES ASSASSINS FELIPE CALDERON ET ULISES RUIZ ORTIZ RÉPRIMENT, TORTURENT ET EMPRISONNENT LE PEUPLE DE OAXACA Un an après la bataille livrée contre la police fédérale préventive, le peuple d'Oaxaca regroupé dans l'APPO s'est rassemblé massivement et de manière pacifique en ce jour du 2 Novembre de 2007 pour déposer des offrandes à la mémoire de tous les compagnons tombés au carrefour des 5 Señores. Cela a commencé à 6 h du matin et à 7 h30 les forces de répression mandatées par Ulises Ruiz Ortiz sont intervenues brutalement avec des fourgons de la UPOE, de la police ministérielle et aussi avec des véhicules militaires et des policiers en civil. Ils ont agressé des membres de l'APPO, arrêtant illégalement, arbitrairement et violemment environ 20 personnes parmi lesquelles des enseignants, des étudiants, des membres d'Organisations Sociales et des gens du peuple en général, tels Ernesto López López et Eduardo Diaz, membres du CODEP-APPO, l'instituteur Nazario de l'Éducation Indigène, l'institutrice Belem de l'Éducation Spécialisée, entre autres. Ils ont agressé tous les représentants des médias, comme Carlos Leyva et toute son équipe, ainsi que d'autres télévisions. Ils ont bloqué toutes les rues autour de ce carrefour des 5 Senores, fouillant les maisons des quartiers voisins, comme celui de colonia Gomez Sandoval. Ils continuent à arrêter toutes les personnes qui passent près de leur blocus. Nous demandons que ces actes soient dénoncés pour que cessent les agressions contre l'APPO et le peuple d'Oaxaca et qu'Ulises Ruiz et Felipe Calderon soient condamnés pour tous les attentats et tous les crimes commis à l'encontre du peuple d'Oaxaca. POUR NOS COMPAGNONS MORTS, DISPARUS, PRISONNIERS ET POURSUIVIS POUR RAISON POLITIQUE, NOUS NE RECULERONS PAS D'UN PAS ! COMITÉ DE DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE ASSEMBLEE POPULAIRE DES DROITS DU PEUPLE POUR LA DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE QUI CONSTRUIT LE POUVOIR POPULAIRE ! CODEP -APPO Ville de la Résistence, Oaxaca, le 2 de novembre 2007. |
| | Posté le 11-11-2007 à 10:30:05
| La répression du 2 novembre 2007 a Oaxaca encore passée sous silence par les médias français Complices Aussi complice que la police française qui forme encadre et entraine les assassins de la Pfp mexicaine depuis 1994 Je vous adresse le témoignage de notre camarade Nicéforo Urbieta, arrêté puis relâché le 2 Novembre à Oaxaca Le Vendredi 2 novembre à environ 7 heures du matin, des habitants des différents quartiers périphériques (colonias) étaient en train de se rassembler au rond-point « 5 Señores » pour élever un autel traditionnel en commémoration des victimes des peuples de Oaxaca. Les gens arrivaient avec des fleurs, des pains spéciaux (pan de muerto) , des bougies, de la nourriture, ainsi que de la sciure, des pigments et des camions de sable pour créer des personnages sur un tapis funèbre. C'est à ce moment là qu'une voiture noire sans plaque d'immatriculation est arrivé et a foncé sur un groupe de camarades qui étaient en train d'organiser l'événement, essayant de leur rouler dessus, la voiture prit alors la fuite à grande vitesse. En même temps, des policiers armés de fusil d'assaut AK-47 et FAL remontaient et redescendaient les contre-allées, deux par deux, et d'autres prenaient des photos et des vidéos des participants afin de les intimider et d'en faire un enregistrement pour le fichage policier. Ayant terminé, ils sont partis. Environ 5 minutes plus tard, plusieurs camions de patrouille ont déboulé à grande vitesse de toutes parts, sur les 6 rues et avenues qui convergent vers le rond-point connu sous le nom de « Cinco Señores », provoquant la dispersion des participants. Puis ces camions de patrouille se sont rapprochés des manifestants et quelques uns se sont arrêtés là où étaient concentrés les camarades. Sans un seul mot, [les policiers] ont commencé à battre les gens et à charger tout le groupe dans plus de 10 camions de type pick-up qui encerclaient les manifestants pour les empêcher de s'enfuir. Puis ils se sont précipités sur les camarades qui avaient commencé à créer l'Autel Commémoratif, pendant que ceux qui avaient des fusils s'en servaient pour leur taper dessus. Ils ont prenaient les gens par la ceinture et les jetaient dans les camions jusqu'à ce que ceux-ci soient pleins de prisonniers, entassant les corps les uns sur les autres comme des sandwichs, hommes et femmes ensemble, professeurs, maçons, architectes, étudiants de l'Université Autonome Benito Juarez (UABJO), membres du Conseil de l'APPO (Belén, Román). Pendant le trajet vers le Ministère de la Protection Civile [SEPROCI], ils ont été battus et injuriés avec toute la vulgarité policière habituelle. Après, dans les cellules de la police, les camarades ont subis des interrogatoires accompagnés de violences physique et verbale. Les techniques de terreur psychologiques étaient appliquées, [les interrogateurs] disaient aux gens qu'ils allaient les tuer ou leur verser de l'essence dessus et les mettre en feu, montrant une cruauté plus forte encore envers ceux qui avaient des cheveux longs. Dix-sept d'entre nous ont été libéré de SEPROCI à 11 heures grâce à la pression exercée par les camarades, parmi lesquels des proches de leurs familles, le Comité de Défense des Droits de l'Homme, le Comité 25 Novembre, les Comités de Voisinage des colonias de « 5 Señores » et de « Sta. Lucia del Camino » ainsi que des étudiants de l'UABJO. Trois camarades de l'APPO ont été emmenés vers un Centre de la Sécurité à l'ouest de la ville avant d'arriver au SEPROCI. Nous allons confirmer la mort d'un camarade qui a reçu une balle dans le dos puis est passé sous les roues de deux camions alors qu'il venait d'être tué. Deux anciens témoins de l'incident disent qu'une fois à terre, il a été achevé par les deux camions de patrouille. Après quoi ils ont interpellé les policiers en disant « si vous croyez que ce crime va effrayer les gens, vous vous trompez, au contraire ça va devenir bien pire ». En ce moment même, une marche commence de l'Hotel Magisterio vers le rond-point « 5 Señores », là où, il y a un an, le peuple a arrêté l'agression de la Police Fédérale Préventive (PFP) contre la station de radio de l'UABJO (XUBJ Radio Universidad 1400 AM) PS : Deux blessés sont à l'hôpital. C'est tout ce que l'on a pu rassembler comme info. |
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