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 séparatisme et lutte des classes

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Xuan
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   Posté le 09-11-2020 à 17:58:41   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Les premières dispositions du projet de loi laÏcité (séparatisme)


https://blog.landot-avocats.net/2020/10/07/voici-devoilees-les-premieres-dispositions-du-projet-de-loi-laicite-separatisme/?fbclid=IwAR3Flunw7TVuP_VIxv2IS9rnyY_-eIKLX6hmk54TAEGYdx5Eb9BZnRPAlk8

Commentaire d'un internaute :

à lire ces dispositions, on n'aurait plus le droit de contester une loi ? la loi travail ? la combattre ?
c'est quoi les valeurs de la République ? qui les a défini et où ? On connait la Constitution, les textes de loi etc. tout cela existe et identifié. Le reste est du flou ...
par ailleurs la loi sur l'IVG autorise un médecin à refuser de pratiquer un avortement : les convictions personnelles au-dessus des lois ont été permises légalement
donc quand ça gêne les cathos c'est pas un problème, on inscrit dans la loi qu'ils sont exonérés et hop ça devient légal. Comme quoi il suffit de demander, à condition de pas être dans le "mauvais" camp


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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
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   Posté le 11-11-2020 à 22:51:44   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Punition collective, maccarthysme et préparation de l’opinion aux sacrifices

Publié le 11 novembre 2020par bouamamas

https://bouamamas.wordpress.com/2020/11/11/punition-collective-maccarthysme-et-preparation-de-lopinion-aux-sacrifices/
Les dessous de l’instrumentalisation de l’émotion face à l’horreur

«Entre l’annonce du confinement et l’émotion suscitée par les attentats de Conflans et de Nice, Emmanuel Macron bénéficie d’un « effet drapeau » et d’un resserrement de la communauté nationale autour de la figure du chef de l’État » Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop[i].

Il y a l’horreur, l’émotion qu’elle suscite et l’instrumentalisation de celle-ci. Ces trois dimensions de l’actualité sont aisément et en permanence confondues dans le tsunami idéologique qui a déferlé dans nos médias jusqu’à donner la nausée. Communicants, pseudo experts, chroniqueurs et hommes politiques se sont succédés sur les plateaux pour nous appeler de manière convergente à renoncer à la réflexion sur les causes, pour menacer ceux qui refuseraient de le faire, pour légitimer les mesures liberticides prises par le gouvernement, pour imposer une logique de guerre de l’intérieur, etc. Le deuil partagé, l’émotion collective et sa signification, le besoin de savoir et de comprendre, etc., ont été sacrifiés sur l’autel de l’instrumentalisation écœurante par un gouvernement tentant de contrecarrer une crise de légitimité béante. Les conséquences prévisibles n’ont pas tardé : nouvelles mesures législatives liberticides, annonce de la volonté d’interdire des associations comme le CCIF ou baraka city, diffusion de la peur chez les musulmans ou supposés tels, surenchères islamophobes, tétanie de tous ceux qui ont peur d’être taxés « d’islamo-gauchistes ». Reprendre l’initiative est une urgence. C’est en effet dans de telle séquence d’accélération de l’histoire et d’imposition de la peur que se réunissent les conditions de possibilité du consentement au pire.



Un monde immonde engendre des actes immondes

Au moment des attentats de 2015 nous écrivions un article ayant comme titre : « Un monde immonde engendre des actes immondes : Ne pas renoncer à penser face à l’horreur[ii] ». Refuser, empêcher ou rendre impossible la réflexion sur les causes est une procédure classique de la gestion des crises des classes dominantes. Ces crises sont toujours en effet un moment de vérité où les voiles idéologiques parvenant habituellement à masquer les causes réelles des faits sociaux sont fragilisés. Cinq ans après le fanatisme religieux continu de tuer atrocement et le besoin de masquer les causes réelles est encore plus prégnant pour les dominants du fait d’une crise de légitimité qui s’est considérablement accrue depuis les drames de 2015. La colère sociale atteint des sommets même si elle n’a pas encore trouvé les moyens d’une expression convergente. Entretemps en effet le mouvement contre la réforme des retraites, celui des Gilets Jaunes et celui contre les violences policières d’une part et la gestion calamiteuse de la pandémie d’autre part sont venus dessiller bien des yeux sur la nature des politiques dominantes et sur leurs conséquences : paupérisation et précarisation massive à un pôle et enrichissement massif à un autre, déclassement généralisé touchant désormais une partie importantes des « classes moyennes », guerres à répétitions pour les ressources énergétiques et les minerais stratégiques, destruction des services publics et en particulier du système de santé, violences policières contre les mouvements sociaux, etc. C’est dans ce contexte qu’il faut, à mon sens, appréhender l’interdit de pensée que l’on tente de nous imposer sur les causes du fanatisme religieux meurtrier. Car de deux choses l’une : ou il est issu de groupes organisés ou il s’origine d’actes individuels. Dans le premier cas l’interrogation sur l’origine de ces groupes et sur les raisons de leur longévité est incontournable. Dans le second celle sur les processus sociaux qui rendent possibles de tels passages à l’actes individuels meurtriers l’est tout autant. Dans les deux cas la responsabilité des politiques dominantes est engagée. On comprend mieux dès lors le refus et l’interdit d’une réflexions sur les causes que l’on tente de nous imposer.

a. L’hypothèse organisationnelle

Qu’il existe des groupes et des organisations prônant l’imposition du fanatisme religieux par la force est le seul point de vérité que l’on peut reconnaître aux discours dominants sur le « terrorisme », le « djihadisme », le « takfirisme », etc. Encore faut-il s’interroger sur les raisons de leur apparition et de leur longévité. La réalité qui se révèle [ et qui est aujourd’hui largement documentée] si l’on se pose cette question est celle d’une instrumentalisation géopolitique de ces groupes par les grandes puissances impérialistes qui dominent le monde. C’est en effet avec la guerre d’Afghanistan qu’émerge pour la première fois de manière durable une telle organisation. Le contexte mondial est alors celui de la guerre froide avec des Etats-Unis encore sonnés par la victoire du peuple vietnamien, les indépendances de l’Angola et du Mozambique arrachées par la lutte populaire en dépit du soutien de l’Otan au colonialisme portugais et le succès de la révolution sandiniste au Nicaragua. Sous la houlette de Zbigniew Brzeziński, conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, est élaboré une stratégie d’affaiblissement de l’ennemi soviétique en soutenant et armant des fanatiques religieux dans la logique connue : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». L’opération Cyclone est mise en place afin de pousser l’URSS à intervenir en Afghanistan. Dans une interview au Nouvel Observateur Brzeziński explique comme suit cette stratégie : « Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan, le 24 décembre 1979. Mais la réalité gardée secrète est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul.[iii]. » Interrogé sur le bilan de cette opération l’auteur du livre au titre significatif Le Grand échiquier assume entièrement ce choix en dépit des conséquences prévisibles qu’il portait :

Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette. Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique. […] Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide [iv]?

Le succès de l’opération dépasse tous les espoirs. Alors qu’il ne s’agissait initialement que de déstabiliser l’URSS celle-ci ne survivra pas à cette guerre. L’instrumentalisation du fanatisme religieux à des fins de politique étrangère devient dès lors un outil privilégié pour faire avancer des « pions » sur le « grand échiquier » mondial. On la retrouve ainsi de l’Irak à la Lybie, de la Tchétchénie au Haut-Karabagh, de l’Algérie au Mali, etc. Il ne s’agit pas ici de réduire ces différents conflits à la seule ingérence étrangère par l’instrumentalisation de groupes fanatiques mais de souligner que celle-ci est incontestablement une des modalités de la lutte pour le contrôle des sources de matières-premières stratégiques et d’énergies, des voies géostratégiques et pour l’affaiblissement des concurrents.

A ces ingérences « directes » s’en ajoute d’autres « indirectes » constitutives du terreau sur lequel prospère le fanatisme religieux. Les politiques économiques ultralibérales que masque le vocable de « mondialisation » ne peuvent se traduire que par un affaiblissement de l’Etat dans la très grande majorité des pays du dit « tiers-monde » qui subissent les thérapies de choc du FMI et de la banque mondiale appelées euphémiquement Plan d’Ajustement Structurel [PAS]. Privatisations imposées, politiques d’austérité exigées, destruction des services publics mis comme conditionnalité de l’accès aux prêts et à l’aide, etc., constituent en effet le contenu de ces fameux PAS. La bipolarité entre des « zones utiles » et d’autres « inutiles » s’installe dans de nombreux pays avec une absence d’Etat et une paupérisation massive pour les secondes. La mondialisation capitaliste est le terreau du fanatisme religieux et l’instrumentalisation de celui-ci à des fins stratégiques une des dimensions importantes de la concurrence exacerbée suscitée par elle. Une pseudo lutte contre le fanatisme religieux qui occulte ce terreau et cette ingérence relève tout simplement du cynisme d’Etat dont la seule efficacité est de servir de prétexte à d’autres objectifs : masquer une crise, détourner une colère, légitimer des mesures qui aurait été rejetées sans cela, etc.

b. Offre et demande de fanatisme religieux

« L’apparition d’islamistes radicaux agissant seuls, sans ordre et sans le moindre soutien, constitue une inquiétude croissante des autorités[v] » explique le journal Le Monde du 12 juillet 2016. Le discours politique et médiatique sur la fameuse « radicalisation » est quasi-exclusivement centré sur l’offre de fanatisme religieux. Celle-ci existe bien entendu et est à combattre mais cette offre ne peut se traduire en passages à l’acte violents que parce qu’elle rencontre une demande. Il convient en conséquence d’interroger les causes possibles de cette « demande ». Celles-ci sont diverses et tout réductionnisme en la matière est porteur de dérives socialement et politiquement dangereuses. Il est ainsi erroné et dangereux de réduire les passages individuels à l’acte violent à une simple conséquence de la maladie mentale. Un tel réductionnisme amalgame des actes pensés, préparés et organisés d’une part et des effets de la fragilisation mentale ou de la décompensation d’autre part. Il fait courir le risque de stigmatiser des groupes sociaux entiers : malades mentaux, schizophrènes, habitants des quartiers populaires, etc. Il oriente vers des politiques de repérages précoces ayant des effets de stigmatisations durables. Faut-il encore rappeler que la fragilité mentale n’est pas le propre des classes populaires ou des populations héritières de l’immigration ? Faut-il encore souligner que la « dangerosité » des « malades mentaux » n’est pas plus importante que celle de la population globale ?

Le caractère horrible d’un acte, y compris quand le fameux « Allah Akbar » a été prononcé, ne suffit pas à légitimer la caractérisation de « terrorisme ». Nous savons tous que la décompensation psychique se concrétise par un processus de « sortie du réel ». « La psychose, quant à elle, soulignait déjà Freud, est le fait pour un sujet d’échapper à des contraintes contextuelles inacceptables ou impossibles à intégrer, en créant une nouvelle réalité qu’il est le seul à percevoir et qui le protège tout en l’enfermant[vi] ». Le psychiatre Olivier Guillin confirme en rappelant que « faire l’amalgame entre pathologie et radicalisation est bien souvent une erreur scientifique. La religion ne sert qu’à nourrir les délires de ces patients schizophrènes[vii] ». Son collègue Pierre-François Godet confirme également :

Le djihadisme fait de plus en plus partie de l’environnement informationnel de notre monde. Donc, de plus en plus de psychotiques délirent et vont délirer sur le djihadisme, soit sur un mode persécutoire (“les djihadistes en veulent à ma vie”), soit sur le mode mégalomaniaque (“je suis fort, car Allah est le plus fort et il est avec moi”). Dans le second cas, on pourra se trouver confronté à un psychotique délirant qui passe à l’acte en criant “Allahou akbar !” Mais, ce qui guide le geste de ce patient, ce n’est pas la radicalisation djihadiste, c’est la radicalité de sa maladie à ce moment-là de son évolution : il n’a pas besoin d’être idéologiquement radicalisé par quiconque ou quoi que ce soit pour passer ou non à l’acte[viii].

En outre de nombreux travaux ont mis en exergue les formes et contenus les plus récurrents des « bouffées délirantes » : danger extra-terrestres et plus largement le surnaturel, mysticisme, discours religieux, apocalypse, etc. C’est dire l’inanité de ce qui est devenu un réflexe journalistique et politique consistant devant un drame à se précipiter à la quête de l’information jugée centrale : A-t-il ou non crié « Allah Akbar » ? La recherche de l’audimat par la peur et la sensation amalgame [sciemment pour certains, par bêtise pour d’autres avec toutefois les mêmes effets sur l’opinion publique] deux réalités différentes [ un acte politique porté par une idéologie et les effets d’une pathologie].

Les effets d’un tel amalgame ne sont pas anodins. Deux d’entre eux sont à souligner en raison du fait qu’ils finissent à un certain degré de développement par s’entretenir l’un l’autre. Ils entrent en quelque sorte après un certain temps et certaine intensité de récurrence médiatique et politique dans une logique de « cercle vicieux ». Le premier est la construction de l’Islam et des musulmans comme danger, menace et porteurs de violences par nature ou essence. Est ainsi produit le terreau de la surenchère dans laquelle s’engouffre l’extrême-droite et certains chroniqueurs clamant l’existence d’une pseudo spécificité de l’Islam par rapport à la violence. Le second est la tendance à une focalisation plus grande des obsessions de malades mentaux sur la religion. « Depuis 2014, les psys constatent que leurs patients invoquent de plus en plus souvent l’islam pour justifier leur passage à l’acte[ix] » rappellent l’article précédemment cité. Autrement dit alors que nous sommes en présence de faits n’ayant rien à voir avec l’Islam, pour lesquels l’Islam n’est que le prétexte à l’expression d’un trouble d’une autre nature [nous ne sommes pas en présence d’une expression de l’Islam mais d’un mode spécifique de consommation de l’Islam], le discours politique et médiatique dominant contribue à lui donner une apparence « religieuse ». La chose n’est pas nouvelle. Les psychoses individuelles s’adaptent en quelque sorte à la psychose collective suscitée par les discours politiques et médiatiques dominants. Lors du retour des cendres de Napoléon en 1840 rappelle l’historienne Laure Murat de nombreux malades mentaux s’identifiait à ce personnage dans son étude sur l’influence des évènements historiques et des troubles psychiques[x].

Le discours politique et médiatique dominant et les islamalgames qu’il véhicule contribue à masquer une autre réalité : celle de la montée d’une fragilisation mentale d’une partie grandissante de notre société, celle de la baisse des capacités de protection des structures familiales et des structures sociales de proximité, celle de la hausse de consommation de psychotropes, etc. La destruction des capacités de protection de proximité du fait des politiques économiques dominantes et de leurs effets de paupérisation et de précarisation est de surcroît multipliée par la paupérisation massive de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie par les mêmes politiques libérales. Une population en besoin de soins et de suivi est ainsi sacrifiée sur l’autel des économies budgétaires. Le livre de Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel La révolte de la psychiatrie en fait la démonstration. Citons quelques titres de chapitres ou sous chapitres éloquents : Nouveaux management et mesure de la « performance » ; Une politique de délégation au secteur privé promue par l’Etat ; A la différence du public, le privé choisit ses patients ; Face aux demandes de soins accrues, capacité d’accueil en baisse et pratiques sécuritaires en hausse ; etc[xi]. Destruction des capacités de protection familiales et sociales d’une part et destruction des capacités de réponse institutionnelles sont deux causes occultées de notre situation par le discours dominant.

Les fonctions de l’instrumentalisation idéologique de l’opinion publique

Le contexte était déjà celui décrit ci-dessus avant l’assassinat horrible de Samuel Paty. Il convient en conséquence de compléter l’analyse sur ce qu’il y a de spécifique dans l’instrumentalisation de l’opinion publique c’est-à-dire de nous pencher sur la fonction de celle-ci. Sans être exhaustif trois dimensions en interaction ressortent, à notre sens, de la brusque accélération d’offensive idéologique à laquelle nous assistons depuis ce drame et celui qui l’a suivi à Nice. La première est celle d’une préparation de l’opinion publique à des sacrifices sociaux de grande ampleur en lien avec les effets économiques de la pandémie. La seconde est la légitimation d’une logique de « punition collective » à l’égard de groupes sociaux susceptibles de se révolter face à cette nouvelle dégradation de leurs conditions d’existence. La troisième est la tentative d’installation d’une politique d’intimidation à l’égard de tout discours critique dans une logique maccarthiste.

a. Qui paiera la facture du cataclysme social qui vient ?

Nous avons déjà souligné dans un texte précédent[xii] que ce qui était mis en évidence par la pandémie c’était l’incapacité d’un système social précis à lui faire face du fait de la destruction organisée du système de santé par les politiques néolibérales de ces quatre dernières décennies. Nous avons également proposé une analyse des conditions du confinement et du déconfinement centrées de manière dominante par la crainte des effets sur les profits des entreprises et particulièrement des multinationales[xiii]. Sur ces deux questions la logique de rétablissement rapide des profits fut en contradiction avec les besoins de la lutte contre la pandémie. Il convient enfin pour avoir une vision globale de la situation d’introduire dans l’analyse l’ampleur des dégâts économiques de la pandémie dont l’échéance de fin reste encore imprévisible. La dernière note de conjoncture de l’INSEE datée du 6 octobre 2020 présente comme suit la situation : « Au total sur l’année 2020, le PIB se contracterait de 9 %. […] La consommation des ménages, principale composante de la demande, reculerait de 7 % sur l’année. L’investissement des entreprises (–10 % prévu sur l’année) et les exportations (–18 %) reculeraient davantage[xiv]. » Les économistes Laurent Ferrara et Capucine Nobletz résument la situation comme suit en juin 2020 c’est-à-dire avant le reconfinement actuel :

La pandémie liée à la propagation du coronavirus a engendré une récession économique mondiale d’amplitude rarement observée dans l’histoire économique, comparable en cela à un phénomène dit de « désastre », tel que défini par l’économiste Robert J. Barro. La nature des chocs qui ont frappé les économies, mélange de chocs d’offre et de demande négatifs associés à une hausse vertigineuse de l’incertitude, ainsi que leur amplitude, ont durement touché l’activité économique. De leur côté, les marchés financiers ont connu des évolutions diverses. Les marchés d’actions ont d’abord fortement chuté puis se sont rapidement rééquilibrés sous l’effet notamment des interventions massives des banques centrales[xv].

Pour financer cette récession considérable l’Etat dispose classiquement de trois outils. Le premier est celui de baisse des dépenses publiques. Cette voie est impossible dans le contexte en raison de l’état de l’opinion publique à moins de toucher aux dépenses militaires ou de police ce qui est inenvisageable pour un impérialisme engagé dans de nombreuses guerres et misant plus que jamais sur sa police pour contrecarrer les colères sociales. Le second outil est l’augmentation des impôts qui ne serait accepté aujourd’hui que si celle-ci touchait les grandes fortunes, solution que Macron rejette totalement comme en témoigne par exemple le refus de rétablir l’ISF en dépit de la situation. Il reste en conséquence un seul l’outil, celui de la contraction d’emprunts c’est-à-dire de l’augmentation de la dette publique. Selon les prévisions officielles le déficit prévu est de 117 % du PIB en 2020 et de 116 % en 2021 (contre 95 % en 2019), ces évaluations de fin septembre n’incluant pas les dépenses liées au couvre-feu puis au nouveau confinement. « l’Etat a émis pour plus de 200 milliards d’euros d’obligations sur les marchés, qui s’ajoutent à son stock de dette déjà important » résume la journaliste du magazine économique Challenges [xvi].

La question posée à terme est bien celle de la facture. Celle-ci sera-t-elle présentée à ceux qui se sont considérablement enrichis depuis quatre décennies de néolibéralisme ou au contraire une nouvelle fois aux classes populaires et moyennes ? Poser la question c’est y répondre. Que les conditions de légitimité actuelle ne permettent pas de poser explicitement cette question signifie simplement pour la classe dominante qu’elle doit s’atteler à créer une nouvelle légitimité c’est-à-dire fabriquer le consentement au cataclysme social qui vient. Loin d’être des dérapages verbaux conjoncturels d’un Darmanin, des effets sincères de l’émotion d’un Macron ou des dérives de quelques chroniqueurs, la surchauffe islamophobe et maccarthyste actuelle correspond à une fonction idéologique : fabriquer par la peur le consentement à une régression sociale inédite. Comme le soulignait des manifestants argentins en juin dernier : « si nous payons la dette, nous ne pouvons pas manger ».

b. Anticiper les révoltes sociales possibles

La fabrique d’un tel consentement ne va pas de soi dans un pays qui a connu une montée en puissance réelle des luttes sociales au cours de ces dernières années. Des Gilets Jaunes au mouvement contre les violences policières en passant par la lutte contre la réforme des retraites, nous en étions avant la pandémie dans une séquence de recherche de convergences des luttes même si les voies de celle-ci étaient encore loin d’avoir été trouvées. Même si la convergence n’était pas en vue les silencieux avaient commencés à parler et à se parler et les invisibles à se faire voir. Sur ce terreau la pandémie et sa gestion calamiteuse sont venues visibiliser aux yeux de beaucoup les failles béantes et les conséquences sociales désastreuses d’un système économique basé sur le seul profit. La réapparition de la faim dans de nombreux quartiers populaires se traduisant par des files énormes devant les distributions de vivres des associations humanitaires est venue renforcer la colère sociale grandissante. La crise de légitimité de Macron ne cessait de grandir et les conditions d’une crise de régime à se réunir. Le choix d’une gestion autoritaire du confinement n’était pas une idiotie ou un signe d’incompétence mais était guidé par la peur d’une révolte sociale massive. Mettre en surveillance certains territoires était une anticipation des possibles par la classe dominante.

L’instrumentalisation de l’émotion suscitée par les assassinats de Conflans et de Nice s’inscrit dans ce contexte. Ces crimes horribles font « effet d’aubaine » pour un pouvoir devenu illégitime et en recherche d’un dérivatif à la colère sociale. La diffusion de la peur et de l’angoisse à des fins de réinstauration d’une logique d’«unité nationale » reléguant au second plan les préoccupations économiques, sociales, revendicatives, etc., en est l’objectif essentiel. Les effets ne se sont pas fait attendre : peur de nos concitoyens musulmans ou supposés tels, surenchères médiatiques, tags islamophobes sur les murs de mosquées, de locaux associatifs ou du siège du PCF, agressions physiques de musulmans ou supposés tels [et en premier lieu de musulmanes ou supposées telles], concourt Lépine médiatique de propositions législatives islamophobes, garde à vue de plus de 10 heures d’enfants pour « apologie du terrorisme », etc. Ce premier objectif idéologique est accompagné d’un second, bien matériel celui-ci : préparer les conditions législatives d’une réponse à la colère sociale. Quatre jours à peine après le drame de Conflans-Sainte-Honorine le projet de loi « relative à la sécurité globale » est déposé.

Ce projet qui fait l’objet d’une « procédure accélérée » justifiée par le contexte de « danger terroriste » prévoit pêle-mêle : accroissement des attributions des polices municipales et des agents de sécurité privée et notamment celle du contrôle d’identité, usage de drones dans le constat des infractions ou dans la surveillance des frontières, pénalisation de la diffusion d’images de policiers ou de gendarmes agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public, etc. Résumant la logique générale de ce projet de loi le syndicat de la magistrature la formalise comme suit : « Le but est de quadriller chaque recoin de l’espace public en déployant des moyens technologiques permettant une surveillance généralisée, en donnant compétence à des agents qui ne sont pas formés mais qui feront nombre pour relever des infractions en dehors de tout contrôle de la justice, et de faire encore reculer le contrôle démocratique sur ce qui se joue, les forces de l’ordre devenant finalement les seules à échapper aux honneurs des caméras[xvii]. »

L’effet d’aubaine touche ainsi également la fabrique du consentement à la restriction des liberté publique ou à la fabrique d’une demande autoritaire et sécuritaire. En témoigne les résultats du sondage de l’institut IFOP-Fiducial pour Cnews : 89 % des sondés favorables à la « déchéance de nationalité des personnes avec une double nationalité ayant commis des délits » ; 80 % pour « rendre l’accès au droit d’asile en France plus compliqué » ; 78 % pour « permettre l’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins de sécurité intérieure » ; 78 % pour « supprimer l’anonymat pour les utilisateurs de réseaux sociaux[xviii] » ; etc. Bien sur ces sondages ne reflètent pas le réel intégralement. La formulation des questions contribue à produire les réponses. Ce type de sondages participent ainsi à la fabrique de l’opinion souhaitée. La seconde fonction de la surchauffe idéologique actuelle apparait ici : anticiper les révoltes sociales et adapter le cadre législatif à leur répression.

c. Une logique maccarthyste à des fins d’intimidation

« Il y a des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits. Et cela conduit à certains problèmes, que vous êtes en train de constater » déclare le ministre de l’éducation nationale devant le Sénat le 22 octobre 2020 soit six jours seulement après le meurtre de Samuel Paty. La thèse classique de l’extrême-droite d’une université infestée de gauchiste complaisant avec l’ »islamisme » et de ce fait responsable du « terrorisme » devient une doctrine d’Etat. La chose n’est certes pas entièrement nouvelle [rappelons nous les déclarations d’un Valls à ce propos] mais sa revendication en pleine séquence dramatique souligne le passage à une logique d’intimidation concrète. Il ne s’agit plus simplement de dénoncer une pseudo complaisance mais d’appeler à une action de confinement de la pensée et de la recherche et de préparer l’opinion à celle-ci. En témoigne l’adoption par le sénat de l’amendement 234 à la loi de programmation de la recherche. Cet amendement adopté le 28 octobre 2020 stipule : « que les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. Il s’agit, par cette disposition, d’inscrire dans la loi que ces valeurs, au premier rang desquelles la laïcité, constituent le socle sur lequel reposent les libertés académiques et le cadre dans lequel elles s’expriment[xix] ». Outre le caractère flou et à géométrie variable de l’expression « valeurs de la République » et les polémiques sur la signification et le contenu du principe de « laïcité », l’amendement introduit une limite à des libertés académiques jusque-là limitée uniquement par le droit pénal et les critères scientifiques. « Qui décidera si un cours, une publication, sont conformes aux valeurs de la République ? [xx]» interroge à juste titre un article du site Université Ouverte.

Dans la foulée de la déclaration du ministre une tribune de 100 universitaires est publiée dans le monde du 31 octobre pour soutenir le ministre et appeler à une mise au pas devant l’urgence de la situation : « Nous, universitaires et chercheurs, ne pouvons que nous accorder avec ce constat de Jean-Michel Blanquer. Qui pourrait nier la gravité de la situation aujourd’hui en France, surtout après le récent attentat de Nice […] Les idéologies indigéniste, racialiste et « décoloniale » (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des « Blancs » et de la France ; et un militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la doxa antioccidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste[xxi]. » Une contre-tribune signée cette fois-ci par 2000 universitaires souligne l’enjeu du débat et de l’offensive : « une mise au pas maccarthyste de l’université, qu’il s’agirait de soumettre à un contrôle politique qui vérifierait la loyauté des enseignants à l’égard de l’Etat[xxii]. » Les universitaires ne sont, bien entendu pas les seuls visés. Associations, partis et hommes politiques, journalistes, etc., sont dans le même viseur avec le même objectif de silenciation par intimidation.

Mais le maccarthysme comme logique ne se limite pas à l’interdit d’un discours critique, il comprend également la promotion d’un discours unanimiste à imposer par la force si nécessaire. Lors de son audition au Sénat, le ministre de l’éducation nationale propose ainsi de « créer des chaires de la laïcité […] qui auront un impact sur nos étudiants ». Il s’agit ni plus ni moins que du franchissement d’un nouveau seuil dans la tentative d’instrumentaliser le monde enseignant à des fins de contrôle idéologique. La même logique a déjà conduit à la tentative de réduire la liberté d’expression à la défense des carricatures de Charlie Hebdo et d’interdire le droit à la critique de ces carricatures. La transformation de ces carricatures [qui ont bien entendu le droit d’exister mais aussi que l’on devrait pouvoir critiquer librement] par le discours étatique en véritable totem intouchable de la République réduit la liberté d’expression à celles-ci. Faire porter aux enseignants ce réductionnisme en les situant comme canal de la parole idéologique officielle sur l’actualité est contradictoire avec le métier même d’enseignant supposant la pratique du libre-arbitre, du débat contradictoire, de la mise en évidence des contradictions, etc. Nous sommes ni plus ni moins en présence d’une prise d’otage idéologique de la fonction enseignante. La troisième fonction idéologique de l’instrumentalisation de l’émotion en cours est bien de silencier les discours critiques et de promouvoir une pensée unique par la peur et l’intimidation.

Les trois fonctions idéologiques de l’instrumentalisation de l’émotion publique révèlent l’ampleur de la crise de légitimité du gouvernement à l’approche des élections présidentielles. Elles sont au service d’une stratégie visant à imposer une nouvelle fois la logique binaire Le Pen ou Macron. Pour ce faire il faut faire monter l’extrême-droite pour se présenter ensuite comme le seul recours dans la logique désormais éprouvée de « vote utile ». Une nouvelle fois les préoccupations de court terme de la classe dominante nécessitent une politique de fracturation de la société par la fabrique d’un bouc émissaire masquant le véritable enjeu qui reste le projet de régression sociale massive à des fins de préservation des profits. La lutte contre le terrorisme n’est pas une priorité gouvernementale. Il suffit de rappeler que celle-ci suppose pour être efficace d’être menée avec les musulmans ou supposés tels et non sans eux et encore moins contre eux. Une nouvelle fois le court terme de la classe dominante nous replonge dans une ère de tous les possibles. Des possibles émancipatoires ou des possibles monstrueux, cela dépendra de notre capacité à réagir ensemble.

[i] Article La côte de Macron en hausse de huit points en un mois, Challenges du 3 novembre 2020, consultable sur le site challanges.fr.

[ii] Saïd Bouamama, Un monde immonde engendre des actes immondes, 15 novembre 2015, consultable sur le site bouamamas.wordpress.com.

[iii] Vincent Jauvert, Oui la CIA est entrée en Afghanistan avant les Russes, interview de Zbigniew Brzezinski, Nouvel Observateur du 15 janvier 1998, p. 76.

[iv] Ibid.

[v] Les loups du djihad sont-ils si solitaires, Le Monde du 12 juillet 2016, consultable sur le site lemonde.fr.

[vi] Robert Neuburger, Préface à Névrose et psychose de Sigmund Freud, Payot, 2013.

[vii] Nadia Bendjebbour, « Terrorisme : les nouveaux visages », fou d’Allah, Nouvel Observateur du 3 septembre 2020, consultable sur le site nouvelobs.com.

[viii] Pierre-François Godet, Des rapports supposés entre radicalisme et maladie mentale, 30 avril 2018, consultable sur le site lyoncapitale.fr.

[ix] Ibid.

[x] Laure Murat, L’homme qui se prenait pour Napoléon : pour une histoire politique de la folie, Gallimard, Paris, 2013.

[xi] Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel, La révolte de la psychiatrie. Les ripostes à la catastrophe gestionnaire, La Découverte, Paris, 2020.

[xii] Saïd Bouamama, Le Corona Virus comme analyseur : Autopsie de la vulnérabilité systémique de la mondialisation capitaliste, 23 mars 2020, consultable sur le site bouamamas.wordpress.com.

[xiii] Saïd Bouamama, La mise en scène politique et médiatique du confinement : Nécro-politique et quartiers populaires, 16 avril 2020, ibid.

[xiv] Note de conjoncture de l’INSEE, 6 octobre 2020, consultable sur le site insee.fr.

[xv] Laurent Ferrara et Capucine Nobletz, Dettes publiques : le COVID 19 augmente la contagion sur les marchés d’obligations d’Etat, consultable sur le site theconversation.com.

[xvi] Esther Attias, Coronavirus : comment les discours sur la dette publique ont changé, Challenges du 24 octobre 2010, consultable sur challenges.fr.

[xvii] Vers un Etat de police ?, communiqué du Syndicat de la Magistrature du 4 novembre 2020, consultable sur le site syndicat-magistrature.org.

[xviii] Sondage : Près de 9 Français sur 10 sont pour la déchéance de nationalité et pour l’expulsion des fichés S, Ifop-Fiducial pour Cnews, 6 novembre 2020, consultable sur le site, cnews.fr.

[xix] Amendement 234 de la loi de programmation de la recherche, Sénat, 28 octobre 2020, consultable sur le site senat.fr.

[xx] Loi de programmation de la recherche : nuit noire sur le Sénat, 29 octobre 2020, consultable sur le site universiteouverte.org.

[xxi] Une centaine d’universitaires alertent : « sur l’islamisme, ce qui nous menace, c’est la persistance du déni », Tribune au Monde du 31 octobre 2020, consultable sur le site lemonde.fr.

[xxii] « Cette attaque contre la liberté académique est une attaque contre l’Etat de droit démocratique », tribune au Monde du 2 novembre 2020, consultable sur le site lemonde.fr et que l’on peut signer en allant sur ce lien : https://savoiremancipateur.wordpress.com/home/signataires/

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A propos de la lettre de Mireille Popelin sur le site faire vivre :


Site faire vivre et renforcer le PCF

Mireille Popelin écrit une lettre ouverte à Ian Brossat pour critiquer sa participation à la manifestation contre l'islamophobie, en arguant la présence d'islamistes radicaux dans cette manifestation. Elle affirme aussi que l 'islamophobie est un concept qui relève de ce même islamisme radical, cherchant à "victimiser" les musulmans.
Cette position proche de celle des laïcs bourgeois doit être critiquée.

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Lettre ouverte à Ian Brossat : à propos de la manif du 10 novembre 2019


Lundi 16 novembre 2020, par Mireille Popelin, popularité : 100% Vie politique | 3 | pdf | maildiasporafacebookgooglelinkedinnetvibesprintertwitterviadeo
Un article sur l’Huma du 10 novembre 2020, qui revient sur la manifestation du 10 novembre 2019 « contre l’islamophobie », pour justifier la participation de « quelques personnalités de gauche » à cette marche.

Il faut toujours, quand on est un homme politique, bien connaitre le but de la manifestation, et les organisateurs de la manifestation. Or le terme « islamophobie » est utilisé par tous ceux qui refusent toute critique de l’islam !

Beaucoup de ces personnalités organisatrices ou associations (le CCIF interdit maintenant) appartiennent à des organisations identitaires ou racialistes qui légitiment la non-mixité raciale ! et incitent même les musulmans à refuser les lois de la République, la laïcité.

Ta participation, Yan Brossat, est une erreur politique !

Institutrice en Algérie en 1960, j’ai été plastiquée par l’OAS pour avoir soutenu l’indépendance de l’Algérie.

En 2003, en France, à Villeurbanne, avec d’autres laïques, nous avons bien compris le danger islamiste et lutté pour défendre l’école publique et laïque. Communiste, je n’ai trouvé de soutien qu’à la section de Vénissieux, avec André Gerin, qui a sauvé l’honneur du PCF : il a lutté avec les associations laïques, partis, mouvements contre les signes religieux à l’école publique, pour l’interdiction de la burqa.

J’ai été menacée de mort (je garde les preuves) par ces islamistes.
Le PCF m’a insultée, traitée de raciste et d’islamophobe.
Les islamistes utilisent l’antiracisme, la victimisation pour « mettre à bas notre état de droit » (Ian Brossat, Huma). Avec les « prêcheurs de haine » (expression de André Gerin) ces islamistes ont divisé et même séparé la communauté musulmane. Je sais très bien (je suis communiste) les compromissions des gouvernants avec les pétromonarchies, les conditions de logement des immigrés, la relégation, le manque d’emplois, les bas salaires… Mais est-ce une raison pour accepter les manœuvres de ces islamistes ? Ce sont des fascistes !

Pourquoi ces mêmes « antiracistes » qui luttent contre l’islamophobie n’ont-ils pas organisé une manifestation contre les massacres horribles, racistes, de Charlie Hebdo, du Bataclan, de L’Hypercasher ?

Meurtres commis en criant « Allah ouh Akbar »

Ce même cri poussé par les manifestants « antiracistes » du 10 novembre 2019 !
A ma grand’honte. Je revois le visage triomphant de l’organisateur, bien connu pour être un défenseur de l’islam radical.
Avec le soutien de ces « gauchistes », les islamistes triomphent !

Moi, je suis allée à la manifestation à Bellecour (Lyon) avec les enseignants atterrés, choqués, bouleversés par la mort de Samuel Paty, le prof décapité. La place noire de monde, des pancartes « je suis prof », « je défends la liberté d’expression », « je défends la laïcité ».

Je suis très fière d’avoir lutté contre l’islamisme, défendu l’école publique et laïque jusqu’à l’épuisement.
Je crains hélas que les islamistes aient gagné, avec la lâcheté, les compromissions, des gouvernements et de certains élus. Pour avoir la paix sociale et par électoralisme, ils ont cédé sur cette belle liberté, la laïcité.

Pour en finir avec l’islamophobie :
La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire, de critiquer toutes les religions, même l’islam, par des écrits, des caricatures. La République doit rester une et indivisible, démocratique, sociale et LAÏQUE.

Mes salutations de communiste laïque

Mireille Popelin

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Cette lettre que m'a signalée finimore est en ligne depuis lundi.
Elle a été très lue et fait l'objet de plusieurs commentaires, à lire sur le site.
Je reproduis ici mon propre commentaire :


L’islamisme politique est aussi inacceptable qu’un état catholique, et le terrorisme - historiquement généré et financé par l’impérialisme US - une abomination qui meurtrit les peuples du monde.

Ceci dit, pour les questions « sociétales » comme pour le reste, nous devrions les relier à notre objectif fondamental d’un socialisme à la française, de la prise du pouvoir et du renversement de l’Etat bourgeois.
Pour cela l’objectif des communistes est l’unité du peuple dans toutes ses composantes opprimées par le grand capital.
Partant de là, et à l’exception du fascisme et du terrorisme, les opinions philosophiques et religieuses passent au second plan derrière les rapports sociaux de production et les contradictions de classe, qui sont à la source des transformations sociales, et nous permettent de définir qui sont les amis et qui sont les ennemis de la révolution.

Dans le même esprit notre laïcité n’est pas définie par les critères de la république bourgeoise, mais par notre propre conception d’une république socialiste et des solutions à apporter aux contradictions au sein du peuple.
Ainsi nous rejetons la « laïcité » colonialiste, conduisant au dévoilement des femmes algériennes organisé avec l’armée coloniale par les épouses de Salan et Massu en mai 1958.
Dans le registre du sarcasme et du mépris, les caricatures vulgaires et insultantes de Charlie Hebdo ont régulièrement amalgamé la religion musulmane et le terrorisme. Et Macron a porté au pinacle ce musée de la bite et du trou du cul, comme un exemple de la « laïcité », de la « liberté d’expression » et des « valeurs républicaines », geste non dénué d’arrières pensées récupératrices en direction de la droite et de la droite extrême d’ailleurs.
Nous devrions faire la promotion d’une laïcité tolérante, scientifique et populaire.

D’un autre côté l’antiracisme humaniste, inspiré par la charité chrétienne, et même s’il est louable, ne nous motive pas non plus.
Notre antiracisme est fondé sur l’unité nécessaire du peuple contre ses oppresseurs, et qui s’adresse naturellement aux plus pauvres.
De ce point de vue nous devrions combattre l’islamophobie comme une division du peuple, ne pratiquer aucun amalgame entre l’islam politique et la pratique religieuse, et orienter tous les combats contre le grand capital.

Xuan


Edité le 18-11-2020 à 18:47:56 par Xuan




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Un article de Robert Kissous sur FB :

Un bouleversement mondial



En 2006 la France reculait de la 5ème à la 6ème position, en terme de PIB, au profit de la Chine. En 2017 c’était au tour de l’Inde qui, doublant son PIB en dix ans, passait devant la France rétrogradée au 7ème rang.
Diverses études prévoient les évolutions à venir en 2030 ou 2050. Toutes convergent sur ce fait : la montée des pays émergents est une tendance de fond.
Selon plusieurs projections de cabinets d’audits et d’institutions économico-financières, en 2050 six pays émergents seraient dans les dix premiers, la France reculant à la 12ème place. Déclin relatif puisque le PIB ne recule pas mais croît beaucoup moins vite que celui d’autres pays.

Fait notable, la Chine passerait devant les Usa d’ici 2030. A 2050 sept pays émergents représenteraient 50% du PIB mondial contre 20% pour les pays du G7.
La pandémie, survenue depuis ces études, ne modifiera pas globalement ce pronostic. Elle peut même l’accélérer puisque les pays asiatiques s’en sortent plutôt mieux que les pays européens ou les Usa.
Le très important accord de libre-échange RCEP comprenant quinze pays - l’ASEAN plus Chine, Japon, Corée du Sud, Australie, Nouvelle Zélande – renforce le poids de la zone Asie-Pacifique dans l’économie mondiale. L’Inde et les Usa ont refusé de s’y associer. Pour les Usa la « concurrence libre et non faussée » est acceptable si elle leur profite. Ce n’est pas la théorie économique néo-libérale ou autre qui les guide mais leur visée hégémonique.

C’est donc un bouleversement considérable des rapports mondiaux qui s’affirme. Ce n’est pas l’accumulation de capitaux ni le casino boursier qui créent les richesses mais le labeur des centaines de millions de travailleurs d’ex pays sous-développés, exploités dans l’échange inégal subit au profit des pays impérialistes et qui se mettent en mouvement pour sortir de la misère.
Les pays du G7 pourraient s’en réjouir et décider de prendre le chemin de la coopération avec les économies émergentes, sur un pied d’égalité, en endossant le multilatéralisme.
Les dirigeants de ces pays, Macron notamment avec l’arrogance habituelle, adoptent une telle rhétorique. Mais la pratique est autre, on ne change pas l’essence de l’impérialisme même si on peut parfois en infléchir le cours.

La bourgeoisie française cherche à renforcer ses positions ou au moins à les maintenir sur la scène internationale. Il y va de sa capacité à peser dans sa zone d’influence traditionnelle, de l’accès aux ressources nécessaires et à « sa part du gâteau ».
Dans ce contexte, la pandémie a retardé des projets de loi ou de décisions tout en posant la question : qui va payer la crise sanitaire ? Pour renforcer ses positions, la classe dominante prépare sa « sortie de la pandémie ».
La loi Sécurité Globale renforce les moyens pour imposer par la violence, si nécessaire, les choix politiques sur le plan social et économique. Quand le pouvoir a du mal à convaincre il lui reste l’autoritarisme. Darmanin menace avec la bénédiction de Macron : « Le cancer de la société, c’est le non-respect de l’autorité ». Mais avec une large opposition.

C’est là qu’intervient la loi sur le séparatisme. Elle vise à constituer un bloc idéologique autour de Macron et de la classe dominante, en le faisant apparaître comme « progressiste », en mobilisant pour une laïcité dévoyée. En ciblant une partie des classes populaires, les musulmans ou supposés tels, elle caresse la droite et l’extrême-droite en vue de 2022.

Des manœuvres qui n’effaceront pas la réalité catastrophique dans laquelle la classe dominante a mis le pays : croissance phénoménale de la pauvreté et de la précarité, dégradation des conditions de vie, démocratie en berne … « Arroser » les grandes entreprises n’y changera rien, au contraire. Les mobilisations sociales multiformes d’avant pandémie attestent du rejet de cette politique. et ce n’est pas un autoritarisme croissant, brutal, qui emportera davantage les convictions.

Robert Kissous, Rencontres Marx

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   Posté le 09-12-2020 à 22:36:05   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

A séparatisme séparatisme et demi


Fondation pour des écoles d’un autre âge


Derrière la Fondation pour l’école, une galaxie d’établissements hors contrat ultracatholiques et des formations pour prêtres traditionalistes. En totale contradiction avec ses statuts. Une enquête de Basta! et Politis.



Les élèves y portent un uniforme, vont à la messe avec leurs enseignantes, qui sont des religieuses. L’école est non mixte à partir du secondaire, réservée aux filles, qui vont être préparées, entre autres, « à devenir de vraies maîtresses de maison ». Bienvenue dans les écoles des Dominicaines enseignantes de Fanjeaux. Ce sont des écoles privées hors contrat : totalement indépendantes de l’État, elles ne bénéficient pas de financement public et n’ont pas l’obligation de suivre les programmes de l’Éducation nationale. Certaines de ces écoles gérées par l’ordre des sœurs de Fanjeaux sont liées à la Fraternité Saint-Pie-X, une société de prêtres intégristes en rupture avec le Vatican.

L’enseignement privé hors contrat

En France, l’enseignement scolaire privé peut être sous contrat avec l’État – c’est le cas de la plus grande partie des établissements privés catholiques – ou hors contrat. Il existait 7 343 établissements d’enseignement catholique sous contrat à la rentrée 2019-2020. En contrepartie de l’aide de l’État, qui rémunère les enseignants, et des collectivités publiques, qui participent au financement du fonctionnement, ils sont tenus d’accueillir les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance. Tout nouvel établissement privé doit par ailleurs attendre cinq ans avant de pouvoir passer un contrat avec l’État. Dans les établissements hors contrat, aucun financement n’est reçu de l’État et aucune obligation n’est faite à la structure d’accueillir tous les élèves sans distinction. Les écoles hors contrat ne sont pas non plus contraintes de suivre les programmes ni de respecter les horaires de l’enseignement public. Elles ont seulement l’obligation de permettre aux enfants d’acquérir les connaissances du socle commun de compétences. À la rentrée 2017, l’enseignement privé scolarisait plus de 2,2 millions d’élèves, dont 73 000 (3,3 %) dans des établissements hors contrat.

Plusieurs écoles des dominicaines de Fanjeaux sont soutenues financièrement par une fondation reconnue d’utilité publique, la Fondation pour l’école (FPE). Créée en 2007, elle s’est vu accorder le statut d’« utilité publique » par décret du gouvernement de François Fillon en 2008. Pour une fondation, cela signifie que l’État estime qu’elle est au service d’une cause d’intérêt général, ouvrant la possibilité à un donateur de défiscaliser son don. Les plus aisés, soumis à l’impôt sur la fortune immobilière, peuvent ainsi déduire 75 % du montant de leurs dons de leurs revenus imposables (dans la limite de 50.000 euros).

Depuis sa création, la FPE s’affiche comme un soutien des écoles privées hors contrat en général, qu’elles soient confessionnelles ou non. Elle se décrit comme « apartisane et aconfessionnelle (1)  ». En réalité, elle soutient essentiellement des écoles confessionnelles catholiques, dont beaucoup d’établissements traditionalistes. Précisons que la grande majorité des établissements scolaires catholiques en France, étant des établissements sous contrat avec l’État, ne sont pas concernés par les subventions de cette fondation.

Saint-Pie-X et Saint-Pierre
La Fondation pour l’école ne communique pas publiquement la liste des établissements qu’elle soutient. Nous avons pu, cependant, consulter la liste de ceux qu’elle a financés en 2017. Alors que près des trois quarts des écoles privées hors contrat sont non confessionnelles (2), plus des trois quarts de celles soutenues par la fondation cette année-là étaient catholiques (au moins 60 établissements sur 72 dont nous avons connaissance).

Parmi ces établissements, au moins dix sont liés à la Fraternité Saint-Pie-X. Dix autres sont liés à un autre mouvement traditionaliste, la Fraternité Saint-Pierre, chargée de diriger les établissements ou d’y assurer l’aumônerie. Une aide de la fondation a aussi été allouée à une école liée à la congrégation des Légionnaires du Christ, le collège-lycée de l’Immaculée Conception de Méry-sur-Marne (Seine-et-Marne). Deux anciens religieux de cette congrégation ont été condamnés en 2013 à des peines de prison par le tribunal correctionnel de Meaux pour des abus sexuels sur des collégiens de cet établissement (3), lequel est toujours géré par les Légionnaires du Christ.

Non-mixité et ambiance « virile »
La FPE a par ailleurs versé plusieurs dizaines de milliers d’euros à une école de Bordeaux, le cours Saint-Projet, créé en 2006 (4). Cet établissement, lié à la paroisse traditionaliste Saint-Éloi, a été mis en cause en 2010 dans un reportage de France 2 (diffusé dans l’émission « Les Infiltrés » du 27 avril 2010, voir ici sur youtube) pour des propos antisémites et racistes tenus dans les couloirs (5). Attaqués pour diffamation, France 2 et l’agence qui avait produit le reportage ont été relaxés en première instance et en appel (6). La fondation verse aussi des aides à des maternelles Montessori. Là aussi, la plus grande partie est catholique. Dans certaines, la prière se veut quotidienne, comme à l’école Sainte-Famille de Gap (7).

La charte de la fondation, que les établissements doivent respecter pour être éligibles à son soutien, envoie de discrets appels du pied aux écoles traditionalistes (8). Il y est suggéré de « justifier d’une véritable réflexion sur la question de la mixité » dans le secondaire. Comme les écoles des dominicaines de Fanjeaux, plusieurs structures soutenues sont non mixtes. Au collège Bienheureux-Charles-de-Foucauld de Versailles, catholique, réservé aux garçons et qui a été soutenu par la FPE, la non-mixité est par exemple censée favoriser le travail dans une ambiance « virile » (9).

La charte précise que les établissements doivent également « former l’intelligence, la volonté et la sensibilité de l’enfant en lui transmettant le sens du vrai, du bien et du beau ». Cette trilogie « du vrai, du bien, du beau » est présente dans la communication de plusieurs écoles traditionalistes soutenues par la fondation. Celles des dominicaines de Fanjeaux assurent ainsi vouloir « former la femme chrétienne de demain », dotée d’une « intelligence à enraciner dans le vrai », avec une « volonté à attacher au bien en l’enflammant de l’amour de Dieu » et « une sensibilité à éveiller au Beau ».

Des liens avec l’extrême droite
Certaines écoles financées ont par ailleurs des liens avec l’extrême droite. L’institut Croix-des-Vents, établissement catholique de garçons dans l’Orne, a été directement soutenu par la Fondation pour l’école au moins en 2017. La direction en est assurée par la Fraternité Saint-Pierre. Huit prêtres font partie des encadrants. Cet institut a accueilli en 2019 l’université d’été des identitaires catholiques, Academia Christiana, où l’on disserte sur la « reconquête » face au « grand remplacement ». Le président de ce mouvement, Victor Aubert, est d’ailleurs un jeune enseignant de l’établissement (10).

Un autre membre fondateur de l’Academia Christiana, Julien Langella, également figure de Génération identitaire, participe à des événements de l’Institut Iliade – qui se dit lui aussi contre « le grand remplacement » – où l’on retrouve aussi des représentants du parti néofasciste italien CasaPound ou du mouvement d’extrême droite allemand Ein Prozent.

Selon des informations d’un groupe antifasciste local, un autre établissement scolaire soutenu par la fondation a accueilli le rassemblement d’Academia Christiana en 2020 : l’établissement Notre-Dame-d’Orveau, géré par la congrégation religieuse Sainte-Croix et situé dans les Pays de la Loire (11). L’école primaire de cet établissement, l’école Bienheureux-Basile-Moreau, a reçu une aide de la fondation en 2017.

À Castres, la FPE a aidé financièrement le cours Le Sénevé, créé en 2015. Patrick Canac, l’un de ses fondateurs, et trésorier de l’association qui gère l’école, a été candidat sur la liste du Front national aux élections municipales de Castres en 2001. Son épouse – Françoise Canac – figurait aussi sur la liste municipale FN à Castres, avec Bernard Antony, ancien député européen FN et figure des catholiques intégristes – il est fondateur de l’association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif). Sa fille, Marie-Geneviève Soleil, est d’ailleurs la directrice du cours Le Sénevé (12). Françoise Canac a aussi été la candidate du FN lors des législatives de 2002.

À Nîmes, la Fondation pour l’école a soutenu un établissement non confessionnel, l’EHC Gardoise, ouvert en 2014. Selon des révélations de Streetpress en 2015, ses fondateurs et directeurs, Claire et John Bengtsson, étaient alors les animateurs de la section nîmoise d’Égalité et réconciliation, le mouvement d’Alain Soral, militant d’extrême droite plusieurs fois condamné pour « incitation à la haine » ou « apologie de crimes de guerre et contre l’humanité  » (13).

Dons privés
D’autres écoles hors contrat ont sollicité sans succès un soutien financier. C’est le cas des espaces éducatifs Bricabracs, structure implantée dans les quartiers nord de Marseille et fondée par un instituteur de l’Éducation nationale qui souhaitait mettre en œuvre la pédagogie Freinet. « Il était sanctionné régulièrement. Usé par la hiérarchie de l’Éducation nationale, il en est sorti. Puis, avec un groupe de parents, l’envie est venue de réfléchir à comment faire autrement » , rapporte une membre de la direction de Bricabracs. L’école accueille des enfants de 4 à 11 ans et propose des frais d’inscription relativement bas, 50 euros par mois en moyenne, adaptés aux revenus des familles. Cette accessibilité oblige l’école à demander parfois des aides financières.

« Quand nous avons fait des recherches de financement, nous avons découvert la Fondation pour l’école et déposé une demande. Quand on lit les statuts, on se dit “pourquoi pas”. Puis nous nous sommes posé la question de ce qu’était cette fondation. En regardant de plus près le réseau Espérance banlieues, notamment [un réseau d’écoles privées hors contrats en banlieue, créé par des membres de la FPE et financé jusqu’en 2019, NDLR], nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas du tout sur la même ligne. Nous, nous sommes d’inspiration libertaire. Nous n’avons plus demandé d’aide à la FPE depuis, même si nous avons besoin d’argent. »

Parmi les établissements dont les demandes ont été refusées en 2017, et dont nous avons connaissance, on trouve une école primaire juive, une école Montessori non confessionnelle, une école bilingue non confessionnelle, une école non confessionnelle destinée aux enfants dits précoces.

Dans l’enseignement privé hors contrat, les frais d’inscription payés par les parents varient selon les écoles. Mais ils se situent la plupart du temps dans une fourchette allant de 200 à 400 euros mensuels. En l’absence de financement public, les dons privés, dont ceux de la FPE, peuvent donc représenter une part significative du budget. En2017, la fondation et ses filiales ont versé plus de six millions d’euros de dons à des établissements. Certains ont reçu plusieurs dizaines de milliers d’euros. Dans le même temps, le nombre de structures privées hors contrat n’a cessé d’augmenter (14).

La FPE a également créé ou pris sous son aile treize fondations dites abritées, qui bénéficient de l’expertise de la fondation mère et de son accompagnement, notamment pour la gestion. Elle peut recevoir des dons défiscalisés pour ces fondations abritées (Espérance banlieues, créée en 2012, en faisait partie jusqu’en 2019). Au moins cinq d’entre elles ont un lien avec l’Église ou affichent un positionnement clairement catholique.

La Fondation Alliance Plantatio, abritée par la FPE depuis deux ans, récolte ainsi des fonds pour l’institut du même nom. Celui-ci « a pour mission de contribuer au renouvellement de l’enseignement catholique français en formant des cadres excellents sur le plan académique mais aussi profondément engagés dans la mission de salut de l’Église (15) ».

Une autre fondation abritée, Kephas, est une émanation directe de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, et elle est située à la même adresse que le siège français de la fraternité. Kephas a pour vocation de rassembler des fonds pour les écoles de la Fraternité Saint-Pierre. Plus de 40.000 euros lui ont été versés par la FPE en 2019, plus de 150.000 en 2016.

La Fondation du Faro, qui accompagne « les établissements scolaires indépendants qui intègrent une vision catholique de l’homme et du monde, situés en région Paca » , a également bénéficié de plusieurs dizaines de milliers d’euros de subventions pendant plusieurs années (16).

C’est un réseau de structures liées entre elles qui se dessine. Le président de la Fondation pour l’école, Lionel Devic, siège ainsi au comité de direction d’Académies musicales, une fondation abritée. Cette structure a pour objectif de développer des écoles musicales comme celle déjà en activité depuis 2014 à Liesse, dans l’Aisne. Cet établissement non mixte pour garçons, hors contrat, fait partie du réseau des écoles catholiques du diocèse de Soissons (17). La Fondation des Académies musicales envisage d’ouvrir une deuxième antenne de ce type dans la Sarthe, à Précigné, dans des bâtiments « confiés par la congrégation des Marianites de Sainte-Croix » , par le biais d’une société civile immobilière dont le directeur de l’Académie musicale de Liesse est aussi le gérant (18).

On trouve encore la Fondation Pro Liberis, qui fait peu de publicité sur ses activités. Elle attribue des bourses aux familles pour financer leurs frais d’inscription dans des écoles hors contrat. Montant des dons versés par la FPE à Pro Liberis en 2019 : plus d’un demi-million d’euros, tout comme en 2018, 2017 et 2016… Or, selon un audit réalisé en 2019 sur les liens entre la FPE et la fondation Espérances banlieues, cet argent versé à Pro Liberis va en partie aux associations gestionnaires des écoles des dominicaines.

Une autre structure, la fondation Les 20 Cœurs, hébergée depuis 2018, a pour objectif d’éduquer des enfants, des jeunes et des adultes en situation de handicap. Elle se définit comme agissant « dans une approche chrétienne de la personne » (19).

Financer la formation de trente prêtres par an
Les versements aux fondations abritées sont pour partie placés sur un fonds de dotation. Celui-ci est hébergé par le groupe Meeschaert, un gestionnaire d’investissements (20). Selon nos informations, le fonds en question s’appelle Proclero, « pour le clergé » . Créé en 2012, il « vise à contribuer au financement de la formation des prêtres de la Communauté Saint-Martin ». Le gestionnaire Meeschaert reverse une large quote-part de sa rémunération de gérant à cette communauté religieuse. « Avec un encours de 100 millions d’euros, la société de gestion pourra, avec l’aide des souscripteurs et de manière indolore pour eux, financer la formation de plus de trente prêtres par an » , explique la Communauté Saint-Martin (21).

Une partie des dons versés à la Fondation pour l’école, défiscalisés à 75% quand il s’agit de riches donateurs, vont donc indirectement, via ce fonds de dotation et la société qui le gère, financer la formation de prêtres par un séminaire catholique. La porosité entre Proclero et la FPE va par ailleurs au-delà des flux financiers : au comité exécutif du fonds Proclero siégeait en 2019 un ancien trésorier de la fondation, Pierre de Lauzun (22). Contacté, ce dernier dément avoir participé à une quelconque prise de position sur l’orientation des investissements. Le président de la Fondation pour l’école, Lionel Devic, siège lui aussi, selon nos informations, au conseil de surveillance du fonds Proclero.


Que sont les Fraternités Saint-Pie-X et Saint-Pierre ?

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X est fondée par l’archevêque Marcel Lefebvre en 1970. Celui-ci est excommunié par le Vatican en 1988 pour avoir nommé des prêtres sans l’autorisation de sa hiérarchie. Cette communauté intégriste refuse le dialogue interreligieux, la liberté religieuse et l’abandon du latin dans la célébration de la messe. L’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, est l’un de ses principaux lieux de culte. Un prieuré niçois de la fraternité, le prieuré Saint-Joseph, abritait l’ancien milicien lyonnais Paul Touvier, recherché pour crimes contre l’humanité, jusqu’à son arrestation en 1989. Le district de France de la Fraternité Saint-Pie-X et ses « communautés amies », comme les Dominicaines de Fanjeaux, gèrent des dizaines d’écoles privées hors contrat.

La Fraternité sacerdotale Saint-Pierre est une société de prêtres et de séminaristes traditionalistes qui ne sont pas en rupture avec le Vatican. Elle a été fondée en 1998 en Allemagne par d’anciens membres de la Fraternité Saint-Pie-X ayant refusé le schisme. En France, la Fraternité Saint-Pierre dirige six établissements scolaires privés hors contrat et exerce l’aumônerie dans une vingtaine d’autres.

NOTES
voir sur site https://www.politis.fr/articles/2020/11/des-ecoles-dun-autre-age-42531/

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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
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