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 Pol pot et les Khmers rouges

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Finimore
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Finimore
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   Posté le 30-06-2006 à 16:17:43   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

L'anniversaire des 30 ans de la prise de Phnom Penh par les Kmers Rouges au Cambodge en 1975, est l'occasion de revenir sur une histoire tragique.
Pourquoi revenir sur cette histoire ? Tout simplement parce qu'elle nous concerne et qu'elle nous interpelle ! Elle nous interpelle sur la politique du PCK -Parti Communiste du Kampuchéa-, sur ses racines idéologiques, sur l'Etat -sous direction KR- et la répression de la période 75-78.
Je tiens avant tout à préciser mon rejet des conceptions politiques et des pratiques mises en oeuvre par l'Etat KR entre 1975-1978, qui se sont soldé par un échec et une tragédie sur le plan humain.

Cet anniversaire est présenté dans les médias en termes de « génocide » et de millions de morts. En dehors du fait que la bourgeoisie, trouve là un moyen pour faire de l'anticommunisme à bon compte, qu'en est-il réellement ? Peut-on dissocier les faits des déformations ?, Quel était le contexte ? Quels sont les aspects occultés par les médias ?

Peut-on parler de cette histoire terrible, sans tomber dans la caricature ?
Oui, si nous évitons deux écueils :
-le bilan bourgeois purement anticommuniste. Il nécessite d'aller au-delà et de ne pas nous satisfaire de celui-ci fait par la bourgeoisie sur la période ou le PCK à dirigé le Kampuchéa -1975-1978-
-le bilan trotskiste ou PCF. Qui est assez ressemblant car pour ceux-ci, l'affaire est entendue les KR ne sont que des maos-staliniens, des fous furieux qui n'on rien à voir avec le communisme !
Ce bilan là, ne nous apprend strictement rien ! Il évacue la question, et de plus, dans le cas du PCF, il occulte totalement le fait que les dirigeants du PCK ont pratiquement tous été formés dans les écoles du PCF (Université Nouvelles) et même certains en ont été membre.

Pour moi, on ne peut occulter les origines et les conceptions politiques du PCK, par des pirouettes du style « les KR n'avaient rien à voir avec le marxisme-léninisme ».
Donc se pose clairement la question du bilan politique ML sur cette histoire.

Quand Amilcar disait « la lutte de libération des khmers rouges contre l'occupant américain, d'ailleurs cote a cote avec les communistes du Vietnam et du Laos est exemplaire. Par contre ce qu'il ont fait après.....ce sont au mvt communiste ce qu'est Al Quaida a l'islam....leur "socialisme" etait ultra gauchiste et ultra nationaliste. » Je lui ai répondu en rappelant l'existence de 2 textes publiés par des ML « C'est juste, et c'est d'ailleurs ce que disait les 2 articles critiques du PCRml et de l'UCFML en 79 et 80. ».
Plus loin dans la réponse à Amilcar, je précisais « Il ne faut pas se voiler la face le problème sur ce sujet, c'est que c'est la bourgeoisie qui a fait son bilan politique des KR. Les ML et les maoïstes ont très peu écrits là-dessus. L'article de la brochure de l'UCFML reprise par EP-Infos précisait " La dialectique marxiste part des faits. C'est à partir de faits politiques massifs qu'elle peut fixer les étapes d'un processus. Le bilan d'une expérience révolutionnaire ne se fait pas n'importe quand, comme le croient les bourgeois et les trotskystes. Il se fait à partir des ruptures qualitatives internes à cette expérience. " ».

Pourquoi l'absence d'un bilan ML sur ce sujet ? Pourquoi ce déficit d'analyses sur les KR ou le PCK de la part des communistes ? Quelles en sont les conséquences, sinon que la bourgeoisie, du fait de ce déficit de réflexion sur l'ensemble de cette période, peut se permettre d'imposer son point de vue, son seul bilan.

Finimore


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   Posté le 30-06-2006 à 16:18:55   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

1975 c'est l'année d'une double défaite de l'impérialisme américain, la fin de la guerre du Vietnam et la prise du pouvoir par les Khmers Rouges au Cambodge.
Les impérialistes vaincus vont déchaîner en 1975, une campagne médiatique de haine contre ceux qui ont oser lutter les armes à la main contre eux. La presse se déchaîne de L'AURORE au FIGARO en passant par le torchon fasciste MINUTE qui en couverture annonce en titre « Sommes-nous encore capables de défendre nos nationaux ? » »« les otages de Phnom Penh » « chantage au silence. Massacres en ville. Un camouflet pour la France » « Quatre millions de citadins jetés sur les routes. Le Cambodge livré à une impitoyable révolution paysanne. 300 cadavres, gorge ouverte, sur le marché de Phnom Penh ».

Avant de voir comment les communistes ML, vont réagir devant ce déferlement de haine de la part de ceux qui ont constamment fait silence sur la réalité de cette guerre (massacres, bombardements, destruction au napalm etc...), voici un article provenant d'un hebdomadaire d'obédience écologiste et anarchiste, qui rend compte assez justement du contexte de l'époque.

LA GUEULE OUVERTE N°53 -14 MAI 1975-

« MAI 75 AU CAMBODGE

Depuis huit jours, la presse française chauffait ses lecteurs à blanc : au Cambodge, il se passait des horreurs pas racontables, des pogroms de blancs tout-à-fait insoutenables. La vie des « otages » était en danger. On ne pouvait rien vous dire encore sous peine d'extermination des réfugiés de l'ambassade. Mais dés que le dernier rat aurait franchi la porte de la dernière écoutille, alors là, vous alliez être servis. On là été. Vendredi matin, la première édition du Figaro levait enfin la « censure humanitaire » que respectaient nos zenvoyés spéziaux : « 300 cadavres, gorges ouvertes, sur le marché de Phnom Penh , des filles violées au tesson de bouteille ». C'était du grand « Hara- Kiri ». Le figaro de vendredi ne fut pas mis en vente en province. On tira vite fait sur une seconde édition expurgée de ces fracassantes révélations. Car c'était une fausse nouvelle. Le journal de M. D'Ormesson avait pris ses désirs pour des réalités. M. D'Ormesson apologiste de la haine, du meurtre et du mensonge, est toujours en liberté.
M. D'Ormesson a montré les fonds de culotte de son libéralisme mondain. C'est pas beau à voir.

N'empêche qu'à Phnom-Penh, un grand vent mauvais a défriché la civilisation occidentale. Les Khmers rouges ont passé les bornes de l'ignominie.
L'évacuation des blancs, à défaut des viols et des carnages attendus par les lecteurs du Figaro ou de France-Soir, a été du dernier pénible : les moustiquaires ! Oui, ils ont été privés de moustiquaires ! On les a contraints à boire de l'eau du Mékong, leurs habits de rechange étaient fripés, les blanchisseries étaient fermées, les khmers se taillaient des sandales dans les pneus des Mercédès, on a trimbalé nos altesses dans des camions mal suspendus, pas climatisés, sur des pistes boueuses. Les zenvoyés spéziaux mal rasés, la voix nouée, ont fait d'hallucinants récits de cet exode dantesque et le consul de France a résumé l'horreur de la situation d'un mot : « on est plus des hommes ». Sous-entendu : on nous traite comme des bêtes.
Pendant des années, les « coopérants » blancs de ces pays asiatiques ont vécu dans le velours, pillant ces terres hospitalières peuplées de gens nonchalants, couvrant tous les massacres de jaunes, bénissant les bombardiers de leurs goupillons civilisés-chrétiens, fastueuses orgies de piastres et de petites putes expertes. Et on les prive de moustiquaires !
Pendant des années, les journaux occidentaux, tous les journaux, ont appelé les nazillons Thieu et Lon Nol « Monsieur le président » et ont couvert d'anathèmes sanglants les fourmis rouges qui crevaient dans les rizières pour chasser l'envahisseur. Et aujourd'hui que les cruels soldats khmers triomphent, on prive ces journaux de sensationnel : pas d'exécutions sommaires, pas de bain de sang, même pas un demi-viol, rien que la traditionnelle hospitalité cambodgienne rendue austère par le radicalisme des khmers qui ont raccompagné leurs bourreaux à la frontière, sans méchanceté, mais fermement. Les journalistes frustrés remballent leurs adjectifs flétrisseurs. Ce sera pour la prochaine révolution…

Mais par contre, quelle leçon de ces paysans khmers en guenilles, de ces révolutionnaires en culotte courte, de ces paysans déportant une ville entière à la campagne dans le pur style Alphonse Allais.
Si massacre il y eut, ce fut un massacre des symboles, un massacre de l'objet. Une révolte radicale, prolongement de la révolte noire de Watts au USA et en quelque sorte aussi de mai 68 en France, contre la société de consommation, contre ce règne de la pacotille où trône la marchandise. Là est le vrai sacrilège pour un esprit occidental (bourgeois ou non). On peut exécuter, fusiller, violer, ce sont là les règles d'un jeu où la « civilisation » occidentale n'a pas donné sa part aux cochons, à croire qu'elle l'a inventé, ce jeu, avec ses millions de morts-pour-des-prunes dans les dernières guerres mondiales, avec Hiroshima et ses radieux prolongements dissuasifs. Mais piller les magasins, brûler les bagnoles, pisser sur le matériel hifi, casser les montres, bref tourner le dos au « progrès industriel » et au catalogue de la Redoute réunis, alors là, c'est vraiment un CRIME ! (*)

L'Occidental et son sens du sacré en frémit d'horreur: la propriété privée a été démas- quée pour ce qu'elle est: une loi de la jungle, pleine de vide et de fureur, respectée par des idiots. Les paysans khmers envahiraient la France, ils enverraient la rédaction du Nouvel Obs, (temple moderne de l'objet), repiquer les poireaux, et le spectacle des Parisiens binant les champs de patate et sarclant les plaines de la Beauce ne manquerait pas de sel. Ah, voir les bourgeois de St Germain en Laye partant sur les routes relayer les mineurs de Lorraine, J.J.S.S. en maillot de corps trimant à Usinor et Giscard à la plonge de la cantine, voir ça une fois et mourir I Mais ne rêvons pas ! La classe révolutionnaire française est à créer. Il n'y a rien à attendre de la social-démocratie adipeuse qui louche sur le trône giscardien. Certains écologistes ont cru longtemps, non sans naïveté, qu'ils pouvaient espérer de la Gauche qu'elle comprit, ne serait-ce que vaguement, les enjeux nucléaires. Les derniers évènements ont levé toute ambiguité : le comité directeur du parti socialiste ne condamne pas l'énergie nucléaire et le parti communiste veut la nationaliser (ah, Maurras !). Ce n'est pas de gaité de coeur qu'on le dit, parce qu'on croyait qu'à défaut d'avoir les mains pures, la Gauche avait un minimum d'intelligence de la situation. Mais les individus qui refusent le meilleur des mondes nucléarisé, militarisé, totalitaire, doivent désormais savoir que la Gauche parlementaire a rejoint le camp ennemi. Le directeur de Westinghouse, trust multinational du nucléaire, l'a déclaré franchement à l'Express: " l'avantage de l'atome est de s'adapter à l'organisation actuelle de la société industrielle ". (L'Express, 12 mai, page 113). Voilà qui est parlé sans fards ! Le nucléaire est la roue de secours du capitalisme, ou plutôt de la techno-mondialocratie qui étend son pouvoir sur le monde, toutes idéologies confondues. L'atome s'adapte à la société et les sociétés s'adapteront à l'atome. Toutes les sociétés !

Alors les exégètes de la Gauche, si on mettait sa montre à l'heure ! Croyez pas que le temps presse ! Regardez les khmers: ils n'ont pas remplacé Lon Nol par Sihanouk, Giscard par Mitterrand. Ils se sont pris en main. Arrêtez donc de renforcer les mythes du chef, de la hiérarchie, du travail salarié. Déjà Adolf Hitler pointe sous Marcel Boiteux, et vous n'avez rien vu ! Vous vous abritez derrière les somnolences de la majorité silencieuse comme Pétain se cachait derrière les renoncements de la sienne. Vous laissez les écologistes prendre le maquis tout nus contre les armées de la technocratie. A la Libération, vous n'aurez pas assez de jambes pour filer en Thailande !

Arthur

* « Faudrait pas pousser bien loin l'analyse pour voir également le communisme occidental condamner ses actes impies. Si « L'HUMANITE » relève fort justement la crapulerie du « FIGARO », elle ne dit rien du sens exacte de la révolution cambodgienne. Les khmers ont défoncé au bulldozer l'ambassade d'URSS.
« Du passé, faisons table rase » C'est Marx et Lénine qui serait heureux !. ».

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Cet article montre déjà les manipulations à l'époque (1975) dont sont capables les journaux comme « Le Figaro », et aussi comment fut perçu par une frange du courant écolo-anar la prise du pouvoir par les KR.
Je précise que le journal « La Gueule Ouverte » était d'obédience écologiste, antinucléaire et que certain rédacteur comme Arthur était très proche des anars. La GO fut crée en 1972 par un journaliste de Charlie Hebdo -Pierre Fournier-.

Finimore


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   Posté le 30-06-2006 à 16:20:10   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Voici quelques éléments sur le sujet des KR au Cambodge. Je me suis servi en partie du dossier d'EP-Infos n°13.
Je publierai plus tard deux analyses critiques des marxistes-léninistes sur les KR en date de 1979 et 1980.

La solidarité totale avec la lutte des peuples des pays de l'ex-Indochine (Vietnam-Laos-Cambodge) notamment contre l'impérialisme américain est une donnée constitutive de l'engagement militant des premières organisations marxistes-léninistes des années 60 en France.

Ce fut déjà la solidarité concrète avec le peuple vietnamien et Ho Chi-Minh, puis avec la lutte du peuple cambodgien et de ses organisations de libération comme le F.U.N.K. et les F.A.P.L.N.K.

Comment s'est manifesté cette solidarité ?
-Par la création d'organisations de masse (comme par exemples : les Comité Vietnam de Base ou les Comités Indochine-Palestine...)
-Par des manifestations et des meetings
-Par le placardage d'affiches, le bombage de slogans sur les murs, la publication de dossiers et d'articles de presse, la diffusion de brochures, de journaux...
-Par les contacts avec des représentants du FNL -Vietnam- ou du F.A.P.L.N.K. -Cambodge-

Ce soutien et cet engagement militant des ML s’est construit principalement sur la base de :
-Les peuples d'Indochine vaincront !, FNL vaincra !, la guerre révolutionnaire du peuple est invincible !

La fin de la guerre du Vietnam et la victoire du F.U.N.K. au Cambodge, va irriter les bourgeois, les colonialisme français et l'impérialisme américain. Une campagne haineuse de dénigrement contre les peuples Vietnamiens et Cambodgiens va être lancée. Certains anticommunistes vont d'ailleurs pendant un temps soutenir tactiquement le Cambodge contre l'URSS devenue social-impérialiste.
La « presse » se déchaîne de L'AURORE au FIGARO en passant par le torchon fasciste MINUTE qui en couverture annonce en titre « Sommes-nous encore capables de défendre nos nationaux ? » » « les otages de Phnom Penh » « chantage au silence. Massacres en ville. Un camouflet pour la France » « Quatre millions de citadins jetés sur les routes. Le Cambodge livré à une impitoyable révolution paysanne. 300 cadavres, gorge ouverte, sur le marché de Phnom Penh ».

La campagne médiatique sur fond d'anticommunisme et de revanche colonialiste va prendre une tournure systématique et organisée (au sujet des Boats People -Vietnam-, et des exactions lors de la libération de Phnom Penh...). C'est aussi la période ou sont mis en avant des thèses violemment anticommunistes (D'ormesson) reprises par de soi-disant « nouveaux philosophes » comme Glucksman ou Bernard-Henri Lévy en 1977.

Face à ce déferlement de haine de la part de ceux qui ont constamment fait silence sur la réalité de cette guerre (massacres, bombardements, destruction au napalm etc...) les communistes ML réagissent dans leurs organes de presse d'alors. Un exemple, l'hebdomadaire FRONT ROUGE organe central du PCRml dans son n°156 du 15 Mai 1975, riposte en publiant en page 8 plusieurs articles « Dénonçons les calomnies et les ragots de la presse bourgeoise ! » « La presse bourgeoise et le Cambodge: intoxication, falsification » « De curieux 'otages'... » « Minute: Pour une opération 'Talon Wise'...'Made in France' ». Talon Wise » est le nom donné par les Américains à l'opération de sauvetage de leurs hommes.
Devant ce flot de violence verbale, de mensonges grossiers et de manipulations, les ML vont faire face en rejetant globalement toutes les critiques faites notamment contre les Khmers Rouges et le pays qu'il dirige.

La période 75-78 est aussi caractérisée:
-par des divisions au sein du mouvement communiste ML international (polémique sino-albanaise).
-par la perception du social-impérialisme soviétique comme de plus en plus agressif.
-par la Chine de Mao, puis de Teng soutenant le régime KR appelé "Kampuchéa Démocratique"
-par des tensions militaires entre le KD et le Vietnam.

Pendant la période 75-78, le PCML va apporter son soutien total au Kampuchea Démocratique. Une délégation du PCML va être reçue par les dirigeants du Parti Communiste du Kampuchéa. Cette délégation qui a séjourné du 9 au 16 septembre 1978 était la première délégation française à se rendre dans ce pays, depuis la libération de Phnom Penh, le 17 avril 1975. Le soutien au PCK se fera principalement sur la base de la « théorie des 3 mondes » chère à l'Etat chinois (n'oublions pas l'intervention de l'armée chinoise au Vietnam qui aura lieu en février 1979 ) et au nom du combat contre « la superpuissance social-impérialiste soviétique » notamment représentée en Asie du Sud-est par le Vietnam considéré comme « expansionniste » et agent de l'URSS. C'est à cette époque que des « tensions » des « agressions » ont lieu à la frontière entre le Vietnam et le Cambodge. Ce qui se traduira par une intervention militaire directe du Vietnam au Cambodge.

« Prolétariat » -revue du PCML- n° 18 quatrième trimestre 1978, titre « Asie du sud-est jusqu'où ira le Vietnam », dans son édito nous pouvons lire en page 5 « Les impérialistes américains ont été chassés du Vietnam, du Laos, et du Kampuchéa depuis plus de trois ans ; ils ont perdu du terrain dans d'autres pays de la région qui furent autrefois leurs avant-postes. L'heure de la paix et de la sécurité a-t-elle enfin sonné dans le Sud-est asiatique ? Nullement. Dans le cadre de sa stratégie de domination mondiale, le nouvel impérialisme soviétique s'efforce de s'infiltrer dans la région et de la contrôler : c'est la cause principale des troubles et des tensions qui l'agitent ces derniers mois. L'histoire est dure aux peuples d'Asie du Sud-Est; hier sorti victorieux d'une guerre dévastatrice et meurtrière, le peuple du Kampuchea doit aujourd'hui reprendre les armes pour défendre l'indépendance de son pays. Ce faisant, il se tient à l'un des premiers fronts de la lutte anti-hégémonique aujourd'hui. Cette fois encore, le soutien de notre Parti lui est acquis sans réserves : il faut organiser sans attendre la solidarité à sa lutte. » (...) « Mais les choses ne sont pas si simples. Depuis le printemps 1975, une campagne sans précédent s'est déchaînée contre le Kampuchea Démocratique en Occident, et particulièrement dans notre pays. Comme les révolutions soviétique et chinoise en leur temps, la guerre de libération victorieuse, du peuple du Kampuchéa, sa révolution socialiste engagée sont aujourd'hui couvertes de saletés abjectes, de mensonges grossiers et stupides, d'injures et de haines. Rien n'y fait, ni les témoignages directs de ceux qui reviennent du Kampuchea Démocratique, ni les indications de ses propres dirigeants : on déforme les faits, on calomnie à longueurs de colonnes et d'antennes.
Il y a bien une mauvaise intention là derrière. Or au même moment, alors que cette campagne reprend de plus belle en ce début d'automne 1978, des divisions vietnamiennes se pressent à la frontière du Kampuchéa, un pont aérien de Moscou à Hanoï débarque du matériel militaire et des 'conseillers', les troupes vietnamiennes multiplient les incursions et les préparatifs pour une nouvelle agression d'envergure. »
la suite de l'article revient sur la campagne médiatique « anti-cambodgienne » et dénonce par avance la future intervention du Vietnam au Cambodge.

Début 1979, le Vietnam au nom de la lutte contre les crimes KR, envahi le Kampuchéa/Cambodge.
Le PCML soutiendra le Comité des Patriotes du Kampuchea en France tandis que l'UCFML lancera les Comités Kampuchéa Vaincra.

Finimore


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   Posté le 30-06-2006 à 16:22:03   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Voici un article inédit sur internet, datant de mai 1979, cet article critique d'un point de vue ML la politique des KR et du PCK.

Article du PCRml extrait de « LA VIE DU PARTI » n°37 (mai 1979).

A propos du P.C.K.

Le Comité Central a examiné les interrogations qui peuvent exister sur la nature même du PCK (Parti Communiste du Kampuchéa), compte tenu surtout des erreurs qu'il a pu commettre et qui ont été largement répercutées si ce n'est démesurément amplifiées par les moyens d'information. Nous devons écarter toute démarche métaphysique qui consisterait à décerner le « label » de communiste, à partir d'une série de critères préétablis auxquels il faudrait se conformer. Nous savons que l'édification d'un parti communiste n'est pas quelque chose de figé, de donné d'emblée, qu'il s'agit de tout un processus, d'une lutte permanente. A partir du moment où un parti, comme le PCK, se réclame du marxisme-léninisme, se fixe dans son programme, comme objectif, l'édification du socialisme, la dictature du prolétariat pour l'avènement du communisme, nous devons examiner sa pratique, sa participation, depuis sa création (1960) à la lutte de classe dans son pays, les tâches révolutionnaires qu'il a prises en main en les rapportant aux conditions concrètes du pays, à chaque étape. Pour apprécier la pratique du PCK, il est donc nécessaire de prendre en compte ses différents aspects, à chaque moment dans l'ensemble de son histoire. Rappelons quelques données.

LA PERIODE DE LA RESISTANCE A L'IMPERIALISME US

D'abord, la résistance opposée à l'intervention directe de l'impérialisme US durant cinq années de 1970 à 1975, à l'ampleur des moyens de destruction et d'extermination mis en oeuvre par celui-ci, la rapidité - « surprenante » pour les observateurs - avec laquelle l'essentiel du territoire fut libéré, moins de deux ans après le coup d'Etat pro-américain de Lon Nol, la capacité manifestée pour déjouer les manoeuvres de subversion de l'URSS, tout cela ne peut s'expliquer indépendamment du rôle joué dans la conduite de la lutte, par le PCK. La naissance du PCK, dont le congrès de fondation, tenu clandestinement à Phnom Penh, date de septembre 1960, sanctionne une victoire du mouvement communiste du Kampuchéa pour affirmer son autonomie, sa liberté de conduite, hors des pressions extérieures. Si les premières forces communistes au Kampuchéa son apparues dans le cadre du PC indochinois, crée en 1930 par Ho Chi Minh, il est vrai que jusqu'à la fin des années 50, elles ont toujours été tributaires semble-t-il des prétentions vietnamiennes, à régenter le mouvement communiste dans les trois pays indochinois, prétentions qui reflétaient sans doute, aussi bien les déviations de type chauvin que des habitudes du mouvement communiste international à désigner dans chaque région du monde, des partis-pères, coiffant les autres partis. Le regroupement de militants tels que Saloth Sar (ou Pol Pot), Hou Youn, Kieu Samphan, etc..., qui n'avaient pas suivi la voie des militants communistes kampuchéans, rejoignant le Vietnam du Nord, après les accords de Genève de 1954, ou celle des militants se fondant purement et simplement dans le régime de Sihanouk après ces accords, jouera un rôle déterminant dans la fondation, en 1960, du PCK. Dans son premier congrès (1960) le PCK fixant comme objectif premier la réalisation de la révolution nationale et démocratique, se livra, en se référant au marxisme-léninisme, à une analyse de classe de la société du Kampuchéa, et définit la tâche de rassembler toutes les forces du peuple en un vaste front uni dirigé contre l'impérialisme US qui, dés ce moment-là, multipliait les manoeuvres portant atteinte à la souveraineté du pays. Désignant la paysannerie comme force principale, et la classe ouvrière comme force dirigeante, le PCK appelait à constituer un Front incluant les personnalités patriotes, dont Sihanouk. Dans les années 60, le PCK sera partie prenante des luttes politiques de masses de plus en plus importantes, dans les villes et les campagnes, dirigées contre le féodalisme et l'impérialisme. C'est dans cette période que vont apparaître à l'initiative des communistes les premiers foyers de guérilla. Face aux pressions croissantes de l'impérialisme US et au peu de garanties offertes par le régime de Sihanouk au sein duquel les forces pro-américaines tentaient de limiter de plus en plus la marge de manoeuvre du prince, la lutte armée va être déclenchée au début de 1968. Des militants qui, tels Kieu Samphan, participaient dans le cadre du travail légal, au régime de Sihanouk, prennent alors le maquis.

FRONT UNI, ET LUTTE ARMEE

La constitution de bases d'appui, de zones de guérilla sur une partie du territoire, comptant jusqu'à un million de personnes (sur 8 millions d'habitants), la formation d'unités combattantes, - réalité incontestée - fourniront une base matérielle précieuse au rapide développement de la guerre populaire, lorsque les Etats-Unis interviendront directement, avec leurs fantoches de Saïgon, et de Phnom Penh, à partir de mars 70... Et lorsque le 23 mars 70, Sihanouk proclamera à Pékin la formation du FUNK et du GRUNK, les dirigeants du PCK répondront aussitôt positivement à cette initiative qui contribuait notablement à la politique de Front Uni qu'ils entendaient développer. Cette politique, combinée avec le développement de la lutte armée, sera dirigée à l'intérieur du pays par le PCK, dont l'impulsion pèsera de manière décisive dans la réalisation des conditions de la victoire. Les premiers pas de la lutte armée avant 70, puis la part prise ensuite par les communistes kampuchéans dans la lutte, contribueront aussi à ce que rapidement le gros des combats, au Kampuchéa avec l'impérialisme US, soit le fait non d'unités des forces de libération vietnamiennes utilisant le territoire du Kampuchéa, mais de l'armée populaire du Kampuchéa. Le PCK a certainement joué un rôle déterminant pour maintenir ferme la ligne de résistance dans les moments les plus critiques comme le premier semestre de 73 où le peuple kampuchéan avait à faire face aussi bien à la concentration sur le Kampuchéa des bombardements US en Indochine (après les accords de Paris entre les Etats-Unis et le Vietnam) qu'à la multiplication des manoeuvres de l'URSS - qui maintiendra jusqu'à la libération de Phnom Penh, ses relations avec les fantoches - pour mettre sur pied une prétendue « troisième force ». La libération de Phnom Penh de la domination US, le 17 avril 1975 -deux semaines avant la défaite américaine à Saïgon- résultat d'une longue offensive dont le plan -devait être mis au point en juin 1974 par le Comité Central du PCK- marquera une étape nouvelle dans la lutte du peuple du Kampuchéa.

AVRIL 1975 : UNE NOUVELLE ETAPE

La période qui s'ouvre, et qui va de la libération de Phnom Penh en avril 1975, à l'invasion vietnamienne de janvier 1979, est celle visée par la plupart des critiques ou des condamnations portées contre le PCK. Les tâches qui se présentent à ce moment sont celles de l'édification d'une économie indépendante, l'ébauche de la construction d'une société socialiste, dans un pays qu'il faut relever de ses ruines et d'une misère que la guerre a décuplée. Le pays a été dévasté par la politique de « terre brûlée » des Américains, tandis que la moitié de la population, fuyant les bombardements US, d'une intensité inouïe, s'était regroupée dans Phnom Penh, ou à ses abords immédiats.

UNE LUTTE CONTRE LES RAPPORTS D'EXPLOITATION

De fait, la lutte engagée à partir d'avril 75, pour l'édification du pays, vise clairement la liquidation de toutes les tares léguées par la société féodale, et de toute forme d'exploitation. Il n'est pas anodin d'observer que parmi les accusations portées contre le régime du Kampuchéa démocratique, s'il est fait état de « méthodes dictatoriales », il n'est jamais question de la constitution d'une nouvelle caste ou classe privilégiée, les critiques évoquent plutôt volontiers, à propos des dirigeants, un mode de vie « spartiate ». Cela reflète assez la difficulté à trouver trace dans la politique menée à partir de 75, du développement de nouveaux rapports d'exploitation, prenant la place des anciens. Si la voie choisie après 75 n'était pas celle de la tentative utopique de réaliser une société purement agraire, ou de rétablir une sorte de société féodale, elle n'était pas non plus celle de la constitution d'une société de type capitaliste d'Etat. Et il est à noter les succès très importants pour l'amélioration des conditions d'existence du peuple, remportés dans divers domaines. Par exemple la suppression de la famine, liée notamment au développement considérable de la production de riz, depuis la libération de 75, au point de pouvoir commencer à en exporter à partir de 77, et de créer ainsi une source de rentrée de devises ; la suppression de l'analphabétisme ; l'élimination du paludisme, etc... Ces résultats, à porter à l'actif du bilan de trois années du Kampuchéa démocratique, sont d'autant plus significatifs qu'ils n'ont pu être obtenus que sur la base de la mobilisation, en toute indépendance, du peuple du Kampuchéa. La volonté d'indépendance manifestée dans la tentative d'édification d'une société nouvelle est le prolongement de la ligne de conduite indépendante qui avait prévalu dans toute l'étape précédente de la guerre de libération. L'acharnement mis par les expansionnistes vietnamiens dans leurs agressions contre le Kampuchéa, l'ampleur des moyens que ceux-ci ont mis en oeuvre, l'aide et l'encouragement considérables qu'ils ont reçu pour leurs entreprises, de la part des sociaux-impérialistes soviétiques, ne témoignent-ils pas du caractère indépendant de la politique du Kampuchéa démocratique, de l'obstacle que celui-ci représentait pour les tentatives des hégémonistes, de main-mise sur la région, de la contribution que le Kampuchéa démocratique apportait ainsi au mouvement des non-alignés.

DES ERREURS ULTRA GAUCHISTES

C'est dans le cours de cette lutte menée par le PCK, qu'ont été commises de graves erreurs, qui paraissent relever pour l'essentiel du gauchisme. Egalitarisme, tentative de « communisation » rapide de la société par une anticipation gauchiste brûlant les étapes nécessaires, ne prenant pas en compte les contradictions au sein du peuple, assimilées trop souvent à des contradictions avec l'ennemi : voilà qui semble avoir marqué fortement la pratique du PCK, dans le cours de sa tentative d'impulser l'édification d'une société nouvelle, indépendante, socialiste. Certaines manifestations concrètes de ces déviations gauchistes dans la politique du PCK sont bien connues. Par exemple la suppression pure et simple de la monnaie dans les échanges ne prend pas en compte l'état de développement de la base économique, les contraintes, les lois qui la régissent et fait comme si on pouvait les surmonter par un effort volontariste. De même pour la suppression des salaires, qui en découle. Les réponses apportées sur ce point par les dirigeants du Kampuchéa, dont le secrétaire général Pol Pot, lors de la visite de la délégation des journalistes yougoslaves notamment ne paraissent guère satisfaisantes : justifier cette mesure par ce qui pouvait exister dans les zones libérées, durant la guerre de libération contre l'impérialisme US, l'envisager non comme provisoire mais comme durable, apparaissent en décalage par rapport aux exigences concrètes de l'étape. L'évacuation de la population de Phnom Penh et des autres villes, telle qu'elle s'est effectuée, semble bien aussi participer du même type d'erreur. Réduire les effectifs de la population des villes était évidemment une mesure indispensable, une question de survie : si l'on prend le cas de Phnom-Penh, la capitale, elle avait vu sa population passer en quatre ans entre 70 et 75 de moins d'1 million d'habitants à 4 millions, la moitié de la population totale du pays. Il va de soi que ce gonflement artificiel de la capitale, conséquence de la guerre américaine qui faisait fuir la population des zones bombardées vers la capitale -repaire des fantoches, donc non bombardée- nécessitait des mesures d'urgence une fois les Américains battus. Le retour massif et rapide dans les campagnes, les rizières, était bien une nécessité impérieuse. Une nécessité pour pouvoir nourrir la population, jeter les premières bases d'une économie indépendante, pour laquelle les acquis des zones libérées, dans le domaine de la production, constituaient un atout précieux, mais bien incapable de suffire aux besoins d'ensemble. S'il fallait donc agir rapidement sur le rapport villes-campagnes, sur la répartition de la population, le problème posé est de savoir dans quelle mesure, de quelle manière ? il n'aura pas fallu beaucoup plus de quelques jours, en avril 1975, pour que la population de Phnom Penh passe de 4 millions à 20 ou 30 000 habitants, essentiellement concentrés dans des activités industrielles de la banlieue de la capitale. L'ampleur et la hâte combinées, de l'opération n'ont pas pu être sans conséquences, mettant en cause la vie de nombreuses personnes qui affaiblies par les privations, y compris malades ou blessées, étaient dirigées sur les routes, aux quatre coins du Kampuchéa, vers une campagne où très souvent -suite à la guerre- il fallait, pour la production repartir de zéro, sans matériel adéquat, etc...

LE SORT DES COUCHES CITADINES

Dans ce cadre-là, se pose la question du sort réservé à différentes couches citadines de la population, nullement prêtes ni habituées au travail des champs, et pour qui le départ des villes posait un problème spécifique par rapport aux paysans qui ne s'étaient réfugiés à Phnom Penh, qu'entre 70 et 75, sous les effets de l'agression américaine. La mise en oeuvre de la politique : « tous aux rizières » appliquée à tous sans distinction, contraignait les intellectuels, les couches citadines, bourgeoises ou petites-bourgeoises, celles notamment qui composait la population de Phnom Penh avant l'intervention américaine directe, a bouleversé complètement, de façon expéditive, et sans transition, leur mode d'existence. Et sans non plus que soit réellement envisagé, semble-t-il leur apport possible - grâce à leur instruction, leur formation, leurs connaissances techniques ou autres - à l'édification du Kampuchéa démocratique. Des témoignages abondent, indiquant par exemple comment des médecins, dans le cadre de la politique égalitariste menée, se sont trouvés contraints de se consacrer exclusivement aux travaux rizicoles. La manière dont ont pu être traitées certaines couches de la population, soumises ainsi à la coercition, revenait à les traiter en ennemis.

LES REPRESAILLES

Que des militaires, des fonctionnaires, des cadres du régime Lon Nol aient fait l'objet de représailles, que les villes, où les fantoches avaient installé leurs quartiers avec leurs partisans, et se livraient à de florissants trafics avec l'occupant, soient apparues comme des univers de corruption aux yeux des patriotes qui durant quatre ans, dans le maquis, avaient supporté le poids de la guerre, rien de surprenant. Rien de surprenant à ce que des résistants aient voulu régler leurs comptes avec un certain nombre de « collabos ». Mais, que le nouveau régime ait, comme cela semble avoir été le cas, étendu les représailles en procédant à de nombreuses exécutions, cela revenait à sous-estimer les possibilités de rallier ou de neutraliser un certain nombre de gens qui sans être des tortionnaires du régime Lon Nol, avaient entretenu plus ou moins de relation avec lui.

LES PERSONNALITES PATRIOTES

A fortiori, le traitement réservé à des personnalités patriotes, qui avaient combattu Lon Nol et les américains, témoigne de la mauvaise résolution des contradictions au sein du peuple, de la tendance à élargir la cible de la révolution et à réduire le camp du peuple, en réprimant toute force politique, toute expression politique se trouvant en contradiction avec le parti communiste. Les aspects largement positifs du Front uni, durant la période de guerre de libération anti-américaine, semblent disparaître au lendemain de la libération, alors qu'une politique de front uni, réajustée en fonction de la nouvelle étape, et faisant converger des forces de classes, des points de vue différents, vers la réalisation des tâches d'édification de la nouvelle société, restait nécessaire. Le cas de Sihanouk est significatif, si les masses du Kampuchéa n'ont pas oublié que Sihanouk n'a pas hésité, au cours des années 60, à pourchasser les éléments les plus conséquents de la résistance contre la main-mise américaine, et à envoyer l'armée contre les premiers maquis - pas très longtemps avant le coup d'Etat pro-américain de 1970 - elles ne l'appréciaient pas moins, comme personnalité patriote. C'est à ce titre qu'il joue un rôle important et positif de 70 à 75. Sa mise à l'écart de tout rôle politique après cette période reflète une mauvaise résolution des contradictions quel que soit le degré d'opposition de Sihanouk à la perspective socialiste. La tendance à nier l'existence de contradictions au sein du peuple, à les traiter comme des contradictions avec l'ennemi, s'est forcément manifestée dans la manière de traiter les contradictions politiques au sein même du PCK. La disparition de certains dirigeants, tel Hou Youn, un des fondateurs du PCK, ministre de l'intérieur dans le gouvernement de la résistance du Kampuchéa, jusqu'en 75 en est peut-être un exemple.

DES ERREURS EXPLOITEE PAR LES AGRESSEURS VIETNAMIENS

Les méthodes adoptées, face à des contradictions au sein du peuple, le mécontentement, les divisions qu'elles ont pu susciter, ont été exploitées par les agresseurs vietnamiens. Si le FUNSK (Front d'Union Nationale pour le Salut du Kampuchéa) n'est qu'un pouvoir fantoche installé à Phnom Penh, à la pointe des baïonnettes vietnamiennes, il est indéniable que les contradictions non correctement résolues au Kampuchéa se sont traduites entre 75 et 78 par des mouvements de mécontentement, voir des révoltes locales, ou l'entrée en dissidence de certains cadres. Par ailleurs, la mise à l'écart de personnalité comme Sihanouk, bénéficiant d'un grand prestige international, s'ajoutant à une certaine tendance à confondre la politique de compter sur ses propres forces avec l'autarcie, ceci combiné avec l'exploitation par les mass média impérialistes des erreurs au plan intérieur, tout cela contribuait à créer un terrain favorable au Vietnam et à l'URSS pour tenter d'isoler le Kampuchéa vis-à-vis de l'opinion internationale. Les agresseurs vietnamiens ont donc pu bénéficier des erreurs du PCK pour développer leur entreprise. Ces erreurs liées pour une part à la faiblesse du poids du prolétariat au sein de la société du Kampuchéa, à la faiblesse du PCK, dans sa capacité à maîtriser correctement les contradictions au sein de la nouvelle société kampuchéane, n'ont cependant pas empêché le PCK de s'affirmer comme le fer de lance de la résistance à l'agression vietnamienne. Et cela est un élément décisif dans l'appréciation que l'on doit porter sur ce parti.

LE PCK DANS LA NOUVELLE RESISTANCE

Le fait que la résistance se soit organisée, développée depuis janvier, et qu'elle ait pu porter des coups sévères aux agresseurs, est une indication importante sur les rapports existants entre le PCK, le régime du Kampuchéa démocratique et les masses du Kampuchéa. Si le PCK et le régime installés à Phnom Penh, depuis avril 75, n'avaient été - comme les ont présentés nombre d'observateurs en parfait accord avec la propagande vietnamienne et soviétique - que des instruments de coercition, de dictature sur les masses, les exploitant et les opprimant, ils auraient du disparaître complètement et rapidement sous les coups des agressions vietnamiennes et de leurs fantoches, et le peuple aurait dû se rallier à ses « sauveurs inespérés ». Mais, il n'en a rien été. Depuis janvier, Phom Penh est toujours vide, comme l'ont montré plusieurs reportages, la population n'y est pas revenue ; les vietnamiens ne contrôlent que des villes vides et des grands axes de communication, d'ailleurs constamment coupés par les patriotes du kampuchéa. D'importantes batailles ont été menées par la résistance, et la protection massive et rapprochée de la capitale lors de la visite du premier ministre vietnamien, Phan Van Dong, témoignait de la vitalité de cette résistance. En témoigne aussi le renforcement constant des unités dépêchées par Hanoï pour l'occupation du Kampuchéa. Face à la récente offensive vietnamienne, à proximité de la frontière thaïlandaise, on a vu aussi la population cambodgienne passée en Thaïlandaise, pour échapper aux agresseurs, regagner rapidement le Kampuchéa dans les zones de résistances tenues par l'armée révolutionnaire que dirige le PCK, et non pas s'installer dans les camps de réfugiés de Thaïlandaise. En janvier, Sihanouk, interviewé à New York, sans rien minimiser de ses critiques à l'égard du régime du Kampuchéa démocratique avait souligné que les « khmers rouges » n'avaient pas besoin de volontaires extérieurs, qu'ils avaient « assez de paysans avec eux ». Tout cela indique une réelle adéquation entre une large partie des masses et le PCK. Celui-ci s'est engagé dans la réalisation des tâches de la nouvelle étape caractérisée par la lutte contre l'occupation étrangère. Il développe son activité comme l'indiquent ses dirigeants et comme le montrent les développements de la résistance, dans la perspective de mener une guerre prolongée, mettant en oeuvre les principes de la guerre du peuple. Si l'on prend en compte l'ensemble des éléments dont nous disposons sur l'histoire du PCK, et sur la lutte qu'il a menée et qu'il mène depuis sa création, il apparaît que le PCK a effectivement pris en mains, aux différentes étapes, les tâches qui incombaient au parti communiste : Lutte contre l'impérialisme et le féodalisme, guerre de résistance à l'agression américaine, ébauche d'édification d'une société nouvelle libérée de l'exploitation, puis nouvelle guerre de résistance contre l'occupant vietnamien. Il a joué un rôle décisif dans l'impulsion, l'organisation et la victoire de la guerre populaire contre l'agression américaine et il assume aujourd'hui la direction de la résistance populaire à l'occupant vietnamien. Certes il apparaît qu'il a commis des erreurs graves, de caractère ultra-gauchiste, notamment dans la période 1975-1979. Mais ces erreurs, nous devons les considérer comme appartenant à nos erreurs, à celles que peuvent commettre, dans leur lutte, les communistes. Elles n'ôtent pas au PCK son caractère de parti communiste, qui pour s'édifier devra nécessairement tirer la leçon de ces erreurs et les surmonter.

---
L'article ci-dessus resitue le problème de la nature du régime KR, de la politique du PCK dans son contexte, il ne fait pas l'impasse sur la question de la répression.

Finimore


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Finimore
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   Posté le 30-06-2006 à 16:23:08   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Voici un article de l'UCFML sur le KR.

--
Article (mai 1980) du Groupe pour la fondation de L'UCFML (l'Union des
Communistes Marxistes-Léninistes de France), extrait de la brochure « La question nationale aujourd'hui: Cambodge - Iran - Afghanistan - Pologne ». Editions Potemkine

SUR LA POLITIQUE DES KHMERS ROUGES
(Mai 1980)

1

Notre politique en ce qui concerne la situation au Kampuchéa est claire et nette : nous soutenons la résistance armée du peuple khmer contre l'invasion vietnamienne. Nous soutenons les Khmers rouges, qui sont la force principale, et la force politique dirigeante, de cette résistance.
Pour soutenir de façon indépendante et efficace les khmers rouges dans la phase actuelle - guerre populaire prolongée contre l'envahisseur vietnamien -, il est nécessaire d'avoir une analyse périodisée de leur action politique.
C'est cela qui fonde le caractère marxiste de notre propre intervention
internationaliste. C'est nécessaire pour que notre intervention, en tant
qu'organisation de type parti, soit indépendante, étayée sur notre
propre expérience, homogène à notre ligne générale. C'est nécessaire
aussi parce que les bourgeoisies tentent d'organiser l'opinion contre
les khmers rouges en fusionnant toutes les étapes, et en répandant, sur cette base, force mensonges, qui convergent vers l'acceptation de
l'invasion, vers la capitulation face au social-impérialisme.
Il y a quatre étapes dans l'action des khmers rouges:
-a) de 61 à 70, création, difficile, du PCK, qui témoigne d'une volonté
farouche d'indépendance par rapport au parti Vietnamien. La lutte armée contre Sihanouk est engagée alors que le PCV souhaiterait, vu ses propres intérêts nationaux qu'elle ne le soit pas. C'est donc une phase d'apparition d'une direction politique populaire proprement nationale, dans un contexte « encore limité » de guerre civile révolutionnaire.
-b) de 70 à 75, le PCK joue un rôle déterminant dans la guerre de
libération nationale contre l'envahisseur américain et son fantoche Lon
Nol. Conformément à l'enseignement maoïste, la guerre de libération est menée dans le cadre d'un front uni avec l'adversaire de la veille
(Sihanouk), les khmers rouges conservant leur autonomie politique et
militaire. Les démêlés avec les Vietnamiens se poursuivent, à
l'intérieur d'une alliance objective contre les américains. Notre
brochure donne, sur ces deux périodes, tous les repères historiques, et les documents indispensables.
-c) de 75 à la fin de 78, les khmers rouges entreprennent une
gigantesque révolution sociale. Evacuation des villes, système
généralisé de coopératives collectivistes, suppression de la monnaie
etc... Les forces politiques alliées dans la période précédente, les
sihanoukistes, sont neutralisées ou éliminées. L'affrontement avec les
Vietnamiens se poursuit sous diverses formes.
- À l'intérieur, tentatives répétées de coups d'Etats, entraînant,
surtout, semble-t-il, à partir du début de 77, des épurations et
répressions considérables, y compris à l'intérieur du PCK et de l'armée.

- À l 'extérieur, escarmouches constantes sur la frontière, maintien
d'un lourd dispositif militaire de défense.
-d) De janvier 79 à aujourd'hui, invasion vietnamienne. Nouvelle phase
de guerre de libération nationale. Les khmers rouges proposent un vaste front uni sur la seule base de la volonté de résistance, et annoncent pour l'avenir une phase de démocratie bourgeoise (élections libres sous le contrôle de l'ONU).

Nous voudrions ici spécifier notre méthode, et nos premières
conclusions, en ce qui concerne la troisième période (75-79), et surtout quant aux articulations de cette période avec celles qui l'encadrent.
Nous posons finalement deux questions:
- Dans quelles conditions politiques les khmers rouges ont-ils pris le
pouvoir en 75 ?
- Dans quelles conditions politiques ont-ils abordé l'invasion
vietnamienne ?
Tenter de répondre à ces questions éclaire la phase en cours, ses
difficultés, son avenir, et renforce une juste politique de soutien
internationaliste aux khmers rouges, dans les conditions qui sont les
nôtres.

2

Nous posons ces questions aujourd'hui. La dialectique marxiste part des faits. C'est à partir de faits politiques massifs qu'elle peut fixer les
étapes d'un processus. Le bilan d'une expérience révolutionnaire ne se fait pas n'importe quand, comme le croient les bourgeois et les
trotskystes. Il se fait à partir des ruptures qualitatives internes à
cette expérience.
Quelle est la rupture qualitative dont nous parlons ? Celle-ci : il est
clair, après un an de guerre, y compris du point de vue des khmers
rouges, que l'Etat mis en place sous la direction du PCK en 75 s'est
effondré.
Nous ne disons pas que toute forme d'activité étatique a disparu. Il y
a une activité diplomatique. Il y a un territoire contrôlé par la
résistance. Mais ce territoire est dispersé, et constitue plutôt des
bases d'appui pour la guerilla qu'une zone libérée stable. C'est plutôt
les monts Tsinkiang que Yénan. Il y a enfin des activités militaires.
Mais, disent les khmers rouges, plus d'armée régulière : tout le
dispositif a dû être organisé sur la base de petits groupes de guérilla.

Si nous fondons notre analyse de l'Etat mis en place par les khmers
rouges en 75-78 sur l'observation des effets de l'invasion vietnamienne, plan d'épreuve historique matérialiste inévitable, nous constatons:
a- Que les critères majeurs de l'existence d'un Etat ne sont plus
remplis. Il n'y a ni contrôle du territoire, ni armée régulière, ni
politique unifiée. C'est en ce sens que nous parlons d'un effondrement.
b- Simultanément, il faut constater qu'entre la nature de l'Etat en
75-78 et les orientations actuelles du PCK, il y a une mutation
radicale. La tentative collectiviste s'est écroulée. Les khmers rouges
eux-mêmes déclarent renoncer à toute perspective de type socialiste pour une longue période historique.
C'est donc un fait que les khmers rouges n'ont pu mener à bien ce qui
est le propre des deux grandes classes politiques de notre temps :
a- assumer la question nationale
b- dans le cadre d'un Etat conforme à leur perspective stratégique
(bourgeois, ou socialiste) Staline a subi au début de la guerre avec les nazis de très sévères échecs militaires. Le territoire national a été largement envahi et dévasté. Mais il a continué à incarner de bout en bout la résistance nationale, le caractère national de l'Etat, sans avoir à subir un effondrement de cet Etat, ni se trouver acculé à en changer
qualitativement la nature. L'Etat des khmers rouges, en revanche, s'est effondré. La société civile, dont cet Etat était le garant, est
disloquée. Tel qu'il était conçu et pratiqué, l'Etat des khmers rouges
n'a pas pu structurer la résistance nationale de façon prolongée, sans
se modifier de fond en comble, y compris dans sa perspective
stratégique.
Tel est le point de départ obligé de l'analyse, qui peut donc être
légitimement proposée aujourd'hui, et qui interroge la nature politique
de l'entreprise du PCK entre 75 et 78.

3

La lutte prolongée et la victoire complète sur la question nationale
est une école politique impérative des partis communistes, des
révolutionnaires et des peuples. Sur la question de la société nouvelle,
de son Etat, de ses perspectives, l'indépendance nationale est une
condition interne absolument incontournable. À cet égard, l'entreprise
étatique des khmers rouges entre 75 et 78 s'avère, dans les faits,
inappropriée. Nous disons l'entreprise étatique. Ceci ne signifie pas
que le parti des khmers rouges, le PCK, cesse d'être la direction
politique populaire. Le propre d'un parti est de surmonter ses erreurs,
y compris ses erreurs étatiques.
Les khmers rouges se sont les premiers, dans les conditions de la lutte armée, affrontés aux deux superpuissances, à leurs fantoches, à leurs clients. Ils ont donc rencontré la question nationale dans les
conditions de notre temps. Comment ils y ont répondu, quels furent leurs tâtonnements, leurs impasses : voilà un point de marxisme décisif pour tous les peuples, tous confrontés, dans les conditions de la tendance à la guerre, à la même question : qu'en est-il de la question nationale face aux deux superpuissances ?

4

Voici nos hypothèses.
De 70 à 75, les khmers rouges ont victorieusement pratiqué la question nationale face à la superpuissance américaine. La forme de l'action était caractéristique de l'époque : guerre populaire de libération nationale, dans le cadre d'un front uni.
La question nationale est-elle réglée en 75 avec le départ des
américains et l'écroulement de Lon Nol ? Est-elle réglée au point qu'on
puisse rompre le front uni ? Qu'on puisse s'engager dans une voie de
collectivisme accéléré, dans une révolution sociale d'une radicalité
sans précédent ?
Non. La question nationale n'est pas réglée face à la deuxième
superpuissance, et face à l'expansionnisme vietnamien. Elle l'est
d'autant moins que les ambitions du Vietnam sont connues et ont déjà
pesé tout le long des étapes précédentes, et que le Vietnam dispose de nombreux agents locaux. Les khmers rouges disent du reste aujourd'hui que le Vietnam maintiendra sa pression annexionniste sur une longue période. Et que donc la nouvelle politique de front uni, centrée sur la question nationale, est destinée à être l'axe du PCK de façon très prolongée, au-delà du retrait des troupes vietnamiennes. Il y a là, de fait, une autocritique, qui reconnaît que la question nationale n'a jamais cessé de dominer la situation politique du peuple khmer, depuis 1970 au moins.
Dans ces conditions, fallait-il prendre le pouvoir en 75 ? Nous
voulons dire : le prendre seuls, dans la volonté affichée, de passer
immédiatement à l'étape de la révolution socialiste ? N'était-il pas
nécessaire de conserver le front uni ? D'associer les « bourgeois
nationaux » à la vie politique, y compris si nécessaire à la direction
de l'Etat ?

De conserver ses forces militaires et l'appareil politique indépendant,
quitte, si Sihanouk ou tout autre trahissait, pactisait avec les
vietnamiens, à affronter alors l'envahisseur et ses complices dans une
situation de légitimité nationale et populaire qui aurait fait des
khmers rouges, une seconde fois, les unificateurs incontestables de la
nation ?
Des signes sont donnés dans ce sens par l'entreprise collectiviste de
75 - 78 elle-même. Son extrême violence s'explique en partie par
l'histoire, par la faiblesse de l'encadrement politique des masses, par
la volonté de revanche du paysannat, et surtout par la présence à tous les niveaux, de complices des vietnamiens dans le parti et dans l'Etat.
Ce dernier point montre que jusqu'au cour de l'appareil politique, les
contradictions mêlaient inextricablement question nationale et questions de l'édification. Tout opposant sur la révolution sociale pouvait être tenu pour un traître sur la question nationale ? Ou celle de la révolution sociale ? Toute confusion entraîne le déchaînement des violences.
Les khmers rouges ont édifié leur Etat sur la base de la théorie des «
deux peuples » : ceux qui avaient combattu les américains et Lon Nol
(peuple ancien), ceux qui ne l'avaient pas fait (peuple nouveau). Ce «
peuple nouveau » a été pratiquement exclu de la politique, traité de
façon discriminatoire, et souvent brutale, dans la société civile.
Du point de vue des principes, il n'y a qu'un seul peuple. Le Parti est
noyau dirigeant du peuple entier.
La théorie des deux peuples est une projection, dans une nouvelle
étape, des résultats de l'étape précédente. La guerre civile avec les
partisans de Lon Nol était terminée. Maintenir les camps de cette guerre civile à l'intérieur de la nouvelle société civile prolongeait, en
quelques sorte, la guerre dans la paix. D'où une sorte de militarisation
du collectivisme, propice, eu égard à la faiblesse relative du PCK, à
tous les excès.
Enfin, au regard de la question nationale, non réglée, cet attachement aux camps de sa forme dépassée (contre la superpuissance américaine) bloquait l'unification la plus large possible dans sa forme actuelle (contre les vietnamiens et les soviétiques).
Le collectivisme des khmers rouges n'a pas garanti une unité suffisante de la société civile pour rassembler au maximum le peuple entier face à l'envahisseur.
Cette expérience nous rappelle que (et tout spécialement quand la
question nationale est en jeu) la dialectique ne consiste pas à éliminer
les ennemis, mais à vaincre leur politique. C'est à dire unifier le
peuple contre cette politique.

6

Voilà ce que nous pouvons dire aujourd'hui sur les faiblesses de l'Etat
Khmer Rouge. Elles expliquent que la guerre après l'effondrement de cet Etat, soit difficile, bien que menée avec une ténacité peu commune, sous la direction, toujours, du PCK.
Les khmers rouges sont du reste quasiment les seuls hommes politiques nationaux du Cambodge, depuis la trahison nationale publique de Sihanouk, et du fait que la plupart des autres « résistants » ne sont que des bandits et des trafiquants semble-t-il à l'heure actuelle.

Notre ligne est de soutien internationaliste sans défaillance à la
résistance khmère. Les thèmes en sont l'indépendance nationale, les
superpuissances, l'identité du social-impérialisme, l'expansionnisme
Vietnamien, les prises de position des bourgeoisies, et notamment du PCF là-dessus (liaison avec l'Afghanistan), la dimension idéologique du
conflit (nouveaux philosophes, etc...).
L'approfondissement d'un bilan de gauche, totalement indépendant,
des orientations des Khmers rouges aux différentes étapes doit être
conçu comme un renforcement politique: sur la question nationale, sur la caractérisation des étapes d'un processus, sur les différents types de contradictions, sur l'Etat, sur le Parti.

Groupe pour la fondation de L'UCFML (MAI 80)

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Cet article ci-dessus écrit un an après celui du PCRml, analyse la politique des KR du point de vue de la question nationale, et aussi en la périodisant. L'autre intérêt de cet article c'est qu'il analyse la politique des KR en la périodisant.

Finimore


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Melestam
6ème classique unanimement reconnu.
Grand classique (ou très bavard)
Melestam
249 messages postés
   Posté le 30-06-2006 à 23:29:41   Voir le profil de Melestam (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Melestam   

@Armenak (?)

"A la veille de sa victoire de 1975 contre les forces de Lon Nol, le Parti Communiste du Kampuchéa était hétérogène en termes de personnel, de point de vue idéologique, de factions.
Etcheson dans son livre « The Rise and Demise of Democratic Kampuchea » identifie six factions :
- Le groupe Pol Pot (qu’il appelle les « staliniens » dans son livre)
- Les « Internationalistes » (éléments pro-vietnamiens basés à Hanoï après 1954 et qui retournèrent dans leur pays après la déclaration de Front Uni du FUNK en 1970.)
- Les vétérans de gauche « khmer Issarak » (restés au Cambodge après 1954 dans le sud et l’ouest du pays)
- Les vétérans du Parti Pracheachon fondé en 1954 (anti-royaliste et anti-Sihanouk)
- Les pro-chinois et éléments maoistes (incluant les intellectuels « Parisiens » Hou Yuon et Hu Nim)
- Les pro-Sihanouk appelés Khmer Rumdo.
Ben Kiernan , autre analyste du Cambodge identifie trois factions:
- La faction Pol Pot
- Les communistes pro-vietnamiens
- Les partisans de la Révolution Culturelle chinoise .

Deux tentatives de renversement de Pol Pot furent tentées l’une en juillet, l’autre en septembre 1975. Après avril 1975, Hou Yuon un des dirigeants « Parisiens » disparaît. Hu Nim qui sera torturé et exécuté en 1977 à Tuol Seng dira dans ses « aveux » que Hou Yuon fut liquidé pour opposition à l’extrémisme de la politique centrale.

L’année 1976 semble avoir été une année de recul pour la faction Pol Pot. Les relations s’améliorent avec Hanoï. Les relations commerciales et diplomatiques se développent avec le Vietnam. Le 27 septembre 1976, Pol Pot démissionne de chef pour « raisons de santé » et est remplacé par Nuon Chea pro-vietnamien. Peu de choses sont connues sur les luttes d’appareil de l’époque mais fin octobre 1976, Pol Pot recouvre son poste. Le 22 octobre son retour est confirmé au nom de sa capacité en tant que premier ministre « à condamner les contre-révolutionnaires de la Bande des Quatre » (arrêtés le 6 octobre 1976).
L’influence de la Chine dans les affaires intérieures du Kampuchea Démocratique est cruciale.
Etcheson et Kiernan suggèrent dans deux articles distincts que les radicaux de la Révolution Culturelle chinoise (la Bande des Quatre) parce qu’ils voulaient préserver de bonnes relations avec le Vietnam avaient propulsé sur le devant de la scène les pro-vietnamiens de l’équipe khmère rouge.
La chute de ces radicaux en octobre 1976, un mois après la mort de Mao tstétoung, conduit au pouvoir les modérés avec le soutien de Deng Xiaoping. Il voulait donner une leçon aux vietnamiens « agents de l’hégémonisme soviétique ». D’un point de vue idéologique, les idées de Deng Xiaoping et Pol Pot étaient opposées, mais dans une perspective géopolitique elles se rapprochaient, Deng ayant besoin d’un Cambodge fort contre le Vietnam.
Immédiatement après le discours de Pol Pot du 27 septembre 1977 où il annonce l’existence en fait de l’Angkar d’un « Parti Communiste du Kampuchéa », la Chine envoie une aide militaire substantielle, artillerie, armes antichars, véhicules blindés.

Source site internet « Cambodia Intraparty Conflict » traduit de l’anglais.
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@Finimore

Extrait du livre de Sacha SHER, Le parcours politique des "Khmers rouges" (1945-1975)

"CHAPITRE 4
LA RELATION AU MARXISME (1949-1954)

I. Le Parti Communiste Français dans les années cinquante.

Après la libération de la France de l’occupation allemande en 1945, le Parti Communiste Français représentait près du quart de l’électorat, 28,6 % en 1946, 26,6% en 1951, 25,6 % en 1956. En pourcentage des voix exprimées aux législatives, il était, jusqu’en 1958, le premier parti de France, même si les réformes électorales qui se succédaient ne favorisaient pas sa représentation à l’Assemblée Nationale. Tous les 1er mai, la Confédération Générale des Travailleurs faisait massivement défiler ses militants pour la « fête du travail ».

Après la guerre, le P.C.F. jouait abondamment de son image patriotique de « Parti des "75 000" fusillés » (chiffre surestimé). En 1951, Louis Aragon terminait le dernier tome des Communistes, célèbre roman sur le patriotisme des résistants Francs Tireurs Partisans communistes combattant le national-socialisme.

Lorsque Saloth Sar, Ieng Sary, et d’autres Cambodgiens arrivèrent à Paris en 1949-1950, le culte de Staline était à son comble. En 1949, la célébration de son 70e anniversaire avait occasionné une immense collecte d’argent destiné à lui envoyer des cadeaux. Les communistes chinois venaient de triompher. Et la France était en conflit depuis trois ans avec le Front National Vietnamien soutenu par la Chine. Dans les années quarante, le P.C.F. avait conseillé aux révolutionnaires vietnamiens d’éviter toute aventure prématurée et de ne pas élargir le mouvement indépendantiste à des forces non révolutionnaires. Il s’était également tu sur la violation par les autorités françaises des accords d’indépendance prévus dans le cadre de l’Union Française (juillet 1946), il était resté silencieux sur le bombardement d’Haiphong (novembre 1946), il s’était simplement abstenu de voter les crédits de guerre (mars 1947) et s’était contenté d’une opposition verbale à la guerre (hormis quelques blocages de transports de matériel de guerre vite arrêtés devant la répression policière). Ce n’est qu’à partir de janvier 1950, lorsque l’U.R.S.S. reconnut la République Démocratique du Vietnam, que le P.C.F. renoua des relations d’entente vérifiable avec le mouvement révolutionnaire vietnamien [1], et que les numéros du quotidien communiste l’Humanité ne désemplirent plus d’articles sur l’horreur de la guerre impérialiste en Indochine. Jusqu’en 1954, en dehors du P.C.F., seuls le général Leclerc [2], quelques personnalités de la SFIO, ou les chrétiens de l’hebdomadaire Témoignage chrétien s’opposèrent à cette « sale guerre ». Le P.C.F., relayé par des « organisations démocratiques » comme la C.G.T. ou le Secours Populaire Français, fut ainsi le maître d’œuvre d’une longue campagne de protestation contre l’enfermement de deux opposants à la guerre, Raymonde Dien, à partir de février 1950, et Henri Martin, de 1950 à 1953. Martin avait assisté au bombardement du port d’Haiphong en tant que quartier-maître de la marine. Revenu d’Indochine en décembre 1947, il avait distribué des tracts à Toulon contre la « sale guerre », et avait été faussement accusé de sabotage à l’arsenal de cette cité portuaire [3]. Un appel au sabotage de la fabrication et du transport du matériel de guerre fut cependant lancé le 13 mai 1952 par le membre du Bureau Politique du P.C.F. Raymond Guyot, devant des militants réunis à la salle de la Mutualité de Paris, en même temps qu’un mot d’ordre de fraternisation avec les combattants Viêtminh [4].

La campagne pour la libération d’Henri Martin reçut le soutien de Jean-Paul Sartre en janvier 1952. Ce dernier s’était également rendu au festival mondial de la jeunesse de Berlin-Est en 1951 avec Simone de Beauvoir. Devenu compagnon de route du P.C.F. en juin 1952, il avait entraîné, dans son sillage, de larges adhésions. Quand l’Humanité décrivait l’U.R.S.S. comme le « pays des aujourd’hui qui chantent », Sartre affirmait que « le révolutionnaire qui vit à notre époque... doit associer indissolublement la cause de l’U.R.S.S. et celle du prolétariat » [5]. Cette période d’actions de masse du P.C.F. contre la sale guerre et la « bestiale répression » menée par le gouvernement français semble avoir constitué un tournant dans l’engagement de nombre de Cambodgiens auprès du P.C.F. C’est en 1952 que Saloth Sar / Pol Pot en serait devenu membre.

Cette époque était aussi celle où le P.C.F., en accord avec les déclarations nord-coréennes et soviétiques, s’opposait radicalement à la guerre « biologique » [6], ou bactériologique d’ « agression » menée par les Américains en Corée depuis la moitié de l’année 1950. La venue du général Ridgway (baptisé « Ridgway-la-peste ») à Paris le 28 mai 1952, pour prendre le commandement de l’OTAN, fut l’occasion de violentes manifestations d’opposition de la part de militants enclins à croire qu’il s’agissait là d’une menace pour l’U.R.S.S.. Le conflit mit du temps à s’apaiser. Les bâtiments de l’Humanité furent saisis mais sa publication ne fut pas interrompue. Le P.C.F. prétendait défendre l’indépendance nationale contre l’impérialisme américain, contre l’O.T.A.N., et contre le réarmement de l’Europe sous la conduite des Etats-Unis. « US go home ! », criaient les communistes contre les « brigands G.I. ». « Non! La France ne sera pas une terre brûlée! » titrait un article de l’Humanité du 18 août 1951, opposé aux bases militaires américaines.

Les membres du P.C.F. éprouvaient à l’époque un mélange d’assurance que la victoire était au bout des contradictions criantes du capitalisme, et de conscience que la lutte serait tenace face aux légions de traîtres et de flics à la solde de l’ordre capitaliste. Dans le questionnaire biographique dûment rempli par tout cadre de section ou tout militant formé à l’école fédérale, un point à mentionner était de préciser qui de ses relations ou de sa famille était policier ou adversaire du Parti. La méfiance vis-à-vis de l’ennemi de classe pouvait évidemment conduire à une sorte de paranoïa, mais celle-ci n’était pas toujours dénuée de fondement. Le gouvernement poursuivait en justice les meneurs des manifestations hostiles au général Ridgway, ou intentait des procès pour diffamation, provocation à l’attroupement, entrave à la liberté du travail, ou infraction à la loi sur la propagande électorale. La police arrêtait des militants avant qu’ils n’arrivent sur le lieu d’un rassemblement ou ceux qui venaient déambuler là où une manifestation avait été interdite. En réponse, le P.C.F. appelait, dans plusieurs tracts du début de l’année 1953, à intensifier la lutte contre « le complot gouvernemental » et la fascisation du régime, auquel devait être opposé « un irrésistible mouvement populaire » [7]. Les militants étaient constamment sur leurs gardes. Ils se portaient volontaires pour surveiller les cellules et les locaux du Parti contre les « provocations policières », « fascistes », ou « trotskistes » [8]. Le siège du Parti, au 44, rue Le Peletier, carrefour Châteaudun, s’ouvrait par une porte en fer forgé et était gardé par cinq ou six militants. L’accès au premier étage s’effectuait en passant par une porte commandée électroniquement. Ceux qui entraient répondaient à une série de questions. Maurice Thorez ne marchait pas plus d’une minute sur le trottoir allant de son véhicule de transport à l’entrée du siège. Le chef du P.C.F. se déplaçait dans une grande Delahaye noire blindée ayant pour fonction de le protéger d’éventuels attentats [9]. L’organe officiel du Parti et les « Cours élémentaires du P.C.F. » distribués aux nouveaux membres ne manquaient pas de rappeler la liste des « attentats » qu’avaient subis les dirigeants de divers partis communistes : l’italien Togliatti (1948), le russe Kirov, le belge Lahaut (1950), le japonais Tokuda (1948), le grec Beloyannis et trois de ses compagnons (exécutés le 30 mars 1952), ainsi que les chefs du P.C.F. Maurice Thorez (parti se soigner à Moscou en novembre 1950 et soi-disant suivi par un avion de chasse américain chargé de l’abattre) et Jacques Duclos. La veille des manifestations prévues le 28 mai 1952 contre le général américain Ridgway, la direction avait demandé à des cadres de ne pas dormir chez eux. Le 28, Duclos, le n°2 du P.C.F. avait été arrêté dans sa voiture, conduite par un chauffeur, en « flagrant délit » de port de pistolet, de radio, de matraque, et de transport de pigeons dits voyageurs, bien qu’il semble qu’ils aient été hors d’état de battre de l’aile. Duclos écopa de plus d’un mois de détention à la prison de la Santé pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et publia en novembre 1952 ses Ecrits de la Prison [10]. Le 4 juin, soixante dirigeants de la C.G.T. étaient arrêtés « à titre préventif » [11]. Après l’arrestation de Duclos, comme après le retour de De Gaulle au pouvoir en 1958, certains permanents du Parti ou de la C.G.T., comme Benoît Frachon, entrèrent en clandestinité.

Du côté de la Maison d’Indochine, après la descente effectuée le 20 janvier 1953 par des hommes de la Direction de la Surveillance du Territoire (D.S.T.), un étudiant communiste vietnamien fut hébergé par des communistes français avec la consigne de déménager tous les trois mois, tandis qu’un autre se réfugia plusieurs mois chez un professeur de la Sorbonne. Hou Yuon, Sok Knol (futur adjoint de Sao Phim dans la zone Est du Kampuchea révolutionaire) et Mey Mann, devenus indésirables à la « Cité-U », déménagèrent à Cachan où ils logèrent un an sans chauffage. Après que Mey Mann fût rentré au pays, Hou Yuon le contacta, un an après l’incident, pour lui dire de revenir car l’interdiction avait été levée [12]. Il ne semble pas que Saloth Sar / Pol Pot ait eu au même moment à déménager, mais, après ses expériences de la guérilla, il resta, comme d’autres dirigeants communistes, extrêmement vigilant au point de changer régulièrement d’endroit pour dormir après 1975. Staline aussi dissimulait les endroits où il passait ses nuits, mais ce détail n’était pas connu des militants du P.C.F..

Le P.C.F. luttait également dans les domaines économique et culturel. Le plan Marshall d’aide économique à la reconstruction de l’Europe était assimilé à une véritable occupation et exploitation américaine n’apportant que licenciements et « camelote idéologique ». Le gouvernement américain, il est vrai, ne se montrait pas très libéral à l’égard des opinions politiques des artistes de son pays et avait longuement insisté auprès des autorités françaises pour pouvoir diffuser ses productions cinématographiques, par ailleurs accompagnées d’actualités en image. De son côté, le P.C.F. entrevoyait des infiltrations impérialistes et étrangères dans la production culturelle française. Ainsi, le film Les Mains sales, sorti en été 1951 et adapté d’une pièce de Jean-Paul Sartre qui ne cachait pas le côté brutal et cynique de certains communistes, était, pour l’Humanité « un corps étranger dans la production cinématographique française ». Dans Fils du Peuple, Thorez défendait, contre l’idéologie du cosmopolitisme cher aux impérialistes américains « la France aux Français, et non à ceux qui, par leur égoïsme, leur cupidité et leur bassesse d’âme, se sont depuis longtemps exclus de la communauté nationale » [13].

La volonté d’indépendance économique ou le dirigisme des communistes les amenaient à prôner l’isolement protectionniste de l’économie française à l’égard des U.S.A. tout en souhaitant une ouverture vers l’U.R.S.S. et une coopération avec les colonies sur une base d’égalité. Mais en général, il fallait « produire français ». En 1972, les révolutionnaires cambodgiens plongés dans la guerre anti-impérialiste allaient reprendre ce désir d’autosuffisance en défendant le « Cambodge aux Cambodgiens » [14].

Le puritanisme du P.C.F. a probablement également déteint sur certains militants cambodgiens, même si la lutte contre les sens et le désir faisait partie de l’enseignement de Bouddha. Les communistes cambodgiens ne tolérèrent ni les mini-jupes ni les cheveux longs. Ils interdirent la polygamie et la polyandrie dans l’article 13 de leur Constitution, et astreignirent les couples unis aux mêmes travaux que les célibataires. Le P.C.F. des années cinquante n’y aurait rien trouvé à redire. Les écarts dans le domaine des mœurs y entraînaient des sanctions. En 1950, un membre du Comité Central du P.C.F. sur le point d’être exclu se voyait reproché, en premier lieu, d’avoir été surpris dans son bureau avec sa secrétaire dactylographe sur ses genoux [15]. L’Humanité et la Nouvelle Critique condamnaient les romans ponctués de scènes érotiques ou les feuilletons illustrés de filles plantureuses d’un journal parisien rebaptisé en la circonstance Pourri-Soir. De même, l’A.E.K. regrettait-elle amèrement en décembre 1952 que les gouvernants du Cambodge fissent bon accueil à tout un flot de « revues de corruption » (« Rêves », « Nous deux », « Intimité »), de « romans à essence métaphysique » et de « films malsains de gangsters », tout en interdisant en même temps l’entrée de la « presse de progrès » (cf. document 11). L’après-guerre, jusque vers 1957, était l’époque où le Parti luttait à la fois contre l’american way of life et la contraception, contre l’avis du corps médical [16]. La contraception apparaissait alors comme un instrument d’asservissement de la classe ouvrière : contrairement à l’ « idéologue de la bourgeoisie » Malthus qui prônait une baisse de la natalité parmi les ouvriers, les marxistes estimaient que la classe ouvrière devait s’agrandir [17]. L’homosexualité ne pouvait alors être qu’un produit des classes décadentes [18].

Au début des années cinquante, le P.C.F., à travers une position de vigilance contre les « flics » ou les « fascistes », menait un double combat : national contre l’impérialisme américain (culturel, économique, militaire), et internationaliste aux côtés de l’U.R.S.S.. C’est ce mélange qui caractérisera longtemps les communistes cambodgiens, avec cette différence qu’ils ne se montrèrent jamais dépendants idéologiquement de l’U.R.S.S..

(...)

Message édité le 30-06-2006 à 23:32:23 par Melestam
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(suite)

II. Les contacts avec le P.C.F.


Pour étancher leur soif de réforme et de compréhension du monde dans lequel était imbriqué le Cambodge, certains Cambodgiens prirent part à des conférences, des cellules politiques, et des écoles du parti communiste, où étaient prodigués le point de vue des marxistes les plus en vue.

La cellule
Alors que le sentiment d’appartenir à la grande famille du P.C.F. et de côtoyer le peuple passait par les démonstrations vibrantes d’enthousiasme et de ferveur des meetings du Vélodrome d’Hiver (fermé en 1959), et que le lien social se déployait lors de la remise annuelle des cartes de membres, de la vente du muguet ou de l’Humanité-Dimanche, ou lors des fêtes annuelles de l’Humanité, au cours desquelles Vietnamiens et Cambodgiens s’aidaient mutuellement et fraternellement à monter leurs stands, l’apprentissage plus discret de la politique s’apprenait à « la cellule ».

Une réunion de cellule obéissait à un certain ordre du jour : chaque semaine, le secrétaire de cellule accueillait les militants pour y commenter les éditoriaux de l’Humanité, les déclarations de Thorez et de Duclos, et prononcer ou analyser un exposé ou un rapport politique prononcé par un des membres. Le rapport politique présentait l’état des forces adverses capitalistes et affiliées, l’état des forces communistes et alliées, l’action à adopter, et la lutte à mener par la cellule dans son domaine. Il s’ensuivait un cours débat et un commentaire du secrétaire. Ce dernier veillait à ce qu’aucun point fondamental ne fût omis dans l’exposé, lequel devait être « juste politiquement », et en accord avec la conception du monde du Parti. Enfin, le secrétaire effectuait un « contrôle des tâches » remplies et établissait pour chacun la prochaine tâche à accomplir : par exemple vendre des journaux, distribuer des tracts, notamment en période électorale, faire du porte-à-porte pour faire signer l’appel de Stockholm ou une pétition contre le projet de Communauté Européenne de Défense, ou encore recueillir de l’argent pour soutenir la presse communiste.[19].

A la Maison d’Indochine, la cellule dite du P.C.F. se tenait dans une chambre d’étudiant sous la direction d’un Français. Elle comprenait quelques Français, neuf Cambodgiens, quatre Vietnamiens (ceux-ci, plus nombreux que les Cambodgiens à la Maison étaient plus divisés politiquement), mais aucun Laotien. L’entente entre ces camarades était parfaite, même si les Cambodgiens faisaient plus ou moins bande à part. Après la création de la Maison du Cambodge, dotée de sa propre « cellule », Vietnamiens et Cambodgiens de gauche restaient néanmoins unis, et ce jusque dans les années soixante-dix. Parmi les Cambodgiens inscrits à la cellule à partir de 1952 figuraient Hou Yuon, Rath Samoeun (jusqu’en 1953), Toch Phoeun, Sien An (jusqu’en 1953), In Sokan, Thong Sereivuth (au moins jusqu’en 1955), Mey Mann, Sanh Oeurn, et, à partir de 1954, Son Sen. L’atmosphère cosmopolite de la Cité Universitaire Internationale attisait plus qu’ailleurs la curiosité intellectuelle des étudiants communistes. Ceux-ci lisaient « Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao et Thorez dans le texte, même si certains textes étaient rébarbatifs et ennuyeux » [20].

Ieng Sary, Thiounn Mumm (le polytechnicien), Thiounn Prasith (futur haut cadre au ministère des affaires étrangères du Kampuchéa Démocratique) et peut-être Thiounn Thioeun (ministre de la Santé du K.D.) ont probablement été membres, comme d’autres pensionnaires de l’hôtel anglo-latin, de la cellule de la rue Saint-André-des-Arts, non loin du siège et de la librairie des Editeurs Français Réunis (33 rue Saint-André-Des-Arts et 24, rue Racine). Saloth Sar, qui aurait adhéré en 1952 ou à la fin de l’année 1951, aurait été membre d’une cellule rue Lacépède, à 400 mètres au Sud de la Maison de la Mutualité où se déroulaient tant de meetings communistes [21]. Etaient aussi communistes à ce moment Mey Mann – d’abord initié par des Cambodgiens puis parrainé par un camarade français – Mey Phat, Uch Ven, Chi Kim An, Sok Knol, et Yun Soeurn, tous étudiants boursiers [22]. Tep Saravouth, étudiant en comptabilité, aurait aussi soutenu des idées communistes après juillet 1950. Sien An, Rath Samoeun, Mey Mann, Hou Yuon, Saloth Sar, et Sok Knol firent ensuite partie des dix membres formés par le P.C.F. que comportait le Parti Communiste Cambodgien deux ou trois ans après sa création en 1951. Sok Knol alias Peam alias Lin allait devenir, sous le Kampuchéa Démocratique, l’adjoint de Sao Phim dans la zone Est avant d’être éliminé en 1978 [23]. Uch Ven, qui étudiait le droit à Montpellier jusqu’en 1957 et était très actif dans les milieux anticolonialistes d’Outre-Mer, a peut-être influencé Khieu Samphan qui commença le droit dans la même ville. Uch Ven ainsi que Mey Phat, étudiant à Paris à l’Ecole préparatoire aux travaux publics, allaient plus tard fortement influencer le jeune démocrate Tiv Ol, lequel allait à son tour efficacement recruter les étudiants de l’Institut National Pédagogique de Phnom Penh au sein du Parti des travailleurs cambodgien [24]. Chi Kim An devint secrétaire général du Pracheachun, et Yun Soeurn, qui était venu passer son baccalauréat, rejoignit le maquis en 1953-54, partit à Hanoi, revint en 1970 pour être secrétaire du secteur 22 au Sud de Kompong Cham dans la région Est, avant d’être incarcéré à S-21 (Tuol Sleng) le 4 novembre 1976 [25].



Les écoles


Il est difficile de savoir combien d’étudiants inscrits à la cellule avaient suivis les « écoles élémentaires » du Parti, appelées aussi « écoles de section ». Le 14e arrondissement, où était située la Cité Universitaire, comptait deux sections. Il semble qu’un seul cambodgien ait suivi une formation assez poussée au P.C.F. : Toch Kham Doeun, remarqué peut-être par les associations communistes internationales lorsqu’il s’était rendu à des festivals mondiaux de la jeunesse, et qui prit une ou deux fois la parole à la Fête de l’Humanité. Sous le Kampuchéa Démocratique il n’eut que très peu de pouvoir. Ambassadeur du GRUNK à Cuba puis à Pékin, son parcours aboutit dans une cellule de S-21 (Tuol Sleng) en mars 1977. Selon un des premiers Cambodgiens membres du P.C.F., un seul d’entre eux fut diplômé de l’Ecole des Cadres du P.C.F. (c’est-à-dire l’Ecole Centrale ou Nationale où la formation durait en général trois mois), mais celui-ci aurait renoncé à toute activité politique « après cet exploit ».

Une « école élémentaire » était suivie par les militants du P.C.F. que cela intéressait ou qui étaient secrétaires de cellules et jouissaient de la sympathie du Parti. Il s’agissait, au terme de cinq ou six cours d’une heure, étalés sur une à deux semaines ou deux week-ends, de familiariser les participants avec les œuvres de Thorez, de Lénine et de Staline, et de les former à la rédaction d’un journal de cellule. A chaque cours un fascicule d’une trentaine de pages était remis à propos du thème étudié : au début des années cinquante, il s’agissait de La Nation, L’impérialisme et la guerre, L’Etat, Socialisme et communisme, Le Parti. Ces brochures comprenaient une bibliographie sommaire et un petit questionnaire destiné à tester ses connaissances et à récapituler des points de doctrine essentiels. Elles fournissaient un mode de pensée somme toute assez méthodique et étaient éditées plusieurs fois par an à 10 000 exemplaires. Il n’y avait pas de différence de nature entre cette formation « sommaire » et une formation plus longue en école fédérale (de quinze à trente jours) ou en école centrale (de un à trois mois). Le contenu idéologique n’était pas non plus des plus radicaux. Dans une de ces brochures, l’égalitarisme à tout crin et le nivellement des goûts et des talents étaient catégoriquement rejetés.

En quelques jours, les ouvrages de Marx étudiés ou « prêchés » étaient le Manifeste du P.C., des extraits des Luttes de classes en France, mais pas La guerre civile en France 1871, que l’on commentait dans les cours d’histoire de l’Université Nouvelle du P.C.F. Les œuvres de Thorez étaient passées en revue. Tout d’abord sa biographie, Fils du peuple, puis ses Œuvres qui réunissaient divers articles, discours, ou textes clefs comme Que les bouches s’ouvrent, plus de mannequins dans le Parti, ou La main tendue envisageant une entente avec les travailleurs croyants. Le militant qui accédait au niveau de la section se voyait poser deux questions sur ses connaissances : Quelles œuvres fondamentales du marxisme-léninisme avez-vous lu ? et Avez-vous lu les œuvres de Maurice Thorez ? Maurice Thorez et son épouse étaient alors l’objet d’un « culte quasi-monarchique » [26].

L’été et l’automne 1953 avaient été marqués par une polémique avec les socialistes autour de leur « falsification » de l’histoire « du front unique et du front populaire » en 1936. A la fin du mois de juin, le secrétariat du P.C.F. avait décidé de « publier immédiatement, sous forme de feuilleton dans l’Humanité (...) de longs extraits des œuvres de Maurice Thorez sur le front unique » [27]. Les articles de l’Humanité étaient commentés dans les cellules du P.C.F. par le responsable ou par de simples membres lors d’exposés suivis de débats [28]. Les textes sur le front uni ont certainement conforté les étudiants coloniaux dans l’idée d’unir les communistes et les nationalistes dans leur lutte contre l’impérialisme. Cette stratégie, d’ailleurs commune au front de libération vietnamien, amena en 1962-63 la participation de Khieu Samphan, Hu Nim et Hou Yuon au gouvernement neutraliste de Sihanouk (ce que n’avaient pu faire les communistes français dans le gouvernement Blum de 1936) et présida à la création, en 1970, du Front Uni National du Kampuchéa contre Lon Nol et les Américains, et à celle du Gouvernement Royal Uni National du Kampuchéa, ouvert aux ministres communistes. L’étonnant, dans cette alliance tactique, était qu’elle scellait les forces révolutionnaires au représentant de la féodalité et non aux forces capitalistes comme l’auraient voulu les prédictions marxistes et les schémas léninistes.
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Les groupes de langue

Les membres du Parti qui venaient des colonies devaient participer à des groupes de langue. Bien qu’unis par leur rejet des colonialistes français, les étudiants Indochinois étaient séparés suivant une base territoriale. Ces groupes servaient généralement à prolonger la formation donnée dans les écoles du Parti, à définir les tâches militantes à effectuer, et à résoudre les problèmes rencontrés au sein de leurs activités associatives. Ils réunissaient un effectif plus large que les réunions de cellule et étaient suivis par un délégué de la fédération de Paris du P.C.F.. Les réunions se déroulaient ponctuellement, dans une chambre, pour parler des problèmes du pays concerné et de l’action concrète à effectuer au niveau local (manifestations, publications de tracts, de bulletin, etc.). De cette manière, la fédération du P.C.F. facilitait les relations inter-parti, assistait matériellement ses membres non français en leur fournissant un logement ou un travail (Suong Sikœun, qui devint membre d’un groupe de langue en 1958 [29], put, par ce biais, travailler à mi-temps au ministère du Logement), ou en leur obtenant des visas pour des pays de l’Est afin de rentrer clandestinement chez sans encourir les obstacles posés, en l’occurrence, par les ambassades non communistes du Cambodge et du Vietnam en France. L’ambassade la plus proche à l’Est étant celle de Prague, les militants vietnamiens recevaient des directives de Hanoi via Prague, et transitaient, pour partir, par la Tchécoslovaquie [30]. Il n’est alors pas impossible d’imaginer qu’une délégation Khmère-Vietminh basée à Prague ait pu faciliter le passage de certains membres de l’A.E.K. dans le maquis.



Les lectures communistes
La direction du P.C.F. déploya d’importants efforts pour diffuser l’étude des textes. Selon les intentions du Comité Fédéral de la Seine d’octobre 1951, une bibliothèque devait être mise en place dans chaque cellule avec des livres et des périodiques (l’Humanité, les Cahiers du communisme, France Nouvelle). Le 9 novembre 1951, le secrétaire du P.C.F. Jacques Duclos écrivait aux secrétaires de cellule pour les informer qu’un programme serait présenté chaque mois dans le bulletin Apprendre (envoyé à chaque cellule) avec des indications sur la façon d’étudier rationnellement les Œuvres de Thorez [31]. Dans la pratique, cependant, les cellules parisiennes du début des années cinquante n’étaient pas toutes garnies de bibliothèques, car la plupart ne disposaient pas de local. Elles se réunissaient chez tel ou tel membre, et rares étaient les réunions de cellule qui se tenaient au siège des sections [32].

En mars-avril 1950 débuta à l’échelle nationale une « bataille du livre », en conformité avec les exigences du Kominform dans le cadre de la lutte pour la paix. Des « écrivains-combattants » organisèrent des meetings, des discussions et des ventes de livres auprès des ouvriers et des paysans. Dans le but de préserver la culture française de l’impérialisme américain, des livres progressistes ou faisant partie des « classiques du peuple » (Dumas, Verne, Hugo, Zola, Vallès, Eugène Le Roy, Romain Rolland, mais aussi Morelly et Charles Fourier) furent édités sous forme de livres ou de feuilletons dans la presse. Le but était de faire aimer la lecture, mais aussi, selon les termes d’Elsa Triolet en avril 1950, « de préparer le terrain à la lecture des livres théoriques ». Ainsi, si les Bibliothèques de la Bataille du Livre (B.B.L.) complétaient les bibliothèques de cellules, au contenu plus politique [33], elles en poursuivaient l’objectif final, car il s’agissait également de diffuser des livres « progressistes » (nommément Marx, Engels, Lénine, Staline, Thorez) et une littérature « résolument optimiste, tournée vers l’avenir, exaltant l’effort, la solidarité, la marche vers une société meilleure » (souhait de Thorez), autrement dit la littérature soviétique ou communiste dont les figures de proue étaient André Marty, Elsa Triolet, André Stil, et Louis Aragon. Ce mouvement ambitieux qui devait faire « boule de neige » [34] ne dura que trois printemps et s’éteignit à la fin de l’année 1953.

Un ancien étudiant cambodgien de gauche se souvient que les lectures étaient abondantes et que les livres s’échangeaient. Tout le monde lisait Marx, Lénine ou Rousseau, même ceux qui n’étudiaient pas les lettres, la philosophie ou les sciences humaines. D’autres disent que peu de Cambodgiens lisaient autre chose que des pamphlets ou des extraits de textes marxistes [35]. Il est aussi à remarquer qu’aucun militant cambodgien ne se souvient du subversif ABC du communisme de Boukharine et Préobrajenski, apparemment non réédité depuis 1923, ni ne signale avoir étudié Le Capital de Marx.

En ce début des années cinquante, les œuvres de Staline étaient massivement commentées. Les Problèmes économiques du socialisme en URSS, avaient été imprimés le 19 novembre 1952 (un mois avant le départ de Saloth Sar) avec cet encadré : « Un nouvel ouvrage d’une importance historique mondiale ». Il s’en était suivi une vaste campagne de lecture et de discussion dans les cellules. Les Problèmes avaient été réédités en 1953 dans le recueil Les Derniers Ecrits de Staline [36]. Les militants connaissaient également Les Principes du léninisme, un ouvrage rassemblant des conférences données par Staline en avril 1924, suffisamment marquant pour avoir été distribué en français par le P.C.K. à ses cadres pendant la guerre de 1970-1975 [37]. En 1954, des Œuvres choisies de Lénine en quatre livres étaient publiées en français par les éditions en langues étrangères de Moscou avec les titres déjà cités et Ce que sont les amis du peuple, Que faire ?, Un pas en avant, deux pas en arrière, Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique, Le programme militaire de la révolution prolétarienne, Thèses d’avril, L’Etat et la Révolution, Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets, La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, La maladie infantile du communisme, Sur l’impôt en nature, etc. et des textes courts comme Sur l’épuration du Parti, Sur l’importance de l’or aujourd’hui et après la victoire du socialisme...

Les nombreux articles de Staline sur la question nationale intéressaient particulièrement les cercles indochinois. Un chapitre des Principes du léninisme y était consacré car Staline poursuivait les réflexions de Lénine contenues dans Notes et critiques sur la Question Nationale, Du Droit des Nations à disposer d’elles-mêmes et surtout dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine, ouvrage marquant pour les étudiants indochinois qui leur avait apporté une compréhension économique à l’attitude obstinée de la France, ainsi qu’une justification théorique de poids à leur lutte indépendantiste [38].

Les écrits de Staline étaient lus et commentés. Dans sa thèse, Phung Ton citait Le Marxisme et la Question Nationale à propos de la pluralité des solutions politiques qui pouvaient être apportées au problème du développement en fonction des conditions de chaque pays. Et Keng Vannsak affirme se souvenir clairement que Ieng Sary voulait suivre ce que disait Staline à propos des minorités d’U.R.S.S. [39]. D’après un ancien communiste d’origine vietnamienne, la définition de la Nation par Staline était commentée partout, présente sur toutes les lèvres, et comportait des accents plus ethniques ou ethnicistes que la définition française de la Nation fondée sur l’adhésion volontaire. Les révolutionnaires cambodgiens auraient alors été sensibles à cette façon de concevoir l’unité nationale. Cela n’apparaît pourtant pas à la lecture du texte. Staline écrivit plusieurs textes sur la question nationale, mais ladite définition, commentée dans les cours élémentaires du P.C.F. de 1952 à l’usage des militants de base, était celle qui était tirée de la petite brochure de 1913, Le marxisme et la question nationale, - laquelle comportait d’ailleurs un article sur les colonies asiatiques - qui avait été écrite avec l’aide de Lénine. En fait, Staline et Lénine s’inscrivaient dans le combat de la social-démocratie contre le nationalisme et ne considéraient la nation ni comme « une communauté de race ni de tribu ». Les traits qu’ils retenaient comme caractéristiques d’une nation, à condition qu’ils soient tous combinés étaient : « une communauté stable d’hommes, historiquement constituée », n’appartenant pas forcément à une même race ou une même tribu (comme l’illustraient les nations italienne, française, anglaise, allemande), « une langue commune », « une communauté de territoire », « de vie économique » et « de formation psychique, qui se traduit dans la communauté de culture ». En fait, Staline se montrait strictement matérialiste lorsqu’il critiquait l’opinion de Bauer selon laquelle les Juifs formaient une nation bien qu’ils n’eussent ni territoire ni langue commune. Critiquant l’ « idéalisme » de Bauer, Staline insistait sur la primauté du milieu social, économique et culturel, et non sur un caractère national prétendument préservé par le biais de la religion. S’il restait, parmi les Juifs, des vestiges d’un caractère national et des origines communes, ceux-ci ne constituaient pas une nation avec une communauté de sort. L’exemple de l’Angleterre et de la Nouvelle-Angleterre ayant formé rapidement deux nations du fait de leurs conditions de vie différentes venait à l’appui de sa thèse. Dans la même veine, le P.C.F. avertissait des dangers d’assimiler la race à la nation, tout en fustigeant la classe « décadente » des capitalistes uniquement en quête de dividendes et de coffres-forts, et les hommes des trusts « sans patrie » [40].

Au tout début des années cinquante, les œuvres de Mao commençaient à être traduites en français, notamment des textes sur la guerre révolutionnaire. Parmi elles, La nouvelle Démocratie, qui prônait la lutte armée pour renverser la bourgeoisie anti-patriotique. Comment être un bon communiste de Liu Shaoqi circulait également à la Maison d’Indochine [41]. Cet ouvrage pédagogique abondamment lu par les étudiants du Tiers-Monde dans les années cinquante, dessinait les traits du militant dévoué, animé d’ « intentions pures et honnêtes », dépourvu de désirs égoïstes, « n’ayant rien à cacher au Parti », « prêt à subir une injustice dans l’intérêt général » et à se muer en tribun populaire pour « combattre résolument les termites qui rongent l’humanité », au nom de l’idéal communiste, « aussi beau qu’est laide la réalité du monde capitaliste » [42].

Certains Cambodgiens avaient également lu d’autres titres classiques sur la Chine, au début des années cinquante : les reportages d’Edgar Snow, tout d’abord, La condition humaine et Les conquérants de Malraux, mais aussi La Chine ébranle le monde de Jack Belden (un ouvrage réfléchi sur la guerre ainsi que les excès de la réforme agraire, traduit en 1951 chez Gallimard). D’autres communistes des milieux indochinois avaient encore lu les ouvrages d’Agnès Smedley (La Chine rouge en marche, 1937, Editions Sociales Internationales) ou Harrisson Forman (Ce que j’ai vu en Chine rouge, 1946, chez Seghers, peu consistant idéologiquement).

Un étudiant en droit avait apprécié La défense accuse (réédité en 1951 par les Editions Sociales Internationales), un manuel de lutte des révolutionnaires face à la « justice » en place, relatant divers procès de révolutionnaires, résistants et antimilitaristes, qui semblaient effectivement constituer, selon le mot de Staline, « des gens d’une facture à part ». L’auteur, l’avocat communiste Marcel Willard, avait défendu Dimitrov face à Gœring après l’incendie du Reichstag, Le même étudiant avait été fasciné par le sacrifice du militant Roubachov dans Le zéro et l’infini, un ouvrage écrit par un ancien activiste du Komintern, Arthur Koestler qui décrivait pourtant le processus avilissant des purges staliniennes.

Il apparaît également que les membres de l’A.E.K. ont pu lire Le Prince de Machiavel, et y voir exprimée la fourberie de tous les conquérants impérialistes et rois de la Terre, plutôt qu’un programme à reprendre. Voilà ce qu’en retenait dans sa thèse l’étudiant en droit progressiste Phung Ton (éliminé en 1977) :

« Machiavel, enseignant au Prince les moyens de conserver les Etats qu’il acquiert, écrit au cinquième chapitre de son livre: "Le premier est de les ruiner; l’autre d’aller les habiter personnellement; le troisième de les laisser vivre sous leurs lois, en créant un gouvernement composé d’un petit nombre de personnes qui lui conserveraient l’affection de cette province; en effet, ce Gouvernement, étant créé par le Prince, sait qu’il ne peut subsister sans son amitié et sa puissance, et qu’il doit tout faire pour le soutenir". C’est l’application de ce troisième procédé que le peuple cambodgien croit découvrir dans les rapports entre les souverains du Cambodge et le gouvernement français, comme le confirme d’ailleurs le passage suivant de la déclaration de Mr. Penn Nouth, premier ministre du gouvernement royal: "le roi s’est rendu compte, au cours de sa dernière tournée, de la fragilité de sa position, de nombreux éléments de la population l’accusant de compromission avec la France, et d’être de ce fait le principal obstacle à l’indépendance" (15 juin 1953). Ces griefs dans l’ensemble sont fondés » [43].

Du côté des journaux, l’Humanité circulait assez souvent dans les années cinquante parmi les radicaux, tandis que dans les années soixante, ceux-ci lui préféraient Le Monde qui était, lui, épluché quotidiennement. Pour les étudiants de la première génération les plus portés sur les questions politiques, la lecture du français n’était pas un problème, et l’on ne saurait dire qu’ils furent amenés à préférer l’Humanité à un autre journal en raison de sa langue de bois stéréotypée prétendument plus accessible. Dans une de ses rares interviews, Pol Pot laissait filtrer qu’après avoir commencé à lire des « livres progressistes » et à s’investir dans les mouvements étudiants, il s’était habitué à lire l’Humanité qui, auparavant, « l’effrayait » [44]. Sans doute est-ce le radical Ieng Sary ou Thiounn Mumm qui l’amenèrent à le lire. Un républicain comme Keng Vannsak ne l’avait apparemment jamais lu. L’article « Monarchie ou Démocratie » que Pol Pot aurait écrit témoigne par ailleurs qu’il lisait le Monde (cf. document 2), ce qui n’étonne guère lorsque l’on sait les marques de complaisance que l’influent journal, jugé bourgeois par le P.C.F., distillait à propos de la Chine et de l’URSS [45].

Outre l’Humanité, les périodiques communistes traitant de l’actualité dans un cadre plus spécialisé étaient Démocratie Nouvelle, « revue de politique mondiale » ; Cahiers Internationaux, « revue internationale du monde du travail » ; La Nouvelle critique, « revue du marxisme militant », dont le ton attirait peut-être davantage de jeunes ; La Revue progressiste de droit français, depuis décembre 1952 ; ou La Pensée, une « revue du rationalisme moderne » appréciée par quelques étudiants en philosophie ou en histoire bien qu’intéressant davantage les professeurs. En effet, La Pensée se rattachait à la filiation républicaine du P.C.F., et avait reçu certaines admonestations de la part Kominform et de la direction du P.C.F. [46].

Les numéros de la Nouvelle Critique de janvier et mars 1952 s’ouvraient par des textes de Lénine et de Staline adressés aux étudiants pour les encourager à persévérer dans l’assimilation de la science et de la politique afin de former la « nouvelle relève » dans la production et dans l’enseignement, et les exhorter à utiliser, tant que les conditions de la lutte révolutionnaire de masse n’étaient pas complètement réunies, les petits conflits académiques qui pouvaient avoir « de grandes suites » à l’avenir. Une compilation de neuf textes de Lénine et de Staline avait été publiée à la fin de 1952 aux éditions Nouvelle Critique sous le titre Sur les étudiants.


(…)
Melestam
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Melestam
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(suite)

L’utopie en arrière-plan


A côté des grands maîtres à penser contemporains, le P.C.F. ne faisait guère allusion, dans ses écoles « élémentaires » destinées à la formation du militant, aux principaux utopistes, More (l’auteur de l’Utopie), Fourier, Morelly, Cabet, etc. La raison en était qu’ils avaient été dépassés, en raison de leur impuissance théorique et pratique, par le socialisme scientifique de Marx, qui s’appuyait, quant à lui, sur l’action des masses.

Il n’en était pas de même à l’Université Nouvelle du P.C.F., où la réflexion et la culture générale étaient apportées par des professeurs communistes de qualité. Les utopistes y étaient étudiés pendant un cycle d’une année [50]. Nous n’avons pu trouver traces de cours donnés dans les années cinquante mais au cours de la décennie suivante, Georges Cogniot et Jean Bruhat donnaient des cours sur les utopistes More, Campanella, Fourier et Cabet. L’Utopie de Thomas More et la très communiste Cité du soleil de Tommaso Campanella, avaient été publiées respectivement en 1944 aux éditions Terres latines, et en 1950, chez J. Vrin, avec une introduction de l’historien marxiste Alexandre Zévaès. Il semble que les Editions Sociales du 64, boulevard Auguste Blanqui, aient préféré publier des auteurs français dans la collection Classiques du peuple.

Les communistes français ne pouvaient oublier qu’ils étaient les descendants d’une tradition utopiste et égalitariste non négligeable (Fourier, Morelly, Mably, Cabet, Babeuf, Saint-Simon...). Dans Fils du peuple, Thorez faisait ainsi référence au « grand utopiste Fourier » qui avait dénoncé le drame paradoxal de la pauvreté dans l’abondance, et à Saint-Simon et à sa « prévision géniale » d’après laquelle « le gouvernement des hommes fer[ait] place à l’administration des choses ». Guy Besse et Maurice Caveing, qui enseignaient à l’Université Nouvelle et avaient tiré de leurs cours des Principes fondamentaux de philosophie (1954) dans la lignée des Principes élémentaires de philosophie de Georges Politzer, ne s’attardaient que sur Fourier, Saint-Simon et Owen, comme le faisait Engels dans une brochure très diffusée, Socialisme utopique et socialisme scientifique. Les systèmes sociaux élaborés par ces auteurs ne pouvaient être qu’imparfaits en raison du faible développement productif des sociétés dans lesquels ils avaient vécu, mais ils dénonçaient le monde bourgeois et son commerce devenu « escroquerie légalisée » ainsi que son mariage resté un « manteau officiel de la prostitution », qui « devait être enfoui dans la fosse commune de l’histoire ». Engels retenait de Saint-Simon son idée que tous les hommes devraient travailler, que la politique serait absorbée par l’économie, si bien que le gouvernement politique des hommes serait converti en administration des choses ; de Fourier qu’il maniait déjà très bien la dialectique en montrant que « la pauvreté na[issait] de la surabondance »; d’Owen, enfin, qu’il avait fondé une colonie modèle où l’ivrognerie, la police, la prison, les procès, l’assistance publique et le besoin de charité avaient disparu. Engels rappelait que tout grand mouvement bourgeois renfermait en son sein des mouvements plus avancés comme celui de Thomas Münzer en Allemagne, des niveleurs en Angleterre, et de Babeuf durant la « grande Révolution française », mais que, dans le cas de la Terreur, les masses non possédantes de Paris avaient été, « dans les conditions existantes », incapables de toute action politique indépendante [51].

Le Code de la Nature (1755) de Morelly et des Textes choisis de Charles Fourier parurent à 5 000 exemplaires aux Editions Sociales en mars et en juin 1953, avec le même tirage que le tome IV du Capital de Marx [52]. Engels écrivait dans l’Anti-Dühring et dans sa brochure Socialisme utopique et socialisme scientifique que Morelly et Mably avaient été les auteurs de « théories déjà franchement communistes ». Dans La Grande Révolution de Kropotkine - lu en entier par Saloth Sar / Pol Pot [53]-, Mably était décrit comme le penseur qui, bien plus que Rousseau, avait influencé les Révolutionnaires français. Cependant, rien ne permet de dire si des Cambodgiens ont pu se renseigner sur sa pensée en dehors de manuels d’histoire des idées politiques, car l’ouvrage communiste majeur de Mably, Des droits et des devoirs du citoyen, ne fut réédité qu’en 1972. L’introduction au texte de Morelly par le soviétique Volguine en faisait ressortir les citations suivantes : « Tout peuple ... peut être ramené aux lois de la pure nature », « Analysez la vanité, la fatuité, l’orgueil, l’ambition, la fourberie, l’hypocrisie, le scélératisme, décomposez de même la plupart de nos vertus sophistiques, tout cela se résout en ce subtile et pernicieux élément, le désir d’avoir ». Le Code de Morelly s’efforçait textuellement de « trouver une situation dans laquelle il soit presque impossible que l’homme soit dépravé et méchant » [54]. Ce Code avait aussi été édité édité chez Clavreuil en 1950, avec une longue introduction et des notes de Gilbert Chinard, mettant en parallèle les théories du prolixe Morelly avec celles de More et avec l’expérience réelle des Incas au Pérou. La philosophie d’un autre livre de Morelly, Le Prince, y était exposée et résumée. Il en ressortait que le but était de rendre « les hommes heureux et bons, ou de se garantir de leur malice », en passant par cette unique solution : « le vrai Despotisme. Un Prince chéri de ses Sujets, est un Prince absolu, ses ordres leur annoncent toujours qu’il veut leur bien » [55]. Le partage, égal ou inégal des biens en propriétés, était pour Morelly la cause suprême du mal, et l’on ne peut s’empêcher de remarquer entre son Code et le projet de Pol Pot, Nuon Chea et leurs camarades, un certain nombre de similitudes frappantes : magasins publics, travail des champs obligatoire, enfants séparés des parents dès 5 ans, travaux en ateliers dès 10 ans, correction de l’esprit de propriété). En 1948, Roger Garaudy, dans Les Sources françaises du socialisme scientifique était d’avis que le Code de la Nature était « l’essai le plus complet et le plus puissant en ce domaine ». Son texte fut néanmoins réédité avec des modifications en 1949 sur pression soviétique, pour ne pas laisser prise à une sous-estimation des découvertes fondamentales de Marx et Engels [56].

Il faut rappeler que Marx lui-même saluait en certains travaux d’utopistes. Charles Fourier était pour lui « un des prophètes du socialisme », comme il était indiqué dans la préface des Textes choisis de ce dernier (Editions Sociales, 1953). Ce petit employé de commerce mégalomane menant une vie de vieux garçon réglée dans les moindres détails raffolait des défilés militaires et avait imaginé dans ses moindres détails la vie des habitants d’une cité harmonieuse. Il fustigeait l’ « esprit mercantile », « la fausse industrie, morcelée, répugnante, mensongère », et croyait avoir surpassé toutes les sciences et les théories politiques des deux derniers millénaires en découvrant la théorie de l’attraction universelle qui aboutirait à l’ « harmonie universelle ». Dans une revue comme La Pensée, appréciée par les étudiants communistes en Philosophie ou Histoire, et dont les rédacteurs animaient des colloques, Fourier était présenté, à la rubrique « chronique philosophique » de mai-août 1953, à la fois comme un fantaisiste et comme un précurseur dont le « génie anticipateur » avait prédit maints détails du marxisme tel qu’il était supposé avoir été réalisé en l’Union Soviétique : rapprochement entre la ville et la campagne, grands travaux de défrichement, substitution à la concurrence et à tous les rapports de lutte de la critique et de l’autocritique, émulation socialiste, équipes rivales de stakhanovistes, repas collectifs, rôle dévolu à l’enfance et à la jeunesse dans le progrès social, école unique, enseignement polytechnique, etc. Son erreur ne gisait que dans la timidité des moyens qu’il avait envisagés pour réaliser son but, lequel était réellement révolutionnaire [57].

Dans la même « revue du rationalisme moderne », en 1948, Roger Garaudy, auteur des Sources françaises du socialisme scientifique, ainsi que Félix Armand, rappelaient un certain nombre d’ « anticipations géniales » des précurseurs français du socialisme, qui, contrairement au « préjugé tenace », n’étaient ni idéalistes, ni étrangers à la notion de classe. Théodore Dézamy, par exemple, dans son Code de la communauté, tentait, comme Morelly, de « trouver une situation où l’homme ne puisse plus être dépravé ni méchant ». Il prévoyait une éducation polytechnique permettant au citoyen d’être apte à plusieurs fonctions dans la cellule de base qu’était la commune, où la propriété, le travail, et l’éducation étaient communs. Enfin, il dénonçait l’anarchie des intérêts individuels, les ravages de la « libre concurrence » en même temps que « les homicides étreintes du monopole » [58]. Garaudy dut néanmoins faire, sur pression soviétique, une auto-critique de ses thèses qui avaient le mauvais goût de pêcher par nationalisme dans La nouvelle critique d’avril 1949.

Un autre précurseur français du communisme, Gracchus Babeuf, était considéré par Marx comme le « fondateur du premier parti communiste agissant ». Des Textes choisis de ce révolutionnaire égalitariste et communaliste étaient parus aux éditions sociales dès 1950. Dans les livres de l’historien de la révolution française Albert Soboul et dans ses cours délivrés notamment à l’Université Nouvelle, Babeuf était évoqué comme le premier théoricien qui, en accord avec ses plans utopiques, tenta de faire enfanter l’Histoire humaine du communisme, en 1796, lors de sa Conspiration dite des Egaux. Comme l’écrivait Soboul, Babeuf, inspiré de l’œuvre des Jacobins et nourrit des écrits de Rousseau, de Mably et du Code de la nature de Morelly, proclamait que le but de la société était le « bonheur commun » et que le seul moyen d’arriver à l’égalité de fait était « d’établir l’administration commune », puisque le partage égal des propriétés ne pouvait durer qu’une journée. Les communistes omettent souvent de préciser qu’ils visent le bonheur commun. Ainsi, Thorez choisissait de mettre en exergue à Fils du Peuple cette citation de Saint-Just : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ». Babeuf, lui, dénonçait une égalité des droits seulement « nominale », et projetait clairement d’abolir la petite propriété et d’instaurer des communautés des biens et des travaux comprenant des magasins communs. Le communisme de Babeuf, rural et frugal, prévoyait même la suppression de l’argent. Son modèle de société était l’armée. S’appuyant sur cette réalité partielle, il affirmait avec enthousiasme que « ce qui est possible en petit l’est en grand ». Pour renverser le système social en place, Babeuf estimait qu’une minorité agissante pouvait entraîner vers une dictature révolutionnaire une frange de sympathisants tenus hors du secret et même l’ensemble des masses populaires, car, commentait Soboul, il serait « puéril de s’en remettre à une assemblée élue (...) même au suffrage universel; il est indispensable de maintenir la dictature d’une minorité révolutionnaire, tout le temps nécessaire à la refonte de la société et à la mise en place des institutions nouvelles » [59]. Les textes de ce « précurseur du communisme » furent réédités et commentés dans les Cahiers du communisme à des moments où le P.C.F. cherchait à mettre en avant ses origines révolutionnaires nationales, en 1947-1953, en 1957-1958, et en 1962-1965 [60]. En 1957 était parue La Conspiration pour l’égalité dite de Babeuf, un recueil en deux tomes de ses textes et projets de décrets - y compris policiers - réunis par Buonarotti en 1828. Certes, les communistes ne présentaient pas une image globale de Babeuf et passaient sous silence le fait qu’il avait violemment attaqué Robespierre et Carrier dans Du Système de Dépopulation, ou la vie et les crimes de Carrier, an III et On veut sauver Carrier.

Le « Cercle »
A côté des réunions de cellule, les Cercles d’Etudes Marxistes constituaient d’autres foyers du militantisme communiste. Leur création avait pour but d’attirer des non communistes, et était avalisée par le Parti, sans que leur fonctionnement fusse directement de son ressort [61]. Il semble que pour les Cambodgiens, ces réunions aient été considérées comme plus sérieuses que celles de la cellule.

Le Cercle (Vong) d’études marxistes des étudiants cambodgiens aurait été fondé le 19 juin 1950 [62] ou peu après le festival de Berlin-Est d’août 1951, par Ieng Sary, Keng Vannsak, Rath Samoeun et Yun Soeurn. Les réunions se déroulaient généralement tous les week-ends, dans le Parc Montsouris qui fait face à la Cité universitaire internationale, ou dans l’appartement de Vannsak, rue du Commerce, puis, après son départ en 1952, chez Sary, à l’hôtel anglo-latin, 28, rue Saint-André-des-Arts. D’après David Chandler, les membres lisaient De l’impérialisme de Lénine (L’impérialisme stade suprême du capitalisme), La question Nationale et le Matérialisme Dialectique de Staline, le Manifeste du Parti Communiste ainsi que Le Capital de Marx (ce dernier renseignement se trouve dans le chapitre 3 de la biographie de Pol Pot écrite par Chandler mais non dans la liste précédemment donnée dans The Tragedy of Cambodian History, p.54). Mey Mann, initié par deux fondateurs du cercle marxiste lors de sa deuxième année d’études en France, mentionne également la lecture de Fils du peuple de Thorez et des Principes du léninisme de Staline (un ouvrage qui fut distribué aux cadres du Parti en 1970-1971). Selon lui, le cercle n’établissait pas de programme politique mais se livrait à l’étude des textes. D’autres étudiants indiquent qu’ils commentaient leurs lectures et les événements de la semaine sans qu’il ne semble y avoir eu de discipline stricte. Un ancien membre autour de l’année 1953 nous a signalé que Rosa Luxembourg était lue (seulement en tant que martyre de la révolution ?) et qu’il était conseillé de lire le Contrat Social de Rousseau, mais pas jusqu’à l’étudier comme Lénine et Staline [63]. Il est évidemment probable que jusqu’en 1954, l’étude des textes ait été pour certains moins attentive que celle des événements en Indochine.

D’après une note des Renseignements Généraux, l’influence du Cercle s’exerçait, en 1953, sur la moitié des étudiants Cambodgiens de Paris, soit approximativement cent personnes, le nombre d’étudiants Cambodgiens passant de 110 en 1945 à 240 en 1955 selon la même note. D’après plusieurs témoins, les chiffres des R.G. sont fortement exagérés et devraient être ramenés à une quinzaine ou une trentaine. L’action du Cercle sur la future élite cambodgienne, ne paraît cependant pas négligeable. Des bulletins de l’A.E.K. étaient lus au Cambodge par des étudiants, comme Khieu Samphan. A titre de comparaison, au Cambodge, en 1951, le parti cambodgien rattaché au « parti ouvrier » vietnamien ne comptait que 150 Cambodgiens sur 1784 membres [64]. L’exagération provient également des milieux révolutionnaires. D’après les dires de Ieng Sary rapportés par Elizabeth Becker, Maurice Thorez en personne aurait donné sa bénédiction à la formation du « cercle d’étude communiste » [65]. Il semble s’agir d’une confusion, car le fils aîné de Thorez avait à la même période inauguré et animé un stage de l’école de la fédération de Paris auquel avaient pris part des Cambodgiens et d’autres ressortissants des colonies. De plus, Ieng Sary dit avoir suivi des cours à la « Fédération de Paris » [66]. Keng Vannsak, qui n’était pas vraiment communiste, avait dit à Ben Kiernan que le Cercle était affilié au P.C.F. en tant que groupe de langue [67], mais sans doute est-ce parce que les participants aux deux types de réunion étaient les mêmes personnes.

François Debré rapportait certains propos échangés lors des débats du Cercle, à partir de notes prises dans un carnet par un des participants. Il ne se souvient pas du nom de son informateur anonyme, mais Keng Vannsak s’exclamait à notre adresse : « qui voulez-vous que ce soit, en dehors de moi ? » et la comparaison du texte de Debré (1976) avec celui de Ben Kiernan (1985), lequel avait interrogé Vannsak, lève le moindre doute. Au vu de ces notes, Debré indiquait qu’on était confronté à la « détermination d’une poignée de révolutionnaires » dont le « but était déjà de conquérir le pouvoir ». Le Cercle semblait réunir un groupe de révolutionnaires professionnels, débattant, dans la confidentialité, de certaines mesures à prendre au pouvoir. La raison en était que les discussions rapportées par son informateur ne concernaient, comme nous l’a concédé Debré, qu’un cercle restreint de Khmers, entre animateurs. Certainement conscients d’êtres des communistes ayant, suivant la définition de Marx et Engels, « sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien » [68], ils semblaient avoir défini la structure d’un parti : « L’organisation représente le peuple, le comité central représente l’organisation, le gouvernement et l’administration obéissent au comité central et sont les exécutants fidèles des décisions du peuple; toutes les décisions du comité central sont indiscutables » [69].

Il est possible que les moyens de contrôler le pouvoir aient été débattus à la lumière des premiers documents ramenés par les rebelles indépendantistes affiliés au Vietminh lors du festival de Berlin-Est. D’après Debré, et donc Keng Vannsak, il avait été dit que « la mobilisation doit être permanente, c’est la mobilisation contre les ennemis de classe qui justifie la rigueur de l’organisation et son système de décision » [70]. Il serait tentant, après la lecture de Debré, de remarquer que le terme d’Organisation était, dès Paris, préféré à celui de Parti, ce qui peut provenir de vieux textes de Lénine [71].

Certains membres semblaient attirés par les procédures policières. Deux sources reposant sur les dires de Vannsak semblent attribuer une telle attirance soit à Saloth Sar soit à Ieng Sary. Si l’on choisit de suivre François Debré, comme le fait David Chandler dans sa biographie de Pol Pot, Saloth Sar se passionnait surtout pour les problèmes d’organisation. Il est vrai qu’alors l’informateur de Debré ne pouvait pas savoir que Saloth Sar se cachait derrière Pol Pot, mais il avait peut-être à l’esprit que Sihanouk avait nommé le 24 mars 1972 « Soluto Sor » chef du département des FAPLNK, l’armée du FUNK [72]. Dans les discussions qui l’opposaient à Hou Yuon, Sar en venait apparemment à dire :

« C’est moi qui dirigerai l’organisation révolutionnaire; j’en serai le secrétaire général, je détiendrai les dossiers, je contrôlerai les ministres et je veillerai à ce qu’ils ne dévient pas de la ligne fixée par le comité central dans l’intérêt du peuple...» [73]

Cependant, Kiernan rapportait que d’après Vannsak, le militant qui était « attiré par la technique de Staline consistant à contrôler la structure organisationnelle du Parti en “tenant les dossiers” » était Ieng Sary. Nous avons voulu vérifier ce point auprès de Vannsak en avril 2001, sans mentionner Debré ni Kiernan, et il nous répondit qu’il s’agissait de Sary car Sar était le plus effacé, et « était loin de Ieng Sary ». Trois ans auparavant, Vannsak nous avait confié que Sar lisait beaucoup, et qu’il venait irrégulièrement aux réunions du « Cercle ». Il habitait pourtant une rue voisine de la sienne. Il est certes possible que Sar ait fini par partager l’opinion de Sary, mais Vannsak, qui quitta Paris deux mois avant lui, et s’était écarté peu avant de la politique, ne semble pas l’avoir su. Mais lorsque Debré décrit Sar comme le plus intelligent, le plus actif, le plus convaincu, le plus intransigeant, comme celui qui animait les débats du Cercle et présidait réellement l’A.E.K. sans pour autant avoir le moindre titre, il paraît bien représenter Sary, tel qu’il est décrit par d’autres sources, avant même qu’il ne devienne président de l’U.E.K. à la fin de l’année 1956 [74].

En 1980, Vannsak avait indiqué à Kiernan que les animateurs avaient été Rath Samoeun et Ieng Sary, et que les plus participants les plus actifs avaient été Thiounn Mumm, Toch Phoeun, Mey Mann, Mey Phat, et Chi Kim An. Saloth Sar ne venait pas souvent en raison de sa personnalité réservée [75]. Kim Vien, arrivé en 1954, se souvient d’une « cellule » dont les idéologues auraient été Thiounn Mumm, Rath Samoeun, In Sokan, ainsi que Ieng Sary, dont les dons d’orateur lui donnaient les traits d’un « grand chef », malgré son accent de Cochinchine. Sary était déjà très résolu dans ses positions politiques, et prônait des changements radicaux. François Ponchaud indique que deux ans après son arrivée à Paris, il se voyait déjà être Staline dont il avait, comme In Sokan, affiché le portrait dans sa chambre à côté de celui de Hô Chi Minh [76]. Marie-Alexandrine Martin, qui avait interrogé Keng Vannsak, décrivait Ieng Sary comme un bon connaisseur du marxisme, un habile politicien à l’esprit particulièrement calculateur. Si l’on en croit un de ses anciens camarades, lorsqu’on lui demandait ce qu’il ferait au pouvoir, il répondait qu’il suffisait de détenir les dossiers biographiques des gens. Comme Staline il voulait être un « super-flic ». Le futur numéro 3 ou 4 de la direction révolutionnaire, aurait – selon un témoin que nous n’avons pas suffisamment entendu pour juger de sa sincérité – d’ores et déjà prévu d’éliminer la bourgeoisie, et les bourgeois aussi (lesquels?), sous prétexte que le mal devait être « extirpé à la racine » [77]. "L’expression rapportée est à rapprocher d’un slogan répandu après 1975 : « Couper un mauvais plant ne suffit pas: il faut en extirper toutes les racines ». Ieng Sary, nous dit-on, se nourrissait de « lectures variées » [78], ce qui nous conduit à associer sa formule, dont le contexte n’est peut-être pas bien reconstitué, au mode de pensée d’utopistes réédités à l’époque, qui s’en prenaient non pas aux hommes mais au système, tel Morelly envisageant de « couper racine à la propriété » [79] ou Fourier condamnant en 1810, non pas les abus du commerce, mais le principe mercantile et les pratiques qui lui sont irrémédiablement attachées :

« Or, quand un arbre ne produit que des fruits vénéneux, qu’y a-t-il à faire que de l’abattre et d’en extirper jusqu’aux racines? (...) Il est temps [pour le commerce] qu’il soit voué à l’opprobre et qu’il disparaisse des sociétés humaines, où il ne porte que la dépravation et le ravage » [80].

Les membres du Cercle devaient s’astreindre à une discipline que certains jugeaient trop stricte : ils « devaient » vendre l’Humanité-Dimanche (un caractère obligatoire normalement inexistant au sein du P.C.F.), suivre les cours de l’Université Nouvelle du P.C.F. rue de Rennes, aller à des manifestations de masse y compris contre la guerre d’Algérie et en faveur de Bourguiba, par solidarité internationale, regarder les films produits par France-URSS (et plusieurs fois le Cuirassé Potemkine), ne pas fréquenter de filles pour ne pas se détourner de la politique (« masturbez-vous régulièrement », aurait conseillé Ieng Sary), se concentrer sur l’étude du marxisme-léninisme en vue d’entrer dans le maquis, et non sur ses études en vue d’entrer au gouvernement. Aux réunions hebdomadaires, des exposés devaient être réalisés par les membres, après une étude obligatoire de textes. Ieng Sary, aurait été un peu mégalomane en se prenant pour Staline, et arrivait à l’improviste dans les chambres de ses camarades logeant dans le même hôtel pour vérifier s’ils ne lisaient pas des textes bourgeois. Son bras droit était Son Sen. Deux étudiants au moins quittèrent l’hôtel anglo-latin pour fuir cette surveillance [81].



L’université nouvelle
Keng Vannsak se souvient que certains de ses camarades suivaient des conférences. Il pouvait probablement s’agir, comme pour un communiste d’origine vietnamienne de la Cité Universitaire, des colloques adressés aux étudiants par les Amis de la revue La Pensée. Autrement, il est certain qu’ils suivirent les conférences ou les cours du soir de l’Université Nouvelle du P.C.F. (dite Université Ouvrière de 1932 à 1940), dont les locaux principaux étaient sis au 8, avenue Mathurin-Moreau, et dont une des annexes, fréquentée par une proportion plus grande d’étudiants se trouvait au 44, rue de Rennes, à côté du café des Deux Magots. L’Université Nouvelle (l’U.N.) était ouverte à tous pour une somme modique, une « cotisation de principe », qui, selon son ancien directeur, ne couvrait que les frais d’électricité et le salaire d’une dactylo chargée de la permanence, grâce à l’engagement bénévole de la totalité des professeurs, tous sympathisants communistes. Le but était de délivrer aux participants des connaissances « non bourgeoises ». Ieng Sary et Pol Pot ont fréquenté l’Université Nouvelle [82]. Khieu Samphan dit y être allé « de temps à autre ». Mey Mann y avait suivi, à « Odéon », des cours de russe et de philosophie marxiste avec ses camarades Sanh Oeurn et Mey Phat. Toutes ces personnes étaient membres du Cercle d’études marxistes, et, selon un autre membre, vers 1953, tous ceux du Cercle étaient tenus d’aller à l’Université nouvelle [83]. Plus tard, Chau Seng Uor en avait été diplômé, mais avait rejoint au Cambodge les rangs de Son Ngoc Thanh. Parmi les membres de l’U.E.K., peu de marxistes fréquentaient l’U.N. Ils privilégiaient les conférences de l’Institut Maurice Thorez, créé en 1964 boulevard Blanqui et devenu plus tard l’Institut de Recherches Marxistes puis, jusqu’à nos jours, l’Espace Karl Marx.

A l’U.N., les enseignements portaient sur l’histoire, la philosophie, les essais historiques de Marx (le 18 Brumaire, La guerre civile en France 1871), la philosophie des Lumières (Voltaire, Rousseau), ou encore le matérialisme dialectique et historique, également traité dans un chapitre de L’histoire du P.C. d’Union Soviétique.
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Jean-Jacques Rousseau

Plusieurs sources rapportent que Pol Pot était passionné par la littérature française, la poésie de Hugo, de Rimbaud, de Vigny, et de Verlaine dont il citait des vers à ses élèves. Sa formation technique ne le destinait pas à cultiver le goût de la littérature, mais il a dû y être sensibilisé à l’Université Nouvelle du P.C.F.. Selon Keng Vannsak, qui ne le considère pas comme un intellectuel, il « passait la majeure partie de son temps à lire » [84]. Et David Chandler rapporte que Jean-Jacques Rousseau était un de ses auteurs préférés [85].

Khieu Samphan et Ieng Sary l’avaient lu également. Vers 1980-1981, Khieu Samphan avait confié à un journaliste français : « Le premier ministre Pol Pot et moi-même, je vous l’assure, sommes profondément imbus de l’esprit français, du Siècle des Lumières, de Rousseau, Montesquieu... » [86]. Samphan reconnaissait rétrospectivement qu’il avait retenu de Rousseau « son idée que l’homme est né égal et bon, et que c’est la société qui le corrompt ». Aussi voulait-il que le Cambodge « respecte l’égalité des hommes, et l’esprit de la loi ». Mais il refusait d’être rapproché de Mao ou de Robespierre, en dehors du souci d’incorruptibilité de ce dernier, préférant se décrire comme un « intellectuel de formation occidentale » pour qui « c’était le Cambodge qui lui tenait à cœur » [87].

Rappelons quelques traits de l’œuvre de Rousseau qui ont pu déteindre sur l’idéologie de l’Angkar Padevat (l’Organisation révolutionnaire). Outre sa critique de la propriété, du luxe, du confort, du superflu - jusqu’à s’habiller lui-même des vêtements les plus simples - et son idéalisation d’un état de nature uniforme, son œuvre philosophique comporte bon nombre de passages dénonçant la dépravation des villes, l’inutilité des arts et les maux engendrés par les progrès de la science. D’après Emile Durkheim, l’enthousiasme de Rousseau pour Sparte, son intérêt pour les œuvres de Mably, More, et Morelly, son idéal d’égalité économique ainsi que son rejet des arts et de l’industrie, classe sa théorie dans le « communisme moderne » [88]. Son fameux Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (1754) est un ouvrage de référence pour les communistes, notamment le commencement de la seconde partie où la propriété privée est présentée comme la source de toutes les guerres, de toutes les misères et de tous les meurtres du genre humain, alors que naturellement « les fruits sont à tous et [...] la terre n’est à personne » (on sait qu’au Kampuchéa Démocratique la cueillette sans autorisation des fruits, et notamment des noix de cocos, dont l’eau servait de sérum aux malades, valait la rééducation voire la mort). Engels, dans Socialisme utopique et socialisme scientifique ne mentionnait que deux « chefs d’œuvres de dialectique » au XVIIIe siècle, le Neveu de Rameau de Diderot et le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau. Rousseau considérait que les progrès de l’esprit humain étaient des sources d’inégalité extrême dans la manière de vivre, et de maladies. Ce qui l’amenait à formuler ce chef d’œuvre de dialectique : « j’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé » [89]. La lecture de cet ouvrage a du être particulièrement envoûtante pour les jeunes Saloth Sar, Ieng Sary et Khieu Samphan tant est subtil l’art argumentatif de Rousseau. Le 31 août 1755, Voltaire répondait à Rousseau en des termes peu élogieux après avoir lu son Discours: « On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage ». Rousseau prévenait que sa tentative d’explication des fondements de la société partait avant tout de conjectures réflexives écartant les faits (c’est-à-dire, disait-il, les hypothèses des autres chercheurs) : « Commençons donc par écarter tous les faits; car ils ne touchent point à la question » [90]. Rousseau ne se contentait pas d’idéaliser la liberté ou la bonté de l’homme sauvage solitaire laissé à l’état de nature, il proposait aussi dans son Contrat Social un pacte dans lequel le principal engagement était « que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre; car telle est la condition qui donnant chaque citoyen à la Patrie le garantit de toute dépendance personnelle » [91]. Dans l’Emile, lu au moins par Mey Mann, Rousseau commençait par inviter les professeurs à arracher leurs élèves à la société, avant de tempérer cette idée. Enfin, ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, moins connues, mais où son côté législateur se donne libre cours, prévoient un certain nombre de prescriptions radicales et autarciques visant à se soustraire à l’influence des puissances habituées au commerce, à l’industrie, aux arts et aux sciences, et à devenir riche en cultivant les champs sans se soucier du reste.

Pour peu que Pol Pot ou d’autres se soient intéressés à la vie de ce philosophe, le caractère de Rousseau a pu les marquer : la misanthropie ou la méfiance de ce dernier, son goût pour la vie d’ermite, son complexe en partie fondé de persécution l’amenant à fuir en Angleterre en 1765, enfin son penchant à enseigner la vertu qui semble se refléter dans les attitudes de pédagogue de Pol Pot.



La perception de la révolution française

Saloth Sar / Pol Pot dit avoir acquis de vieux livres d’occasion le long de la Seine. Il en avait beaucoup. L’ouvrage qui l’avait suffisamment passionné pour en avoir gardé souvenir quarante cinq ans après, était La Grande Révolution Française [92]. L’utilisation de l’adjectif « grande » suggère qu’il mentionnait ici La Grande Révolution: 1789-1793, du prince anarchiste Pierre Kropotkine, dont le titre original en russe est La Grande Révolution Française: 1789-1793, car il n’existait pas, à notre connaissance d’autre titre équivalent en français [93]. Ce souvenir illustre assez le fait que, comme l’avait dit Thiounn Mumm à David Chandler en 1988, reprenant la remarque d’Axelrod au sujet de Lénine, Pol Pot était « le seul homme qui ne pensait à rien d’autre qu’à la révolution, et qui, dans son sommeil, rêvait de révolution » [94]. Cette première histoire de la Révolution prenant en compte le côté des classes populaires, selon une approche sociale, communisante, et non politique et bourgeoise, avait été écrite en 1909 dans le but de répondre à l’histoire radicale-socialiste formulée lors de la commémoration du centenaire de la Révolution [95]. Pol Pot reconnaissait ne pas avoir tout compris mais qu’il l’avait juste lu. Il ne pouvait donc alors comprendre tout ce qu’il lisait en français, d’autant que le livre de Kropotkine était très touffu et demandait une certaine familiarité avec l’histoire de la Russie à laquelle se référait régulièrement l’auteur. Il parlait néanmoins couramment le français [96]. Keng Vannsak, qui ne cherche absolument pas à le glorifier, avait dit à Kiernan qu’il « ne manquait pas d’intelligence », et nous avait signalé qu’il lisait des journaux, et qu’à son retour de France il était devenu communiste, « très compétent idéologiquement, plus même que Ieng Sary » [97], lequel, rappelons-le, avait déjà lu le Manifeste de Marx et Engels avant 1950.

Une histoire intitulée La Révolution Française, avait été publiée en 1948 par Albert Soboul, professeur au lycée Henri IV qui donnait, dès le début des années cinquante, à l’Université Nouvelle, des cours de tendance marxiste sur la Révolution Française [98]. Plus tard, les étudiants de l’U.E.K. qui rejetaient la monarchie constitutionnelle et l’inamovibilité du prince Sihanouk devenu chef d’Etat en 1960, allaient très bien connaître la référence qu’était pour l’époque le Précis de la Révolution Française de Soboul, publié en 1962 aux Editions Sociales dans une version moins subtile que sa thèse [99]. La façon de professer de Soboul a pu varier, mais certains aspects de la Révolution Montagnarde exposés dans son Précis ont pu retenir l’attention de ces étudiants anti-monarchistes [100].

Rappelons les discours, facilement repérables dans le texte, de Marat sur « le despotisme de la liberté », titre même d’un chapitre du Précis. Aux Girondins qui « une fois encore crièrent à la dictature » devant les arrêts du Comité de Salut Public créé les 5 et 6 avril 1793, Marat répliqua : « C’est par la violence qu’on doit établir la liberté, et le moment est venu d’organiser momentanément le despotisme de la liberté, pour écraser le despotisme des rois »[101]. A ce moment-là, faut-il rappeler, les Girondins voulaient guillotiner Marat [102].

La future méfiance à l’égard de la vie urbaine peut provenir entre autres de la lutte supposée des « jacobins » contre le « fédéralisme » contestataire du pouvoir central (cette notion polémique est abandonnée par les historiens depuis trente ans [103]). Fait troublant lorsque l’on pense à l’évacuation des villes organisée par les révolutionnaires cambodgiens afin d’étouffer toute résistance, la période montagnarde de la Révolution française fut marquée par une série de répressions menées contre les villes de province. Soboul évoquait les exécutions des rebelles de Nantes par Carrier, de Bordeaux par Tallien, de Toulon par Barras et Fréron. Et plus qu’ailleurs, la Convention montagnarde, « la République » pour Soboul, se heurta à la rébellion inattendue de la ville de Lyon qu’il fallut mater en en faisant le siège durant deux mois (d’août à octobre 1793). Tel que les faits étaient présentés simplement dans le résumé de la thèse de Soboul, Barère, rallié à la Montagne, fit voter le 12 octobre par la Convention, « la destruction de la ville », ouvrant la voie aux exécutions de masses menées par Collot d’Herbois et Fouché :

« Tout ce qui fut habité par le riche sera démoli; il ne restera que la maison du pauvre, les habitations des patriotes, égorgés ou proscrits; ... la réunion des maisons conservées portera désormais le nom de Ville Affranchie » [104].

Ok Sakun, dans la maison duquel eut lieu le congrès « fondateur » du Parti des travailleurs cambodgien en 1960, et qui fut plus tard chargé du bureau politique du ministre des Affaires Etrangères, admettait que la Révolution Française avait fortement marqué ses camarades et lui-même car elle leur avait ouvert des horizons nouveaux [105].

Suong Sikœun, resté 13 ans en France, avant de devenir cadre du GRUNK et du K.D., reconnaissait à la fin de l’année 1996, à une journaliste du Phnom Penh Post, alors qu’il se trouvait au fief de la guérilla à Phnom Malay, que la Révolution Française l’avait vivement inspiré. « J’ai été très influencé par la Révolution française, et particulièrement par Robespierre. De là, il n’y avait qu’un pas pour être communiste. Robespierre est mon héros. Robespierre et Pol Pot : les deux hommes ont les mêmes qualités de détermination et d’intégrité ». La traduction de Florence Compain pour le Figaro de l’interview réalisée par Christine Chaumeau donnait « Mon héros, c’est Robespierre (...) Je suis un produit de la Révolution Française que j’ai étudiée au collège de Kompong Cham. De Robespierre à Pol Pot, il n’y a qu’un pas. Ils ont la même détermination, la même intégrité » [106], ce qui a amené les rectifications suivantes de Suong Sikœun, après la mort de Pol Pot :

« J’avais voulu plutôt dire fervent admirateur de la Révolution Française. Mon héros était bien entendu Robespierre, surnommé l’Intransigeant, ce qui le fit ressembler, sur ce point, à Pol Pot, qui n’était guère un saint, donc intègre, loin s’en faut. Lors de mon interview, je n’avais jamais déclaré que j’admirais Pol Pot. J’avais seulement dit " De Robespierre à Pol Pot, il n’y avait qu’un pas ". Ce qui m’attirait dans la Révolution française c’[était] les idéaux d’égalité et de Justice sociale ».

Sikoeun, qui citait à la journaliste Louis Aragon dans « la ballade de celui qui chanta dans ses supplices, et avait lu des romans d’Elsa Triolet et les Misérables de Victor Hugo, nous a confié avoir lu plusieurs ouvrages sur la Révolution française, notamment le Précis d’Albert Soboul (son ancienne épouse Laurence Picq le confirme), lorsque ce dernier était son professeur d’histoire à la Sorbonne. Il appréciait aussi particulièrement les cours d’histoire économique de la Révolution française donnés par Ernest Labrousse, un socialiste anti-communiste.
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III. Séjours en pays socialistes.


Tous les deux ans, des festivals mondiaux de la jeunesse étaient organisés par la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique dans un pays de l’Est de l’Europe. Si des étudiants de toutes tendances y étaient conviés, il semble que parmi les Cambodgiens de France, les marxistes étaient les seuls à s’y déplacer.

En août 1951 le IIIe festival se tint à Berlin, en août 1953 le IVe se déroula à Bucarest, en 1955 à Varsovie, etc. François Debré et François Ponchaud avaient écrit que Saloth Sar était parti à Berlin-Est en 1951. David Chandler rapporte, d’après Thiounn Mumm, que Saloth Sar était alors en Yougoslavie, mais que Hou Yuon, Thiounn Mumm, Thiounn Prasith, Sien An, Rath Samoeun, et Ieng Sary y étaient. Mey Mann se rappelle, parmi une douzaine d’étudiants, de la présence de Thiounn Mumm, Phung Ton, Ieng Sary, Rath Samoeun, San Oeurn, Yun Soeurn (mais il doit se méprendre sur la présence de Nghet Chhopininto, qui était parti, lui, en Yougoslavie en compagnie de Hou Yuon) [107]. D’après les renseignements français, le chef de la délégation des étudiants cambodgiens était Thiounn Mumm. Tous faisaient évidemment partie de la délégation française, comptant environ deux ou trois mille participants. Le 23 juillet 1954, un étudiant khmer interrogé par la radio « La voix du Khmer Issarak » rapportait que les étudiants étaient allés au « congrès » de Bucarest en août 1953 et au congrès de Vienne en mars 1953. A cette dernière date, il s’agissait en l’occurrence d’une conférence internationale des droits de la jeunesse tenue du 22 au 27 mars et regroupant 500 jeunes de 50 pays pour dénoncer une situation qui « ne cess[ait] d’empirer », exiger la paix, la démocratisation de l’enseignement, la baisse du fermage, la hausse des salaires, etc. Il s’était également déroulé un congrès pour la Paix à Vienne en décembre 1952 [108].

Ces festivals n’étaient pas le lieu d’apprentissage de méthodes de propagande et de subversion. Leur vocation se limitait à servir de véhicule à une propagande gouvernementale. On rassemblait la jeunesse internationale la plus éclectique possible du point de vue politique, lors d’une grande fête, afin de lui montrer, derrière des mots d’ordre pacifistes, au cours de visites, les réalisations de l’économie collectivisée. Ces démonstrations de force autant que de réjouissances tournaient principalement autour de manifestations sportives et artistiques, de concours de danse, de chant et de musique. On y trouvait, agitant drapeaux et arborant foulards ou « rubans de l’amitié » de toutes les couleurs aussi bien des komsomoliens, des maquisards Vietnamiens, que des membres du R.P.F. (le parti gaulliste), de la Jeunesse Etudiante Chrétienne, des Scouts de France, ou des bouddhistes japonais. Tous étaient rassemblés dans un grand élan de fraternisation, à l’image du foulard du IVe festival dessiné par J.-P. Chabrol, sur lequel quatre jeunes gens venus des quatre coins du monde se tenaient la main autour d’une colombe. Le festival de Berlin de 1951 était déjà axé sur l’idéal de paix dans le monde, dans la lignée de l’appel de Stockholm lancé le 18 mars 1950 à l’initiative de l’U.R.S.S. et du Congrès Mondial de la Paix pour s’opposer à la bombe à hydrogène mise au point aux Etats-Unis en mars 1950. A l’époque, deux menaces principales inquiétaient le P.C.F. : en 1950, la menace atomique, et en 1951, la crainte du réarmement allemand via le projet de Communauté Européenne de Défense, perçu comme une manœuvre permettant aux Américains de conforter leurs volontés d’agression, jusqu’à ce que l’U.R.S.S. ne change de perspective sur la question.

Le 10 août 1951 eut lieu une rencontre des délégations française et « vietnamienne ». Des cadeaux furent échangés. Les Français offrirent aux Vietnamiens un buste du pacifiste Henri Martin (le quartier-maître de la marine accusé de sabotage), et entonnèrent « La Commune de Paris ». Les quelques jeunes soldats Vietnamiens présents eurent l’occasion de raconter l’histoire de leurs blessures de guerre, au moment où celle-ci s’intensifiait au Vietnam [109]. C’est à cette occasion que les Cambodgiens de Paris reçurent des Vietnamiens en lutte pour la libération nationale, outre un sampot pour défiler en habit traditionnel, les premiers documents, photos, et textes, concernant le chef des « Khmers Vietminh » Son Ngoc Minh (voir la notice des renseignements français sur son compte en annexe, document 6) ainsi que le drapeau du mouvement composé de cinq tours d’Angkor-Vat pointues sur fond rouge. Le drapeau Vietminh arborait, lui, cinq étoiles sur fond rouge représentant les trois « Bô » vietnamiens, plus le Cambodge et le Laos, ce qui traduisait la stratégie d’unification de la lutte. Deux membres cambodgiens de la délégation affirment n’avoir rencontré que des Vietnamiens, dont le chef de la délégation Nguyen Thanh Son, auteur en 1950 d’un Exposé relatif à la révolution khmère, et signataire des Accords de Genève en 1954 [110]. Mais selon Keng Vannsak commentant la rencontre avec ces « Khmers-Vietminh » : « Cette lutte armée nous a stimulés car nous ne pensions pas obtenir l’indépendance par des négociations » [111]. Une stimulation qui a précipité la lutte pacifique des communistes pour le contrôle de l’A.E.K., devenu effectif après le festival.

Ce ne serait en fait qu’à l’occasion du Congrès Mondial de la Paix de Vienne de décembre 1952 que les membres de l’A.E.K. auraient rencontré le premier représentant de la « résistance khmère », Keo Meas [112]. Ce Congrès dirigé contre « l’impérialisme » américain avait réclamé le cessez-le-feu en Corée, en Indochine et en Malaisie.

A Bucarest, en août 1953, l’accueil des étudiants fut réalisé dans de meilleures conditions qu’à Berlin-Est, mais il se fit au détriment de la population locale. Malgré les discours enthousiastes des membres du gouvernement roumain, les étudiants avaient pu remarquer que les habitants qui les saluaient dans les gares étaient mal habillés et se déplaçaient nu-pieds. Dans les villes, certains avaient été abordés par des passants qui dénonçaient le régime policier et leur transmettaient des lettres à emporter à l’étranger pour contourner la censure. Il arriva donc que certains participants non inféodés au Parti se soient éloignés du communisme après avoir assisté au festival. Les Cambodgiens à y avoir participé étaient Hou Yuon, Mey Mann, et Uch Ven, un étudiant à Montpellier qualifié de « communiste sincère » par les Renseignements français, qui était venu comme représentant désigné des étudiants anti-colonialistes d’Outre-Mer de Montpellier, avec deux délégués malgaches et un délégué togolais. Près de 1500 délégués de France avaient accueilli des délégués Vietminh au Parc de la Culture Staline, au cri de « Paix au Vietnam ». Les Renseignements français indiquent une autre rencontre, au début du mois de septembre, entre une trentaine de délégués Vietminh (dont des soldats et des laotiens) et trois cents Français. Il est donc probable que les Cambodgiens de France y rencontrèrent à nouveau des combattants Khmers-Vietminh [113].

D’après une brochure du Gouvernement de la Résistance khmer écrite en 1954, « les délégations du peuple khmer et celles des peuples Viet Nam et Lao » participant au Congrès des Peuples pour la Paix, à la Conférence Internationale pour la Défense des Droits de la Jeunesse (à Vienne en mars 1953) et à d’autres rencontres de la jeunesse, étaient « toujours au coude à coude » [114].



Pol Pot en Yougoslavie
Le voyage effectué par Saloth Sar (alias Pol Pot) dans la Yougoslavie de Tito en été 1950, en compagnie d’étudiants Français volontaires et de dix-sept autres Cambodgiens, pour travailler sur une autoroute de Zagreb [115], témoigne-t-il d’un détachement particulier vis-à-vis de l’U.R.S.S.? En avril 1978, Pol Pot donna sa première interview à des journalistes européens à une équipe yougoslave. Un des journalistes indiquait que ce choix s’était porté sur la Yougoslavie parce qu’elle avait fondé le mouvement non-aligné, avait rompu avec Lon Nol, et avait été un des premiers pays à reconnaître le FUNK [116]. Elle avait même « patronné » le GRUNK à la conférence des non-alignés de Lusaka de 1970 [117].

A la suite de la rupture entre Tito et Staline de juin 1948 et du blocus économique de la Yougoslavie par les « démocraties populaires », les communistes français reprochaient aux titistes de diviser le camp socialiste. Ils ne pouvaient être alors que des « traîtres », des « flics » ou des « hitléro-trotskystes ». Toutefois, l’épuration des éléments titistes à l’intérieur du P.C.F. ou de la C.G.T. (le syndicat d’obédience communiste en France) mit environ trois ans à se réaliser. On peut alors penser que les vacances auxquelles participa Pol Pot furent organisées par des socialistes ou des partisans de Tito, qui considéraient encore, après le P.C.F., qu’il était le plus grand dirigeant des pays de l’Est après Staline, ayant instauré le communisme au moyen d’une lutte armée épique. Certains communistes avaient participé à ces brigades avant de se voir exclus du Parti. On peut mesurer l’immense prestige que possédait Tito au fait que le premier mouvement des jeunes Européens ayant participé au festival mondial de la jeunesse de Prague en 1947 avait été, une fois le festival terminé, de retrousser leurs manches pour aider à la reconstruction de la Yougoslavie. Après la rupture, Tito se voulait plus fidèle au socialisme que Staline, et moins autoritaire, en votant une loi sur les conseils ouvriers en juin 1950, et une autre sur la décentralisation de l’appareil d’Etat en avril 1951.

Pourtant Pol Pot lui-même affirme qu’il y est allé sans arrière-pensée idéologique, la première fois pour participer à une brigade de travail à Zagreb pendant un mois, et la deuxième pour aller camper [118]. En été 1950, Saloth Sar n’avait pas encore participé aux discussions du Cercle d’études marxistes [119], qui étaient souvent le prélude à l’adhésion des Cambodgiens au P.C.F., mais n’existaient aps à l’époque. Lui-même indiquait que sa première année en France avait été consacrée à ses études. On est d’autant plus enclin à croire Pol Pot lorsqu’on sait que c’est tout simplement l’A.E.K., dirigée alors par le démocrate Ea Sichau, qui, dans son numéro double de mars-juin 1950, avait encouragé à partir pour l’été 1950 dans des camps internationaux de jeunes, qui étaient une belle occasion de « s’enrichir personnellement ». L’A.E.K. concentrait cette année-là ses efforts de financement à un camp de vacances en Suisse et à des brigades internationales de travail en Yougoslavie, organisées par le Comité National d’Initiative pour l’envoi de brigades de travail en Yougoslavie, sis au 63, boulevard Poissonnière. Les frais des deux voyages étaient pris en charge par l’A.E.K. à hauteur de 5000 F, mais le voyage en Suisse coûtait 6000F alors qu’il suffisait de débourser 5000F de billet jusqu’à la frontière yougoslave pour le second, le reste étant « pris en charge totalement par la jeunesse populaire yougoslave » (comprendre le gouvernement). Saloth Sar opta pour les trois ou quatre semaines de vacances théoriquement gratuites (il dit avoir payé 2000 francs), dont le programme prévoyait, selon la durée, six ou douze heures de travail à mi-temps pour reconstruire la Cité Universitaire du nouveau Belgrade, les après-midi étant consacrées aux « activités culturelles et sportives ».

Un rapport de septembre 1950 du haut Commissariat en Indochine basé sur le témoignage d’un Vietnamien ayant appartenu à la brigade française « Eugène Varlin », confirme ces indications en précisant le déroulement d’une journée:

« Le travail a lieu de 6h à 12h. L’après-midi est réservée à la visite des musées ou de zadrouges (coopératives d’exploitation). Une surveillance discrète a lieu pendant sa visite. Il est interdit en particulier de prendre des photos. L’intéressé a été surpris par le rationnement général (système de cartes d’alimentation, ni lait, ni chocolat). La nationalisation est poussée dans tous les domaines. Certains groupes ont été astreints à des cours politiques (titistes) bien entendu. L’intéressé n’y a pas été invité » [120].

Une dizaine de Cambodgiens parmi lesquels Nghet Chhopininto, Hou Yuon, Su Pain, Pong Savin, Lu Ban Ap étaient aussi du voyage en Yougoslavie dans une brigade de travail vers 1951. Partis avec enthousiasme envers la position neutraliste de Tito, ils visitèrent des coopératives, travaillèrent sur les chemins de fer, et rencontrèrent des gens pauvres mais chaleureux. La pénurie alimentaire était importante au point qu’un des participants fut découvert en train de manger en cachette les provisions qu’il avait amené, et qu’un autre, en revenant en France, se mit à apprécier les fromages français. Mais dans l’ensemble, un des participants garda de ce voyage de très bons souvenirs [121].

Une fois rentré au Cambodge, Saloth Sar avait raconté à son frère Loth Suong son travail en Yougoslavie, tout en ne tarissant pas moins d’éloges continuelles sur l’URSS [122]. Des camarades militants rentrés plus tard que lui ne l’ont pas forcément tempéré dans son enthousiasme car à partir de l’été 1955, Maurice Thorez s’était réconcilité avec Tito [123]. Saloth a probablement été marqué par la volonté d’indépendance du pays, l’accent mis sur le volontarisme, la mobilisation de masse pour les travaux publics, mais aussi, négativement, par le culte de la personnalité à travers les nombreuses statues de Tito. Et peut-être a-t-il retenu de son voyage, sous l’influence idéaliste ou non de Rousseau, l’image que la frugalité accroissait l’hospitalité et la solidarité entre les hommes. Pour cette raison aussi, Pol Pot était sans doute heureux de s’ouvrir en 1978 à une équipe de journalistes yougoslaves.
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IV. Un marxisme peut en cacher un autre.


Il fut fait état de désaccords entre d’un côté Hou Yuon et Khieu Samphan et de l’autre des étudiants plus radicaux. Selon un informateur de François Debré, leurs convictions politiques étaient plus proches de l’aile gauche du Sangkum (le rassemblement du Sangkum Reastr Niyum ou Communauté Socialiste Populaire de Sihanouk fondé après les élections de 1955) que « des radicaux admirateurs de Staline » tout en étant conscients des limites de l’action de l’aile gauche du Sangkum. Ils approuvaient ainsi les relations amicales du chef de l’Etat avec le Nord-Vietnam et la Chine, et approuvaient la nationalisation des banques et de l’import-export [124]. Il semble y avoir quelque anachronisme car cette nationalisation ne fut réalisée qu’en 1963. Et peut-être est-ce renverser causes et des conséquences car Sihanouk ne faisait, sur tous ces points, que réaliser les propositions marxistes formulées par ces jeunes intellectuels prometteurs dans leurs thèses. Celles-ci défendaient un contrôle étatique accru de l’économie et une organisation collective accrue de la production, même si Khieu Samphan se montrait moins franc dans l’exposé des méfaits du capitalisme.

Il fut dit que Hou Yuon n’aurait penché vers les radicaux « que » par « conviction scientifique » [125]. Qu’il aurait juste servi de prête-nom à ses camarades, et encouru, grâce à la protection de ses relations familiales, « les foudres de l’administration coloniale ». Cette dernière phrase montre que Debré tirait ses renseignements d’un témoin l’ayant connu avant 1953. Nous savons qu’il avait interrogé Keng Vannsak. Or ce dernier était parti de France en octobre 1952. Entre-temps, les opinions de Yuon avaient pu évoluer. Hou Yuon était membre d’une cellule du P.C.F. jusqu’en 1954.

Kiernan, qui avait interrogé Vannsak quatre ans après la publication du livre de Debré, évoquait comme lui d’apparents désaccords entre Saloth Sar et Hou Yuon au sein du Cercle. Ben Kiernan ajoutait cependant que les deux étudiants ne participaient pas régulièrement au Cercle, le premier pour mieux se concentrer sur ses études, et le deuxième, à cause de « sa personnalité réservée ». Vannsak nous affirma également que Saloth Sar ne venait qu’irrégulièrement aux réunions du Cercle. Selon un autre de ses membres, et des plus actifs, puisqu’il en était un des organisateurs après Keng Vannsak, Hou Yuon et Saloth Sar n’avaient pas vraiment eu le temps de discuter de manière approfondie, et d’être en désaccord, car Saloth Sar était partit assez tôt au Cambodge [126]. Un membre du Cercle jusque vers 1954, non encore interrogé, indique, lui, que Ieng Sary considérait Hou Yuon et Khieu Samphan, alors que celui-ci étudiait à Montpellier et participait à des voyages entre membres du Cercle, comme des intellectuels embourgeoisés. De même, il avait dit aux frères Thiounn qu’avec leur ascendance sociale, ils ne pourraient jamais être des dirigeants [127]. Khieu Samphan venait occasionnellement de Montpellier à Paris dès 1953-1954. Il a probablement été initié aux alternatives économiques non capitalistes par les milieux anticolonialistes de Montpellier dont faisaient partie Uch Ven et Chau Seng - lequel, d’après son épouse, n’a jamais adhéré au P.C.F.. Les opinions de Samphan devinrent plus affirmées par la fuite puisqu’il finit par succéder à Ieng Sary à la tête du Cercle d’Etude Marxistes, de la fin de l’année 1956 à 1959.

Les réunions du Cercle ont probablement donné lieu à des débats sur la dose de collectivisation, sur la rapidité du processus révolutionnaire et la radicalité des moyens, ou sur l’opinion que les Cambodgiens avaient du P.C.F.. Les communistes cambodgiens n’étaient pas en mauvais termes avec les communistes français, mais ils n’en reprenaient pas toutes les conceptions. Selon un intellectuel cambodgien membre du P.C.F. et dont l’influence était alors déterminante : « Les Cambodgiens se méfiaient à juste titre du P.C.F. En effet le P.C.F. était et est toujours trop lié au P.C. Vietnamien depuis le Congrès de Tours. Bref le P.C.F. n’a jamais eu une grande influence sur les Cambodgiens » [128].

Rétrospectivement, ceci peut apparaître comme une tentative de diminuer l’influence d’un P.C. étranger sur un mouvement de libération fier de son indépendance. Cependant, il est vraisemblable qu’étant donné la conjoncture militaire de l’époque, soutenir les communistes cambodgiens n’était pas hautement prioritaire de la part des Français. Aussi, le fait que les Cambodgiens aient été moins imbriqués dans les cercles communistes français les a-t-il peut-être rendus plus radicaux : « Nous voulions le pouvoir et pensions qu’on ne pouvait y arriver qu’avec l’appui populaire, et c’est forcément violent. On était contre l’avis du P.C.F. disant qu’on pouvait accéder au pouvoir par le suffrage universel », avait confié Keng Vannsak, dont on peut toutefois se demander à quel point il était vraiment lié au P.C.F. [129].

Khieu Thirith confia à Elizabeth Becker qu’à Paris ils n’étaient « en désaccord [avec le P.C.F.] que sur la question de la souveraineté limitée », qui consistait à placer l’intérêt du camp communiste au-dessus de la souveraineté d’une nation [130]. Il est vrai que Thorez proclamait alors : « Nous ne ferons jamais la guerre à l’Union soviétique », mais notre lecture de la presse communiste nous conduit à partager l’avis de Serge Thion sur le fait que l’expression brejnevienne « souveraineté limitée » n’était pas connue avant les événements de Prague en 1968.

Elizabeth Becker écrivait que l’exclusion de Charles Tillon et André Marty en hiver 1952-1953 avait pu marquer fortement le futur Pol Pot et lui donner le goût des purges [131]. La chose mériterait plus de recherche, car, non seulement le goût des purges est la chose la mieux partagée au monde, mais il existe aussi toutes sortes de purges et enfin Pol Pot repartit pour le Cambodge le 15 décembre 1952, où le journal l’Humanité était introuvable [132], à un moment où cette affaire ne semble pas avoir été connue du grand public : alors que les sanctions contre ces deux cadres éminents furent annoncées par le Bureau Politique le 17 septembre 1952, à une audience que nous n’avons pu encore déterminer, Marty fut exclu par sa cellule le 25 décembre 1952, et Tillon fut renvoyé de ses positions officielles sans pour autant être exclu. Les deux hauts cadres n’eurent pas à écrire de confessions prouvant complètement leur culpabilité et l’autocritique que rédigea Marty fut rejetée par Duclos comme étant incomplète [133]. On peut en revanche penser que Pol Pot a eu pleinement connaissance des purges soviétiques retracées dans l’Histoire du Parti blochevik, et de celles, dirigées par Mao, touchant les éléments bourgeois ou seigneuriaux du Parti chinois dans la province du Kiangsi à la fin des années vingt (voir Agnès Smedley La Chine rouge en marche, Editions Sociales Internationales, 1937). Cet ouvrage faisait état de l’exécution de quatre cents membres - sur quatre mille - supposés appartenir au groupe d’opposition dit A.B. protégeant les propriétaires en s’opposant à la distribution des terres.

Cela dit, d’autres étudiants réagirent aux exclusions au sein du P.C.F.. A présent, ce procès apparaît comme une élimination, selon des procédés staliniens (accusations de se livrer à des activités « policières », constitutions de dossiers), d’éléments plus durs ou plus nationalistes que la ligne officielle [134]. Mais sur le moment, le procès sanctionnait l’indiscipline. Aussi Rath Samoeun avait-il salué l’exclusion de Tillon et Marty. Il avait confié à Pierre Brocheux, avec qui il étudiait l’histoire : « Moi, j’attendais çà. Je trouvais le P.C.F. trop modéré, trop légaliste, trop parlementaire ». Il souhaitait que des purges similaires soient effectuées au sein du P.C. Indochinois [135]. Par la suite, Samoeun fit partie de la dizaine de Khmers formés par le P.C.F. ayant combattu avec les Khmers Vietminh [136]. Il revit Saloth Sar en 1953. En mai 1954, tous deux accueillirent Mey Mann dans le maquis. L’année suivante, Samoeun quitta le Cambodge pour être formé au Nord-Vietnam, et fut peut-être, vers 1972-1973, un des premiers communistes éliminés par l’Angkar à moins d’avoir péri des suites de sa tuberculose osseuse.

Les Cambodgiens n’ont sans doute pas eu le moindre rapport avec des groupes minoritaires d’extrême-gauche conscients des abus de pouvoir possibles engendrés par les révolutions. Ceux-ci ne se montraient pas vraiment au grand jour. Saloth Sar est donc probablement tombé par hasard, le long des quais de la Seine, sur le livre du libertaire Kropotkine traitant de la Révolution Française. A la sortie de la Sorbonne, au début des années cinquante, un seul trotskiste vendait la Vérité, le même à chaque fois, un barbu répétant d’un ton las « Demandez la Vérité, l’organe de la IVe Internationale » [137].

Il semble que dans l’insouciance relative de leurs années d’études, les futurs dirigeants du Kampuchéa Démocratique se soient déjà sentis poussés au crime. Selon un témoin, il aurait été dit au cours de plusieurs réunions, au milieu des années cinquante, que l’on n’aurait pas besoin de tuer trop de gens en cas de révolution, 2 000 personnes tout au plus (sans doute une évaluation rapide du nombre de mandarins et de chiens de garde du pouvoir royal qui s’interposeraient). Alliés au prince Sihanouk pendant la guerre civile, les révolutionnaires allaient déclarer ne vouloir s’en prendre qu’aux sept « super-traîtres » républicains Lon Nol, Sirik Matak, Son Ngoc Thanh, Cheng Heng, In Tam, Long Boret, et Sosthène Fernandez...
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V. Comment l’on devient révolutionnaire.


Cet aperçu des années d’étude des étudiants cambodgiens de gauche et de ce qu’ils reçurent et retinrent peut-être de la culture et de l’histoire de la France à travers le prisme communiste français nous autorise à penser que la passion de la politique était née très tôt chez eux, dans un milieu estudiantin propice aux débats. Loin d’être des cancres politiques, ou des sauvages sortis des forêts, ils semblent avoir retenu un peu plus que la coque militante du discours anti-colonialiste en vogue à l’époque. Leur profession de foi se nourrissait de bon nombre de lectures philosophiques, historiques, économiques, généralement communistes, et de discussions avec d’autres Indochinois à la Maison d’Indochine ou dans divers foyers ou cantines. Délaissant parfois leurs études académiques, ils s’abreuvaient de leçons distillées par les organes du P.C.F. ou préféraient se former entre eux et par eux-mêmes.

A cet égard, il est possible d’affirmer que les universités françaises n’ont pas joué pour eux le rôle de pépinières à communistes. Lorsqu’ils daignèrent les fréquenter, ils y rencontrèrent les thèses capitalistes dominantes et, au moins parmi les étudiants, des thèses opposées. Seuls des cadres secondaires du K.D. ont suivi, dans les années soixante, des cours universitaires en sciences humaines nettement marqués à gauche. D’autre part, l’existence de plusieurs tendances politiques au sein de la Maison d’Indochine ou de la Maison du Cambodge leur donnait la possibilité de se construire une opinion par eux-mêmes. S’ils firent donc du « marxisme-léninisme » leur « boussole » [138], ce fut sous l’influence d’organisations étudiantes, de camarades anciens militants des années cinquante (Thiounn Mumm, Sien An, Ok Sakun...), avec qui ils discutaient de colonialisme, de coopératives kolkhoziennes, et se plaçaient du côté des exploités. Ce fut aussi sous l’influence de textes forts et par goût pour une vie de combat. Ils furent certes séduits par les manifestations festives ou les promesses souvent lyriques de bonheur et d’abondance. Et les cantines bon marché de l’Union des Etudiants Vietnamiens et de France-Vietnam et la générosité des membres de l’A.E.K. et de l’U.E.K., ne purent que faciliter ce rapprochement. Mais il est difficile de parler d’adhésion répondant à une mode et à un besoin de reconnaissance. Il n’était nul besoin de devenir communiste pour faire des rencontres. Peut-être les arguments communistes persuadaient-ils certains que le vent de l’histoire finirait par tourner. En effet, l’analyse léniniste de l’impérialisme comme stade suprême d’un capitalisme monopolisateur érigeant l’asservissement financier en système mondial, laissait espérer l’agonie prochaine de forces oppressives par des guerres entre états impérialistes. « L’impérialisme est la veille de la révolution socialiste », assurait Lénine. Le pari était cependant risqué. Plus simplement, le communisme leur paraissait lutter contre les maux qui étaient ceux de la société cambodgienne — impérialisme politique ou économique, pauvreté et corruption — des maux que le Parti Démocrate cambodgien avait dénoncés le premier sans parvenir à les éliminer.

Du point de vue de l’organisation de la société, ils apprirent que la socialisation massive nécessitait des méthodes dictatoriales de gouvernement qui ne se distinguaient pas, quant au fond, de celles des dictatures de classe en place minoritaires et exploiteuses. La socialisation ne pouvait que se heurter violemment à l’ancien appareil bourgeois et aux vieilles habitudes. Toutes ces idées étaient résumées dans les quatre-vingt dix pages du primordial Des principes du léninisme de Staline. Et il apparaît que le noyau dur des « communistes » ou des « progressistes » khmers était déterminé à mettre en œuvre des changements structurels profonds au moyen d’une lutte tenace. Familiarisé avec les théories révolutionnaires de Lénine et l’emploi des purges au cours de la Révolution Française et Bolchevique, ce noyau acquit la certitude de devoir se munir d’armes contre les « ennemis de classe » et de se libérer par la violence de la domination coloniale, à l’instar du Vietminh dans la guerre patriotique et idéologique qui l’opposait à la France.

La rencontre, en 1951, de certains étudiants avec une délégation indochinoise, lors du festival mondial de la jeunesse de Berlin-Est, leur a peut-être donné des indications sur la façon dont devait être organisé un Parti, mais sans doute cela se limita-t-il à des questions de représentation, car les statuts du Parti Révolutionnaire du Peuple Cambodgien du début de l’année 1951 ne prônaient ni les purges, ni bien évidemment, la répression de classe mais seulement, sur le plan de la discipline, la critique et l’autocritique (cf. document 5). D’après François Ponchaud, la décision de rejoindre les forces rebelles soutenues par les révolutionnaires vietnamiens fut prise en 1951 après cette rencontre. Rath Samoeun, Ok Sakun et même Saloth Sar - qui n’était pas à Berlin mais en Yougoslavie - auraient été désignés comme représentants de la « cellule » auprès des combattants vietnamiens [139]. C’est même Saloth Sar qui aurait émi le premier le désir de repartir, après que les membres du Cercle, réunis chez le beau-père de Thiounn Mumm à Sceaux, eurent décidé d’envoyer un volontaire chargé d’étudier les différents mouvements de résistance [140]. Alors que Ok Sakun revint rapidement rejoindre sa femme, Rath Samoeun, Mey Mann et Saloth Sar restèrent dans le maquis [141]. Les principes de l’organisation et de la discipline communiste allaient désormais mûrir au Cambodge, et la théorie militante s’adapter aux dures réalités de la lutte sur le sol natal.
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[1] Irwin M. Wall, French Communism in the Era of Stalin, the Quest for Unity and integration, 1945-1962, Greenwood Press, Westport, London, 1983, p.183-185.
[2] Raymond Aron, Les articles du Figaro, tome III, Les Crises, Fallois, 1997, p.267.
[3] Pierre Durand, Cette mystérieuse section coloniale, le PCF et les colonies (1920-1962), Messidor, 1986, pp.265 renvoyant sur Henri Martin à Hélène Parmelin, Matricule 2078, Editeurs français réunis, 1953.
[4] Philippe Robrieux, Histoire Intérieure du PCF, t.II, p.300.
[5] Michel-Antoine Burnier, Le testament de Sartre, Olivier Orban, 1982, p.59.
[6] Selon les articles d’André Stil dans l’Humanité au printemps 1952, arrêté pour cela. Il était question d’insectes porteurs de microbes lâchés du haut d’avions. Il semble que, longtemps après, rien n’ait vraiment été éclairci (Phillip Knightley, The First Casualty, op. cit., p.388).
[7] Pierre Daix, J’ai cru au matin, Opera Mundi, 1976, p. 290. Archives du CARAN, F7 15439, Opérations policières , arrestations, poursuites judiciaires (1952-1953). Philippe Robrieux, Notre génération communiste, p.48.
[8] Alain Besançon, Une génération, Julliard, 1987, pp.194-195.
[9] Emmanuel Leroy-Ladurie, Paris-Montpellier, P.C. - P.S.U. 1945-1963, Gallimard, 1982, p.51. Jean-Pierre A. Bernard, Paris Rouge, 1944-1964, les communistes français dans la capitale, Champ Vallon, Seyssel, 1991, pp.25-29, citant Philippe Robrieux et Pierre Daix. Sur la Delahaye, Paris-Match, 27 juin 1953, fonds Auguste Gillot, 5 S 276, archives municipales de Saint-Denis.
[10] Philippe Robrieux, Histoire Intérieure du PCF, Fayard, t.II, p.304. Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, PUF, 2000, p.285. Irwin Wall, French Communism, op. cit., p.144.
[11] Pierre Durand, Cette mystérieuse section coloniale, le PCF et les colonies (1920-1962), Messidor, 1986, p.235.
[12] Entretien avec Mey Mann, 14 juillet 2000
[13] « L’immense portée des "Œuvres de Maurice Thorez" », par Jacques Duclos, l’Humanité, 16 juillet 1951.
[14] Chandler, Pol Pot, frère numéro un, p.154.
[15] Philippe Robrieux, Histoire intérieure du PCF, tome II, p.284.
[16] Critique du livre de R. Levy, Schwartzenmurtz ou l’esprit de parti, par Jean-François Revel, L’Express du 3 au 9 octobre 1977. Confirmé par Pierre Brocheux et Henri Martin, lequel estime que ce fut une grande erreur du P.C.F. (entretien du 6 mai 1998).
[17] Entretien avec Pierre Brocheux du 10 mai 1998.
[18] Philippe Robrieux, Notre génération communiste, Robert Laffont, pp.36, 40, 44 (sur le birth control, l’homosexualité, et le tabou que constituait la sexualité pour des militants se conduisant en bons communistes).
[19] Alain Besançon, Une génération, Julliard, 1987, pp.183-186. Jean Plumyène, Le tombeau de Staline, la Table ronde, 1972, pp.152-155. Entretien avec Pierre Brocheux.
[20] Sur les membres, communication personnelle de Pierre Brocheux, 26 février 1998, qui ne se rappelait plus du nom du neuvième cambodgien. Nous avons déduit, à partir des dossiers de la Cité U, de photos et des noms d’étudiants communistes donnés par Chandler, qu’il s’agissait de San Oeurn. Citation de Brocheux (communication du 14 juin 2000).
[21] Entretien avec Mr. W.
[22] David Chandler, op.cit., p.51, 63, 294.
[23] David Chandler, op. cit., p.294. Sur Sok Knol, informations données par Suong Sikœun, lettre du 1er janvier 1999.
[24] Synthèse des confessions de Tiv Ol, par Steve Heder.
[25] Synthèse des confessions de Koy Thuon alias Khuon alias Thuch, par Steve Heder. Confession de Hu Nim, Chandler, Kiernan, Pol Pot plans the future, p.263. Chau Xeng Ua pensait qu’il était mort d’un cancer en 1971 (entretien du 9 janvier 1999).
[26] P. Robrieux, Histoire Intérieure du P.C.F., tome II, questionnaire biographique en annexe. Emmanuel Leroy-Ladurie, Paris-Montpellier, P.C. - P.S.U. 1945-1963, Gallimard, 1982, p.51. « Prêché » nous a été précisé par Alain Besançon, communication du 10 avril 2000.
[27] Archives du P.C.F., Décisions du Secrétariat, 30 juin 1953, septembre 1953.
[28] Entretien avec Pierre Brocheux, 1er mai 1998. Philippe Robrieux, Notre génération communiste, Robert Laffont, p.36.
[29] Autobiographie de juin 1977 dans Searching for the Truth, N°8, August 2000, p.16.
[30] Entretien avec Henri Martin du 4 juin 1998. Communication personnelle de Pierre Brocheux. Entretien avec Vo Nhan Tri, 9 juin 1999. Communication personnelle de Ngo Manh Lan, 4 mai 1999. Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Robert Laffont, pp.425-6.
[31] Archives municipales de Saint-Denis, fonds Auguste Gillot, 5 S 284, et 5 S 277.
[32] Communication personnelle de Pierre Brocheux, 1er octobre 2000.
[33] Marc Lazar, « Les “ batailles du livre ” du parti communiste français » (1950-1952), Vingtième siècle, revue d’histoire, n°10, avril-juin 1986, pp.37-50.
[34] Nouvelle Critique, « revue du marxisme militant », juin et novembre 1951.
[35] Entretien avec Kim Vien, 16 mars 1998. Communication de Philip Short.
[36] Communication de Pierre Brocheux, 1er octobre 2000.
[37] David Chandler, The Tragedy of Cambodian History, p.219.
[38] Communication personnelle de P. Brocheux,. Sur L’impérialisme, voir aussi Truong Nhu Tang, Mémoires d’un vietcong, p.35.
[39] Voir aussi Ben Kiernan qui l’interrogea en 1980, How Pol Pot..., p. 120
[40] Cours de l’Ecole élémentaire du P.C.F., de janvier 1952 sur La Nation.
[41] Liu Shao-Chi était vice-président de la République Populaire de Chine en 1949, devint président en 1959, mais fut accusé de déviationnisme et traité de « Khrouchtchev chinois » pendant la Révolution culturelle.
[42] Liu Shao Chi. Pour être un bon communiste, conférences faites à l’Institut du Marxisme-léninisme à Yenan en juillet 1939, Pékin, 1965. pp. 22, 34, 48, 52, 54,.
[43] Phung Ton, op. cit., p.107.
[44] Far Eastern Economic Review, 30 octobre 1997, p.21, et dans le Phnom Penh Post, 24 oct. - nov. 6 1997, p.4.
[45] Nous avons lu sans les vérifier les analyses du Supplément au Bulletin d’Etudes et d’Informations Politiques Internationales (BEIPI) d’octobre 1952 intitulé « Le Monde auxiliaire du communisme ».
[46] Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, P.U.F., 2000, p.292.
[47] Pierre Brocheux, Hô Chi Minh, Presses de Sciences Po, 2000, p.211.
[48] Histoire du P.C.(B.), Ed. en langues étrangères, Moscou, 1949. Ed. fr. Norman Béthune, 1971, p.399.
[49] Lire par exemple « Les "Œuvres de Maurice Thorez" et la vigilance révolutionnaire » par Léon Mauvais, l’Humanité, 9 août 1951.
[50] Entretien avec Pierre Brocheux.
[51] Friedrich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique, éditions sociales, 1945, pp.4-9.
[52] Archives municipales de Saint-Denis, Fonds Cogniot, 5 S 277, Bureau de la section idéologique, 8 décembre 1953.
[53] Pol Pot se référait, d’après le titre, à l’ouvrage de Kropotkine, dans une interview (Far Eastern Economic Review, 30 octobre 1997, p.21, et Phnom Penh Post, 24 oct. - nov. 6 1997, p.4).
[54] Morelly, Code la nature, 1953, Ed. Sociales, les Classiques du Peuple, introduction de Volguine, p.10 et 16. Emile Durkheim, Le socialisme, début du chapitre III.
[55] Morelly, Code la nature, 1950, Ed. Clavreuil, introduction de G. Chinard, p.40.
[56] Irwin Wall, French Communism, op. cit., p.137. L’attaque visait en fait Thorez. Garaudy dut faire son auto-critique dans La nouvelle critique, 5, avril 1949.
[57] « L’utopie fouriériste », René Maublanc, à propos de l’édition des textes choisis de Fourier par Félix Armand.
[58] La Pensée, n°18 mai-juin 1948, et n°19 juillet-août 1948 : « Le communisme matérialiste en France avant 1848 : un précurseur : Théodore Dézamy » ; « 1848-1851 : grandeur et servitude de l’utopisme petit-bourgeois ; Notes critiques sur la création des idées communistes en France ».
[59] Albert Soboul, Précis d’histoire de la Révolution française, Ed. Sociales, 1975, pp.410-414. Texte identique à l’histoire de la Révolution française en 2 tomes de 1962.
[60] Jean-Marc Schiappa, « La tentation babouviste vue par le P.C.F. », Communisme, n°45-46, 1996, pp.139-152.
[61] Entretien avec Pierre Brocheux du 7 avril 1998. Place Saint-Michel, tel cercle avait été créé au café de la gare à l’initiative d’étudiants français qui souhaitaient enseigner le marxisme afin de lier constamment la pratique à la théorie (Archives du Rectorat de Paris).
[62] In Sopheap, Khieu Samphân, agrandi et réel, 2001-2002, version dactylographiée, p.26.
[63] Entretien avec Mey Mann. In Sopheap, Khieu Samphân, op. cit., p.27. Communication personnelle de Philip Short. Entretien avec Mr. W.
[64] « Rapport Général du IIe congrès du PCI » cité dans les Archives du minsitère des Affaires Etrangères, série Asie Océanie 1944-1955, sous-série Indochine, 399, dossier « Le communisme en Indochine, Rapport du Commissariat Général de France en Indochine », n° 719/DGR du 1er mai 1954. D’autres sources françaises indiquent, pour 1952, 150 membres du Parti Révolutionnaire du Peuple Cambodgien sur un total de 1934, et pas plus de 400 cambodgiens en 1954 (François Joyaux, La Chine et le règlement du premier conflit d’Indochine, Genève 1954, publications de la Sorbonne, 1979, p.222 citant les Archives du Ministère des Affaires Etrangères, note de juin 1954, Indochine, § B, Les gouvernements fantômes Pathet-Lao et Khmer Issarak). Selon des sources vietnamiennes on comptait 21 Khmers sur 870 membres du Parti en 1949, 300 Khmers en décembre 1950, et 1500 en 1952 (Thomas Engelbert, « Les difficultés des communistes vietnamiens pour créer un mouvement révolutionnaire au Cambodge (1945-1954) », in Du conflit d’Indochine aux conflits indochinois, sous la direction de Pierre Brocheux, Complexe, 2000, p.148).
[65] Elizabeth Becker, op. cit., p.67 (N.Y., p.72).
[66] Communication personnelle de Pierre Brocheux. Communication de Ieng Sary via Suong Sikœun, août 2000. Confirmation de Philip Short.
[67] Ben Kiernan, How Pol Pot came to power, p.119.
[68] Marx et Engels, Manifeste du P.C., Ed. sociales, 1966. p.54.
[69] François Debré, op. cit., p.87. L’informateur de Debré ne nous est pas connu. Keng Vannsak dit avoir parlé à Debré, mais ce dernier ne s’est pas souvenu du nom de son principal informateur.
[70] François Debré, op. cit., p.87.
[71] Lire le paragraphe du Que faire ? de Lénine sur l’organisation stable de dirigeants cité en page 33 de l’Histoire du P.C. bolchévik de l’URSS, 1939. Dans Un pas en avant, deux pas en arrière (1904), étudié au sein du Cercle Marxiste-léniniste à la fin des années cinquante, et peut-être plus tôt, Lénine écrit que le prolétaire n’est rien s’il reste isolé : « Toute sa force, toutes ses capacités des progrès, toutes ses espérances et ses aspirations, il les puise dans l’organisation, dans l’activité commune et méthodique aux côtés de ses camarades. Il se sent grand et fort lorsqu’il fait partie d’un grand et fort organisme. Cet organisme est tout pour lui ». Lénine retrace aussi des discussions sur les statuts du Parti et le rôle d’un « organisme supérieur » s’élevant au-dessus du comité central et de l’organe de presse Iskra, (Œuvres complètes, tome 7, pp.302-305, 340).
[72] Malcolm Caldwell & Lek Tan, Cambodia in the Southeast Asian War, Monthly Review Press, NY & London, 1973, p.385.
[73] François Debré, op. cit., p.86. Chandler, Pol Pot..., p.64.
[74] F. Debré, p.83. Kiernan, How Pol Pot came to power, p.121. Entretiens avec Keng Vannsak, mai 1998 et 11 avril 2001. Il apparaît en fait, comme nous l’avait dit Vannsak, que Debré avait fait un travail trop rapide.
[75] Ben Kiernan, How Pol Pot..., p.119.
[76] François Ponchaud, op. cit., p.189.
[77] Entretien avec Z., qui partageait toujours certaines réflexions intellectuelles de ses anciens camarades.
[78] Entretien avec Keng Vannsak du 17 mai 1998.
[79] Morelly, Code de la Nature, Editions Sociales, 1970, p.84 (il existait une édition en juin 1953).
[80] Charles Fourier, Textes choisis, présentés de manière réductrice par Félix Armant, Ed. Sociales, 1953, p.35 et 90 (repris dans la préface).
[81] Entretien avec Mr. W. Renseignement de Philip Short.
[82] Communication de Ieng Sary via Suong Sikœun, août 2000. Dans Le mal cambodgien, Marie-Alexandrine Martin disait, sur la foi de Keng Vannsak que Pol Pot et Ieng Sary étaient allé à l’ « université populaire du P.C.F. ». Auguste Dumeix, ex-directeur de l’U.N. pendant 25 ans explique que les universités populaires n’avaient pas de rapport avec le P.C.F., puisqu’il s’agissait d’écoles coopératives d’ouvriers au XIXe siècle.
[83] Entretien du 14 juillet 2000. Mey Mann dit aussi à une autre personne avoir suivi des cours de marxisme « dans une salle louée du côté de l’Odéon ». Lorsqu’il parla à Henri Locard en août 1998, Mey Mann ne semblait pas trouver les mots en lui expliquant qu’une classe organisée par le P.C.F. avait été ouverte près de l’Odéon par les membres du Cercle, contre une somme modique, pour entendre des professeurs de philosophie au lycée leur commenter des textes de pères fondateurs, dont Staline. Il est donc probable que le Cercle conseillait à ses membres d’aller à l’UN.
[84] David Chandler, Pol Pot, op. cit., p.61 ou The Tragedy of…, p.54.
[85] Ibid., p.62. David Chandler l’a appris de Soth Polin, ancien élève de Saloth Sar (communication du 21 février 2001).
[86] Le Monde, 31 décembre 1998, article de Francis Deron. Francis Deron avait fait partie d’une délégation de presse venue observer, pendant la saison sèche 1980-1981, quelle part de territoire contrôlaient les Khmers rouges, et avait été particulièrement frappé par cet hommage « surréaliste » au siècle des Lumières au milieu d’une jungle militarisée. L’expression « profondément imbus » était de l’interprète qui accompagnait le journaliste (communication du 7 juillet 1999).
[87] Entretien avec Khieu Samphan, 14 juillet 2000.
[88] Emile Durkheim, Le socialisme, réédition Retz CEPL, 1978, p.67.
[89] Jean-Jacques Rousseau, De l’inégalité parmi les hommes, Editions sociales, 1977, p.75 (il s’agit des premières pages du discours). Friedrich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique, éditions sociales, 1945, p.11.
[90] Ibid., p.68-69.
[91] Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat Social (écrit en 1762), Garnier Flammarion, 1966, Livre I, p.51.
[92] Far Eastern Economic Review, 30 octobre 1997, p.21, et Phnom Penh Post, 24 oct. - nov. 6 1997, p.4.
[93] Une Grande Révolution Française, a été écrite par un Russe, Kareev, en 1918, mais n’a pas été traduite.
[94] David Chandler, The Tragedy of Cambodian History, p.239.
[95] Entretien avec Pierre Brocheux, qui a lu l’ouvrage longtemps après avoir quitté le P.C.F.. Philippe Robrieux avait lu l’ouvrage avant de devenir communiste, en fut très impressionné et en retira une grande admiration pour les sans-culottes, Notre génération communiste, p.17-18.
[96] David Chandler, Pol Pot frère numéro un, p.50.
[97] Ben Kiernan, How Pol Pot..., p. 120. Entretien avec Keng Vannsak du 17 mai 1998.
[98] Entretien avec Pierre Brocheux du 7 avril 1998 et avec Auguste Dumeix, ex-directeur de l’U.N., 4 février 1999.
[99] Entretien avec Laurence Picq du 21 mai 1998.
[100] Nous développons ce que Bui Xuan Quang, chercheur à Nanterre, écrivait dans les notes de son article « Regard(s) nouveaux sur les origines du conflit Cambodge-Vietnam », Communisme n°14. 1987.
[101] Albert Soboul, Précis d’histoire de la Révolution Française, Editions sociales, 1962, p.250.
[102] Communication personnelle de Jean-Clément Martin, 29 septembre 2001.
[103] Actes du colloque Girondins et Montagnards, Sorbonne, 14 décembre 1975, sous la direction d’Albert Soboul, pp.193-218. Jean-Clément Martin, Révolution et Contre-Révolution en France, 1996, pp.132-5.
[104] Albert Soboul, Précis…., p.283. Deuxième page du chapitre sur la Terreur.
[105] Entretien avec Ok Sakun du 1er mars 1998.
[106] Phnom Penh Po
[106] Phnom Penh Post du 15 novembre 1996 cité par J.-L. Margolin dans Le livre noir du communisme, p.684. Le Figaro du 22 novembre 1996. Interviewé par Florence Compain. Article tiré d’une interview de Christine Chaumeau dans le Phnom Penh Post.
[107] Entretien du 14 juillet 2000.
[108] Archives du CAOM, Indo HCI, conspol 300 et du CARAN, Dossier F7 15382.
[109] L’Humanité, 11 août 1951.
[110] Mey Mann explique qu’en dehors des délégués vietnamiens, seule une thaïlandaise lui donna des nouvelles d’Indochine, entretien du 14 juillet 2000. Communication de Ieng Sary via Suong Sikœun, août 2000. Thiounn Mumm avait dit à David Chandler avoir rencontré Keo Meas, cadre Vietminh qui, plus tard, allait suivre Pol Pot dans les maquis en 1963 (Pol Pot, frère numéro un, p.295). A Heder, Thiounn Mumm et Mey Mann auraient dit n’avoir rencontré que des Vietnamiens et des Thaïlandais (communication du 6 septembre 2000). Peut-être que Thiounn Mumm a confondu avec la congrès pour la paix de Vienne en décembre 1952 (voir la note ci-après).
[111] M.-A. Martin, Le mal..., op. cit., p.105.
[112] André Tong, « le conflit khméro-vietnamien », Est-Ouest, n°606, janvier 1978. Hypothèse également exprimée par Kiernan qui évoque la présence de Keo Meas à la Conférence des Peuples pour la Paix de Vienne en décembre 1952 d’après Robert Olivier, Le Protectorat français au Cambodge, thèse soutenue à Paris en 1969, p.320i.
[113] Archives du CARAN à Paris, dossier F 7 15382.
[114] Le peuple khmer lutte pour l’indépendance et la paix, réédition par l’Agence d’Information de la République démocratique du Vietnam, 1954, p.29.
[115] S.W.B., BBC, 24 March 1978, « Pol Pot’s interview with Yugoslav Journalists », 17 mars 1978.
[116] Radio France Inter, 19 avril 1978, 19h25 avec pour invité Nicolas Vitorovic.
[117] Charles Meyer, Derrière le sourire khmer, Plon, 1971, p.383.
[118] Revue Prolétariat, n°18, 4e trimestre 1978. F.E.E.R. 30 octobre 1997, p.21, P.P. Post, 24 oct. - nov. 6 1997, p.4.
[119] David Chandler, The Tragedy of Cambodian History, p.54.
[120] C.A.O.M. Indochine, H.C.I., conseil politique, n°116, note du 22 septembre 1950 sur le voyage d’étudiants en Yougoslavie.
[121] Entretien avec Nghet Chhopininto.
[122] David Chandler, Pol Pot, op. cit., p.75.
[123] Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, PUF, 2000, p.303.
[124] François Debré, op. cit., p.87-88.
[125] François Debré, op. cit., p.85 et 87.
[126] Ben Kiernan, How Pol Pot came to power, p.119. Communication de Ieng Sary via Suong Sikœun, août 2000.
[127] Entretien avec Mr. W.
[128] Lettre à l’auteur du 20 mai 1998. Le congrès de Tours en 1920 inaugure la création du P.C.F., se détachant du parti socialiste traditionnel pour adhérer à la Troisième Internationale.
[129] Marie-Alexandrine Martin, Le mal cambodgien, 1989, p.105.
[130] Elizabeth Becker, Les larmes du Cambodge, Presses de la Cité, 1988, p.69 (édition de New York, p.75).
[131] Elizabeth Becker, Les larmes du Cambodge, p.70 (N.Y., p.75).
[132] Tout comme les journaux et revues Libération, Démocratie Nouvelle, Cahiers Internationaux. Voir thèse de Phung Ton en 1954, p.43.
[133] Irwin Wall, French Communism, op. cit., pp.144-6.
[134] Marty reprochait au Parti d’abandonner la contestation du régime autoritaire de De Gaulle au profit d’une propagande uniquement axée sur l’anti-américanisme, et Tillon, chef des F.T.P. communistes pendant la guerre, avait rejeté le tripartisme gouvernemental défendu par Thorez en 1946 au profit d’une tactique de prise de pouvoir insurrectionnelle. Tous deux continuaient par ailleurs à s’opposer en 1952 au réarmement de l’Allemagne.
[135] Entretien du 10 mai 1998.
[136] David Chandler, The Tragedy of Cambodian History, Yale, 1991, p.53, Pol Pot, frère numéro un, p.294.
[137] Entretiens avec Pierre Brocheux.
[138] Pour citer à la fois les statuts de 1976 et le titre d’un cours d’école centrale du P.C.F. en 1952.
[139] David Chandler, The Tragedy of Cambodian History, p.55.
[140] Entretien avec Mey Mann, 14 juillet 2000.
[141] François Ponchaud, op. cit., p.189.

Ce chapitre est consultable sur:
http://big.chez.tiscali.fr/khmersrouges/ppkr4.html

Le livre est consultable sur:
http://big.chez.tiscali.fr/khmersrouges/

Fini...Bonne lecture !
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   Posté le 01-07-2006 à 07:50:21   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

A propos du terme de génocide employé pour caractérisé la période ou le PCK était au pouvoir, nous avions eu de gros débats sur le FUC notamment avec Connolly qui disait " condamner l'intervention vietnamienne au Cambodge c'est etre complice du génocide KR contre le peuple cambodgien. "

Les chiffres montrent que l'impérialisme US a tué plus que les KR et généralement personne dans ce cas ne parle de génocide pour autant ?

Au sujet du terme "génocide" voir dans l'article de Partisan Questions et réponses Sur les Khmers Rouges

"Y a-t-il eu "génocide" au Cambodge ?

Non, on n'a pas le droit d'utiliser ce mot. Des massacres de masse, c'est clairement établi, entre 1 et 2 millions de morts selon les estimations. Si l'on peut contester ces chiffrages de la propagande impérialiste, ce n'est qu'en admettant, en premier lieu, que ces massacres massifs ont bien eu lieu , les charniers et les témoignages incontestables étant là pour les attester. Il y a bel et bien eu massacre systématique des Vietnamiens, des intellectuels puis de tous les récalcitrants. L'idéologie paysanne est radicale et violente, et elle ne s'embarrasse pas de subtilités et du souci de résoudre pacifiquement les contradictions au sein du peuple.
Mais il n'y a pas eu génocide, au sens de la tentative d'élimination d'une population sur des critères religieux ou ethniques. La terreur cambodgienne a eu un caractère politique , c'est cela qu'il faut critiquer et cela ne retire rien au caractère monstrueux et massifs de ces massacres. Parler de génocide, c'est escamoter l'Histoire, s'empêcher de comprendre d'où les Khmers Rouges sortent, la responsabilité des impérialistes dans la guerre en Indochine, les erreurs des communistes dans le soutien. Ne serait-ce que pour éviter de reproduire ce qui s'est passé, il faut accepter le retour critique sur l'Histoire.
Une autre raison de l'utilisation du mot "génocide", c'est la tentative de criminaliser tout ce qui a trait de près ou de loin au mouvement communiste. L'enjeu est d'empêcher d'en faire un bilan pour l'envoyer définitivement à la poubelle. C'était le sens du "Livre noir du Communisme", dont d'ailleurs le Cambodge occupait une bonne partie. Et les mêmes belles âmes qui nous mettent du "génocide" à toutes les sauces le font à sens unique: ainsi les journaux nous rappelaient que "l'occupation brutale de Timor-Oriental avait fait, voilà deux décennies, quelque deux cent mille victimes, soit le quart de la population de l'époque" (cela avant les massacres de l'an dernier). Le quart de la population... "plus" que le Cambodge (si on pouvait oser ce genre de comparaison macabre). Et personne ne parle de "génocide" ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les auteurs du massacre étaient les militaires indonésiens, fidèles soutiens et relais des puissances impérialistes !"


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Ni révisionnisme, Ni gauchisme UNE SEULE VOIE:celle du MARXISME-LENINISME (François MARTY) Pratiquer le marxisme, non le révisionnisme; travailler à l'unité, non à la scission; faire preuve de franchise de droiture ne tramer ni intrigues ni complots (MAO)
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PARTISAN n°147 –avril 2000- mensuel de l'ocml-vp

Socialisme Affronter les leçons du passé

Le 17 avril va s'ouvrir à Pnom Penh le procès de deux dirigeants des Khmers Rouges. Deux ans après la mort de Pol Pot, puis la reddition des derniers militants, la guerre et les massacres au Cambodge au cours des années 70 reviennent au premier plan de l'actualité. Il nous faut à la fois corriger les nombreuses bêtises qui se disent toujours à ce propos, mais aussi accepter de regarder l'Histoire en face. En effet, en 1975, tous ceux qui se prétendaient progressistes et révolutionnaires ont fêté l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir et beaucoup (dont le courant marxiste-léniniste dont nous faisons partie) ont fermé les yeux sur les massacres qui ont suivi.

AVERTISSEMENT
Un projet de cet article a largement été discuté dans toute notre organisation, provoquant de nombreuses réactions et améliorations. En effet, il touche à des points sensibles de notre histoire. Aujourd'hui, ce texte semble refléter le point de vue d'une large majorité des réactions au projet initial. Néanmoins, comme aucun vote n'a sanctionné cette prise de position assez importante, l'article n'engage en l'état que ses auteurs. *

Questions et réponses
Sur les Khmers Rouges


Comment se fait-il Que les Khmers Rouges soient arrivés au pouvoir ?

Pour bien répondre, il faut comprendre que l'Histoire ne commence pas avec leur entrée dans Pnom Penh le 17 avril 1975. Depuis des années, la guerre du Vietnam faisait rage, et chaque année l'engagement américain était plus massif. Le Cambodge était massivement bombardé par l'aviation US pour tenter de couper la "piste Ho Chi Minh" qui sillonnait la jungle cambodgienne pour alimenter la guérilla du Sud du Vietnam depuis le Nord. En mars 1970 déjà, l'intervention US avait abouti à un coup d'Etat pour déposer Sihanouk et mettre en place le dictateur Lon Nol, le premier étant jugé trop mou dans le combat contre les "communistes".
On oublie trop facilement qu'entre 1970 et 1975 il y avait déjà eu entre 600 000 et un million de morts du fait de l'engagement américain et de leur marionnette Lon Nol.
Les Khmers Rouges menaient le combat depuis les années 60, et plus particulièrement depuis avril 1967, date du soulèvement d'une garnison contre le régime de Sihanouk. Fortement organisés dans les campagnes, ils allaient peu à peu gagner le soutien de la très grande majorité de la population. L'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir n'est pas le résultat d'un complot ou d'un coup d'Etat, c'est le résultat d'un véritable soulèvement populaire armé, contre l'impérialisme américain, la guerre et la misère qui sévissait dans les campagnes. D'une certaine manière, on peut le comparer avec la chute du Shah et l'arrivée au pouvoir des Ayatollahs en Iran en février 79.
Tout ceci n'excuse rien de ce qui allait se passer ensuite mais permet de comprendre pourquoi l'entrée des Khmers Rouges à Pnom Penh a bénéficié d'un véritable soutien populaire, y compris des intellectuels, des combattants vietnamiens et a soulevé l'enthousiasme du mouvement de soutien du monde entier.

Y a-t-il eu une révolution au Cambodge ?

Oui bien sûr, comment appeler autrement un soulèvement populaire armé de toute une population ? Ce qu'il faut, c'est comprendre de quelle révolution il s'est agi et c'est cela qui n'a jamais été regardé à l'époque. En effet, les militants étaient aveuglés par la défaite de l'impérialisme américain et le discours pseudo-marxiste des Khmers Rouges.
Fondamentalement la révolution cambodgienne a été une révolution paysanne ce qui n'a rien d'étonnant bien sûr, puisque 85% de la population était paysanne. Ce qui est grave, c'est l'orientation qui a été donnée à cette révolution par ceux qui en avaient la direction, les Khmers Rouges. Et l'orientation, l'idéologie qu'ils portaient n'était pas progressiste mais reflétait fidèlement l'idéologie réactionnaire des paysans moyens : contre les villes qui accaparent les richesses; contre les intellectuels qui ne comprennent rien à la campagne (les écoles seront fermées, les livres brûlés); contre les étrangers, en particuliers les Vietnamiens très présents à l'Est du pays, à la fois du fait de l'Histoire de l'Indochine et comme base arrière de la guerre du Vietnam. Ce dernier aspect produira un nationalisme exacerbé, en particulier anti-Vietnamien, valorisant la "race khmère". Les premières victimes des massacres des Khmers Rouges ont été les vietnamiens présents au Cambodge, y compris les plus actifs dans le soutien aux révolutions cambodgienne et vietnamienne.
Il y a bien eu une révolution populaire qu'il fallait soutenir sans aucune ambiguïté. Mais l'orientation de la seule organisation à sa tête était réactionnaire et on ne pouvait pas la soutenir. Encore une fois à l'image de la Révolution islamique en. Iran.

Enfin, il faut souligner aujourd'hui que ce caractère paysan de la révolution était théorisé par les dirigeants Khmers Rouges, par exemple Pol Pot. Il ne s'agit donc pas de "bavures" ou
de glissements, mais bien d'une conception du monde où ce sont les paysans qui dirigent en tout: c'était une dictature paysanne. Tous ceux qui se réclament du communisme savent pourtant bien depuis Marx que les paysans. peuvent apporter leur force et leur nombre à une révolution sociale, mais que leur attachement à la terre et à la propriété est un frein réactionnaire à la libération de toute la société. Ils doivent donc être entraînés dans une révolution anti-impérialiste, anti-féodale (le féodalisme était extrêmement pesant dans le Cambodge de Sihanouk), mais sur une orientation progressiste qui donne les meilleures conditions pour préparer la révolution socialiste. C'est bien alors le rôle des dirigeants véritablement communistes de savoir entraîner les masses paysannes à partir de leur exploitation, sans se soumettre à leurs idées souvent réactionnaires.
Les Khmers Rouges ne se sont pas posé la question, car ce n'était pas la leur. Leur vision du monde était paysanne, anti-américaine, teintée de discours marxiste alors à la mode dans le monde.

Y a-t-il eu "génocide" au Cambodge ?

Non, on n'a pas le droit d'utiliser ce mot. Des massacres de masse, c'est clairement établi, entre 1 et 2 millions de morts selon les estimations. Si l'on peut contester ces chiffrages de la propagande impérialiste, ce n'est qu'en admettant, en premier lieu, que ces massacres massifs ont bien eu lieu , les charniers et les témoignages incontestables étant là pour les attester. Il y a bel et bien eu massacre systématique des Vietnamiens, des intellectuels puis de tous les récalcitrants. L'idéologie paysanne est radicale et violente, et elle ne s'embarrasse pas de subtilités et du souci de résoudre pacifiquement les contradictions au sein du peuple.
Mais il n'y a pas eu génocide, au sens de la tentative d'élimination d'une population sur des critères religieux ou ethniques. La terreur cambodgienne a eu un caractère politique , c'est cela qu'il faut critiquer et cela ne retire rien au caractère monstrueux et massifs de ces massacres. Parler de génocide, c'est escamoter l'Histoire, s'empêcher de comprendre d'où les Khmers Rouges sortent, la responsabilité des impérialistes dans la guerre en Indochine, les erreurs des communistes dans le soutien. Ne serait-ce que pour éviter de reproduire ce qui s'est passé, il faut accepter le retour critique sur l'Histoire.
Une autre raison de l'utilisation du mot "génocide", c'est la tentative de criminaliser tout ce qui a trait de près ou de loin au mouvement communiste. L'enjeu est d'empêcher d'en faire un bilan pour l'envoyer définitivement à la poubelle. C'était le sens du "Livre noir du Communisme", dont d'ailleurs le Cambodge occupait une bonne partie. Et les mêmes belles âmes qui nous mettent du "génocide" à toutes les sauces le font à sens unique: ainsi les journaux nous rappelaient que "l'occupation brutale de Timor-Oriental avait fait, voilà deux décennies, quelque deux cent mille victimes, soit le quart de la population de l'époque" (cela avant les massacres de l'an dernier). Le quart de la population... "plus" que le Cambodge (si on pouvait oser ce genre de comparaison macabre). Et personne ne parle de "génocide" ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les auteurs du massacre étaient les militaires indonésiens, fidèles soutiens et relais des puissances impérialistes !

L'évacuation des villes a-t-elle été un acte monstrueux ?

C'est une question compliquée. Dans tous les pays dominés de ce qu'on appelle le Tiers-Monde, la domination impérialiste provoque la ruine des paysans et leur afflux dans les villes, les bidonvilles en sont l'illustration, avec leur cortège de misères et de déchéances. Regardons aujourd'hui Mexico, Lima, Lagos ou Calcutta. Les villes gonflent alors de manière artificielle et cet afflux provoque à son tour de nouveaux problèmes : impossibilité de nourrir cette population, insuffisance du travail, pollutions et pénuries, corruption, prostitution, délinquance. De plus, au Cambodge, cette situation avait été accentuée jusqu'à la caricature par le regroupement forcé des populations dans des "hameaux stratégiques", pour faciliter les bombardements et isoler la population de la guérilla. Ainsi, la ruine de la campagne avait été totale, le pays devait même importer du riz alors qu'il était autosuffisant avant la guerre.
Il n'est donc pas choquant par principe qu'une révolution populaire décide de réduire la population urbaine en redéveloppant les campagnes.
Cela, aucun journaliste, aucun homme politique bourgeois ne voudra le reconnaître, car c'est la domination des grandes puissances qui est à l'origine de ces problèmes.
Ainsi, la décision de "dégonfler" Pnom Penh n'est pas critiquable en elle-même. C'est le caractère brutal, précipité, sans schéma directeur et non débattu de cette évacuation qui est critiquable. C'est le caractère réactionnaire paysan de cette évacuation : Pnom Penh vidée en quelques jours, c'est la vengeance du paysan contre la ville, l'ouvrier et l'intellectuel (puisque c'est son repaire).

Les Khmers Rouges étaient-ils "maoïstes" ?

Non, car leur orientation n'avait aucun caractère marxiste au delà du verbiage très à la mode à l'époque, aucun caractère dialectique dans la résolution des contradictions à la différence de la révolution chinoise, aucune référence à la révolution sociale et son rapport à la question paysanne. Par ailleurs, les Khmers Rouges avaient condamné la révolution culturelle en Chine. D'une certaine manière, on peut faire le parallèle avec les régimes dits "marxistes-léninistes" d'Afrique des années 70, bien entendu les massacres en plus. L'erreur de tout le mouvement de soutien (à l'époque) a été son manque d'esprit critique, de ne pas voir que le discours ne reflétait pas le fond.
Pourtant, il ne sert à rien de tourner autour du pot: la confusion a été renforcée car les Khmers Rouges ont été soutenus par la Chine, bien avant la mort de Mao Tsé Toung, pour des raisons de géopolitique peu glorieuses. Aussi pensons-nous que ce soutien n'était pas juste et manifestait des erreurs graves chez les communistes chinois.
Aujourd'hui, nous affirmons avec toute la clarté nécessaire qu'il y a bien eu une révolution populaire paysanne au Cambodge, mais que les Khmers Rouges qui en avaient la direction
n'étaient nullement révolutionnaires.

L'extrême gauche maoïste a soutenu les Khmers Rouges ?

Oui, et c'est son erreur. Le mouvement de soutien a été aveugle sur les faits, alors même que les témoignages non contestables existaient ( en particulier parmi les militants vietnamiens). Il a été suiviste à l'égard de la Chine, il a manqué d'esprit critique et d'autonomie, les militants n'avaient pas encore bien rompu avec nombre d'idées fausses. Par exemple, nous avions du mal à comprendre la différence qui existe entre un mouvement populaire, une révolte juste qu'il faut soutenir, et l'appréciation que l'on doit avoir de la direction de ce mouvement.
Pourtant, déjà à l'époque Voie Prolétarienne était réservée, et elle a progressé depuis. Aujourd'hui nous devons assumer l'autocritique du soutien aux Khmers Rouges du courant dont nous venons : c'est un héritage de notre origine. C'est une marque de la rigueur de nos positions et la condition pour regarder en face les erreurs passées pour éviter de les reproduire.

* A.Desaimes, J. labeil .


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Xuan
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   Posté le 02-07-2006 à 23:53:52   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

bravo pour cette doc abondante, en particulier l'article du PCRml extrait de « LA VIE DU PARTI » n°37 (mai 1979) cité par Finimore.
Beaucoup à dire par contre sur l’article de PARTISAN n°147 –avril 2000- mensuel de l'ocml-vp
Notamment :
« Il y a bien eu une révolution populaire qu'il fallait soutenir sans aucune ambiguïté. Mais l'orientation de la seule organisation à sa tête était réactionnaire et on ne pouvait pas la soutenir. Encore une fois à l'image de la Révolution islamique en. Iran. »
Conclusion : il fallait soutenir, mais il ne fallait pas soutenir…

« Fondamentalement la révolution cambodgienne a été une révolution paysanne »
Non, fondamentalement la révolution cambodgienne a été une révolution anti impérialiste.

« les Khmers Rouges ont été soutenus par la Chine, bien avant la mort de Mao Tsé Toung, pour des raisons de géopolitique peu glorieuses »
Les Khmers Rouges se sont dressés les armes à la main contre l’impérialisme US et c’était à l’époque une raison suffisante pour les soutenir. Il n’y a pas à rougir de cela.
Pendant la guerre anti impérialiste, la propagande anti-Khmers Rouges était très active en France, y compris chez les étudiants Khmers, et soutenue par la bourgeoisie française.
Ce n’était pas exactement le cas pour le combat du peuple vietnamien ou Lao.
Ceux qui ont soutenu la lutte anti impérialiste du peuple Khmer ne pouvaient deviner les fautes graves commises après la prise du pouvoir.
Mais à supposer qu’ils l’aient su, ce n’aurait pas été une raison pour prendre le parti des impérialistes.

« Il ne s'agit donc pas de "bavures" ou de glissements, mais bien d'une conception du monde où ce sont les paysans qui dirigent en tout: c'était une dictature paysanne. »
l'ocml-vp parle comme un livre et décerne les bons et les mauvais points bien à la légère, en parlant d’un pays où la paysannerie représentait l’essentiel de la population.
Dire après cela que la politique des Khmers Rouges était réactionnaire parce que leur révolution était « paysanne », c’est du pseudo marxisme.
La politique des Khmers Rouges doit être considérée avec ses aspects positifs et négatifs ; on peut dire que le négatif l’emporte et que l’échec l’a sanctionnée.
Mais la victoire du peuple Khmer contre l’impérialisme US fait partie des aspects positifs et ne saurait être escamotée.


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   Posté le 03-07-2006 à 05:20:10   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Xuan a écrit :

La politique des Khmers Rouges doit être considérée avec ses aspects positifs et négatifs ; on peut dire que le négatif l’emporte et que l’échec l’a sanctionnée.
Mais la victoire du peuple Khmer contre l’impérialisme US fait partie des aspects positifs et ne saurait être escamotée.


Tout à fait d'accord avec ton point de vue Xuan. L'article du PCRML est en effet très intéressant, de même que celui de l'UCFML qui insiste bien sur la périodisation. J'ai encore pas mal d'élements et d'articles notamment de l'HR sur le sujet, mais je les numériserais dés que possible.

Finimore


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Jameul
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   Posté le 04-07-2006 à 19:47:31   Voir le profil de Jameul (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Jameul   

c'est très intéressant et c'est une aprtie de l'historie que je connaissais pas ...

toutefois j ai un léger probème avec l 'article de Partisan...

il s'agit bien d'un génocide même si il ne se base pas sur des critères religieux ou ethniques (là je suis pas sûr mais c'est discutable... les vietnamiens ont été tués parce qu'ils étaient vietnamiens) il s'agit quand même d'un génocide

je sais qu'il faut être très prudent car les sources nous manque à ce sujet

de plus cette page de l'histoire nous amène à nous poser une novuelle question : jusqu'où sommes nous prêt à aller (qui sommes nous prêt à soutenir) dans la lutte contre l'impérialisme ?


je me rappel d'un débat avec KGB Shpion à ce sujet... il soutenait alors Milosevic

ma position est claire : je soutiens l'anti-impérialisme quand celui-ci est progressiste quelque soit sa tendance (tiers-mondiste, panarabisme, panafricanisme ou aujourd'hui bolivarisme). Au contraire je ne pourrais soutenir la révolution islamique, Milosevic...
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   Posté le 05-07-2006 à 00:00:00   Voir le profil de KGB Shpion (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à KGB Shpion   

Jameul a écrit :

c
je me rappel d'un débat avec KGB Shpion à ce sujet... il soutenait alors Milosevic


Parce que Milosevic il a fait un génocide ? C'est nouveau, ça !

Réponds ici : https://humaniterouge.alloforum.com/sujet-19525-0-629-0-0-1-915-1.html

Message édité le 05-07-2006 à 07:40:38 par KGB Shpion


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   Posté le 05-07-2006 à 05:33:51   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Avant que le sujet ne dévie sur Milosévik etc... il serait bien de créer un topic concernant ce débat.

Finimore


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   Posté le 05-07-2006 à 07:39:31   Voir le profil de KGB Shpion (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à KGB Shpion   

Finimore a écrit :

Avant que le sujet ne dévie sur Milosévik etc... il serait bien de créer un topic concernant ce débat.

Finimore


Je le fait.


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   Posté le 26-02-2007 à 16:57:11   

« Qui proteste est un ennemi, qui s’oppose est un cadavre » Pol Pot


Ca résume assez bien la pensée des socialos-nazies Khmer rouge, il n'y a pas à avoir de compassion pour eux, et je ne vais pas pleurer parce que le Viet Nam les a détruits, et certainement pas soutenir une expédition punitive contre celui ci pour avoir libéré le peuple Khmer...
Hier j'ai passé deux heures à rassembler divers témoignages de Cambodgiens...
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   Posté le 26-02-2007 à 17:19:45   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Kyliiolos a écrit :

« Qui proteste est un ennemi, qui s’oppose est un cadavre » Pol Pot

Ca résume assez bien la pensée des socialos-nazies Khmer rouge, il n'y a pas à avoir de compassion pour eux, et je ne vais pas pleurer parce que le Viet Nam les a détruits, et certainement pas soutenir une expédition punitive contre celui ci pour avoir libéré le peuple Khmer...
Hier j'ai passé deux heures à rassembler divers témoignages de Cambodgiens...


Si tu as lu ce topic, tu as du voir que la question est bien plus compliqué que ce que tu dis, et que l'invasion vietnamienne n'était absolument pas justifié. Mais je pense que sur ce sujet nous devrions sûrement avoir d'autres échanges (de plus j'ai encore beaucoup d'autres éléments et arguments sous le coude).


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