| | | | | Eric | Jeune Communiste | 160 messages postés |
| Posté le 25-04-2013 à 12:06:44
| Un ouvrage qui remet en question les poncifs de la propagande bourgeoise . Je reproduis la présentation de l'ouvrage et l'entretien accordé par Médiapart aux deux auteurs . C'est un ouvrage de 330 pages que les Editions Delga publient, écrit par deux citoyens des Etats-Unis, Roger Keeran et Thomas Keeny. Roger Keeran enseigne l'Histoire dans une Université de New-York et Thomas Keeny est économiste. Dans la Dialectique des phénomènes humains et historiques, il faut donc constater que les meilleurs spécialistes de l'Histoire soviétique sont “américains”. Le paradoxe est apparent, seulement. En effet, en raison de l'Histoire de la “guerre froide”, de l'idéologie anticommuniste de la superstructure etats-unienne (de MacCarthy à la CIA jusqu'à Reagan), c'est dans ce pays que des milliers d'hommes et de femmes ont scruté, étudié, espionné, l'ex URSS, ont accumulé des documents. Il faut imaginer ce que peut représenter pour un citoyen des EtatsUnis comme Roger Keeran d'oser contredire toute la propagande fasciste qui depuis des décennies salit et insulte les principaux dirigeants de l'ex URSS, à commencer par Staline. Et en France ? En France, une “doxa” s'est forgée au fur et à mesure des décennies et s'est solidifiée, au point de se retrouver dans les livres d'Histoire, les manuels scolaires, les émissions de télévision et de radio, à savoir que, un, Staline était un monstre, deux, l'ex URSS s'est effondrée parce qu'il s'agissait d'un système stérile et en échec, trois, il s'agissait d'un régime totalitaire comparable au nazisme, etc (et dans les etc, on trouve l'affirmation selon laquelle Staline a été stupéfait et désarçonné par l'attaque allemande du 21/22 juin 1941). Que ce soit à son encontre ou même en son sein, l'ex URSS a subi les effets du “manichéisme” sectaro-religieux : avec le maccarthysme, les agents du FBI et de la CIA étaient des agents du Bien qui luttaient contre le Mal; l'empire du Bien (le capitalisme des USA) luttait contre l'empire du Mal. Après la disparition de l'URSS, le Bushisme des années 2000 a servi à nouveau cette nourriture mentale empoisonnée, en réchauffant les vieux plats. Mais plus le temps passe, plus les justifications simplistes de “la politique américaine”, intérieure et extérieure, passent plus difficilement ou ne passent pas du tout. Lorsque l'URSS existait, tout était justifié, y compris les moyens pour atteindre la “fin” qui justifie... Maintenant, “l'ennemi” n'existe plus, Ben Laden a été assassinée, et Al Qaeda est une nébuleuse fracturée, résiduelle, capable d'opérer des piqures de moustiques. Le temps est donc venu pour enfin pouvoir faire une Histoire, posée, sérieuse, dont les éléments pourront donc servir les conditions du nouveau présent que tant de citoyens du monde se souhaitent et préparent. C'est pourquoi cet ouvrage est important. Les idéologues absolument pour et absolument contre auront du mal. Les premiers seront déçus que Roger Keeran et Thomas Keeny démontrent que la politique du PCUS n'a jamais été un long fleuve tranquille, que des courants divers et même opposés s'y affrontaient, et que des “communistes” (parce qu'ils avaient une carte du PCUS) ne partageaient ni le désir ni l'enthousiasme ni la volonté pour la construction et le développement d'un monde communiste, et les seconds devront accepter d'entendre (qu'ils y répondent par des preuves s'il en ont), que l'URSS a été pendant longtemps un système économique et politique qui fonctionnait et réussissait, même partiellement – et s'ils se gaussent de ces résultats “partiels”, il faudra qu'ils nous expliquent pourquoi les pays capitalistes de l'Ouest ont eux aussi eu des résultats positifs partiels pendant tout le 20ème siècle (citons par exemple le chômage, le détournement des fonds publics et privés, la mise en danger de la vie d'autrui dans un monde productif dangereux, comme le prouve le dossier de l'amiante, etc) qui eux seraient compréhensibles et tolérables. L'ex URSS, devenu Etat mondial, aura été une comète dans l'Histoire humaine. Il faut dire que cet Etat fédéral a eu des dirigeants qui l'ont construit, et des dirigeants qui l'ont détruit. Le plus emblématique de ces bâtisseurs aura été Staline, si décrié pour avoir lutté férocément contre ceux qui voulaient empêcher, annuler, ou diminuer sa construction, si décrié pour n'avoir pas été un Robespierre qui se laisse assassiner. En 20 ans, lui ET LES AUTRES DIRIGEANTS DU PCUS (puisque les charlatans qui s'expriment publiquement sur le sujet tendent à faire de Staline l'homme qui dirigeait, décidait, faisait tout !) ont cherché à construire cet Etat, et ont été obligés d'affronter une guerre “mortelle”, mortelle, parce qu'elle visait à les faire disparaître, et parce que les Nazis ont employé tellement de moyens qu'ils ont assassiné 20 millions de Soviétiques. Il a bien fallu des forces, des ressources et de l'intelligence, pour gagner, mais les mêmes charlatans leur dénient tout ou presque. Et lorsqu'il faut bien concéder quelques résultats, ils se réfugient dans la “cruauté de Staline” pour continuer d'affirmer le caractère néfaste de ce projet soviétique. Il faut le dire clairement : trop de violences ont fait du 20ème siècle mondial un siècle épouvantable, terrible. Trop de violences dans des régimes “communistes” ont porté des coups très durs à ce projet, à ce “rêve”. Un régime idéal ne peut se permettre d'être abîmé d'une manière ou d'une autre par des fautes et des défauts, humains, trop humains. Certains dirigeants n'ont pas su être à la hauteur. Il faut dire que, DANS LE MEME TEMPS, les pays capitalistes ont connu leur lot de violences contre les citoyens, mais comme ce type de régime ne promeut aucun idéal, tout lui est “pardonné”, puisqu'il ne se fixe aucune ambition humaine collective. Par exemple, il est acquis que les “goulags” sont stigmatisés, vilipendés, pendant que les “prisons américaines” des années 30, 40, 50, ne le sont pas EN TANT QUE TELLES ! Si un film hollywoodien vient à dénoncer la violence carcérale d'une prison américaine, et notamment celle des “gardiens”, des “dirigeants”, le fait est toujours interprété comme un cas individuel qui déroge au Droit général, et que des “gentils”, de l'intérieur, de l'extérieur, découvrent, dénoncent, et, bien entendu, réussissent à stopper. Hollywood raconte de “jolies histoires” pour les enfants et notamment les grands enfants, mais ce sont des fables, extrêmement nécessaires au système américain pour laisser croire et penser que, heureusement, via la “liberté individuelle”, des héros se lèvent et redressent un système à la dérive. Enfin, quand tant dénoncent les goulags, combien ont étudié les conditions de “vie”, plus exactement de survie des prisonniers américains durant ces décennies, combien ont étudié le nombre et la nature des condamnés à mort ? L'Historiographie sérieuse commence PAR DELA LE BIEN ET LE MAL. Il ne s'agit pas de faire une “Histoire” amorale, sans prise en compte des biens et des maux, mais de faire une Histoire apatriotique, et s'il faut dénoncer la farce hollywoodienne et digne de Disney d'une Histoire qui oppose les Saints américains aux Diables soviétiques, l'inverse est tout aussi délirante. Dans cet ouvrage, les deux auteurs traitent longuement des conditions et des effets de la politique soviétique sous Khroutchev, en lequel ils perçoivent un prédécesseur aussi néfaste à Gorbatchev. Ils ne se contentent pas le le dire, ils le prouvent, par des faits et des chiffres. Les pages qui concernent Andropov sont sans doute les plus originales qui soient. C'est que sa place à la tête de l'URSS a été très brève (en raison de sa maladie et de son décès), et parce que les caricaturistes classiques en font un “apparatchik” type sénile et fou, ce qui selon un expert américain de la superstructure CIA, est tout à fait faux, puisqu'ils l'ont considéré comme un dirigeant dangereux POUR EUX, donc brillant). Les pages sur la “seconde économie” (l'économie illégale) sont certes brèves mais importantes, parce qu'elles prouvent que ce que les autres pays ont qualifié de “dictature” était bien peu “dictatorial”, étant donné la permanence de cette économie de trafic, de spoliation, de type mafieuse, chatiée et contrôlée sous Staline, débridée et protégée sous Khrouchtchev et Gorbatchev.La dernière moitié de l'ouvrage est consacrée à la dernière période : le déclin et l'autodestruction de l'URSS par l'action d'une partie de ses élites, et ce contre la volonté majoritaire des Soviétiques qui, aujourd'hui encore, regrettent amèrement la disparition de cet Etat et de ce régime qui leur a apporté niveau de vie, études scolaires longues, ascension sociale, conditions de vie uniques dans le monde avec la gratuité. Depuis la Grèce antique, la problématique du choix du dirigeant principal est fondamental. On sait que, pour l'URSS, le choix de Staline a été le bon, parce qu'il a contribué à une victoire que d'autres n'auraient jamais réussi à créer. A l'inverse, le choix de Gorbatchev a été catastrophique, parce qu'ils n'ont pas su l'arrêter à temps. Gorbatchev est-il pour autant un total traître ? En faisant disparaître l'URSS de la scène internationale, les dirigeants des EtatsUnis n'ont plus d'”ennemi”, selon leur vocabulaire. Ils ne peuvent plus justifier les problèmes mondiaux en les attribuant aux autres, et notamment à l'URSS. Or, depuis la disparition de l'URSS, les problèmes mondiaux ont-ils diminué ou augmenté ? Et s'ils ont diminué, lesquels, par qui et pour quoi ? Et s'ils ont augmenté, lesquels, par qui et pour quoi ? A chacun de répondre, selon ses besoins. L'entretien Quels sont à vos yeux les dirigeants les plus influents, que ce soit positivement (dans la construction) ou négativement (dans la détermination d'un régime trop militariste, militarisé ?) L’Union sovietique avait une equipe de dirigeants, qui étaient extraordinairement capable pendant les quarante premières années. Tous les dirigeants méritent une mention pour la construction du socialisme, particuliérement l’industrialisation du pays à partir du premier plan quinquennal en 1928, la collectivisation de l’agriculture, et le développement de ces programmes sociaux comme la gratuité des soins et l'éducation gratuite dans les années 1930, le comportement victorieux de la Seconde Guerre mondiale, et la reconstruction du pays en cinq ans après la guerre. Bien sûr, personne ne mérite plus de crédit pour ce travail que le dirigeant du parti et du pays, Joseph Staline. Deux autres dirigeants, dont les contributions étaient superbes, étaient Lazar Kaganovitch, qui a supervisé la construction du métro de Moscou et Vyacheslav Molotov, qui a supervisé l'effort de guerre soviétique. Nous ne partageons pas l’hypothèse sur laquelle la deuxième partie de la question est basée, que l’Union soviétique était « trop militariste, militarisé. » Si vous voulez dire que le socialisme a souffert parce que l'Union soviétique a dû consacrer trop de ressources à la défense militaire, c'est sans doute vrai. Cependant, si l'on tient compte de l'environnement hostile dans lequel l'Union soviétique a vécu, alors le niveau de militarisation était compréhensibleVous connaissez sans aucun doute l'ouvrage de Losurdo sur Staline. Nous assistons depuis quelques années à un travail de résistance de la part d'historiens, qui n'acceptent plus les diktats de l'extrême-droite et des anticommunistes, et dont le travail permet de mieux comprendre un dirigeant déterminant. Quelle analyse faite vous de son rôle dans la direction de l'URSS ? Une évaluation du rôle de Staline est trop grande et trop difficile à entreprendre ici. Nous sommes d'accord qu'une réévaluation de Staline est d'une importance vitale, à cause des mensonges et les distorsions qui ont commencé dans le discours soi-disant secret du 20e Congrès par Khrouchtchev et ont perpétué par une légion d’historiens, de journalistes et d’idéologues de la guerre froide. Beaucoup d'historiens ont commencé cette tâche. Outre le livre de Losurdo, nous pouvons citer les travaux des historiens contemporains Geoffrey Roberts, J. Arch Getty et Roberta Manning, et Wendy Goldman. Il y a aussi les livres sur Staline par Kenneth Cameron, le livre de Félix Chuev (Molotov se souvient) et le livre de Grover Furr (Khrouchtchev Lied).Outre les phénomènes politiques et économiques que votre ouvrage analyse, qu'est-ce que cela dit sur la faiblesse de la pensée communiste au sein même de l'URSS, notamment à travers sa transmission scolaire ? Nous sommes d'accord. Comme nous l'avons noté dans le livre, il y avait une faiblesse dans le développement de la théorie et de l'idéologie du marxisme-léninisme sous Khrouchtchev et Brejnev. Cette faiblesse se reflète dans la critique de Youri Andropov. Il se reflète aussi dans l'incapacité de la plupart des économistes soviétiques à reconnaître la croissance de la deuxième économie et le danger qu’elle représentait. Aussi, cette faiblesse se reflète par la volonté de nombreux universitaires (comme Abel Abanbegyan) d'épouser des idées capitalistes. Une des originalités de votre ouvrage est de parler du méconnu Andropov qui a failli jouer un rôle salvateur pour l'URSS. Quel homme était-il ? Quels sont les points les plus importants de son action politique, dans le bref temps qui fut le sien ? La chose importante à propos de Youri Andropov, et d'autres comme Yegor Ligatchev, c'est qu'ils montrent que, même dans le milieu des années 1980, le système soviétique possédait une certaine vitalité. Il produisait encore des dirigeants et penseurs qui ont compris les problèmes rencontrés par le socialisme soviétique. Ces dirigeants et penseurs avaient une vision de ce que pourrait devenir le socialisme soviétique, et ils avaient des politiques concrètes pour faire avancer le pays. Malheureusement, l'ascendant de Gorbatchev et la destruction de l'Union soviétique ont obscurci cette vérité.Les ennemis historiques du Bolchévisme et du Communisme mettent en cause la Révolution d'Octobre, dans sa réalisation et ses développements postérieures, dans sa "violence". Pour l'avenir, est-il possible de penser une "Révolution" non violente (sans qu'il s'agisse de faire du Gandhisme). Et pouquoi à votre avis la violence qui est si déterminante dans l'Histoire des Etats-Unis (en tant que système qui s'est confronté à l'URSS et qui a été, qui est valorisé, par comparaison avec l'URSS) est si minorée ? Pourquoi tant d'intransigeances contre l'URSS et tant de mansuétudes pour les Etats-Unis ? Il serait absurde de prétendre que, dans l'avenir, une révolution pacifique socialiste est impossible. Le développement de l'histoire peut nous surprendre. Les transformations récentes de la Tunisie et de l’Égypte affichent ce message. Pourtant, il serait stupide de sous-estimer le caractère impitoyable de la classe dirigeante des États-Unis. De bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki aux récentes invasions et des attaques de drones, cette classe dirigeante a montré sa volonté de recourir à toute forme de violence pour défendre ses intérêts. Il est vrai que beaucoup sont prêts à fermer les yeux sur la violence des États-Unis et en même temps condamner la violence de la révolution russe. Cela montre le succès de l'hégémonie bourgeoise, une idéologie qui considère la violence continue de l'impérialisme comme normale, mais considère toute menace à la propriété privée avec horreur. Roger Keeran et Thomas Kenny Février 2013
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| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18616 messages postés |
| Posté le 25-04-2013 à 13:13:05
| "le socialisme trahi les causes de la chute de l'union soviétique" En effet, un ouvrage très intéressant. Il ne parle pas de la politique étrangère social-impérialiste par contre.
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
| Finimore | Grand classique (ou très bavard) | | 2655 messages postés |
| Posté le 26-04-2013 à 07:58:59
| Études marxistes Revue n° 83, date de publication: 2009-01-27 http://www.marx.be/fr/content/%C3%A9tudes-marxistes?action=get_doc&id=81&doc_id=608 Le socialisme trahi Voici un livre important1 qui est à beaucoup d’égards complémentaire aux travaux de Ludo Martens sur l’effondrement de l’URSS. Plus de la moitié du livre traite de la période de 1985 à 1991, l’époque de Gorbatchev. Cette partie est cependant précédée de deux chapitres consacrés aux deux leitmotifs du livre : l’existence depuis le début de l’URSS de deux lignes dans la politique soviétique et le développement d’une économie parallèle surtout à partir de Khrouchtchev. Selon les auteurs2, toute l’histoire de la politique soviétique est celle de la lutte entre deux tendances qui reflétaient les deux classes qui avaient fait la révolution, la classe ouvrière et la petite bourgeoisie (surtout la paysannerie au début). La première tendance, défendue par Staline notamment, prétendait qu’il était possible de construire le socialisme dans un seul pays, mais à trois conditions, toutes liées : une rapide industrialisation, une mécanisation (et donc une collectivisation) de l’agriculture, une planification centrale de l’économie. La deuxième tendance, défendue par Boukharine et plus tard, mais de manière différente, par Khrouchtchev et Gorbatchev, était essentiellement social-démocrate. Boukharine s’opposait à l’industrialisation rapide, à la collectivisation de l’agriculture et à l’idée même de la lutte de classe sous le socialisme. Il défendait comme une politique à long terme le socialisme de marché et les concessions faites aux petitsbourgeois par la NEP3. Quand Khrouchtchev est arrivé au pouvoir, il a réintroduit certains mécanismes de la NEP. Il a aussi pris des mesures qui allaient affaiblir le parti communiste à long terme. Mais à l’époque, le parti était encore fort et la base matérielle qui permettrait plus tard la restauration du capitalisme faible. Khrouchtchev a été éjecté, mais ses idées ont continué à faire leur chemin. Dans les années vingt, les idées de Boukharine s’appuyaient essentiellement sur les intérêts de classe de la paysannerie, surtout la paysannerie riche. En 1975, la paysannerie ne représentait plus que 20 % de la population et était largement collectivisée. Par contre, les années Khrouchtchev ont vu l’émergence dans les différentes couches de la population (ouvriers, paysans, intellectuels) d’une économie privée parallèle, qui a continué à se développer sous Brejnev. Les auteurs définissent cette « seconde économie » comme de l’activité économique, légale ou illégale, poursuivie pour des gains privés. Curieusement, un des facteurs qui ont stimulé l’émergence de cette économie parallèle a été les mesures prises sous Khrouchtchev (au nom de l’approche du communisme) pour niveler les salaires et qui ont eu comme conséquence de décourager l’initiative personnelle. Une certaine activité économique privée légale avait toujours existé, mais après 1953 c’est surtout l’activité économique illégale qui a décollé. Cela commençait d’habitude par le vol de l’État : des paysans qui volaient au kolkhoze du fourrage pour leurs propres bêtes, des chauffeurs qui volaient et revendaient de l’essence, des médecins qui volaient des médicaments, etc. Des gens faisaient des réparations (de maisons, de voitures…) contre rémunération ou construisaient même des maisons, souvent avec du temps et des matériaux volés aux entreprises d’État. À la fin, il y a eu carrément des entreprises privées de production clandestines. Le corollaire de tout cela naturellement était la corruption, qui trouvait un terreau fertile dans un parti affaibli. Des chercheurs ont estimé qu’à la fin des années 70, 30 % du revenu dans les villes provenait de l’économie parallèle. Ce pourcentage était apparemment plus élevé dans le sud que dans le nord. Ce qui était important, disent les auteurs, « n’était pas les petits vols ou l’achat de produits sur le marché noir, mais l’émergence d’une couche de gens qui dépendaient de l’activité privée pour tout leur revenu ou pour une partie très importante ». Selon les auteurs, l’URSS n’était aucunement en crise en 1985, lorsque Gorbatchev est arrivé au pouvoir. Il y avait certes des problèmes, politiques et surtout économiques, auxquels Andropov avait essayé de remédier avant sa mort prématurée. Il y avait aussi une agressivité accrue de la part des États-Unis. Les premières mesures de Gorbatchev, comme celles d’Andropov, étaient destinées à accélérer le progrès scientifi que et technique, améliorer le management et augmenter la discipline. Gorbatchev a aussi appelé à la fin de la corruption, au soutien de la libération nationale et au renforcement du rôle dirigeant du parti, ainsi qu’à la glasnost ou transparence sur le travail du parti. Quand, pourquoi et comment cette politique a-t-elle changé ? Selon les auteurs, Gorbatchev n’était pas un social-démocrate caché depuis toujours. C’est seulement à partir de janvier 1987 que la tendance anticommuniste a commencé à dominer. Le processus de réforme initié par Gorbatchev a déclenché une offensive lancée par les intérêts anticommunistes qui se développaient dans la société soviétique depuis l’époque de Khrouchtchev. Fondamentalement, il manquait à Gorbatchev la force et la volonté nécessaires pour faire face à ces intérêts. Il était peu formé théoriquement, relativement inexpérimenté (les auteurs suggèrent qu’il a été promu surtout parce que, étant le secrétaire général du parti dans une station balnéaire, il a appris à connaître beaucoup de membres de la direction), ambitieux et vaniteux et il connaissait bien mieux certains pays étrangers que l’Union soviétique même où il avait peu voyagé (ce qui fait notamment qu’il n’a jamais rien compris à la question nationale). « Gorbatchev a vacillé et puis capitulé. Son désir de succès rapide, indolore et à court terme et de l’adulation et de la sécurité politique que cela lui apporterait l’a amené à s’unir avec la couche grandissante de bureaucrates et petits entrepreneurs liée à l’économie parallèle et à leurs défenseurs et sympathisants parmi l’intelligentsia4. » Idéologiquement, Gorbatchev était un social-démocrate qui a déclenché un processus qu’il ne pouvait plus contrôler. Il croyait pouvoir atteindre ses objectifs en diminuant radicalement le pouvoir du parti (où il rencontrait une certaine résistance), mais le résultat a été de le laisser impuissant devant Eltsine et ses forces ouvertement procapitalistes. Les trois dernières années de l’URSS, pendant lesquelles les Soviétiques ont appris à détester Gorbatchev, sont dépeintes comme une véritable descente aux enfers. Les auteurs semblent être proches du PCUSA. Ils parlent peu de la période avant Khrouchtchev et donc peu de Staline, sauf pour approuver sa ligne dans le conflit avec Boukharine (voir ci-dessus). À un ou deux endroits, ils laissent entendre que la politique de Staline était trop répressive. Ils parlent aussi très peu — et c’est plus étonnant — de la guerre en Afghanistan. Le lecteur comprend néanmoins qu’à leurs yeux l’intervention soviétique était totalement justifi ée. Le livre est très bien écrit, sans langage d’initié, très clair, bien structuré, bien référencé (surtout des sources académiques, y compris des sources soviétiques traduites en anglais, dont il semble en exister beaucoup, et des sources pro et anti-Gorbatchev), très lisible. Il intéressera certainement tous les communistes et anciens communistes ainsi que les historiens de l’époque et mériterait d’être traduit en français et en néerlandais. -------------------------------------------------------------------------------- 1. Roger Keeran et Thomas Kenny, Socialism betrayed : Behind the Collapse of the Soviet Union, International Publishers, 2004, 230 p, ISBN 0-7178-0738-X. 2. Roger Keeran est historien et auteur de The Communist Party and the Auto Workers’ Unions. Thomas Kenny est économiste. 3. NEP : La Nouvelle économie politique, introduite en 1922, visait à réintroduire temporairement quelques éléments du capitalisme dans le but de relancer l’économie après les ravages de la guerre civile. 4. Keeran et Kenny, op.cit., pp. 85-86 MARIA MCGAVIGAN
-------------------- Ni révisionnisme, Ni gauchisme UNE SEULE VOIE:celle du MARXISME-LENINISME (François MARTY) Pratiquer le marxisme, non le révisionnisme; travailler à l'unité, non à la scission; faire preuve de franchise de droiture ne tramer ni intrigues ni complots (MAO) |
| Finimore | Grand classique (ou très bavard) | | 2655 messages postés |
| Posté le 08-08-2013 à 09:00:51
| Ce livre est très intéressant, facile à lire, et donne beaucoup d'infos sur certains débats internes au mouvement communiste de l'URSS dans la période Gorbatchev. Il donne également beaucoup d'infos concernant le rôle de la seconde économie et de son rôle dans la chute de l'URSS. Le rôle et une certaine filiation entre certaines idées de Boukharine, Krouchtchev et Gorbatchev est effectivement bien repérés. La lutte contre les idées révisionnistes est également expliquée (voir par exemple le rôle de la lettre de Nina Andreeva) mais il n'y a aucune mention en terme de révisionnisme moderne et les seules références dans le livre à la lutte du PCC et la rupture avec Krouchtchev sont expédiés en quelques lignes et présenter unilatéralement comme gauchistes et pro-américaines. En fait les auteurs comme le dit Maria Mc Gavigan sont proches du PCUSA qui visiblement n'a pas rompu avec les thèses du révisionnisme moderne en 1963. Ce qui fait que les critiques dont certaines sont très justes des idées révisionnistes se font depuis une analyse révisionniste. Pour simplifier je dirais que c'est des révisionnistes qui critiquent des positions ultra-révisionnistes. Il est important de bien connaitre et comprendre les analyses venant des communistes de l'ex-URSS, car c'est bien aussi de ces communistes (qui ont continué à se référer au marxisme-léninisme) que nous comprendrons mieux le processus révisionniste qui a fait chuté l'URSS.
-------------------- Ni révisionnisme, Ni gauchisme UNE SEULE VOIE:celle du MARXISME-LENINISME (François MARTY) Pratiquer le marxisme, non le révisionnisme; travailler à l'unité, non à la scission; faire preuve de franchise de droiture ne tramer ni intrigues ni complots (MAO) |
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