Sujet : les rouge-bruns : de la confusion à la réaction | | Posté le 13-11-2014 à 19:59:27
| A l'occasion de l'affaire Dieudonné (voir Dieudonné/Soral les habits "neufs" du fascisme divers points de vue se sont exprimés parmi les marxistes-léninistes. Nous avons tous dénoncé les mesures fascisantes de l'Etat et du gouvernement PS, mais concernant Dieudonné lui-même les appréciations des marxistes-léninistes ont varié du rejet au soutien aveugle. Ces contradictions méritent qu'on s'y penche de plus près et qu'on analyse la véritable nature du national-socialisme et des rouge-bruns. Le camarade all power to the people avait alors mis en ligne sur le sujet un post très juste intitulé "contre la mobilisation réactionnaire des masses". On le relira avec profit. La rubrique idéologie consacre plusieurs articles aux néo- fascistes, à leur nébuleuse et aux sympathisants qu'ils entraînent comme Etienne Chouard ("Chouard – Soral : de l’anarcho-réformisme au national-socialisme".), ou bien à leur point commun l'anticommunisme Nous devons dénoncer ce courant fondamentalement anti communiste qui entrave la reconstitution d'un parti marxiste-léniniste. Je publie à la suite plusieurs articles sur le sujet
Edité le 27-11-2014 à 18:10:51 par Xuan |
| | Posté le 13-11-2014 à 20:18:41
| Rouge-bruns : de la confusion à la réaction Chacun peut observer le flottement qui traverse les partis bourgeois. Ils ne peuvent dissimuler leur soumission au grand capital français ni à l’hégémonie US. Leurs ambitions et leurs querelles entravent leurs actions, et le gouvernement joue le funambule entre les exigences du MEDF, le mécontentement populaire, les calculs électoraux et ses propres dissensions. Nous ne sommes pas loin d’une situation où les classes dirigeantes ne peuvent plus diriger comme avant . Mais dans toute société divisée en classes, les idées dominantes restent celles de la classe dominante, et les idées dominées celles des classes dominées. Les premières s’imposent naturellement à tous ceux qui refusent le rôle dirigeant révolutionnaire de la classe ouvrière. Certaines classes, comme les artisans, paysans, professions libérales qui vivent encore dans des rapports de production issus des sociétés antérieures sont en conflit avec le mode de production capitaliste, mais leurs statuts comme leurs conceptions du monde n’ont pas d’avenir et ils se tiennent la plupart du temps du côté du manche. C’est ainsi que les PME écrasées sous la botte du grand capital réclament la baisse des salaires et le dégrèvement de leurs cotisations sociales. Sans la direction d’un parti marxiste-léniniste, ces couches déclassées et désorientées se raccrochent à tous les gourous modernes, nouveaux Raspoutine, prophètes à la Paco Rabanne et jouant de l’équivoque, qui se proclamaient hier « nouvelle résistance », aujourd’hui « résistants à l’Empire », « Rebelles » ou « résistance authentique » , marchent « vers la révolution » et arborent tous les symboles hostiles à la république bourgeoise, de la faucille et du marteau jusqu’à la fleur de lys. L’idéologie qui inspire ces charlatans est directement héritée du national-socialisme et se teinte aussi d’antisémitisme, volens nolens , dans une nébuleuse où se fond leur diversité d’opinion car ils sont tous attelés à la même charrue. Leur fascination collective pour Orwell le déclassé mérite un petit détour : arrière petit-fils d’esclavagiste de la couronne britannique, fils d’un administrateur de la guerre de l’opium, et lui-même sergent dans la police coloniale, George Orwell expie ses origines de classe dans la dèche et la révolution sans jamais adhérer à l’idéologie du prolétariat. Pavé de bonnes intentions , il se retrouve toujours dans le camp d’en face à l’insu de son plein gré, participe aux « troubles de mai » pendant la guerre d’Espagne ; hostile à l’antifascisme du Front Populaire et pacifiste envers Hitler lors du pacte germano soviétique, il dénonce l’URSS mais également Lénine dans « la ferme aux animaux » . Farouche antistalinien et Vice-président du « Freedom Defense Committee », il finit sa carrière en pleine chasse aux sorcières en livrant les noms des communistes, des sympathisants de l’URSS et des progressistes au Foreign Office. Ce courant de pensée néo fasciste veut s’attirer la sympathie des bourgeois souverainistes, des ouvriers sans parti et désyndicalisés, des jeunes instruits révoltés par le système, des cadres déclassés, des chômeurs, des jeunes désœuvrés des quartiers populaires, des paysans ruinés, des professions libérales condamnées à la disparition ou au salariat, des artisans ou des petits patrons écrasés par les grandes entreprises et les banques. Ils piochent alors dans les aspirations des uns et des autres, et imitent leurs langages pour les abuser. Mais leurs objectifs sont tout autres.
Continuité historique Dès sa naissance dans les années 20, le national-socialisme s’est glissé comme un coucou dans le discours révolutionnaire parce que la classe ouvrière tournait ses espoirs vers la Russie de Lénine. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Pour la bourgeoisie, pas d’autre moyen alors pour abuser le prolétariat que de déguiser en rouges ses propres propagandistes, criant plus fort que tout le monde leur détestation de la finance cosmopolite , des banquiers cosmopolites , de la ploutocratie cosmopolite …et enjuivée . L’Union sacrée En désignant un ennemi de l’étranger, leur finalité est d’associer les exploiteurs et les exploités dans l’Union Sacrée : « réconciliation nationale de la Gauche du Travail et de la Droite des Valeurs» contre la « finance mondialisée », « Bruxelles » , ou une nébuleuse « oligarchie », ou « le capitalisme financier mondialiste, dont l’Europe est le cheval de Troie », bouillie conceptuelle qui prend définitivement le pas sur la réalité des monopoles du CAC 40 et de l’impérialisme français. L’Union sacrée La confusion qui ressort de ces concepts ambigus et de ce marxisme abâtardi n’est nullement fortuite mais volontaire, comme l’amalgame entre sionisme et antisémitisme, entre un « Empire » de nulle part et les intérêts unis et concurrents des impérialismes américain et français. Tandis que toutes les contradictions au sein du peuple sont exacerbées, entre actifs et retraités, travailleurs et chômeurs, français et immigrés, public et privé, salariés des donneurs d’ordre et des sous traitants, contrats pérennes et précaires, etc. en dernier ressort, c’est le capitalisme monopoliste et notamment l’impérialisme français qui sortent absous et blanchis au nom de la défense de la nation. Les caméléons Depuis que Marine Le Pen a pris la tête du FN, la presse bourgeoise s’emploie à monter en épingle les disputes familiales et applaudit le nouveau langage civilisé de son parti et les bonnes manières de son éminence grise Florian Philippot (frère du directeur des études politiques de l’IFOP ). Rappelons que ce souverainiste, « horrifié par les privatisations » de Balladur et grand admirateur de De Gaulle, un temps chevènementiste et participant au meeting de Mélenchon en 2005, soutenait les grévistes du rail en juin 2014. Pour remettre une couche de flou artistique, Chouard questionné sur sa sympathie pour Soral prétendait qu’il aurait tiré à gauche le FN : «…le FN était ultra libéral à une époque et maintenant il est anti libéral. Je vous ferai remarquer que c’est l’influence de Soral qui était communiste pendant 7 ans, beaucoup plus longtemps qu’au FN,…et c’est son passage au FN qui a tiré le FN à gauche. L’influence de Soral au Front National c’est de l’avoir tiré à gauche. Excusez-moi mais de tirer un parti à gauche, vraiment à gauche avec défense contre le libre-échange, défense contre la monnaie privatisée, et donc demande d’une monnaie publique, protection des services publics, excusez-moi mais amener un parti quel qu’il soit à avoir des positions de gauche, je trouve pas ça dramatique. » [à 5’45’’ de l’enregistrement] Désaccords de façade En réalité le désaveu du père par sa fille est de pure forme car le FN n’a jamais changé ni de fonds de commerce ni de stratégie. Le 28 octobre 2010, Jean-Marie Le Pen déclarait aux étudiants du Centre de formation des journalistes à Paris, dans le cadre des "Rendez vous du CFJ". « Dans national-socialisme, il y a socialisme. Il y avait un contenu socialiste considérable qui a transformé la société allemande beaucoup plus qu'aucune autre force politique ne l'avait fait » . Ce « socialisme » n’abuse que ceux qui veulent bien l’être car sous son double visage Janus est unique. Abel Mestre signait dans le Monde du 7 novembre : « Quand Marine Le Pen braconne à gauche » , signalant par exemple : « La réappropriation de thèmes forgés dans la gauche alternative est donc au cœur de la stratégie du parti lepéniste. » mais aussi : « Le FN plonge ses racines dans l'extrême droite française et ce parti a toujours combattu les « rouges ». Tout récemment, interrogé sur la rénovation de l’appartement de Le Paon à Télématin, Philippot justement saisissait l’occasion pour promouvoir un « syndicat indépendant » . Ce syndicat patronal, que les plus anciens d’entre nous ont connu vers 1968 sous le sigle CFT alias CSL, le sociologue Robert Linhart le décrit ainsi dans son livre ‘L'établi’ : « Pourtant, la peur c'est encore plus que cela (...). Sans doute est-ce en partie parce que tout le monde sait que l'encadrement officiel de Citroën n'est la fraction émergée du système de flicage de la boîte. Nous avons parmi nous des mouchards de toutes nationalités, et surtout le syndicat maison, la C.F.T., ramassis de briseurs de grèves et de truqueurs d'élections. Ce syndicat jaune est l'enfant chéri de la direction : y adhérer facilite la promotion des cadres et, souvent, l'agent de secteur contraint des immigrés à prendre leur carte, en les menaçant de licenciement, ou d'être expulsés des foyers Citroën. » Voilà qui éclaire la véritable continuité familiale du FN et dissipe le double langage du national-socialisme, pseudo résistant contre l’Empire pour collecter des adhésions populaires, mais fondamentalement anti communiste, anti ouvrier et mercenaire du grand capital. Tout en recrutant dans les catégories les plus populaires, il reflète les intérêts des franges les plus réactionnaires de la société - identiques à celles qui gouvernent aujourd’hui - mais dans les conditions où le mouvement des masses ne permet plus d’exercer la dictature du grand capital dans un état de droit apparent. « Le fascisme, ce n'est pas une forme du pouvoir d'Etat qui, prétendument, "se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie", ainsi que l'affirmait, par exemple, Otto Bauer. Ce n'est pas "la petite bourgeoisie en révolte qui s'est emparée de la machine d'État", comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford. Non. Le fascisme, ce n'est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassés du prolétariat sur le capital financier. Le fascisme, c'est le pouvoir du capital financier lui-même. C'est l'organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. Le fascisme en politique extérieure, c'est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples. » [Giorgi Dimitrov – rapport au 7e congrès de l’IC] L’histoire a infligé aux peuples une douloureuse leçon payée de millions de victimes, de sacrifices indicibles et de terribles souffrances, sur la véritable nature de classe du fascisme. Les actionnaires majoritaires des monopoles capitalistes savent parfaitement le parti qu’ils peuvent tirer des ces idéologues, conduisant les enfants du peuple à la mort comme le joueur de flûte d’Hamelin. Un obstacle sérieux à la reconstitution du parti communiste Le brouillard idéologique répandu par les idéologues national-socialistes doit nécessairement être dissipé et nous avons besoin d’analyser à la fois les contradictions et l’identité entre eux et les démocrates bourgeois. Dimitrov [id] disait également : "on ne saurait se faire de l'arrivée du fascisme au pouvoir l'idée simpliste et unie qu'un comité quelconque du capital financier déciderait d'instaurer à telle date la dictature fasciste. En réalité, le fascisme arrive ordinairement au pouvoir dans une lutte réciproque, parfois aiguë avec les vieux partis bourgeois ou une portion déterminée d'entre eux, dans une lutte qui se mène à l'intérieur du camp fasciste et qui en arrive parfois à des collisions armées, comme nous l'avons vu en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays. Tout cela sans affaiblir l'importance du fait, qu'avant l'instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d'étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l'avènement direct du fascisme." Nous ne parviendrons pas à édifier un nouveau parti communiste si nous entretenons quelques doutes sur ce sujet, et les masses ont elles-aussi besoin de savoir quels intérêts de classe recouvrent les discours et faire la part du feu. L’idéologie révolutionnaire qui préfigure la société future ne tombe pas du ciel, elle se forge justement dans la lutte contre les idées rétrogrades. Or le libéralisme décomplexé façon bling bling tout comme le réformisme austéritaire font vomir le peuple. Quant aux chimères de Mélenchon, des « frondeurs » et de quelques autres révisionnistes, rêvant d’une « autre politique » , d’une « politique de la demande » , d’une « relance par la consommation » , bref d’un New Deal keynésien revisité à la sauce CNR, elles font un bide. Sur le terrain des idées et dans les masses, le combat est ailleurs. Certains camarades conçoivent avec raison que les représentants actuels des monopoles sont capables par eux-mêmes d’accentuer la fascisation, que seule la timidité des grèves et des mouvements de masse les retient d’imposer une dictature ouverte, et que le pouvoir de répression entre leurs mains les rend infiniment plus dangereux que les idéologues néofascistes aujourd’hui. Il n’en reste pas moins que ces derniers sont immédiatement un obstacle à la reconstitution de notre parti communiste. Non seulement ils ne visent pas le renversement du capitalisme mais tout particulièrement la destruction de l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat. Néo fascistes ou rouge-bruns, ce ne sont pas des « résistants à l’Empire » mais des agents recruteurs du fascisme. Nous ne pouvons en aucun cas les considérer comme des amis ou des alliés contre un ennemi commun. Appelons les communistes, les anti-impérialistes et progressistes à les rejeter sans aucune ambigüité, en portant en avant le socialisme et la révolution prolétarienne contre l’Etat bourgeois. EDITIONS PROLETARIENNES
Edité le 14-11-2014 à 14:09:50 par Xuan |
| | Posté le 13-11-2014 à 20:39:20
| Les marxistes-léninistes et l'affaire Dieudonné Antisémitisme ou antisionisme ? La quenelle se voudrait un défi à l’instrumentalisation de la Shoah organisée par les milieux sionistes. Ces derniers se servent de l’holocauste pour justifier la colonisation des territoires palestiniens, l’apartheid et le bombardement des populations civiles, des écoles et des hôpitaux, y compris ceux de l’ONU, et tous les crimes de l’Etat d’Israël. Plus largement la quenelle prétend tourner en dérision le « système » . Mais lorsqu’elle est pratiquée devant un cimetière de déportés juif, elle prend un tout autre sens parce qu’elle insulte la mémoire de toutes les victimes des camps nazis et leurs descendants. Dieudonné n’a jamais jugé utile de s’en désolidariser, il a produit le calembour « ananashoah » qui signifie exactement la même chose. Pour avoir invité sur scène le négationniste Faurisson, il ne peut pas arguer d’une coïncidence ou d’une interprétation tendancieuse. Ce double sens pratiqué volontairement et régulièrement par lui ne sert pas la cause palestinienne mais la salit et l’assimile ainsi que l’antisionisme à la haine du peuple juif. Soral – avec qui Dieudonné fonde la « Réconciliation Nationale » - ne s’embarrasse pas de telles précautions : « je ne suis pas juif, je suis judéophobe ». «Le complot juif.» C’est «la prise de pouvoir de la bourgeoisie judéo-maçonnique contre la bourgeoisie catholique», «la domination des juifs dans le monde entier» . Il vient que les apparentes précautions de langage de Dieudonné ne peuvent pas dissimuler le caractère foncièrement antisémite de ses spectacles, et que l’antisionisme affiché n’est qu’un prétexte destiné à lui éviter des retombées judiciaires. Combattre la fascisation Dans un pays qui soutient ouvertement Israël, les critiques contre ce pays sont mal venues, mais l’antisémitisme à peine déguisé de Soral et Dieudonné sert de prétexte aux socialos pour discréditer le soutien au peuple palestinien et l’antisionisme. Soral et Dieudonné se posent alors en victimes de la répression bourgeoise. On a vu comment Valls pouvait piétiner la prétendue « séparation des pouvoirs » et fouler la loi bourgeoise et la liberté d’expression en obtenant, par des liens privilégiés, l’aval du Conseil d’Etat deux heures après sa saisie. Philippe Bilger déclarait à ce propos que « Le ministre de l’Intérieur a violé les règles fondamentales de l’État de droit » . Et sur son blog : » Le tribunal administratif de Nantes a suspendu l'arrêté d'interdiction en adoptant une argumentation de bon sens juridiquement adaptée mais le Conseil d'Etat saisi d'urgence pour appel par le ministre de l'Intérieur l'a maintenu selon des modalités expéditives ne permettant même pas à l'avocat de Dieudonné d'être présent à Paris » .[…] « C'est un pouvoir de gauche qui, par son hystérie, a réussi à imposer ce triste revirement qui fait que demain, des pièces ou des spectacles contestés mais défendus au nom de la liberté d'expression pourront être interdits de la même manière pour peu qu'un gouvernement continue à se préoccuper de ce qui est récréatif ou non, public averti ou non, décence ou indignité, humour véritable ou haine à supprimer » . Ces mesures viseront aussi le peuple au moment venu et il est naturel de dénoncer en elles la manifestation du pouvoir dictatorial de la classe bourgeoise et une accentuation de la fascisation. Quelques mois plus tard le même Conseil d’Etat interdisait une manifestation pro palestinienne. Ces mesures, qui ne sont pas isolées, relèvent d’une fascisation de l’Etat. Dénoncer la fascisation mise en œuvre par la bourgeoisie est une chose. Présenter Soral ou Dieudonné comme des résistants au système comme le croient des jeunes abusés et comme l’affirment aussi certains progressistes voire des marxistes-léninistes, c’est encourager une lourde méprise au sein des masses et des communistes. Les marxistes-léninistes et Dieudonné C’est le cas du groupe N. Bourgoin, V. Gouysse et R. Bibeau, en précisant que leur camarade P-A Rey se montre plus prudent. Dans Tribune marxiste-léniniste il titre : « l’affaire Dieudonné champ lexical miné … !! » « Dès lors nait une « ambiguïté » plus que douteuse, habilement et volontairement cultivée par l’usage récurrent d’un « deuxième degré » qui n’est plus que de façade. Le double sens des propos est organisé de manière à pouvoir être perçu de manière unilatérale d’un point de vue strictement antisémite. » . A l’inverse Nicolas Bourgoin nous sert un plaidoyer unilatéral ‘Les 5 mensonges de la propagande anti-Dieudonné (et comment les réfuter)’, en ligne sur son propre site et qu’on peut retrouver sur Egalité& Réconciliation. Comment un "marxiste-léniniste" peut-il se retrouver sur ce site ?!!!...nous allons en savoir davantage : Il met en avant le passé progressiste et antifasciste de Dieudonné, les manipulations du PS, le deux poids deux mesures entre la Shoah et le Rwanda, et les attaques des lobbies sionistes, mais il dissimule la réelle dérive de Dieudonné, et ne souffle mot de ses relations avec Soral et le FN. Bourgoin est par ailleurs cité à plusieurs reprises sur E&R, notamment son article Pourquoi le gouvernement veut dissoudre Égalité & Réconciliation où on lit : « Le gouvernement semble avoir fait de la dissolution des organisations ou des sites opposés à sa politique une priorité expresse. Après les groupes nationalistes mis en cause suite au décès de Clément Méric, c’est au tour du site Egalité et Réconciliation de se trouver dans le viseur. L’hostilité du gouvernement vis-à-vis de la dissidence ne date pas d’hier. On se souvient des diatribes de Manuel Valls contre Alain Soral et Dieudonné à l’Université d’été du PS il y a tout juste un an et de la campagne contre l’humoriste l’hiver dernier. Mais le pouvoir socialiste a franchi un nouveau cran avec la publication d’un communiqué, abondamment relayé par la presse, s’inquiétant de prétendus "stages commandos" organisés dans la forêt de Fontainebleau par la formation "Prenons le maquis", structure partenaire d’E&R. » Ainsi Soral serait donc avant tout un « dissident » . On peut lire également ses articles sur le site « la plume à gratter » (qui fait aussi la promotion de Zemmour, du Cercle Aristote, de Marine Lepen et de Radio Courtoisie) : Dieudonné artiste subversif ? Retour sur une polémique - par Nicolas Bourgoin Bourgoin, (qui était rédacteur du journal « communistes en lutte », lequel a fusionné avec d’autres formations m-l au sein du ROCML) met aussi en ligne sur son blog un vibrant hommage de Vincent Gouysse : Les enseignements de « l’affaire Dieudonné », par Vincent Gouysse (Organisation des Communistes de France) " Pour les communistes, la critique et l’audience de Dieudonné sont évidemment les bienvenues, car elles constituent une accroche potentielle à la critique marxiste du capitalisme. La critique sociale de Dieudonné a quelque chose de sain quand elle replace au centre de la problématique la question de l’esclavage salarié, constituant ainsi un embryon de la désaliénation des masses populaires. Cette dernière représente en effet le premier pas fait en direction du combat pour leur émancipation économique, sociale et politique du joug du Capital. C’est évidemment une abomination pour l’ordre bourgeois qui l’a bien compris et qui par conséquent cherche à abattre par tous les moyens ce dangereux artiste (bien) engagé." Où l’on voit qu’un histrion rouge-brun devient une « accroche potentielle à la critique marxiste du capitalisme » . Là encore pas un mot des rapports entre Dieudonné et le national-socialisme. Robert Bibeau s’enthousiasme de son côté : Le 8 janvier « Dieudonné M’bala M’bala, celui par qui la résistance s’organise » Le 10 janvier « Dieudonné oblige les fascistes de France à se démasquer » Le 15 janvier « Après Dieudonné ? La lutte pour la liberté de s’exprimer » Le reproche essentiel qu’il lui adresse c’est « de faire la démonstration de cette versatilité petite-bourgeoise. » en mettant « fin à son combat pour tenter de présenter son spectacle ‘Le Mur’» . Là non plus pas un mot concernant la proximité de Dieudonné avec les rouge-bruns. A l’inverse et sur la même affaire Dieudonné, l’article du 14 février 2014 Contre la mobilisation réactionnaire des Masses du Comité Anti-Impérialiste relie de façon très pertinente la dérive révisionniste et réformiste et l’émergence des rouge-bruns : … « Notre objectif n’était pas ici de démonter l’imposture Dieudoral. D’autres militants aux horizons idéologiques divers s’en sont chargés avec pertinence. C’est une tâche utile et nous renvoyons pour cela aux bons articles du site Quartiers libres et au texte de Maxence Staquet sur « la pensée d’Alain Soral » disponible sur le site d’Etudes marxistes. Notre objectif est ici plus précis : il s’agit de comprendre que la paralysie et la faiblesse de la réponse face à la fascisation et à la mobilisation réactionnaire des masses viennent d’une capitulation idéologique. Les forces progressistes en France sont infectées profondément par la culture bourgeoise de gauche et c’est même l’hégémonie de cette culture qui explique en grande partie le succès des charlatans complotistes. » … Il s’agit de deux visages différents d’un même ennemi : l’antisémitisme d’une part, le soutien d’Etat au sionisme de l’autre. De la même façon nous ne rentrerons pas dans le détail des dissensions internes entre Soral, Le Pen, Zemmour sur la question de l’antisémitisme, de l’islamophobie du soutien à Israël, etc. qui relèvent parfois de la tactique électorale et n’ont pas d’incidence sur leurs valeurs communes concernant l’Union Sacrée et le chauvinisme. Ici l’identité l’emporte sur les contradictions. Avec la machine d’Etat ce n’est pas encore le cas, mais rien n’est à exclure
Edité le 14-11-2014 à 14:30:59 par Xuan |
| | Posté le 13-11-2014 à 20:46:27
| VENDREDI 7 NOVEMBRE 2014 - Le Monde Quand Marine Le Pen braconne à gauche Pour la présidente du FN, donner quitus à l'extrême gauche participe de sa stratégie de « dédiabolisation » Lors de son discours prononcé à Nancy, lundi 3 novembre, Nicolas Sarkozy V a affirmé tout de go : « Marine Le Pen est d'extrême gauche, son programme économique est celui de Jean-Luc Mélenchon. » Vieille antienne commune, à droite comme à gauche, des « extrêmes qui se rejoignent ». La veille, la patronne du Front national avait, dans un entretien au Journal du dimanche , déclaré que l'extrême gauche faisait « de bons constats » dans leur dénonciation de la mondialisation, mais qu'ils n'allaient pas « au bout de [leur] logique » . Brouiller les codes Si l'on ne parvient pas à percevoir l'intérêt qu'a M. Sarkozy de classer Mme Le Pen à l'extrême gauche - dans ce cas, qui incarne l'extrême droite ? La droite de l'UMP ? -, la présidente du FN a, en revanche, tout intérêt à brouiller les codes politiques classiques. Quand Marine Le Pen donne quitus à l'extrême gauche, cela n'a rien d'innocent. C'est un élément de plus de sa stratégie de dédiabolisation. Car plus il y a de confusion, plus il est difficile de renvoyer le FN à ce qu'il est fondamentalement, c'est-à-dire un parti d'extrême droite. Ce mélange des genres n'est pas nouveau. Marine Le Pen regarde attentivement ce qu'il se passe à la gauche de la gauche depuis le début des années 2000. Elle avait même donné une conférence de presse en 2003, à l'occasion du Forum social européen organisé à Paris. Elle estimait, déjà, que les altermondialistes posaient « de bonnes questions mais [apportaient] de mauvaises réponses » . Dans son livre, Pour que vive la France (Grancher, 2012), Marine Le Pen usait du même stratagème. Elle puisait ouvertement dans le champ lexical et les références de gauche, sans grande cohérence d'ailleurs -. on allait de Marx à Mendès France en passant par Serge Halimi. Il y avait même un clin d’œil à. Lénine... Dans cet ouvrage, Marine Le Pen donnait sa vision du « mondialisme » : un « Léviathan » , sorte de conglomérat, de gouvernement global hors sol, qui dirigerait le monde, l'Union européenne et la France. Avec - même si elle s'en défendait - une grille de lecture complotistes, qui décrivait « une guerre des élites contre le peuple » . Autant de marqueurs d'un discours d'extrême droite. Mais, alors qu'y a-t-il d'extrême gauche dans le discours de Marine Le Pen ? Pas grand-chose. Il y a, en effet, une différence de nature. Le FN plonge ses racines dans l'extrême droite française et ce parti a toujours combattu les « rouges ». C'est une constante. Créé en 1972, regroupant toutes les familles de l'extrême droite radicale, dont des anciens collaborationnistes, il s'est structuré autour de la personne de Jean-Marie Le Pen, avec comme ciment l'anticommunisme. De facto, les valeurs défendues par le FN et par les partis de la gauche de la gauche sont aux antipodes les unes des autres. Cependant, depuis son accession à la tête du FN en janvier 2011, Marine Le Pen n'a de cesse d'insister sur les thématiques économiques et sociales, plaidant pour un « Etat fort » contre une « mondialisation ultralibérale » . Mais Mme Le Pen a beau pourfendre les « grands patrons » , les « oligarques » et les « entreprises du CAC 40 qui font de superprofits » , elle ne raisonne jamais en termes de classes sociales et des rapports de forces qui peuvent s'exercer entre elles. C'est là une différence fondamentale avec la pensée et l'analyse d'extrême gauche. Ne rien céder De même. Le FN n'est pas anticapitaliste. Marine Le Pen ne dénonce jamais le capitalisme, mais les dérives de ce dernier. Elle ne veut pas renverser le système, juste le fermer, y mettre des bornes. "Nous ne remettons pas en cause l'économie de marché, ni les bienfaits de la concurrence si elle est loyale » , avait ainsi expliqué Mme Le Pen devant la presse lors de la présentation du programme économique du FN, le 9 avril 2011. C'est au capitalisme « sans frontière " qu'il s'agit de s'attaquer, formellement au nom de la « restauration de la souveraineté » . Le concept de « mondialisation » revisité par le FN a ceci de commode qu'il permet de ne rien céder sur les fondamentaux. Là où la critique de gauche de la mondialisation s'attache à dénoncer un système économique et insiste sur la captation de richesses, le FN axe sur l'identité, en fustige les effets pour mieux réhabiliter les frontières et l'idée de nation-rempart. C'est-à-dire un entre-soi. C'est cela que Marine Le Pen définit comme « les limites » du raisonnement de l'extrême gauche : selon elle, dénoncer la mondialisation doit, ipso facto , aboutir au retour des frontières. Pour elle, critiquer la mondialisation tout en étant internationaliste est un non-sens. La réappropriation de thèmes forgés dans la gauche alternative est donc au cœur de la stratégie du parti lepéniste. Lequel les repeint aux couleurs de l'enracinement, de l'identité et de la promotion des sociétés fermées, notions étrangères à l'extrême gauche. ABEL MESTRE |
| | Posté le 13-11-2014 à 21:51:21
| Maurice Barrès parlait bien de "social antimarxiste",et les revues nazies"Réfléchir et Agir" et "Terre et Peuple" de "socialisme identitaire".pour lutter ces tendances "rouges brunes",il faudrait demander l interdiction des ligues factieuses comme sous le "Front Populaire"-le hic,c est que la gauche bobo profiterait de l amalgame pour pouvoir interdire en meme temps la presse marxiste assimilée au fascisme.
Edité le 26-11-2014 à 22:09:26 par marquetalia |
| | Posté le 13-11-2014 à 22:12:20
| On n'a rien à demander à un pouvoir fascisant, y compris en tenant compte de ses contradictions avec les rouge-bruns, alors que les communistes ou ceux qui se réclament du marxisme-léninisme ne marchent pas du même pas et que les masses populaires ne sont absolument pas mobilisées contre le néofascisme. |
| | Posté le 13-11-2014 à 22:44:14
| Au royaume de l’équivoque Je cite ici des extraits d’une lettre du 01/10/1998 à un camarade des EP concernant les « rouges-bruns ». Si on se souvient que mai 68 a eu pour élément déclencheur la guerre au Vietnam, après une empoignade à la Sorbonne contre le mouvement Occident* qui soutenait l'impérialisme US. Egalement Sardou chantant en 67 "si les Ricains n'étaient pas là", au moment où le Général de Gaulle condamne la guerre du Viêt Nam. On mesure dès lors l'accaparement idéologique pratiqué par les néofascistes, et les pirouettes d'un Le Pen. Mais également un trait commun, une constante : le chauvinisme de grande puissance impérialiste. *[ alias Ordre Nouveau après son interdiction]
_____________
Nouvelle résistance et les « Rouges-Bruns » quelques infos... […] Tu confirmes tout à fait ce que je pense de « l’affaire Perrault-Daeninkx » à la lecture des documents en ma possession. Tu cites, la Nouvelle Résistance, que je connais de « réputation » ( La NR est d’orientation Nationaliste-Révolutionnaire ) il est significatif qu’un certain nombre de symboles sont « repris » sciemment par ces fachos ( Le Pen n’a-t-il reprit le nom de FN...alors que c’était le titre d’une organisation de la résistance ...dirigé par le PCF ? ) et ce n’est pas un hasard si NR ( confusion avec la Nouvelle Résistance Populaire des Maos de la GP ), si le journal Lutte du Peuple ( amalgame avec La Cause du Peuple ...) ou Organisation Lutte du Peuple ( confusion avec OLP etc...). Donc nous sommes bien sur le terrain vaseux du règne de la confusion en ce qui concerne ces groupes. Quant au National-bolchévisme, j’ai quelques éléments (que tu as peut-être ?): j’ai eu l’occasion de tomber par hasard l’année dernière sur une revue « Nation Europe » éditée par le PCN (Parti Communautaire National-Européen) groupe d’origine belge dirigé par Luc Michel (qui à prit le relais des thèses de Jean Thiriard ...), surprise en voyant la couverture du numéro 9/10 avec le portrait de CHE Guévara et en titre « colonialisme américain: yankee go home ! » La forme et le style de logos de cette revue font très Ordre Nouveau, PFN ou GUD . Quant au contenu tout est fait pour brouiller, confuser etc... articles sur « l’éternel combat du Che » , soutien au MRTA. Puis suit un entretien avec Roger Garaudy et un encart « Si l’europe est libre c’est grâce à Stalingrad ! » au dessus de la photo du soldat soviétique plantant le drapeau de l’Urss à la libération. Puis plus loin un dossier « Inventaire de l’anti-américanisme » ou se trouve pêle-mêle des articles « se grouper pour abattre l’impérialisme américain » , un soutien appuyé à la Libye et au Colonel Kahafi, à la révolution Cubaine avec en prime de la pub...pour le livre « sous-commandant Marcos !Ya basta ! aux éditions Dagorno », un soutien à Sadam Hussein et au parti Ba’th et pour finir « la voie coréenne vers le socialisme » . Je dois te dire qu’en voyant ça, j’ai vraiment trouvé ce mélange ce fatras, totalement hallucinant. La suite du numéro est du même tonneau avec un compte-rendu d’un symposium de Tripoli « Pour un front quadricontinental contre l’impérialisme américain » ou bien encore sous le sigle ASC « Pour l’unité des travailleurs Européens » « Vilvorde: Plus jamais ça ! ». Et pour terminer, le pompon « Pourquoi le PCN combat l’extrême-droite libérale... » etc..etc... et encore pour enfoncer le clou page 70 une reproduction d’une affiche du Komintern représentant Lénine balayant le vieux monde... Dans le numéro 11, ils reprennent le triangle rouge antifasciste....et ils publient le « Manifeste pour le Renouveau Syndical » qui est d’origine PTB avec la photo de d’Orazio , ainsi qu’un encart « ASC-MRS: Même combat ! ». (…) Je me suis rappelé une discussion datant du 15 janvier 1994 lors des Assises constitutives du mouvement AC ! (à Paris) . Un gars de la LCR de Besançon avec qui je m’étais retrouvé ce jour là par hasard dans le TGV comme voisin et qui allait au même endroit que moi (Assises AC !), dans l’après-midi du Samedi m’appel pour me proposer d’aller boire un coup dans un bistrot tout près de la salle ou nous étions avec un autre gars qu’il venait de rencontrer dans ces Assises. Un type que je ne connaissais pas. Après une petite discussion à la table du bistrot ou j’ai demandé à ce type ce qu’il pensait de ces assises etc...il nous tient un discours principalement contre l’extrême-gauche, la récupération etc... Voyant ces attaques ciblées, je lui pose une question sur l’extrême-droite, il nous répond que Le Pen c’est pas de l’extrême-droite, il raconte que dans les années 70 il a milité...à l’ORPCF (ancêtre du PCOF). De plus en plus irrité par ces propos, j’attaque directement sur un terrain politique ou il est facile de démasquer un facho ...c’est à dire la question de l’Impérialisme Français. Et là, bingo, pour ce personnage l’Impérialisme français n’existe bien évidemment pas, ou tout au plus serait soumis à l’Impérialisme Américain qui serait en fait le seul ennemi . Je coupe les ponts de la discussion avec ce gars en lui disant que c’est un facho etc... […] La recherche sur internet en décembre 97 sur le thème « Léninisme - Maoisme » me fait « arriver » sur le site de...L’Alternative Nationale-Bolchévique du ...PCN. Sur ce site ou des infos d’ordre théorique sur ce courant facho son disponible il y a la faucille et le marteau...et le portrait de Staline . […]
Edité le 13-11-2014 à 22:46:57 par Xuan |
| | Posté le 13-11-2014 à 23:56:39
| Ci-dessous le texte d'Arnaud Staquet dans Etudes Marxistes, cité par all power to the people dans l'article "contre la mobilisation réactionnaire des masses" L'article est paru dans la Revue n° 97 du 16/06/2012. Arnaud Staquet La « pensée » d’Alain Soral : Révolution ou réaction ? Alain Soral est un essayiste français proche du FN, sans en être membre. Il soutient la candidature de Marine Le Pen pour la campagne présidentielle. Son dernier livre s’est vendu à 28 000 exemplaires, ce qui constitue un succès modéré. Ses lecteurs sont des jeunes et beau-coup sont d’origine immigrée. Il suffit pour s’en convaincre d’aller voir les commentaires sur ses sites 1 . Avec l’aide de Dieudonné, Soral tente de rallier aux idées d’extrême droite un public qui ne lui est traditionnellement pas attaché : de jeunes Français issus de l’immigration qui aspirent à bac + 3. La croissance basée sur l’endettement des années 1990 et 2000 a fait place, depuis la crise de 2008, à une précarité accrue touchant les plus démunis, mais aussi, et c’est nouveau, les classes moyennes. Et notamment une partie des jeunes salariés issus de milieux populaires qui ayant fait des études plus poussées que leurs parents, pouvaient prétendre à des emplois mieux rémunérés et protégés. Soral s’adresse à ces jeunes qui, ayant terminé leurs études ou non, voient leur avenir en berne. L’ascenseur social est en panne et la colère gronde. Pour ceux dont les parents sont immigrés, la situation est pire encore, car ils doivent aussi faire face à la discrimination raciste. Cette légitime colère ne sera payante qu’en ciblant les vrais responsables de la crise : le grand capital. Elle ne sera efficace que si elle se lie au mouvement ouvrier. Mais c’est là que le bât blesse… Les partis de gauche en France, comme le PS, ne remettent pas en question la domination des financiers. En politique étrangère, il y a unanimité à gauche pour le soutien à l’impérialisme français en Libye et en Syrie. Le PS ne dénonce pas la politique d’apartheid de l’État d’Israël contre les Palestiniens. Et pour couronner le tout, nombreux sont ceux, à gauche, qui s’associent au discours stigmatisant l’islam au nom de la défense de la laïcité républicaine. L’objectif de Soral est de rallier un électorat jeune, déçu de la gauche et d’origine immigrée. Pour l’heure, il travaille sur le terrain idéologique afin de former de futurs cadres de la droite extrême, capables d’encadrer les quartiers des banlieues populaires. Il se présente d’ailleurs lui-même comme un « producteur de concept », un idéologue en somme. Politiquement incorrect Mais comment réussir le tour de force de rapprocher du FN des petits enfants français des premiers immigrés algériens qui ont connu le FLN et la décolonisation ? Le FN est dirigé par Marine Le Pen, soit la fille spirituelle et biologique du père, lieutenant parachutiste, engagé volontaire en Algérie pendant la guerre d’indépendance pour maintenir l’empire colonial français ! Soral est d’ailleurs, quoiqu’il s’en défende, un nostalgique de la grandeur coloniale de la France : « Plus je vois la merde noire (corruption, intégrisme, généraux…) dans laquelle l’Algérie s’enfonce un peu plus chaque jour, plus je découvre en images que les seules choses qui tiennent encore debout là-bas (infrastructures, urbanisme…) sont celles que la France coloniale y a construites, plus je me dis que leur seul espoir, c’est qu’on y retourne 2 . » Ce n’est certes pas un tel discours qui peut convaincre… Mais il est beaucoup plus séduisant chez Ardisson lorsqu’il dénonce le discours des médias sur les « islamo-violeurs des banlieues » à propos des tournantes au bas des immeubles. Il y affirme que « les musulmans violeurs ça n’existe pas, soit on est un violeur et on est un délinquant, un sous-prolétaire américain d’imitation […] soit on est un mec qui est dans la religion et on ne viole pas ». Soral est un adepte du discours sur la perte des valeurs dans la société : « les films pornos qui ne leur donnent pas une image très respectable de la femme occidentale […] la misère sexuelle, elle est pour les garçons de banlieue […] il y a toujours la possibilité pour la jolie beurette de se sortir de la banlieue en allant proposer ses fesses dans les boîtes de nuit 3 . » Il apparaît comme un défenseur de l’islam lorsqu’il répond à une interview du plus important site Internet musulman d’expression française Oumma.com : « Oui, le piège du rap, tendu par les médias du pouvoir pour pousser le Franco-Maghrébin à s’identifier au noir américain du ghetto […] la culture musulmane produit des hommes élevés dans des valeurs 4 . » Il se présente comme un rebelle « antisystème », dénonçant un complot des élites, toujours en des termes vagues d’ailleurs. Morceau choisi : « Tout le pouvoir, c’est les réseaux […] c’est l’oligarchie bancaire qui coopte des gens en leur faisant comprendre qu’ils auront leur part du gâteau s’ils participent au projet de domination […] on voit bien qu’au Siècle il y a tout ce monde-là, c’est les gens qui participent au pouvoir, c’est-à-dire les élites […] on est dans le monde de l’hyperclasse mondialiste 5. » Il veut dénoncer la domination des banques et de la finance internationale tout en sauvegardant le capitalisme. Il n’attaque jamais la mondialisation capitaliste , mais bien le mondialisme : « Le mondialisme n’est pas la mondialisation. […] Le mondialisme est un projet idéologique […] qui travaille à la mise en place d’un gouvernement mondial et à la dissolution de toutes les nations du globe en une seule humanité. […] la mondialisation – processus d’échanges dus au progrès technique — pourrait tout aussi bien se satisfaire d’un monde multipolaire fait de nations pratiquant un protectionnisme réciproque et raisonné 6 . » Soral s’en prend toujours à l’impérialisme américain et à son allié sioniste, ce qui plaît : « on cherche à obtenir des gens dans les médias un soutien inconditionnel à Israël […] si t’es antisioniste ou judéocritique, tu dégages 7 . » Pourtant, il ne parle jamais de l’impérialisme français. Il veut d’ailleurs occulter tout bilan, toute réflexion sur le passé colonial français : « la culpabilisation du peuple de France qui n’a rien à voir avec la Collaboration […] l’antisémitisme », ni avec l’esclavage et la colonisation. Il ne faut plus en parler, car ça entretient la « haine de la France 8 ». Lorsqu’il condamne l’hypocrisie du PS et de l’UMP qui tiennent un discours de défense des droits de l’homme tout en soutenant Israël et les interventions en Libye et en Syrie, il fait mouche : « Le droit-de-l’hommisme est, aujourd’hui, le bras armé idéologique du mondialisme 9 . » Il présente l’élite au pouvoir en France comme étant au service du sionisme : « Bernard-Henri Lévy, qui défend les intérêts israéliens, a donné l’ordre à l’armée française, au-dessus de Juppé, qui n’était pas très chaud pour y aller, de déclarer la guerre à la Libye sans recourir à un vote du parlement. » Selon lui, il fallait pour Israël avoir une « présence militaire impériale proche des frontières de l’Égypte […], car si les frères musulmans et l’armée égyptienne s’entendent, le blocus de Gaza c’est fini 10 ». En attendant, les entreprises françaises, surtout Total, ont de beaux jours devant elles en Libye 11 , les frères musulmans ont gagné les élections, quant à Gaza… Il faut lire l’allocution de Soral prononcée à Villepreux le 2 novembre 2008 sur « Le politiquement incorrect comme idéologie de résistance au mondialisme 12 » pour bien comprendre comment il s’intègre dans ce vaste courant de la critique d’extrême droite qui substitue au discours anticapitaliste et anti-impérialiste, un discours sur les valeurs : « Le politiquement incorrect n’est en rien un inutile jeu de provocations. C’est, même […] la doctrine de résistance au mondialisme. […] nous pouvons, nous nationaux, en tant que seuls critiques efficients […] devenir les maîtres à penser de demain et incarner, nous et nous seuls, le renouveau du Génie français ! ». Cette nouvelle élite, nourrie au biberon de la pensée Nouvelle droite pour diriger la France de demain en occupant le terrain déserté par la gauche. Tout comme Marine Le Pen, Soral aime entretenir la confusion politique en parlant alternativement du système UMPS et de la résistance au mondialisme . « J’aime certains gars de banlieues pour ça, j’aime Le Pen pour ça […] Ce sont encore des hommes […] toutes ces merdes du système UMPS […] J’aimerais bien voir le jour où ça va péter dans la rue, comment ils vont se comporter […] moi je suis prêt déjà à ça, pas eux 13 . » Cette saillie provocatrice, mêlée de fanatisme et de culte du surhomme pourrait prêter à sourire. Elle est néanmoins typique du personnage et du fond de ses idées politiques. Lorsque ça va « péter » comme il dit, on peut se demander si lui et ses copains du FN seront du bon côté, ou s’ils joueront, comme toute l’histoire l’a montré, le rôle de gardiens du capitalisme, de bourreaux du mouvement ouvrier. En attendant, ce côté rebelle contestataire et prêt à en découdre plaît à des jeunes qui se trompent de colère. Parcours d’un rebelle autoproclamé Alain Bonnet de Soral est né le 2 octobre 1958 à Aix-les-Bains. Il se présente comme suit : « Je suis donc un atypique, fils de bourgeois déclassé, ayant passé son enfance au milieu des communistes dans une cité-dortoir, mais allant au collège Stanislas […] comme la plupart des marginaux que je croise dans les squats et autres lieux alternatifs qui me permettent de survivre et d’échapper au salariat. […] J’ai toujours été un fervent patriote […]. Mon virage vers le communisme et le PCF […] je m’essaierai, toujours pour survivre, au journalisme et à la publicité. […] nous faisons campagne pour le “non” à Maastricht… Une campagne pour le non où PCF et FN se retrouvent dans le même camp… […] 14 . » Nous sommes alors en 1993, après la chute du socialisme en URSS. Le PCF, comme nombre de partis communistes européens, est en pleine débâcle. Soral, estimant sans doute qu’il a misé sur le mauvais cheval, entame un tournant qui l’amènera en 2005 à adhérer au Front national de Jean-Marie Le Pen. En novembre 2007, il devient un cadre du parti d’extrême droite en intégrant le comité central du FN. Au début des années 1990, il est donc au PCF, mais participe à l’appel de Jean-Paul Cruse pour créer un large front ni droite, ni gauche 15 rassemblant « Pasqua, Chevènement, les communistes et les ultranationalistes […] la civilisation contre la marchandise — et la grandeur des nations contre la balkanisation du monde [… contre] Wall Street, le sionisme international, la bourse de Francfort et les nains de Tokyo 16 . » Le PCF condamna promptement ce projet de rapprochement « rougebrun » qui tourna court. Pour Alain Soral, ce fut une école. C’est à l’Idiot international de Jean-Edern Hallier, un journal pamphlétaire et anarchiste de droite, que s’opère ce rapprochement entre déçus de la gauche communiste et électrons libres de la droite extrême. L’initiative est soutenue par Alain de Benoist, qui fut l’un des plus influents penseurs de la Nouvelle Droite. Il fonde le GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) en 1969 pour lutter contre Mai 68 et la domination des idées de gauche dans la société moderne. Une bonne partie des jeunes cadres du FN et de l’UMP ont été fortement influencés par ce courant qui a joué un rôle de catalyseur du rapprochement actuel entre la droite dure et la droite extrême. « Il me paraît clair que, depuis la ratification du traité de Maastricht, l’ennemi est le capitalisme financier mondialiste, dont l’Europe est le cheval de Troie. […] Il me paraît clair aussi que le seul homme politique qui peut combattre ce système ne peut être qu’un nationaliste 17 . » Soral écrit ceci en 2007, en parfaite continuité avec ses débuts en politique en 1993. Mais s’il y a continuité idéologique, la fidélité des engagements n’est pas son fort. Il claque la porte du FN en 2009, déçu de ne pas avoir été choisi comme tête de liste en Île-de-France. Il anime alors avec l’humoriste Dieudonné une liste antisioniste aux élections européennes de 2009 qui connaît un échec cuisant. Il fonde ensuite le collectif Égalité et Réconciliation afin « de créer l’union sacrée de la gauche patriote et de la droite antifi nancière, afin d’atteindre le pourcentage électoral qui permettra au peuple de France de reprendre le pouvoir par les urnes 18 ». Aujourd’hui, il se sert de cette association comme tremplin pour faire sa publicité et peut-être gagner son retour au FN en soutenant Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle de 2012, mais cette fois en restant à l’extérieur du FN.
Les grandes constantes de la « pensée Soral » Essayons maintenant de déceler ce qui est constant dans ses écrits, ce sur quoi il insiste. Voyons ce qui se cache derrière la rhétorique droite des valeurs, gauche du travail. Il n’y a pas de danger fasciste aujourd’hui en France Mais il doit pour cela pratiquer un double discours sur le danger de la montée du FN et dénoncer tous ceux qui veulent maintenir le cordon sanitaire. « En fait, pour qu’il y ait fascisme, il faut qu’il y ait démocratie — et pour pousser la précision plus loin, qu’il y ait démocratie en crise et risque de prise du pouvoir par les communistes […]. Dès lors, parler de menace fasciste dans le monde unipolaire d’aujourd’hui a très peu de sens 19 . » « Les mêmes qui avaient sponsorisé le fascisme des années 30 ont mis en place, dans les années 60, un système infiniment moins coûteux et bien plus efficace pour enlever au peuple toute volonté séditieuse… Et ce système s’appelle société de consommation 20 . » Nous sommes d’ailleurs en train d’en sortir avec le démantèlement des conquêtes sociales depuis les années 90. Une vérité pour deux gros mensonges : • La bourgeoisie ne renonce jamais à la possibilité de la répression des masses par l’État à son service. Le fascisme n’est pas assimilable à une simple dictature militaire, il allie le terrorisme d’État à un mouvement de masse basé sur les éléments déclassés et sur les classes moyennes fragilisées par la crise, il fait suite à un échec majeur du mouvement ouvrier. • Le fascisme n’est pas un phénomène qui émerge du jour au lendemain, il a besoin de temps et d’un climat propice pour apparaître. Aujourd’hui, les capitalistes veulent faire porter aux travailleurs le poids de la crise économique qui a commencé en 2008. En France, les luttes contre la réforme des retraites du ministre Woerth n’ont pas réussi à la stopper. D’autres luttes viendront. Face à la résistance croissante des masses populaires, une alliance FN-UMP brisant le cordon sanitaire est possible. Elle inaugurerait une période de restriction stricte des droits démocratiques donc des possibilités pour les forces de gauche, y compris les syndicats, de résister aux attaques du Capital contre le Travail. Cette alliance existe déjà en Françafrique où beaucoup de cadres du FN font leurs premières armes 21 . Elle existe déjà dans les médias, où le discours du FN est de plus en plus banalisé grâce aux « intellectuels médiatiques » proches de Sarkozy comme Éric Zemmour ou Pascal Bruckner. Son discours soi-disant réconciliateur masque d’ailleurs assez mal sa haine viscérale contre ceux qui ont efficacement combattu la domination fasciste : « Un antifascisme désormais sans fascistes » issu de l’alliance entre gaullistes et PCF pour masquer la « d omination du Capital dans sa forme la plus parasitaire — anti-industrielle et financière 22 . » À la fin de son livre, Comprendre l’Empire, Soral compare fascisme et communisme pour mieux défendre les expériences fascistes : « Les opposants sérieux à la démocratie moderne : du nationalisme intégral de Charles Maurras à la République islamique d’Iran, en passant par l’Ordre noir de la SS cher à Heinrich Himmler, cette même tentative de juguler le pouvoir de l’argent par le retour au pouvoir absolu d’un ordre à la fois militaire et religieux. La seule puissance militaire, sans le secours du sacré face aux forces de l’argent, conduisant inéluctablement à la défaite, comme en témoignent les expériences communistes et fascistes européennes, le panarabisme, le baasisme 23 . » Mais ce genre de citation révélatrice est noyé dans un flt de diatribes contre le pouvoir des banques, contre Israël, contre l’impérialisme américain, jamais contre l’impérialisme français, cela s’entend. La France !… Quelle France ? « Pour ceux qui n’auraient pas compris le raisonnement : il n’existe pas de lobby juif en France, puisque c’est interdit ! » Pour ceux qui n’auraient pas encore compris Soral : le lobby judéo-maçonnique domine le monde puisque tous les présentateurs télé juifs français veulent sa peau. Ce qui lui permet d’affirmer qu’il suffirait de changer d’élite dirigeante (en balayant les juifs pour commencer) pour que tout rentre dans l’ordre, puisque le système ne fonctionnait pas si mal du temps de l’âge d’or, à l’époque de De Gaulle. « Il faut que les élites légitimes, patriotes, françaises reprennent le pouvoir sur ce pays […] refaire une Constitution […] sortir de l’Europe […] arrêter avec l’euro […] reposer la question nationale et identitaire intelligemment […] échapper à la dictature du mondialisme financier 24 » en soutenant l’impérialisme et les bons capitalistes patriotes français… « Je me souviens de la banlieue populaire des années 60 […] les travailleurs y vivaient en bonne intelligence, et dans le plein emploi […] Aucun racisme contre les anciens immigrés […] les seuls qui posaient problème, déjà, c’étaient les Algériens qui se tenaient à l’écart dans la solitude, la peur, l’islam 25 . » Il fait comme si cette cohésion, cette harmonie supposée des quartiers populaires étaient organiques au « bon peuple français » : « Une communauté française dans les faits, la moins raciste du monde puisque peuplée majoritairement, et jusque-là sans trop de problèmes, d’anciens étrangers 26. » Les peuples ont des caractéristiques politiques qui sont comme inscrites dans leurs gènes : « Le Français a toujours tendance à prendre le parti du plus faible et de l’humilié 27 . » En bref, la France est la patrie des droits de l’Homme inscrite dans les gènes des Français et non dans l’histoire des luttes de classes acharnées pour les droits sociaux et démocratiques. Quid de la colonisation française, une des plus féroces pourtant (Indochine, Algérie, etc.) ? Quid de la néo-colonisation en Françafrique ? Quid du travail du PCF dans les banlieues après 1945 ; peut-être est-ce là qu’il faut trouver quelque réalité au mythe du « bon peuple français » ? Quid du massacre du 17 octobre 1961 ? Quid des bidonvilles de Nanterre ? Toute analyse sérieuse d’un discours politique doit tenir compte de ses références historiques : la Commune de Paris ou le mouvement boulangiste visant à instaurer une dictature en France en 1888 ? Le Front populaire ou l’État français du maréchal Pétain ? Le FN, quant à lui, prétend : « nous ne rejetons rien de ce qui appartient à l’histoire de France 2 8 », dixit Le Pen sur France 2 en 1990, pour pouvoir réhabiliter ses vieux mythes racistes et élitistes, battus en brèche lors de la défaite des nazis en 1945. Ce discours ne prospère que sur le mensonge et la manipulation des masses. Il se croit permis de tout revoir : la traite des noirs, la colonisation, les chambres à gaz, la résistance et la collaboration, etc. Tout revoir, car il veut faire tourner à l’envers la roue de l’histoire. Aujourd’hui, prétendre vouloir restaurer l’Ancien Régime le couvrirait de ridicule, voilà pourquoi Soral met tellement en avant le modèle gaulliste : un pouvoir présidentiel fort et nationaliste (une France forte et impérialiste). « On peut globalement considérer la période d’après-guerre 19451973 comme une période de prospérité et de consensus social […]. Un régime d’économie mixte, libéral et social, résultant du programme du Conseil national de la résistance. » Et pourtant, il a quelques critiques : « le mythe de la trahison pétainiste et de la Résistance de gauche, profitable aux deux contractants […] [De Gaulle] avait pactisé par deux fois avec l’Empire : en 1940, en rejoignant le camp des alliés contre Pétain, puis en 1958, en achevant de liquider l’Empire français dans l’affaire algérienne 29 . » Soral reprend là deux griefs reprochés à De Gaulle par quasi toute l’extrême droite française après la Deuxième Guerre. Selon lui, De Gaulle n’a pas été écarté par le peuple suite aux actions de Mai 68 et du référendum de 1969, mais parce qu’il s’est opposé à l’Empire qui a manipulé (encore un complot, dont il ne nous dira rien d’ailleurs) pour l’évincer, car il avait la « volonté de retourner à l’étalon-or » et parce qu’il a condamné très mollement l’invasion de la Cisjordanie par Israël en 1967. Rappelons tout de même que la 4e République était le meilleur allié d’Israël et que De Gaulle a continué la politique de livraison massive d’armes à ce pays, en dépit de son double jeu vis-à-vis du monde arabe. Sarkozy, l’homme des réseaux, traître à la France, car l’ayant réintégré dans l’Otan sous domination américaine (c’est uniquement cela qui dérange Soral). Traître, car ayant ratifié le traité de Lisbonne au mépris du projet d’Europe des Nations de De Gaulle, « l’abandon de la souveraineté nationale », contre l’Europe multinationale de la Constitution européenne. Mais qu’elle soit surtout ultralibérale, Soral n’en dit pas un mot. Traître à la France, car ayant fait entrer des gens que Soral considère comme étant de gauche (Kouchner) et des juifs sionistes (Attali et Klarsfeld) : « Soit en réalité l’union sacrée libérale, atlantiste et sioniste. » Traître, car il n’a pas assez passé les banlieues au karcher : « Un régime sécuritaire envers le peuple du travail sans jamais toucher à la délinquance des prédateurs sous-prolétaires et des prédateurs de l’élite 30 . » Il faut bien lire l’Abécédaire de Soral, afin de se rendre compte que le modèle gaulliste est une référence pour lui depuis dix ans 31 . Du bon impérialisme « Notre intérêt, désormais solidaire de celui de l’Allemagne, n’étant pas non plus de rembourser une deuxième fois – via l’ONU — 80 % du coût de la guerre du Golfe aux Américains, pour nous avoir fait perdre tous nos marchés dans la Péninsule arabique. D’autant plus que le but ultime de cette nouvelle guerre impérialiste est de contrer la suprématie économique européenne, par la mainmise sur ses futures sources d’approvisionnement en énergies fossiles 32 . » Soral représente aux côtés des Le Pen, De Gaulle, De Benoist et autres réactionnaires une tendance de la grande bourgeoise française qui veut briser l’alliance avec les États-Unis. Ils sont nombreux aujourd’hui à droite à minimiser l’impérialisme français au moment même où il redevient agressif : les événements en Libye, en Côte d’Ivoire et plus récemment en Syrie en sont la preuve. Tandis qu’à gauche, on fait semblant de ne pas le voir, on dénonce Sarkozy, qui serait au service de l’impérialisme américain. Or, l’impérialisme français est loin d’être enterré, et le grand capital français est tout sauf inféodé aux États-Unis, n’en déplaise à Soral : « En 1980, parmi les 500 plus grands groupes industriels du monde, 217 provenaient des États-Unis, 66 du Japon et 168 d’Europe… 33 » En 2008, la liste du magazine Fortune est la suivante : 140 groupes industriels américains, 68 du Japon, 37 de Chine et 179 de 18 pays européens. Quel est l’impérialisme qui se renforce le plus ? De ces 179, 39 sont français et 37 sont allemands. Fortune vient de publier le classement pour 2010 : États-Unis 139, Japon 71, Chine 46, France 39, Allemagne 37, Grande-Bretagne 29, Suisse 15, Pays-Bas 13, Italie 11, Canada 11, Corée du Sud 10, Espagne 10, etc. 34 Cette liste est essentielle pour voir les vrais rapports de force dans le monde ! L’impérialisme français est loin d’être mort et en Europe, allié bon an mal an à l’Allemagne, il se renforce. En fait, à deux (malgré des désaccords bien sûr, la rivalité ne s’interrompt jamais), ils se complètent pour dominer la politique européenne. L’axe Paris-Berlin voulu par Mitterrand et Kohl, initié par De Gaulle, est toujours vivace. Que l’on pense par exemple aux coups de force du couple Sarkozy-Merkel pour imposer l’austérité à tous les pays européens. « Grâce à Zemmour, on a à nouveau le droit d’aimer son pays […] je l’aime bien […] il y avait des juifs à l’Action française qui montraient leur amour de la France en se convertissant au catholicisme, pour montrer qu’il n’est pas dans la double allégeance […] être juif, c’est pas seulement une religion, c’est aussi un peuple, une nation avec Israël […] si on aime la France comme il l’aime, on doit faire comme Marcel Dassault, comme Michel Debré, on doit se convertir au catholicisme […] qu’il aille jusqu’au bout de son assimilation, puisque lui aussi est un métis, un immigré, faut pas oublier, il vient du Maghreb, il est issu d’une double culture 35 . » Vous avez bien lu, l’important c’est de soutenir l’impérialisme français. Le but de Soral c’est de remplacer les élites mondialistes donc amorales et antifrançaises par de vrais Français nationalistes et catholiques. Pour rappel, Debré était ministre sous De Gaulle et Dassault, un puissant capitaliste du complexe militaro-industriel français. Alain Soral demandera-t-il la même chose aux jeunes musulmans qu’il fait semblant de chérir ? L’Islam ou la France, il faut choisir ! Soral essaie de manipuler les sympathies propalestiniennes et antiisraéliennes pour défendre un renouveau de l’impérialisme français nationaliste et conquérant. Lorsque Soral s’en prend au sionisme, nombreux sont ceux qui pensent qu’il attaque Israël, ce qui n’est pas tout à fait vrai : il en veut aux élites juives apatrides et cosmopolites : « Finalement, les sionistes essaient d’exister : une nation comme les autres […] je préfère cent fois les sionistes à ce genre d’antisioniste juif [comme Chomsky] ce qui les gène dans le sionisme [israélien] c’est que ça rabaisse le cosmopolitisme juif d’élite qui est chez lui partout comme le dit bien Attali […] si on était resté au projet de Herzl où les juifs pourraient vivre en tant que nation sans renouer avec le projet biblique qui est un projet de domination mondiale et mondialiste, je serais le premier des sionistes, car j’estime tout à fait sain qu’un juif veuille exister en tant que nation 36. » On comprend mieux pour qui roulent vraiment Alain Soral et Marine Le Pen. Le FN fait en quelque sorte une offre aux grands patrons : « Nous sommes forts, lâchez l’UMPS pour une France forte, alliée à l’Allemagne, protectionniste et impérialiste, choisissez le FN, allié à la droite de l’UMP. » D’où les appels du pied en direction de la droite de l’UMP et la droitisation de l’opinion savamment orchestrée par les médias. Les grands patrons font leur marché quand ils choisissent de soutenir telle ou telle tendance politique en fonction de leurs besoins du moment. Et aujourd’hui, ils ont de plus en plus besoin de museler les syndicats pour faire passer des réformes antisociales dont l’ampleur est inégalée. La social-démocratie et la droite classique manquent d’efficacité pour réprimer le mouvement ouvrier : la droite dure, décomplexée n’aura pas peur de s’attaquer aux droits démocratiques. Du bon capitalisme Soral : « seul le retour aux vieilles valeurs morales : respect des anciens, de la hiérarchie et de la parole donnée, sens de l’honneur et du beau, goût du rituel… peuvent produire une politique sociale. […] Une alliance de l’honneur et du producteur 37. » Comme Sarkozy, Soral ne veut pas en finir avec le capitalisme, il veut le moraliser : il y aurait un « bon » et un « mauvais » capitalisme, à savoir, les capitalistes industriels patriotes contre les capitalistes financiers mondialistes. Encore un mythe… Soral ne dénonce pas le capitalisme en tant que tel, mais le capitalisme usuraire, le prêt à intérêts. Il suffirait donc de remettre les banquiers à leur place en réinvestissant l’État de ses droits entre autres régaliens comme le droit de battre monnaie, ainsi que le suggère Marine Le Pen. Selon Soral, « La Banque devient ainsi propriétaire de tout, sans jamais rien produire, et avec de la fausse monnaie pour seule mise de fonds ! Nous touchons là à ce que nous pouvons appeler à la fois le génie et le vrai secret bancaire 38 . » Qui n’a été un secret que pour lui, il se révèle donc n’être qu’un vulgaire keynésien (Hitler aussi, tout comme Roosevelt, était keynésien). Cette analyse n’a donc rien de neuf, ni de marxiste, encore moins de révolutionnaire. Ah ! Nostalgie des temps glorieux où l’État pouvait se prêter à lui-même à taux zéro (et donc faire grimper l’inflation qui ruine le bon petit peuple et engraisse les banques… Soral lui-même reconnaît que le pouvoir politique a plus d’une fois fait un usage abusif de la planche à billets). Pas une seule fois d’ailleurs, il ne pose la question essentielle du caractère de classe de l’État. La Réserve Fédérale américaine représenterait l’archétype de « l’oligarchie bancaire mondiale » . Le vertige des chiffres sans doute : « Or il faut savoir que les seuls intérêts perçus par la FED s’élèvent, annuellement, à 2 500 milliards de dollars. Soit cinquante fois la fortune de Bill Gates. […] Une super fortune que se partage le cartel des douze banquiers internationaux cachés derrière la FED 39 . » Voilà qui donne le tournis ! Sauf que tout est faux. En 2010, la FED réalise un bénéfice de 80,9 milliards de dollars, dont 78,4 milliards reversés au budget fédéral, soit la quasi-totalité. On est loin des 2 500 milliards, qui sont le chiffre d’affaires de la FED non de ses bénéfices. Les bénéfices de la FED sont l’équivalent des bénéfices cumulés des quatre entreprises multinationales qui ont fait le plus de bénéfices en 2010 : Gazprom (Russie), Exxon Mobil (États-Unis), Industrial & Commercial Bank of China (Chine) et British Petroleum (Royaume-Uni). Trois d’entre elles sont des compagnies pétrolières, de vrais capitalistes industriels. Les entreprises russe et chinoise sont possédées par l’État. Il parle encore de la mise en circulation de nouveaux billets pour 4 milliards de dollars basés sur un équivalent argent (en fait, cela était possible depuis une loi votée au congrès en 1934 ; Kennedy n’a fait qu’étendre ce principe ; on est loin d’une attaque frontale contre la FED…). Quatre milliards, ça pèse peu face aux 533 milliards de dollars que la guerre du Vietnam a coûtés au contribuable américain et de la part qu’en ont tirée les géants de l’armement… 40 Soral aime mettre en exergue le club du Siècle comme preuve du grand complot de la « Banque ». Mais un examen attentif de la liste des participants aux dîners du Siècle de janvier 2011 montre que sur les 131 hommes d’affaires présents 41 , il y a autant de représentants des banques que d’entreprises industrielles ou de services. Il y a surtout ceux issus de grands groupes d’investissements financiers dont les activités sont multisectorielles, tels Lagardère, Aforge, le groupe Arnault (la société holding de Bernard Arnault, le quatrième homme le plus riche de la planète) ou encore LBO France. Qui n’a pas entendu parler du dîner du Fouquet’s du 7 mai 2007, le lendemain de l’élection de Sarkozy 42 ? On pouvait y voir le gratin des capitalistes français venus féliciter leur poulain qu’ils avaient réussi à faire élire : les Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Decaux, Frère et bien d’autres. Ce sont ces hommes qui dirigent la politique française dans l’ombre du gouvernement. Les portefeuilles d’actions de ces capitalistes montrent plutôt une imbrication complète entre capital financier et industriel et non la domination de l’un sur l’autre. Voilà pour le sérieux de la « méthode » Soral. Après ça, il lui est aisé de nous faire prendre des vessies pour des lanternes… de différencier les « bons » capitalistes des « mauvais ». Les salariés : « des minables qui font un travail de merde 43 » Toute tentative de mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme serait-elle illusoire ? « Criminelle ! » répond Soral : « Des deux révolutions du 20e siècle, la surréaliste et la communiste, que reste-til ? L’une a changé les objets de décoration sur les murs des bourgeois, l’autre notre arrogance quant à la possibilité de changer le monde autrement que sur le plan esthétique. Révolution futile selon l’ordre du désir, révolution ratée selon l’ordre de la production, deux échecs qui nous forcent à réfléchir sur les pièges jonchant le dur chemin qui mène à l’homme nouveau 44 . » Soral défend une dialectique des équilibres entre dominants et dominés, ponctuellement rompus, mais toujours restaurés par une nécessité hissée au rang de loi de la nature. On est chez lui confronté à une vision cyclique et fataliste de l’histoire : il n’y a pas de progrès, c’est l’éternel retour de la domination. Rien de nouveau sous le soleil, il y a toujours eu des riches et des pauvres : « Les hommes ont des idées et ils sont obligés de vivre ensemble. Doués d’imagination par la fonction symbolique, mais aussi d’expression par le langage, ils sont portés par leur nature à discuter la Loi […] quelle que soit la puissance de la révélation, toute religion […] est-elle contrainte de justifier la Loi par la logique. Introduisant de fait, comme le ver dans le fruit, la raison dans la foi… C’est ce moment de basculement 45 » qui de manière répétée renverserait les anciennes élites pour en instaurer de nouvelles, portées par une foi tout aussi nouvelle, jusqu’à ce que le cycle recommence. Pas de progrès donc : éternelle domination des élites sur les masses, éternelle, car naturelle. Soral ne veut donc pas mettre fin à l’exploitation. Cette dernière serait dans l’ordre naturel des choses. « La démocratie n’a jamais existé […] Seule différence avec l’ancienne version antidémocratique d’avant 1789 ? Le privilège de pouvoir être exploité par un ancien pauvre 46 . » « Esclaves noirs, serfs blancs, prolétaires… Le mensonge que les Afro-Américains ont subi en passant du sud au nord après la guerre de Sécession est à peu près le même que celui que subirent les serfs en passant du servage au prolétariat, après la Révolution. Mensonge démocratique recouvrant l’éternelle exploitation des humbles 47 . » Il ne s’agit pas non plus de transformer la société, puisque c’est impossible : « il est intéressant de remarquer que de tout temps, sous tous les régimes : Égypte pharaonique, démocratie grecque, brahmanisme hindou, monarchie catholique… une oligarchie d’à peine 1 % de la population a toujours commandé à la masse des 99 % restants ; comme une meute de loups dominant un troupeau de moutons 48 . » Pour Soral, il n’y a que des élites qui se battent entre elles (par petit peuple interposé et qui prend les coups) pour s’emparer de la machine de l’État, des médias, de l’appareil industriel, etc. Tout ça n’a pas grand-chose à voir avec Marx, car il n’y a pas de classes pour Soral, il n’y a que les élites et les masses ; l’occasionnelle référence à des luttes de classes n’est qu’un artifice de langage pour défendre la théorie du grand complot, des intrigues entre les élites pour la conquête du pouvoir. Des pouvoirs pour être précis : économique, étatique, médiatique, etc. La prise du pouvoir n’est qu’un remplacement par des élites plus jeunes, plus vertueuses et spartiates (c’est ce qu’il admire dans la combativité des sionistes…) des plus anciennes, dégénérées, empêtrées dans leurs contradictions. Il n’a que mépris pour les ouvriers. À leur propos, il tient le même discours que le MEDEF : « Les 35 heures ne sont pas seulement un symbole de gauche, c’est-à-dire une mesure de gauche inefficace […] l’application des 35 heures pénalise systématiquement les PME au profit des multinationales […]. Pour les minables qui font forcément un travail de merde, les petits salariés pour qui aucune perspective ni aucun épanouissement ne peut plus venir d’un travail aliéné à l’extrême, moins de travail et toujours aussi peu d’argent ; soit l’espoir de rester de plus en plus longtemps à la maison devant la télé 49 . » Ils sont les éternels perdants. Je les respecte parce qu’ils font tout le boulot », dit-il, mais il tient surtout qu’ils restent à leur place : bosser pour entretenir les « producteurs de concepts », les parasites comme Alain Soral (comme il se définit lui-même d’ailleurs) : « Adolescent […] j’avais pour projet de ne rien faire, juste échapper le plus possible à l’impératif de production pour passer ma vie au café, à discuter et à regarder les filles 50 . » « En contemplant l’Histoire avec un peu de sérieux, on constate que le but permanent du genre humain fut toujours d’échapper au travail 51 . » Sa conception du travail est celle de toutes les classes d’exploiteurs avant la Révolution industrielle : une conception de parasites, le travail vu uniquement et toujours comme avilissant, comme une déchéance. Conception aristocratique héritée de l’Antiquité grecque, selon laquelle l’homme libre est par définition un combattant ou un intellectuel, libéré de l’obligation de travailler parce qu’il possède des esclaves pour le faire à sa place. Pas étonnant qu’il estime un pouvoir fort nécessaire, sinon comment faire bosser ces fainéants de prolétaires ? « Le goût du travail bien fait, c’est la dignité de l’Homme. Un sens de l’excellence et du devoir gangrené par un détournement de la lutte des classes devenue alibi de la paresse et du sabotage. Un certain parasitisme syndical 52 . » L’abolition de l’esclavage et du servage grâce aux luttes des paysans contre leurs seigneurs ; la Déclaration des droits de l’Homme en 1789 ; les conquêtes du mouvement ouvrier comme la fin du travail des enfants, le suffrage universel, les contrats de travail, la loi sur les huit heures, les libertés syndicales, la sécurité sociale ; la révolution d’Octobre, les États socialistes ; les indépendances des pays colonisés : tout ça n’existe pas dans le discours de Soral. Le grand complot Pour Soral, le rôle des masses devrait donc se limiter à soutenir de nouvelles élites plus vertueuses et plus solides face à la « Banque, [contre] l’Empire. Leur triomphe [des grands hommes] passant toujours et nécessairement par l’appui, la constitution de réseaux ». D’où les intrigues et les complots qui, à la mesure du renforcement de la cohésion et de l’influence de ceux-ci, donnent la victoire. Ils sont « la condition sine qua non de toute prise de pouvoir … 53 » Ceux qui rêvent que Soral voudrait faire un patient travail d’organisation, de conscientisation et de mobilisation des travailleurs pour rendre cette société plus juste en seront pour leurs frais. Non, lui et ses semblables veulent être califes à la place du calife : virer BHL et DSK car ce sont des juifs sans morale, parce que juifs. Tandis que lui et Le Pen seraient vertueux, parce que chrétiens et français authentiques… Soral remet au goût du jour les théories organicistes sur la société de Maistre, Bonald et Burke 54 , inventées au début du 19e pour s’opposer à l’universalisme républicain, enfant de la Révolution française. La société moderne serait absurde, elle rompt les équilibres naturels. Elle est donc vouée à disparaître « par un châtiment du sens. C’est juste une question de temps… Car tout système de domination [doit posséder] sa justification transcendante dans l’ordre symbolique […] aucun ordre absurde ne saurait être durable 55 . » Ou pour le dire autrement : toutes les sociétés complexes ont besoin d’ordre, donc de hiérarchie. Et qui dit hiérarchie, dit inégalité. Mais cette inégalité doit être fondée sur un discours qui semble légitime et basé sur une relation de réciprocité. Soral aime prendre à ce propos l’exemple de l’Ancien Régime basé sur trois ordres : ceux qui travaillent, ceux qui prient et ceux qui combattent et protègent. Il ne dit rien évidemment des impôts et corvées exorbitants exigés des paysans par l’Église et les seigneurs, ni que ces derniers décidaient seuls des lois et maintenaient le peuple dans une ignorance crasse. Ce n’est pas plus un « châtiment du sens » qui a mis fin à ce système, mais bien les soulèvements paysans et la Révolution française. Lorsque Soral fait semblant de dénoncer le discours stigmatisant des médias à l’encontre des musulmans, il ne prône pas l’unité des travailleurs contre l’exploitation capitaliste. Non, tout progressiste se réduit à ce qu’il appelle « Des antiracistes gauchistes toujours immigrationnistes, par haine des peuples enracinés. Mais, désormais antiislamistes, au nom de la défense de la laïcité. Tout cela voulu bien sûr par la toute-puissance de plus en plus visible du lobby sioniste […] une obscénité communautaire parfaitement illustrée par la prosternation générale du personnel médiatique et des instances républicaines, président de la République en tête, à l’annuel dîner du CRIF 56…57 » L’enjeu n’est donc pas d’unir les travailleurs, mais tous les vrais Français contre les dangers plus ou moins fantasmés du « mondialisme ». Bref, tout comme le FN, il vend aux capitalistes un discours et des méthodes de défense de l’ordre capitaliste qui seraient plus efficaces contre les mouvements sociaux que ceux de l’UMP et du PS. Il veut nous resservir le vieux rêve fasciste d’un État fort et ultranationaliste afin d’abolir la lutte des classes sans mettre fin à la division de la société en classes et à l’exploitation : « Un luttisme de classe ne pouvant être contré, dans notre société bourgeoise de l’immanence et du profit, que par la solidarité nationale en remplacement de l’ordre divin 58 . » Soral développe une théorie du grand complot comme moteur de l’histoire, l’action des réseaux de pouvoir en lieu et place de la lutte de classes : « La lutte du grand capital mondialiste, manipulant et finançant les révolutionnaires professionnels issus de la bourgeoisie cosmopolite […] pour empêcher la jonction populaire, elle authentiquement révolutionnaire de la petite bourgeoisie et du prolétariat national […] étant l’histoire cachée du mouvement ouvrier 59 . » Sa preuve ? Le ralliement au libéralisme de toute la gauche à partir des années 1970, qui coïnciderait avec la fin de la bourgeoisie nationale. Résultat ? « La destruction finale de la classe moyenne – productive, lucide et enracinée — correspondant au projet impérial de liquidation de toute insoumission au Capital, par essence apatride 60 . » Les compromissions répétées des sociaux-démocrates avec l’ordre bourgeois, la désertion du combat anticapitaliste par le PCF : tout cela ne serait que le produit d’un grand complot de la « Banque », concocté il y a plus d’un siècle et dont les « maîtres du monde » auraient prévu toutes les étapes. La révolution d’Octobre en Russie et la chute du mur de Berlin ; tout aurait donc été goupillé à l’avance ? Tous les enchaînements de l’histoire devraient donc aboutir au « règne de la finance américaine sur le reste du monde, à travers la création de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. L’Empire 61. » Il y avait donc un plan de domination au départ… Toute cette longue, pénible et délirante démonstration, pour en arriver finalement à prôner comme alternative : le ralliement du monde du travail à l’impérialisme français contre le grand complot mondialiste américano-atlanto-judéo-maçonnique . Marx : l’ennemi à abattre Tout le discours de Soral sur la réconciliation de la droite des valeurs et de la gauche du travail masque mal que son véritable objectif est de réhabiliter le fascisme. Son rôle dans le jeu politique français : ratisser large, rallier un électorat d’origine immigrée, et ce, malgré la campagne anti-islam de Marine Le Pen, rallier des jeunes déçus des inconséquences d’une gauche qui se renie et est toujours plus libérale. L’objectif ? Un succès électoral pour le FN en 2012, ce qui accélèrerait le rapprochement UMP-FN. Le tout afin d’aboutir à une fascisation de l’État français qui fortifierait l’impérialisme franco-allemand, libéré de son alliance et de sa sujétion à l’impérialisme étasunien. Le prolétariat se constitue de ceux qui survivent en vendant leur force de travail aux capitalistes possesseurs des moyens de production. Ils sont les producteurs de toutes les richesses et n’ont pourtant le droit de rien dire sur comment faire tourner la société. Le marxisme donne justement les clés pour sortir de cette soumission, il offre une perspective aux luttes éparpillées. Que pense Soral du mouvement ouvrier ? « Classe potentiellement révolutionnaire de petits salariés incarnant le pouvoir réel, mais dénués de toute subjectivité subversive d’un côté ; classe traditionnellement révoltée, mais sortie de l’Histoire en même temps que de la production concurrentielle ou de la production tout court, de l’autre… » Que pense-t-il du marxisme ? « Le marxisme a rencontré le problème de toutes les sciences humaines, qui est de ne pas être tout à fait exactes. […] Quoi qu’il en soit, les 10 % qui séparaient au départ Dieu de Marx (le second après Dieu) se mesurent à l’arrivée par l’écart entre le “socialisme réel” et le paradis ! » Assez tôt dans son livre Contre l’Empire , il doit quand même évoquer l’expérience de la construction du socialisme en URSS pour mieux pouvoir évacuer la seule tentative réussie d’une alternative anticapitaliste : « Le communisme soviétique étant, en théorie, la tentative de mettre hors d’état de nuire la domination oligarchique et privée de l’argent, par la socialisation intégrale des moyens de production sous contrôle public de l’État » . Une épopée qu’il qualifie de « juive en haut pour la volonté de domination, chrétienne en bas pour l’espoir de partage 62 ». Il réhabilite la vieille rengaine fasciste du complot judéo-bolchevique de domination mondiale. Encore une fois, le bon petit peuple (russe orthodoxe) a été manipulé par des élites (juives). Il s’agit bien d’une attaque en règle contre le mouvement ouvrier révolutionnaire et les expériences des pays socialistes. Il lui faut dénigrer les expériences de construction du socialisme, tentatives de réaliser une société sans classes, pour pouvoir mieux défendre son modèle fasciste d’une société qui maintiendrait l’exploitation, mais avec la maigre consolation d’être dominée par une nouvelle élite autoproclamée plus vertueuse que l’ancienne. Avec un tel discours, il est donc tout à fait « politiquement correct » ! Il hurle en chœur avec tous les anticommunistes de la gauche sociale-démocrate à la droite UMP qu’il n’y a rien à tirer de l’expérience des pays socialistes. Contre Marx, Soral défend Proudhon, Bakounine et Sorel, « Une société mutualiste de petits producteurs […] Une société aux antipodes aussi bien du socialisme marxiste-léniniste que du capitalisme bourgeois, tous deux fondés sur la fuite en avant technicienne, l’extrême division du travail et le salariat généralisé au service d’un État-patron (pour le socialisme) et d’un Patron-État (pour le capitalisme), ce qui revient au même… 63 » Soit le socialisme utopique contre le socialisme scientifique. Nous avons vu qu’il repousse l’utilisation de la méthode scientifique pour l’étude des sociétés. C’est la volonté contre la science, les mythes sont censés remplacer les faits, car l’histoire ne serait qu’une construction idéologique de l’élite des vainqueurs, de ceux qui ont le pouvoir. Tous les fascistes sont antimodernes, Mussolini aussi citait Proudhon et Sorel. Les nazis aussi ont flatté la paysannerie et le petit-bourgeois allemand avant de donner tout le pouvoir aux géants industriels. Sur les fausses solutions fascistes Le prolétariat est sans volonté propre ; toute tentative d’émancipation est illusoire ; l’exploitation et la division en classes ont toujours existé ; les masses sont toujours manipulées ; il n’est pas possible d’être objectif et scientifique en étudiant l’histoire… Qui donc est servi par un tel discours ? Aujourd’hui, il n’y aurait plus de danger fasciste ; il y a des élites perverses et des élites vertueuses ; il y a des bons et des mauvais capitalistes ; ce qu’il nous faut c’est un État fort ; nous devons tous nous rassembler derrière la bannière tricolore… Quelle classe un tel programme défend-il ? Oui, c’est vrai, le fascisme s’est toujours posé en alternative au libéralisme. Mais il n’ambitionne nullement la fin de l’exploitation capitaliste. L’impérialisme allemand et français est provisoirement allié à l’impérialisme américain pour faire face à la montée en puissance de la Chine, perçue comme une menace contre l’hégémonie étasunienne. Certains fascistes comme Soral estiment que l’Allemagne et la France doivent se détacher du lien atlantique et se constituer en superpuissance : c’était le projet de De Gaulle. Une telle option ne pourra se faire qu’au prix de lourds sacrifices payés par les travailleurs. Mais cela importe peu aux fascistes comme Soral, seule compte la grandeur de la France des capitalistes. Les fascistes ont toujours vendu leurs services aux capitalistes, prétendant qu’ils étaient plus efficaces que les partis démocratiques pour mater le mouvement ouvrier : « J’aime Le Pen pour ça […] Ce sont encore des hommes […] toutes ces merdes du système UMPS […] J’aimerais bien voir le jour où ça va péter dans la rue, comment ils vont se comporter […] moi je suis prêt déjà à ça, pas eux 64 . » Alors que de grandes luttes sociales s’annoncent pour contrer l’austérité voulue par l’Europe des patrons, Soral et ses semblables sentent que leur temps est venu. La réponse de la vraie gauche à la crise générale du capitalisme qui s’abat contre le monde du travail doit combattre le fatalisme entretenu par les médias bourgeois. Les soi-disant vérités sur les pays socialistes, sur les révolutions et les luttes qui ne changent rien, sur les boucs émissaires de la crise, tout cela est une construction idéologique empruntée par Soral au discours dominant de la bourgeoisie. Il prospère sur le fumier de La barbarie à visage humain de Bernard-Henri Lévy, sur les provocations racistes d’Éric Zemmour, sur le discours au karcher de Sarkozy. Soral refuse aux opprimés toute initiative propre, toute velléité de sortir de leur condition d’exploités, tout rôle dans l’histoire. Or, Marx a démontré que c’est la lutte des classes qui est un des principaux moteurs de l’histoire. Et les faits ont démontré que les ouvriers étaient capables de prendre leur sort en main : pour sortir les enfants des mines, pour augmenter les salaires, pour ne plus travailler comme des forçats, pour se syndiquer et même prendre le pouvoir et tenter de construire le socialisme en URSS. « Tout indique qu’un long processus initié au 18e siècle par une oligarchie bancaire mue par l’hybris de la domination approche de son épilogue. Ce Nouvel ordre mondial […] un gouvernement mondial sur les décombres des Nations. Cette oligarchie spoliatrice […] nomade aux procédés sataniques menant le monde à cet “âge sombre” décrit par la Tradition. 2012 : soit la dictature de l’Empire ou le début du soulèvement des peuples. La gouvernance globale ou la révolte des nations 65 . » 2012, échéance de l’élection présidentielle en France, voilà le moment où tout peut basculer. Les capitalistes n’ont qu’à bien se tenir, ils en tremblent déjà… « Révolte des nations » contre l’ « Empire de la Banque » ? Ce qui se cache derrière cette fumisterie, c’est le projet fasciste de restaurer la « grandeur » de la France, alliée à l’Allemagne pour défier les États-Unis et soumettre les pays du tiers monde. Ce projet impérialiste sert les intérêts du grand capital français et leur propose la constitution d’un État fort et militariste sur les ruines de la sécurité sociale. Les travailleurs n’ont rien à gagner à suivre un tel programme. C’est ici qu’il faut être clair sur ce que l’on veut : soutenir l’impérialisme européen contre l’impérialisme américain ? Ou soutenir les luttes des travailleurs et des peuples opprimés contre tous les impérialismes ? Ne laissons pas des Soral falsifier encore plus l’histoire que la bourgeoisie ne l’a déjà fait. La constitution d’un large front anticapitaliste et antifasciste nécessite pour être efficace que les organisations ouvrières en prennent la tête. (à suivre)
Edité le 14-11-2014 à 00:03:52 par Xuan |
| | Posté le 14-11-2014 à 00:03:19
| (suite) Cela passe aussi par la lutte idéologique contre la pensée unique et contre cette fausse alternative qu’est le fascisme, car elle est le plan B de la bourgeoisie pour soumettre par la force le mouvement ouvrier. Si elle s’imagine qu’on va la laisser faire… Arnaud Staquet, 39 ans, est historien. Il enseigne dans un collège d’un quartier populaire de Bruxelles. Collaborateur de l’Inem, il est directeur de l’Université marxiste .
________________________________________ NOTES 1 http://www.comprendrelempire.fr/ et http://www.egaliteetreconciliation.fr/. 2 Alain Soral, Abécédaire de la bêtise ambiante, Éditions Blanche, Paris, 2008, p. 13. 3 http://www.dailymotion.com/video/x8069t_alain-soral-parle-des-jeunes-de-cit_news 4 http://oumma.com/Interview-de-l-ecrivain-Alain 5 http://www.youtube.com/watch?v=Q7LngtEE0Gk 6 http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-politiquement-incorrect-comme-ideologie-deresistance-au-mondialisme-2977.html 7 http://www.youtube.com/watch?v=ogxPrMc8AtU 8 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 180-182. 9 http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-politiquement-incorrect-comme-ideologie-deresistance-au-mondialisme-2977.html 10 http://www.youtube.com/watch?v=ffma4lH_6iY 11 http://www.chambre-de-commerce-franco-libyenne.org/index.php?option=com_content&view=article&id=202%3Adeplacement-du-secretaire-detat-au-commerce-exterieur-pierre-lellouche&catid=1%3Aactu&Itemid=121&lang=fr 12 http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-politiquement-incorrect-comme-ideologie-deresistance-au-mondialisme-2977.html 13 http://www.youtube.com/watch?v=W16vBf3oomU 14 Alain Soral, « Du communisme au nationalisme », allocution prononcée à Vénissieux le vendredi 2 mars 2007 (http://www.egaliteetreconciliation.fr/Du-communisme-aunationalisme-2975.html). 15 Selon l’heureuse expression de Zeev Sternhell, Ni droite, ni gauche : L’idéologie fasciste en France, Éditions du Seuil, Paris, 1983. 16 http://des-infos.20minutes-blogs.fr/archive/2007/06/13/article-de-jean-paul-crusepour-une-alliance-avec-le-front-n.html 17 Alain Soral, « Du communisme au nationalisme », op. cit. 18 Ibid. 19 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 328-329. 20 Ibid., p.21. 21 François-Xavier Verschave, Au mépris des peuples : Le néocolonialisme franco-africain, La Fabrique éditions, Paris, 2004. 22 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 225. 23 Ibid., p. 162-163. 24 http://www.youtube.com/watch?v=yNcwe9Bmak8 25 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 33-34. 26 Ibid., p. 192. 27 Ibid., p. 442 28 http://www.ina.fr/histoire-et-confl its/decolonisation/video/I00000624/le-pen-sur-laguerre-d-algerie.fr.html 29 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 176-179. 30 Ibid., p. 195-199. 31 Lire à ce propos l’article « De Gaulle, Charles » dans Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 297-300. 32 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 294 33 Beate Landefeld, « La bourgeoisie s’européanise-t-elle ? » Études marxistes no 90, 2010, p. 71. 34 http://money.cnn.com/magazines/fortune/global500/2008/countries/Germany.htm 35 http://www.dailymotion.com/video/xcvldn_alain-soral-sur-l-affaire-zemmour_ webcam 36 http://www.egaliteetreconciliation.fr/Alain-Soral-entretien-de-janvier-2012-10103.html 37 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 7. 38 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 50. 39 Ibid., p. 60. 40 Ibid., p. 66-67. 41 http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/03/66/15/plpl/Participants-diner-dusiecle-27-01-11.pdf 42 Lire à ce propos M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Le président des riches, Paris, La Découverte, 2010. 43 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 28-29. 44 Ibid., p. 435. 45 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 80. 46 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 88-89. 47 Ibid., p. 328. 48 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 102. 49 Alain Soral, Abécédaire…, op. cit., p. 28-29. 50 Ibid., p. 11. 51 Ibid., p. 103. 52 Ibid., p. 466. 53 Ibid. 54 Voir Zeev Sternhell, Les anti-Lumières : Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide, Gallimard, Paris, 2010. 55 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 79-80. 56 Conseil représentatif des institutions juives de France 57 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 190-195. 58 Ibid., p. 119. 59 Ibid., p. 133. 60 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 133-143. 61 Ibid., p. 57-58. 62 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 67-69. 63 Ibid., p. 120-131. 64 http://www.youtube.com/watch?v=W16vBf3oomU 65 Alain Soral, Comprendre l’Empire, op. cit., p. 237-238.
Edité le 14-11-2014 à 00:07:15 par Xuan |
| | Posté le 14-11-2014 à 13:26:03
| Cet article paru dans Mediapart ne correspond nullement à un point de vue communiste sur Soral ni sur les contradictions internationales. Il contient néanmoins des informations intéressantes : Comment Soral gagne les têtes (1/2) 12 NOVEMBRE 2014 PAR PIERRE PUCHOT ET DAN ISRAEL Il est celui qui a fourni à Dieudonné une armature idéologique, celui avec qui l'ex-humoriste vient de lancer son parti politique. Et celui dont le discours imprègne de plus en plus le discours d'un public qui se serait classé à gauche il y a encore quelques années. Premier volet de l'enquête de Mediapart sur la façon dont Soral s'impose dans les esprits. Son crâne rasé, sa barbe de trois jours et sa silhouette massive font désormais partie du paysage. Sanglé ou non dans le tee-shirt marqué « goy » en lettres gothiques dont il fait la promotion ces derniers jours, aux côtés de Dieudonné ou en solo, Alain Soral a su en quelques années imposer sa marque dans le débat politique français. Il est peu présent sur le terrain, quasiment absent de toute manifestation et invisible dans les médias grand public. Mais dans les discussions publiques et sur internet, ses idées apparaissent fréquemment dès qu’on s’approche des questions sensibles que sont le communautarisme en France, la place de l’Islam dans l’Hexagone, le conflit israélo-palestinien, la position de la Russie ou des États-Unis dans le jeu géostratégique mondial, voire le mariage pour tous (lire par ailleurs notre portrait, Alain Soral, du dandy boxeur au « national-socialiste » à la française ). Aujourd’hui, l’ancien marxiste et militant FN lance un parti politique avec Dieudonné, comme Mediapart l'a relevé. La création d’une force politique capable de ramasser des dons et des subventions politiques est un pas supplémentaire dans la démarche de l’idéologue. Et une étape logique. Car il y a encore quelques années, ses analyses sur la décadence de la France, aux mains d’une élite financière, mondialisée, sioniste et/ou gay, occupée à dissoudre toute idée de nation afin de soumettre les peuples à un gouvernement mondial ( lire ici des extraits choisis de ces principaux ouvrages et interventions vidéo ), pouvaient paraître folkloriques ou négligeables. Elles ne le sont plus. Elles touchent un public large et varié, distillées dans des livres ( Comprendre l’Empire , paru en 2011, s’est écoulé à plus de 70 000 exemplaires), sur le site de son association Égalité & Réconciliation (E&R), qui se situe environ 50 places plus haut que Mediapart dans le classement Alexa des sites français les plus visités, et dans des vidéos mensuelles dépassant régulièrement les 2 heures, qui attirent des centaines de milliers de curieux. Pour une large part, ce public, mélangé socialement et culturellement, pourrait être celui de la gauche. Mais elle a perdu en route un bon nombre de ce que ses responsables politiques considèrent trop facilement comme leurs sympathisants naturels. Certains de ceux qui auraient pu, il y a quelques années, militer au PS, au NPA ou chez les Verts échangent aujourd’hui quenelles et références à la « communauté organisée », comme autant de clins d’œil et de signes d’appartenance à l’univers dieudo-soralien et au monde des « dissidents » autoproclamés. Capture d'écran de la vidéo du 6 septembre 2014 d'Alain Soral Achille (le prénom a été changé à sa demande, voir la boîte noire de l'article) est l’un d’eux. Ce Français de 28 ans, chargé de communication en Suisse, est plus qu’un sympathisant de passage. Adhérent à E&R, il revendique sereinement sa démarche. « C’est une adhésion de soutien, explique-t-il. J’ai adhéré à E&R comme j’achète les jeux ou la musique qui me plaisent, pour soutenir leur auteur. Le discours d'Alain Soral m’a été utile dans ma formation intellectuelle et j’estime qu’il peut l’être pour d’autres. » Achille incarne à merveille le projet d’Alain Soral de« réconciliation nationale » entre la « gauche du travail » et la « droite des valeurs », tel qu'il est présenté en bannière de son site : « Je viens d’un paysage intellectuel d’extrême gauche, j’étais fan de Bourdieu, lecteur d’Acrimed ou d’@rrêt sur images, raconte le jeune homme. Mais dans les analyses que je lisais, critique des médias ou du capitalisme, je butais toujours sur un point : des présupposés portant sur les idées développées à l’autre extrémité de ce qu’on appelle l’arc républicain. Soral m’a convaincu d’abandonner ces a priori. » Achille insiste sur le fait qu’il a découvert sur le net « dissident » un espace de dialogue : « E&R, c’est un endroit où des gens très différents peuvent se parler, sans étiquette et sans mépris. Je suis métis, fils d’un Noir et d’une Blanche, et je n’aurais jamais pensé pouvoir discuter tranquillement avec des royalistes pour écouter ce qu’ils ont à dire. » Dans cet univers, Achille n’est pas seul, loin de là. Philippe Corcuff, maître de conférences en sciences politiques à l’IEP de Lyon, ex-membre du NPA passé à la fédération anarchiste, en a fait l’expérience. Son récent livre, Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard (éd. Textuel), est tiré de plusieurs cours donnés l'an dernier dans le cadre de l’Université populaire de Lyon. Et comme il l’a raconté, un cours de février portant notamment sur Alain Soral a été suivi de près par les sympathisants d’E&R. Présents sur place, ils ont monopolisé l’heure de débat qui a suivi son exposé. « Ils étaient peut-être une quarantaine, dans la salle et au dehors. Ils avaient moins de 30 ans, un look d’étudiants et étaient à proportion égale blancs et d’origine maghrébine, décrit-il. Quarante jeunes réunis dans un projet politique, à Lyon, c’est important : il n’y a pas 40 jeunes du NPA ou du PC dans cette ville ! » D’autres intellectuels ou cadres associatifs, évoluant depuis longtemps à gauche et notamment dans les quartiers populaires, partagent ce constat : les idées de Soral s’enracinent. À droite et à l'extrême droite sans doute, mais aussi sur leur terrain à eux. Auteur de livres incisifs, prof de philo dans un lycée de banlieue parisienne, cofondateur du site Les mots sont importants (qui dénonce régulièrement l’islamophobie prévalant en France), Pierre Tevanian garde ainsi un œil attentif sur cette mouvance depuis qu’il a coécrit, il y a dix ans, un texte où il mettait en garde sur les méthodes de l’idéologue. « Dans les lycées, on trouve de plus en plus d’élèves se revendiquant ouvertement des thèses d’Alain Soral et de Dieudonné, indique-t-il. L’an dernier par exemple, un de mes élèves, plutôt bon, a rempli sa fiche de présentation de début d’année comme un parfait petit soralien, en notant que ses centres d’intérêt étaient l’étude de l’oligarchie, de“l’Empire” ou de la “communauté organisée”. C’est arrivé à d’autres collègues autour de moi récemment, et c’est nouveau. Par ailleurs, ce discours s’invite de plus en plus dans les réunions militantes. Par essence, le soralien veut convaincre, il a donc un vrai pouvoir de nuisance. » Depuis un autre poste d’observation, Fateh Kimouche conclut lui aussi à la prégnance nouvelle des thèmes chers à Soral. Entrepreneur et musulman pratiquant, il est le fondateur et animateur du site Al-Kanz, l’un des piliers des sites musulmans en France avec 13 millions de visites l’an dernier (Rue89 en a tiré un bon portrait). Il ne cache pas son opposition à Dieudonné, notamment en raison, selon lui, de son irrespect de l’Islam. Il raconte avoir vu émerger le terme « sioniste », employé comme une insulte et comme une explication de tous les problèmes. « Je suis tous les jours sur internet depuis 1998, et cela ne fait que deux ou trois ans que le mot est devenu récurrent, note-t-il. Nul doute que Soral, bien relayé par Dieudonné, y est pour beaucoup. Désormais, sur tous les sujets, les “sionistes” surgissent comme des coupables idéaux, par exemple dans cet échange très symptomatique que j’ai eu sur Twitter ou dans les réactions lorsque j’ai critiqué Dieudonné, fin 2013. » La pensée de Soral, « un Tétris idéologique » Bien sûr, les adhérents d’E&R ne sont que quelques centaines (sur ce point comme sur tous les autres, Alain Soral n’a pas souhaité répondre à nos questions, lire la boîte noire de cet article). Mais combien sont les sympathisants ? Ils répondent en tout cas présent par dizaines aux conférences que Soral organise de temps à autre un peu partout en France. Et les profils sont variés, témoigne Aurélien Montagner, étudiant bordelais qui a analysé le discours de Soral dans son mémoire de Master 2 en sciences politiques (lire son travail sous l'onglet Prolonger), et qui y consacre aujourd'hui sa thèse : « Durant les deux réunions publiques auxquelles j’ai assisté, il y avait des gens de tous horizons, immigrés ou non, de 30 à 60 ans . » Mais les curieux sont surtout hameçonnés sur le net. Car les mots de Soral circulent aujourd’hui avant tout sur le web, de façon assez fragmentée. « La pensée de Soral, c’est une espèce de Tétris idéologique, où il pioche tout ce qui donne corps à sa vision du monde », expose André Déchot, animateur du groupe de travail Extrême droite de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et coauteur de La Galaxie Dieudonné (éd. Syllepse, 2011), avec Michel Briganti et Jean-Paul Gautier. Les discours et les vidéos où il expose ses thèses sont, de même, construits par blocs sur des thèmes distincts. Sa rhétorique est donc parfaitement calibrée pour notre ère numérique du zapping et du best of. Sur Dailymotion et Youtube, on trouve des dizaines et des dizaines d’extraits de ses vidéos mensuelles ou de ses interventions publiques, des anthologies de ses citations, des montages alliant ses provocs à celles de Dieudonné, etc. « Soral a découvert qu’il existe un espace de légitimité propre sur internet, plus puissant en fait que les médias dominants en cours d’effondrement, pointe Corcuff. Si Zemmour représente la “rebellitude” intégrée au système, lui incarne la “rebellitude” sur l’espace semi-public du net. » Pour André Déchot, celui qui se décrit comme un « national-socialiste à la française » a « très bien saisi les rouages du numérique, et compris qu’il y avait chez les citoyens un désir de s’éduquer en dehors des médias dominants. Il insiste sur donc les canaux alternatifs » , reprenant au passage les théories d’un Jean-Yves Le Gallou (exposées en partie ici par André Déchot), figure de l’extrême droite, apôtre de la « réinformation » . Les jeunes web-télés TVLibertés (pendant de Radio Courtoisie) et MetaTV, relais efficaces des messages de Soral et de Dieudonné, appellent par exemple à regarder le monde d’un œil « neuf ». « Je n’irai pas jusqu’à dire que Soral a été un révélateur, mais il m’a montré qu’il existait un autre angle de vue intéressant que celui qu’on nous rabâche tous les jours, confirme Achille, l’adhérent d’E&R. Il m’a aidé dans mon parcours. Ce qu’il propose, c’est une porte d’entrée, une invitation à creuser, un état des lieux qui incite à réfléchir. » Lire et écouter Soral lui a permis de se plonger dans la lecture d’auteurs venus du marxisme aussi bien que du « camp national », Bakounine et Proudhon, tout comme Bernanos, l’historien Jacques Bainville, proche de Charles Maurras, ou Lucien Rebatet, brillant écrivain et collaborationniste féroce pendant la Seconde Guerre mondiale. Des conseils de lecture et des réflexions de l’activiste, Achille retient notamment la critique du capitalisme, un point de vue économique privilégiant ceux qui sont au bas de l’échelle, des positions géostratégiques hostiles à la politique américaine, et sa critique du sionisme, « une politique coloniale et raciste qui trouve des prolongements en France » . Ce désir de formation intellectuelle et de compréhension du monde est une constante chez les sympathisants de Soral. « Il touche plutôt les gens à capital culturel, qui sont par exemple passés par l’université, qui ont une attente d’un certain habillage intellectuel », souligne Corcuff. Moins charitable, Pierre Tevanian décrit ainsi le « pacte de lecture » qui existerait entre l’activiste et ses fidèles : « En acceptant d’être à une place passive de suiveur, vous devenez membre du petit cercle des initiés, avec une grille d’analyse du monde clés en main. Moyennant une angoisse zéro et peu d’effort, un peu d’assiduité devant son ordinateur et la maîtrise de quelques termes, vous avez l’impression de vous élever au-dessus de la masse. » Une aspiration, louable, qu’on retrouve partout en France. En banlieue aussi. Éric Marlière, sociologue, auteur de La France nous a lâchés (éd. Fayard), dans lequel il s’arrêtait en 2008 sur le sentiment d’injustice chez les jeunes des cités, a continué depuis d’arpenter les banlieues. Il y a vu monter les références à Dieudonné et à Soral. « Dans les quartiers populaires, ceux qui connaissent bien le discours de Soral, bien moins nombreux que les fans de Dieudonné, ne sont pas des paumés, souligne-t-il. Ils ont du ressort intellectuel. Il faut accepter de regarder des vidéos de plusieurs heures, ou mieux, lire des livres… Ce sont plutôt des jeunes intellos, bac+3 ou +4, mais au chômage. Ils ont joué le jeu de la compétition scolaire, et, moins compétitifs, ils l’ont perdu. Ils sont en colère contre la République. » Fin 2005, la jonction Dieudonné-Soral « Le public de Soral aujourd’hui, c'est un peu “groupie”, un peu “conspi”» , juge, plus dubitatif, celui qui fut le compagnon de route des débuts d’Égalité & Réconciliation, avant une rupture définitive en 2010. Aux côtés du leader, Marc George a été pendant quatre ans l’architecte du grand projet de l’association qu’ils ont montée ensemble : amener une partie des musulmans vers le « camp national » et le FN. Amer, il raille les théories du complot défendues par son ex-ami, tout comme sa position de presque gourou. Pourtant, il admire son aisance dans la parole. « Il faut le voir, quand il parle, tout le monde l'écoute, ça n'est pas donné à tout le monde … » Celui qui se définit comme un« activiste politique » et qui livre encore parfois sur son site sa vision du monde (proche de celle d’E&R), caressait l’espoir d’exploiter ce charisme pour faire aboutir son « idéal » politique. « Soral aurait pu le faire », regrette-t-il encore aujourd’hui. Marc George Le parcours de l'ancien bras droit d'Alain Soral est un long cheminement, du PS dans sa jeunesse au FN depuis la fin des années 1980. Du Front national, il garde un goût certain pour le nationalisme et une admiration sans borne pour Jean-Marie Le Pen. « Je découvre Le Pen en 1988 lors d'un meeting où il est génial, relate-t-il, et je bascule à droite sur le plan sociétal. Mon point de vue, c'est que l'on ne peut être de gauche aujourd'hui, et anti-libéral, qu'en étant de droite. Les valeurs traditionnelles préservent les intérêts des classes populaires. Dans ma tête, je suis un chevènementiste radical. » Son histoire avec le « Front », Marc George l'a d'abord vécue sans Alain Soral. Et a vite déchanté. « Au début des années 1990, je découvre l'envers du décor du FN, cette espèce de Samaritaine avec tout dedans, des imbéciles, des racistes, des gens très drôles… Il n'y avait vraiment que Le Pen qui me plaisait là-dedans . » Après avoir été élu municipal dans le Val-d’Oise sous l’étiquette FN, il « arrête la politique ». C'est Dieudonné qu’il l’y fera revenir. Et qui lui permettra de faire la jonction avec Alain Soral. En 2004, quand Dieudonné fait le fameux sketch sur l'extrémiste juif sur France 3, qui lui vaudra le début de son éviction du système médiatique, Marc George est devant sa télé. « Ça me fait marrer, je vois comment il va se prendre le lobby (sioniste – ndlr). Pour moi, Dieudonné, c'est un antiraciste qui me fait marrer. Je vois qu'il résiste au lieu de se taire. Et ça me plaît. Quand son spectacle à l'Olympia est annulé, j'y vais pour protester. Je rencontre Pierre Panais, un de ses proches. Je vais à ses manifestations le dimanche, je discute avec “Dieudo”, il me rassure sur le fait que ce n'est pas un problème pour lui que je vienne du FN. Je suis peut-être même un des premiers nationalistes avec lequel il a l'occasion de discuter ! » Il passe régulièrement au théâtre de la Main d’or, QG de Dieudonné. C’est là, un soir de 2005, qu’il rencontre Soral, déjà repéré lors de ses passages télévisés et avec qui il échangeait « des e-mails de temps en temps ». « J'ai tout de suite vu qu'il avait quelque chose en plus, et que c'était potentiellement une locomotive pour quelqu'un comme moi, quand tout un pan du FN, les ringards, racistes, cathos tradis bornés, etc., me sortaient par les yeux, relate Marc George. Cette année-là, le FN rétablit les BBR (la Fête des Bleu-Blanc-Rouge, grand salon annuel du parti – ndlr). Je m'y rends, c’était deux jours après notre rencontre. Et sur qui je tombe ? Soral, en train de discuter avec le directeur de cabinet de Le Pen de l'époque, Olivier Martinet. Je lui dis : “Écoute, il n'y a pas beaucoup de gens que l'on rencontre le mercredi à la Main d'or, et que l'on voit ensuite le week-end aux BBR.” » L'appui de Jean-Marie Le Pen Les deux hommes se fréquentent beaucoup et élaborent en quelques semaines l'idée de créer un« club politique » partenaire du FN : « On avait la sympathie et l'appui de Le Pen, et “Dieudo”, une force médiatique importante avec lequel on était en bons termes. Nous voulions construire une structure sur des bases patriotiques, antisionistes, antiracistes et avec une vision de classes. Un mélange entre (Roger) Holeindre et (François) Duprat, plus un peu de marxisme qu'apportait Soral. Et E&R a démarré comme ça, début 2006. Pour vous résumer la pensée que nous avons avec Soral et “Dieudo” : le problème qui se pose avec le lobby juif, c'est qu'il contient une forme de suprématisme qui est majoritaire aujourd'hui. On peut dire ce que l'on veut sur les chrétiens, les musulmans, pas sur les juifs. » Les têtes d’affiche, ce sont Soral et Dieudonné. Dans leurs interventions publiques et dans les vidéos qu’ils commencent à diffuser avec régularité, ils se citent régulièrement l’un l’autre, s’invitent, font assaut d’amabilités. Pour Pierre Tevanian, « une des clés du succès de Soral, c’est bien l’emprise qu’il a sur Dieudonné : l’ex-humoriste pense qu’il a besoin de lui, et il bénéficie donc de tout ce que Dieudonné charrie comme affects et comme symboles, notamment dans un discours de dénonciation du “deux poids, deux mesures” qui prévaut effectivement en France. S’il n’était pas associé à lui, Soral apparaîtrait beaucoup plus comme le symbole du maurrassisme à la française, du facho blanc pour le dire vite. » Avec Le Pen, une idylle qui prend fin En parallèle, le duo George-Soral avance ses pions au FN. Soral y adhère en 2006 et entre au comité central. « Mon rêve, c'était que Le Pen se maintienne à la tête du parti, en s'appuyant sur nous et sur (Bruno) Gollnisch, explique George. Marine nous a été hostile d'emblée. Quand je propose à Dieudonné de venir aux BBR et qu'il accepte, en 2006, elle prend ça comme une trahison, alors que son père est ravi. Mais enfin, Le Pen nous protégeait, il permettait à Soral d'intervenir dans les sessions de formation, et j'ai moi-même dirigé une campagne électorale à Nice . » Bruno Gollnisch et Jean-Marie Le Pen, en novembre 2013 © Reuters - Christian Hartmann Cette stratégie échoue en 2009, alors que, selon son récit, Marc George doit diriger la campagne de Le Pen aux élections européennes et que Soral est pressenti pour être tête de liste en Île-de-France. Pourquoi ? En mars 2009, Jean-Marie Le Pen réaffirme l’« évidence » du fait que les chambres à gaz sont un « détail » de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, propos pour lequel il a été condamné en 1991. « C'était très tendu avec sa fille qui le soutenait du bout des lèvres, se rappelle George. On voulait marquer des points en affichant notre soutien à Le Pen, et Soral a fait un texte, intitulé “Pour le droit au blasphème”. » Problème, il y glisse une phrase qualifiant les sorties de Le Pen de « lubies d'un vieil homme». « Je savais que Le Pen prendrait ça comme une offense. Mais malgré mes protestations, Soral a maintenu sa phrase, regrette son ancien comparse. Lorsque Le Pen me reçoit quelques jours plus tard, il me dit simplement : “Pourquoi faut-il qu'il perde en une ligne tous les bénéfices qu'il aurait pu tirer de ce texte ?” J'ai su que c'était fini. » Lâché par Le Pen, toujours en lutte contre sa fille, Soral quitte bientôt le FN. Après avoir fait partie de la liste antisioniste de Dieudonné aux européennes de 2009, il se concentre sur Égalité & Réconciliation. Il prépare le lancement de son nouveau site, début 2010, qui doit permettre à l’association de décoller. « Le site était voué à devenir le site de référence de la dissidence, en faisant de l'agrégation, parce qu'il fallait du contenu pas cher, et en s'appuyant sur le charisme d'Alain pour faire de l’audience et amener des ressources pour l'association, détaille son ex-bras droit. Mais au lieu d'avoir une boutique au service de l'organisation, on a aujourd’hui une organisation au service d'une boutique, celle d'Alain Soral. Et depuis quatre ans, E&R vit sur ce qui a été fait en 2010, et Comprendre l'empire. Depuis, il n'y a pas eu d'université, de formations, comme nous le faisions auparavant. Soral s'est mis derrière “Dieudo”, et depuis quatre ans profite à plein de la machine. » En effet. Comme l'a démontré avec brio le site Article11 voilà un an, le site d'E&R est une formidable machine commerciale, qui renvoie vers des sites « partenaires » spécialisés dans les livres, le bio, le vin ou... le survivalisme, dont le patron détient discrètement de larges parts. Selon le site, il aurait touché plus de 50 000 euros de bénéfices rien que sur l'activité de ces sites marchands. Si Marc George estime que Soral a organisé E&R pour faire son autopromotion, Soral l'accuse, lui, d'avoir voulu prendre sa place. Entre les deux hommes, la rupture est consommée. Mais l'idée qu'ils voulaient imposer au FN, Soral la met en pratique dans sa petite « boutique » : séduire un nouveau public qui ne se sent pas représenté sur la scène politique, la communauté musulmane de France. En usant notamment de la posture victimaire de Dieudonné et de la lutte pour la Palestine. Un discours et une séduction tournés vers les musulmans de France « Il faut prendre au sérieux Alain Soral et ce qu’il représente car il a réussi (avec Dieudonné à capter un auditoire conséquent. » Dans son livre, Les 7 Péchés capitaux, consacré aux défis auxquels doivent faire face selon lui les musulmans de France, Nabil Ennasri s'est penché sur la manière dont E&R recueille une audience de plus en plus attentive autour de lui. Spécialiste du Qatar, habitant de Saint-Denis, Nabil Ennasri ( lire ce portrait de Tariq Ramadan qui lui est partiellement consacré ) a étudié les sciences religieuses à l’Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon, l’école des imams de l’UOIF, et est enseignant au centre Shatibi, qui enseigne la langue arabe et le Coran. Celui qui est aussi président du Collectif des musulmans de France (CMF) affirme être « énormément marqué ces trois dernières années par Soral, son influence, et la prégnance du discours complotiste » autour de lui. Pour Ennasri, l’essor de Soral dans la communauté date de 2011 et du début des « révolutions arabes », et plus sûrement de la révolution syrienne : « Dans ma propre famille, dans mon entourage, sur les réseaux sociaux, je discute avec des personnes dont la grille d’analyse a très vite évolué vers une hypothèse complotiste sur la crise syrienne, disant “ce n’est pas possible que ce soit une révolte populaire, il y a forcément quelque chose derrière”. La Syrie est concomitante avec l’opération militaire en Libye, et beaucoup de gens ont fait l’association. Et dès lors que BHL s’est fait le porte-voix de la révolte libyenne, par réflexe épidermique, beaucoup de gens de la communauté ont automatiquement pris une position inverse. C’est ce que j’appelle la pensée par délégation, dans laquelle Soral s’est engouffré avec succès, laissant entendre que les printemps arabes n’étaient finalement qu’une vaste farce au profit d’Israël. » « Vous êtes chez vous, mais à mes conditions » Nabil Ennasri décrit dès lors la « machination intellectuelle qui prend pied dans la communauté » , la crise syrienne devenant l’élément qui cristallise cette théorie du complot. « Soral, qui a des accointances avec les relais immédiats et des conseillers de Bachar al-Assad, y a tout de suite trouvé son intérêt » , explique Ennasri. Voyage au Liban en 2006 à la suite duquel Soral et Dieudonné apparaissent notamment à l’antenne de la télévision nationale syrienne, promotion par Dieudonné de la République islamique, de Mahmoud Ahmadinejad et du Guide suprême iranien en direct à la télévision iranienne… Soral considère la nation comme stade ultime de l’organisation sociale, et avoue sans façon sa fascination pour les hommes forts ou les « despotes éclairés ». Deux raisons, alliées à sa méfiance profonde des États-Unis, qui le poussent à légitimer Bachar al-Assad et son régime dictatorial. C'est le même raisonnement complotiste qu'il déploie dans sa vidéo mensuelle de septembre, pour expliquer l'essor de l’État islamique, qui serait en fait une création de l'alliance entre l'Empire (les États-Unis), Israël et le Qatar. Cette rhétorique complotiste n’est en rien nouvelle pour Soral, qui en truffe ses explications de l’actualité et de la marche du monde. Pour lui, le 11-Septembre est « un “inside job” des élites mondialistes impériales, qui sont des élites américano-sionistes » (à 25’40” de cette vidéo) et le virus Ebola, « comme par hasard, arrive très opportunément » en Afrique alors que les « prédateurs impériaux » ont « un projet très hostile pour les populations : piller les matières premières et se débarrasser des populations » (à 1 h 40’ de celle-ci). C’est ainsi qu’un « Français de souche » issu d’une bonne famille savoyarde, ancien proche du parti communiste devenu nationaliste et nostalgique de la colonisation française, devient très écouté au sein de la communauté musulmane de France. Houria Bouteldja est la porte-parole du parti des Indigènes de la République, qui entend combattre « les inégalités raciales qui cantonnent les Noirs, les Arabes et les musulmans à un statut analogue à celui des indigènes dans les anciennes colonies » et lutter « contre toutes les formes de domination impériale, coloniale et sioniste ». Elle constate la séduction opérée par Soral sur une partie du public arabo-musulman, qui repose notamment sur un levier simple, mais puissant : « le rapport à la nation », interrogeant « la place des populations post-coloniales en France ». « Toute la journée, on leur dit : “Vous n’êtes pas chezvous”, rappelle-t-elle. Soral, lui, dit : “Vous êtes chez vous. À mes conditions, mais vous êtes français.” » Mais un autre élément est essentiel dans la compréhension de l'implantation croissante de son discours : Soral utilise sans retenue le « carburant émotionnel » qu’est la cause palestinienne, selon Ennasri. « Début octobre, dans une conférence que je donnais à Bobigny, on nous a demandé pourquoi on ne s’alliait pas “à la dissidence de Soral”, puisque nous sommes tous les deux antisionistes. C’est là où il a insufflé son venin. » Auteur d'une thèse sur l'Autorité palestinienne, militant du NPA et salarié de l’association Acrimed, Julien Salingue parcourt la France pour des conférences sur le conflit israélo-palestinien.« Comme je travaille sur la question palestinienne et dans le domaine de la critique des médias, certains fans d'Alain Soral pensent que nous sommes du même bord, abonde-t-il. Récemment encore, à la terrasse d'un café, un jeune homme m'a expliqué qu'il respectait mon travail et celui de Soral, et qu'il trouvait dommage que le “camp de la dissidence” soit divisé… C'est toujours difficile de me retrouver assimilé à un individu situé à l'autre bout du champ politique et qui surfe sur des thématiques qu'il ne travaille aucunement, pour détourner les bonnes volontés vers sa petite boutique d'extrême droite. » La stratégie est pourtant très efficace, selon Nabil Ennasri, pour qui le discours de Soral porte désormais en profondeur : « Je connais des convertis, des militants de la cause palestinienne, des musulmans avec ou sans bagage universitaire, et même une partie de ma famille qui, s’ils ne valident pas l’ensemble des thèses de Soral, lui reconnaissent au moins un “courage”, celui d’affronter le lobby sioniste. » Il s’en sert même pour se démarquer de Tariq Ramadan, qui vise un public similaire au sien. « Il dit : “Regardez, moi je suis banni des médias, quand Ramadan va toujours sur Canal Plus et édulcore son discours.” Ramadan assimilé à un agent du Qatar, je l’ai entendu régulièrement dans la communauté », assure Ennasri. Bien sûr, les musulmans de France ne vont pas adhérer en masse à Égalité & Réconciliation. « Mais il possède des locaux à Saint-Denis, certaines associations musulmanes l’invitent pour des conférences, un certain nombre d’imams lui ouvrent la porte de leur mosquée et lui apportent un soutien financier pour ses procès… » Un antisionisme qui fleure bon les années trente Tout cela en vertu d’un combat contre le « sionisme »… Un concept qu’il définit pourtant de façon floue. « Pour Soral, c’est une entité transnationale, aux contours mal définis, qui dicterait sa politique aux banques, aux gouvernements des pays occidentaux et aux médias, et qui serait ainsi la source de la crise économique, politique et sociale », résume Julien Salingue. Autrement dit, « on est très loin de ce qu'est réellement le sionisme, à savoir le projet d'établissement d'un “État des Juifs” en Palestine, et la défense, aujourd'hui, de la légitimité de cet État et du traitement structurellement discriminatoire qu'il réserve aux Palestiniens ». Les mots de Soral, tranche le chercheur, relèvent plutôt d’« un antisémitisme assez classique, qui fait écho aux thèses des extrêmes droites des années 1920-1930 ». Fateh Kimouche, de Al-Kanz, attaque lui aussi « un antisémitisme très clair, déguisé en antisionisme, avec lequel il sabote le combat pro-palestinien ». « Au fond, balaie Houria Bouteldja, il utilise les populations post-coloniales comme des tirailleurs sénégalais, au service de son obsession antisémite. Il est prêt à en admettre certains, à ses conditions, pour ce combat anti-juifs. » Dans la deuxième partie de cette enquête, nous nous arrêterons sur l'antisémitisme de Soral, mais aussi sur la façon dont il a surfé sur les oppositions au mariage pour tous et à la « théorie du genre » . Des caisses de résonance, sur fond d'air du temps résolument conservateur, qui rendent la gauche inaudible.
Edité le 14-11-2014 à 13:59:02 par Xuan |
| | Posté le 16-11-2014 à 05:58:02
| marquetalia a écrit :
le précurseur de Alain Soral est Alexandre del Valle |
Ah bon ? Où as-tu été pêcher ça ? Encore une affirmation gratuite !!! du grand n'importe quoi ! |
| | Posté le 17-11-2014 à 13:41:06
| Rien à voir marquetalia. Avant de poste des liens tu ferais bien d'y jeter un coup d'oeil. L'article est islamophobe et s'en prend aux "totalitarismes". Del Valle est un défenseur ordinaire du sionisme et de l'impérialisme. |
| | Posté le 17-11-2014 à 14:08:47
| La suite de l'article de Mediapart. Comme le précédent Soral y est critiqué du point de vue de l'antiracisme et de la démocratie bourgeois, et non du point de vue de l'unité de la classe ouvrière. Pour cette raison il ne parle nulle part de l'Union Sacrée Capital/Travail visée par Soral, qui est un des aspects fondamentaux du fascisme, et trahit son caractère de classe lié à la frange la plus réactionnaire du grand capital. Mais i apporte de précieuses indications sur les faits et de nombreuses références.
____________________ Comment Soral gagne les têtes (2/2) 16 NOVEMBRE 2014 | PAR DAN ISRAEL ET PIERRE PUCHOT Pour le fondateur d’Égalité & Réconciliation, la cause de très nombreux problèmes est à chercher du côté des juifs et de leur « communauté organisée » . Un point clé dans sa vision du monde qui rencontre un certain succès. Tout comme son complotisme, son opposition au mariage pour tous ou son antiféminisme décomplexé. Mais il prospère aussi face au vide laissé par la gauche sur certains terrains. Alain Soral a beau s’en défendre en toute occasion, les juifs sont chez lui une obsession. Il assure ne pas viser les « juifs de tous les jours » , pour reprendre ses mots, ceux qui ne font pas partie de la « communauté organisée » . C'est à cette dernière, incarnée selon lui par le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) et la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), qu'il réserve officiellement sa vindicte. Elle qui aurait la main sur tous les leviers importants en France, et dicterait leur conduite aux responsables politiques hexagonaux. Selon sa rhétorique, s’il est taxé d’antisémitisme, c’est d’ailleurs la faute des représentants de la communauté. Dans une vidéo datant d’il y a deux ans, à la question : « Êtes-vous antisémite ? » , le fondateur d’Égalité & Réconciliation (E&R) expliquait ainsi que dans sa jeunesse, « l’antisémitisme, c’était apprécier le projet hitlérien » . Mais aujourd’hui, selon lui, se verrait accuser d’antisémitisme toute personne qui ne « se soumet pas au racialisme du judaïsme talmudo-sioniste » . Adhérent de l'association, Achille (le prénom a été changé, à sa demande), 28 ans, défend pied à pied cette position et refuse de qualifier Soral d’antisémite. Au contraire, insiste-t-il, « Soral est pour beaucoup dans le dégonflement de ce que Mélenchon a récemment appelé le “rayon paralysant” du Crif qu’est l'accusation d'antisémitisme [voir ici, ndlr]. Selon les critères actuels, à peu près tous les auteurs de l'histoire française mériteraient procès et exclusion de la connaissance du public. » Pourtant, derrière ce discours contre la « communauté organisée » , les ressorts de son discours anti-juifs sont nombreux, et visent très large. Exemple tout récent : la vidéo du 11 novembre, où il annonce, avec Dieudonné, la création de leur parti politique commun. En réponse à Eric Zemmour qui dénonce les « élites » , apparaît ce montage, censé démontrer qu'en France, elles sont avant tout juives. © Capture d'écran de la vidéo du 11 novembre, où Alain Soral et Dieudonné annoncent la création de leur parti. Aurélien Montagner, étudiant en science politique à l’université de Bordeaux, consacre sa thèse à l’idéologie d’Alain Soral. Dans le mémoire de master 2 qu’il a déjà soutenu (à lire sous l’onglet Prolonger), il s’arrête longuement sur cet aspect du discours de Soral. Sans ambiguïté : « On dénote un antisémitisme conséquent, protéiforme car utilisant plusieurs registres, qui est central dans l’idéologie d’Alain Soral, écrit-il. Ce qui renvoie très clairement à une des principales composantes de l’extrême droite. » Le premier ressort de cet antisémitisme se nourrit de la politique actuelle d’Israël, notamment dans les territoires occupés, et s’habille des atours de l’antisionisme. Il trouve notamment un écho dans une partie de la communauté musulmane. « Cet antijudaïsme est un tabou, mais il existe , admet Nabil Ennasri, le président du Collectif des musulmans de France (CMF), spécialiste du Qatar, et enseignant au centre Shatibi. En particulier chez les gens qui ne comprennent pas, alors même que l’on bombarde Gaza et que l’on tue des enfants, les positions de la France et des médias dominants. Pour eux, l’explication simple, qui veut que les médias soient aux ordres du Crif, fonctionne. On tombe alors dans le carburant de l’antisémitisme traditionnel, qui veut que les juifs contrôlent le monde. » Un mécanisme qui fonctionne certainement. La guerre et les exactions de l’armée israélienne offrent à Soral l’occasion d’étendre très loin ses dénonciations, comme le démontre sa vidéo mensuelle de septembre dernier (autour de 1 heure 03 minutes). « Nous sommes tous à terme des Palestiniens. Les Palestiniens ont été traités dans cette guerre comme ce qu’ils sont selon les juifs, c’est-à-dire comme des goys, qu’on peut tuer sans aucun problème » , déclarait-il. Il souligne ensuite que « les organisations juives officielles [françaises, ndlr] ont soutenu Tsahal [l’armée israélienne] de A à Z » , ce qui est exact. Mais il ne s’arrête pas là, et juge sans s'embarrasser de précautions que « s’ils sont capables de soutenir ça à Gaza, je pense qu’une guerre civile entre Français chrétiens et musulmans demain ne les gênera pas beaucoup, si c’est dans leur intérêt. (…) Je pense que ces gens-là n’en ont rien à foutre d’une guerre civile [inter] -communautaire qui fera des centaines de milliers de morts, et même de l’activer par tous les moyens » . Argent et religion, vecteurs d'une obsession antijuive Le second pivot de l’antisémitisme soralien, c’est le cliché qui lie les juifs à la banque, si possible mondialisée, en posant comme une évidence que le système financier mondial est tenu par les juifs. C’est ce qu’il affirmait par exemple en 2012 en présentant la réédition, par sa maison d’édition, du livre Les Juifs et la vie économique . Publié en 1911 par le sociologue allemand Werner Sombart, l'ouvrage place les juifs au cœur du développement du capitalisme, contrairement à Max Weber, pour qui son origine est liée au protestantisme. Le travail de Sombart (dont la thèse a été reprise en bonne partie par Jacques Attali en 2002 dans Les Juifs, le monde et l’argent ) permet à Soral d’affirmer : « Le capitalisme est une invention juive, ce qui fait de notre monde occidental un enfant de la pensée juive, et de la bourgeoisie capitaliste une juiverie de synthèse. Ce qui veut dire qu’il est normal que [dans] le monde bourgeois commerçant capitaliste, dans sa forme la plus accomplie, au sommet de cette hiérarchie, il y ait les juifs de Wall Street car ils sont les inventeurs de ce monde. » Pour Aurélien Montagner, cet antisémitisme économique est « fort ancien » et « plutôt issu de la gauche anticapitaliste avant d’avoir été réutilisé par l’extrême droite » . Soral réveille aussi un antijudaïsme qui s’appuie sur l’étude des textes religieux que sont la Torah et son interprétation réalisée dans le Talmud aux IVe et Ve siècles. Il fait mine de croire que ces textes servent encore de guide aux dirigeants de la communauté juive aujourd’hui, ce qui lui permet de glisser quelques énormités dans sa vidéo de septembre, comme : « Il y a vraiment deux humanités, l’humanité juive qui sont les élus, les seuls connectés à Dieu, qui ont une âme, et puis les goyims comme nous, qui sommes en fait des animaux, dont le destin est de les servir. C’est explicitement ce qui est écrit dans la bible. » Variante, dans la même vidéo : le Talmud dicterait de dominer les non-juifs par « le vol et le mensonge » . Une ligne de conduite que BHL ou Jacques Attali, grandes têtes de Turc des soraliens, s’empresseraient d’appliquer. Ce discours sur fond religieux est notamment destiné à accrocher les oreilles des catholiques les plus réactionnaires. Il s’orne d’ailleurs régulièrement de références au Nouveau Testament, l’orateur se réclamant souvent de la « charité chrétienne » , et est parfois teinté d'un mysticisme assez fort. Ces mots résonnent aussi chez certains musulmans, soucieux de respecter les textes et les traditions. « Certains prêtent l’oreille à un fond d’antijudaïsme né d’une lecture trop simple de certains versets du Coran et des Hadiths » (les paroles de Mahomet, rapportées par ses compagnons du prophète, ndlr), détaille Ennasri. On essaie de mettre en avant à quel point cette vision est erronée. Dans la littérature prophétique, l'ennemi n’est jamais le juif en tant que tel, mais le belligérant, qu’il soit juif ou pas. » Pour Ennasri, Soral joue un rôle très important dans la « transformation du fond antijudaïque primaire en conceptualisation, en politisation » . Notamment par ses références régulières à des responsables religieux radicaux, dont les vidéos sont très suivies, tel le cheikh Imran Hosein (lire sa notice wikipedia). Un contexte de néoconservatisme Enfin, Soral promeut certaines théories révisionnistes pour mieux attaquer la Shoah, perçue comme le bouclier ultime brandi par les juifs pour s’exonérer de la domination qu’ils mettraient en place. Les théories de Robert Faurrisson sont à ce titre défendues par E&R, et présentées comme un minutieux travail d’historien, dont les recherches sont entravées par la loi Gayssot (qui définit, en 1990, comme un délit le fait de contester l’existence des crimes contre l’humanité). À titre d’exemple, dans cette vidéo, Soral développe des arguments révisionnistes classiques sur la chambre à gaz d’Auschwitz-I, qui sont bien démontés ici. Il fait aussi mine de croire que « 4,5 millions d’êtres humains » sont morts dans cette chambre à gaz, ce qui serait le « plus grand miracle de l’histoire de l’humanité » . En fait, aucun historien sérieux ne prétend que 4,5 millions de personnes ont été tuées dans une seule chambre à gaz. Sur son site, Soral n'hésite d'ailleurs pas à poser en pyjama de déporté pour se présenter en «dissident » qu'il faut soutenir financièrement face aux procès qui l'assaillent. Prochaine audience : le 24 novembre, la cour d’appel de Paris examinera la plainte de la Licra contre la diffusion par sa maison d'édition de cinq livres s'attaquant aux juifs, et notamment deux classiques antisémites, La France juive , d’Édouard Drumont et Le Salut par les juifs de Léon Bloy. L’association tentera de faire confirmer la condamnation obtenue en première instance en novembre 2013. Observateur de cette obsession antijuive, Pierre Tevanian, fondateur du site Les mots sont importants et corédacteur en 2004 d'un texte toujours pertinent avertissant contre les stratégie de Soral en direction des musulmans, renvoie au portrait psychologique que faisait Sartre de l’antisémite dans les premières pages de son livre Réflexions sur la question juive , en 1946. « Sartre soulignait que pour l’antisémite, finalement, la République n’est pas loin d’être exemplaire, puisque tous les maux proviendraient d’une seule et même communauté malfaisante, rappelle-t-il.C’est une manière de continuer à croire que le monde est fondamentalement bien fait et qu’il existe une cause principale à toutes ses complications. » Cette fixation sur les juifs, et son attention portée aux populations arabo-musulmanes, est finalement la seule différence réelle qui sépare Alain Soral et Éric Zemmour aujourd’hui. Et cette convergence des idées est un signe des temps, selon Philippe Corcuff, maître de conférences en science politique à l’IEP de Lyon, auteur du livre récent Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard (éd. Textuel) : « La montée en puissance de Soral est connectée à une montée plus large en France du néoconservatisme, réactionnaire et homophobe. Sur la question des racismes, ce camp est encore divisé, mais c’est la seule » , estime Corcuff. « Nous sommes dans le contexte de la chute des grandes idéologies, dans un brouillage des repères » , abonde André Déchot, animateur du groupe de travail Extrême droite de la LDH et coauteur de La Galaxie Dieudonné , avec Michel Briganti et Jean-Paul Gautier (éd. Syllepse, 2011). Il s’inquiète de voir « le complotisme gagner du terrain partout, comme le soulignait récemment un article très frappant du Monde, montrant que de nombreux lycéens croient aux "illuminatis" ou aux théories limites sur le 11-Septembre » . De ce terreau, Alain Soral joue habilement. Il multiplie par exemple les allusions complotistes ( pour en lire certaines, reportez-vous à notre florilège de citations). « Il est aussi l'un des rares à proposer une compréhension globale du monde, à en expliquer presque tous les aspects dans une vision générale. C’est une des clés de sa séduction envers un public déboussolé » , constate Aurélien Montagner, le thésard qui analyse son discours. Faillite de la gauche Mais l’homme qui fait le pont entre la gauche et l’extrême droite n’aurait aucun espace s’il ne prospérait pas sur le vide politique prévalant dans les terrains où il s’implante. « Comme Dieudonné, Soral est une conséquence. Ils ne pouvaient pas ne pas arriver : ils sont les produits de la social-démocratie et en même temps l'expression de sa faillite, estime Houria Bouteldja, porte-parole du parti des Indigènes de la République. Ils représentent aussi la défaite de la gauche de la gauche, un échec à faire les bons diagnostics et proposer de vraies solutions, tant aux classes populaires blanches qu'aux descendants d'immigrés post-coloniaux. » Dieudonné et Alain Soral, en 2009 © Reuters - Gonzalo Fuentes Nabil Ennasri constate lui aussi cet échec, et s’alarme du fait que le vote FN, auquel Soral a régulièrement appelé avant de fonder son propre parti, n’est plus tabou chez les musulmans français : « On essaie de dire que ce n’est pas parce que l’on dénonce le PS et l’UMP qu’on peut donner un blanc-seing au FN, qui propose un programme encore pire. Cette stratégie du pire fonctionne dans une communauté qui est depuis des années stigmatisée et se trouve dans une spirale de la frustration, de la rancœur et de la colère. Soral a compris cela, et il essaie de l’utiliser à son avantage. » Le parti des Indigènes de la République doit lui-même faire face à ce constat : alors qu’il s’adresse en partie au même public que Soral, son discours porte beaucoup moins. Pourquoi ? « Parce que nous sommes complexes, et lui simpliste, juge Houria Bouteldja. Parce que nous refusons tout discours démagogique et qu’il s’en nourrit. Parce que nous ne sommes pas intégrationnistes et qu'il l'est dans sa version la plus radicale, parce que nous demandons aux populations post-coloniales de faire une véritable révolution dans leur façon d'appréhender notre territoire politique qui ne s'arrête pas aux frontières de l’État-nation, et que tout cela, c’est difficile à accomplir. » Soral, lui, surfe sur la facilité. « Il joue très bien du sentiment victimaire, très présent chez certains jeunes musulmans, mais pas seulement eux : il récupère systématiquement les polémiques clivantes, qui créent des déçus, des révoltés, et sait très bien déployer des références issues de leur monde culturel » , analyse Fateh Kimouche, fondateur du site Al-Kanz. Le catalyseur du mariage pour tous Il faut ajouter à ces séductions toute l'attractivité de la paire Soral-Dieudonné, « devenue pour une large partie de la jeunesse de banlieue la figure de la résistance face au système » , souligne Ennasri. « Les deux font des vidéos et parcourent ensemble la France et les quartiers pour dire “nous sommes la véritable dissidence”, et ils tapent dans du beurre. » Ils sont aujourd'hui vus par beaucoup comme étant les seuls à oser une parole véritablement radicale. Le meilleur exemple de la façon dont l’homme fort d’E&R et l’ex-humoriste surfent sur les sujets clivants est à chercher du côté de leur opposition au mariage pour tous. La théorie soralienne était formulée en novembre 2012 de façon saisissante : « Pour que les satanistes de notre oligarchie puissent nous dominer intégralement, il faut qu’ils détruisent tout, c’est-à-dire le peuple et la civilisation, assénait-il sans ciller. Et la légalisation du mariage homosexuel est une destruction d’une des structures de base de la civilisation. » En faisant référence au « satanisme » , comme cela arrive régulièrement dans ses interventions, Soral fait du pied aux catholiques traditionalistes, acteurs classiques des oppositions aux réformes sociétales, mais aussi à une partie du public de culture musulmane, pour qui « le diable est présent quotidiennement, par exemple dans des invocations ou des prières régulières » , indique Fateh Kimouche. Mais le discours touche bien plus loin. En effet, explique le sociologue Éric Marlière, auteur de La France nous a lâchés et bon connaisseur des quartiers populaires, « dans une frange de la population où la culture ouvrière est encore forte, le virilisme, la place de l'homme dans la société, est encore un moteur important » .Cette culture, « alliée à la présence importante de la religion – l'islam mais aussi l'émergence rapide des églises évangéliques » , y fait de l'opposition au mariage pour tous « un combat partagé par beaucoup ». Le cas Farida Belghoul Au premier rang de ces alliés de circonstance, il y a eu pendant très longtemps Farida Belghoul. Porte-parole de la marche antiraciste « Convergence » de 1984, à qui Mediapart a consacré un long portrait, elle est apparue aux côtés de Soral lors d’une conférence en juin 2013, et partage ses convictions, y compris sur le caractère « sataniste » du mariage pour tous. Dans le prolongement de cette alliance étonnante avec l’extrême droite catholique (elle a été plusieurs fois invitée sur Radio Courtoisie, ou dans une réunion organisée par des associations catholiques de droite), Belghoul est aussi devenue l’égérie des Journées de retrait de l’école (JRE), censée combattre la « théorie du genre » , qui n’existe pas mais que les socialistes sont censés vouloir faire enseigner à l’école. Farida Belghoul Elle a même réussi à faire militer à ses côtés Ennasri, opposé au mariage pour tous et à la pseudo-« théorie du genre », malgré leurs divergences de vue sur Soral. « Si on laisse ce terrain-là à Soral, il aura un boulevard de prédication, justifie-t-il. La communauté que je côtoie est ultraconservatrice, et comme sur la question palestinienne, il a pu capter une partie de l’audience. » Mi-octobre, Belghoul et Soral ont finalement rompu, après la publication sur le site d'E&R d’un étrange communiqué annonçant le départ de plusieurs militants de l’association fondée par la militante des JRE. Dans la vidéo où elle acte sa rupture en s’en prenant longuement à Alain Soral, Belghoul raconte aussi (à partir de 50'30), comment leur partenariat s’est noué, notamment autour d’une détestation commune de la façon dont le PS a traité les jeunes d’origine maghrébine pendant des années. « Avant leur rupture, Farida Belghoul a été un produit d'appel de Soral, une véritable aubaine comme l’est encore Dieudonné, dit Houria Bouteldja, qui a écrit un long texte (ici et là) pour attaquer ses positions. Elle voue une haine viscérale (et justifiée) au PS depuis qu’il a récupéré le mouvement lancé par la marche de l’égalité de 1983, en créant SOS-Racisme. Elle fait porter le chapeau à l’UEJF mais à mon sens de manière caricaturale, ce qui convient parfaitement à la lecture complotiste de Soral. L'antiracisme moral et dépolitisé n'est pas réductible au rôle des sionistes. Et en même temps, elle a une très forte volonté d’intégration, me semble-t-il, d'où son rapprochement avec les milieux cathos. Elle était de ce point de vue une personnalité idéale pour Soral. » Ce combat contre le mariage pour tous sert d’ailleurs une autre cause qui tient à cœur à Soral, et constitue une constante de ses discours depuis plus de quinze ans : la lutte contre l’affirmation de l’homosexualité, mais aussi contre le féminisme. Soral ne tolère pas qu’on remette en cause le sexisme et la position dominante de l’homme hétérosexuel dans la société. Un trait qu’on retrouve dans ses textes, empreints de virilisme et ouvertement homophobes (il lie régulièrement homosexualité et pédophilie), et souvent méprisants pour les femmes, surtout si elles se piquent de penser. Il en fera notamment la démonstration le 17 janvier 2011 lors de son apparition sur le plateau de Ce soir ou jamais face à la militante du Front de gauche Clémentine Autain. « Aucune mouvance n’est à ce point masculine, dominée par les hommes, hiérarchiquement et numériquement , juge Pierre Tevanian, pour qui le masculinisme est central dans la vision du monde de Soral. Chez les sympathisants d’Égalité & Réconciliation, qu’ils soient petits ou grands, blancs, musulmans, arabes ou noirs, ce qui fait le lien, le point commun, c’est la question de l’émancipation des femmes, toujours vécue comme un problème. » « Soral me paraît être un des résistants à l'Union européenne » Masculinisme, complotisme, conflit israélo-palestinien, auxquels il faut ajouter le « survivalisme », cette théorie défendue par Piero San Giorgio, ami suisse de Soral qui prévoit un effondrement imminent de la civilisation (excellemment présenté dans cet article de Gauchebdo )… Le côté auberge espagnole de l’argumentaire aurait de quoi laisser nombre de sympathisants sur le bord de la route. Comment Soral s’y prend-il pour les maintenir unis ? En fait, tous les observateurs s’accordent pour dire que ses sympathisants n’adhèrent pas en bloc à tous les pans d’un discours particulièrement mouvant et protéiforme, et sans doute conçu pour toucher différents publics en même temps. « Son côté judéophobe n’attire peut-être pas plus de 20 % des jeunes de banlieue, mais il est surtout vu comme un contestataire et un excellent agitateur, avec un côté Robin des bois. En revanche, le côté patriote fonctionne beaucoup moins bien » , estime ainsi le sociologue Éric Marlière. « Le propre de la parole de Soral, c’est qu’elle va très vite et qu’elle est pleine de digressions , complète Aurélien Montagner. Automatiquement, les gens qui l’écoutent font le tri et ne retiennent que les thèmes qui les concernent ou les convainquent le plus. » « Je n’ai jamais pris ce qu’il dit au pied de la lettre , témoigne en effet Achille, l’adhérent d’E&R. Moi, comme tous les sympathisants que je connais, nous allons presque systématiquement vérifier ce qu’il avance, et nous ne retenons pas tout. » Pour autant, faut-il considérer le phénomène Soral comme un épiphénomène, peu décisif dans le climat actuel ? « C’est ce que j’entends parfois dans mon propre camp politique, ou dans mon univers universitaire , s’inquiète Pierre Tevanian. On explique que ni Soral ni Dieudonné ne sont au pouvoir, qu’ils n’ont pas l’appareil d’État avec eux et qu’ils ne sont plus invités dans les médias. Bref, qu’ils ne sont pas un vrai danger, contrairement aux gouvernements qui se succèdent. » C’est exactement la position d’Étienne Chouard. Professeur de lycée qui s’est fait connaître d'un large public d'internautes en 2005 grâce à ses analyses rigoureuses sur les enjeux du traité constitutionnel européen, Chouard a aujourd'hui poussé son analyse jusqu’à promouvoir une assemblée constituante, la fin des élections et la mise en place du tirage au sort pour nommer les représentants politiques. Depuis plusieurs années, il est pris à parti un peu partout sur le Net parce qu’il accepte de côtoyer Soral et qu’il ne l’a pas classé sur la liste des infréquentables. Il s’en expliquait encore tout récemment, suppliant d’arrêter « de nous fabriquer des diables » . Interrogé par Mediapart, il développe presque mot pour mot les arguments cités par Tevanian. Il indique d’abord que « comme j'ai peur de me tromper, comme Descartes, j'écoute tout le monde » . Il souligne avoir « bien compris que Soral n'est pas démocrate » et être « très effrayé par le racisme » . Pour autant, « dans l'urgence que je sens aujourd'hui, cela reste second, on a besoin de priorités » , assure-t-il. « Il me semble que les maltraitances des communautés, les Noirs, les femmes, les juifs, les homosexuels, dont je ne renie absolument pas la lutte, c’est second par rapport à la domination de plus en plus totale d’une toute petite classe, des un pour mille, sur toute la population, explique-t-il. Quand je vois que les banquiers ont pris le contrôle des États-Unis, qu'il y a tant de gens de Goldman Sachs dans l'équipe d'Obama, à la direction de la Banque centrale et même de l'Union européenne (qui s'est construite de manière totalement antidémocratique), je suis beaucoup plus terrifié par cela. Je trouve cela premier. Et Soral me paraît être un des résistants à l'Union européenne. » Une hiérarchisation des problèmes qui ne manque pas de faire sursauter Philippe Corcuff, dont le livre clame justement que « la gauche est dans le brouillard » face à Soral et consorts. « Ces néoconservateurs, toujours en guerre contre le “politiquement incorrect” et les “tabous”, sont de faux rebelles, mais ils sont en train de voler la critique sociale aux gens de gauche , s’alarme-t-il. Le problème, c’est que leur critique n’inclut pas du tout un horizon émancipateur : elle annonce une révolution conservatrice. Et la gauche ne s’en aperçoit même pas . » Débutée il y a plusieurs semaines, cette enquête sur le phénomène Soral se décline en plusieurs volets sur Mediapart. Nous avons estimé collectivement que le sujet valait une étude approfondie (avant même que nous ne révélions que Soral et Dieudonné lançaient un parti politique ensemble). Les interviews ont été réalisées au cours du mois d'octobre et des premiers jours de novembre. Contactés à plusieurs reprises par mail par Mediapart pour cette enquête, ni Alain Soral, ni les autres responsables d'Égalité & Réconciliation n'ont répondu à nos demandes pour organiser un entretien. Le seul adhérent à E&R à nous avoir répondu est Achille, cité dans l'article, qui nous a demandé de modifier son prénom pour que son adhésion ne lui pose pas de problème professionnel.
Edité le 17-11-2014 à 15:07:27 par Xuan |
| | Posté le 25-11-2014 à 23:42:48
| Soral, Zemmour, Finkielkraut, Michéa et Lordon...épinglés par Corcuff Corcuff fait dans cette vidéo de 30’ des observations intéressantes sur Soral, Zemmour, Finkielkraut, Michéa et Lordon. Corcuff distingue chacun d’entre eux tout en soulignant ce qui les rapproche : l’émergence d’un courant de pensée réactionnaire, généré par l’échec de la social-démocratie et son rejet du peuple, qui dénonce l’alliance du PS et de l’idéologie libérale afin de restaurer des conceptions chauvines et fascistes. Il n’est pas habituel de voir rapprocher Michéa et Lordon entre eux, et encore moins des premiers, et ils ne sont pas volontairement responsables de la publicité que leur fait Soral sur son site, mais cette réclame inattendue n'est pas pour autant l'hommage du vice à la vertu. La critique de Corcuff sur la façon dont Lordon conçoit la sortie de L’Europe met en relief son chauvinisme. Michéa très inspiré par Orwell (lui aussi) critique le progrès qu’il associe unilatéralement au capitalisme, à la licence sociétale et au dictat intellectuel des bobos. Le flou de ses théories et son rejet formel du marxisme-léninisme laissent le champ libre à l’idéologie réactionnaire déguisée en bon sens et décence populaire qu'il illustre par quelques exemples mais se garde bien de définir. Par la négative, ces différentes positions peuvent nous aider à définir notre propre stratégie, à rectifier ce qui manque de clarté dans notre propre programme, et nous adresser aux plus larges masses en partant de leurs propres besoins matériels opposés aux profits capitalistes. |
| | Posté le 14-04-2015 à 17:04:37
| http://lesmaterialistes.com/contre-informations/rouges-bruns-mythe-trotskyste-social-democrate |
| | Posté le 14-04-2015 à 23:37:52
| Tu aurais pu citer l'article du PCMLM dans les grandes largeurs et étaler la somme d’âneries qu’il contient, accusant par exemple le PCMLF d’avoir « soutenu le shah d'Iran, la légion française sautant à Kolwezy, le nucléaire français » … Le fond de l’article est que la notion de rouge-brun entretiendrait une confusion sur la nature fasciste d’un Soral par exemple. "Il ne faut pas utiliser l'expression « rouges-bruns » car cela contribue à la confusion" , au motif que : "les libéraux mais également les fascistes ont tout intérêt à diffuser la conception comme quoi « les extrêmes se rejoignent », les premiers pour renforcer l'idée que le changement c'est le chaos, les seconds pour s'approprier la sympathie des masses pour les révolutionnaires." Tout ce qui précède dans le sujet sur les rouge-bruns démontre exactement l’inverse et ne laisse aucune ambiguïté sur la nature et les objectifs de ces idéologues. La notion de rouge-brun s’applique aux courants fascistes qui utilisent le langage de gauche, les mots d’ordre de gauche et les revendications de gauche (marxistes, maos, révolutionnaires, etc.) pour duper les masse et se propulser au pouvoir. Le fil « Gattaz – Le Pen : un malentendu » éclaire la démagogie du programme FN, comparé par Gattaz au Programme Commun et qualifié de mélenchonien par JM Le Pen. Naturellement ce masque tombe dès qu’ils atteignent leur but, et il nous appartient de les démasquer avant. L’article avance cette définition complètement fantaisiste : « Est un fasciste celui ou celle qui soutient pour une raison ou une autre la nation, l'unité avec la bourgeoisie, le maintien des classes sociales exploiteuses, en affirmant en même temps que c'est le chemin de la libération. » Selon cette définition le PCF dans la résistance était un parti fasciste… Pour les marxistes-léninistes le fascisme est « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier » . On est là un peu loin des spéculations de Gonzalo et Cie sur l’opportunité d’utiliser ou pas la notion de rouge-brun. On lit par ailleurs sur le site du PCMLM : "Le FN : le parti des monopoles" C'est faux, les monopoles n'ont pas choisi actuellement le FN. Les critiques de Gattaz l'illustrent clairement. Dans l'édito du 5 avril : ...cette fois, nous y sommes dans ces « années 1930 »...Anarchistes et trotskystes forment par contre une cinquième colonne au service de la réaction : ils rejettent le Front populaire, ils nient les contradictions au sein de la bourgeoisie, ils assimilent Marine Le Pen à Manuel Valls ou Nicolas Sarkozy, ils sèment la confusion idéologique. Ils ne sauraient être des alliés objectifs au soulèvement populaire contre le fascisme : n'ont-ils pas d'ailleurs rejeté en bloc l'esprit Charlie ? Il serait intéressant d'approfondir ce que le PCMLM entend par ces contradictions au sein de la bourgeoisie , de quel Front Populaire antifasciste s'agit-il, et ce que signifie n'ont-ils pas d'ailleurs rejeté en bloc l'esprit Charlie ? Egalement les articles délirants sur la manifestation du 11 janvier entièrement instrumentalisée par la grande bourgeoisie, où le PCMLM voit un "caractère authentique de l'expression des masses contre la logique de l'extermination et le racisme" , ajoutant sans rire "Ceci est tellement vrai qu'il y a même un impact républicain bourgeois voire progressiste dans la police et la gendarmerie" . Merci quand même pour ta trouvaille marquetalia, ç'aurait été dommage de rater ça.
Edité le 15-04-2015 à 00:15:14 par Xuan |
| | Posté le 24-03-2016 à 19:06:57
| Un texte de Frédéric Monville sur le glissement (pas si exceptionnel dans l'histoire) du trotskisme au fascisme et à l'anticommunisme Après les femmes voilées sur les affiches électorales, le NPA flirte avec Egalité et Réconciliation Je n’ai pas l’habitude de commenter les faits et gestes de ladite association « Egalité et Réconciliation ». Relever une provocation c’est l’amplifier. Du reste, il n’est pas nécessaire de rendre compte d’un phénomène politique qui n’a rien de nouveau. C’est un objet volant – bien bas – et identifié depuis longtemps : alliant la fibre pseudo-sociale, corporativiste, des nationalistes au « socialisme des imbéciles » qu’est devenu, au XIXe siècle, l’antisémitisme prenant la suite de l’antijudaïsme chrétien. La jonction s’est faite au moins depuis le boulangisme. Au fond, il s’agit toujours du dévoiement ad nauseam de deux idées nées et ancrées dans la gauche révolutionnaire, la nation et le socialisme, « privatisées » par telle ou telle communauté contre une autre : au choix ou en même temps les fameux « quatre Etats confédérés » chers à Charles Maurras, protestants, juifs, « métèques » et francs-maçons. La division en communautés permettant ainsi de perpétuer la division en classes et le statu quo social. Le fédéralisme anti-jacobin fait office d’ultima ratio à ce dépeçage de la République. Ce que la droite extrême a toujours appelé la « gueuse » sert ainsi, avec les Lumières, de repoussoir systématique ; enfin, la nation est toujours utilisée contre une autre, ce qui constitue précisément un déni de nation, à rebours de l’inter-nationalisme prolétarien. Tout ce dispositif idéologique assure en fin de compte la continuité contre-révolutionnaire de ces courants et fait la jonction entre la droite ultra venue de l’Ancien régime et la soif de conquêtes de la bourgeoisie du « stade suprême du capitalisme ». A ce propos, l’anti-impérialiste conséquent Michel Collon, amalgamé de façon grotesque par Mme Caroline Fourest, à cette engeance, avait d’ailleurs bien raison de préciser récemment sur Radio Campus Lille, que « Le Pen ou Soral » représentent toujours, quelque grotesques que soient leurs gesticulations, une « solution de rechange » pour le capitalisme en crise. Quoi qu’il en soit, cette stratégie contre-révolutionnaire a besoin de cautions de gauche, elle se nourrit même de cela. La référence obligée d’EetR au « cercle Proudhon », marécage qui servait à l’époque de sas de l’extrême gauche vers l’Action française, est ainsi symptomatique. On peut observer chez ces gens-là les mêmes détournements idéologiques et manipulations grossières dans le « ni droite ni gauche » : mutatis mutandis hier Georges Sorel aujourd’hui Michel Clouscard. Dans les deux cas, au cercle Proudhon comme à EetR, deux marxistes reconnus ont fait l’objet de provocations analogues. Dans les deux cas, des disciples dévoyés ont essayé d’embrigader leur maître à titre posthume dans leurs menées réactionnaires. Hier un représentant typique de l’anarcho-syndicalisme, aujourd’hui un penseur compagnon de route emblématique du PCF de l’après-guerre. Certes, comparaison n’est pas raison. Georges Sorel était sans doute beaucoup plus confus, brouillon, ambigu, comme Lénine l’a montré, que l’auteur du Capitalisme de la déduction , mais rappelons que ni l’un ni l’autre n’ont accepté de « servir la soupe » à cette classique stratégie de l’amalgame. Georges Sorel, quoi qu’on puisse lui reprocher et notamment à propos de son anti-jacobinisme, a refusé l’Union sacrée en 1914 et salué chaleureusement la révolution d’Octobre. Il n’a jamais, quoi qu’aient pu dire des disciples comme Jean Variot, y compris en manipulant ses propos post mortem, soutenu Mussolini et la Marche sur Rome. On peut se référer avec profit au premier numéro des Cahiers Georges Sorel , datant de 1983 et notamment à l’article de Michel Charzat « Georges Sorel et le fascisme. Eléments d’explication d’une légende tenace » (en ligne sur http://www.persee.fr/doc/mcm_0755-8287_1983_num_1_1_862) Domenico Losurdo, dans La Non-violence, une histoire démystifiée , que je m’honore d’avoir publiée, a parfaitement raison de pointer, en étayant ce que Sartre disait dans sa préface à Fanon, le colonialisme de Sorel, lequel est condamnable mais était malheureusement, avant Lénine, très répandu à gauche (même Rosa Luxemburg n’est pas exempte de tout reproche à cet endroit). Certes, le dossier Sorel est complexe, l’auteur des Réflexions sur la violence n’est pas pour nous une référence, mais la manipulation fut bien patente. Quant à Michel Clouscard, là aucune confusion possible : ses prises de position marxistes-léninistes sans ambiguïté sont connues et reprises partout, jusqu’à expressis verbis son « Le Pen est aux antipodes de ma pensée » paru dans L’Huma . Bref, tout cela est bien connu et n’a rien de nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que ce genre de manipulations trouve preneur, à la faveur d’une acculturation politique accrue de la jeunesse, encouragée par l’idéologie dominante. En l’occurrence, il est révélateur qu’un jeune militant du NPA (nous tairons son nom par charité ) soit venu, toute honte bue, « dialoguer » avec le cercle Proudhon redivivus à l’occasion d’une conférence tenue à Nice dont la vidéo circule sur internet. Il ne s’agissait pas là d’une « prise de l’ennemi », d’un transfuge de gauche à droite, « doriotisé », comme il y en a tant : ledit jeune militant, malgré les réticences qu’il évoque, affirme avoir eu tout de même l’aval de ses camarades. Je ne suis pas opposé en soi à la confrontation argumentée. Mais que doit-on penser d’un jeune militant NPA qui donne du « camarade » à un Pierre de Brague (M. « cercle Proudhon » chez E et R), lequel évoque la larme à l’oeil le pétainisme et l’Action française? Que penser lorsque le même essaye, avec de bien gros sabots, de communier avec ces hôtes en brocardant d’un air entendu la « censure soviétique » ( sic ) et en reprenant les pires préjugés des Courtois et consorts. A priori , on pouvait attendre que des épigones du trotskisme pussent ne pas considérer le mot « soviétique » comme un absolu repoussoir. Mais notre juvénile besancenotiste proclame, signe des temps au NPA, être moins tenté par le fondateur de l’Armée rouge que par… les anarchistes à la Nestor Makhno! Oui, Makhno et ses bandes, dont Jean-Jacques Marie, historien pourtant reconnu de la mouvance trotskiste, affirmait dans son Histoire de la guerre civile russe , sans trop de difficultés à convaincre, qu’il s’agissait surtout d’un ramassis de brigands. De l’Armée rouge à la bande à Bonnot et compagnie, on tombe décidément bien bas. Et le jeune espoir du NPA d’enfourcher le dada de l’anarcho-syndicalisme trahi par la CGTU (donc sans doute exhaussé par la CGT de Jouhaux, chantre de l’Union sacrée puis de FO, financée, à l’époque de sa fondation, par la CIA?) Le pompom étant constitué par la validation commune (aux deux représentants du NPA et d’EetR) du dogme forgé à « Sciences Po Paris » de l’inexistence d’un fascisme français, les trois droites de René Rémond constituant un schème structural inaltérable. Cela arrange en effet bien du monde, des notables de la rue Saint-Guillaume aux deux poujadismes, le lepéniste comme le besancenotien : il n’y a pas de fascisme, il n’y a que le stalinisme, jugé mal absolu. Et tant mieux si l’on peut faire alliance commune contre l’homme au couteau entre les dents kominternien. Et c’est ainsi qu’on voit implicitement se profiler le sophisme de l’idéologie dominante : « Staline égale Hitler, mais à part Staline, personne ne ressemble à Hitler. Les Croix de feu n’étaient pas fascistes, Pétain n’était pas fasciste, Le Pen n’est pas fasciste. Seul Staline, au fond, était fasciste et même, pourquoi pas, antisémite. » Et peu importe que ce soit l’Armée rouge qui ait libéré Auschwitz et porté l’emblème du mouvement ouvrier sur Berlin… Fermez le ban. Moralité : aujourd’hui comme hier, on voit que c’est l’anticommunisme qui constitue le « shibboleth », le mot de passe de toute l’idéologie dominante. Un front anticommuniste, pétainisto-gauchiste, qui va de la plus folklorique extrême gauche à la plus rance extrême droite, épouse logiquement les contours de la contradiction première et matricielle du mode de production capitaliste : celle entre le capital et le travail. Par Aymeric Monville
Edité le 24-03-2016 à 19:15:37 par Xuan |
| | Posté le 19-06-2016 à 07:03:43
| Chouard l’imposteur [url] https://lepressoir-info.org/spip.php?article306[/url] Vidéos - Extrême droite, fascisme, FN, confusion, l’imposture Etienne Chouard Publié le 23 mai 2016 Sous des airs faussement inoffensifs, Etienne Chouard participe à la confusion ambiante qui pousse de plus en plus de personnes vers l’extrême droite et son idéologie... Vidéos, liens et textes. https://youtu.be/h--SuM1VZXI 2 articles qui proposent de nombreux liens sur l’imposture Chouard (...) Mais, sous ses discours alléchants sur le système démocratique, se cache un idéologue qui n’hésite pas à faire régulièrement la promotion des thèses les plus nauséabondes, y compris négationnistes. Petits éclaircissements et grosse synthèse sur ce spécialiste de la confusion qui réussit à berner beaucoup de monde. Lire tout l’article sur le site rebellyon.info http://rebellyon.info/Alerte-antifasciste-Etienne.html Ce dossier est une synthèse collective sur l’un des confusionnistes qui favorisent la montée du fascisme, réalisée grâce à des informations rassemblées ces dernières semaines dans de nombreux groupes dont Quartiers Libres. Ce dossier a été terminé le 17 mars [2015](...) Lire tout l’article sur le blog Quartier Libres https://quartierslibres.wordpress.com/2015/04/28/il-y-a-aussi-des-personnes-qui-creent-et-profitent-de-la-confusion-le-vrai-visage-detienne-chouard/ |
| | Posté le 29-04-2017 à 00:41:10
| Le terme de "rouge brun"est un terme inventé par les trotskystes,Lo en tête,au milieu des années 90 pour désigner la partie des communistes qui ont pris position en faveur des Serbes contre les Musulmans Bosniaques. |
| | Posté le 29-04-2017 à 16:26:54
| Tu affirmes sans démontrer quoi que ce soit ! Mais ce qui compte c'est de savoir si les rouges-bruns existent ou pas !? Le courant national-révolutionnaire, le national-communisme, le national-bolchévisme existe voir le site : http://nation-communiste.blogspot.fr/ |
| | Posté le 29-04-2017 à 19:51:22
| A l époque il y avait le forum "Réseau Radical" de Christian Bouchet,qui prit plus tard le nom de "Vox nr"-pour Vox populi,vox dei=voix du peuple,voix des Dieux. |
| | Posté le 29-04-2017 à 19:54:10
| Ces individus sont payés par le Front National pour faire tout leur cirque afin de faire encore plus l amalgame entre communisme et fascisme. |
| | Posté le 30-04-2017 à 00:58:55
| Mais non pas "payés" ! Il faudrait se poser davantage de questions. On parle ici d'une dérive idéologique qui affecte des progressistes et des communistes, et les entraîne vers les rivages du fascisme. La cause principale de ces dérives est l'absence de parti communiste, l'abandon et la censure de toute formation matérialiste-dialectique dans le pcf, l'évacuation de son caractère de classe prolétarien. Le FN peut entraîner des communistes vers le chauvinisme bourgeois parce que dans le parti révisionniste lui-même cette dérive s'est déjà manifestée. Soral est un prototype de rouge-bruns. |
|
|
|