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Xuan
La ligne xénophobe de Questiaux avait déjà fait l'objet d'un sujet ici, en 2011 :
l'immmigration à la sauce révisionniste

Je reviens sur la politique de l'Etat français, déjà signalée plus haut :

" Si on met en regard les actes xénophobe des bandes fascistes et la politique migratoire de l'Etat, il ressort qu'au fond celui-ci préserve seulement quelques formes, afin de ne pas se trouver au ban des nations civilisées . Mais au fond le résultat n'est guère différent. Et que Macron invite des danseurs noirs transsexuels ou homos à l'Elysée ne saurait nous abuser. "

Une petite phrase de Castaner lui a valu des félicitations :

"Christophe Castaner a déclaré vendredi que les ONG de sauvetage de migrants« ont pu se faire complices » des passeurs en Méditerranée. Si les propos ont provoqué de vives réactions indignées, de la part des ONG elles-mêmes comme de la gauche, ils ont par contre séduit à droite et même à l’extrême droite.

Le groupuscule d’extrême droite Génération identitaire a exprimé dans un communiqué sa joie de voir le ministre de l’Intérieur leur « donner raison ». Ultime fierté, ils ont même préparé pour Christophe Castaner une carte « d’adhérent d’honneur ». Pas sûr cependant que le Ministre soit flatté de ce cadeau."

source
Xuan
Questiaux se sert de Marx à des fins chauvines et xénophobes.
Il se sert aussi de Mao à contre sens en écrivant "l'oeil du paysan voir juste" .

Evidemment Ma Tsétoung n'a jamais justifié la xénophobie en disant que "l'oeil du paysan voit juste" .
Cette observation illustrait la violence des masses paysannes envers les paysans riches. Dans « sur l’enquête dans le Hounan à propos du mouvement paysans" , Mao écrivait
« Sur ce qu’on appelle les « excès »" :


[…] « La foule fait irruption dans les maisons des despotes locaux et des mauvais hobereaux qui sont contre les unions paysannes; on égorge les cochons, on rafle le grain. Il arrive que les paysans viennent chez les despotes locaux et les mauvais hobereaux et se prélassent un moment sur les lits incrustés d'ivoire de leurs filles et de leurs brus. Ils arrêtent des gens à la moindre occasion, les coiffent de grands bonnets de papier et les promènent à travers le village, en disant:

"Tu sais à présent à qui tu as affaire, sale hobereau'" Les paysans font ce qu'ils veulent. C'est le monde renversé, et une espèce de terreur règne ainsi à la campagne. C'est ce que certains appellent commettre des "excès", "courber en sens inverse aux fins de redresser", "commettre des actes scandaleux" .

En apparence, de tels jugements semblent raisonnables ; en réalité, ils sont tout aussi erronés. En premier lieu, si les paysans ont commis de tels actes, c'est qu'ils ont été poussés à bout par les despotes locaux, les mauvais hobereaux, les propriétaires fonciers coupables de forfaits. Ces gens ont de tout temps usé de leur pouvoir pour tyranniser et écraser les paysans ; c'est pourquoi ceux-ci ont réagi avec tant de force. Les révoltes les plus violentes, les désordres les plus graves se sont invariablement produits là où les despotes locaux, les mauvais hobereaux, et les propriétaires fonciers coupables de forfaits se sont livrés aux pires outrages.

L'œil du paysan voit juste. Les paysans se rendent parfaitement compte si celui-ci est mauvais et si celui-là ne l'est pas, si celui-ci a été particulièrement cruel et si celui-là l'a été moins, s'il faut traiter celui-ci avec rigueur et celui-là avec clémence ; il est rare que le châtiment ne corresponde pas à la faute.

Deuxièmement, la révolution n'est ni un dîner de gala ni une œuvre littéraire, ni un dessin ni une broderie; elle ne peut s'accomplir avec autant d'élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d'amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d'âme. »[…]



Edité le 31-03-2019 à 23:29:24 par Xuan


Finimore
N'oublions pas que la ligne Marchais (soutenu par Questiau) était en fait un abandon complet de l(internationalisme prolétarien (rappelons-nous l'attitude du P"C"F pendant la grève des foyers Sonacotra) et du coup de Vitry (la direction P'C"F envoyant un bulldozer pour casser un foyer d'immigrés) -lire "PCF, immigration, chauvinisme, racisme et « Affaire de Vitry »" page 329 de Deuxième gauche : réformisme et lutte de classe"
http://editions-proletariennes.fr/Actu/dg2liste/verspdf/Deuxieme%20gauche%20Reformisme%20et%20lutte%20de%20classe.pdf
Xuan
Sur « l’éducation » de la classe ouvrière


G. Q. s’étend longuement sur le caractère arriéré des réfugiés, au regard de la conscience de classe.
Il écrit :
« Personne n'a jamais considéré que les dizaines de millions de migrants vers l'Amérique, au XIXème siècle, comme des héros de l'émancipation ouvrière, bien au contraire, c'étaient des candidats à la réussite bourgeoise, que certains, minoritaires mais assez nombreux, purent atteindre au prix de ce déracinement ; et aujourd'hui, cet aspect des choses est demeuré inchangé.
Les migrants ne viennent pas ici pour participer à des luttes sociales mais pour devenir riche. Ils ne s'intègrent au prolétariat qu'après la désillusion sur la nature du paradis que nous leur offrons généreusement, au bout d'un certain temps, parfois jamais. Dans la plupart des cas il est totalement inexact de les définir comme des réfugiés, ce sont plutôt des aventuriers, à l'initiative de leur mise en mouvement, qui ont tenté de prendre leur vie en main en suivant la ligne d'action préconisée par l'idéologie dominante.
Les nouveaux migrants actuels sont bien souvent noirs, ou musulmans, mais au niveau de leur motivations ils ne diffèrent aucunement des juifs, des Irlandais ou des Italiens débarquant à Ellis Island il y a un siècle. »


Personne à l’exception de Marx justement, et dans cette même lettre que G. Q ne cite pas en entier :
« Vous avez, en Amérique, un champ très vaste pour œuvrer dans le même sens. Coalition des ouvriers allemands et irlandais (et, naturellement, des ouvriers anglais et américains qui seraient d’accord), telle est la tâche la plus importante que vous puissiez entreprendre aujourd’hui. C’est ce qu’il faut faire au nom de l’Internationale. Il faut exposer clairement la signification sociale de la question irlandaise »

Mais avant de jeter la pierre à ces aventuriers , on pourrait tout aussi bien parler de la conscience de classe de la jeunesse de notre pays, et même d’une grande partie de la classe ouvrière française, en examinant les résultats des élections professionnelles et le pourcentage de syndiqués.
D’une manière générale le prolétaire vient sur le marché du travail pour gagner sa vie et s’il le peut gagner mieux que son salaire de misère, bien avant d’acquérir une conscience de classe et se convaincre qu’il faut s’organiser face au patronat.
Il est notoire que le mouvement des gilets jaunes est sans parti, souvent hostile aux syndicats.
Mais on pourrait bien se demander d’où vient cette indifférence voire cette hostilité, comme G. Q. qui se « pose des questions sur ces militants de papier mâché qui ne se posent jamais de question sur leurs échecs ; peut être que c'est justement ça qu'ils veulent, l'échec ? » .
Or le rejet de la gauche de la gauche, dans le même sac que celui de la gauche libérale n’a pas d’autre source que la collusion « depuis trente ans » et même bien davantage entre le PCF et la social-démocratie au nom de l’Union de la Gauche, celle-là même initiée par George Marchais.

Concernant les sermons « moralisateurs » contre le racisme et la xénophobie - et on peut observer qu’il n’en a jamais été question ici – ce n’est pas l’idéologie des communistes mais celle de la social-démocratie. Pour les communistes, la lutte contre le racisme et la xénophobie relève des intérêts de classe des prolétariats et non de la morale, l’intérêt de s’unir face à la classe des exploiteurs au lieu de se diviser.
C’est exactement la leçon de Marx dans cette lettre, qui ne craignait pas d’aller à contre-courant des idées fausses spontanées qui existent aussi dans la classe ouvrière. Je rappelle :
"...éveiller dans la classe ouvrière anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition première de leur propre émancipation sociale"

Elle est à l’opposé aussi de cette conclusion de Gilles Questiaux « sur la question de l'immigration c'est la ligne de Georges Marchais qui était juste ! » , si on se souvient du sombre épisode du bulldozer dégageant un foyer d'immigrés à Vitry, à la manière des pelleteuses de Calais. Inutile de préciser à quel point ce comportement indigne écarta le prolétariat immigré du PCF, ruinant les efforts et les sacrifices de générations de communistes pour l'unité des prolétariats français et immigré .

L'ironie de l'histoire, c'est qu'il faut que ce soient les gilets jaunes sans parti et sans éducation politique - ceux qu'on accuse de xénophobie, de racisme ou d'antisémitisme - qui fassent la leçon au communiste Gilles Questiaux en revendiquant :

> Que les causes des migrations forcées soient traitées.
> Que les demandeurs d'asiles soient bien traités. Nous leur devons le logement, la sécurité, l'alimentation ainsi que l'éducation pour les mineurs. Travaillez avec l'onu pour que des camps d'accueil soient ouverts dans de nombreux pays du monde, dans l'attente du résultat de la demande d'asile.
> Fin du travail détaché. Il est anormal qu'une personne qui travaille sur le territoire français ne bénéficie pas du même salaire et des mêmes droits. Toute personne étant autorisée à travailler sur le territoire français doit être à égalité avec un citoyen français et son employeur doit cotiser à la même hauteur qu'un employeur français.



Edité le 17-03-2019 à 18:43:38 par Xuan


Xuan
La mondialisation se divise en deux


La désindustrialisation des métropoles occidentales, (avec tous les drames humains que nous connaissons et leurs conséquences, comme la violence dans les manifestations des gilets jaunes) a pour corollaire l’industrialisation des pays agricoles, c’est-à-dire la formation d’un prolétariat immense sur tous les continents.
Cette industrialisation entraine aussi une concurrence économique avec les anciens empires occidentaux, c’est-à-dire qu’elle participe à l’effondrement des puissances impérialistes sous une forme nouvelle.
Ce mouvement peut être freiné par la subversion et la destruction de nations entières, lorsque les puissances impérialistes s’appuient sur la révolte des peuples du sud contre l’exploitation et la corruption. Les bombardements, le terrorisme et la ruine s’abattent sur ces peuples en plein essor.
Mais ces reculs sont temporaires parce que la mondialisation capitaliste elle-même entraîne son opposé, l’essor des nations émergentes, la multiplication des échanges commerciaux et idéologiques. Ce que Xi Jinping appelle une « communauté de destin » .
Ainsi la route de la soie favorise-t-elle ces échanges, le développement des infrastructures, le développement des classes ouvrières notamment en Afrique.
Et la concurrence des salaires aboutit tôt ou tard à une nouvelle égalisation des salaires, non plus à l’échelle d’une région ou d’un pays, mais à celle des continents.

Il vient que non seulement la fermeture des frontières ne s’oppose nullement à la concurrence des salaires, mais qu’elle s’oppose au progrès des nations opprimées et entretient la concurrence des salaires, parce que celle-ci est mondialisée.


Edité le 17-03-2019 à 18:40:02 par Xuan


Xuan
Sur la concurrence salariale


G. Q. écrit : « On voit clairement dans ce texte que Marx considère que les effets négatifs de l'immigration ne sont pas un fantasme irrationnel de la classe ouvrière, dont il faudrait la purger, mais une menace bien réelle pour le niveau des salaires et pour sa "condition matérielle et intellectuelle" .

Il fait référence à cette phrase de Marx
« l’Irlande fournit sans cesse un excédent de main-d’œuvre au marché du travail anglais et exerce, de la sorte, une pression sur les salaires dans le sens d’une dégradation des conditions matérielles et intellectuelles de la classe ouvrière anglaise. »

Nous avons vu que cette remarque factuelle de Marx n’implique nulle part dans sa lettre un appel à cesser l’immigration, mais au contraire le soutien de la classe ouvrière anglaise à la lutte pour l’indépendance contre l’Empire anglais.
Marx a par ailleurs expliqué la « Concurrence des ouvriers entre eux» dans Travail salarié et Capital – Annexe : Le salaire - et dans le § III - Concurrence des ouvriers entre eux :

a - Suivant une loi économique générale, il ne peut y avoir deux prix du marché . Sur 1 000 ouvriers de même habileté, ce ne sont pas les 950 occupés qui déterminent le salaire, mais les 50 inoccupés. Influence des Irlandais sur la situation des ouvriers anglais et des ouvriers allemands sur la situation des ouvriers alsaciens.
b - Les ouvriers se font concurrence non seulement parce que l'un s'offre à meilleur marché que les autres, mais aussi parce qu'un travaille pour deux.
Avantage de l'ouvrier célibataire sur les ouvriers mariés, etc. Concurrence entre les ouvriers de la campagne et les ouvriers des villes.


Comme on voit, cette concurrence n’est pas limitée à l’immigration, elle apparaît aussi à cause de l’armée de réserve des chômeurs, entre les régions, entre les ouvriers des villes et les immigrés des campagnes, entre les précaires et les CDI, entre étudiants et retraités dans les travaux d'été, etc.
Mais on pourrait tout aussi bien citer les salaires des femmes inférieurs de 20% à ceux des hommes, et la question caricaturale et imbécile pourrait alors se poser : faute de pouvoir jeter les femmes à la mer, faut-il revendiquer leur retour aux fourneaux ?

Un autre aspect doit être pris en compte concernant l’immigration. Si la population française a augmenté de 0,3 % en 2018, une baisse des naissances est constatée pour la quatrième année consécutive. L’indice conjoncturel de fécondité s’établit à 1,87 enfant par femme, c’est-à-dire qu’il est insuffisant pour assurer l’équilibre de la pyramide des âges. Par conséquent, à défaut d’immigration, mais y compris avec le nombre relativement faible de réfugiés dans notre pays, c’est une autre contradiction qui est en train de se nouer : celle entre actifs et retraités.
Autrement dit, autant la diminution de la population salariée favorise la hausse des salaires, autant la diminution des actifs par rapport à la population inactive pèse sur le salaire des actifs.


Concurrence locale et concurrence à distance


L’immigration des campagnes vers les villes, qui a commencé au XIXe siècle et s’est accélérée ensuite, ne constitue elle-même qu’un aspect de la concurrence salariale entre ville et campagne : celui localisé dans les villes entre ouvriers déjà citadins et nouveaux arrivants provinciaux.
Mais cette concurrence s’est aussi effectuée à distance, entre les salaires pratiqués dans les grandes villes et ceux de la province. Malgré la réduction des abattements de zone depuis 1950, un OP2 à Paris touchait encore l’équivalent d’un OQ2 en province à la fin des années 70 .

Il vient que la séparation physique entre ouvriers ne résout en rien le problème de la concurrence salariale.

Ainsi les délocalisations, provoquant la désindustrialisation des pays occidentaux, la ruine et la misère des bassins d’emploi, sont elles aussi une forme de la concurrence salariale.
Le protectionnisme lui-même ne peut constituer un abri sûr contre elle : même la hausse des taxes sur les produits chinois n’a pas empêché le déficit commercial des USA de s’approfondir l’an dernier. Et ceci pour la seule mais décisive raison de la course au profit.
Aucune frontière, de la barrière d’octroi au mur de Trump, ne peut empêcher la concurrence salariale, que la mondialisation a généralisée aujourd’hui à tous les continents.


Edité le 17-03-2019 à 18:33:25 par Xuan


Xuan
Un extrait d’une lettre, datée du 9 avril 1870, que Karl Marx envoie à Siegfried Mayer et August Vogt, socialistes allemands émigrés aux Etats Unis, sur la politique que l’Internationale devait adopter face l’oppression de l’Irlande par la Grande Bretagne.
J'ai mis en gras les passages les plus significatifs. Le commentaire suit


L’Internationale et un pays dépendant, l’Irlande


Je vous enverrai après-demain les papiers sur les affaires internationales dont je dispose. (Il est trop tard aujourd’hui pour la poste.) Je vous enverrai par la suite les autres documents sur le Congrès de Bâle. Dans ce que je vous enverrai, vous trouverez aussi certaines des résolutions prises par le Conseil général le 30 novembre sur l’amnistie irlandaise, dont vous avez entendu parler et que j’ai préparées, ainsi qu’un pamphlet irlandais sur le traitement des Fenians emprisonnés.

J’ai l’intention de préparer d’autres résolutions sur la nécessité de transformer l’actuelle Union (qui asservit l’Irlande) en une fédération libre et égale avec la Grande-Bretagne. Pour l’heure, les choses restent en suspens pour ce qui est des résolutions publiques, en raison de mon absence prolongée au Conseil général. Aucun autre membre ne possède la connaissance nécessaire des affaires irlandaises et une autorité suffisante auprès des membres anglais du Conseil général pour pouvoir me remplacer.

Cependant, je n’ai pas été inactif durant ce temps, et je vous demande de lire ce qui suit avec la plus grande attention :
Après que je me suis préoccupé, durant de longues années, de la question irlandaise, j’en suis venu à la conclusion que le coup décisif contre les classes dominantes anglaises (et il sera décisif pour le mouvement ouvrier du monde entier) ne peut pas être porté en Angleterre, mais seulement en Irlande.
Le 1er janvier 1870, j’ai préparé pour le Conseil général une circulaire confidentielle en français (car ce sont les publications françaises, et non allemandes, qui ont le plus d’effet sur les Anglais) à propos du rapport entre la lutte nationale irlandaise et l’émancipation de la classe ouvrière, c’est-à-dire de la position que l’Internationale devrait adopter sur la question irlandaise.

Je vous en donne ici très brièvement les points essentiels :
L’Irlande est la citadelle de l’aristocratie foncière anglaise. L’exploitation de ce pays ne constitue pas seulement l’une des sources principales de sa richesse matérielle, en même temps que sa plus grande force morale. De fait, elle représente la domination de l’Angleterre sur l’Irlande. L’Irlande est donc le grand moyen grâce auquel l’aristocratie anglaise maintient sa domination en Angleterre même.

D’autre part, si demain l’armée et la police anglaises se retiraient d’Irlande, nous aurions immédiatement une révolution agraire en Irlande. Le renversement de l’aristocratie anglaise en Irlande aurait pour conséquence nécessaire son renversement en Angleterre, de sorte que nous aurions les conditions préalables à une révolution prolétarienne en Angleterre. La destruction de l’aristocratie foncière est une opération infiniment plus facile à réaliser en Irlande qu’en Angleterre, parce que la question agraire a été jusqu’ici, en Irlande, la seule forme qu’ait revêtu la question sociale, parce qu’il s’agit d’une question d’existence même, de vie ou de mort, pour l’immense majorité du peuple irlandais, et aussi parce qu’elle est inséparable de la question nationale. Tout cela abstraction faite du caractère plus passionné et plus révolutionnaire des Irlandais que des Anglais.

En ce qui concerne la bourgeoisie anglaise, elle a d’abord un intérêt en commun avec l’aristocratie anglaise : transformer l’Irlande en un simple pâturage fournissant au marché anglais de la viande et de la laine au prix le plus bas possible. Elle a le même intérêt à réduire la population irlandaise soit en l’expropriant, soit en l’obligeant à s’expatrier à un nombre si petit que le capital fermier anglais puisse fonctionner en toute sécurité dans ce pays. Elle a le même intérêt à vider la terre irlandaise de ses habitants qu’elle en avait à vider les districts agricoles d’Écosse et d’Angleterre. Il ne faut pas négliger non plus les 6 à 10 000 livres sterling qui s’écoulent chaque année vers Londres comme rentes des propriétaires qui n’habitent pas leurs terres, ou comme autres revenus irlandais.

Mais la bourgeoisie anglaise a encore d’autres intérêts, bien plus considérables, au maintien de l’économie irlandaise dans son état actuel.
En raison de la concentration toujours plus grande des exploitations agricoles, l’Irlande fournit sans cesse un excédent de main-d’œuvre au marché du travail anglais et exerce, de la sorte, une pression sur les salaires dans le sens d’une dégradation des conditions matérielles et intellectuelles de la classe ouvrière anglaise.

Ce qui est primordial, c’est que chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande.

Cet antagonisme est artificiellement entretenu et développé par la presse, le clergé et les revues satiriques, bref par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C’est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente.

Mais le mal ne s’arrête pas là. Il passe l’Océan. L’antagonisme entre Anglais et Irlandais est la base cachée du conflit entre les États-Unis et l’Angleterre. Il exclut toute coopération franche et sérieuse entre les classes ouvrières de ces deux pays. Il permet aux gouvernements des deux pays de désamorcer les conflits sociaux en agitant la menace de l’autre et, si besoin est, en déclarant la guerre.

Étant la métropole du capital et dominant jusqu’ici le marché mondial, l’Angleterre est pour l’heure le pays le plus important pour la révolution ouvrière ; qui plus est, c’est le seul où les conditions matérielles de cette révolution soient développées jusqu’à un certain degré de maturité. En conséquence, la principale raison d’être de l’Association internationale des travailleurs est de hâter le déclenchement de la révolution sociale en Angleterre. La seule façon d’accélérer ce processus, c’est de rendre l’Irlande indépendante.

La tâche de l’Internationale est donc en toute occasion de mettre au premier plan le conflit entre l’Angleterre et l’Irlande, et de prendre partout ouvertement parti pour l’Irlande. Le Conseil central à Londres doit s’attacher tout particulièrement à éveiller dans la classe ouvrière anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition première de leur propre émancipation sociale.



Tels sont en gros les points essentiels de la circulaire qui expliquait les raisons d’être des résolutions du Conseil central sur l’amnistie irlandaise. Peu de temps après, j’envoyai à L’Internationale, organe de notre comité central de Bruxelles, un article anonyme très violent contre Gladstone sur le traitement que subissent les Fenians de la part des Anglais. J’y accusai, entre autres, les républicains français (La Marseillaise avait publié des sottises sur l’Irlande, écrites par le misérable Talandier) d’économiser, par une sorte d’égoïsme national, toute leur colère pour l’Empire.
Cela produisit son effet : ma fille Jenny écrivit toute une série d’articles pour La Marseillaise sous la signature de J. Williams (nom sous lequel elle s’était dans sa lettre présentée au comité de rédaction) et publia, entre autres choses, la lettre de O’Donavan Rossa. Tout cela fit grand bruit.
Après avoir refusé cyniquement pendant plusieurs années d’intervenir, Gladstone a finalement été contraint d’accepter une enquête parlementaire sur le traitement réservé aux prisonniers fenians. Jenny est maintenant le correspondant régulier de La Marseillaise pour les affaires irlandaises (cela soit dit entre nous sous le sceau du secret). Le gouvernement et la presse britanniques enragent de voir que la question irlandaise soit ainsi passée au premier plan de l’actualité en France, de sorte que ces canailles sont maintenant exposées aux regards et à la critique de tout le continent par le truchement de Paris.
Nous avons fait d’une pierre deux coups : nous avons ainsi obligé les dirigeants, journalistes, etc., irlandais de Dublin à entrer en contact avec nous, ce que le Conseil général n’avait jamais pu obtenir jusqu’ici.
Vous avez, en Amérique, un champ très vaste pour œuvrer dans le même sens. Coalition des ouvriers allemands et irlandais (et, naturellement, des ouvriers anglais et américains qui seraient d’accord), telle est la tâche la plus importante que vous puissiez entreprendre aujourd’hui. C’est ce qu’il faut faire au nom de l’Internationale. Il faut exposer clairement la signification sociale de la question irlandaise.
À la prochaine occasion, je vous ferai parvenir des précisions sur la situation des ouvriers anglais. Salut et fraternité.


___________________________




Marx ne s'en tient pas à la simple constatation de la concurrence et de la division générées par l'immigration irlandaise. Il ne se contente pas d'observer les sentiments hostiles entre les deux classes ouvrières pour en conclure qu'il faudrait s'opposer à cette immigration.

Au contraire, et c'est en cela que réside son génie, fondé sur une étude dialectique des faits, il s'appuie sur la réalité de l'oppression du peuple irlandais pour en déduire sa révolte inévitable et son caractère révolutionnaire.
Ce qui est remarquable dans le texte de Marx est le lien qu'il établit entre ce que nous appellerions aujourd'hui la révolution contre le féodalisme et le colonialisme en Irlande, et la révolution prolétarienne en Angleterre.

Marx exprime ce lien ainsi : "Le Conseil central à Londres doit s’attacher tout particulièrement à éveiller dans la classe ouvrière anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition première de leur propre émancipation sociale"
Ce faisant, il va à contre-courant des sentiments spontanément hostiles du prolétariat anglais, qui ne voit pas juste pour le coup.

Ceci préfigure la ligne élaborée par tout le mouvement communiste international sur la question coloniale et nationale, ligne défendue par Lénine et par Staline. Mao Tsé-toung la définit très clairement aussi dans "De la démocratie nouvelle" :

"Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu'ils soient conscients ou non de ce que nous venons d'exposer, qu'ils le comprennent ou non, il suffit qu'ils s'opposent à l'impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu'ils en soient les alliés.»
[Mao Tsé-toung - La démocratie nouvelle - janvier 1940 - IV. La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale]

Quelle conclusion en tire Gilles Questiaux ?
"Il n'en argumente pas pour demander l'expulsion des immigrés irlandais, ce que Marx préconise, à tort ou à raison, c'est l'indépendance de l'Irlande pour faire cesser les migrations vers l'Angleterre. "

Il est surprenant que G. Q. " professeur d'histoire, membre du PCF et du SNES" exprime des réserves sur l'indépendance de l'Irlande préconisée " à tort ou à raison..." par Marx.
Quand on sait la contribution inestimable apportée à la révolution prolétarienne mondiale par les luttes d'indépendance du XXe siècle, luttes qui se poursuivent aujourd'hui sous la forme de l'indépendance économique et financière contre l'impérialisme et l'hégémonisme US en particulier, les réserves de G. Q. montrent qu'il n'en a absolument pas pris la mesure.

Mais le plus grave n'est pas là :

C'est une contre-vérité manifeste, que G. Q. n'étaie d'ailleurs d'aucune preuve :
nulle part dans sa lettre Marx ne préconise l'indépendance de l'Irlande "pour faire cesser les migrations vers l'Angleterre."


Il la préconise pour "hâter le déclenchement de la révolution sociale en Angleterre" , parce que "L’Irlande est donc le grand moyen grâce auquel l’aristocratie anglaise maintient sa domination en Angleterre même" , et parce qu'une telle indépendance briserait la citadelle de l’aristocratie foncière anglaise .

L'utilisation que fait G. Q. du texte de Marx n'est pas seulement un contre-sens, elle est frauduleuse.

Naturellement nous n'allons pas en rester à la question irlandaise, différente des migrations actuelles.
La question de la concurrence des salaires ne peut pas être simplement mise sous le tapis au nom de la révolution dans les pays opprimés, nous y reviendrons.


Edité le 16-03-2019 à 22:56:42 par Xuan


Xuan
Rappelons pour commencer les causes de cette migration et les conditions dans lesquelles elle se déroule, la politique réactionnaire de la bourgeoisie française envers elle et ses relations avec les bandes fascistes.

Le rejet des réfugiés


Nous sommes déjà intervenus sur la question des réfugiés, en dénonçant par exemple « l’incroyable cynisme envers les migrants syriens ».
Il s’agissait alors d’expulsions à Calais. Nous disions alors que « l'impérialisme français est un des principaux responsables du flux migratoire en provenance des pays frappés par la subversion terroriste, pour avoir lui-même détruit l'Etat libyen et fomenté la subversion terroriste en Syrie » .
Depuis, ce cynisme ne s’est pas démenti, bien au contraire. Le gouvernement français s’est directement opposé à l’arrivée des réfugiés fuyant la terreur des bandes islamistes, dont Fabius disait « Ils font du bon boulot Al-Nosra » .

Plus récemment nous avions publié ce communiqué de l’ICOR où on lit : « Lors du sommet de Bruxelles des 27 et 28 juin, les États impérialistes de l’UE se sont mis d’accord sur un durcissement ultra-réactionnaire et raciste de la politique à l'égard des réfugiés, ce qui équivaut à une dissolution du droit d'asile. Même avant cela, la Méditerranée est devenue une fosse commune pour des milliers de réfugiés. Pendant leur réunion récente les chefs de gouvernement sont parvenus à un arrangement sur des camps d'internement fermés, de préférence en Afrique du Nord. À l'instigation de l'UE, de tels camps existent déjà en Libye, où la traite des êtres humains, les mauvais traitements et le viol sont à l'ordre du jour. Le corps de garde-frontières FRONTEX doit être porté à 10 000 hommes. L'armement militaire des gouvernements réactionnaires du Niger et du Tchad est censé intercepter les réfugiés bien au large de la côte méditerranéenne et beaucoup d'entre eux périssent dans le désert. Cette politique inhumaine s'accompagne d'une agitation raciste de partis fascisants, d'extrême droite contre les réfugiés. Ce faisant, ils détournent l'attention des responsables des flux de réfugiés : le système impérialiste mondial, les sociétés internationales qui pillent les matières premières et la main-d'œuvre de l'Afrique ou qui sont les principaux responsables du développement de la catastrophe environnementale mondiale » .

Sans se départir de sa mine démocratique ni rencontrer d'opposition bien ferme, le gouvernement français a pratiqué une politique comparable au mur de Trump face aux migrants mexicains.

Ceux qui aident les réfugiés, y compris en leur procurant un emploi légal, sont pourchassés par la police et les tribunaux, accusés d’être des passeurs sans scrupules ou des négriers.
La France a déployé tout son arsenal administratif pour empêcher l’accostage de l’Aquarius, tout en s’arrogeant le droit de donner des leçons aux pays méditerranéens où les migrations sont les plus directes et importantes.

Le nombre de "non-admissions" s'est en effet élevé en 2017 à 85.408, contre 63.845 refus d'entrée en 2016, soit une hausse de plus de 34%. La grande majorité de ces migrants sont refoulés à la frontière franco-italienne, dont 44.433 pour le seul département des Alpes-Maritimes où les migrants tentent de gagner la France en passant par Vintimille .JDD

L’hypocrisie et l’égoïsme des pays occidentaux figurent parmi des éléments qui ont conduit la Turquie à s’éloigner de l’OTAN. l’Italie montrée du doigt par Macron a commencé à persifler sur la répression des gilets jaunes, sur les ingérences françaises au Venezuela, et les relations diplomatiques avec un des pays fondateurs de l’Europe se sont dégradées au point que Paris a rappelé son ambassadeur le 7 février.
Puis afin de recoller les morceaux, Macron signait le 4 mars une tribune où il préconisait de relancer l’espace de Schengen, en étendant la notion de souveraineté à l’Europe, c’est-à-dire la fermeture des frontières européennes aux réfugiés.
« Nous proposerons à nos partenaires de renforcer le corps de police des frontières européen, en lui donnant une capacité de surveillance et de protection durables des frontières extérieures. L'objectif est de 5 000 hommes mobilisables par la nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes » .

Et sur ce terrain-là, Annegret Kramp-Karrenbauer, dirigeante du parti conservateur allemand CDU et dauphine d'Angela Merkel ne l’a pas contredit "Pour nous sentir en sécurité en Europe, nous avons besoin de frontières extérieures plus sûres" . [post du 10/03/2019 sur le fil « l’Europe, maillon faible de l’impérialisme » .]

On constate que les principales puissances impérialistes européennes se retrouvent sur ce sujet épineux, alors que dans un premier temps l'Allemagne avait ouvert ses portes aux réfugiés, afin de combler un sérieux déficit démographique.

L'Economiste du 09/07/2015 écrivait ainsi :
"Avec 670 000 naissances par ans et 870"000 décès, le pays connaît un déficit de natalité de 200 000 habitants par an" et "Le recours aux populations du Sud de l'Europe semble pouvoir être une solution au moins partielle de court terme à ce problème structurel."



Ce recours n'était donc nullement une main secourable, mais une opération très intéressée, visant aussi à baisser les salaires par la hausse de la population active et par la concurrence salariale exercée par des populations particulièrement fragiles.

Manifestation de xénophobie


Or les réactions xénophobes en Allemagne ont déferlé et mis en danger le gouvernement Merkel.
Dans une moindre mesure - mais le nombre de réfugiés était beaucoup plus réduit - le FN et les groupes fascistes français ont poussé des cris d'orfraie en annonçant des aides mirobolantes aux réfugiés - évidemment des chiffres mensongers - supérieures aux retraites des vieux, .
Des maires effrayés par tant de bruit ou complaisants ont refusé d'accueillir ici ou là une ou deux familles, prétextant des troubles.
D'autres groupes comme Génération Identitaire se sont physiquement opposés à leur entrée en bloquant le col de l'Echelle dans les Alpes. Leur porte-parole Romain Espino déclarant "veiller à ce qu'aucun ne puisse rentrer en France" .


Si on met en regard les actes xénophobe des bandes fascistes et la politique migratoire de l'Etat, il ressort qu'au fond celui-ci préserve seulement quelques formes, afin de ne pas se trouver au ban des nations civilisées . Mais au fond le résultat n'est guère différent. Et que Macron invite des danseurs noirs transsexuels ou homos à l'Elysée ne saurait nous abuser.

Il est donc faux d'affirmer que "les grands frères [de la grande bourgeoisie] ont peur de manquer d'esclave" , comme l'affirme Gilles Questiaux.
Les faits montrent qu'ils font tout pour les empêcher d'entrer, et y compris lorsqu'il s'agit d'immigrés instruits et qualifiés.

Notons cependant qu'avec des motifs très différents, apparemment tout-à-fait honorables , et sous des formes plus humaines, Gilles Questiaux aboutit exactement au même résultat.


Nous allons reprendre le remarquable texte de Marx, dont G. Questiaux extrait un passage. Mais pour en mesurer la portée quasi prophétique, il faut le citer dans ses grandes longueurs.


Edité le 17-03-2019 à 18:26:40 par Xuan


Xuan
Les communistes et la question des réfugiés

à propos de l’article de Gilles Questiaux :

« La gauche doit proposer une politique d'arrêt des migrations
pour retrouver la confiance de la classe ouvrière »



Je reprends ci-dessous cet article, ainsi que celui faisant référence à Marx sur la question irlandaise, tous deux mis en ligne sur le blog Réveil Communiste.
La critique de cette ligne fera suite.


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« La gauche doit proposer une politique d'arrêt des migrations pour retrouver la confiance de la classe ouvrière »

Par Gilles Questiaux

Un honorable commentateur d'un texte de Marx ici publié sur Réveil Communiste vient de m'accuser de m'abriter derrière cette autorité pour propager un discours xénophobe.
Je commence à en avoir assez de ce genre d'amalgames provenant de communistes dont le communisme se borne à produire des grandes phrases. Marx énonce une constatation : l’immigration irlandaise en Angleterre est nuisible à la classe ouvrière des deux pays, et à sa cause. Et rien ne peut la rendre fausse !

Rapproché du contexte actuel, cela donne à penser. Pourquoi en effet les prolétaires sont-ils tentés depuis plus d'une génération par le vote xénophobe, ou au moins par le non-vote pour les organisations « de gauche de gauche » qui prétendent les représenter mais sont qui sont toutes bien davantage mobilisées pour la cause des migrants ?
Au mieux cette cause leur est indifférente, et souvent ils y sont hostiles. On dira que les prolétaires sont aliénés et qu'il faut les éduquer. Et on s'attelle à cette tâche depuis trente ans, avec un résultat quasi-nul ! Alors il faut se poser des questions sur l'échec total de ces tentatives d'éducation ! Moi, je me pose des questions sur ces militants de papier mâché qui ne se posent jamais de question sur leurs échecs ; peut être que c'est justement ça qu'ils veulent, l'échec ?

Mao disait : « l'œil du peuple voit juste » ! Les classes populaires ont-elles raison de s’opposer aux migrations ? Sachant que ce n'est pas la même chose que s’opposer « aux immigrés », et que cette nuance de taille n'est pas du tout une subtilité de langage !

Les migrants, nouveaux arrivants, ne sont pas des prolétaires encore : si pauvres soient-ils, ils sont encore dans les limbes de l'ordre social, dans la situation ouverte de ceux qui rêvent en individualistes de promotion sociale individuelle. Personne n'a jamais considéré que les dizaines de millions de migrants vers l'Amérique, au XIXème siècle, comme des héros de l'émancipation ouvrière, bien au contraire, c'étaient des candidats à la réussite bourgeoise, que certains, minoritaires mais assez nombreux, purent atteindre au prix de ce déracinement ; et aujourd'hui, cet aspect des choses est demeuré inchangé.
Les migrants ne viennent pas ici pour participer à des luttes sociales mais pour devenir riche. Ils ne s'intègrent au prolétariat qu'après la désillusion sur la nature du paradis que nous leur offrons généreusement, au bout d'un certain temps, parfois jamais. Dans la plupart des cas il est totalement inexact de les définir comme des réfugiés, ce sont plutôt des aventuriers, à l'initiative de leur mise en mouvement, qui ont tenté de prendre leur vie en main en suivant la ligne d'action préconisée par l'idéologie dominante.
Les nouveaux migrants actuels sont bien souvent noirs, ou musulmans, mais au niveau de leur motivations ils ne diffèrent aucunement des juifs, des Irlandais ou des Italiens débarquant à Ellis Island il y a un siècle. Critiquer les migrations, ce n'est donc nullement critiquer « des noirs et des musulmans », mais c'est une critique indispensable du trafic de main d'œuvre dans le monde globalisé du néo-libéralisme, qui manipule les rêves de l’ascension sociale et de la richesse diffusés par nos médias bourgeois à l'échelle du monde.

Le racisme n'est pas une cause des phénomènes historiques ! Il est causé par les conditions sociales ; lorsque l'on peut faire coïncider l’aggravation de la condition du prolétariat avec l'arrivée d'un groupe ethnique fortement différencié de la majorité autochtone, la croissance du racisme est inévitable, et les sermons moralisateurs ne serviront à rien pour l'empêcher, au contraire, ils aboutiront au rebours des bonnes intentions à stigmatiser encore plus noirs et musulmans.
La petite bourgeoise d'extrême gauche fait inconsciemment ce que fait cyniquement Emmanuel Macron quand il feint de prendre la défense des juifs, des homosexuels, des étrangers, contre la "foule haineuse" des Gilets Jaunes pour s'en servir comme paratonnerre en détournant sur eux la colère populaire !

La représentation misérabiliste des migrants à l'extrême gauche est parfaitement complémentaire de la faim de main d’œuvre exploitable du capital. Les petits frères « antifas » de la grande bourgeoisie affichent dans les rues de Belleville « Bienvenue au migrants » parce que les grands frères ont peur de manquer d'esclaves.

L'extrême droite exploite le rejet populaire des migrations depuis les années 70 ; elle demandait l'expulsion des immigrés, et notamment des immigrés noirs et musulmans déjà intégrés. Son discours à cet égard est du registre des tactiques de longue durée de la bourgeoisie qui ont toujours eu pour objectif d'opposer les prolétaires entre eux. L'importation d'un prolétariat surexploité sert aussi cet objectif.
Mais souvent l'extrême droite a recruté précisément dans les milieux, comme les DRH et la maîtrise de l'industrie automobile, qui géraient ce prolétariat. L'extrême droite est contre les immigrés, et pour les migrations. Et c'est logique : rien de tel qu'une nouvelle migration pour fragiliser la condition de la vague précédente, et en poursuivre la sur-exploitation !

La gauche, si elle veut être de gauche en réalité et non en paroles doit défendre la classe ouvrière, sans distinction ethnique, et pour cela elle doit aussi demander l'arrêt des migrations. Elle doit demander que les passagers de l'Aquarius soient secourus, puis renvoyés dans leur pays d'origine, dans le cas où il n'est pas en guerre, ce qui est le cas de la grande majorité d'entre eux. Et tant pis pour le narcissisme moral gauchiste. Car sur la question de l'immigration c'est la ligne de Georges Marchais qui était juste !

Le 27 janvier 2019

SOURCE :
http://www.reveilcommuniste.fr/2019/01/la-gauche-doit-proposer-une-politique-d-arret-des-migrations-pour-renouer-avec-la-classe-ouvriere.html

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Quand Karl Marx dénonce les effets dévastateurs de l'immigration sur la classe ouvrière (1870)


8 Mars 2019 , Rédigé par Réveil Communiste




Extrait de la lettre de Karl Marx à Siegfried Meyer et August Vogt, du 9 avril 1870. Le sens général de la lettre est de convaincre les membres de l'Internationale de lutter pour l'indépendance de l'Irlande. Mais on y trouve aussi ce passage particulièrement clairvoyant sur le rôle que les classes dirigeantes anglaises font jouer à l'immigration irlandaise en Angleterre pour appauvrir et diviser la classe ouvrière, qu'elle soit britannique ou irlandaise.

(...)
Mais la bourgeoisie anglaise a encore d’autres intérêts, bien plus considérables, au maintien de l’économie irlandaise dans son état actuel.
En raison de la concentration toujours plus grande des exploitations agricoles, l’Irlande fournit sans cesse un excédent de main-d’œuvre au marché du travail anglais et exerce, de la sorte, une pression sur les salaires dans le sens d’une dégradation des conditions matérielles et intellectuelles de la classe ouvrière anglaise.

Ce qui est primordial, c’est que chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les blancs pauvres vis-à-vis des nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande.

Cet antagonisme est artificiellement entretenu et développé par la presse, le clergé et les revues satiriques, bref par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C’est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente.
(...)


Tout y est, même "les revues satiriques"! Le fait de constater que l'antagonisme entre prolétaires provoqué par l'immigration est une carte maîtresse de la bourgeoisie et même "le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste" ne signifie pas qu'il faille encourager les préjugés contre les immigrants (ou leurs préjugés contre les autochtones) ou prêcher leur renvoi dans leur pays d'origine, bien au contraire, mais signifie bel et bien qu'il faut au minimum revendiquer le contrôle et le ralentissement de l'immigration si l'on veut être entendu de la classe ouvrière dans son ensemble, y compris de celle qui est issue de l'immigration, parce que le même jeu reprendra dans la suite de l'histoire britannique avec les Antillais, les Pakistanais, les Polonais, etc., les immigrants d'hier devenant les autochtones d'aujourd'hui. Par ailleurs on voit clairement dans ce texte que Marx considère que les effets négatifs de l'immigration ne sont pas un fantasme irrationnel de la classe ouvrière, dont il faudrait la purger, mais une menace bien réelle pour le niveau des salaires et pour sa "condition matérielle et intellectuelle". Il n'en argumente pas pour demander l'expulsion des immigrés irlandais, ce que Marx préconise, à tort ou à raison, c'est l'indépendance de l'Irlande pour faire cesser les migrations vers l'Angleterre.

Aujourd'hui comme hier, la bourgeoisie travaille à diviser les classes populaires en deux camps hostiles qui s'expriment aux deux extrêmes de l'échiquier politique. Les forces qui prétendent les représenter doivent demander la limitation de toute nouvelle immigration, non pour exclure les immigrés déjà présents, mais justement pour les intégrer réellement là où ils sont "accueillis", dans le prolétariat.

RC n'est pas "anti-immigrationniste" de principes, mais considère que la question doit être franchement posée sur la table dans toute discussion préparatoire à un programme politique destiné aux classes populaires. Sinon, la gauche électorale continuera à s'éloigner du prolétariat réel, pour ne plus représenter qu'une fraction intellectuelle de la bourgeoisie, petite et grande.

ndgq, 30 novembre 2018

Source : http://www.reveilcommuniste.fr/2018/12/karl-marx-denonce-les-effets-ravageurs-de-l-immigration-sur-la-classe-ouvriere-1870.html


Edité le 16-03-2019 à 14:52:14 par Xuan


 
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