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 Friot : la révolution en couveuse

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Xuan
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   Posté le 16-11-2015 à 21:11:05   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Je publie ici une série d'articles issus d'un débat sur les thèses de Friot. Ces thèses avaient connu un regain d'intérêt lors de la lutte contre la réforme des retraites, mais elles avaient déjà inspiré la direction de la CGT et Maryse Dumas dans la définition du nouveau statut du travail salarié.
La Voix des Communistes, organe du ROCML avait déjà publié deux articles sur le nouveau satut du travail salarié en 2009 et en 2010.


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La voix des communistes n°2 décembre 2009


LE NOUVEAU STATUT DU TRAVAIL SALARIE UN PROJET ILLUSOIRE DE CAPITALISME A VISAGE HUMAIN


Mis en chantier en 1997, présenté au 47 ème Congrès en 2003, adopté par le 48 Congrès en 2006, le NSTS est devenu la revendication phare de la direction actuelle de la CGT, le centre de sa doctrine sociale.

Qu’est-ce que le NSTS ?
Maryse Dumas, l’une des porteuses de cette orientation expose comme suit ses principaux objectifs : « Alors que la plupart des projets portent sur le moment de la rupture (du contrat de travail ndlr), l’ambition de la CGT est de construire de la continuité, de la progressivité. C’est pourquoi notre ambition première est de conquérir un ensemble de droits qui reconnaissent la place centrale du travail humain, son caractère non marchand (les passages en « gras » sont soulignés par nous), qui permettent à chacune et à chacun de trouver sa place dans une société solidaire , d’y construire un projet de vie. Cela ne diminue en rien notre volonté d’intervenir sur les questions économiques et de gestion visant au co-développement. Mais nous voulons compléter cette intervention économique par des conquêtes sociales pour les salariés leur permettant de faire reculer l’exploitation, l’aliénation. Il s’agit d’une vision aussi importante que celle qui a conduit aux conventions collectives ou de la sécurité sociale. (…)

Pourquoi cette nouvelle « ambition » ? Maryse Dumas l’explique ensuite :
Les conventions collectives (…) ne permettent plus aujourd’hui de protéger véritablement ème les salariés des risques que les politiques managériales visent à transférer du capital sur le travail. Elles peinent à assurer une progression de carrière, de salaires, de protection sociale et de prévoyance à tous les salariés et en particulier aux plus fragiles et aux plus mobiles. De plus, dans le droit social actuel, c’est la nature de l’employeur qui détermine le volume des droits des salariés. La politique des groupes visant à externaliser, filialiser, sous-traiter leurs activités conduit à ce que la majorité des salariés travaillent aujourd’hui dans des entreprises de moins de 50 salariés avec des droits très inférieurs à ceux des grandes entreprises. Les inégalités se creusent, les mises en concurrence s’exacerbent. La proposition de la CGT vise à construire de la solidarité à la place de la mise en concurrence, à fédérer des attentes revendicatives alors que tout pousse à l’éclatement, à l’atomisation. C’est pourquoi notre proposition ne se limite pas à créer un statut pour les sans statuts. Nous voulons faire reconnaître la place spécifique du travail pour tous les salariés et garantir à chacune et à chacun des droits progressifs, cumulables et transférables et à mesure des mobilités, des évolutions de carrière et de salaires, tout au long de la vie professionnelle . (…)

Maryse Dumas précise ensuite ces droits :
Quels sont ces droits ? : Le droit à l’emploi, le contrat à temps plein à durée indéterminée ou l’emploi statutaire doit être la règle d’embauche. Le droit à une carrière :
Tout salarié devrait au moins avoir doublé, à l’âge de la retraite, son salaire d’entrée dans la vie professionnelle.
Il devrait être assuré de la progression d’au moins un niveau de qualification en faisant jouer soit la formation continue soit la VAE. Le droit à la formation continue : au moins 10% du temps (160 heures par an ou 4 ans sur une carrière) pour une formation au choix du salarié rémunérée et considérée comme du temps de travail.
Elle sera d’autant plus efficace qu’elle sera mise en œuvre tout au long de la vie et pas seulement au moment de la rupture qui provoque une fragilisation psychologique des salariés.
Le droit à une sécurité sociale professionnelle : prolongation du contrat de travail même en cas de fermeture d’entreprise ou de suppression d’emploi.
Le droit à la vie privée : maîtrise de leurs horaires de travail par les salariés.
Le droit à la santé, à la retraite, à la démocratie sociale.
Le but de cette proposition est de permettre la construction de droits sociaux et salariaux qui ne soient plus conditionnés à l’entreprise ou à la branche professionnelle. Elle implique donc une évolution du lien de subordination. Elle offre un cadre pour une mobilité choisie, à l’avantage du salarié, de sa progression professionnelle, de sa liberté d’action.


Bernard Friot, un sociologue de l’IES admirateur du NSTS, complète la perspective : Les droits à détacher de l’emploi tenu pour en faire des droits attachés à la personne sont donc considérables (…) Tout se passe comme si chacun était titulaire d’un contrat de travail général qu’il conservera jusqu’à sa mort.
Ce contrat de travail général sera la matrice de ses emplois successifs et des périodes d’études avant le premier emploi, de retraite après le dernier emploi, de formation entre les emplois.
La qualification évoluera selon les épreuves passées par le salarié, avec un effet de cliquet : attaché à la personne, le niveau de qualification acquis ne peut pas être réduit par la suite, ni le salaire qui lui est lié.
Avec le salaire lié à la qualification à vie, c’est bien le « caractère non marchand » du travail, et donc l’existence d’un « marché du travail » et d’une marchandise « force de travail » qui sont en jeu.


A n’en pas douter, le NSTS constitue un produit miracle présenté aux travailleurs comme la solution à toutes leurs difficultés. On croit rêver ! Plus de chômage, une qualification et un salaire lié à cette qualification assurés et en progression durant toute la vie…disparition des rapports capital/travail liés à la nature même du capitalisme… Ainsi, sans le dire, l’application du NSTS ferait disparaître les fléaux sociaux du capitalisme, ce système se trouvant lui-même métamorphosé voire dépassé sans rupture.

Le NSTS n’est en fait qu’une reprise actualisée de l’utopie ou du mensonge réformiste qui ne résiste pas à l’analyse concrète.
Prenons par exemple l’objectif d’un salariat assuré sur toute la vie de l’individu (1):
Le NSTS est une revendication dans le cadre du maintien du mode production capitaliste (nulle part il n’est dit qu’il fallait en sortir).
Or, dans ce système, le capital se valorise par la plus-value qui représente la différence entre la valeur des marchandises produites par l’ouvrier et le salaire qui lui est versé comme prix de sa force de travail.
Jamais un capitaliste ne paiera en continu une force de travail (même baptisée « qualification » ) si celle-ci ne se matérialise pas dans la production de marchandises dont la vente réalisera la plus-value !
Quel capitaliste acceptera d’intégrer dans son personnel un jeune sorti de l’école avec une qualification et de lui verser un salaire correspondant à cette qualification, s’il n’a pas de poste de travail à lui donner ?
A moins que ce salaire improductif ne soit fourni par les travailleurs productifs (sur leurs salaires et l’intensification du travail) ?!
On objectera que l’Etat a les moyens de collecter sous forme d’impôts sur les profits des entreprises les fonds nécessaires pour les redistribuer à chaque « qualifié » sans emploi, en formation ou en attente d’une embauche.
Il faut être sérieux et répondre à la question : Comment la CGT compte-t-elle contraindre les capitalistes et l’Etat bourgeois à accepter cela alors qu’elle a échoué sur tous les plans dans les luttes contre les licenciements, les fermetures d’entreprise, les délocalisations et pour les droits des chômeurs ?
Mais peut-être y a-t-il des points du NSTS négociables entre la Confédération et le MEDEF ?
La formation, par exemple. Le patronat en effet a besoin de flexibilité et de qualifications prêtes à l’emploi.

Thibaut et son équipe auraient grand besoin d’une « victoire » à faire valoir à ses adhérents. Bien que la CGT n’ait pas signé l’accord de janvier 2008 sur la « modernisation du marché du travail », et quoi qu’en pense Bernard Friot, il n’y a pas de fossé infranchissable entre la sécurisation des parcours professionnels, la flexicurité à la française, et la sécurité sociale professionnelle prônée par la CGT.
Il est toujours possible de relancer des négociations et de trouver un compromis présenté comme un pas en avant sans que rien ni personne n’empêchera de toute façon les patrons d’utiliser la formation réclamée par la CGT pour dynamiser le marché du travail et satisfaire ses besoins. Devant son bilan calamiteux, la direction confédérale n’a maintenant plus d’autre recours que de vendre du rêve et des « victoires » en trompe-l’œil à ses adhérents.
La réalité des rapports sociaux capitalistes continuera, elle, à s’appliquer dans la réalité :
la force de travail sera toujours une marchandise, quelle que soit la nature de l’entreprise, et même si les salariés des entreprises et des services publics ont (jusque quand encore ?) des statuts protecteurs que n’ont pas ceux du privé. Le salaire restera le prix de la force de travail, le marché du travail et la concurrence sur ce marché demeureront dans les faits.

Si bien que l’orientation du NSTS devient proprement une utopie : elle suppose la fin du capitalisme sans en exiger l’abolition. Elle suppose que sans changer le rapport capital/travail on puisse extraire comme par enchantement le travailleur de sa situation de soumission au capital.
Elle entretient donc une grave confusion entre ce qu’il est possible d’arracher au sein même du système et ce qu’il est souhaitable d’obtenir en brisant le système sans d’ailleurs jamais exiger qu’il soit brisé.
C’est pourquoi elle aboutit au mieux à être complètement extérieure aux luttes et aux revendications, et au pire à accompagner les politiques publiques visant à fluidifier le marché du travail, marché qui est bel et bien là, et qui sera toujours là tant qu’existera le capital.

Citons Marx, tout de même ! : « Cette transaction qui se situe dans la sphère de la circulation –la vente et l’achat de la force de travail- n’inaugure pas seulement le procès de production, mais en détermine implicitement le caractère. » Le Capital, livre deuxième, troisième section, les conditions réelles du processus de circulation et de reproduction.


(1) Nous examinerons dans un prochain article de La Voix Des Communistes d’autres aspects du NSTS comme la notion des droits attachés à la personne et non plus à l’emploi tenu, la relégation des conventions collectives et leurs liens avec la disparition des concepts de classe et de lutte de classes.


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La voix des communistes n°3 juillet 2010

NOUVEAU STATUT DU TRAVAIL SALARIE (2) : NEGATION DE LA CLASSE OUVRIERE ET DE LA LUTTE DE CLASSE


Dans le numéro 2 de LA VOIX DES COMMUNISTES, nous avons montré que le NSTS (Nouveau Statut du Travail Salarié), concept au centre du projet de la CGT, n’est rien d’autre qu’une illusion réformiste destinée à détourner le prolétariat de la révolution socialiste.

Dans ce deuxième article, nous mettons en lumière un autre aspect de ce projet : sa négation du caractère de classe du prolétariat et en conséquence de ses luttes en tant que luttes de classe. Voilà quelques extraits de l’intervention de Maryse Dumas, l’une des dirigeantes de la confédération CGT, le 5 janvier 2007 au Conseil d’Orientation et de l’Emploi (COE) :
« Notre ambition première est de conquérir un ensemble de droits qui reconnaissent la place centrale du travail humain, son caractère non marchand, qui permettrait à CHACUN et CHACUNE (souligné par nous) de trouver sa place dans une société solidaire, d’y construire un projet de vie…
Les conventions collectives ne permettent plus aujourd’hui de protéger véritablement les salariés… Nous voulons faire reconnaître la place spécifique du travail pour tous les salariés et garantir à CHACUN et CHACUNE (encore souligné par nous ; elle y tient !) des droits progressifs, cumulables et transférables au fur et à mesure des mobilités, des évolutions de carrière, tout au long de la vie professionnelle »


Bernard Friot, un chercheur de l’IES se laisse aller à rêver : « Tout se passe comme si CHACUN était titulaire d’un contrat de travail général jusqu’à sa mort » Seuls des théoriciens bourgeois ou des renégats du marxisme peuvent tenir un tel discours.
Le marché du travail est en effet un fondement du mode de production capitaliste. Sur ce marché, comme sur tout marché, s’effectuent la vente et l’achat d’une marchandise. Sur le marché du travail, la marchandise c’est la force de travail du prolétaire. Le capitaliste achète la force de travail que le prolétaire vend. Le salaire de l’ouvrier est le prix de sa force de travail.
L’ouvrier vend sa force de travail parce qu’il a besoin d’un salaire pour assurer ses moyens d’existence et ceux de sa famille, pour reconstituer sa force de travail. Le capitaliste, lui, achète la force de travail de l’ouvrier pour que celui-ci fabrique des marchandises dont la vente lui permettra de réaliser un profit. La journée de travail de l’ouvrier se divise en deux partie : dans la première, il produit la valeur de son salaire, dans la seconde il produit la plus-value, le profit empoché par le patron. Plus le salaire de l’ouvrier est bas et plus le temps de travail est long, plus l’ouvrier est exploité, et plus le profit du patron est important. Les intérêts de l’ouvrier et ceux du patron sont par nature opposés. Tous les patrons ont les mêmes intérêts, et tous les ouvriers ont les mêmes intérêts.

Leurs intérêts sont objectivement opposés. C’est la base objective de l’existence des classes (classe ouvrière et classe capitaliste) et de la lutte des classes. Par son expérience quotidienne de l’exploitation, chaque ouvrier découvre que ses intérêts personnels sont les mêmes que ceux de ses camarades d’exploitation et sont ceux de l’ensemble des travailleurs. C’est dans la lutte pour défendre collectivement leurs intérêts face au patronat que les ouvriers se constituent en classe.
La devise « un pour tous, tous pour un ! » exprime la nécessité de ce combat collectif autour duquel se construit l’esprit de classe qui rend possible la prise de conscience qu’il est nécessaire et possible de détruire les rapports d’exploitation, c’est-à-dire le système capitaliste lui-même. C’est ici que se situe la sale besogne des dirigeants néo-réformistes de la CGT qui ont rejeté l’objectif de détruire le capitalisme et d ‘’abolir le salariat.

Il leur faut coûte que coûte entraver la formation de la conscience de classe et les luttes frontales et générales contre le patronat et son pouvoir politique qui créent et renforcent cette conscience.
Car ils savent, et ils en ont peur : c’est de ces luttes et de cette conscience de classe que peut naître, sous l’action des communistes, la compréhension de la nécessité de la révolution.
Le « Nouveau Statut du Travail Salarié » fait partie de leur tentative de briser la lutte de classe en orientant les militants syndicaux vers l’illusion qu’il est possible, sous le capitalisme (ou sans le renverser, c’est la même chose), que chaque travailleur, individuellement, ( CHACUN et CHACUNE ! ) pourrait se libérer de la nature marchande de sa force de travail et des conséquences de cette nature marchande.
En d’autres termes, avec le NSTS, comme s’en réjouit Bernard Friot, « tout se passe comme si CHACUN était titulaire d’un contrat de travail jusqu’à sa mort. » …et n’aurait plus de souci à se faire…ni à lutter donc ! Finies les luttes de classe, vive la paix sociale ! En agitant cette canaillerie, la direction de la CGT vise à masquer un fondement du système capitaliste (le marché du travail), et à enfermer les travailleurs dans la sphère de l’illusion individuelle (la fin du travail marchandise, du chômage, de la précarité, des baisses de revenus…). Cela revient à nier l’existence même de la lutte de classes et de la classe ouvrière elle-même.
En niant l’importance des conventions collectives qui servent de point d’appui aux luttes contre les attaques du patronat, en mettant l’individu au centre de la « démarche syndicale » à la place de la lutte de classe, en détruisant les structures syndicales nécessaires à la lutte de classe, les dirigeants de la CGT installent délibérément la confédération dans l’espace social et idéologique de la bourgeoisie.
Les communistes et les syndicalistes de classe anticapitalistes doivent dénoncer le « NSTS » dans leurs syndicats et auprès de leurs camarades de travail.


Edité le 17-11-2015 à 00:11:28 par Xuan




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FRIOT : LA REVOLUTION EN COUVEUSE



Sur la réforme des retraites


Chacun se souvient de la lutte contre la réforme des retraites en 2010, de la large mobilisation des masses et de l’échec cuisant qui la suivit.
La réforme a repoussé l’âge du départ, augmenté les anuités, enterré le départ anticipé pour travaux pénibles sous des débats byzantins autour du compte personnel de prévention de la pénibilité , etc.
Le mouvement d’opposition à la réforme des retraites d’E. Woerth a pris fin d’une part lors de l’intervention de Thibault à la TV assurant qu’il ne voulait pas « bloquer le pays » , et d’autre part avec l’espoir entretenu par la direction du PCF et de la CGT que le PS sauverait la retraite à 60 ans, alors qu’il ne s’était nullement engagé à revenir sur l’allongement des annuités de cotisations.
Friot met en cause le désarroi et le découragement, la démobilisation bien visible dans les cortèges revendicatifs purement réformistes et geignards demandant « un meilleur partage des richesses » : « Quant est-ce qu’on va arrêter de dire des conneries ? »
Mais il ne remet nullement en question le soutien ininterrompu depuis 1965 aux politiciens réactionnaires, atlantistes et anti communistes du PS, baptisés « forces de gauche » en étouffant toute critique qualifiée de « gauchiste » et « faisant le jeu de la droite » .
D’après lui c’est la base qui est responsable :

« …je me pose en faux contre l’idée que ce sont les directions syndicales qui ont mené à l’échec la mobilisation de 2010… Nous avons des directions à notre mesure.
Chaque organisation a des dirigeants qui reflètent globalement l’organisation.
« Et s’il y a eu échec de 2010 c’est précisément parce que nous avons en 2010 le résultat de 30 ans d’affaiblissement idéologique de la base syndicale. Qu’il y ait des responsabilités de la direction bien sûr, mais c’est du côté de la base qu’il y a problème »
. [Friot-Nikonoff - l’emploi face au salariat]

Friot dit également que le capital «… a repris la main au cours des années 80 depuis que le PS et la CFDT sont venus à son secours » :
« Avant quand il y avait une dynamique anticapitaliste partagée par toute la gauche et par la majorité du monde syndical, le capital a perdu la main. Le moment décisif où le capital reprend la main c’est lorsqu’il réussit à faire passer de son côté avec des gens qui ont été décisifs, Michel Rocard et la seconde gauche, Pierre Rosenvallon chez les intellectuels, François Furet, Jacques Delors, toute cette nébuleuse-là Piketty aujourd’hui.
Lorsqu’il a réussi à faire des alliés – et aujourd’hui c’est éclatant ça s’est construit progressivement – chez une partie de ceux qui jusqu’ici avaient soutenu une alternative à la production capitaliste de la valeur, soutenue du bout des dents, ce sont des socialistes qui ont éliminé les communistes en 47. Mais on peut dire qu’il y avait une relative cohérence qui a complètement sauté depuis 30 ans, dans tous les pays de l ‘Europe Occidentale. »
[Emanciper le travail]

Aujourd’hui encore Friot parle de « logique anticapitaliste» et d’une « relative cohérence », alors que la dynamique anticapitaliste ne doit rien à Mitterrand, toujours cohérent avec le capital, c’est-à-dire qu’il n’a tiré aucune leçon de la promotion électoraliste de cet aventurier et de son successeur aujourd’hui .

Selon Friot la cause de ce recul et de ces échecs est ailleurs, dans « la lecture de 45 » :
« Cette lecture de 45 qu’il s’agisse de la fonction publique ou de la sécu suppose que le travail productif se fait dans la sphère capitaliste marchande et qu’en 45 on a été capable d’imposer au capital qu’une partie de ce qui est produit dans la sphère capitaliste aille non plus au profit mais aux salaires. On a donc obtenu une meilleure répartition de la valeur capitaliste au détriment du capital et à l’avantage des salaires, et que s’agissant des salaires les gains de productivité des entreprises capitalistes ont permis d’assurer du non marchand d’une part et des prestations de sécurité sociale d’autre part.
Cette lecture est absolument désastreuse et c’est la notre.
C’est ce qui nous rend aujourd’hui incapables de prolonger ce que Croizat et Thorez.
Si nous voulons retrouver la dynamique qui a conduit à la sécu et à la fonction publique, les promouvoir face aux attaques des réformateurs (MEDEF, UMP, FN, PS, CFDT)
Si face aux coups de boutoir des réformateurs qui s’attaquent à la fonction publique et à la sécu nous continuons à lire les services publics et la sécu comme une solidarité rendue possible par un rapport de force défavorable au patronat et par des gains de productivité d’autre part, nous sommes foutus. Et nous le sommes.
Comment sortir de l’impasse ?
Sortir d’une solidarité capitaliste de ceux qui ont vers ceux qui n’ont pas laissons ça à la charité ; celle du mouvement ouvrier c’est la coresponsabilité. Passer de la vision charitable ou catho à une vision révolutionnaire de la solidarité. »
[Emanciper le travail]


Edité le 22-11-2015 à 18:05:13 par Xuan




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Le travail des retraités


De quelle vision charitable s’agit-il ?
Selon Friot « Si on dit les retraités ont des pensions qui relèvent de la solidarité intergénérationnelle eh bien nous disons donc que la cotisation vieillesse c’est une charge. » C’est d’après lui la cause de l’échec de la lutte contre les réformes et il faut « Sortir d’une solidarité capitaliste de ceux qui ont vers ceux qui n’ont pas » .
Friot invente ici une solidarité intergénérationnelle qui n’existe que dans le credo du syndicat jaune CFDT et nullement dans les rangs des manifestants de 2010. Les pensions n’ont rien à voir avec la charité mais relèvent de la défense du salaire face au capital.

Les retraites comprennent plusieurs aspects.
D’une part c’est une partie du salaire des actifs « A » qui est prélevée et dont l’équivalent pondéré leur sera versée ensuite à la retraite.
D’autre part ce prélèvement est consommé instantanément pour d’autres salariés « B » déjà à la retraite, et ce sont les cotisations des générations suivantes « C » qui paieront à leur tour les pensions des futurs retraités « A » le moment venu.
L’expression « salaire différé » est parfaitement appropriée pour définir les pensions des retraités, contrairement à ce qu’affirme Friot par ailleurs. S’agissant de cotisation, l’origine individuelle de cette pension est indifférente puisqu’elle provient de l’ensemble des salariés actifs au moment de son versement à l’ensemble des retraités.
Le décalage dans le temps entre le versement et l’encaissement n’est dû qu’à au décalage de la période d’activité et de retraite.
Enfin, et quelle que soit l’appellation « charge salariale » ou « charge patronale » les cotisations sociales font partie du salaire total brut. La campagne idéologique menée autour des charges patronales est en définitive une campagne pour la baisse des salaires.

Les retraités ne font donc pas la charité, ils ont effectivement versé les cotisations prélevées sur leurs salaires. Il ne s’agit en aucun cas d’une solidarité de ceux qui ont vers ceux qui n’ont pas, mais de la récupération légitime auprès des caisses de retraites de leurs annuités passées.
Ce faisant ils font valoir leur droit au loisir après le travail, de la même façon qu’en prenant leur dimanche ou leurs congés payés, ou leur droit au repos après la journée de travail, ou en faisant valoir leur droit à un arrêt maladie, à un arrêt pour accident ou pour invalidité, ou encore leur droit au congé de maternité, ou leur droit aux indemnités de chômage etc. lorsqu’ils étaient actifs. Que ce droit s’effectue à travers une caisse de solidarité ou directement auprès de l’entreprise ne change rien au fait qu’il représente une fraction du salaire, que le salaire en est à l’origine, et qu’il s’oppose directement ou indirectement au profit capitaliste.

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Pour échapper à la solidarité intergénérationnelle , Friot prétend légitimer les retraites en avançant que les retraités travaillent et que leur pension constitue un salaire destiné à rétribuer ce travail.
Quel est donc ce travail des retraités ? Un de ses amis nous dit : « Ils entretiennent des jardins des maisons et des immeubles, gardent des enfants, s'occupent également d'animaux, font vivre des milliers d'associations, composent une grande partie des conseils municipaux, créent du lien social, militent comme jamais ils n'ont pu le faire, ils s'instruisent, et pour aller dans la caricature font des gâteaux des bons petits plats des confitures, et ramassent des champignons qu'ils offrent à leur entourage, etc. »
Personne ne nie que ces activités ne soient utiles pour eux, pour leur famille, ou pour la société.
L’autre aspect est que ce travail n’est pas obligatoire et qu’ils peuvent tout aussi bien faire la sieste, jouer aux boules ou regarder la télé.
Qu’il s’agisse d’un travail, d’une activité ou d’une inactivité, sa particularité est sa gratuité. C’est du loisir ou du bénévolat.
S’ils touchaient de l’argent en échange cela deviendrait une activité rétribuée, salariée ou du travail au noir. Et la nature en serait transformée, il ne s’agirait plus alors ni de loisir ni de bénévolat.

Peut-on garantir la pérennité des retraites en démontrant que les retraités effectuent un travail utile ?
Rien ne dit qu’un tel raisonnement puisse battre en brèche la « logique du capital », par contre il est certain que cela n’assouvira pas la soif de profits.
Si ce t ravail des retraités était effectivement démontré, le salaire correspondant ne pourrait être versé qu’à la mesure de son temps effectué et dûment contrôlé.
Et on voit mal quel scrupule arrêterait la bourgeoisie envers les cheveux blancs car ils étendent déjà la durée d’activité le plus longtemps possible, sans égard pour la fatigue ou les travaux pénibles.
Ce n’est pas une vue de l’esprit car Friot lui-même envisage que « Les retraités et les chômeurs peuvent, eux, créer des entreprises marchandes qui mutualisent leurs valeurs ajoutées pour financer le complément de salaire des chômeurs et l’investissement. »
Entretien avec Bernard Friot "Une autre pratique de la valeur économique"
…de sorte que les capitalistes pourraient encore diminuer les indemnités de chômage voire les supprimer tout-à-fait.

Si ce travail des retraités était réellement démontré, ils devraient l’interrompre sur-le-champ, se constituer une réserve de piles pour la zapette, faire la grasse matinée de la sieste et commander des pizzas, afin de ne pas payer une seconde fois leur retraite à travers ce travail utile.
Disons tout de suite que les retraités n’ont pas à justifier par un travail supplémentaire ce que leurs cotisations « salariales » et « patronales » ont déjà payé pendant 40 annuités et plus, et qu’il est essentiel de préserver leur droit au bénévolat, au loisir et au farniente.
Malheureusement les pensions ne le permettent pas toujours et de plus en plus de retraités sont obligés de ramasser les fruits en été pour se faire un complément de retraite, et s’ils bricolent ou jardinent c’est aussi pour réaliser quelques économies.

Mais le repos mérité des retraités n’est pas le sujet de Friot
« la pension s’est construite non pas sur le réactionnaire « nous avons cotisé, nous avons droit à un revenu différé » ou, ce qui revient au même, « nous avons travaillé, nous avons droit au repos mérité », mais sur le révolutionnaire « nous avons enfin une qualification personnelle et un salaire à vie, nous pouvons enfin maîtriser notre travail. L’impossibilité dans laquelle les opposants à la réforme d’énoncer cette proposition tient à leur attachement à la représentation de la contrepartie du salaire en travail, et donc de la pension en travail passé. [L’enjeu du salaire p 19]

Nous sommes effectivement attachés à la défense de ces pensions et de ces salaires, tout en nous sachant volés sur notre travail. Quelle transformation révolutionnaire est donc induite par le salaire à vie , c’est-à-dire le travail à vie ?

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Suppression des cotisations ?


Friot propose une nouvelle solution :
« Affirmer que la retraite est l’entrée dans un travail libéré de sa pratique capitaliste suppose que les cotisations ne comptent plus dans le calcul de la pension, que ce soit par des annuités ou par des points. » [Un salaire à vie. Pourquoi ?]
Friot préconise donc de généraliser à l’ensemble des salariés le salaire à vie des fonctionnaires, qui ne paient pas de cotisation.
Il note qu’en 1980 les cotisations des salariés s’élevaient à 66 % du salaire brut.
On remarquera que, pour autant qu’ils ne paient pas de cotisation (mais ce n’est pas exactement le cas), les fonctionnaires n’ont pas un salaire supérieur de 2/3 à celui des autres salariés. Et si l’indice minimum brut équivaut au SMIC brut, le salaire net d’un adjoint administratif de 2e classe à l’indice majoré 323 est à peine supérieur :
1201,27 € pour 1 135,99 € en janvier 2015
Sur le plan économique, la dispense de cotisation des fonctionnaires n’est donc qu’ une fiction .
Dans les faits le salaire du fonctionnaire retraité est déjà imputé sur le salaire de l’actif.
Le salaire à vie ne correspond donc pas à un travail prolongé, sous une forme ou une autre au-delà de la période d’activité, et qui deviendrait alors un « travail à vie » un travail à perpétuité.

Friot ne s’attarde pas sur cet aspect comptable mais sur la nature révolutionnaire du salaire à vie et du statut du fonctionnaire, lié à un travail non producteur de plus value.
Il prétend définir une nouvelle façon révolutionnaire de travailler, une forme de production anticapitaliste .

Remettons les pieds sur terre.
Dès lors que la pension du retraité devient la rétribution d’un travail , le retraité redevient un salarié. On pourra toujours baptiser ce travail révolutionnaire ou anticapitaliste , son statut de retraité et son droit au loisir sont niés, précisément et étymologiquement le droit de se retirer du travail.
De la même façon, le travail du chômeur nie son droit au chômage et son droit au travail, le travail domestique spécifiquement féminin nie le droit au repos et le droit au travail de la femme, etc.
Les thèses de Friot nient le droit à la santé, le droit à la retraite, le droit au travail.

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Statut révolutionnaire des fonctionnaires et production anticapitaliste


La thèse de Friot repose sur son interprétation révolutionnaire de 45 et de l’institution de la fonction publique fondée le 19 octobre 1946.
Friot défend l’idée que 1945 n’est pas une meilleure répartition de la valeur capitaliste au détriment du capital et à l’avantage des salaires, où les gains de productivité des entreprises capitalistes auraient permis d’assurer du non marchand d’une part et des prestations de sécurité sociale d’autre part. « 45 c’est révolutionnaire » :
« Ce que change 45 ce n’est pas la répartition de la valeur comme tu le dis, ce que change 45 c’est la production de la valeur. Et la production elle n’est pas d’abord marchande ou non marchande, la production elle est capitaliste ou non capitaliste » [Conférence : le salaire à vie 1/2]

« 45 c’est la marginalisation du capital dans la production de la valeur, par l’affirmation que quelqu’un qui a un salaire à vie, qui ne passe jamais par le marché du travail, qui n’a pas d’employeur, produit de la valeur économique. Ça c’est le statut de la fonction publique. Thorez. Salaire à vie. Qualification liée à la personne, par le grade. Un fonctionnaire est payé pour son grade pas pour son poste. Jamais de passage par le chômage. » [Conférence Emanciper le travail]

Les nombreuses mesures politiques, sociales et économiques adoptées à la Libération, encore considérées comme un modèle par bien d’autres pays, constituent non pas une révolution mais un compromis historique accepté par les monopoles et leur représentant De Gaulle, précisément afin de différer la révolution prolétarienne. Dès le début De Gaulle et ses comparses socialistes et radicaux s’employèrent à les atténuer puis les annuler, lors d’une violente guerre de classe, tout en réprimant avec barbarie les revendications politiques et la lutte pour l’indépendance des colonies, au Maghreb, à Madagascar et en Indochine notamment.

Examinons les points importants de cette révolution :
Marginalisation du capital : Friot fait valoir qu’un tiers du PIB est produit « en dehors de la pratique capitaliste de la valeur » « aujourd’hui 150 milliards du PIB est produit par les fonctionnaires 550 milliards du PIB est produit par les retraités, les soignants, les parents et les chômeurs. » [Conférence Emanciper le travail].
On rappellera au passage que hormis 190,6 milliards relevant de la santé et déduits des 550 milliards, les caisses de retraite et de chômage avaient déjà été provisionnées par ces retraités et chômeurs et que l’argent qu’ils touchent maintenant est remboursé par les cotisations des actifs du moment, et non pas comme l’équivalent d’un supposé travail des retraités et des chômeurs. Et cet argent ne sort nullement du cadre de la pratique capitaliste de la valeur .
Mais que les fonctionnaires, les retraités, les soignants, les parents et les chômeurs produisent réellement ou non du PIB, ils pourraient en mobiliser plus de la moitié sans pour autant marginaliser le capital.
A la même enseigne les artisans produisent 20 % du PIB, et les PME 30 % sans marginaliser le grand capital. Au contraire la sous-traitance les tient sous sa domination, comme les producteurs agricoles écrasés sous le talon de fer de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.
Bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes des capitalistes, les artisans produisent des marchandises dont la valeur d’échange n’échappe pas au process d’ensemble de la circulation du capital, à moins peut-être d’enfiler des perles ou de sculpter des bougies dans un hameau ardéchois reculé.
Mais encore, depuis que les salaires ne sont plus payés en liquide et par quinzaine, plus un cent n’échappe aux banques, qui adossent à ces dépôts obligatoires (en les taxant au nom de la tenue du compte) leur activité spéculatrice à haut risque.
La monnaie qui paie les salaires des fonctionnaires et les pensions n’est pas différente non plus de celle qui remplit les poches des actionnaires, à telle enseigne que le budget des armées réalise les profits de Dassault.

Il vient que nulle part le capital n’est marginalisé mais qu’il phagocyte l’ensemble de l’économie.
En France, le CAC 40 domine l’économie et impose sa loi, ses marges et ses délais à la sous-traitance. C’est lui et lui seul qui tient les leviers de l’Etat bourgeois, impose à travers son lobbying européen les règles qui écrasent les petits paysans et oppriment les masses. Non seulement il n’est pas marginalisé mais il colonise tous les domaines de l’économie, jusqu’aux caisses mutualistes de Jean Sarkozy. Pour la production anticapitaliste , on repassera.

Statut des fonctionnaires et salaire à vie : dès l’émergence de l’Etat dans les civilisations les plus anciennes, les classes dirigeantes ont délégué certaines fonctions de leur pouvoir à une catégorie de fonctionnaires, fondant par là l’Etat et sa nature de classe. A cette fin, les fonctionnaires doivent leur être absolument dévoués.
On en trouve la trace dans la civilisation égyptienne dès la 1e dynastie où plusieurs milliers possèdent ce titre honorifique, dans le code d’Hammourabi, chez les empereurs de Chine, dans la Rome antique, où ils peuvent être de diverse origines même esclaves et ne disposent de pouvoir que par délégation de l'Empereur.
Mais c’est de 1794 que date l’emploi à vie des fonctionnaires , institué par Frédéric II roi de Prusse , afin de les payer moins cher en échange de la sécurité absolue de l’emploi.
Le salaire à vie de 1945 de même que la sécurité de l’emploi ne constituent pas en eux-mêmes une « marginalisation du capital » comme l’affirme Friot.
Par contre, et indépendamment des avantages, les fonctionnaires peuvent se syndiquer et se mettre au service de la classe ouvrière et de son parti.
Dans le statut des fonctionnaires élaboré par Maurice Thorez « le principe d’indépendance du fonctionnaire vis-à-vis du pouvoir politique comme de l’arbitraire administratif que permet le système dit de la « carrière » où le grade, propriété du fonctionnaire, est séparé de l’emploi qui est, lui, à la disposition de l’administration ; principe ancien que l’on retrouve déjà formulé dans la loi sur les officiers de 1834. » le blog d’Anicet-LePors

Qualification liée à la personne, par le grade.
L’expression à la disposition de l’Administration nous rappelle qu’en dépit de leur droit politique et syndical les fonctionnaires ne peuvent pas déroger au service de l’Etat bourgeois.
Le grade ne peut être remis en cause mais sa contrepartie est l’allégeance des fonctionnaires à l’Etat bourgeois, à travers leur emploi.

Jamais de passage par le chômage : c’est un autre des aspects positifs de ce statut, en observant que dans les situations de lutte de classe aigüe il ne procure aucune protection contre la révocation. La grève des mineurs en 1948, suite au décret du ministre socialiste Lacoste sur la sécurité des mines et la baisse des rémunérations, fut lourdement réprimée par l’intervention des CRS dans les corons, des condamnations judiciaires, des incarcérations, des assassinats (Janseck, Barbier, Goïo, Houiller), et des révocations. Relevant du droit public la révocation appliquée pour faute grave fait perdre la qualité de fonctionnaire à vie.

Pas d’employeur : c’est là un abus de langage, car l’employeur est l’état ou la commune.
« …dans la fonction publique territoriale les maires sont des employeurs ça c’est une catastrophe. Il y a un vague employeur qui est l’Etat » [émanciper le travail]
En 1990, les PTT et France-Télécom sont placés hors fonction publique.
De 1993 à 1997 avec la réforme Hoëffel, … une stratégie de « mise en extinction » du statut général par la déréglementation, les privatisations, la contractualisation, jusqu’à l’attaque frontale du rapport du Conseil d’État en 2003 proposant une autre conception de la fonction publique, une fonction publique d’emploi, alignée sur le modèle européen dominant et proposant de faire du contrat une « source autonome du droit de la fonction publique » [blog d’Anicet-LePors]
Le statut des fonctionnaires est à nouveau violemment attaqué par Sarkozy.
Après l’avoir remis en cause Macron inaugure la rémunération au mérite à Suresnes.

Pour Friot les attaques de la bourgeoisie démontrent encore la nature révolutionnaire du statut du fonctionnaire.
Il apparaît surtout qu’un statut fût-il gravé dans le marbre n’est pas une bulle isolée du capitalisme et qu’il est toujours remis en question, comme les CDI, comme tout progrès dans la lutte économique et comme toute réforme, tant que l’Etat bourgeois reste debout .

(à suivre)


Edité le 18-11-2015 à 13:27:42 par Xuan




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Xuan
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Marxisme à la sauce Friot


La valeur « économique »

«je parle de “valeur économique” et non pas de “valeur d’échange”. Car la “valeur d’échange” est la forme de la valeur économique propre au capitalisme.
« Valeur économique» est un terme générique, traversé par la lutte de classes qui construit ses acceptions contradictoires, dont la «valeur d’échange », qui est la forme de la valeur économique propre au capitalisme, puisque le capital ne peut se mettre en valeur que si la propriété lucrative peut se nourrir du profit rendu possible par le règne de la marchandise, et singulièrement par le marché du travail.»
[L’enjeu du salaire p.44].

Bien que Marx y consacre une grande partie des premiers chapitres du capital, la valeur d’échange n’est pas née avec le capitalisme mais elle prend les caractéristiques des rapports sociaux de production des sociétés successives, ceux propres aux sociétés esclavagiste, féodale et capitaliste. Elle prendra ensuite les caractéristiques des rapports sociaux de production socialistes - nous y reviendrons * -, et ne disparaîtra qu’avec la marchandise. Elle n’est pas une forme propre au capitalisme mais à la marchandise.

Mais Friot écarte la valeur d’échange pour introduire, à travers le terme générique de valeur économique , le travail et l’activité non marchands, puis de fil en aiguille écarter la production marchande, capitaliste.

La valeur économique comprend ainsi les valeurs marchandes mais aussi non marchandes, par exemple le travail des fonctionnaires, des agents de la santé, le travail bénévole des retraités, le travail domestique, le travail des chômeurs. Selon Friot ce travail-là, produit de façon anticapitaliste , vaudrait un salaire à vie indépendant des lois du capitalisme et permettrait de sortir du capitalisme .

« …des gens qui n’ont pas d’employeur, pas d’actionnaire, pas de prêteurs, qui financent l’investissement sans prêt, sans crédit, qui ont une mesure de la valeur autre que celle du temps de travail, ces gens-là produisent de la valeur économique. [Conférence Emanciper le travail]
Le travail produit de façon anticapitaliste selon Friot est soit un travail gratuit, soit un travail du secteur non marchand, ce qui signifie qu’il ne crée pas de profit. De là à démontrer qu’il soit anticapitaliste ou que le capitalisme ne puisse s’en accommoder il y a loin.

Cependant la valeur économique non marchande lorsqu’elle est créée ne se transforme pas en argent, c’est-à-dire qu’elle est entièrement consommée.
Par exemple l’économie domestique, la culture d’un potager, le cours d’un enseignant de l’école publique, un soin hospitalier, et toute forme d’activité non productrice de marchandise.
Selon Friot le salaire à vie serait l’équivalent de ce travail, la contrepartie en somme.


(*) La valeur d’échange et la fin du capitalisme

Ici, une parenthèse sur la valeur d’échange. Un camarade fait une remarque opportune :

« Un élément rapide ce n'est pas MARX qui a inventé ou découvert les concepts de valeurs d'usage et de valeur d'échange. Ces deux concepts existent déjà chez Aristote et sont repris entre autre par les auteurs classiques que MARX "critiquera" (critiquer au sens de passer au crible, ce qui signifie d'affiner la connaissance en rejetant ce qui est grossier...). »

Ces deux valeurs de la marchandise ont donc précédé le capitalisme, mais elles ne disparaissent pas avec lui .
=]http://www.communisme-bolchevisme.net/marxisme_leninisme_pb_eco_socialisme.htm
J’avais cité un extrait de Staline tiré des [urlproblèmes de l’économie socialiste en URSS[/url] dans un précédent courrier pour signaler que les lois de l’économie politique ne disparaissent pas par la vertu d’un décret et encore moins en infléchissant leur signification ou leur contenu.
Voici quelques extraits de ce texte. Il comprend par ailleurs des passages très instructifs sur les conditions de socialisation des moyens de production après la révolution socialiste, dans les pays capitalistes et en fonction de leur degré d’industrialisation et de la survivance de la petite propriété des moyens de production :

… La production marchande est plus vieille que la production capitaliste. Elle existait sous le régime d'esclavage et le servait, mais n'a pas abouti au capitalisme. Elle existait sous le féodalisme et le servait, sans toutefois aboutir au capitalisme, bien qu'elle ait préparé certaines conditions pour la production capitaliste. La question se pose : pourquoi la production marchande ne peut-elle pas de même, pour un temps, servir notre société socialiste sans aboutir au capitalisme, si l'on tient compte que la production marchande n'a pas chez nous une diffusion aussi illimitée et universelle que dans les conditions capitalistes ; qu'elle est placée chez nous dans un cadre rigoureux grâce à des conditions économiques décisives comme la propriété sociale des moyens de production, la liquidation du salariat et du système d'exploitation ?

… notre production marchande n'est pas une production marchande ordinaire, elle est d'un genre spécial, une production marchande sans capitalistes…

…On demande parfois si la loi de la valeur existe et fonctionne chez nous, sous notre régime socialiste.
Oui, elle existe et fonctionne. Là où il y a marchandises et production marchande, la loi de la valeur existe nécessairement .


Nous ne savons pas si la destruction de l’Etat bourgeois, du système capitaliste dans notre pays s’accompagnera rapidement de la fin de la production marchande, compte tenu de l’état avancé des contradictions dans un vieux pays industriel. Mais il est probable qu’elle ne sera pas immédiate, parce que la petite production marchande n’a pas encore été supprimée.

Ils sont payés au grade !

Dans la convention salariale, les biens continuent à être échangés, mais la valeur-travail* est remplacée par la qualification personnelle*: la valeur économique n’est plus une valeur d’échange. [l’enjeu du salaire - p 199]

En fait le salaire des fonctionnaires n’est pas échangé contre leur travail comme une botte de navets sur le marché. Friot nous explique qu’ils sont payés « au grade », selon leur qualification personnelle, indépendamment de leur poste ou de leur temps de travail.
Soit, cependant ce grade et le travail correspondant ne sont pas arbitraires, ils doivent nécessairement trouver un équivalent en argent, qui ne résulte pas de l’échange d’une marchandise puisqu’il n’en existe pas.
La valeur économique, qui « s’évalue en effet en monnaie » [L’enjeu du salaire p.26], n’échappe pas aux rapports de production capitaliste, cristallisés dans la monnaie elle-même par la quantité de travail qu’elle représente.
La monnaie qui paie le salaire des fonctionnaires mesure nécessairement un équivalent de travail humain commensurable avec celui des autres salariés.

A bas le travail abstrait !

Friot oppose ici le travail concret et le travail abstrait qui serait « une invention du capitalisme » [l’enjeu du salaire p29] :
Dans le capitalisme, la valeur d’un bien ou d’un service est ainsi mesurée par le temps de travail abstrait en moyenne nécessaire à sa production: c’est ce qu’on appelle la valeur-travail. Cette construction de la valeur autour d’un travail abstrait défini par le temps n’a rien à voir avec l’invocation de la valeur-travail dans le débat public (qu’on pense à la campagne présidentielle de 2007, par exemple). Cette invocation renvoie à l’importance anthropologique du travail concret mentionnée plus haut, alors que précisément la valeur-travail (abstrait) propre au capitalisme provoque, comme nous venons de le voir, une fuite en avant aux conséquences désastreuses en termes de travail concret : prédation de la nature, impossibilité de bien travailler sous la dictature du temps, chômage structurel, destruction des collectifs de travail et organisation managériale de la guerre de tous contre tous, imposition de valeurs d’usage discutables, voire dangereuses. Le travail abstrait que pratique le capitalisme est aujourd’hui un obstacle décisif au travail concret. [l’enjeu du salaire p35]

Rappelons la définition matérialiste dialectique de Marx, qui n’a rien à voir avec l’opposition manichéenne qui ressort du galimatias de Friot :
En fin de compte, toute activité productive, abstraction faite de son caractère utile, est une dépense de force humaine. La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l'homme, et en ce sens du travail humain au même titre. La force, humaine de travail, dont le mouvement ne fait que changer de forme dans les diverses activités productives, doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être dépensée sous telle ou telle forme. Mais la valeur des marchandises représente purement et simplement le travail de l'homme, une dépense de force humaine en général. Or, de même que dans la société civile un général ou un banquier joue un grand rôle, tandis que l'homme pur et simple fait triste figure, de même en est-il du travail humain. C'est une dépense de la force simple que tout homme ordinaire, sans développement spécial, possède dans l'organisme de son corps. Le travail simple moyen change, il est vrai, de caractère dans différents pays et suivant les époques ; mais il est toujours déterminé dans une société donnée. Le travail complexe (skilled labour, travail qualifié n'est qu'une puissance du travail simple, ou plutôt n'est que le travail simple multiplié, de sorte qu'une quantité donnée de travail complexe correspond à une quantité plus grande de travail simple. L'expérience montre que cette réduction se fait constamment. Lors même qu'une marchandise est le produit du travail le plus complexe, sa valeur la ramène, dans une proportion quelconque, au produit d'un travail simple, dont elle ne représente par conséquent qu'une quantité déterminée [15]. Les proportions diverses, suivant lesquelles différentes espèces de travail sont réduites au travail simple comme à leur unité de mesure, s'établissent dans la société à l'insu des producteurs et leur paraissent des conventions traditionnelles. Il s'ensuit que, dans l'analyse de la valeur, on doit traiter chaque variété de force de travail comme une force de travail simple
[…]
Il résulte de ce qui précède que s'il n'y a pas, à proprement parler, deux sortes de travail dans la marchandise, cependant le même travail y est opposé à lui-même, suivant qu'on le rapporte à la valeur d'usage de la marchandise comme à son produit, ou à la valeur de cette marchandise comme à sa pure expression objective. Tout travail est d'un côté dépense, dans le sens physiologique, de force humaine, et, à ce titre de travail humain égal, il forme la valeur des marchandises. De l'autre côté, tout travail est dépense de la force humaine sous telle ou telle forme productive, déterminée par un but particulier, et à ce titre de travail concret et utile, il produit des valeurs d'usage ou utilités. De même que la marchandise doit avant tout être une utilité pour être une valeur, de même, le travail doit être avant tout utile, pour être censé dépense de force humaine, travail humain, dans le sens abstrait du mot
Double caractère du travail présenté par la marchandise - Capital Livre I – 1e section – chap.1 - II

La différence entre le travail concret, forme particulière d’un travail, et le travail abstrait, travail en général, apparaît dans la fabrique. Si on jette aux orties le travail abstrait pour ce motif, disparaît avec lui dans le chapeau du magicien l’étalon de mesure qui est le temps. Friot se débarrasse ainsi à peu de frais d’un obstacle décisif à sa théorie.
Cependant, à moins de considérer que la journée de travail des fonctionnaires puisse être extensible, se rallonger ou raccourcir à volonté, elle est comparable à celle de l’ensemble des salariés, ainsi que les salaires. S’il en était autrement la concurrence entre les salaires, soit par la lutte salariale, soit par des transferts d’effectifs du privé vers le public ou vice versa, égaliserait de nouveau la correspondance entre les temps de travail, et le salaire minimum des fonctionnaires au minimum considéré comme nécessaire à la reproduction de la force de travail. Et c’est effectivement le principe qui est appliqué puisque les agents publics ne peuvent percevoir une rémunération mensuelle inférieure au montant du SMIC.
Que Friot le veuille ou non la seule correspondance entre le grade et le salaire est l’entretien et le renouvellement de leur force de travail, en considérant que l’ancienneté, les concours, l’avancement interne, etc. constituent une évolution de leur force de travail, de leur capacité physique ou intellectuelle à effectuer un travail plus complexe.

Le salaire des fonctionnaires est payé par les impôts et cotisations, c’est-à-dire aussi par le produit des activités marchandes, de l’argent créé par d’autres activités productrices notamment dans le cadre du salariat et de la production de plus-value.
En examinant la circulation de la plus-value, Marx constate qu’elle est créée au cours du process de production. Pour la réaliser, il doit en céder une partie au capitalisme commercial. Une autre partie est cédée au capitalisme financier qui lui avance un capital. Les salariés du secteur commercial et financier ne produisent donc pas la plus-value mais ils permettent par leur travail de la réaliser et ils sont aussi exploités. L’ensemble des salaires provient donc de la plus-value créée lors du process de production et dans le cadre des rapports de production capitalistes. Les salaires et le travail des fonctionnaires en semblent détachés, pourtant leur source est commune.
Dans la société capitaliste, il n’y a pas de valeur économique qui échappe à l’économie capitaliste.

Les marxistes définissent la société socialiste « de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail » et la société communiste « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » . Ceci ouvre la perspective d’une société débarrassée du salariat, objectif statutaire de la CGT de lutte de classe, et abandonné par les réformistes.
Friot a une nouvelle définition à nous proposer : de chacun et à chacun selon son grade.
De la même façon que le capitalisme sépare à travers le salaire la force de travail et le travail effectivement produit, Friot sépare artificiellement le grade générateur du salaire et le travail réalisé. Le salaire à vie devient un éternel salariat.

La valeur définie par le pouvoir monétaire

Commençons par bien poser l’existence de deux ordres de la valeur, la valeur d’usage et la valeur économique. La valeur d’usage d’un bien ou d’un service, c’est ce à quoi il sert concrètement. Sa valeur économique, c’est le pouvoir monétaire qu’il donne à son propriétaire. [L’enjeu du salaire p.26]

Nous l’avons dit, la valeur économique renvoie au pouvoir. Le pouvoir appartient à celui qui décide de ce qui, parmi les biens et services produits, a non seulement une valeur d’usage, mais aussi une valeur économique, et de quel montant (puisque la valeur économique s’évalue en monnaie). La monnaie est donc d’abord un instrument de pouvoir. [L’enjeu du salaire p.38]

Passons sur le concept extrêmement flou de pouvoir monétaire , dont on ne sait pas s’il correspond à un capital thésaurisé ou échangé. Il semble naturel que l’argent donne quelque pouvoir, mais l’observation est biaisée.
Le propriétaire d’une valeur économique n’a de pouvoir monétaire qu’en la réalisant, sinon il reste virtuel. Mais il ne peut le faire que si sa marchandise est achetée, et à un prix équivalent à celui d’une marchandise équivalente. De sorte qu’il n’a aucun pouvoir sur le prix, qui s’établit comme l’indique Marx à la valeur moyenne de la production de cette marchandise.
Par conséquent il ne décide pas arbitrairement du montant, mais seulement s’il va fixer un prix au-dessus ou au-dessus de cette valeur moyenne, afin de réaliser le maximum de la plus-value que contient sa marchandise. Trop cher il ne la vendra pas, trop bas il perdra du profit.
Ce qui le caractérise, comme toute la classe des capitalistes, ce n’est pas son pouvoir monétaire , mais sa propriété privée de moyens de production.
Elle ne lui attribue pas le pouvoir de décider du prix des marchandises déterminé par le travail vivant qu’elles contiennent, ni de déterminer leur valeur d’usage dont il n’a que faire, mais d’extorquer la plus-value.
La contradiction fondamentale du capitalisme se situe entre le caractère social de la production et la propriété privée des moyens de production.


Propriété privée des moyens de production et propriété lucrative

Friot remplace la propriété privée des moyens de production, notion pas assez précise selon lui, par la propriété lucrative , et il insiste « y compris sous sa forme populaire » en d’autres termes le prélèvement d’un loyer.
On sait que la Commune de Paris décréta un moratoire sur les loyers, à une époque où les ouvriers n’avaient pas accès à la propriété. Cette idée a particulièrement séduit Etienne Chouard (voir Chouard – Soral : de l’anarcho-réformisme au national-socialisme), qui interdit la rente immobilière dans son programme, mais oublie du coup la propriété privée des moyens de production.

La formulation de Friot n’apporte aucune précision. Elle n’indique pas si la propriété lucrative est privée ou collective, mais au lieu de viser l’ennemi principal du peuple que sont les monopoles capitalistes, elle met dans le même sac 2,8 millions de propriétaires bailleurs, dont plus de la moitié possède un ou deux biens.
Naturellement notre but est de supprimer la rente immobilière, mais cet objectif ne doit pas être appliqué aveuglément et avec la même urgence que la collectivisation des principaux moyens de production.

La cotisation subversive

Friot relève l’augmentation régulière de la part des cotisations dans le salaire, et y voit une décélération du salaire direct. C’est parfaitement exact

L’ajout des cotisations au salaire net est considérable : pour les salaires supérieurs à 1,6 SMIC, elles sont l’équivalent de plus de 83 % du salaire net. Autant dire que, à ce niveau, le salaire total est pratiquement le double du salaire net: 100 € de salaire net sont doublés de 73 € de cotisations et 10 € de CSG, impôt affecté à la Sécurité sociale. Ainsi, pour prendre l’exemple d’un salaire mensuel brut de 3000 €, proche du plafond de la Sécurité sociale (3031 € en 2012), le salaire net sera de 2356 € et le salaire total de 4317 €, avec des cotisations de 1728 € (1317 € de cotisations employeur, soit 43,9 % du brut; et 411 € de cotisations salarié, soit 13,7 % du brut), auxquelles il faut ajouter 233 € de CSG-CRDS (7,8 % du brut). Plus de 45 % du salaire est ainsi socialisé pour la protection sociale, les cotisations sociales en représentant l’essentiel : 40 % du salaire total.
Cela n’est hélas pas le cas pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, du fait des exonérations de cotisations employeur qui sont une des pièces maîtresses de la réforme. Pourquoi « hélas » ? Parce que, la cotisation étant un ajout au salaire net, tout ce qui réduit les cotisations réduit le salaire.
[L’enjeu du salaire p 52]

D’où viennent ces cotisations sociales aujourd’hui si décisives dans le salaire ? Pour une bonne part, il s’est agi à l’origine d’initiatives patronales pour éviter la hausse des salaires directs. Un pays à fortes cotisations sociales comme la France ne présente d’ailleurs pas des salaires totaux plus élevés que des pays à cotisations plus faibles mais à salaires directs plus importants. Mais il se trouve que cet instrument de décélération des salaires directs s’est révélé plus subversif de la convention capitaliste du travail que ces derniers, au point que l’obsession réformatrice est de réduire la cotisation ou d’en changer le sens, comme nous le verrons aux chapitres 4 et 5. On s’en tient ici à la montée en puissance des cotisations jusqu’aux années 1980, avant la réforme : elles sont passées de 32 % du salaire brut au lendemain de la Libération à 65 % dans les années 1990. [L’enjeu du salaire p 60]

En quoi la cotisation est-elle subversive ? Parce que cette part du salaire est socialisée dit Friot. Socialisés, mais c’est quand même l’Etat bourgeois qui gère les caisses.
Puis cette socialisation sert également à réduire les salaires lorsque les parts patronales sont supprimées, et remplacées par une autre forme de cotisation, l’impôt.
Les salaires nets sont aussi socialisés dans les banques… au risque d’en combler les trous comme à Chypre le 17 mars 2013.

La cotisation s’est ainsi construite comme une subversion du marché du travail et une attribution de valeur au non-marchand, deux dimensions intolérables pour le capital, et, pour la combattre, les réformateurs s’appuieront sur les ambivalences de cette magnifique invention pragmatique: les régimes complémentaires pour la retraite et la santé, le forfait et la difficile sortie de l ’aide sociale pour la famille et la santé, la difficile affirmation du salaire contre l’emploi pour le chômage.
[L’enjeu du salaire p 68]

La cotisation n’attribue aucune valeur au non-marchand, le fait qu’elle soit socialisée ou différée n’ôte rien à la source de sa valeur d’origine, le travail salarié.
Mais en tous cas la défense des caisses de retraite, de chômage, de santé relève de la même nécessité que la défense des salaires, et subit les mêmes agressions de la part du capital.
Il ne s’agit pas d’une catégorie spéciale, subversive par nature, mais de salaire. Et en tant que salaire opposé au capital, c’est en cela que réside sa subversion.


Edité le 10-11-2016 à 18:49:04 par Xuan




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Anticapitalisme ou socialisme ?


« Cet ouvrage tente de suivre une ligne de crête. Pour échapper à l’impuissance des opposants à la réforme, il s’agit de dépasser à la fois :
- les propositions de la social-démocratie de gauche*, dominante chez les opposants, qui, parce quelle partage peu ou prou la représentation du salaire comme pouvoir d’achat à la mesure du travail fourni sans voir la contestation de la valeur économique capitaliste qu’il représente, épuise depuis vingt ans les mobilisations dans des revendications très en deçà de ce que la réalité du salaire rend possible quant à la sortie du capitalisme ;
- les propositions minoritaires de celles et ceux qui, décidés à sortir du capitalisme mais ne voyant pas, elles et eux non plus, les tremplins qu’offrent pour ce faire les institutions du salariat*, errent à chercher la sortie dans l’abolition du salariat ou la fin du travail et de la monnaie.
* C’est-à-dire celle qui adopte une position offensive dans la revendication d’un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salariés et refuse la réforme; la social-démocratie de droite est constituée des partis socialisés, qui sont un des acteurs de la réforme »
. [L’enjeu du salaire p21]


On cherchera vainement le mot « socialisme » dans l’enjeu du salaire. Comme on cherchera la caractérisation d’un Etat bourgeois et sa destruction par la révolution prolétarienne. Friot ne se pose pas la question de la prise du pouvoir par la force.
Inutile puisque la révolution est un déjà là posé en 1945 par le statut de la fonction publique, qu’il suffit juste d’étendre, en développant la cotisation, anticapitaliste par nature.

Je milite pour une société salariale, celle que rend possible la lutte de classes entre deux pratiques de la valeur, capitaliste et salariale. Cela n’a rien à voir avec l’utopie puisque c’est la poursuite d’un déjà-là inauguré par la classe ouvrière. Cela n’est évidemment pas scientifique car le mouvement de la société (je ne parle pas de son observation) ne relève pas de la science [Entretien avec Bernard Friot "Une autre pratique de la valeur économique"]

Simple poursuite d’un déjà-là , il suffira de décréter le nouveau statut des salariés et la fin de la propriété lucrative pour transformer la société. Pas un mot sur la résistance de la classe bourgeoise, ni sur la nécessité de réprimer toute velléité de restauration par la dictature du prolétariat.
Faut-il croire que l’oukase de Robert Hue, interdisant le mot socialisme , hante encore le surmoi de Friot ?

La Commune, notamment, a démontré que "la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte" Karl Marx, Friedrich Engels - le manifeste Préface à l’édition allemande de 1872
Londres, 24 juin 1872

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Xuan
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Quelle est la classe révolutionnaire ?


« Construire une classe révolutionnaire c’est être candidat à la direction de la valeur économique à la place de la classe dirigeante. Une classe révolutionnaire c’est une classe qui est candidate à diriger la valeur économique à la place de la classe dirigeante. » [Conférence Emanciper le travail]

Quelle est la classe révolutionnaire dont parle Friot ?

« Le PIB de nos pays a augmenté par l’éducation la culture et non par la valeur capitaliste, mais par ceux que paie l’impôt et la cotisation parce que au lieu de produire l’éducation et la santé dans la sphère capitaliste on l’a produite d’une façon anticapitaliste par des gens qui ont un salaire à vie, qui ne mettent en valeur aucun capital, qui ne produisent pas de marchandise capitaliste, qui ne sont pas soumis à la dictature du temps. » [Conférence Emanciper le travail]
« Comment la désigner ? Quand je le fais par le terme de « salariat », je ne renvoie ni au fait statistique des 93% d’actifs salariés ni au fait juridique de ceux qui ont un contrat de travail. Salariat est un concept théorique qui renvoie à la lutte de classes telle qu’elle se déroule aujourd’hui. Il désigne une classe en train de se construire contre la bourgeoisie capitaliste pour consolider et généraliser les institutions du salaire. « Salariat » me semble donc le terme adéquat, meilleur que « classe ouvrière ». Est-ce que celle-ci a disparu ? Oui, si l’on considère les syndicats et les partis qui l’ont organisée et qui aujourd’hui ne sont plus révolutionnaires. Il n’empêche que c’est à partir des institutions du salaire qu’elle a créées que le salariat se constitue aujourd’hui dans la lutte de classes. » [Entretien avec Bernard Friot "Une autre pratique de la valeur économique"]

Selon Friot la classe révolutionnaire n’est pas la classe ouvrière parce qu’elle n’est pas indépendante du capital. Elle ne touche pas le salaire à vie, elle produit la marchandise capitaliste de façon capitaliste en créant la plus value et elle est soumise à la dictature du temps. Enfin elle a disparu puisque son parti et son syndicat ne sont plus révolutionnaires.

La classe révolutionnaire selon Friot ce sont les fonctionnaires ou l’ensemble des salariés lorsque le statut des fonctionnaires serait généralisé. Une classe qui ne produirait pas de valeur capitaliste, qui génèrerait la cotisation et non le capital et qui n’en dépendrait pas, une classe révolutionnaire parce qu’à l’abri des miasmes capitalistes : une classe élevée en couveuse .

La fable de la disparition de la classe ouvrière revient comme le concombre.
La baisse de ses effectifs n’a d’égale que hausse de sa productivité et de son poids dans les rapports sociaux de production. Supprimez une usine de bonne taille, et c’est tout un bassin d’emploi qui est ruiné.
Mais puisqu’elle suit des chefs réformistes et que c’est la base qui est responsable, changeons donc la base !
Le renvoi de la classe ouvrière à ses fourneaux n’est pas un scoop si on se souvient de la thèse fallacieuse de « la classe ouvrière du manœuvre à l'ingénieur" , particulièrement responsable de l’accaparement des postes dirigeants syndicaux et politiques par éléments petit-bourgeois favorables à la collaboration de classe et au réformisme.
Plus récemment la « révolution informationnelle » voyait chez les concepteurs et les développeurs de l'informatique la nouvelle classe d'avant-garde, capable de s’émanciper du capitalisme parce qu’ une information ça ne se vend pas . [voir la révolution informationnelle ou l’illusion du bénévolat ]. Mais la voracité du capital s’en est emparée.

La lutte de classe tranche la question comme l’épée d’Alexandre le nœud gordien.

D’où vient la violence de la classe ouvrière, violence nullement aveugle mais dirigée contre les représentants du Capital : les séquestrations, les meubles et la game boy du sous préfet bousculés, les liquettes lacérées, le président de la République bourgeoise snobé ? Ni du manque d’instruction ou d’éducation, ni du caractère mal dégrossi des prolos, mais de leur perception quotidienne de l’exploitation capitaliste, de leur sens critique plus aiguisé envers la « concertation », de leur expérience de toutes les roueries du capital, qui échappent au commun de la société. Tout ce qui forge l’idéologie prolétarienne, la conscience de classe.
Chez SMART le chantage au licenciement a conduit 56 % des salariés à accepter de travailler plus longtemps pour un plus maigre salaire. Or si 74 % ont voté oui chez les 385 cadres, employés, techniciens et agents de maîtrise consultés, 39 % seulement des ouvriers ont accepté de revenir aux 39 h.

Dans le reste de la société, la lutte de classe ne peut pas être perçue avec la même netteté, c’est pourquoi on y voit souvent la lutte anticapitaliste achopper sur des sujets de société, des injustices, des risques sanitaires ou écologiques, l’oppression des peuples étrangers, le racisme, le terrorisme, le danger de guerre, etc. Engagement parfaitement légitime, mais bien souvent intellectuel, moral, voire compassionnel, et qui peut virer casaque de façon surprenante parce que la petite bourgeoisie est tiraillée entre les deux pôles du prolétariat et de la bourgeoisie.

Le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière tient précisément à son rapport dialectique avec le capital, le créant et s’opposant directement à lui. Mais bien au-delà, parce que la disparition du Capital sera aussi la disparition du salariat (comme la CGT l’écrivait autrefois dans ses statuts). C’est là le rôle historique de la classe ouvrière, qu’elle seule peut assumer jusqu’au bout en s’appuyant sur l’immense majorité du peuple.

Sa place singulière dans la société à cause des rapports sociaux de production capitalistes détermine non seulement son rôle dirigeant dans la révolution, mais aussi dans le parti révolutionnaire, le parti communiste, indépendant de toutes les autres formations bourgeoises .
Et il est patent que la dérive révisionniste et réformiste du PCF est liée à l’afflux d’éléments petit-bourgeois, de bobos comme l’ont déjà fait observer pas mal de camarades. On comprend aisément que le recrutement du parti communiste dans la classe ouvrière, la formation et la promotion d’éléments ouvriers aux postes de direction sont des éléments déterminants pour préserver la nature révolutionnaire du parti communiste, en tous cas celui que nous souhaitons reconstruire.


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   Posté le 25-11-2015 à 05:49:50   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Bravo et merci pour ces analyses et le démontage des thèses de Friot !

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Ni révisionnisme, Ni gauchisme UNE SEULE VOIE:celle du MARXISME-LENINISME (François MARTY) Pratiquer le marxisme, non le révisionnisme; travailler à l'unité, non à la scission; faire preuve de franchise de droiture ne tramer ni intrigues ni complots (MAO)
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   Posté le 21-03-2016 à 20:34:18   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Je reproduis cette info que tu m'as communiquée.

Un site conseilliste critique Friot et les altermondialistes :


"Bernard Friot: un néo-réformisme propositionnel"

"Un néo-réformiste inquiétant


Le caractère réformiste de ce projet s’affirme quand il propose d’adhérer à son projet «plutôt que de chercher dans la fin du travail et de la monnaie des alternatives au capital» (p. 177). C’est un clair refus de tout objectif révolutionnaire.
Ce projet vise à aménager le capitalisme sans remettre en cause ses fondements. Et il s’inscrit dans le cadre d’un dialogue continu avec le PCF qui cherche à reformuler sa politique, ayant tourné le dos depuis belle lurette à tout projet révolutionnaire."

L'article complet est sur :
http://contrecapital.blogspot.fr/2016/03/bernard-friot-un-neo-reformisme.html

autres articles :
Sur quelques falsificateurs et leurs méthodes
http://contrecapital.blogspot.fr/2015/07/sur-quelques-falsificateurs-et-leurs.html

Des coopératives à l’autogestion généralisée
Remettre en cause le sacro-saint principe de la propriété patronal
http://contrecapital.blogspot.fr/2013/10/des-cooperatives-lautogestion.html



Edité le 22-03-2016 à 08:42:48 par Xuan




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   Posté le 22-03-2016 à 09:56:04   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Faut-il faire frire Bernard Friot (et son salaire socialisé ?

Lu sur : https://rebellyon.info/Faut-il-faire-frire-Bernard-Friot

Publié le 24 septembre 2013

A l’heure où le PS se propose de « réformer » les retraites, ou plutôt de les diminuer sous une forme ou une autre, plusieurs voix s’élèvent à gauche pour défendre « d’autres réformes, citoyennes, démocratique, etc. » L’une d’entre elle est celle de Bernard Friot. Un économiste et sociologue, enseignant à Paris X, proche du Front de Gauche. Mais que propose au juste cet universitaire altermondialiste ? Faut-il prendre pour argent comptant ce qu’il dit ? On va essayer de décrypter son projet de « salaire socialisé ».

Pourquoi parler de Friot en particulier ? A tantquil, on a rien de personnel contre lui. Mais il fallait bien commencer quelque part. Et puis les théories loufoques de Friot sont bien significatives d’un argumentaire qui obtient aujourd’hui de plus en plus d’échos dans l’extrême gauche, y compris libertaire : une gestion alternative du capitalisme serait possible. Il suffirait ainsi de repeindre en rouge le salariat pour faire disparaitre l’exploitation qui va avec d’un bon coup de baguette magique (et citoyenne)… Allons donc voir ça de plus près.

Tout commence bien : Friot fait une critique du discours patronal sur les retraites. Il explique que la hausse de la durée de travail et du départ à la retraite n’est pas inéluctable, ce avec quoi on ne peut qu’être d’accord…

Ensuite, il explique que les cotisations sociales font partie intégrante du salaire, ce qui est son point de départ.

La suite à lire sur : http://www.tantquil.net/2013/09/21/faut-il-frire-bernard-friot-et-son-salaire-socialise/


Edité le 22-03-2016 à 09:56:27 par Finimore




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