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 La "révolution" au Venezuela

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Yaksanda01
Pionnier
22 messages postés
   Posté le 18-06-2014 à 19:10:04   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

Que doivent penser les marxistes de l'autoproclamée "révolution bolivarienne" ? Après m'être fait exclure du Forum "Unité" "Communiste" social-démocrate pour avoir critiqué cette pseudo-révolution et après les nombreuses et habituelles calomnies de la presse bourgeoise j'ai décidé de rédiger ceci.

Il est évident que la situation économique du Venezuela est catastrophique. Mais au lieu d’accuser promptement un prétendu « socialisme » comme le font sans détour les économistes vulgaires, pour parler comme Marx, il est nécessaire d’identifier les facteurs qui ont conduits au marasme actuel, en analysant également le rôle de l’Etat vénézuélien.
Avant toute chose, un bref rappel du contexte dans lequel Hugo Chavez est arrivé au pouvoir de façon démocratique en 1999 sera fait, ainsi que ses ambitions pour son pays.

La situation économique avant 1999

En 1989, Carlos Andrés Pérez est élu président de la République du Venezuela derrière un programme social-démocrate, peu après son élection il annonce son adhésion au consensus de Washington (dit libéral).
Au début de la même année les vénézuéliens sortaient massivement dans la rue, le président Maduro se trouvait parmi eux, pour protester, notamment, contre la pauvreté et l’inflation très élevées, la répression a été cruelle et a enregistrée près de 3 000 morts. Cet événement est connu sous le nom de Caracazo. Entre 1990 et 1999 rien ne s’est arrangé, en témoigne les statistiques officielles de l’ONU ; le taux de pauvreté au Venezuela a bondi de 40% à 49,5% alors que le pays est assis sur les plus grandes réserves de pétrole du monde, le pourcentage d’indigents, c’est-à-dire les personnes vivant dans la rue ou dans des bidonvilles avec moins de 1 $ par jour de revenu, passa de 14,6% à 21,7% de la population – compte tenu de l’accroissement démographique entre temps – représente une hausse vertigineuse de quelque 80 % [1], le taux de chômage dépasse 16% en 1999 [2].
Quant à la situation économique, elle se dégrade également, le taux d’inflation oscille entre 80% en 1990, et 110% en 1996 [3]. Pendant la période pré-Chavez, les prix s’envolèrent, le PIB par habitant déclinait, le secteur non-pétrolier se contractait et à la fin des années 1990 le pays commençait à souffrir d’un fort processus de désindustrialisation… Et sans oublier la crise bancaire intervenue en 1995 consécutive à la libéralisation financière qui a affecté une vingtaines de banques et s’est étendue à l’économie.

L’arrivée d’Hugo Chavez

C’est dans ce contexte de désespoir que Chavez a accédé à la présidence de l’Etat. Mais le Chavez de 1999 n’est pas celui de 2013, dans un entretien en 1998 il dit : « Je ne suis pas socialiste […] je ne crois ni au socialisme ni au capitalisme sauvage [4] », il rejetait le socialisme et le libéralisme à part égal et se voulait social-démocrate. En effet le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) n’existait pas encore, ce dernier sera fondé en 2006, mais que la bourgeoisie se rassure, Chavez souligne : « Le PSUV ne portera pas le drapeau du marxisme-léninisme, car c’est un dogme ! » (Allo Presidente, 22 juillet 2007).

Lors d’un entretien en décembre 2005 il révise ses positions initiales pour la première fois :

« A une époque, j’ai bien pensé à la « troisième voie ». J’avais pas mal de problèmes pour interpréter le monde. J’étais confus, je faisais de mauvaises lectures, j’avais des conseillers qui ajoutaient encore à ma confusion. J’ai même été jusqu’à proposer qu’un forum se tienne au Venezuela sur une troisième voie. J’ai beaucoup parlé et écrit sur le « capitalisme humain ». Aujourd’hui, je suis convaincu qu’une telle chose est impossible. [4] »

Je ne m’étendrais pas sur les actions extraordinaires de Chavez contre la pauvreté, ce n’est pas mon objectif et elles sont suffisamment connues du fait de leurs importances. Mais ré-informons tout de même que, selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté au Venezuela a largement baissé de 62,1% en 2003 à 25,4% en 2012 [5].

Dès le début de son mandat la grande bourgeoisie voyait d’un mauvais œil les ambitions de Chavez, en avril 2002 l’élite vénézuélienne avec le soutien des USA tente un coup d’Etat et en 2003 a lieu un important sabotage pétrolier de l’opposition qui provoque la récession. Après avoir tenté les moyens explicités et brutaux pour se débarrasser du président, les bourgeois se lancent dans des moyens plus subtils.

Le secteur privé importateur et spéculateur du Venezuela

Au Venezuela, le secteur privé génère environ 3% des devises entrants, 96% venant du secteur pétrolier et 1% des autres secteurs d’Etat. En 2012 le secteur privé a généré 2,7 milliards de dollars de devises… dans le même temps, le secteur privé importait l’équivalent de 43 milliards de dollars. Il faut donc souligner l’inefficacité radicale du secteur privé vénézuélien, la disproportion entre les devises qu’il génère et les revenus qu’exigent son fonctionnement.

Après le coup d’Etat et le sabotage pétrolier (au cours duquel 28,5 dollars ont fui le pays), l’Etat a pris le plein contrôle du PDVSA, la principale entreprise pétrolière du pays, et de l’émission des devises en dollars via notamment le CADIVI (Commission de l’administration des devises) afin de juguler la fuite des capitaux. Efficace sur l’immédiat la fuite des capitaux a repris son élan à partir 2004. En effet, le gouvernement a continué à vendre annuellement en moyenne 43 milliards de dollars à la bourgeoisie au prétexte d’importation, ce qui équivaut à 317 milliards de dollars entre 2004 et 2012, vendus au prix préférentiel, alors que sur le marché parallèle il coûtait beaucoup plus plus cher (5 fois en 2012, 9 fois en 2014).

Le Venezuela est le pays d’Amérique Latine qui a subi la plus forte fuite de capitaux dans les années 2000, équivalente à la somme gigantesque de plus de 150 milliards de dollars. A titre de comparaison, ce chiffre correspond à 1,5 fois le plan Marshall (en dollars actualisés de 2000).

La distribution des devises par le gouvernement est devenu le nouveau moyen de la bourgeoisie pour s’approprier des dollars. Selon les calculs de l’économiste vénézuélien Simon Andrés Zuniga, en 2012, sur une rente pétrolière de 59,3 milliards de dollars, le gouvernement vénézuélien a octroyé au secteur privé 36,2 milliards pour les importations. Mais 60% de ce dernier montant, 20 milliards, s’est volatilisé dans des comptes bancaires à l’étranger. Le reste a bien servi aux importations mais ont été surfacturées à l’Etat, par conséquent beaucoup moins de produits sont importés relativement aux sommes reçus [6].
L’année 2012 cité, loin d’être un cas isolé, est bien représentatif de ces 10 dernières années.

Cette bourgeoisie commerciale s’enrichit grâce à une spéculation massive. Elle importe les produits à taux normal pour les revendre à taux plein aux Vénézuéliens victimes des pénuries.

Le motif des importations n’est donc qu’un prétexte pour s’approprier des dollars, soit pour les placer à l’étranger, soit les revendre sur le marché parallèle (900% de profit selon le taux officieux de 2014…), soit importer de manière avantageuse grâce à un taux de change surévalué, mais pas des machines, des matières premières ou des équipements, mais des produits affinés pas cher pour les revendre au Venezuela à un prix nettement plus cher au moyen d’une surfacturation des importations à l’Etat, donc les devises sont consommés plus rapidement sur le papier, il y a moins d’importations que prévu avec la somme de devises, et l’importateur peut ainsi re-demander des devises à l’Etat et etc…

Pour l’économiste vénézuélien Manuel Sutherland, qui partage cette analyse : « Le gouvernement a finalement transféré des fortunes au patronat local, qui s’est enrichi comme jamais avec la rente pétrolière. Loin de profiter de la surévaluation du bolivar pour acheter des machines et des équipements, le patronat s’est consacré au cycle : importer des marchandises raffinées mais pas chères et les revendre (spéculer) et/ou importer rien du tout, pour s’approprier des dollars US et les revendre sur le marché parallèle beaucoup plus cher. [7] »

Sutherland a pris l’exemple des produits pharmaceutiques, dont leurs importations ont incroyablement augmentés de 1 358% au cours des années 2004-2012 ! L’économiste cite trois facteurs (communs à toute l’économie) qui ont conduits à cette lamentable situation ; la délocalisation d’une partie des usines médicinales, l’appropriation de dollars du CADIVI et la revente sur le marché noir en dégageant des profits très juteux, et le gonflement artificiel des coûts d’importation pour revendre plus cher, éviter les impôts et finalement importer moins par rapport aux devises initiales distribuées et en demander encore.

Les énormes profits au Venezuela sont désormais courants, grâce à la misère productive dans laquelle la bourgeoisie a plongé le pays, en tenant l’Etat chaviste à sa remorque. Contrairement aux idées reçues, une fois de plus, le Venezuela est le pays d’Amérique Latine avec le plus de millionnaires.

Finalement, entre 2003 et 2012 les importations (privées et publiques) ont augmenté de 454% tandis que les exportations ont progressé de 257% sur la même période. Quant aux importations publiques, elles ont bondis de 896% ! Pour un gouvernement qui se prétend patriote et socialiste, la scandaleuse augmentation de importations montre qu’un plan pour remplacer les importations par la production nationale semble lointaine. L’importation n’a pas donné lieu à une augmentation du poids de l’industrie manufacturière dans le PIB, ce qui aurait pu permettre au Venezuela d’imaginer un avenir dont les revenus ne dépendent pas exclusivement de l’or noir. Le Venezuela est en effet dans un processus de désindustrialisation inquiétant, en 2005 l’activité industrielle hors-pétrole représentait 16,7% du PIB, contre 13,2% en 2013. Une « construction du socialisme » en se désindustrialisant, une première dans l’Histoire !

Ces phénomènes ont été catalysé par le contrôle des prix qui décourageaient les entrepreneurs capitalistes, en plus de la crainte des nationalisations, les grands programmes sociaux qui ont fait augmenté la demande nationale alors que l’offre bourgeoise n’a pas suivie, provoquant l’inflation et la distribution de devises aux capitalistes afin qu’ils importent pour répondre à la nouvelle demande. Chavez a fait preuve d’une naïveté épique, en sous-estimant la perversité des capitalistes et sur-estimant la capacité du pétrole à maintenir le pays stable.
En règle générale le contrôle des prix s’accompagnent toujours d’une planification économique car le premier empêche le fonctionnement normal des lois du marché, et par conséquent c’est à l’Etat qu’il incombe de guider la production avec pour variable d’ajustement la quantité et non le prix. Le gouvernement vénézuélien a pratiqué un certain contrôle des prix sans planifier la production nationale, là encore, c’est le manque de socialisme qui entre en jeux.

Par exemple, en décembre 2013 un scandale a éclaté à propos d’un trafic de voitures nord-américaines ; des entreprises vénézuéliennes achetaient des voitures nord-américaines et les revendaient 2 à 4 fois plus cher sur le marché noir.

Pour le sociologue et politologue Heinz Dieterich, inventeur du concept de « socialisme du XXI° siècle », le seul contrôle de change est incompatible à terme avec la confrontation avec les groupes dominants, et Chavez a préféré acheter la paix interne en laissant collaborer la classe économique dominante avec la classe politique bolivarienne, qu’on appelle bo-bo (boli-bourgeoisie) au Venezuela. Cette alliance, dit-il, a malheureusement été cachée au peuple derrière un discours fantaisiste de socialisme chrétien et bolivarien, et une large machine de propagande.

En effet dans la pratique, après 15 ans de « révolution bolivarienne », toujours rien ne rapproche le Venezuela du socialisme, la part du secteur privé est resté plus ou moins la même depuis 1999. En juillet 2011 Chavez appelait même les capitalistes à participer à la construction de son modèle. « Je vous invite à faire des entreprises mixtes, à unir les efforts » a t-il dit, il a appelé à des « projets communs avec les hommes d’affaires honnêtes », que « nous allons nous allier… Mettons-nous corps et âme au développement du pays » et que « nous avons besoin de vous [les capitalistes] et vous de nous » [8].

Son successeur Nicolas Maduro se montre plus méfiant envers la bourgeoisie nationale, le 25 avril dernier il déclare : « Nous devons aller vers la destination sûre que nous a tracé le Commandant ; un socialisme productif avec une base économique solide et diversifiée, qui élèvera dans le même temps la société d’un point de vue moral [9]. »

Deux jours avant, le 23 avril, il dit : « Nous devons tout produire au Venezuela. Nous devons en finir avec cette économie portuaire […] C’est l’heure ! [10] »

Le gouvernement vénézuélien dit en effet préparer cette « transition de modèle économique » (qui n’arrive pas), le vice-président, Jorge Arreaza le rappelait sur Twitter le 11 novembre 2013 : « Cette bourgeoisie se maintient sur la structure du capitalisme rentiste (en référence à la rente pétrolière) et improductif qui chancelle aujourd’hui avec les actions du gouvernement ».

Ainsi, les nouveaux dirigeants critiquent eux-mêmes les calamités qu’ils ont laissé faire.

Il serait en effet temps, le Venezuela est devenu extrêmement dépendant du marché international alors que le pays a largement les moyens d’être auto-suffisant grâce aux revenus du pétrole. Ainsi l’« anti-impérialisme » autoproclamé de Chavez n’est que de façade. Dans les faits le principal fournisseur du Venezuela est les Etats-Unis, qui est également le premier client du Venezuela. Les exportations hors pétrole, qui étaient de 35% du PIB dans les années 90 sont tombé à quelques points en 2012, le Venezuela importe la plupart de ce qui est consommé [11].

C’est en ce sens que Hugo Chavez disait : « Je me réfère aujourd’hui à la création d’une corporation d’Etat pour les importations et les exportations afin d’arracher l’hégémonie importatrice à la bourgeoisie, nous apparaissons comme des cons à distribuer des dollars à la bourgeoisie et à la petite-bourgeoisie. Ils importent, surfacturent à l’Etat, il achètent pour un dollar et demandent beaucoup plus ici. » (cité par Manuel Sutherland)

La bourgeoisie vénézuélienne est beaucoup plus libre que ce que l’on peut croire à première vue, ajoutons que le taux d’imposition sur les bénéfices du capital a été réduit de 55% à 34% et le secteur financier ne paye que 5% d’impôts sur les bénéfices au Venezuela [12]…

Les pénuries et l’inflation

Le gouvernement a beaucoup accusé les entrepreneurs de cacher volontairement une partie de leurs produits afin de créer un climat de plainte et de raz-le-bol, cette position, comme nous le verrons, est partiellement vrai, mais a en réalité une responsabilité minime dans la situation sociale et économique du Venezuela.

En février 2009, l’Indepabis (Intitut national pour la défense de l’accès aux biens et services) révélait que le fameux Polar, le plus grand producteur alimentaire du Venezuela, fonctionnait à la moitié de sa capacité et qu’il ajoutait de l’arôme artificiel dans 90% de sa production de riz pour échapper au contrôle des prix. L’esprit de sabotage était déjà présent. Le gouvernement a inspecté et co-géré l’entreprise pendant plusieurs mois pour tenter de remettre la production à l’endroit [13].

Le 1er mars 2009, inattendu, le responsable de Polar pour les opérations, Jesús Carmona, admettait lors d’une conférence de presse les accusations de Indepabis : usine fonctionnant à capacité partielle et 90% de production artificielle pour le riz, mais se justifie en prétendant que le riz manquait sur le marché et pour des questions de coût concernant le deuxième cas. Mais Indepabis avait trouvait 16 000 tonnes de riz emballés non-modifiés dans l’usine, ce qui était largement suffisant pour assurer un fonctionnement temporel optimal pendant deux mois, et le ministre de l’Agriculture montrait qu’il y avait 300 000 tonnes de riz sur le marché alors que la demande nationale annuelle était de 90 000 tonnes… La production de riz a en effet augmenté de 84% depuis entre 1999 et 2009. Pour ce qui est du deuxième cas, il est évident que l’objectif est de contourner le contrôle des prix du riz.
Dès le début de l’année 2008, Hugo Chavez avait menacé d’intervenir dans la production privée à cause des soupçons que Polar et autres entreprises privées thésaurisaient une partie de leur production afin de provoquer des pénuries et de l’inflation. Autrefois des soupçons, aujourd’hui c’est un fait bien connu des vénézuéliens.

* Pour les images, voir le site
Un commissariat de police dans l’Etat de Zulia (Venezuela), le 17 octobre 2013. En effet les autorités vénézuéliennes saisissent régulièrement des biens dans des dépôts clandestins ou autres, qui ne sont pas destinés à être vendus afin de provoquer le mécontentement général

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Saisi de 80 tonnes d’aliments et divers biens le 15 mai 2013 à Maracaibo (Venezuela)

Mais il est à noter que, contrairement aux déclarations du gouvernement ne voulant pas avoir à faire à la bourgeoisie compradore, seule une petite partie des pénuries sont causées par ces méthodes, l’essentiel venant des phénomènes décrits plus haut. Mais il s’agit de montrer qu’à chaque fois qu’un pouvoir politique a menacé la domination de la bourgeoisie alors qu’elle possédait le pouvoir économique, l’histoire est toujours la même. Elle a le pouvoir d’agir, elle le fait volontiers… et à n’importe quel prix.

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Découverte de plusieurs établissements commerciaux à San Cristóbal (Venezuela) dont les dépôts sont remplis alors que les rayons des magasins sont vides, le 28 avril 2014

Des « marchands ambulants » profitent aussi de la situation en raflant tout dans les magasins très tôt le matin et les revendent beaucoup plus cher dans la rue [16], ce qui contribue également à aggraver l’inflation et les photos de rayons vides. C’est pour cette raison, du moins officiellement, que le gouvernement a mis en place une « carte d’approvisionnement assuré » (qui n’est pas obligatoire) depuis le mois d’avril, il s’agit de « lutter contre la contrebande et la spéculation » en limitant le nombre d’achats par personne.

Le contrôle du change en place depuis 10 ans a alimenté un marché noir des devises, aujourd’hui un immense fossé sépare le taux de change officiel du taux officieux.
De ce fait beaucoup de commerçants fixent leur prix selon le taux de change officieux, qui est 9 fois plus élevé que l’officiel aujourd’hui. En effet le journal Le Figaro du 5 décembre 2013, pourtant peu soupçonnable de chavisme écrit :

« Personne ne nie que certains commerçants aient exagéré leurs prix, en les fixant par rapport au taux de change officieux et non officiel. Les inspections ont ainsi relevé des marges de plus de 1 000 %. Même le président du syndicat patronal Fedecamaras, Jorge Roig, admet que «des commerçants ont abusé». [17]»

Gregory Wilpert, rédacteur en chef de Venezuelaanalysis, écrit en novembre 2013 : « Le gouffre de plus en plus profond entre le taux de change officiel et son pendant sur le terrain cause de lourds dégâts dans la société. Il n’est pas rare que les produits subventionnés par l’Etat — principalement des denrées alimentaires — atterrissent en contrebande dans les pays voisins. Les habitants des zones frontalières voient régulièrement défiler des camions remplis de lait, d’huile ou de riz qui vont décharger leur cargaison en Colombie, au Brésil ou au Guyana. Les douaniers ferment les yeux. Entre le prix de ces denrées au Venezuela et les tarifs auxquels elles se négocient de l’autre côté de la frontière, la marge est confortable, et permet aux trafiquants de s’assurer la bienveillance des fonctionnaires. Et tant pis si les pénuries redoublent à l’intérieur du pays. »

Les remèdes

L’« expérience » vénézuélienne nous montre qu’on ne peut pas réformer le capitalisme.

Selon l’économiste vénézuélien Nadesda Muñoz, au vu des sommes consacrées aux importations alimentaires, il ne devrait pas y avoir de pénuries, ou du moins pas autant. La tragédie est que ces importations ne parviennent pas aux étagères, n’existent pas, sont détournées ou sont totalement frauduleuses. La production agricole, fragmenté en milliers de petits capitalistes, a en effet gravement décliné, ses exportations ont chuté de quelque 90% entre 1999 et 2012. C’est pour cette raison que l’économiste préconise la création de ce qu’il appelle le CENAGRO, organisme d’Etat chargé de centraliser une grande partie de la production agricole et le processus agro-industriel afin de permettre son développement harmonieux et d’y investir d’importantes sommes couplé d’une haute technologie dans le but d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire.

Pour Sutherland la première chose à faire « pour arrêter l’hémorragie de devises et la dramatique spirale dévaluation-inflation » est de créer un Centre étatique unique des importations (CEUI) , « qui arrachera le réflexe de spéculation à la bourgeoisie spéculatrice-importatrice. Le gouvernement, avec son contrôle des changes et l’allocation de devises préférentielles (à un prix 5 fois inférieur au marché parallèle) a crée un mécanisme fabuleux pour transférer la rente pétrolière à la bourgeoisie : l’importation de biens avec un taux de change surévalué et sa revente à un prix de monopole. Avec ce mécanisme, les bourgeois ont amassés d’énormes fortunes tandis que le pays a été plongé dans la misère productive. »

Que Maduro ait crée un Centre national du commerce extérieur en novembre 2013 est, pour le Parti communiste du Venezuela (PCV), un bon début qui va dans le bon sens, mais ne constitue pas encore une nationalisation du commerce extérieure. La proposition du PCV, qui touche le fond du problème est la suivante :

« la centralisation par l’État des achats nationaux dont a besoin le pays sur la base d’une hiérarchisation et de priorités pour le développement national, et vendus en bolivar au secteur privé national ».

« Pas un dollar à la bourgeoisie ! » est devenu un slogan au PCV, ce dernier demande également la mise en place d’un plan national d’industrialisation (planification de la production), la nationalisation immédiate du secteur financier et des grandes entreprises, et un impôt fortement progressif couplé de la suppression de la TVA.

« Nous ne pouvons pas suivre une politique économique dont le fondement est de remettre des devises dans les poches pleines des couches spéculatrices et du commerce importateur », a expliqué Pedro Eusse, secrétaire syndical du PCV, ajoutant que cela ne génère aucun développement productif, mais maintient le pays dans un retard de développement et met à mal les finances publiques.

L’exemple que je vais développer à l’instant va en choquer plus d’un : l’économie soviétique sous Staline.

La comparaison avec l’économie vénézuélienne est intéressante. En 1917 la situation de la Russie était comparable dans le sens ou l’état économique était catastrophique et l’objectif des nouveaux dirigeants était d’industrialiser le pays (« Le communisme c’est le pouvoir aux soviets plus l’électrification de tout le pays » (en tant que base de l’industrialisation) disait Lénine), encore assez féodal, afin d’être indépendant du monde capitaliste menaçant et agressif et construire le socialisme. Comment Staline s’en est-il pris ? Par deux moyens ; par la nationalisation des terres et la mise en service de ses revenus pour l’industrialisation du pays et également en utilisant les excédents du produit du travail industriel. Et ça a marché, sur le graphique ci-dessous on voit que l’URSS atteint des sommets dans les années 1930.

pib_1929-1939

En 1935 Staline parle ainsi, ces mots collent parfaitement à la situation dramatique du Venezuela : « La tâche consistait à faire passer ce pays de la sombre voie médiévale dans la voie de l’industrie moderne et de l’agriculture mécanisée. Tâche sérieuse et difficile, comme vous le voyez. La question se posait ainsi : ou bien nous accomplirons cette tâche dans le plus bref délai et affermirons le socialisme dans notre pays, ou bien nous ne l’accomplirons pas, et alors notre pays, techniquement faible et arriéré au point de vue culturel, perdra son indépendance et deviendra l’enjeu des puissances impérialistes [...] Pour cela, il fallait s’imposer des sacrifices et réaliser en toute chose la plus stricte économie ; il fallait économiser et sur l’alimentation, et sur les écoles, et sur les tissus, pour accumuler les fonds nécessaires à la création de l’industrie. Point d’autre voie pour remédier à la pénurie technique [...]

Evidemment, les trois milliards de roubles, en devises étrangères, que nous avons amassés grâce à une économie des plus rigoureuses, et dépensés pour créer notre industrie, nous aurions pu les employer à importer des matières premières et à augmenter la fabrication des articles de grande consommation. C’est aussi un « plan » dans son genre. Mais, avec un tel « plan », nous n’aurions ni métallurgie, ni constructions mécaniques, ni tracteurs et automobiles, ni avions et tanks. Nous nous serions trouvés désarmés devant les ennemis du dehors. Nous aurions sapé les fondements du socialisme dans notre pays. Nous nous serions trouvés prisonniers de la bourgeoisie intérieure et extérieure.

Evidemment, il fallait choisir entre les deux plans : entre le plan de retraite [freiner, voir arrêter l'industrialisation], qui menait et devait forcément aboutir à la défaite du socialisme, et le plan d’offensive, qui menait et, comme vous le savez, a déjà abouti à la victoire du socialisme dans notre pays. Nous avons choisi le plan d’offensive et nous sommes allés de l’avant dans la voie léniniste, en refoulant ces camarades qui ne voyaient pas plus loin que leur nez, et qui fermaient les yeux sur le proche avenir de notre pays, sur l’avenir du socialisme chez nous. » (Discours du 4 mai 1935 au Palais du Kremlin)

Lénine disait dans des termes proches en 1923 : « Non. Si nous conservons à la classe ouvrière sa direction sur la paysannerie, nous pourrons, au prix d’une économie des plus rigoureuses dans la gestion de notre Etat, employer la moindre somme économisée pour développer notre grande industrie mécanisée, l’électrification, l’extraction hydraulique de la tourbe, pour achever la construction de la centrale hydro‑électrique du Volkhov, etc.

Là, et là seulement, est notre espoir. Alors seulement nous pourrons, pour employer une image, changer de cheval, abandonner la haridelle du paysan, du moujik, renoncer aux économies indispensables dans un pays agricole ruiné, et enfourcher le cheval que recherche et ne peut manquer de rechercher le prolétariat, à savoir, la grande industrie mécanisée, l’électrification, la centrale hydro‑électrique du Volkhov, etc. » (Mieux vaut moins mais mieux, 4 mars 1923)

Au Venezuela, alors qu’il y a d’immenses réserves de pétrole, le gouvernement hésite toujours à s’engager dans la bonne voie, celle de l’industrialisation socialiste et de prospérité nationale afin de dépasser la décadence capitaliste, en mai 2014 la compagnie pétrolière publique PDVSA annonce qu’elle émet pour 5 milliards de dollars d’obligations, l’essentiel va être destiné, encore une fois, aux programmes sociaux et non à la production. Le Venezuela s’effondre et l’Etat chaviste se contente de contempler avec les yeux ronds.

Nous voyons donc nettement que contrairement à la logorrhée capitaliste libéral, ce n’est pas un soi-disant « socialisme » qui a produit cette catastrophe économique, mais bien son absence total.

Mais…

En 2012 lorsque Chavez rédigeait son testament politique, le Plan patria pour son mandat 2012-2019, qu’il n’a pas pu réalisé, il a mentionné la mise en place d’une planification centralisée de l’économie, avec la prédominance de la propriété d’État et coopérative sur la propriété privée, afin de donner au pays sa souveraineté économique, d’être une grande puissance locale et de sortir de la catastrophe rentiste-importatrice-spéculatrice-inflationniste actuelle. Mais pourquoi est-ce que, près d’un an et demie plus tard, toujours aucune trace de ce texte ne semble être appliqué ? Le manque de volontarisme de la part des dirigeants d’abord, ils pensent en effet qu’on ne pas construire le « socialisme » dans un seul pays (position trotskiste anti-léniniste) et sans doute que lorsque Chavez a commencé à se définir comme socialiste il n’a pas voulu bouleverser les priorités nationales afin d’éviter de briser la grande légitimité qu’il tirait des vastes programmes sociaux… la deuxième raison, et sans doute la plus importante, est que les fonctionnaires vénézuéliens sont historiquement très corrompus, parmi les plus corrompus au monde (notamment à cause des pétro-dollars, ils sont classés 162ème sur 179 pays selon Transparency International en 2007), et ce malgré la mise en avant de la morale socialiste et chrétienne par Chavez depuis un certain nombre d’années, par conséquent leur confier des tâches à grande responsabilité serait inutile et néfaste.

Ainsi Nicolas Maduro affiche la lutte contre la corruption, cette « contre-valeur du capitalisme », comme une des priorités. Simon Bolivar dénonçait lui aussi très sévèrement la corruption, en 1812 il décrète la peine de mort pour les corrupteurs et les corrompus. Rien de tel pour calmer les pulsions capitalistes des fonctionnaires, jusqu’au stade ou la production matérielle transforme la production spirituelle.

Ainsi au Venezuela, situation très délicate, la construction du socialisme et la sortie de crise du capitalisme vénézuélien (qui sont complémentaires) passent désormais par la destruction de la corruption. Mais de ce côté non plus ça n’avance pas, Maduro, qui a reçu en novembre 2013, les plein-pouvoirs pour l’économie et la corruption pour une durée d’un an, a mis en place quelques mesures inutiles et absurdes à visées démagogiques concernant l’économie et toujours rien de concret pour la corruption.



Pour aller plus loin :

http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-la-nationalisation-du-commerce-exterieur-au-venezuela-une-reponse-aux-manoeuvres-destabilisatrices-d-119184271.html

http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-la-revolution-bolivarienne-en-peril-comment-la-bourgeoisie-commerciale-parasitaire-peut-elle-faire-122566146.html

http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WILPERT/49805

http://www.alemcifo.org/uploads/3/2/3/7/3237202/art._final_devaluacin_editado_2013_juan-manuel.pdf

http://www.aporrea.org/autores/SAZ

Notes :

[1] : http://www.upr.fr/actualite/monde/le-venezuela-avant-et-apres-hugo-chavez
Pour toutes les données citées : http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/4/7924/Capitulo_I_2001.pdf, tableau page 12

[2] : http://www.tradingeconomics.com/charts/venezuela-unemployment-rate.png?s=vnuemthy&d1=19990101&d2=20091231

[3] : http://www.tradingeconomics.com/charts/venezuela-inflation-cpi.png?s=vnvpiyoy&d1=19890101&d2=19971231

[4] : https://www.youtube.com/watch?v=kq_NjLc1s2M et http://www.voltairenet.org/article132461.html

[5] : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SI.POV.NAHC/countries/VE?display=graph

[6] : http://www.mondialisation.ca/comment-la-droite-venezuelienne-accapare-la-rente-petroliere/5360032

[7] : Aumento del 894% en importación estatal, caída en las reservas y estatización del Comercio Exterior, 1/10/2013, Apporea, http://www.aporrea.org/actualidad/a174465.html

[8] : http://communisme-ouvrier.info/?Chavez-appelle-les-capitalistes-a

[9] : http://www.psuv.org.ve/temas/noticias/nicolas-maduro-socialismo-productivo-chavez-venezuela-siglo-xxi/#.U1sE01V5MbI

[10] : http://www.lepoint.fr/monde/venezuela-face-aux-penuries-maduro-lance-son-offensive-economique-24-04-2014-1815694_24.php

[11] : http://www.lemoci.com/011-48080-Presentation-generale-Venezuela.html

[12] : http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-lutte-du-gouvernement-venezuelien-contre-la-speculation-les-communistes-pointent-des-avancees-m-121076070.html

[13] : James Suggett, « Venezuelan Government Takes Control of Rice Plants that Evade Regulated Prices » sur venezuelanalysis.com, 2 mars 2009

[14] : Christina Schiavoni et William Camacaro, The Venezuelan Effort to Build a New Food and Agriculture System, Monthly Review, vol. 61, no 03, juillet-août 2009

[15] :Edward Ellis, Venezuela’s Agricultural Production Advances, venezuelanalysis.com, 23 août 2010

[16] : http://www.liberation.fr/economie/2013/10/09/le-venezuela-a-court-de-liquide_938300

[17] : http://www.lefigaro.fr/international/2013/12/04/01003-20131204ARTFIG00529-le-pouvoir-venezuelien-en-guerre-contre-la-bourgeoisie-parasite.php

Dernière mise à jour : 18/06/2014

-> http://progreshumain.wordpress.com/2014/04/30/analyse-critique-de-leconomie-du-venezuela/

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marquetalia
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   Posté le 18-06-2014 à 19:20:46   Voir le profil de marquetalia (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à marquetalia   

evidemment,serez vous tenté de soutenir les djihadistes qui ensanglantent l afrique qui eux n affichent pas un "antiimpérialisme de facade?"le venzuela reste une experience socialiste menacée par washington,en 2002,chavez a failli etre assasiné par des putschistes appuyés par les usa,et maduro garantit un appui à cuba,qui ,sans le venezuela,la bolivie,l équateur et le nicaragua,serait étouffée par big brother depuis une dizaine d années,il convient mieux d apporter notre soutien à caracas qu aux islamistes du sahel à la corne de l afrique,qui font le jeu de l impérialisme pour la conquete des richesses minières du continent noir.
Yaksanda01
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   Posté le 19-06-2014 à 17:36:31   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

Allons, le Venezuela une expérience "socialiste" ? Rien de concret n'a avancé depuis 1999, Chavez a (malgré-lui) engraissé la bourgeoisie autant, voir plus que n'importe quel chef d'Etat capitaliste pur et dur et son successeur qui n'a rien à faire à ce poste continue à duper les travailleurs et à appeler les capitalistes (vénézuéliens et internationaux) à la collaboration.
A quoi ont servis les "pouvoirs spéciaux pour l'économie et la corruption" de Maduro voté (en fraudant) en novembre 2013 qui périme bientôt ? Strictement à rien, juste pour faire le chef d'Etat responsable un mois avant les élections municipales. Ne t'attache pas trop à cette pseudo-révolution, tu risquerais d'être déçu (si tu ne l'es pas déjà).

Le seul intérêt de la clique chaviste est la politique extérieure.
marquetalia
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   Posté le 19-06-2014 à 19:06:22   Voir le profil de marquetalia (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à marquetalia   

peut etre que la "révolution bolivarienne" est bourgeoise,mais,comme tu le dis,la politique exterieure de caracas a ses atouts,notamment en défendant les révolutions cubaine et colombienne,qui auraient ete réduites à néant sans hugo chavez.
marquetalia
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   Posté le 20-06-2014 à 00:05:01   Voir le profil de marquetalia (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à marquetalia   

decidement,la révolution bolivarienne serait "bourgeoise" et les communistes russes et moldaves "révisionnistes?et les djihadistes Al-Shaabab,c est des marxistes-léninistes?
Yaksanda01
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   Posté le 30-10-2014 à 20:03:07   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

La "révolution bolivarienne" est parfaitement bourgeoise, Chavez lui-même le disait...

Voici une traduction d'un récent article de marxistes-léninistes espagnols :

-> La vieillesse des théories d’unité et de paix entre les classes antagonistes du « socialisme du XXI° siècle »

Article rédigé par des camarades espagnols et publié le 24 octobre 2014 sur ce blog, avec pour titre original : La vejez de las teorías de unidad y paz entre clases antagónicas del «socialismo del siglo XXI».

Il en va de l’unité comme la quintessence du processus, citons un exemple de l’absurdité dont nous parlons :

« La victoire de Chavez, qui est celle de la majorité, notre victoire convient aux propriétaires des grandes entreprises privées, de la grande bourgeoisie. Pourquoi ? Parce qu’avec Chavez, qui est le peuple, la volonté de la majorité, se garantit la tranquillité et la paix (*). [...] La classe moyenne supérieure devrait voter pour Chavez car nous sommes la garantie d’une relative tranquillité ». (Hugo Chavez, 7 octobre 2012)

Cette prétendue « découverte » arrive à se présenter comme un dépassement du marxisme-léninisme et nie les expériences historiques du socialisme scientifique :

« Le socialisme bolivarien nous devons le construire dans le cadre de la constitution bolivarienne, nous ne projetons pas l’élimination de la propriété privée, ni la grande ni la petite. [...] Le socialisme du XXI° siècle c’est la démocratie, nous autres nous ne parlons pas de dictature du prolétariat, ce fut il y a 100 ans et regardez comment ça s’est fini en Union Soviétique, il n’y avait pas de socialisme, il n’y avait rien ». (Hugo Chavez, entretien réalisé par les journalistes Vanessa Davies, Vanessa Sánchez et Ernesto Villegas, 4 octobre 2012)

Seul un rêveur, un antimarxiste comme Mao Zedong ou ces idéologues néo-révisionnistes pourraient constituer un Etat socialiste en alliance avec la bourgeoisie nationale :

« Le pouvoir politique peut-il être partagé sur un pied d’égalité par « plusieurs classes révolutionnaires », si l’une de ces classes possède en propre les moyens de production et de reproduction de l’existence et si ces moyens font défaut aux classes qui produisent la richesse, le prolétariat et la paysannerie travailleuse en l’occurrence ? Les marxistes ne peuvent répondre que par la négative à une telle question ». (Vincent Gouysse, Impérialisme et anti-impérialisme, 2007)

Vincent Gouysse déclarait de manière évidente à propos de la société révisionniste-bourgeoise chinoise qu’elle est également applicable aujourd’hui avec les sociétés révisionnistes-bourgeoises du « socialisme du XXI° siècle » :

« La conception marxiste des sociétés humaines nous apprend que la base matérielle économique d’une société détermine sa superstructure idéologique, juridique et politique. On ne saurait donc très longtemps écarter de l’exercice du pouvoir politique une classe sociale qui détient le pouvoir économique et qui joue un rôle social majeur ». (Vincent Gouysse, Impérialisme et anti-impérialisme, 2007)

Ce discours proposant un Etat dans lequel existe l’union des masses laborieuses avec la bourgeoisie nationale, en respect avec la constitution bourgeoise qui légitime la propriété privée et donc l’exploitation capitaliste, ne présente aucune doctrine politique nouvelle, c’est le nouveau réformisme adapté à notre temps. L’unique élément qu’a « découvert » le parti est la possibilité d’une imbrication étrange des révolutionnaires et des contre-révolutionnaires, des exploités et des exploiteurs dans un même milieu (**), tant à l’Etat qu’au parti, et les révolutionnaires locaux sont persuadés que ce parti ne les conduira jamais au socialisme mais dans un modèle social prostitué où prime la paix entre classes antagonistes : ils croient pouvoir permettre à leur société que toutes les classes sociales cohabitent ensemble et l’appeler socialiste, mais il existe encore des exploités et des exploiteurs et leurs contradictions, il existe encore la perpétuation de la propriété privée et l’alliance de ces partis réformistes avec les classes exploiteuses. Il est évident que ce modèle de société n’a rien à voir avec le socialisme théorisé par Marx et Engels et mis en pratique par Lénine et Staline. Comme nous l’avons affirmé, cela est une preuve claire du refus de la lutte des classes entre exploités et exploiteurs en essayant de concilier les deux camps opposés :

« Entre autres questions, les marxistes-léninistes et les révisionnistes se distinguent à propos de la signification et de l’application de la théorie de la lutte des classes. Les marxistes-léninistes considèrent la lutte des classes comme la principale force motrice dans une société de classes et combattent à travers des méthodes radicalement révolutionnaires sur la base de l’irréconciliabilité de cette lutte, un combat contre les ennemis de classe, leurs politiques et leur idéologie. Les révisionnistes, contrairement à ces derniers, suivent la politique de conciliation avec les ennemis de classes internes et externes, une politique d’extinction de la lutte des classes, non seulement dans les cas où ils la nient ouvertement, mais aussi dans les cas où ils acceptent cette lutte par les mots, officiellement ». (Nexhmije Hoxha, Certaines questions fondamentales de la politique révolutionnaire du Parti du Travail d’Albanie sur le développement de la lutte des classes, 1977). (Equipo de Bitácora de un Nicaragüense; El revisionismo del «socialismo del siglo XXI», 2013 [réédition de 2014])

Notes :

* : Cette phrase est la suite immédiate de l’entretien avec Chavez mais n’apparaît dans l’article original traduit ici.

** : En réalité les nazis avaient également tenté d’unifier les travailleurs et les capitalistes, notamment à travers le syndicat nazi Front du travail, bien entendu au bénéfice des exploiteurs.

Pour approfondir, un texte du même blog sur « la marque économique capitaliste du « socialisme du XXI° siècle » » (espagnol) et cet article sur les problèmes économiques au Venezuela.

Source : http://progreshumain.wordpress.com/2014/10/30/la-vieillesse-des-theories-dunite-et-de-paix-entre-les-classes-antagonistes-du-socialisme-du-xxi-siecle/

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Xuan
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   Posté le 30-10-2014 à 20:22:34   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Il y a une confusion entre la révolution bolivarienne, qui est du type "démocratie nouvelle", et la révolution prolétarienne.

L'étiquette "socialiste" collée sur ces régimes abuse les progressistes non avertis qui en font des révolutions socialistes dont nous pourrions prendre modèle.
A l'inverse Soral tire à lui l'image de Chavez en avançant son côté national et ses discours ponctués de Patria.
D'un côté comme de l'autre ces présentations sont erronées.

Ce sont des révolutions anti impérialistes et anti féodales où la bourgeoisie nationale peut jouer un rôle positif, voire dirigeant. Elles sont spécifiques aux colonies et aux anciennes colonies et leurs alliances de classe ne peuvent pas être transposées dans un pays industriel et impérialiste.
Naturellement, s'agissant de classes bourgeoises, leur position est hésitante et elles sont capables de revirements accompagnés du massacre des communistes. En Chine le PCC a vécu ces revirements avec le Kuomintang.
Mais à long terme ces classes bourgeoises ne peuvent se développer qu'en s'opposant à l'impérialisme.

C'est au parti communiste sur la base de l'analyse des classes qu'il revient de conduire ces alliances en les adaptant à la situation.

Sur le plan international ces révolutions, y compris lorsqu'elles sont dirigées par la bourgeoisie nationale, sont opposées à l'impérialisme et favorisent la révolution mondiale. Lénine et Staline ont clairement identifié la nature des luttes nationales lorsqu'elles s'opposent à l'impérialisme.

Dans le cas de la Chine, qui est différent de celui du Venezuela, c'est le parti communiste qui dirige cette alliance parce qu'historiquement c'est lui qui a vaincu le kuomintang. Les partis bourgeois qui participent à l'assemblée populaire reconnaissent la direction du PCC.
Par conséquent il n'y a pas de "pied d'égalité" comme le prétend Gouysse dont les théories ne sont qu'ne variante du trotskysme.


Edité le 30-10-2014 à 20:30:59 par Xuan




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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Yaksanda01
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   Posté le 30-10-2014 à 20:59:40   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

Sauf que le gouvernement vénézuélien n'a aucune intention de construire le socialisme.
Je vois pas comment on peut se prétendre communiste et défendre une telle théorie (la "démocratie nouvelle" ) que Mao a utilisé lorsqu'il s'est rendu à la bourgeoisie. Mao avait justifié son orientation par le grand retard économique de la Chine. Mais en 1949 la Chine avait une base industrielle plus développée que l'Albanie en 1945, et pourtant celle-ci s'est engagé dans la construction du socialisme avec succès, pendant ce temps la Chine rampait...

Et un maoïste qui traite un authentique marxiste-léniniste comme Vincent Gouysse de trotskiste... c'est de l'ironie ?


Edité le 30-10-2014 à 21:04:38 par Yaksanda01




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Finimore
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   Posté le 31-10-2014 à 06:13:57   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Yaksanda01 a écrit :

Sauf que le gouvernement vénézuélien n'a aucune intention de construire le socialisme.
Je vois pas comment on peut se prétendre communiste et défendre une telle théorie (la "démocratie nouvelle" ) que Mao a utilisé lorsqu'il s'est rendu à la bourgeoisie. Mao avait justifié son orientation par le grand retard économique de la Chine. Mais en 1949 la Chine avait une base industrielle plus développée que l'Albanie en 1945, et pourtant celle-ci s'est engagé dans la construction du socialisme avec succès, pendant ce temps la Chine rampait...

Et un maoïste qui traite un authentique marxiste-léniniste comme Vincent Gouysse de trotskiste... c'est de l'ironie ?


Yaksanda01, "j'attend de voir" ta présentation, même si au regard de tes propos, j'ai ma petite idée là-dessus.

Ce que tu dis c'est "un plat réchauffé" que VG alias Soviet Redstar ou Koba nous a déjà servis depuis 2005 sur le FUC puis sur le FML plus tard.

Son analyse de la révolution chinoise est très ressemblante aux analyses trotskystes.

Ce que tu dis sur la Chine et l'Albanie, là encore c'est du réchauffé !

Tu dis "Et un maoïste qui traite un authentique marxiste-léniniste comme Vincent Gouysse de trotskiste... c'est de l'ironie ?"

Défendre Mao et le PCC c'est par forcément être "maoïste". Quand dans les années 2005, VG reprenait les contre-vérités d'Enver Hoxha (voir Réflexions sur le Chine) contre Jacques Jurquet c'était pas de l'ironie, c'était grotesque et faux.
Par contre (et cela n'enlève rien au fait que VG à publié des articles très justes sur l'URSS de Staline sur son site), il a eu des relations et des accords politiques avec des individus douteux (et c'est peu dire...) et encore aujourd'hui il n'hésite pas à mettre en avant un rouge-brun très proche des thèses de Soral en avant.

Sur le blog :
https://bourgoinblog.wordpress.com/2014/01/12/les-enseignements-de-laffaire-dieudonne-par-vincent-gouysse-organisation-des-communistes-de-france/

Le texte : Les enseignements de « l’affaire Dieudonné », par Vincent Gouysse (Organisation des Communistes de France) le 03-01-2014, dont voici un extrait est significatif, car sur le fond il ne dénonce pas l'antisémitisme de Dieudonné, ni le soutien à Faurisson ou Soral.
D'autant plus que ce que disent ces fachos sur l'URSS et Staline est sur le fond en total contradiction avec ce qu'a publié VG sur l'URSS depuis des années. Pire les propos, les thèses de Dieudonné, Soral, Faurisson c'est les thèses des pires fascistes sur l'URSS contre Staline. Alors, être indulgent voir complice de ces thèses, c'est quand même curieux, non ?!

" Pour les communistes, la critique et l’audience de Dieudonné sont évidemment les bienvenues, car elles constituent une accroche potentielle à la critique marxiste du capitalisme. La critique sociale de Dieudonné a quelque chose de sain quand elle replace au centre de la problématique la question de l’esclavage salarié, constituant ainsi un embryon de la désaliénation des masses populaires. Cette dernière représente en effet le premier pas fait en direction du combat pour leur émancipation économique, sociale et politique du joug du Capital.

C’est évidemment une abomination pour l’ordre bourgeois qui l’a bien compris et qui par conséquent cherche à abattre par tous les moyens ce dangereux artiste (bien) engagé.
"

Est-ce qu'aujourd'hui VG défend toujours ce point de vue ?


Edité le 31-10-2014 à 06:16:23 par Finimore




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   Posté le 31-10-2014 à 13:06:01   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

Défendre la critique sociale de Dieudonné, c'est pas défendre son délire antisémite de lui et Soral. Il faut montrer que les réformistes n'ont pas le (mauvais) monopole de la "critique sociale". L'article de Vincent rappelle que la critique du capitalisme est forcément marxiste, sinon elle ne l'est pas et devient une impasse réformiste.

Et vas-y n'hésites pas à donner des noms d'"individus douteux"...


Edité le 31-10-2014 à 13:07:31 par Yaksanda01




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   Posté le 31-10-2014 à 15:14:38   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Yaksanda01 a écrit :

Et vas-y n'hésites pas à donner des noms d'"individus douteux"...


l'intérêt c'est pas les noms ou les pseudos, c'est l'orientation et la pratique politique.

J'attend toujours que tu fasses une petite présentation dans la rubrique concernée...

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   Posté le 31-10-2014 à 15:23:56   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Yaksanda01 a écrit :

Défendre la critique sociale de Dieudonné, c'est pas défendre son délire antisémite de lui et Soral. Il faut montrer que les réformistes n'ont pas le (mauvais) monopole de la "critique sociale". L'article de Vincent rappelle que la critique du capitalisme est forcément marxiste, sinon elle ne l'est pas et devient une impasse réformiste.


J'ai l'impression que tu te fout de notre gueule ou que tu essais de jouer au chat et à la souris, car dans l'article de VG il n'est jamais dit clairement que Dieudonné est antisémite, qu'il est proche de Le Pen et de Soral ou qu'il fait de Faurisson une vedette.

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C'était pas le sujet...

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   Posté le 01-11-2014 à 05:43:50   Voir le profil de Finimore (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Finimore   

Yaksanda01 a écrit :

C'était pas le sujet...


Je transfère cette partie de la discussion (Dieudonné Soral) dans le sujet approprié. Càd : Actualité françaises - Dieudonné / Soral les habits "neufs" du fascisme.
https://humaniterouge.alloforum.com/dieudonne-soral-habits-neufs-fascisme-t2813-2.html#p48432



Edité le 01-11-2014 à 05:47:03 par Finimore




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   Posté le 01-11-2014 à 11:33:32   Voir le profil de Yaksanda01 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Yaksanda01   

En fait je parlais de l'article sur Dieudonné, son antisémitisme n'était pas le sujet...

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