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|  Posté le 28-11-2006 à 23:13:56   
| Ukraine: le Parlement qualifie de "génocide" la grande famine de 1932-33
Par Ania TSOUKANOVA
KIEV (AFP) - L'Ukraine a adopté mardi une loi qualifiant de "génocide" la grande famine déclenchée par l'URSS en 1932 et 1933 qui aurait tué jusqu'à dix millions de personnes, une décision aussitôt qualifiée d'"historique" par la présidence.
Le Parlement a adopté par une courte majorité - 233 voix "pour" avec 200 des 450 députés ne prenant pas part au vote - un projet de loi présenté par le président Viktor Iouchtchenko.
"Le président (ukrainien) considère l'adoption de cette loi comme un acte historique qui montre que le Parlement paie ses dettes, dettes de mémoire et de respect vis-à-vis des générations" qui ont souffert de la famine, a déclaré le chef adjoint de l'administration présidentielle, Ivan Vassiounyk, cité par l'agence Interfax.
Les anciens alliés de la Révolution orange (le parti présidentiel Notre Ukraine, le Bloc Ioulia Timochenko et les socialistes) se sont rassemblés pour adopter ce texte, contre l'avis du Parti des régions du Premier ministre pro-russe Viktor Ianoukovitch et des communistes.
Ces derniers estimaient que le caractère "génocidaire" de la famine n'était pas clairement établi et mettaient en garde contre les risques de détérioration des relations avec la Russie en cas de reconnaissance du génocide.
La diplomatie russe a en effet aussitôt réagi, appelant Kiev à ne pas "politiser" la question de la famine, a rapporté Interfax.
Deux députés du Parti des régions, originaires du bastion nationaliste de Lviv, ont néanmoins voté en faveur de la loi, dont l'adoption a été saluée par les applaudissements des parlementaires orange, qui ont scandé "Ukraine ! Ukraine !".
Le texte a été atténué à la demande des socialistes, actuellement alliés des pro-russes au sein du gouvernement. Le président socialiste du Parlement, Olexandre Moroz, a notamment proposé de supprimer les amendes prévues initialement en cas de "négation publique" de ce drame.
En 1932, les autorités soviétiques avaient déclenché une campagne de collectivisation forcée au cours de laquelle elles avaient réquisitionné semences, blé, farine, légumes et bétail, acculant les paysans à la famine, notamment en Ukraine, et tuant de 4 à 10 millions d'Ukrainiens.
Si le qualificatif de "famine" fait l'objet d'un consensus, celui de "génocide" fait toujours débat parmi les spécialistes mondiaux de la question.
Selon des experts ukrainiens et occidentaux, comme le Britannique Robert Conquest et le Suédois Jacob Sundberg, cette famine provoquée intentionnellement par le pouvoir soviétique visait à briser les velléités d'indépendance de l'Ukraine.
Les autorités soviétiques avaient bloqué les fournitures de produits alimentaires dans les régions frappées par la famine et continuaient à exporter du blé, alors que des milliers d'Ukrainiens mouraient de faim chaque jour.
Depuis des années, Kiev cherche à faire reconnaître par l'Onu la grande famine des années 1932-33 comme un "génocide" contre le peuple ukrainien.
L'adoption de cette loi pourrait redonner du poids aux démarches de l'Ukraine auprès de l'Onu, mais le succès de cette initiative reste incertain, estiment les analystes ukrainiens.
"Jamais l'Onu ne reconnaîtra la famine comme un génocide, elle ne l'a pas fait même pour l'Holocauste", a souligné Mikhaïlo Pogrebinsky, directeur du Centre des recherches politiques et des études des conflits à Kiev.
En revanche, la décision du Parlement "pourrait susciter en Ukraine des tentatives de poursuite en justice de la Russie, en tant qu'héritière de l'URSS, pour lui demander des dédommagements" et provoquer ainsi de nouvelles tensions avec Moscou, estime Volodymyr Fesenko, du Centre des recherches politiques Penta.
Selon lui, la nouvelle loi est d'une "victoire" incontestable de M. Iouchtchenko, qui attachait "une grande importance et une valeur éthique" à ce texte.
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