| | | | | Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18563 messages postés |
| Posté le 19-03-2014 à 18:29:47
| Gilbert Remond me transmet son article paru dans le n° 2 du bulletin Unir les communistes. "Voici le texte que je t'avais soumis il y a quelques semaines. Il est aujourd'hui publié dans la revue dans une version racourcie. Tu peux l'utiliser maintenant tel quel, dans sa structure originale, en signalant toute fois, sa provenance. Les élections européennes vont arriver, l'actualité ukrainienne en fait aussi un texte de circonstance, car bien évidement, si l'Europe parvenait au bout de son projet d'intégration sauvage, grâce a l'OPA putche de la place Maïdan, ce seraient des dixaines de milliers de nouveaux travailleurs payés au rabais qui seraient disponibles pour attaquer les salaires de ceux qui sont déjà cruellement exploité par les capitalistes des pays promoteur de cette foire au nouveaux esclaves." Amitié Gilbert
______________ Les travailleurs européens, marchandises du libre échange Nous serions par les temps qui courent, face à un nouveau défit imposé par le progrès, une sorte de phénomène naturel qui nous impose une course effrénée vers la baisse des « coûts du travail » comme ils disent, et contre lesquelles il serait vain de vouloir s’opposer, à moins de vouloir retourner aux confins de la préhistoire c’est -a -dire au néant de temps non-économiques. Ainsi dans un chapitre de sa contre-histoire du libéralisme,« Dépolitisation et naturalisation des rapports économiques et sociaux » D. Losurdo, distinguait un discours de Tocqueville fait à la chambre des députés en 1848, où ce dernier se plaignait du comportement des classes ouvrières, tourmentées par des passions politiques. Il remarquait alors, que : « D’un côté, l’économie politique se fonde sur la théologie et, de l’autre, elle tend à prendre sa place, au sens ou c’est maintenant cette « science » qui est appelée à garantir et à sanctifier les rapports sociaux existants..... Grâce à elle, les pauvres comprendront qu’ils doivent attribuer à la marâtre nature ou a leur imprévoyance individuelle la cause de leurs privations » . Convenons avec lui, que la posture n’est pas nouvelle et comprenons en les causes idéologiques. Elle trouve ses caractéristiques aux sources même de la première révolution industrielle où ces causes travaillaient déjà, du fait des inévitables collisions entre prolétaires et possesseurs des moyens de production. En effet ce même Tocqueville qui nous est aujourd’hui présenté comme l’un des grands penseurs de la démocratie libérale disait après la révolution de 1848, qu’il était nécessaire « de rependre parmi les classes ouvrières (..) des notions les plus élémentaires et les plus certaines de l’économie politique, qui leur fasse bien comprendre, par exemple, ce qu’il y a de permanent et de nécessaire dans les lois économiques qui régissent le taux des salaires ; pourquoi ces lois, étant en quelque sorte de droit divin, puisqu’elles ressortissent à la structure même des sociétés, sont placés hors de portée des révolutions » (discours à l’académie des sciences morales et politiques, 3 avril 1852) Aussi, remettant l’ouvrage sur le métier, ses successeurs politiques remplissent leurs chroniques économiques de ces évidences. Ces phénomènes donc, tel le climat ou les saisons, nous précipitent dans des systèmes de plus en plus exigeants qui s’imposent à nous. Nous n’avons pas d’autre choix que ceux d’obéir à leurs lois. « There is no alternative » martelait Thatcher à ceux qui voulaient s’opposer à sa politique ! Elle est aujourd’hui imité par tous les adeptes de la dictature de l’alternance unique, ce système qui voit passer des majorités différentes mais appliquent la même politique. Aujourd’hui, ces phénomènes, nous sont présentés sous le terme de mondialisation. Il s’agirait des derniers développements de la civilisation industrielle. L’apparition de cette nouvelle phase du développement de nos sociétés, qui comme se plaisent à le dire nos experts, fait suite à « l’écroulement du monde communiste » , découlerait des immenses bons en avant, fait dans les techniques et les sciences dans tous les secteurs de l’activité dans un monde ouvert et libéré. Leur mises en œuvre est de plus en plus onéreuses. Elle réclame des mesures nouvelles et un redéploiement des moyens, en particulier de la force de travail. Les lois de la concurrence et de l’échange, l’émergence de nouveaux venus dans la compétition économique chez qui la main d’œuvre est moins chère, font le reste. Pourtant Marx s’était rendu compte dans le manifeste du parti communiste d’un mouvement de cet ordre qu’il avait attribué à des causes internes, au mode de production bourgeois, car expliquait-il : « En exploitant le marché mondial, la bourgeoisie à donné une forme cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays......Les produits industriels sont consommés non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du monde. Les anciens besoins, satisfaits par les produits indigènes font place à de nouveau qui réclament pour leur satisfaction les produits des pays et des climats les plus lointains. L’ancien isolement et l’autarcie locale et nationale font place à un trafic universel, une interdépendance universelle des nations » . C’était en 1848. Dégageant alors, la loi selon laquelle : « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes des classes » il lançait un mot d’ordre qui fera le tour du monde « prolétaire de tous les pays, unissez-vous » ! Pour que, à la place de la société bourgeoise, ses classes et ses antagonismes de classe, « surgisse une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement pour tous. » Ce spectre là rode toujours en Europe et plus que jamais avère son projet. Plus jeune il avait analysé l’arriération de l’Allemagne dans une « contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel » , ouvrage dans lequel, il avait livré une observation cruciale sur le lien qui existe entre honte, peur et courage, en écrivant : « Il faut rendre l’oppression réelle plus dure encore en y ajoutant la conscience de l’oppression, et rendre la honte plus honteuse encrée, en la livrant à la publicité. Il faut représenter chaque sphère de la société allemande comme la partie honteuse de la société allemande ; et ces conditions sociales il faut les forcer à danser, en leur faisant entendre leur propre mélodie ! Il faut apprendre au peuple à avoir peur de lui-même, afin de lui donner du courage. » De ce point de vu, comme pour tout mouvement historique il faut pouvoir comprendre les élaborations conceptuelles du capitalisme et la réalité concrète dans laquelle elles s’élaborent. Il faut aussi comprendre les relations politiques et sociales au-travers des quelles elles s’expriment dans leurs liens contradictoires. C’est pourquoi nous suivrons le raisonnement de Slavoj Zizek qui nous engageait a « vivre la fin des temps »dans un ouvrage éponyme, où il lançait un défit à ceux imprudemment annoncés par la chute du mur. Nous le suivrons dans cet encouragement, à nous révolter contre l’ordre global et sa mystification économique avec d’autant plus de volonté, que d’autres Hégéliens de petite vertu, mais par ailleurs authentiques partisans du libéralisme économique, nous avaient annoncé avec le triomphe du capitalisme « une fin de l’histoire » dans une injonction à la passivité. À cet effet, et au sujet de ces clercs d’un type nouveau, de ceux qu’ils servent, il nous rappelait une phrase de Mao qui disait après avoir rencontré Nixon « j’aime avoir affaire aux gens de droite. Ils disent vraiment ce qu’ils pensent, ce n’est pas comme ceux de gauche, qui disent une chose en en sous-entendant une autre » Mais parce que justement, ils disent vraiment ce qu’ils pensent, et parfois avec un bon sens de la formule, nous devrions comme nous l’invite D Losurdo, au sujet de Tocqueville, apprendre de leur méthode de travail, de leurs manière d’approcher les événements politiques dans l’histoire. Par exemple comme, lorsque ce dernier observe les études produites par le XVIIIè siècle et qu’il nous dit : « nous croyons très bien connaître la société française de ce temps là, parce que nous voyons clairement ce qui brillait à sa surface, que nous possédons jusque dans les détails l’histoire des personnages les plus célèbres qui y ont vécu, et que des critiques ingénieuses ou éloquentes ont achevé de nous rendre familières les œuvres des grands écrivains qui l’ont illustré. Mais quant à la manière dont ils conduisaient les affaires, à la pratique vraie des institutions, à la position exacte des classes vis-a-vis des autres, à la condition et aux sentiments de celles qui ne se faisaient pas encore entendre ni voir, au fond même des opinions et des mœurs, nous n’en avons que des idées confuses et souvent fautives » . Cependant, nous plaçant dans cette filiation logique, nous n’oublierons pas que l’ensemble des penseurs de la tradition libérale, les Calhoum, les Mill, les Locke, pensaient que l’esclavage était un mal nécessaire auquel la civilisation ne pouvait renoncer. Tous possédaient des esclaves, sans que cela, ne les empêche par ailleurs de stigmatiser l’esclavage politique, que la monarchie absolue voudrait imposer. Nous garderons présent en arrière fond de nos développements ces raisonnements pour ne pas nous laisser corrompre dans nos analyses et dans les revendications qui les suivent, Ainsi pour Calhoum, la théorisation de l’esclavage noir, allait de pair avec la mise en garde contre la concentration des pouvoirs qui risquait de transformer les gouvernés en esclave des gouvernants. Je dis cela parce que nous retrouvons à quelques mots près les mêmes dispositions logiques chez les grands patrons d’aujourd’hui et leurs représentants. Derrière le paravent des négociations d’entreprise, comme dans les commissions où ils complotent,et font pression, ils veulent ramener à un état de servilité et de domination absolu les travailleurs, sans oublier de se plaindre des lourdeurs administratives, des contrôles multiples de l’état sur leurs activités, des charges intolérables qui en résulte qu’ils assimilent aujourd’hui comme hier a une forme de pouvoir absolu qui porte atteinte à leurs libertés. Mais pour revenir aux gens de droite, la phrase de Mao, déplacé à notre époque nous dit et nous fait percevoir les contraste entre eux et les gens de gauche, par exemple entre Hollande qui se déclare ennemie de la finance pour finalement rejoindre une fois au pouvoir, les exigences de baisse du coût du travail formulé par le Medef, et M Perigot patron du CNPF en 1989 qui, comme le rappelait H Krasucki dans un congrès CGT de l’époque, disait tranquillement en parlant de l’Europe « ne soyons pas naïf... on va pouvoir dépoussiérer la société française de ses scories » et qui ajoutait faux candide « quelle est la finalité de l’Europe ? À mon sens c’est la flexibilité. Or la grande erreur nous serait de « rêver de vivre tous comme ceux qui vivent le mieux » , (rappelons qu’au même Moment Mitterrand et son premier ministre composaient des odes à la gloire de l’Europe sociale après avoir prix le parti du franc fort et de la rigueur). Monsieur Périgot déclarait aussi pour mettre ses troupes en ordre de combat « Unie l’Europe devra définir un nouveau type de rapport sociaux fondés sur la flexibilité, le respect des différences, l’épanouissement des aspirations individuelles. » ( entendez par là fin de la législation sur la semaine de travail et la journée de huit heures, casse du régime de l’assurance maladie et de la solidarité entre travailleurs, respect des différences de salaires et liberté d’utiliser la main d’œuvre à la convenance de l’employeur avec la suppression de la législation sur les licenciements). Puis il continuait en utilisant une mise en garde , avec des mots qui confirme amplement le jugement de Mao « personne ne saurait gagner la bataille de l’Europe en préservant frileusement les acquis d’un monde aujourd’hui révolu » Henri Krazucki, dirigeant conséquent d’une centrale syndicale de classe et de masse, encore affilié a la FSM, de son côté, remarquait, lucide : « les commentaires sont inutiles, monsieur Parigot dit tout dans son langage de Patron. L’Europe qu’ils veulent vraiment nous faire, c’est celle-là , la France qu’ils veulent, c’est celle qui accepte ce fantastique effondrement social » Il enfonçait encore le clou en disant : « c’est M Périgot qui dit la vérité. Ce qui est voulu, décidé et déjà en route en France même et dans chacun des douze pays de la communauté, c’est bel et bien la mise en concurrence des travailleurs de ces pays entre eux pour aligner vers le plus bas leurs conditions sociales. La libre circulation de la main d’œuvre est un instrument de cette concurrence. Elle fait peser des menaces de discriminations aggravées pour les travailleurs, notamment pour les travailleurs immigrés originaire de pays extérieurs à la communauté. L’objectif : la destruction des acquis sociaux.......C’est ce que les salariés ont conquis de plus avantageux par l’action syndicale dans le cadre national, qui est menacé de destruction" Eh bien nous y sommes ! En 1989 la CGT, son dirigeant et ses congrès avaient analysé à leurs justes mesure les contenus des « Batailles » qu’allait mener le patronat de m. Périgot et de ses successeurs. Chacun à son niveau avait pris en considération la nature des armes utilisées, en particulier celle de l’arme fatale : la sortie indispensable du cadre national pour y parvenir. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts et nous constatons que la flexibilité qu’ils ont obtenu et mis en place avec la loi sur les 35h, n’était pas la seule revendication qu’il fallait satisfaire pour obtenir des entreprises performantes et réactives, adaptées à la demande, elle était le préambule indispensable de toute une série d’autres. Le CNPF, tirant les leçons de la lutte des classes des décennies écoulées, devenait un mouvement avec des revendications, qui imposait des rapports de forces dans une temporalité qu’il savait choisir grâce aux lois Auroux et les institutions européennes. Le MEDEF est ce mouvement. Il fait de la politique, intervient dans le débat national, pèse sur les structures de pouvoir et l’état et en exige toujours plus sans rencontrer de résistance. Marx qui avait compris quel était l’âme du capital et le décrivait en termes de rapport social, était parti des rôles joués par les hommes tout en refusant d’en faire une affaire de personne. Il expliquait dans le livre VII du Capital que le capital avait une unique pulsion vitale : se valoriser, créer de la plus-value. « il n’est que du travail mort qui s’anime en suçant tel un vampire, du travail vivant, qu’il suce davantage » En conséquence le capitaliste qui se réclame de la loi de l’échange marchand, cherche « comme n’importe quel autre acheteur, à tirer le plus grand parti possible de la valeur d’usage de sa marchandise » Ainsi par exemple il réclame son droit d’acheteur lorsqu’il cherche à rendre la journée de travail la plus longue possible ou à payer la force de travail au plus bas. Seule différence d’avec le temps de Marx, ils établissent maintenant leurs activités dans des cadres producteurs de plus en plus importants, les monopoles, et dépassent les frontières nationales,s’appuyant sur des structures juridiques ou des institutions politiques qui échappent à tout contrôle citoyen. Mais ce qui reste encore d’avantage masqué, c’est qu’en réalité, comme Marx l’écrivait dans la section 6, chapitre XVII sur les salaires, « sur le marché des marchandises ce qui vient se présenter directement face au possesseur d’argent, ce n’est pas le travail, mais le travailleur. Ce que ce dernier vend, c’est sa force de travail. Dès l’instant où sont travail commence réellement, il cesse de lui appartenir, et donc ne peut plus être vendu par lui. Le travail est la substance et la mesure immanente des valeurs mais lui-même n’a pas de valeur. » Marx nous explique par cette phrase la mystification crée autour du coût du travail . Dans une « discordance des temps » certes, il nous permet de comprendre qu’il s’agit d’une opération politique montée par les services de communication du MEDEF, reprise par ses relais dans l’état et chez les « partenaires sociaux » qui jouent pour son compte,et ont pour fonction de crédibiliser la nouvelle partition. Selon leurs normes la compétitivité d’une entreprise est mesurée par la différence entre l’offre et la demande alors que nous le savons, capital et travail, ne sont que deux aspects d’une seule et même chose, la valeur de la marchandise. La crise est le mode de développement du capitalisme parce que sa loi, est celle de la recherche du profit maximum. Or la diminution des salaires n’a qu’un but, augmenter les profits ce que démontre, la courbe de ceux -ci qui depuis 1982 ne cesse d’augmenter au détriment des salaires grâce aux politiques d’austérité. Oui c’est cela qu’ils appellent la crise. Ainsi le « néo libéralisme », barbarisme de circonstance, pour ne pas dévoiler le capital en mouvement, est guidé par une adaptation permanente des hommes et des institutions à un ordre économique intrinsèquement variable, fondé sur une concurrence généralisée et sans répit ;;; « A cette révolution permanente des méthodes et des structures de production doit répondre l’adaptation permanente des modes de vie et des mentalités. Ce qui oblige (nous font remarquer Dardot et Laval dans « la nouvelle raison du monde »), à une intervention permanente de la puissance publique » Et c’est une pluie de mesure qui vont toute dans le même sens en écho à la campagne orchestrée par le MEDEF au nom du rétablissement de la compétitivité par la baisse du coût du travail. : pacte de responsabilité qui autorise le vol de trente milliards sur les salaires, principe de la réformes Hartz IV mis en place par le social démocrate, Schröder que Hollande s’apprête à nous proposer (ses conseillers ont beau nous dire que c’est du n’importe quoi, il y a eu rencontre pour évoquer le sujet et comme on dit il y a anguille sous roche concernant le marché de l’emploie et nous savons que la tentation est forte de sa capture), SMIC européen regardant vers les bas salaires, casse de la sécurité sociale, etc.. L’une d’entre elle est particulièrement redoutable dans ses conséquences. Facteur de division entre les travailleurs elle est une arme prédatrice contre les salaires et les acquis sociaux. Il s’agit de la nouvelle directive qui va organiser le détachement des salariés à l’intérieur de l’Europe, et qui sous couvert de lutte contre la fraude confirme et précise la directive de 1996 dite directive Bockelstein qui déjà invitait un nombre croissant d’entreprise à détacher leurs travailleurs, ce qu’elles ne se sont pas privé de faire comme le révèlent nombre de conflits dans les métiers du commerce, la construction navale, le bâtiment et les travaux publics. Patronat et experts sont au comble du délire et justifie pleinement la facétie maoïste évoquée plus haut. Pour les échos du 11/ 12/13, « Aujourd’hui la France doit tirer toutes les conséquences de l’Europe des vingt-huit : les marchés sont ouverts » (il s’agit bien sur de celui de la force de travail). Pour le Medef « le détachement de travailleur est une chance pour la France » (entendre pour le capital en France). Chacun voit s’ouvrir de profitables ressources dans cette affaire qui relègue enfin au clou, la question épineuse des immigrations incontrôlable, des mains d’œuvres non qualifiées qui les accompagne et dont l’industrie d’aujourd’hui ne sais plus que faire. En effet, la concurrence qu’elle établit au sein du monde du travail, si elle reflète les rapports de domination entre l’impérialisme français et les pays de second rang en Europe, reproduit surtout ceux qui existaient hier avec les pays du Magreb mais, avec la garantie de la qualification et celle à peu près assuré, de l’absence d’installation des populations concerné sur le territoire, ce qui préserve des conséquences sociales et politiques coûteuses que cela entraînait. Alors qu’est-ce qu’un travailleur détaché ? Défini par la directive européenne du 16 décembre 1996, « un travailleur est considéré comme « détaché » s’il travaille dans un état membre de l’UE parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre. Par exemple, un prestataire de services peut remporter un contrat dans un autre pays et décider d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place » . Les charges sociales appliquées sont celles du pays d’origine. Ce qui, concrètement, permet à un employeur d’employer des travailleurs à moindre coût dans des pays aux charges sociales bien plus élevées. En revanche, le salaire et les conditions de travail de l’employé relèvent des règles du pays dans lequel il travaille. Si un travailleur détaché doit au moins toucher le SMIC, dans les faits les contournements de ses règle sont nombreux via notamment des montages frauduleux de plus en plus sophistiqués qui comme le prouvent de nombreux cas apparus dans des conflits du travail ( donneur d’ordre en cascade qui à chaque niveau prélèvent une partie du salaire) conduisent à une forme de dumping social. Ce dispositif permet par exemple à un employeur de créer sa société boîte aux lettres en Roumanie, en Pologne ou à Chypre, soit dans tout pays où les droits à la retraites et les charges sociales sont moindre. La France qui en la matière confirme sa position de puissance impérialiste dans l’Europe, est le deuxième pays d’accueil derrière l’Allemagne, de cette main d’œuvre low cost. En forte augmentation depuis 2010 (+ 30% selon un rapport publié au sénat) Ces travailleurs seraient entre 150 000 et 300 000. On les retrouve dans tous les grands chantiers d’état, dans la construction navale où les syndicats CGT s’alarment, quand les patrons justifie ces recours aux motifs que les qualifications et les compétences n’existent plus en France, (à qui la faute ?), dans les aratoires allemands ou français comme l’a récemment illustrés le conflit Breton. Sur les routes de France où les grosses entreprise de transport utilisent le plus en plus souvent des chauffeurs polonais. A la construction des lignes de tramways comme à Lyon. Ou comme le soulignait André Chassaigne dans une intervention au sénat, dans celle de méga projet d’aménagement urbain comme le Carré de Jaude à Clermont-Ferrand, ou des travailleurs portugais et polonais travaillaient, bulletin de paye à l’appui au taux horaire de 2,86 euro jusqu’à cinquante-cinq heures par semaines. Ou encore chez Carrier le constructeur de car d’Alençon, sur le chantier de l’E.P.R de Flamanville,où Bouygue par l’intermédiaire d’un sous-traitant employait 150 travailleurs polonais. « Leur contrat était rédigé en anglais par Atlanco dont le siège était en Irlande, leurs bultins de paye étaient fait à Chypre » ,.Subissant des prélèvements sur leurs salaires et après avoir constaté que toutes leurs heures n’étaient pas payé, ils s’étaient mis en grève. Un bus est venu chercher les salariés à l’origine de l’action et ils ont disparu. Bref la liste est longue des abus et des infractions. A ce titre ce n’est plus de détachement qu’il faut parler mais bien, comme au temps de l’esclavage, d’attachement des travailleurs à leurs patrons qui peuvent les envoyer ou ils veulent quand ils veulent, pour le temps qu’ils veulent sans que nul contrôle ne puisse leur être opposé. Comme nous le disions plus haut,si les travailleurs détaché doivent percevoir le salaire minimum du pays ou ils interviennent,les charges sont celles des pays d’origine (soit 13% en Roumanie,d17% en Slovénie 21% en Pologne ce qui est loin des 45% chez nous) de plus personne ne sait ce qu’ils touchent vraiment, car les employeurs décomposent leurs traitements entre une part de salaire et des dédommagements de frais. Un responsable de la lutte contre le travail illégal, disait dans un article monde économique du 02/12/2013, « Un Portugais sera payé 550 euros, un Roumain 300, la différence se faisant en remboursement de frais », nous sommes poursuivait-il face à des salariés pour qui c’est une aubaine de travailler en franque ; ils ont parfois le double de ce qu’ils auraient chez eux » Nul besoin d’expliquer le rôle jouer dans cet affaire par l’euro et nous voyons aussi les risques de conflits entre travailleurs que ce type de pratique pourrait amener. C’est sur ce front cependant qu’une brèche importante a été ouverte par les marins CGT de la SNCM qui à l’issue de leur lutte, non seulement ont sauvé des centaines d’emplois, et fournie du travail pour les chantiers français de la construction navale en assurant l’avenir de la compagnie maritime, mais ont aussi mis un sérieux coup d’arrêt a la circulaire de 1996 en obtenant que ce soit le droit français qui s’applique à tous. Ils offrent ainsi un sacré levier pour que partout les salariés se saisisse de cet accord et en demande l’application dans leur branche d’activité. Par cette victoire ils confirment le jugement de Marx qui disait dans le Manifeste « la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, bien qu’elle ne soit pas au fond une lutte nationale, en revêt cependant tout d’abord la forme » c’est bien aussi ce qu’a compris cette bourgeoisie qui cherche par tous les moyens de lui en retirer le cadre, en quoi l’Europe lui est indispensable. La seule solution passe par la solidarité de classe et comme jadis avec la main d’œuvre immigrée, l’organisation des travailleurs détachés pour l’égalité des droits Gilbert Rémond
Edité le 19-03-2014 à 18:32:36 par Xuan
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18563 messages postés |
| | Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18563 messages postés |
| Posté le 05-04-2014 à 20:33:17
| Ci-dessous l'article de Le Monde Diplomatique d’avril 2014 : DOSSIER: LA MACHINE BRUXELLOISE S'EMBALLE
Travail détaché, travailleurs enchaînés Changement de personnel : du 22 au 25 mai 2014, les Européens éliront leurs députés, un scrutin qui influera sur le choix du prochain président de la Commission. Mais l'Union abandonnera-t-elle pour autant une feuille de route politique qui, pour l'heure, se caractérise par l'organisation du dumping social ? PAR GILLES BALBASTRE * *journaliste Ils sont quatre, un peu à l'écart du dernier rond-point qui mène par une petite route à un poste de gardiennage. Ils ne lâchent pas des yeux la vingtaine de militants de la Confédération générale du travail (CGT) qui, par ce petit matin de janvier, frigorifiés et les bras chargés de tracts, attendent l'embauche des centaines de travailleurs de l'immense chantier voisin. Une première camionnette approche. Des syndicalistes l'arrêtent, interrogent les ouvriers sur leur origine, tendent des tracts en portugais. Malgré la barrière de la langue, un échange sur leurs droits s'engage à travers la fenêtre entrouverte. Aussitôt, les quatre hommes s'approchent. «Je vous demande de circuler , lance le plus âgé, menaçant. Vous n’avez pas à leur parier. Entrez sur le chantier. » Les syndicalistes repoussent énergiquement le quarteron, qui se remet à l'écart. A chaque nouvelle camionnette arrêtée, les quatre individus notent le numéro d'immatriculation, prennent discrètement des photos, chuchotent dans un Dictaphone. La scène se passe en 2014 en France. A Loon-Ptage, plus précisément : un no man's land balayé par un vent glacial, au bord de la mer du Nord. On découvrira que l'homme agressif n'est autre que le responsable du chantier du terminal méthanier d'Electricité de France (EDF); les trois autres, ses sbires. Tous refusent de répondre à nos questions. «Là, on est sur un rond-point public , glisse M. Marcel Croquefer, délégué CGT de Polimeri Europa France. Vous imaginez ce qui se passe à l'intérieur du site ?» Effectivement, il vaut mieux avoir de l'imagination pour savoir ce qui se passe sur le deuxième plus grand chantier de France - derrière celui du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville. Le dossier de presse produit par le maître d'œuvre, Dunkerque LNG (filiale d'EDF). daté du 19 février 2014, annonce mille trois cent trente-sept salariés : «95 % d'Européens, dont un tiers originaires du Nord-Pas-de-Calais. » Mais si les syndicalistes se sont déplacés avec leurs tracts en langues étrangères, c'est qu'ils savent qu'ici les travailleurs viennent majoritairement d'Italie, du Portugal et de Roumanie. Est-ce le résultat de la directive européenne 96/71/CE, dite de « détachement des salariés » (lire l'encadré page 19), qui permet aux entreprises européennes de recruter des étrangers en versant les cotisations sociales dans leur pays d'origine 7 «On a du mal à connaître le nombre exact de travailleurs étrangers sur le chantier. Ça tourne quand même autour de 60 % » , estime Mme Christelle Veignie, secrétaire de l'union locale CGT de Dunkerque. Les syndicalistes attendront longtemps les ouvriers italiens. Bloqués par leur direction dans les campings où ils logent, ceux-ci ne seront autorisés à retourner travailler que vers 10 heures du matin, une fois le dernier militant parti... C'est grâce à une opération coup de poing similaire, menée le 10 décembre 2013 par des syndicalistes de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et de la CGT du bâtiment, que cette question de la proportion de salariés détachés sur le chantier du terminal méthanier est apparue dans la presse locale. Et pourtant, il a fallu attendre l'intervention spectaculaire d'une quinzaine de militants du Front national (FN) pour que l'affaire prenne de l'ampleur. Le 12 décembre, ceux-ci occupent le toit de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Dunkerque et déploient une banderole : « Emploi, les nôtres d'abord ». L'action pique la curiosité des médias nationaux ; elle affole les autorités politiques et préfectorales à quelques mois des élections municipales. Manifestement, la jolie façade qui ceint le chantier a fini par se lézarder. Depuis l'annonce par le président Nicolas Sarkozy, le 3 mai 2011, de sa construction à Loon-Plage, ce terminal faisait en effet office de dépliant publicitaire patronal et politique en matière de lutte contre le chômage dans le Dunkerquois, particulièrement touché. Tout commence quand, devant une foule de journalistes, M. Sarkozy promet des centaines d'emplois - l'année précédente, la fermeture de la raffi nerie des Flandres a entraîné le licenciement de trois cent soixante-dix salariés. Le maître d'œuvre Dunkerque LNG et les acteurs locaux, économiques et politiques, déploient alors une communication d'envergure : le 12 décembre 2011, par exemple, la filiale d'EDF organise une grande manifestation au palais des congrès de Dunkerque, en partenariat avec Pôle emploi, la CCI et Entreprendre ensemble, une association pour l'insertion et l'emploi présidée par le maire socialiste de la ville, l'ancien ministre du travail Michel Delebarre. Celui-ci évoque à cette occasion un « coup de fouet psychologique » pour la région (Nord Littoral, 19 décembre 2011). Prêtes à tout pour atteindre le Graal d'un emploi, mille cinq cents personnes font le déplacement : « Un véritable rush, à la hauteur des espoirs suscités par le chantier du terminal méthanier » , commente le quotidien Nord Littoral. « Le terminal méthanier a un effet objectif et indiscutable, déclare en octobre 2012 le responsable de l'antenne locale de Pôle emploi, M. Cyrille Rommelaere. Six cent dix-huit contrats ont été signés avec des demandeurs d'emploi. La moitié d'entre eux étaient inscrits à Pôle emploi depuis plus de douze mois, et à 68 % ils viennent de la Côte d'Opale (1). » « On se bat contre le dumping social, pas contre les étrangers » Quelques semaines plus tard, on entend déjà parler italien, portugais et roumain dans la région. Le mirage se dissipe ; la population a compris : « Nous, on se bat contre le dumping social, contre les entorses au droit du travail, pas contre les étrangers » , insiste Mme Veignie. « Mais les gens en ont marre des belles promesses, complète M. Craqueter. Le FN n'a plus qu'à surfer sur la déception accumulée. Le vote Le Pen aux municipales, ce sera de leur faute ! » Le scandale des salariés détachés de Loon-Plage tombe mal POL le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, empêtré en cette fii d'année 2013 dans la promesse du président François Holland d'inverser la courbe du chômage. En décembre, une renégociation Bruxelles de la directive relative au détachement des travailleurs offr au ministre du travail Michel Sapin un prétexte pour claironner, à son retour, que la France a obtenu un « accord satisfaisant et ambitiew conforme à la position [qu'elle a] défendue avec constance (2) » . Le médias relaient aussitôt. Or il ne s'agit que d'un « compromis » entre les ministres du trava européens au sein du Conseil, qui édulcore une proposition initiale d Parlement - et qui demeure soumis à la validation des députés. Accorr pagne du ministre de l'intérieur Manuel Valls (et donc d'un gran nombre de caméras), M. Sapin se rend néanmoins aussitôt au terminal méthanier pour une visite-surprise : «Il s'agit de voir si le code du travail, les directives européennes sur le détachement sont bien appliqués » , explique « fermement » à l'Agence France-Presse (AFF l'entourage du ministre (19 décembre 2013). Sur place, certains agents de l'Etat ne décolèrent pas. La visite « surprise » a été annoncée... la veille par la presse locale. Le jour dit, les employeurs ont conseillé à leurs ouvriers italiens et portugais de rester dans leurs mobile homes. Le directeur adjoint de l'inspection du travail de Dunkerque, M. Olivier Moyon, qui a refusé de participer à cette « mascarade », dénonce l'expédition auprès de son ministre de tutelle dans un courrier daté du 5 février, dont nous avons pu prendre connaissance : « La divulgation dans la presse locale la veille des détails de l'opération obérait toute chance d'effectuer des constatations en flagrance d'infractions de travail illégal, en plus de décrédibiliser nos services, sur lesquels certains travailleurs rencontrés dans le cadre de nos missions nous expriment déjà régulièrement leurs doutes. (...) [Ils questionnent] la réalité de notre détermination à faire respecter le droit du travail par leurs employeurs. » Echec du contrôle, réussite de l'opération de communication. Les médias repartent de Loon-Plage, les autorités locales peuvent à nouveau détourner les yeux, et Dunkerque LNG, continuer de sous-traiter ses travaux à une forte proportion d'ouvriers étrangers. Le retour de l'omerta ne satisfait toutefois pas les militants syndicaux. Le 14 février, dans un petit matin toujours aussi glacial, l'union locale CGT de Dunkerque s'installe une fois de plus à l'entrée du chantier avec camion sono et tracts. Plus de journalistes, mais encore beaucoup de travailleurs italiens et portugais... Bus, camionnettes, quelques voitures : au bas mot quatre cents salariés défilent devant les syndicalistes, décidés à ne pas accepter une telle situation. Le lendemain, vers 17 h 30, le même ballet reprend, mais en sens inverse. Quid des trente-cinq heures réglementaires ? Un ouvrier portugais ose nous répondre : « En ce moment, on travaille quarante heures par semaine. Mais, normalement, on en travaille cinquante. Pour nous, c'est bien, parce que comme ça on gagne un peu plus. On a besoin d'argent, on a besoin de bosser. » Sur le chantier, pas de syndicat, pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Difficile, dès lors, d'obtenir des informations sur le respect du paiement des heures supplémentaires. « Dans le bâtiment, les sept premières heures au-dessus de trente-cinq heures sont majorées d'un quart. Les suivantes, de 50 %. Vous imaginez les gains potentiels pour les entreprises si elles ne les paient pas ?, lance M. David Sans, délégué CGT du groupe Vinci. Les fiches de salaire, on n'a pas pu les voir, parce qu'elles sont directement données au pays. On a su que certains ouvriers étaient hébergés à cinq dans une petite maison. Ils touchaient bien le smic, mais le loyer leur était défalqué de la paie. » « Lors de l'appel d'offres de Dunkerque LNG sur le lot électricité, Spie s'est positionné à hauteur de 16 millions d'euros pour un marché proposé à 25 millions. Les Italiens de Techint Sener l'ont emporté à 12 millions, confie M. Didier Czajka, délégué CGT de la société Spie. Le différentiel du niveau des cotisations sociales entre la France et l'Italie n'est pas si important que ça. » Une seule explication : « Le non-respect des conventions collectives françaises. » Traduire les citations à comparaître coûte plus cher que l'amende encourue Le 5 mars, le trilogue (lire l'article ci-dessus) entre négociateurs du Parlement européen a abouti à un accord de principe visant à « renforcer les contrôles et à responsabiliser les entreprises donneuses d'ordres » , selon M. Sapin. Pour le commissaire européen chargé des affaires sociales, M. Lâszlô Andor, il s'agit d'un « signal clair : l'Europe n'accepte pas la fraude ou l'abus des règles applicables au détriment des travailleurs détachés (3) » . Parmi les agents de l'Etat, tout le monde n'en est pas convaincu. Notamment parmi les inspecteurs du travail, nombreux à dénoncer les difficultés croissantes à assurer leur mission. Dans un premier temps, l'entreprise étrangère qui « détache » un salarié vers la France doit fournir une déclaration préalable à la direction locale du travail. Mais le document - qui précise le nom du salarié, sa qualification, l'entreprise où il doit travailler, la durée de sa mission, ses horaires, ses temps de pause, le taux de salaire horaire - passe régulièrement à la trappe. Et, quand un inspecteur constate la présence d'un salarié étranger sans l'envoi de la fameuse déclaration, la sanction de l'employeur demeure une menace très lointaine. « Quand le procureur décide de délivrer une citation à comparaître contre une entreprise étrangère, la traduction de la citation s'avère souvent plus coûteuse que l'amende encourue. La plupart du temps, le parquet classe » , constate, un peu amer, M. Pierre Joanny, inspecteur du travail lillois et ancien secrétaire de SUD-Travail. Imaginons que, malgré tout, la justice condamne une entreprise ? « Les amendes sont rarement recouvrées » , tranche-t-il. Restent les dizaines de milliers de salariés détachés dans les règles, qui pourraient être contrôlés. Mais encore faudrait-il pouvoir le faire... L'arbre du chantier du terminal méthanier cache une forêt touffue. La lecture des tableaux de déclarations de détachement 2013 et 2014 illustre l'ampleur du phénomène, dans une région où se concentrent l'un des principaux ports de France et quinze usines de type Seveso 2, majoritairement détenues par des multinationales. Vingt-cinq Roumains chez Polimeri Europa France, huit Lituaniens chez Total, treize Roumains chez McDonald's, plusieurs centaines de Portugais chez Aluminium Dunkerque... Au total, plusieurs milliers de travailleurs européens ont été détachés en 2013 dans des sociétés dunkerquoises. Ils étaient officiellement 144 411 en France en 2011, contre 16 545 en 2002, selon un rapport parlementaire publié en avril 2013 (4). Il suffit de se promener, un dimanche, dans les campings de la région dunkerquoise - Mer et Vacances à Leffrinckoucke (59), Los Palomitos aux Hemmes de Marck (62) ou Vert Village à Crochte (59) - pour voir des camionnettes portugaises, des voitures italiennes et des hommes discrets et furtifs, peu bavards, qui filent entre les mobile homes. Il faut se rendre à l'hôtel Première classe d'Armbouts-Cappel (59) le soir après 18 heures pour entendre parler polonais, à Looberghe pour apprendre le roumain, à Bray-Dunes pour découvrir le lituanien. Sur le site des Gîtes de France du Nord, en plein hiver, tous les logements autour de Dunkerque affichent complet. « Les entreprises prétendent qu'elles se tournent vers l'étranger faute de pouvoir trouver en France les spécialisations dont elles ont besoin. En réalité, des salariés français pourraient effectuer la plupart des tâches » , précise M. Joanny. « La véritable motivation ? Les gains réalisés sur les horaires, les salaires, les indemnités professionnelles, l'hébergement ou la restauration , complète Me Veignie. Pour les salariés français, c'est l'introduction organisée du ver dans le fruit, » Cette concentration massive d'étrangers détachés alourdit la charge de travail déjà importante des dix agents affectés au service de l'inspection du travail de Dunkerque. Or une réforme gouvernementale en cours pourrait encore aggraver les choses : « Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a actuellement cent quarante-sept agents. Il n'y en aurait plus que cent vingt-neuf si cette réforme aboutissait, s'alarme M. Joanny. Si les gouvernants avaient vraiment la volonté de protéger les travailleurs, il suffirait par exemple de construire le même cadre de coopération internationale que celui qui existe en matière policière. Nous pourrions alors nous rendre dans un autre pays européen pour travailler avec nos collègues. » Mais cette volonté politique existe-t-elle ? Dans sa lettre à M. Sapin, M. Moyon écrit : « Le procureur de la République de Dunkerque a déjà été destinataire de deux procès-verbaux d'infractions multiples constatées à /'encontre d'entreprises étrangères contrôlées en 2012, pour lesquelles à ce jour les suites judiciaires données sont inconnues. » Les employeurs des salariés détachés ont peut-être des raisons de ne pas s'inquiéter du « durcissement » de la directive 96/71/CE... GILLES BALBASTRE. (1) Libération, Paris, 5 octobre 2012. (2) Libération, 9 décembre 2013. (3) AFP, 5 mars 2013. (4) Eric Bocquet, « Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires européennes sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs », n° 527, Sénat, Paris, 18 avril 2013.
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
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