| | | | | Paria | Les masses font et peuvent tout ! | Grand classique (ou très bavard) | | 562 messages postés |
| Posté le 10-02-2007 à 18:30:34
| J'aurai voulu avoir des infos et votre avis sur ces deux groupes armées, surtout le MRTA que Wikipedia qualifie de marxiste léniniste - j'ai déjà lu une brochure de VP sur le Sentier Lumineux -. |
| Finimore | Grand classique (ou très bavard) | | 2652 messages postés |
| Posté le 11-02-2007 à 08:39:53
| Le MRTA est plûtot guévariste.
-------------------- Ni révisionnisme, Ni gauchisme UNE SEULE VOIE:celle du MARXISME-LENINISME (François MARTY) Pratiquer le marxisme, non le révisionnisme; travailler à l'unité, non à la scission; faire preuve de franchise de droiture ne tramer ni intrigues ni complots (MAO) |
| Paria | Les masses font et peuvent tout ! | Grand classique (ou très bavard) | | 562 messages postés |
| Posté le 11-02-2007 à 21:22:32
| Après une petite recherche sur le F"UC" j'ai trouvé quelques documents interressant qui avaient été fourni par Chabi. ENTREVUE RÉALISÉE PAR EL DIARIO INTERNACIONAL AVEC JOSÉ SURRA, DU MOUVEMENT DE LIBÉRATION NATIONALE TUPAMAROS «L'objectif du MRTA était de rendre les armes» José Surra est originaire de l'Uruguay et est un militant du Movimiento de Liberación Nacional (MLN) Tupamaros. Il milite au sein du MLN dès le début des années 60. Au moment où il est arrêté en 1969, il est un dirigeant bien en vue d'une colonne urbaine de la guérilla. Il passe ensuite deux années en prison, où il fait face à la torture. Après avoir été relâché en 1972 sous de strictes conditions qui lui proscrivent toute liberté d'action, José Surra doit s'exiler. Les autorités le conduisent de la prison directement jusqu'à l'aéroport. Son exil l'amène d'abord au Chili, sous Salvador Allende, où il s'intègre et participe à la lutte de classes. Avec d'autres camarades tupamaros en exil, José Surra devient instructeur militaire d'une des organisations de la gauche chilienne. Un grave accident survenu alors qu'il enseigne l'utilisation d'explosifs lui fait perdre la vue, qu'il ne recouvrira que quelques années plus tard. En septembre 1973, le général sanguinaire Pinochet, appuyé par la CIA nord-américaine, fomente son fameux coup d'État militaire. José Surra doit s'exiler pour une deuxième fois. Il se rend d'abord à Panama, puis en Europe. Il vit présentement en Belgique où il est toujours actif au sein des comités de solidarité avec les luttes de libération en Amérique latine. L'entrevue que nous avons réalisée avec lui porte sur le MRTA et les événements qui se sont déroulés à l'ambassade du Japon à Lima. Surra y aborde le caractère contre-révolutionnaire du MRTA. Il souligne clairement le fait que l'objectif premier du commando dirigé par Cerpa Cartolini était de capituler face au régime de Fujimori. D'autre part, Surra se démarque clairement de la «direction historique» du MLN en Uruguay et de tous ceux qui tentent, de façon opportuniste, de faire du MRTA un exemple d'héroïsme et d'action révolutionnaires en Amérique latine. En dépit des divergences que nous pouvons avoir avec un certain nombre d'arguments avancés par Surra, nous croyons que son point de vue très clair sur le MRTA et sur la lutte armée au Pérou, est fort pertinent. Voici ce que nous avons recueilli. El Diario Internacional : Que pensez-vous de la prise de l'ambassade japonaise et son dénouement tragique ? José Surra : Je vais vous donner mon opinion personnelle, qui diffère de celle de l'exécutif du Movimiento de Liberación Nacional (MLN) Tupamaros. Mais avant tout, je veux rendre hommage à ces jeunes qui ont perdu la vie alors qu'ils luttaient pour un monde meilleur. Malheureusement, ces jeunes sont morts à cause d'une stratégie erronée. J'ai toutefois une opinion bien différente à l'égard de ceux qui en sont les initiateurs. Pour répondre à votre question, je dirais d'abord qu'il faut savoir analyser concrètement une situation concrète, comme Lénine nous l'a si bien enseigné. Il y a eu certains aspects positifs dans cette action : le principal est qu'elle a forcé la presse internationale à parler de la dictature féroce que Fujimori et les forces armées péruviennes font régner, et de leur système où on enterre les gens alors qu'ils sont encore vivants. Ceux d'entre nous en Europe qui suivons de près ce qui se publie sur le Pérou savons très bien qu'il y a une entente tacite pour ne pas divulguer quelque information que ce soit sur la guerre populaire et sur le Parti communiste du Pérou (PCP) qui la dirige. C'est là le résultat de la stratégie de contre-information élaborée par les Nord-Américains et mise en pratique par leur homme de main au sein du gouvernement péruvien, le narcotrafiquant Montesinos. Il est triste de voir la presse supposément démocratique se plier à de tels objectifs ; mais c'est encore pire de voir une certaine presse «de gauche» agir de la même façon, voire même être encore plus soumise à cette stratégie. Le deuxième aspect positif qu'on peut en retirer, c'est que tout ça a démontré une fois de plus la validité de la guerre de guérilla. La dictature est incapable de tout contrôler partout et en même temps, et l'élément de surprise joue toujours en faveur de ceux qui la défient. Ce sont là les points positifs qu'on peut retirer de cette action. Toutefois, dès le début, nous avons quant à nous dénoncé son manque d'objectifs révolutionnaires. «L'objectif du MRTA était de rendre les armes» Pourquoi avons-nous dit ça ? D'abord parce que nous connaissions déjà la stratégie et le programme du MRTA, de même que sa pratique. Mais surtout, dès le début, les premiers communiqués qu'ils ont publiés ont clairement montré que leur objectif central n'était pas tellement de libérer quelque 400 des plus de 6 000 prisonnières et prisonniers politiques que compte le Pérou, mais bien d'établir un dialogue de paix, dans le but de rendre les armes, et de maintenir intact le régime capitaliste au Pérou, en échange de quelques sièges au Parlement. Dans le deuxième communiqué du MRTA, celui du 20 décembre, on pouvait lire clairement que son objectif était de faire «un premier pas vers une solution globale au problème de la violence politique, par la voie du dialogue et un accord de paix permanent». Le MRTA y suggérait également qu'avec l'aide des diplomates qu'il gardait en otage, il était possible d'élaborer «un calendrier détaillé des étapes préalables à la conclusion d'une solution intégrale». Au même moment, le commando du MRTA rendait publique une «déclaration des prisonniers de guerre» - faisant référence aux diplomates et aux autres otages qu'il détenait - dans laquelle ces derniers rapportaient que leurs geôliers leur avaient déclaré vouloir «non seulement la libération de leurs prisonniers [du MRTA]» mais aussi qu'ils visaient à «ouvrir la voie à une solution politique intégrale, dans le cadre d'un processus de paix plus global». Conséquemment, les otages demandaient au gouvernement «d'aller dans cette direction». En conclusion de son communiqué n° 2, le MRTA révélait ce que nous savions en fait depuis très longtemps : à savoir que «cette offre de dialogue proposée par le MRTA n'est pas nouvelle ; nous l'avons faite et répétée à de nombreuses reprises tout au long de notre existence». Au cas où on aurait encore eu quelque doute, le troisième communiqué du MRTA, signé pour la première fois par Cerpa Cartolini, insistait à nouveau sur cet objectif central : «Nous croyons qu'[...]on comprendra le bien-fondé de nos demandes et qu'à long terme, on pourra atteindre une paix intégrale et durable. Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités et à travailler en ce sens.» En d'autres mots, qu'une telle «paix intégrale et durable» se concrétise sous un régime capitaliste d'exploitation sans merci pour le peuple travailleur, ou qu'elle se réalise sous un régime anticapitaliste voué à l'abolition de l'exploitation des ouvriers, voilà une question qui n'est jamais même venue à l'esprit des dirigeants du MRTA. Permettez-moi d'ajouter que le premier paragraphe de la déclaration de Cerpa Cartolini était consacré à attaquer la guérilla du PCP et ce, dans les mêmes termes que ceux généralement utilisés par la bourgeoisie péruvienne et latino-américaine, suivant en cela les diktats de la contre-information des États-Unis. Cerpa y déclarait : «Nous n'acceptons pas qu'on continue à nous associer au Sentier lumineux, une organisation que nous avons condamnée à maintes reprises en raison de l'utilisation irrationnelle de la violence qu'elle préconise et qui affecte le peuple lui-même.» Avec une telle stratégie, la prise de l'ambassade était vouée à l'échec. En endossant de tels communiqués, le MRTA ne faisait en fait que signer son propre arrêt de mort. C'est ce que nous avons dit dès le début de cette opération ; et malheureusement, la suite des événements nous a donné raison. «Le MRTA est entré dans un processus de décomposition» EDI : Pour quelle raison, selon vous, Fujimori a-t-il refusé de conclure un «accord de paix durable» avec le MRTA ? José Surra : Pour atteindre un accord de paix, il faut que chacune des parties ait un poids comparable, ce qui n'est pas le cas du MRTA. Ses dirigeants sont soit morts, soit en prison ou en exil, et le reste de ses forces est entré dans un processus accéléré de décomposition. D'autre part, cet événement a été vu par Fujimori comme étant une occasion en or de rétablir sa cote, à un moment où il voyait ses appuis diminuer tant aux niveaux national qu'international. À court terme, la solution militaire s'est avérée pour lui profitable, à tout le moins provisoirement. Il était évident qu'il ne pouvait y avoir aucune sorte d'accord de ce genre. EDI : Selon vous, le MRTA est-il un groupe révolutionnaire ? Comment le décririez-vous en termes idéologiques ? José Surra : On peut considérer un groupe comme étant révolutionnaire lorsque son action s'inscrit dans le cadre d'une stratégie elle-même révolutionnaire, visant la prise du pouvoir. Ce n'est pas le cas du MRTA. Peut-être pourrions-nous le définir comme étant un groupe centriste, qui utilise un discours de gauche tout en ayant une pratique réformiste. C'est d'ailleurs cette pratique du MRTA qui l'a conduit à s'engager dans le combat contre les forces de la guérilla du PCP. Le MRTA a même assassiné un nombre important de ses propres partisans qui avaient rompu avec lui à cause de certaines divergences avec sa direction et qui se rapprochaient du PCP. Ce type d'actions fait que le MRTA ressemble finalement plus à une contre-guérilla qu'à quoi que ce soit d'autre. «Les négociations sont une chose, les accords de paix en sont une autre» EDI : Croyez-vous que les négociations et d'éventuels accords de paix avec des régimes comme celui de Fujimori peuvent être favorables aux masses opprimées ? José Surra : Les négociations sont une chose, les accords de paix et le dialogue en sont une autre. On peut négocier avec «le diable et sa grand-mère», dans la mesure où nous sommes dans une position de force, où nous nous assurons de ne céder aucun acquis et où nous refusons de renoncer à nos objectifs stratégiques. Toutefois, les accords de paix dont les réformistes, les ONG et les organisations bourgeoises et impérialistes font constamment la promotion reposent toujours sur une même prémisse, fondamentale, à savoir qu'il ne faut pas toucher au système capitaliste dominant. En dernière analyse, l'affaire se termine toujours ainsi : si vous voulez avoir quelques sièges au Parlement, voire même former le gouvernement, on va vous laisser faire, mais à condition que la politique économique reste dictée par le FMI et la Banque mondiale et que les bases économiques du capitalisme demeurent intactes. C'est là la condition sine qua non au dialogue et aux accords de paix. Ceux qui entrent dans cette dynamique ne pourront finir que comme l'armée sandiniste. Ils finiront par réprimer leur propre peuple, puisque tôt ou tard, les masses opprimées finiront toujours par se révolter contre l'injustice et l'exploitation capitaliste. «La gauche latino-américaine devrait se servir de sa tête...» EDI : Que pensez-vous de la soi-disante gauche latino-américaine qui a essayé de présenter la récente action du MRTA comme étant révolutionnaire ? José Surra : Le triomphalisme et l'impressionnisme sont à la fois un grand défaut ainsi qu'une grande qualité de notre peuple. Cela a conduit à des actes sublimes, tel le débarquement du Granma à Cuba, mais aussi à des ratages frustrants, comme la prise de l'ambassade japonaise. Pour mieux expliquer mon point de vue, permettez-moi de faire un peu d'histoire. Rappelons-nous Oulianov, cet homme qui avait tenté, sans succès, d'éliminer le tsar de Russie au moyen d'une bombe. Il avait été arrêté puis condamné à mort. Lors des funérailles, son frère cadet avait dit des choses très dures sur son compte et avait condamné son action individualiste, d'aucune utilité pour la lutte de libération des masses pauvres de Russie. Les camarades du défunt avaient répliqué en servant un barrage d'insultes à cet indolent frère d'Oulianov. L'histoire allait plus tard découvrir ce jeune homme sous le pseudonyme de Lénine. Ce dernier ne s'est pas laissé emporter par le sentimentalisme. Il s'est servi de l'action et de la mort de son frère bien-aimé comme d'un exemple par la négative. Lénine a préféré travailler à construire un parti révolutionnaire marxiste, dont chacune des actions allaient être liées à une claire stratégie vers la conquête du pouvoir. L'analogie avec la situation qui prévaut au Pérou va de soi. Chacun doit choisir son camp, la stratégie qu'il juge la meilleure : celle du MRTA, basée sur le triomphalisme et l'impressionnisme ; ou le travail patient de construction d'un parti révolutionnaire qui développe une stratégie de guerre populaire, comme celle que le PCP a commencée à Chuschi en 1980. Il y a quelques jours, un politicien du Partido de Liberación argentin était à Bruxelles pour y faire la promotion du triomphalisme du MRTA. Il était mal informé lui aussi, affirmant en outre que la guérilla maoïste n'avait mené aucune action durant tout le temps où s'est déroulé le siège de l'ambassade. J'aimerais qu'on publie les statistiques compilées par les ONG péruviennes et diffusées sur le site Internet du gouvernement péruvien. Ainsi, tout le monde pourra voir l'énorme différence entre les actions de l'une et l'autre organisation. Quelques jours après la fin du siège, le journal La República publiait un rapport des services de renseignement qui mettait les autorités en garde contre la résurrection de la guérilla du PCP à Lima et dans la zone centrale péruvienne. Le même rapport soulignait que le PCP avait mené pas moins de 175 actions militaires pendant la durée du siège, soit environ deux par jour et ce, rien que dans la zone centrale. Comparons ceci avec le MRTA, qui n'a réalisé qu'une seule action au cours des six derniers mois. Quelques jours plus tard, un commando du PCP faisait sauter le commissariat de police du district d'Ato-Vitarte et distribuait des tracts dans lesquels on expliquait que cette action s'inscrivait dans le cadre de la mobilisation des marchands ambulants, que le gouvernement ne cesse de réprimer et auxquels il refuse toute possibilité de gagner leur vie. Nous avons donc deux dynamiques bien différentes. D'une part, la stratégie impressionniste promue par les médias, totalement inutile du point de vue de la prise du pouvoir ; d'autre part, l'autre stratégie, enracinée parmi les luttes et les préoccupations des masses, et qui pose clairement la question du pouvoir. La gauche latino-américaine devrait se servir de sa tête autant que de son cœur. (Entrevue publiée par El Diario Internacional, n° 39, juin 1997, traduite en français par Socialisme Maintenant!) [Article paru dans la revue Socialisme Maintenant!, n° 2, été 1997] ****************** Une analyse du MRTA guévariste et ses "rapports" avec le PCP Bien des questions se posent concernant le MRTA. Mais la question de fond est de savoir si ce groupe, qui ne cesse d'exiger le «dialogue» et de proposer des «accords de paix» au gouvernement, fait partie ou non du camp révolutionnaire. Que veut donc le MRTA ? Vers où pointent ses armes ? Quel est le lien entre ce groupe armé et les plans contre-révolutionnaires de l'État péruvien? C'est à ces questions que nous nous proposons de répondre. Pour commencer, nous présenterons quelques déclarations assez éloquentes d'un des dirigeants du MRTA. Ensuite, nous démontrerons, par des citations et des exemples concrets, quelle est la vraie nature de cette organisation qui se prétend «révolutionnaire». «Les conditions minimales que nous exigeons pour entamer un processus de pacification passent obligatoirement par la défaite du Sentier lumineux. Déposer les armes dans les conditions actuelles entraînerait encore plus de violence, car cela susciterait le développement du Sentier... Dans ce contexte, nous sommes prêts à battre le Sentier lumineux politiquement et militairement, comme nous l'avons fait dans cette zone où nous avons éliminé plus de 60 de ses cadres. Ceci serait notre contribution à la pacification du pays...» (Entrevue avec «Germán» et «Ricardo», cadres régionaux du MRTA, publiée dans la revue Caretas, 15/07/1991) Dans quel contexte le MRTA est-il apparu ? Le MRTA a émergé en 1984, à un moment où le Pérou était déjà secoué par la lutte armée dirigée par le Parti communiste du Pérou (PCP) - que la presse dénomme «Sentier lumineux». Dès cette époque, la guérilla maoïste était le problème principal auquel l'État et les forces répressives étaient confrontées. La guerre populaire avait entraîné un aiguisement des contradictions entre les différentes classes sociales. Les partis officiels, incluant ceux qui se disent de «gauche», avaient amorcé un processus de décomposition accéléré. Au niveau gouvernemental, le régime dirigé par Belaúnde Terry échouait sur tous les terrains. Les forces policières (120 000 effectifs) et leurs corps d'élite, conseillés par les experts nord-américains, s'avéraient incapables d'arrêter la subversion. La lutte armée a été initiée en 1980 dans la province d'Ayacucho et rapidement, elle s'est développée dans d'autres régions. En décembre 1982, le gouvernement a demandé aux forces armées (l'armée de terre, la marine et l'aviation) d'affronter directement les guérilleros. Les militaires ont donc embarqué dans la guerre. Dès le début, ils ont appliqué des méthodes criminelles contre ceux et celles qui vivaient dans ce qu'ils considéraient être des bases d'appui de la guérilla. Pendant deux ans (de 1983 à 1984), l'armée a assassiné plus de 4 000 paysans dans les zones d'Ayacucho, Huancavelica et Junín. Le MRTA est apparu en se définissant comme étant une organisation «marxiste-léniniste». À chaque fois qu'il en a eu l'occasion, il n'a cessé de proclamer qu'il était «la forme la plus avancée de la lutte politico-militaire» du peuple péruvien et qu'il «cherch[ait] à organiser tout le peuple dans une guerre révolutionnaire victorieuse». Quelles sont la pratique et la théorie du MRTA ? Au Pérou comme partout ailleurs, les organisations marxistes-léninistes présentent des caractéristiques similaires. Leurs actions et leurs tactiques peuvent varier, mais leurs objectifs stratégiques restent les mêmes. On peut les résumer ainsi : lutter pour le pouvoir de la classe ouvrière ; s'appuyer sur l'idéologie du prolétariat ; pratiquer la lutte entre les deux lignes à l'interne ; appliquer le centralisme démocratique et une discipline égale pour tous et toutes. Et aussi, mettre de l'avant un programme révolutionnaire dont le point central soit la lutte pour le communisme. Sur les plans programmatique et stratégique, le MRTA répète les vieilles propositions des organisations politiques qui s'autoproclament «marxistes-léninistes». Les similitudes entre le MRTA et cette gauche se manifestent à plusieurs niveaux, principalement sur le terrain électoral, dans la lutte contre la guérilla maoïste, dans leurs références à l'église, aux militaires, aux partis bourgeois, au problème de l'État, à la conciliation des classes (le dialogue) et à l'unité du peuple péruvien. Nous allons aborder brièvement quelques-unes de ces questions, en particulier celles qui ont trait au processus électoral, à l'unité entre la Gauche unie et les tupacamaristes dans la lutte contre la guérilla maoïste, au dialogue et aux accords de paix, et finalement au «travail de masse». En analysant ces sujets, on verra clairement le vrai visage et le véritable rôle politique que joue le MRTA. En comprenant bien chacun de ces éléments, le lecteur sera convaincu que sur les terrains idéologique, politique et stratégique, le tupacamarisme et la gauche officielle sont en fait profondément unis pour appuyer le régime en place et les puissances impérialistes qui le soutiennent. Le MRTA et le processus électoral Voyons d'abord brièvement les conditions politiques dans lesquelles se développe le processus électoral au Pérou. Depuis 1980, ce pays est dans une situation de guerre interne. Une bonne partie de son territoire et de sa population vivent sous l'état d'urgence. Une des caractéristiques de cette réalité est la militarisation du pays et la suppression des lois normalement appliquées en temps de paix. Même la constitution du pays a perdu son application et sa valeur. Dans les régions où l'état d'urgence est déclaré, l'autorité civile disparaît et elle est remplacée par le pouvoir des forces armées. Les militaires deviennent la force de décision de la vie et du destin de millions de Péruviens. Le «commandement politico-militaire» est au-dessus du pouvoir judiciaire, du système électoral, des maires et de toute autre autorité civile. Les citoyens sont obligés de participer aux élections et de voter pour les candidats dictés par les militaires. Dans ce contexte de répression et de violation des droits fondamentaux des citoyens, le processus électoral ne peut être qu'un mensonge et n'a aucune valeur juridique ni politique. La participation aux élections sert seulement à appuyer et à légaliser le système politique réactionnaire. Elle sert aussi à dissimuler les bobards frauduleux et la nature antidémocratique des élections. Depuis 1980, la course électorale, malgré la farce et le cirque qui l'entoure, est profondément marquée par le phénomène de la guerre populaire dirigée par le PCP. Chaque scrutin reflète la contradiction aiguë, souvent violente, entre les forces maoïstes qui appellent au boycott («là où c'est possible»), et les partis officiels (droite, centre et gauche) qui appuient le bobard électoral. Ce processus de confrontation est connu dans les cercles officiels péruviens comme étant la «confrontation entre la démocratie et le terrorisme sendériste», la lutte entre le boycott et les élections. C'est ici qu'il faut situer les ambitions électorales du MRTA. Le point de vue de ce groupe sur la question des élections ne diffère pas vraiment de la façon de penser et d'agir de la Gauche unie et des partis de la droite péruvienne. Leur conception de la «démocratie», des «élections» et du «terrorisme» est une copie fidèle de celle du régime, des partis officiels, et même de la police. En voici un exemple éloquent : «L'appel au boycott fait par le Sentier lumineux a connu un échec retentissant. Le peuple péruvien a rejeté la politique de terreur et de soumission développée par SL. Quelques milliers d'activistes sendéristes ne peuvent imposer leur volonté à plus de vingt millions de Péruviens.» (Víctor Polay Campos, entrevue publié par le quotidien El Nacional, 17/12/1989) Le MRTA débute sa carrière électorale en 1989, en tant qu'allié de la Gauche unie. Avec le même programme et en utilisant les mêmes schémas, les tupacamaristes participent aux élections municipales. Víctor Polay Campos dit alors : «...D'un côté, il y a la droite réactionnaire avec le FREDEMO à sa tête, avec ses alternatives antipopulaires ; de l'autre, il y a la Gauche unie et le MRTA.» (El Nacional, 17/12/1989) Un an plus tard, le MRTA participe à nouveau aux élections, qui verront l'arrivée au pouvoir d'Alberto Fujimori. Le MRTA fera la promotion de ses propres candidats, ou encore appuiera ceux de la Gauche unie. Encore une fois, Polay relate ses aventures électorales : «Les élections présidentielles ont éveillé de grandes attentes... Notre position au premier tour fut complexe, puisque la réalité elle aussi était complexe. Nous avons reconnu et appuyé un éventail de positions, allant du vote nul jusqu'au vote en blanc, en passant par le soutien aux candidats conséquents présents sur les listes de la Gauche unie... Quelques-uns des parlementaires qui ont été élus appartiennent d'ailleurs aux secteurs les plus avancés de cette organisation.» (IIIe Comité central du MRTA, Rapport sur la situation nationale, septembre 1990) Les exemples et les citations que nous venons de donner démontrent que le MRTA est bel et bien attaché à la charrue électorale de l'État péruvien. Ceci vient nier catégoriquement et démentir les discours démagogique de ce groupe qui dit «lutter pour la conquête du pouvoir politique». Si le MRTA cherche vraiment à conquérir le pouvoir pour toute la classe ouvrière et l'ensemble des opprimés, pourquoi se fait-il le complice de la fraude électorale organisée par les représentants de l'État péruvien ? Il est clair que l'antisendérisme du MRTA et sa participation au processus électoral ont fait de ce groupe un élément important des plans visant à renforcer le système politique décadent du pays. La «lutte contre le Sentier lumineux» Les similitudes entre le MRTA et la Gauche unie ne se retrouvent pas seulement sur le terrain électoral. Leur unité se manifeste avec encore plus d'évidence dans la «lutte contre le Sentier lumineux». Que ce soit au parlement, dans les mairies ou les autres instance de l'État, cette «gauche» soutient inconditionnellement les plans militaires et criminels du gouvernement. La Gauche unie participe depuis 1980 à l'organisation des groupes paramilitaires contre-révolutionnaires (rondes paysannes, comités de défense civile, comités de voisinage, etc.) que les forces armées utilisent pour mener la guerre interne. C'est aussi avec cette gauche que le MRTA maintient ses meilleurs niveaux d'unité. Et c'est ici que son rôle contre-révolutionnaire est le plus éclatant. Un des dirigeants tupacamaristes le confirme : «Oui, nous pouvons travailler avec la gauche. Dans le cas du Sentier, le problème est plus complexe, c'est un groupe antagonique.» (Alberto Gálvez Olachea, Caretas, 08/1988). L'unité «anti-sendériste» entre le MRTA et la Gauche unie vise à sauvegarder la stabilité de l'État et assurer la perpétuation du système actuel. Ouvertement ou pas, le MRTA appuie l'organisation des rondes paysannes paramilitaires et participe aux combats contre la guérilla maoïste. Il répète les bobards inventés par le gouvernement et les Nord-américains contre les guérilleros du PCP. On pourrait parler longtemps de ce sujet : pour le moment, nous n'allons citer que quelques exemples. Voici à ce propos quelques déclarations du «chef» du MRTA, si éloquentes qu'elles n'ont besoin d'aucune autre explication : «Plus de 90 p. 100 des victimes de leurs actions [du PCP] se retrouvent dans la population civile. Ils ne tuent pas seulement les membres de forces armées, les maires et les fonctionnaires mais aussi des paysans, des religieux, de coopérants étrangers, des dirigeants populaires. Leur vision messianique de la société s'apparente au fondamentalisme islamique. Les sendéristes croient qu'ils sont les seuls détenteurs de la vérité. Ils représentent la version péruvienne de Pol Pot.» (Víctor Polay Campos, entrevue réalisé par Tomás Borge, publiée dans la revue Caretas en décembre 1991) «Il y a eu une confrontation avec le Sentier Lumineux au niveau des communautés paysannes. Ce groupe pratique une politique dictatoriale en imposant l'engagement forcé et des formes d'organisation étrangères aux paysans andins. Le MRTA a aidé les communautés à les repousser en tuant 20 des leurs.» (Víctor Polay Campos, entrevue paru dans la revue SI le 8 mai 1992) «De même, nous avons appuyé le développement des rondes paysannes et de voisinage pour confronter la guerre sale de l'armée et du Sentier lumineux contre le peuple... Sendero propose, dans la pratique, la dictature du Parti communiste du Pérou sur l'ensemble de la société... Dans le cadre de la guerre, ils ne respectent pas les lois et les principes consacrés dans les traités et conventions de Genève et utilisent la terreur comme arme.» (Déclarations de Víctor Polay Campos faites à la police anti-terroriste du Pérou, le 18 juin 1992) Le travail de «masse» du MRTA Le MRTA utilise un discours à double face et se conduit en conséquence. D'un côté, il affirme diriger une guerre révolutionnaire dont l'objectif est d'arriver au socialisme ; mais en pratique, il choisit ses alliés du côté des ennemis de la révolution. Il se cherche des amis dans les secteurs accrochés au pouvoir officiel et qui luttent contre quelque type de changement révolutionnaire que ce soit au Pérou. Il essaie de se trouver une légitimité au sein de la gauche légale. Il concilie avec l'APRA et la «base» du fujimorisme. Il se place à la queue des cadavres politiques et réactionnaires tel Pérez de Cuellar (ex-chef de l'ONU). Moyennant toutes sortes de subterfuges, il construit des ponts avec l'armée, la police et l'église réactionnaire péruvienne. Toute cette «unité», comme le dit Polay, ne vise en fait qu'à s'opposer à la dictature proposée par le «Sentier Lumineux». Voyons la conception qu'a Polay du «travail de masse» : «Au Pérou, malgré la profonde crise morale et économique qui sévit, il y a d'importantes forces saines et démocratiques à l'intérieur des partis politiques, autant dans les partis traditionnels (ceux de la droite) que dans ceux de la gauche, de même qu'à l'intérieur des organisations populaires, des forces armées, des forces policières. Nous croyons que la Conférence épiscopale devrait jouer un rôle important. Aussi, des personnages éminents tel que Javier Pérez de Cuéllar pourraient jouer un rôle de médiateur pour initier un processus de discussion, de dialogue à divers niveaux et arriver à certains accords.» (Víctor Polay Campos, La República, 08/07/92) En toute logique - et il ne peut y avoir aucune doute à ce propos -, on doit admettre que les «masses» auxquelles le MRTA fait référence servent pour n'importe quel propos, mais jamais pour faire la révolution. Le «travail de masse» de ce groupe est dirigé et planifié dans le but de calmer les tensions sociales au Pérou. Le MRTA a commencé son action armée au moment où la «gauche officielle» amorçait un processus de décomposition interne. Cette gauche discréditée et méprisée par les masses n'arrivait plus à contrôler l'explosion et les luttes des secteurs populaires comme elle le faisait avant 1980. Avec le début de la lutte armée (en mai 1980), les classes ont vu leurs contradictions se polariser au maximum. La guerre dirigée par les maoïstes est devenue un puissant pôle d'attraction. Les masses pauvres ont vu instinctivement dans la lutte armée une forme concrète pour aborder la lutte pour leurs revendications historiques. C'est au milieu de ce phénomène qui surgit «par miracle» le MRTA. Fait curieux, il essaie depuis le début de réactiver ce qu'on connaît comme étant la Gauche unie. «Nous sommes capables de réaliser de grandes tâches, telle la réorganisation de l'unité de la gauche et de notre peuple.» (IIIe Comité central, Rapport sur la situation nationale, septembre 1990) Le MRTA est lié à la Gauche unie avec laquelle il cherche à organiser un grand «front de masse» en vue des élections, et fondamentalement pour contenir «la progression du Sentier lumineux». Le MRTA cherche à s'arrimer aux organismes contrôlés par la Gauche unie. Cela, on peut le constater aisément dans le paragraphe qui suit : «...Nous devons construire, fortifier et donner une direction révolutionnaire habile et ferme aux embryons du pouvoir populaire, lequel s'exprime actuellement dans le cadre des assemblées populaires, fronts de défense, rondes et communautés paysannes et dans ce qui est l'expression la plus élevée du centralisme : l'Assemblée nationale populaire (ANP).» (IIe Comité central du MRTA, août 1988) Notons que les organisations mentionnées dans le document du MRTA et qualifiées «d'embryons de pouvoir populaire» ont toutes été dirigées, jusqu'à ce qu'elles disparaissent pour cause de mort naturelle, par des groupes qui font partie de la gauche légale (Patria Roja, Partido Unificado Mariatéguista [PUM], Izquierda Socialista, etc.). On peut aisément déduire et prouver que le MRTA n'a jamais proposé de développer une véritable guerre pour le pouvoir. Ses prises de position et ses actions spectaculaires ont été dirigées de telle sorte à distordre la réalité péruvienne. Il est évident qu'un des objectifs de ce groupe a été et est encore de désactiver le processus de lutte armée initié en 1980. Cet objectif est manifeste dans les déclarations des dirigeants tupacamaristes : «Nous ne voulons pas de cette guerre civile, nous voulons l'éviter... Le peuple exige un changement, il est mûr pour le changement, ce pays porte une révolution en lui. Les douleurs, nous les sentons tous. Il faut illuminer cette nouvelle société, on a l'occasion de le faire, soit à travers la guerre civile, soit par une entente pacifique.» (Víctor Polay Campos, «Entrevue dans la clandestinité», 08/1985) Les déclarations de Polay visant à «éviter la guerre civile» remontent au mois d'août 1985. À cette date, la guerre révolutionnaire dirigée par les maoïstes comptait déjà cinq années de développement victorieux ; de par la dynamique propre de la lutte des classes, les masses participaient de plus en plus au processus révolutionnaire. Quand le «commandant Rolando» parle «d'éviter la guerre civile par une entente pacifique», il est clair qu'il fait référence à la lutte armée initiée en mai 1980. Polay initie le «dialogue» Le MRTA a commencé son activité politique en offrant ses services au régime apriste. Il n'était même pas encore prêt à incendier un autobus qu'il proposait déjà le «dialogue» et des «accords de paix». En août 1985, soit un an après avoir initié ses actions armées, le MRTA a offert une «trêve» au gouvernement d'Alan García Pérez. Tel que les faits l'ont depuis confirmé, Alan García inaugurait alors une des étapes les plus sombres de l'histoire politique du Pérou. Par la suite, quand le nouvel élu Alberto Fujimori a pris le pouvoir, le MRTA a réédité ses offres de «dialogue» et de «paix», demandant au nouveau gouvernement de négocier la «lutte armée». Rappelons brièvement ce qui s'est produit : En juillet 1985, Alan García Pérez, leader et candidat de l'APRA, remporte les élections présidentielles en faisant largement usage de fraude. Un mois plus tard (le 16 août), le MRTA annonce, lors d'une «conférence dans la clandestinité» fortement médiatisée, une trêve avec le nouveau régime apriste. La «trêve» du MRTA apparaît comme étant une plaisanterie et les cercles politiques ne cessent de s'en moquer. En 1985, la «guérilla de Polay» ne dépassait pas le stade des petites actions nocturnes contre les portes et fenêtres de banques privées non gardées. Sa principale activité était l'envoi de communiqués de presse aux médias. La «lutte armée» du MRTA ne dérangeait pas la police, et encore moins l'APRA qui connaissait bien le «commandant Rolando». Le même Polay s'est chargé de justifier cette trêve. Ses déclarations, reprises à la «une» des principaux quotidiens et répercutées sur toutes les chaînes de télé, mettent à jour les liens secrets du MRTA avec le régime apriste et les forces armées. Polay déclare ainsi : «Nous croyons qu'avec le changement de gouvernement, une nouvelle situation politique s'est ouverte au pays... Nous traversons une nouvelle situation politique, il y a une opportunité historique qui s'ouvre... Nous ne voulons pas qu'il y ait une guerre civile, nous voulons l'éviter, si nous obtenons la justice au préalable. Il existe maintenant une occasion historique.» Dans la même conférence, Polay ajoute : «Nous savons et nous croyons qu'il existe au sein du gouvernement apriste une volonté de changement ; à tout le moins, ils l'ont promis au peuple. Nous voulons leur donner cette opportunité, nous allons croire dans ce que fera l'APRA. La première chose à faire, c'est de ne pas réaliser d'actions contre le gouvernement ni contre le parti apriste... Respectueux de la majorité, le MRTA ne réalisera pas d'actions militaires contre l'APRA ni contre le gouvernement, tant que celui-ci n'attaquera pas le peuple.» Lorsque Polay a ainsi annoncé que le MRTA n'allait pas réaliser d'«actions militaires» contre l'APRA «tant que celui-ci n'attaquera pas le peuple», le gouvernement avait déjà à son actif l'assassinat d'un étudiant par la police dans un des quartiers pauvres de Lima. Au cours du même mois d'août, et tandis que le MRTA offrait ses services à l'APRA, une patrouille militaire entrait dans la localité de Accomarca (Ayacucho) pour y assassiner 69 paysans. Le 27 août, presque simultanément aux déclarations de paix de Polay, l'armée exterminait près de 70 habitants de Umaro et de Bellavista (Ayacucho). Mais Polay ne limita pas ses louanges au seul gouvernement. Il les étendit aux forces armées criminelles : «Quant aux forces armées, nous considérons qu'elles ont une tradition et un passé très riches. Les forces armées sont nées avec la constitution des montoneros, de la guérilla qui a lutté pour l'indépendance... Nous savons que dans les forces armées, y compris la marine, il existe des secteurs conséquents, que nous appuyons et sur lesquels nous comptons...» Depuis que les forces armées ont pris en charge la lutte contre-insurrectionnelle, elles ont commis des crimes horribles contre la population péruvienne. Entre 1980 et 1985, plus de 12 000 morts ont été comptabilisés, la majorité ayant été assassinés par l'armée et les troupes paramilitaires. À la même date, on comptait déjà plus de 5 000 enlèvements et disparitions dans les zones où régnait l'état d'urgence. On imagine sans peine la réaction des Péruviens quand ils ont lu ou entendu les louanges que lança Polay à l'endroit des militaires... Les tentatives de dialogue du MRTA se sont multipliées durant le régime apriste. Pour ne mentionner que les plus médiatisées d'entre elles, il y a celle du 26 mars 1989, alors que les tupacamaristes ont envoyé une lettre au cardinal Juan Landázuri pour demander son intervention auprès du gouvernement afin qu'il établisse le dialogue et mette un terme à la guerre. En juillet de la même année, le MRTA prend encore l'initiative. Cette fois, il séquestre l'apriste Demetrio Tafur, président de la Corporation régionale de développement du département de San Martín. L'«otage» fut ensuite libéré et devint le porte-voix du groupe subversif, annonçant en outre que le MRTA demandait la médiation de l'église pour «dialoguer et rendre les armes». En juillet 1990, Fujimori arrive au pouvoir et deux mois plus tard (en septembre), le MRTA réédite ses vertus négociatrices et propose le dialogue au nouveau gouvernement. Le style déjà utilisé avec Alan García est à nouveau employé. Le déploiement médiatique est aux frais du gouvernement. À cette occasion, le MRTA «séquestre» le député Gerardo López, militant du parti de Fujimori (Cambio 90). Après quelques jours, celui-ci est remis en liberté et à partir de là, il se convertit lui aussi en émissaire des «révolutionnaires» tupacamaristes. Gerardo López prend au sérieux son nouveau poste et annonce que le MRTA «a la volonté de dialoguer, et même de remettre les armes». Où se positionne le MRTA dans les plans contre-insurrectionnels ? À la lecture de cet article, on pourrait raisonnablement se poser la question : si le MRTA sert effectivement les plans anti-sendéristes, alors pourquoi le réprime-t-on ? Pour débuter, il faut préciser que toutes les luttes armées ne sont pas nécessairement révolutionnaires. Le caractère d'un processus subversif dépend du contexte historique et de la réalité dans laquelle il se développe. Un phénomène de lutte armée peut être révolutionnaire, progressiste, nationaliste, pro-impérialiste, fasciste ou encore contre-révolutionnaire, tout dépendant de son caractère de classe et de ses objectifs stratégiques. Pour déterminer l'authenticité et le contenu politique d'un processus armé, il est nécessaire d'analyser rigoureusement trois questions fondamentales : 1) quelle est l'idéologie qui nourrit l'organisation qui le dirige ; 2) quels sont ses objectifs politiques ; et 3) quelle classe sert-il et représente-t-il. En partant de ces trois éléments et tenant compte de l'activité du MRTA de 1984 à aujourd'hui, il est facile de situer le caractère et le contenu politique de ce groupe. Le MRTA peut bien crier sur tous les toits qu'il est «marxiste-léniniste», mais son idéologie n'a rien à voir avec celle du prolétariat. Ses objectifs politiques ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux que proposent les organisations qui font partie de la gauche légale et qui visent ouvertement à soutenir le système et l'État oppresseur. Et quelle classe sociale sert le MRTA ? Ici, on peut se référer au dicton populaire : «dis-moi avec qui tu te tiens et je te dirai qui tu es». Les principaux alliés des tupacamaristes sont les forces politiques de la gauche légale et à l'occasion l'APRA, voire même le fujimorisme. La gauche légale péruvienne, par son caractère de classe, par son côté mercenaire, par sa ligne sans principes et pleine d'opportunisme, sert exclusivement un secteur de la grande bourgeoisie péruvienne. Le MRTA sert les mêmes patrons que ceux de la Gauche unie. Depuis 30 ans ou plus, cette gauche est attachée à la charrue de la bourgeoisie bureaucratique, c'est-à-dire à une des deux fractions de la grande bourgeoisie péruvienne. Et c'est sur cette même rive de la plage politique que se situe l'action armée du MRTA. Les faits démontrent que le MRTA et la gauche officielle servent les mêmes patrons. Cela, on peut l'observer dans l'exemple qui suit : en 1985, Alan García, leader de l'APRA, arrive au pouvoir avec l'appui de la Gauche unie. Immédiatement, le MRTA s'engage à ne pas attaquer le nouveau gouvernement ni le parti apriste. Il offre une «trêve de pacification» d'une durée d'un an. En juillet 1990, Alberto Fujimori gagne les élections, toujours avec l'appui de la Gauche unie. En septembre de la même année, le MRTA propose signer un accord de paix avec le gouvernement. Est-ce là simplement un hasard ou bien le fruit d'une étroite coordination ? Les deux fractions de la grande bourgeoisie (bureaucratique et compradore) sont constamment en conflit et soumises à des conflits internes. Elles luttent pour gagner le contrôle de l'État et obtenir le maximum de bénéfices. Les partis politiques, l'église, les forces armées, etc., prennent parti dans ce conflit. Dépendant des circonstances et de la situation internationale, les épreuves de force au sein de la grande bourgeoisie peuvent devenir bruyantes et violentes. En 1968, le général Velasco Alvarado s'est approprié du pouvoir d'État au moyen d'un coup d'état militaire. Le gouvernement de l'Acción Popular (bourgeoisie compadore) fut déclaré illégal. Velasco essaya de consolider et d'amplifier les intérêts de la bourgeoisie bureaucratique. Il affronta violemment les représentants de la bourgeoisie compadore. Il chassa du pays les journalistes de la droite libérale. En 1980, l'Acción Popular (AP), après avoir été pourchassée par la dictature velasquiste, retourna au pouvoir et appliqua des mesures contre la bourgeoisie bureaucratique. Puis, en 1985, Alan García reprit le pouvoir pour la bourgeoisie bureaucratique. Le gouvernement apriste contre-attaqua les intérêts de l'autre fraction de la bourgeoisie. Il échoua dans son intention d'étatiser le système financier (banques). En 1990, Fujimori, appuyé par les militaires, assuma le gouvernement. Il fit alliance avec la bourgeoisie compradore. Il réprima les leaders apristes, dont plusieurs sont encore emprisonnés. Plus tard, il essaya même d'extrader Alan García pour le juger pour corruption. Les exemples signalés ici nous aident à comprendre que la «lutte armée» du MRTA, tout dépendant du moment et des intérêts en jeux, profite au renforcement du pouvoir de quelques fractions de la grande bourgeoisie péruvienne et de l'impérialisme nord-américain. Et si la répression touche ce groupe de temps à autres, ce n'est pas parce qu'il représente en soi un danger pour la stabilité de l'État, mais plutôt à cause des besoins des forces bourgeoises en lutte. Le même sort attend les groupes qui font partie de la Gauche unie, comme n'importe quel parti de la droite. Leurs dirigeants sont souvent persécutés et emprisonnés, mais ceci ne leur donne aucune légitimité révolutionnaire en soi. Même au sein des forces armées, il existe des divisions et des luttes politiques, fussent-elles violentes. Mais cela ne change pas non plus le caractère et l'essence réactionnaire et criminelle des militaires. D'un autre côté, il est évident qu'au Pérou, le gouvernement et ses forces répressives agissent de deux manières face à la subversion. On traite la guérilla maoïste et le MRTA de façon bien différente. Voyons quelques exemples. Le cas de Polay est très significatif. En février 1989, le «commandant Rolando» est emprisonné. La presse péruvienne le transforme en héros cinématographique. C'était la dernière année du régime apriste dirigé par Alan García Pérez. Polay Campos est incarcéré dans la prison de Canto Grande (Lima). On lui assigne une cellule quasiment aussi confortable que celle d'un hôtel. Il dispose d'une chambre individuelle pour dormir, pour cuisiner, et d'une une salle de bains privée. Il est équipé d'un appareil-télé en couleurs, d'une radio, d'une bibliothèque, d'un réfrigérateur ; on lui donne la permission de recevoir des revues et des journaux à tous les jours. Le plus drôle, c'est qu'on lui remet même les clés de sa cellule. Ceci fut confirmé par Lucero Cumpa, haute dirigeante du MRTA, qui avait été détenue à Canto Grande. Voici la transcription des déclarations qu'elles a faites à la revue Caretas, publiées le 25 mars 1991 : Est-il vrai que Víctor Polay avait les clés de sa cellule ? - Lucero Cumpa : Ça, c'était normal au pénitencier, non seulement pour les «prisonniers politiques», mais aussi pour d'autres détenus. Dans cette cellule commodément aménagée, Polay pouvait recevoir la visite régulière de sa famille, de ses amis, de députés, de journalistes, et même celle de ministres du gouvernement. Ceci fut décrit par Guillermo Thorndike dans son livre intitulé Les taupes. «Holà ! Víctor, comment ça va, dit familièrement le Premier ministre. Il avait été candidat apriste à la présidence en 1989, et plusieurs fois secrétaire général du parti... Je suis un vieil ami de ton père... J'ai demandé qu'on respecte la totalité de tes droits. Et de fait, il va en être ainsi.» (Guillermo Thorndike, Les taupes, édition 1991, page 64) Le 8 juillet 1990, quelques jours avant que l'apriste Alan García Pérez remette le pouvoir à Fujimori, Polay et 47 autres prisonniers politiques du MRTA s'évadent de prison grâce à un tunnel de 332 mètres de longueur. Au Pérou, tout le monde se doute que la main du régime apriste, et spécialement celles du sinistre et criminel Agustín Mantilla, ministre de l'Intérieur d'Alan García Pérez, y est pour quelque chose. Le tunnel faisait sans doute partie des indulgences qu'a reçue le MRTA pour son attitude de «bonne guérilla» conciliatrice et partisane de la paix entre les riches et les pauvres. D'autres faits aident à comprendre ce problème. Par exemple, le traitement et les conditions de vie des prisonniers. Le gouvernement a établi un double système d'incarcération : un pour ceux du MRTA et un autre pour ceux qualifiés de sendéristes. Il n'y a pas de comparaison possible entre l'enfer que doivent vivre les prisonniers de guerre du Parti communiste du Pérou (PCP) et la bienveillance que reçoivent les prisonniers de guerre appelés tupacamaristes. Cela, on peut le voir concrètement avec les tueries massives de prisonniers qui se sont produites à répétition. Le 4 octobre 1985, la police assassine 30 prisonniers incarcérés dans la prison de Luringacho (Lima). Les prisonniers furent brûlés vifs et enterrés clandestinement. En juillet 1986, les forces armées et les policières massacrent et éliminent 300 prisonniers de guerre incarcérés dans les pénitenciers de Frontón, Luringacho et Callao. En mai 1992, l'armée et la police assassinent près de 100 prisonniers et prisonnières du pénitencier Canto Grande, sur ordre du gouvernement. La question est la suivante : pourquoi assassine-t-on les prisonniers qualifiés de sendéristes alors pour les autres, on leur construit des tunnels pour leur permettre de s'échapper ? Poursuivons avec le cas de Polay. Comme on le sait, le «chef» tupacamariste a été refait prisonnier en juin 1992. Il est actuellement incarcéré à la base d'Operaciones Especiales de la Marina à Punta (Callao). C'est à cette même prison que le président Gonzalo est également détenu. Le chef de la guérilla maoïste y a été incarcéré le 3 avril 1993. Depuis cette date, c'est à dire depuis près de 4 ans, il n'a pas eu le droit de recevoir quelque visite que ce soit, ni d'amis ni de sa famille. On ne lui a jamais permis d'assurer sa défense légale et ses avocats ont été eux aussi emprisonnés à vie. Il est complètement isolé du monde extérieur. Seuls Fujimori et le Service du renseignement national (le SIN) savent s'il est en vie ou s'il a déjà été enterré. Pour sa part, Víctor Polay, le supposé voisin de prison du président Gonzalo, reçoit des visiteurs à chaque mois et peut recourir au service de ses avocats. Voilà une différence évidente qui prouve la discrimination que le gouvernement fait entre les «sendéristes» et les tupacamaristes. Pour conclure cette longue analyse, nous voudrions reproduire le paragraphe suivant d'un article que nous avons déjà publié sous le titre : «Vers où pointent les armes du MRTA ?» (El Diario Internacional, n° 2, 02/11/1990). Nous y affirmions : «Le MRTA est conçu pour détourner la tendance politique des masses. Comme les films de "Rambo", il manipule la conscience et peut générer l'idiotie chez certaines gens ; c'est une fausse guérilla, qui ne présente pas de danger pour le système et pour l'ordre qui règne, et qui amène confusion et désillusion chez les masses pauvres du pays.» Puis nous ajoutions : «En tant que fausse guérilla révolutionnaire, le MRTA cherche non seulement à générer la confusion et le désarroi chez les masses pauvres du Pérou, mais son rôle contre-révolutionnaire a une certaine portée, liée aux plans de "pacification" qu'ont développé les Nord-américains pour le Pérou et le reste de l'Amérique latine. L'existence de ce groupe pourra être longue ou pas, ceci dépendra non pas de ce que dira Polay ou quelque autre dirigeant du MRTA, mais plutôt des plans militaires et politiques de l'État et des stratèges états-uniens.» - Luis Arce Borja (Collaboration spéciale) Bruxelles, le 6 février 1997 [Article paru dans la revue Socialisme Maintenant!, n° 1, printemps 1997] |
| Paria | Les masses font et peuvent tout ! | Grand classique (ou très bavard) | | 562 messages postés |
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