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 A propos de la polémique sur le Corbusier

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Xuan
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   Posté le 17-06-2015 à 00:39:40   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

A l'occasion du 50e anniversaire de la mort du Corbusier et des expositions qui l'ont accompagné s'est élevée une violente polémique sur ses sympathies pro nazies, son antisémitisme et sa collaboration avec le régime de Vichy.
Xavier de Jarcy, journaliste à Télérama, sortait alors le livre "Le Corbusier, un fascisme français"

Dans la foulée son architecture a été qualifiée de fasciste et il lui a été reproché d'avoir été l'initiateur d’inhumaines barres HLM.

La vérité historique oblige à signaler que c’est plutôt la course aux profits dans le cadre de l’industrialisation du bâtiment qui est à l’origine de « cages à poule », qui ne correspondaient pas à ses conceptions.

On rappellera aussi que dans les années 70 le tournant opéré sous Pompidou mettant fin à l’urbanisme des HLM pour lui substituer celui des zones pavillonnaires est à l’origine de l’exode de la petite-bourgeoisie vers l’habitat individuel et de la concentration des pauvres et des immigrés dans des ghettos sous occupés et laissés à l’abandon.

On lira sur Wikipedia une bio assez complète où on apprend qu’il a aussi travaillé pour le siège de l'union des coopératives de l'URSS, à Moscou et collaboré au film Les Bâtisseurs , commande de la Fédération CGT des travailleurs du bâtiment de la région parisienne.

Dans la vidéo du film Les Bâtisseurs de 1938 (durée 45’), Le Corbusier expose ses conceptions architecturales.

On y trouvera aussi des interventions de Jouhaux et le développement de thèses franchement réformistes et prônant la collaboration de classe, voire chauvines. Au hasard des illustrations du travail des ouvriers du bâtiment, des monuments soviétiques mais aussi nazis …Bref un retour en arrière assez saisissant sur une époque dont on a sans doute oublié les confusions.

Mais également des rappels insistants sur les conditions de vie misérables de la classe ouvrière et la nécessité de constructions modernes, claires et saines.

En regard, l’article de Marc Perelman (ci-dessous) sur le « fascisme architectural de Le Corbusier » nous interroge plutôt sur les motivations réelles de Perelman et le point de vue de classe de sa critique.

Enfin je cite pour info l’article de l’architecte urbaniste Jacques Sbriglio publié aussi sur le Monde, qui en prend le contre-pied de façon un peu dithyrambique mais apporte quelques éléments d’information.


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   Posté le 17-06-2015 à 00:51:23   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

source

Le fascisme architectural de Le Corbusier

LE MONDE 14.05.2015

image:
le Modulor

Par Marc Perelman, professeur d’esthétique à l’université de Nanterre

Ce n’est plus une rumeur, c’est désormais un fait avéré. Le Corbusier a participé, dès les années 1920 jusqu’au milieu des années 1940, à une série de publications d’extrême droite, fascisantes et fascistes, la plupart antisémites, parfois racistes, toujours antiparlementaires, ultranationalistes, ferraillant contre la démocratie, regimbant contre la soi-disant dégénérescence de la race…

Ces vérités que trois ouvrages récemment parus viennent de révéler – la Fondation Le Corbusier et l’exposition « Le Corbusier. Mesures de l’homme » au Centre Pompidou à Paris, osent encore les dissimuler – ont déclenché une puissante onde de vives polémiques qui ne sont pas prêtes de s’apaiser ( Le Corbusier, un fascisme français , Xavier de Jarcy, Albin Michel, 288 pages, 19 euros ; Un Corbusier , François Chaslin, Seuil, 517 pages, 24 euros ; Le Corbusier, Une froide vision du monde , Marc Perelman, Michalon, 255 pages, 19 euros).

Les institutions ont réagi avec courroux et même mépris ; les individus qui se sentaient atteints ont souvent surréagi avec un certain dédain mâtiné de quelque inquiétude. La démystification d’un leader idéologique, la mise à nu du chef ébranlent toujours fortement, mortifiant les épigones. C’est le cas aujourd’hui avec Le Corbusier : des idées nauséabondes mais un humaniste, un poète, un visionnaire voulant le bonheur des hommes ; comme ce fut le cas avec Coubertin : un raciste et un apôtre du colonialisme mais réinventant magnifiquement les Jeux olympiques ; et avec Heidegger : un nazi mais un immense philosophe…
Les procédés rhétoriques employés par les sectateurs de leur « Maître » ont directement à voir avec le concept de fausse conscience et se présentent dans les termes suivants : l’omission, le maquillage, la minimisation ou l’oubli (principalement par le refoulement des positions politiques de Le Corbusier qui n’auraient bien sûr rien à voir avec son génie créateur) ; le déni (par la déformation ou la dérision des propos critiques) ; la justification (le contexte de l’époque est toujours difficile et complexe sinon insupportable, la crise est là, incontournable).

Culture de l’excuse

On retrouve ces procédés rhétoriques chez Paul Chemetov (Le Monde, 30 avril 2015). Tout d’abord, il nie : « Le Corbusier n’est pas un fasciste » ; puis, « c’est l’époque qui voulait cela, le contexte était compliqué » , enfin il se libère : « A cette époque, tous les architectes étaient vichystes. » Chaque moment du raisonnement ignore le précédent ; l’univers de ce raisonnement n’appartient donc pas au monde de la dialectique ; c’est l’univers de la mauvaise abstraction.

Avec Paul Chemetov, on atteint même presque la divagation lorsqu’il assimile Sartre et Camus d’un côté à Le Corbusier de l’autre, simplement parce que tous les trois ont écrit pendant la seconde guerre mondiale. L’architecte oublie que ni Sartre ni Camus n’ont rédigé de propos antisémites, qu’ils ne se sont pas précipités à Vichy, qu’ils n’ont pas léché les bottes maréchalistes.

L’exposition et le catalogue « Le Corbusier. Mesures de l’homme » auraient dû être une réussite et le lieu d’un débat public. Ils ne le sont pas. Non pas sur le plan de la mise en scène et de leur facture où les moyens sont importants mais, si l’on va à l’essentiel, sur la mise entre parenthèses du contexte politique dans lequel, et bien sûr par lequel Le Corbusier a pensé, projeté, construit, défendu ses propres œuvres.
Comment en effet présenter une telle quantité d’objets en les sortant du cadre politique d’où ils ont émergé ? Comment oublier l’arrière-fond politique de l’entre-deux-guerres ? Une vraie gageure. A moins que les commissaires aient à ce point humé l’air actuel qu’ils mettent sciemment en œuvre une exposition et un catalogue décontextualisés de toute histoire, sans aucun lien avec les forces sociopolitiques de l’époque, sans aucune référence aux positions idéologiques de l’architecte.

Or, l’esthétique de Le Corbusier a sa source dans les pires conceptions positivistes, réductrices, réactionnaires de son époque. La « psychophysique » de Gustav Fechner, que Le Corbusier reprend à son compte et dont on nous rebat les oreilles, fut un courant philosophique critiqué même par Henri Bergson ! Toute mesure de la sensation se parant de scientificité est une imposture théorique.

Le « Modulor » au centre de l’œuvre

Si le thème ou plutôt l’objet de l’exposition, en l’occurrence le corps, est en effet au cœur de l’architecture de Le Corbusier, le contresens est alors complet dans l’interprétation des deux commissaires également chargés du catalogue. Le corps est loin d’être célébré par Le Corbusier en tant que sphère de plaisir, de bien-être ou encore de ravissement, pour ne rien dire d’une possible libération émancipatrice. Il est tout au contraire l’objet d’une réduction à un ensemble de chiffres, sa transformation en un instrument de mesures et de proportions plaquées, un moyen de performance dans le sport.

Tout cela est profondément incrusté dans la corporéité pensée par l’architecte et selon une froide découpe du corps, une partition selon une approche mécaniste, voire une sorte de mysticisme biologique (le corps régénéré, la pureté, la nature humaine…). On peut alors affirmer que l’architecture et la ville de Le Corbusier ressortissent d’une « prise sur le corps » , véritablement d’ « une politique de coercition qui est un travail sur le corps, une manipulation calculée de ses éléments, de ses gestes, de ses comportements » ; car « le corps ne devient force utile que s’il est à la fois corps productif et corps assujetti » (Michel Foucault).

Si l’architecture et la ville n’ont de sens que par leurs racines corporelles, chez Le Corbusier le corps est figé par une essence humaine elle-même fixée à tout jamais sous le registre d’un invariant : le Modulor. Le Modulor – et ce n’est pas un hasard – est mis en œuvre en 1943. Cette silhouette humaine, ce corps musculeux et en partie réifié, cette cuirasse mécanique, voudrait correspondre à la construction d’un corps nouveau produisant un espace que Le Corbusier veut en rapport étroit avec des proportions définitives établies abstraitement à partir de dimensions de corps pourtant si différents les uns des autres.
Le Modulor est avant tout un outil de mesure qui, incarné dans l’homme, ajuste l’espace environnant au plus près de sa chair. Il impose sur un corps supposé universel des normes géométriques insensées pour fabriquer, dans les termes de l’architecte, « des êtres construits, des biologies cimentées » .

Si bien que spatialement, la cellule d’habitation, l’Unité d’habitation, la ville elle-même, sont conçues à partir d’un corps « modulorisé » supposé déployer une dynamique spatiale originale. A l’inverse, les corps sont entre leurs quatre murs, compressés par des volumes savamment étroits mais encore acceptables, maintenus dans les rues intérieures pourvues de multiples commerces, retenus dans des lieux de loisirs et de détente sportifs collés aux barres et gratte-ciel de « la Cité radieuse ». Car il s’agit d’ « aménager les logis capables de contenir les habitants des villes, capables surtout de les retenir » comme le précise l’architecte.

Les « Unités d’habitation de grandeur conforme » , comme les définit avec tant de poésie Le Corbusier, sont avant tout d’immenses enveloppes de béton brut, suspendues au-dessus du sol grâce à des piliers impressionnants, monumentaux, écrasants. Elles exercent une pression totale sur le corps, puisque les habitants ne doivent pas s’en évader sauf pour circuler (l’une des quatre fonctions de l’urbanisme parmi les trois autres : travailler, habiter, se récréer).

Unité d’habitation, le sport comme prison

Et quand les habitants quittent leur Unité d’habitation, ils se retrouvent non pas dans un espace naturel mais directement sur d’immenses terrains de sport, eux aussi géométrisés, qui captent toute leur énergie encore libre pour la convertir en gestes et mouvements sportivisés perdant toute spontanéité, tournant à l’automate. Car « si l’on ne veut pas biaiser avec les réalités pressantes, il faut aménager le sport au pied des maisons. (…) La cellule humaine doit donc être prolongée par les services communs, et le sport devient l’une des manifestations domestiques quotidiennes » , ne cesse de répéter l’architecte.

Le sport est aussi présent à l’intérieur de l’Unité d’habitation sous la forme de salles de gymnastique. Le sport est donc partout. Le stade, son équipement historique par excellence, est même déjà pour Le Corbusier une forme dépassée du spectacle avec, d’un côté, les athlètes actifs et, de l’autre, les spectateurs passifs.

Pour l’avenir, c’est toute la ville radieuse qui doit se faire stade, mettre en mouvement les masses par une autoadhésion quasi automatique. On est très loin du corps plaisir, de l’émancipation corporelle et plutôt dans le corps cadenassé, écrasé, réduit à des petits points, presque enrégimenté dans une ville de béton et de verre unidimensionnelle et uniforme.

Les thèses de Le Corbusier sur le corps ne correspondent en rien à un quelconque humanisme, à une libre disposition et propriété de ses mouvements et de ses gestes dans un espace ouvert et de la plus grande plasticité. Son architecture et son urbanisme (le plan Voisin) sont à l’inverse une organisation carcérale qui, dépassant le sociologique et le politique, crée un corps unique saisi par la technologie du bâtiment moderne, un corps machine dans une vaste « machine à habiter », une pâte malléable entre les mains de l’architecte démiurge et fasciste.

J’insiste sur le caractère fasciste du corps pensé par Le Corbusier. Car le fascisme et le nazisme, comme le stakhanovisme stalinien ou le puritanisme néostalinien, reposent sur une corporéité de masse assez proche. Le corps est appréhendé comme un bloc de muscles, une forme viriloïde, une armure sportive prête à s’engager dans des rapports sociaux violents. Le Corbusier reprend et intègre toutes ces caractéristiques.

Fusion métabolique

Dès lors, la condition même d’existence des individus est liée à la soumission de leurs corps sous le régime de la tyrannie de la cellule carcérale elle-même encastrée dans une grosse boîte qui devait d’ailleurs se répéter sur des kilomètres. « (…) l’homme – le bonhomme à deux pattes, une tête et un cœur – soit une fourmi ou une abeille asservie à la loi de se loger dans une boîte, une case, derrière une fenêtre ; vous implorez une totale liberté, une totale fantaisie, selon lesquelles chacun agirait à sa guise, entraîné par un lyrisme créatif dans des sentiers toujours nouveaux, jamais battus, individuels, divers, inattendus, impromptus, innombrablement fantaisistes. Eh bien, non, la preuve vous est donnée ici qu’un homme se tient dans une boîte qui est sa chambre ; et une fenêtre ouvre sur le dehors. C’est une loi de biologie humaine cela ; la case carrée, la chambre, c’est la propre et utile création humaine. »

L’architecture et plus largement la ville de Le Corbusier imposent un ordre corporel rigide, une conversion des libres pulsions, une nouvelle alchimie politique des corps sous le régime d’un ancrage biologique sinistre.
La vraie puissance de l’architecture et de la ville de Le Corbusier tient à leur qualité exhibitionniste, spectaculaire grâce à l’utilisation du matériau brut, le béton parfois recouvert des couleurs primaires, à la perfection des lignes droites, à la mise en avant d’une immense technologie machiniste collective, à l’osmose des corps et de la machine urbaine dont ils sont les rouages.
Chez Le Corbusier, la grande ville « est, dans la biologie du pays, l’organe capital, d’elle dépend l’organisation nationale, et les organisations nationales font l’organisation internationale. La grande ville, c’est le cœur, centre agissant du système cardiaque ; c’est le cerveau, centre dirigeant du système nerveux (…) » .

La biologie participe ainsi du fantasme d’une osmose réussie entre le corps de l’individu et la ville, voire une fusion métabolique. Le corps disparaît. Du point de vue esthétique, les mouvements artistiques comme, par exemple, l’expressionnisme et le surréalisme, que d’ailleurs Le Corbusier exécrait, ont été des mises en accusation de la réalité établie et ont participé de l’évocation d’une image de la libération sociale.

Ces mouvements possédaient un degré d’autonomie en ce sens qu’ils ont été capables d’arracher l’art à la puissance de mystification de ce qui est donné, établi, et ont libéré l’art en lui assurant l’expression d’une vérité propre (transcendance, altérité, manifestations complexes du beau). L’esthétique de Le Corbusier participe au contraire du redoublement de la réalité sous des formes simplifiées qui fascinent parce qu’elles font système : les cinq points de l’architecture nouvelle, les quatre fonctions de l’urbanisme.

Marc Perelman est l’auteur de Le Corbusier. Une froide vision du monde, Michalon, 255 p., 19 €

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   Posté le 19-06-2015 à 23:21:18   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Je ne reviens pas sur les propos pronazis et antisémites qu'il a effectivement tenus, ni sur sa participation à l'administration de Vichy. Mais il serait unilatéral de s'en tenir là et abusif d'en faire un "nazi".
Sa conception certainement idéaliste mais nullement fasciste était que l’urbanisme pouvait transformer la société.
Il n’était pas encarté mais avait côtoyé des progressistes ou des communistes comme Charlotte Perriand, et conçu avec des eux des projets communs.

Quant aux conclusions péremptoires sur son architecture "fasciste", elles sont manifestement mensongères.
L'urbanisme du Corbusier visait à "loger le plus grand nombre" dans des appartements lumineux, salubres, chauffés et isolés, équipés de commerces, crèches, ciné club, terrains de sport et lieux de rencontre et de promenade arborés à raison de 12 % de la superficie, et séparés des voies de circulation automobile.
Ouest-France met en ligne des témoignages sur la vie dans la Cité radieuse.

Les HLM parisiens dont il était un des initiateurs furent détournés de sa conception initiale pour satisfaire la soif de profit des industriels du bâtiment.
Giscard en supprima les crédits et confia à la Caisse des Dépôts et consignations la construction des barres en banlieue, privés d’écoles et de commerce, cages à lapin irrémédiablement prédestinées au ghetto.

La cabale contre le Corbusier semble inspirée par des conceptions élitistes, celles-là mêmes qui donnèrent naissance aux banlieues pavillonnaires, encore sous Giscard.
L'opposition entre la maison individuelle et le béton dédaigne le logement de masse et l'habitat collectif et révèle des ambitions aristocratiques de même nature que le mépris des aoûtiens sur les plages.
Derrière ce pseudo "antifascisme" se dissimule un mépris de classe pour le peuple et ses besoins les plus élémentaires.

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   Posté le 21-06-2015 à 21:00:27   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Je dois rectifier une erreur concernant le financement des HLM :
c’est la Caisse des Dépôts et consignation qui avait principalement financé le logement social à travers la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations (SCIC) créée en 1954 par François Bloch-Lainé.

Dans les années 70 Giscard et Barre ont effectivement mis fin au financement du logement social. L’Etat n’intervient plus qu’à la marge et la crise du logement est amplifiée.
A partir 1990 la SCIC s’oriente vers l’immobilier de bureau et des activités concurrentielles. Des aides fiscales sont créées pour « inciter les investisseurs privés à construire des logements locatifs » , en d’autres termes la finance bancaire et les promoteurs. L’urbanisation est orientée vers l’accession à la propriété dans l’habitat individuel, et le fossé social s’accroît avec les barres construites dans la banlieue.

Ceci n’est qu’un aspect de l’urbanisation et de son histoire, traversée par la lutte des classes et les intérêts capitalistes. L’habitat collectif n’a pas échappé à la soif de profit, et les désordres qui en ont résulté ont aussi servi de prétexte à casser le logement social.

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   Posté le 21-06-2015 à 21:13:55   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Un commentaire par courrier :

"Plus exactement en 1977 Raymond Barre n’a pas mis fin au financement du logement social mais à l’aide à la pierre pour la remplacer par l’aide à la personne ce qui aura pour effet de faire grimper les prix du logement social et les vider des moins pauvres…
Le programme commun devait abolir cette loi inique et revenir sur l’aide à la pierre, promesse reprise dans les 121 mesures annoncées par le candidat Mitterrand…et que le gouvernement Mitterrand ne fera pas"
C. H.

Ce camarade cite l'article de Rouge Midi

Petite histoire du logement de 1800 à nos jours


vendredi 14 juillet 2006


I) 1832 - 1894 Les prémices


On peut faire démarrer l’histoire du logement et du logement social en particulier au milieu du 19ème siècle. En effet c’est en 1832 qu’à la suite d’une épidémie de choléra faisant plus de 18 000 morts, trois médecins mettent en cause les conditions déplorables de logement. En fait la situation est allée en empirant depuis le début du 19° Siècle où la hausse de la natalité, le chômage et l’inflation vont être à l’origine d’une migration des populations. Migration d’ailleurs encouragée par un patronat qui a besoin de main d’œuvre pour ses usines du capitalisme naissant. En matière de logement, la demande dépassant très rapidement l’offre, certains propriétaires n’hésiteront pas à proposer à la location des habitations très précaires. C’est à cette époque que le caricaturiste Honoré Daumier* publie entre 1848 à 1856 ses trois séries de dessins intitulées locataires et propriétaires qui sont d’une étonnante actualité. (illustrations en fin d’article)

Pour répondre à cette crise du logement on assiste alors à un double mouvement qui va faire évoluer les conditions de logement : celui du baron Haussmann et celui de la bourgeoisie.

I-a) Le baron Haussmann et l’aristocratie locative

Le baron Georges-Eugène Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, met en oeuvre les recommandations de Napoléon III. Détruisant les vieux quartiers centraux médiévaux, Haussmann crée des percées, grandes avenues rectilignes bordées d’arbres et d’immeubles en pierre de taille. Haussmann ne se préoccupe pas de logement populaire. Chassés par l’augmentation des loyers, les ouvriers doivent alors quitter les quartiers centraux et s’installer dans les nouvelles communes annexées. Contrairement aux petites rues qui pouvaient se couvrir rapidement de barricades, les grandes avenues permettent, elles, d’amener rapidement les troupes armées dans les quartiers ouvriers.

I-b) Les églises et le patronat

En réaction aux grandes épidémies se développe en France un courant hygiéniste réunissant des protestants, des catholiques sociaux et des conservateurs moralisateurs. Leur paternalisme rejoint la préoccupation du patronat de l’époque qui souhaite installer le logement de ses ouvriers., à proximité des usines et des fabriques que la révolution industrielle fait sortir de terre. Dans un siècle qui a connu les révoltes de 1830, 1848 et la commune de Paris en 1871 la bourgeoisie voit dans le logement des classes pauvres (notamment sous forme de maison individuelle en propriété ) un moyen de les détourner des luttes révolutionnaires.
Ces défenseurs ne se cachent pas de leur intention pour autant, puisque comme l’explique l’un des fondateurs des HBM, Jules Siegfried, le projet de cité ouvrière est d’abord un projet de régulation sociale par l’amélioration des conditions de vie : « Voulons-nous faire des gens heureux et des vrais conservateurs ; voulons-nous augmenter les garanties d’ordre, de moralité, de modération politique et sociale ? Créons des cités ouvrières » .

I-c) Les premières cités ouvrières

Les premières cités de ce type sont créées par des entreprises et l’on voit naître la cité ouvrière de Jean Dollfus à Mulhouse, les habitations ouvrières des Mines à Blanzy, à Anzin, celles de Menier à Noisiel, de Schneider au Creusot, le familistère de Godin (le fabricant de poêles)... Le principe est toujours le même avec des variantes : les habitants sont proches de leur usine, ils sont encadrés par un contrôle hygiéniste, disposent de commodités modernes (lavoir, séchoir, pavillon de bains, visites gratuites d’un médecin, garderie) mais ils doivent aussi se soumettre à la fermeture des grilles à 22 h et à l’inspecteur qui veille aux bonnes mœurs des locataires. Ce contrôle se traduit visuellement par le système de paliers, coursives et escaliers sous verrière qui permet à tous de contrôler les autres. [1]

En 1889, au cours de l’Exposition Universelle, un Congrès International des Habitations Ouvrières crée l’appellation "Habitations à Bon Marché".Les HBM étaient nés. 5 ans plus tard, le 30 novembre 1894 la loi SIEGFRIED créant les sociétés anonymes d’HBM est votée..

II) 1894 - 1947 Les premières lois


Les sociétés d’HBM sont encouragées par des exemptions d’impôts et l’ouverture de sources de crédit : établissements charitables, Caisses des dépôts, Caisse d’épargne (en 1895). Le but de la loi Siegfried et des dispositifs qui l’accompagne était un large développement des sociétés d’HBM et un accroissement de la construction de maisons ouvrières.

Mais aucune obligation n’étant créée et les financements privilégiés se faisant attendre, il n’y aura que 18 sociétés créées de 1898 à 1906. Ainsi, à la fin du 19° siècle, les bénéficiaires de logements construits par les Sociétés Anonymes d’HBM étaient principalement des ouvriers logés par leurs patrons.

Intervient alors le vote de la loi Strauss le 12 avril 1906. En créant les Sociétés Coopératives d’HBM elle élargit le champ d’application de la loi de 1894, tant du côté des bénéficiaires que du côté des actions à entreprendre.
Elle facilite les opérations de financement grâce à l’accès direct à la Caisse des dépôts et permet l’ingérence de la collectivité locale sous forme d’un concours financier possible.

Le 10 avril 1908 est créée une société de prêts, la société de Crédit Immobilier, dans le but de favoriser l’accès à la petite propriété, surtout en milieu rural, et d’enrayer l’exode rural. Il faut noter un financement de faveur consenti par l’Etat pendant 25 ans au taux de 2%. Telle est l’oeuvre de la loi Ribot. C’est le 1er exemple d’aide à la pierre.

Puis l’aide de l’Etat en faveur du logement social est rendue possible par une loi de 1912 qui crée les offices publics d’HBM (loi Bonnevay) et par la loi Loucheur de 1928.

II-a) La loi Loucheur

Cette dernière projette de remédier à la crise du logement qui se fait toujours aussi aiguë. Elle institue d’une part un programme de construction de 260 000 logements, réparti sur 5 années, avec un financement d’Etat pouvant aller jusqu’à 90% du coût ; d’autre part, elle pose le problème de l’habitat des classes moyennes et 60 000 logements à loyer moyen sont également programmés sur 5 ans (ILM). Mais la crise économique de 1929 éclate et entraîne l’arrêt de la construction et la non reconduction de la loi Loucheur.

III) 1947 - 1977 : luttes et progrès du droit au logement


Les destructions causées par les bombardements, le nombre insuffisant de constructions dans l’entre deux guerres, l’essor démographique et industriel déclenchent à partir de 1945 un immense besoin de logements sociaux. En 1948 il y a en France seulement 170 000 habitations à bon marché (HBM) alors que de nombreuses familles vivent dans des taudis ou des bidonvilles.

III-a) Droit au logement : les premières luttes

III-a-1) Les squatteurs

Les luttes sont à 2 niveaux : pour la réquisition des logements vides et pour la construction de logements neufs. En 1945 le gouvernement a bien sorti une ordonnance sur la réquisition des logements vacants. Dans la pratique cette ordonnance sera très peu utilisée et les luttes pour l’accès au logement se développent alors. C’est dans ce contexte qu’apparaît apparaît le mouvement squatter [2] qui procède à l’occupation illégale de logements vides. Issu du MPF (Mouvement populaire des familles), lui-même proche de la JOC. (Jeunesse ouvrière chrétienne), le mouvement Squatter naît à Marseille avant de gagner d’autres villes de province. En cinq ans, quelque 5 000 familles sont ainsi relogées.

III-a-2) Les castors.

Les années 1950-1960 seront aussi celles des Castors, un mouvement coopératif d’auto construction, qui tente de pallier l’insuffisance de la construction : les Castors, comme leur nom l’indique, construisent - à plusieurs - leurs maisons.

III-a-3) L’appel de l’abbé Pierre

En février 1954, au cours d’un hiver particulièrement rigoureux on dénombre des morts de froid dans leur sommeil. L’Abbé Pierre lance son appel à une « insurrection de bonté » et le mouvement Emmaüs, association caritative qui s’institutionnalisera par la suite jusqu’à gérer son propre parc immobilier consécutif à des dons.

III-b) Les progrès

III-b-1 La loi de 1948

La loi de 1948 réglemente le marché, permet la limitation du prix des loyers, les fixe en fonction de la surface corrigée et garantit au locataire (et même au départ à ses enfants !) la sécurité du logement à vie,.

III-b-1) La création des HLM

En 1950 les HBM deviennent HLM et le gouvernement d’alors favorise la création d’offices publics municipaux et départementaux d’HLM.
Pour construire rapidement, à moindre coût et en grande quantité (c’est seulement en 1977 que les chantiers ne pourront dépasser 500 logements à la fois), les architectes des années 1950 et 1960 édifièrent les grands ensembles monotones, alignés selon le "chemin de grue".
Il en résultera de grands ensembles dont les sociologues et urbanistes s’inquiètent déjà, mais qui représentent par rapport aux conditions de logement de l’époque (la majorité des Français se lavait alors avec une cuvette et un broc d’eau froide, avec un seul bain hebdomadaire d’eau chaude dans un tub ou un cuvier) une augmentation de confort bien accueillie.
Si on doit contester l’architecture des constructions, leur aspect entassement qui était loin d’être fatal, le manque d’équipements collectifs et d’espaces verts attachés à ces constructions, on doit aussi constater que cette politique menée sous la pression des luttes donna des résultats incontestables

- 1950 : 68 000 logements mis en chantier, tous aidés par l’Etat. [3]
- 1955 : 251 000 logements, dont 85 % aidés par l’Etat.
- 1963 : 376 000 logements, ( 283 000 aidés par l’Etat dont 120 000 HLM).
- 1972 : 550 000 logements, dont 380 000 aidés (200 000 HLM ).

III-b-2) L’aide à la pierre et le 1% logement.

En 1952 la loi instaure l’aide à la pierre. C’est le dispositif qui permet par l’intermédiaire de divers instruments financiers et législatifs de mettre en place des financements très avantageux pour la construction par les offices : subventions du Trésor, prêts bonifiés à très faible taux d’intérêt sur longue durée ( 1 % sur 45 ans, 2 % sur 65 ans). De plus est instauré un système de primes à la construction : toutes les constructions nouvelles (HLM comprises) bénéficient d’une prime à la construction payable pendant 20 ans. On est donc devant des mécanismes permettant qu’à qualité égale les logements dédiés aux familles aux revenus modestes ont un coût de construction moindre. Ce système garantissait des remboursement faibles et donc des loyers réellement modérés.

En 1953 c’est la création du 1 % logement. Dans les entreprises privées de plus de dix salariés on prélève 1% du salaire socialisé pour permettre l’accès au logement des salarié-e-s de l’entreprise.

Pour des millions de gens passer du taudis ou plus encore du bidonville au HLM était un véritable progrès. De plus comme le chômage était très faible et les loyers bas le droit au maintien dans les lieux permettait au locataire d’avoir la sécurité du logement.
Ces HLM étaient publics, donc bien commun de la nation et sans caractère lucratif.

Il ne s’agit pas ici d’idéaliser la vie dans les HLM dans les années 60 / 70 mais d’analyser que dans un contexte donné, en fonction d’un rapport de forces, un dispositif gouvernemental avait permis la construction en grand nombre de logements à loyers modérés (certains analystes parlent de 80% de la population qui pouvait accéder aux HLM et donnent le chiffre de 3 millions de HLM construits pour la période 45 / 75 ). De plus le caractère public permettait à la fois un niveau de garantie identique pour les locataires et donnait à ceux-ci un cadre de luttes commun pour améliorer l’existant.

Avec l’aide à la pierre, le 1% logement, dans une période où se mettait en place la sécurité sociale on peut sans conteste parler d’acquis sociaux de première importance. Evidemment ces conquêtes étaient intolérables pour le pouvoir et le patronat. Ils ne cessèrent de s’y attaquer. Dès 1962 les taux d’intérêt augmentèrent et le 1% logement fut constamment remis en cause pour ne représenter aujourd’hui plus que 0,42% du salaire socialisé. Mais le coup le plus grave fut porté par la loi Barre- D’Ornano.

IV) 1977 La régression


En 1975 on dénombre 16 millions de mal logés. Une commission est mise en place dont les conclusions parues sous la forme d’un livre blanc serviront de base à la loi Barre de 1977. cette loi revient sur le principe de l’aide à la pierre au profit de l’aide à la personne et instaure l’APL qui peu à peu remplacera l’ancienne allocation logement.

Les constructions qu’il s’agisse de logements de luxe ou d’HLM sont soumises au même traitement législatif et financier. L’ Etat se désengage et on assiste immédiatement à une flambée du prix des loyers que l’APL ne compense évidemment pas. A partir de cette loi la part belle est faite à la spéculation puisqu’il n’y a plus de secteur locatif où les loyers resteront durablement moins chers que ceux du privé. Les investisseurs peuvent s’emparer du marché. Toute politique du logement qui se veut sociale ne peut l’être sans revenir sur cette loi. La gauche l’avait promis et cela faisait partie du programme commun de gouvernement qu’elle s’était engagée à mettre en œuvre si elle remportait les élections de 1981...

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* Honoré Daumier est un sculpteur, peintre, caricaturiste et lithographe français (Marseille le 26 février 1808- Valmondois 10 février 1879).
En 1828, Daumier réalise ses premières lithographies pour le journal "La Silhouette". En 1830, il dessine ses premières caricatures pour "La Caricature". En 1832, débute sa longue collaboration avec "Le Charivari", journal jouant un rôle important dans la vie politique de l’époque, fondé par Philipon, il est spécialement dirigé contre Louis-Philippe.


[1] Les ambiguïtés liées à l’apparition de ces cités font qu’elles ne feront pas l’unanimité. Lorsque Louis-Napoléon Bonaparte se lance dans la construction d’une cité ouvrière dans Paris, la première, il se voit critiqué par le docteur Villermé qui lui oppose « voilà pourquoi, tout en reconnaissant combien il serait à désirer que les ouvriers eussent des habitations salubres, commodes et peu coûteuses, il ne faudrait pas en rassembler des multitudes dans des sortes de grandes casernes, où les mauvais exercent une mauvaise influence sur les bons »
L’opposition au projet est forte et radicale, elle couvre un large éventail du spectre politique. Jules Guesde, responsable socialiste, pense ainsi que « la cité ouvrière ne peut être une solution socialiste, elle doit être absolument rejetée. À l’ancien ghetto juif, faire succéder un ghetto ouvrier, qu’il serait facile de flanquer de casernes et qui permettrait aux mitrailleuses de l’Ordre de tirer dans le tas à la moindre effervescence, sans risque aucun d’atteindre un seul bourgeois »

[2] Le terme squatteur (de l’anglais squat « s’accroupir » ) désignait à l’origine aux Etats unis un pionnier qui s’installait sur une terre inexploitée de l’Ouest, sans titre légal de propriété et sans payer de redevance. A noter aussi les squats artistiques apparus à Paris et dans les grandes villes de France dans les années 80

[3] En 1958, l’Etat reconnut devoir prendre en charge un déficit de 4 millions de logements.

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