Sujet : milliardaires et nationalisme chinois ? | | Posté le 09-04-2023 à 18:57:51
| Christine Ockrent : « Xi Jinping ne traite pas ses milliardaires à la russe, c’est plus subtil » 9 AVRIL 2023 https://histoireetsociete.com/2023/04/09/christine-ockrent-xi-jinping-ne-traite-pas-ses-milliardaires-a-la-russe-cest-plus-subtil/ C’est bien ce que nous vous disions, les communistes chinois ont tiré bilan de la chute de l’URSS et ils font de la dictature du prolétariat la valeur refuge des capitaux effrayés par l’imbécilité de leurs propres dictateurs bourgeois… le deal, vous ferez du profit tant que vous ne vous occuperez plus de politique et laisserez au prolétariat la planification et le soin de gérer le sens de la production comme celui de la production pour les 50 ans à venir… Le Parti communiste doit interdire les profits qui n’ont pour vocation que de creuser les inégalités et empêcher le développement pour tous des forces productives. Ce qui conduit du socialisme au communisme. Ce qui manque à cette analyse, c’est la reconstitution du parti y compris dans les quartiers mais surtout dans les entreprises. On ne peut pas attendre de Madame Ockrent un appui du communisme qui aille jusqu’à reconnaitre la force du socialisme à la chinoise mais il est étonnant que ce qu’ignore le congrès du PCF, une bourgeoise le comprenne. Il est vrai que nous vivons sous tutelle de la dictature de la bourgeoisie qui interdit à la classe ouvrière de faire de la politique mais n’arrive même plus à lui accorder les miettes de son silence. (note de Danielle Bleitrach histoire et société Article de Propos recueillis par Jérémy André C’est le dernier à avoir disparu, et l’effroi s’en est propagé jusque chez des startupeurs et financiers français qui le connaissaient bien : Bao Fan, PDG fondateur de China Renaissance, manque à l’appel depuis fin février. Il a fallu plusieurs jours pour que son entourage découvre qu’il « coopère » avec une enquête judiciaire. Dans le monde des affaires de l’empire du Milieu, son visage de moine shaolin incarne le génie des investissements dans la Tech chinoise. Incapables de le joindre, ses équipes ont été contraintes de suspendre la cotation de son groupe ! mauvais présage, alors que, dans les cas les plus bénins, les patrons gardent accès à leurs avocats pour continuer de signer les documents indispensables à leurs affaires.Christine Ockrent : « Xi Jinping ne traite pas ses milliardaires à la russe, c’est plus subtil »© Ce n’est en réalité que la dernière victime des purges de Xi Jinping contre les riches chinois, qui n’ont pas ralenti en dix ans de règne sans partage. Alors même que les Bill Gates et les Bettencourt de Chine ont une espérance de vie (en liberté de plus en plus courte, des hommes et des femmes aussi puissants et renommés que les grandes fortunes françaises ou américaines s’évanouissant dans la nature comme de parfaits anonymes, le sujet a rarement intéressé les médias français. Christine Ockrent corrige cet angle mort dans un livre très fouillé, L’Empereur et les milliardaires rouges (Éditions de l’Observatoire). Le Point : Disparitions, arrestations, morts suspectes? Les patrons chinois tombent comme des mouches. A-t-on une idée de combien ont ainsi été éliminés ou mis au pas depuis 2012 et la montée au pouvoir de Xi Jinping ? Christine Ockrent : On n’a pas de chiffres précis. Les chiffres chinois sont toujours à prendre avec de longues baguettes. Mais le nombre de patrons et de responsables du Parti qui ont fait l’objet d’une sorte d’épuration, sous couvert de la chasse aux « mouches », « tigres » et « renards », c’est-à-dire la lutte anticorruption, est de toute façon astronomique. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping a correspondu avec la mise à l’écart de tous ceux qui avaient abondamment profité du laxisme et du système de corruption assez généralisé et amplifié, en particulier sous son prédécesseur. C’est ce dont l’homme d’affaires en exil Desmond Shum fait état dans son livre La Roulette chinoise. S’il n’est pas possible d’avoir des chiffres, ce que j’ai tenté de faire, c’est de retracer les parcours des patrons des énormes groupes de la Tech, qui ont surgi dans un calendrier extrêmement rapide, en mimétisme de la Silicon Valley américaine. La plus spectaculaire de ces chutes fut celle de Jack Ma. Comment la star de la Tech chinoise a-t-elle été dépouillée ? Jack Ma s’est toujours flatté de ne rien connaître à l’informatique. C’était à l’origine un petit prof d’anglais qui végétait dans sa province, le Zhejiang. Il a pourtant construit ce groupe gigantesque que l’on connaît sous le nom d’Alibaba, la plateforme de commerce en ligne, qui s’était en réalité élargie aux services financiers, sous le nom d’Ant. Il était sûr de lui, de son entregent, de ses réseaux, ce qu’on appelle le guanxi en Chine. Parmi les grands actionnaires de son groupe, il y a évidemment des personnalités du Parti, mais leurs noms n’apparaissent pas. À l’automne 2020, à une réunion à Shanghai devant le ministre des Finances, le responsable de la Banque centrale, toute l’élite financière et bancaire du pays, Jack Ma a eu l’outrecuidance de remettre en cause le système. Il critiquait les vieilles méthodes des banquiers, qui ne seraient pas aptes, selon lui, à moderniser le pays. Qui plus est avec son ironie habituelle, comparant les dirigeants chinois à des chefs de gare qui voudraient gérer un aéroport. Jack Ma était un dieu vivant, adulé par ses salariés et toute une génération de jeunes Chinois. Inacceptable pour Xi Jinping. Quelques jours après, l’entrée en Bourse d’Ant est annulée et il disparaît. Et quand Jack Ma réapparaît trois mois plus tard, il est dépossédé de sa capacité à diriger la branche financière et, progressivement, il est sorti de la holding de tête. Il a fini par quitter la Chine. On le voit ici ou là, aux Pays-Bas, à Hongkong, à Bangkok? avant de s’installer à Tokyo. Fin mars, il est rentré en Chine pour une journée. Il a fait une apparition dans une école qu’il finançait. Et ce même mois de mars, le régime a annoncé qu’il démantelait le groupe Ant, divisé en huit parties. On voit bien la singularité des méthodes de la Chine. Xi Jinping ne traite pas ses milliardaires à la russe : il ne jette pas les gens par la fenêtre, il ne s’entoure pas d’une cour d’oligarques à sa solde. C’est plus subtil. C’est une dialectique entre l’idéologie, l’emprise du Parti à toutes les strates de la société, et le pragmatisme, le génie chinois, mercantile et de l’innovation. Mais jusqu’où peut-il étouffer le dynamisme de ces gens-là ? Appeler à une réforme financière n’est pas exactement révolutionnaire. Pourquoi une telle sévérité alors que Ma servait les intérêts du PCC partout, des campagnes du Zhejiang à l’Afrique ? Oui, ce sont même ses avions qui durant le Covid livraient de l’aide médicale par son hub logistique pour l’Afrique d’Addis-Abeba. Cette disgrâce est d’abord une affaire personnelle. Xi Jinping s’est toujours tenu à distance de Jack Ma. Il n’a jamais visité le siège d’Alibaba à Huangzhou, alors même qu’il dirigeait le parti au Zhejiang. Quand Jack Ma se produisait comme une star à Davos, cela avait le don d’irriter Xi Jinping, qui voulait être le seul à briller dans ce forum. En Chine aussi, Jack Ma était un dieu vivant, adulé par ses salariés et toute une génération de jeunes Chinois qui rêvaient de faire fortune. Inacceptable pour Xi Jinping. Ces milliardaires qui détiennent les données risquaient de lui faire de l’ombre. Dans la doctrine même du Parti, Xi a donc récemment fait inscrire cette maxime selon laquelle les données font partie des outils de production. Dans la catégorisation marxiste, elles doivent appartenir à l’État. Or, rien ne saurait narguer la toute-puissance du Parti, qui jamais ne reconnaît ses erreurs. Vous parlez aussi de son principal rival, Pony Ma, le patron de Tencent, beaucoup plus discret, prudent et dévoué au Parti. Est-ce que cela l’a protégé ? Il a été servile, même. Ça l’a sûrement protégé, lui n’a pas été rétrogradé. Mais, en mars, Pony Ma n’a pas été renouvelé dans la Conférence consultative politique du peuple chinois, une assemblée où figurent ces patrons que le régime veut mettre en valeur. Pony Ma y siégeait depuis dix ans. Par contre, y sont apparus plusieurs dirigeants d’entreprises de semi-conducteurs et de batteries électriques. Ce sont des secteurs dont la Chine a besoin en ce moment. Un patron d’une entreprise de semi-conducteurs, Chen Datong de Hua Capital, a d’ailleurs été sorti de prison et réinstallé dans ses fonctions, après des accusations de corruption. Est-ce que, après le XXe Congrès, les purges pourraient ralentir et les milliardaires retrouver du souffle ? Ou bien Xi Jinping risque-t-il d’aller jusqu’à tuer la poule aux oeufs d’or et tarir l’économie chinoise de ses talents ? Ce n’est pas fini. Le dernier épisode le plus frappant est la disparition de Bao Fan, patron de Renaissance, le plus grand fonds de la Tech chinoise. Il se préparait à s’installer à Singapour, comme beaucoup de richissimes Chinois. Il a disparu, complètement. Ç’a jeté un froid, chez les patrons chinois comme chez les investisseurs occidentaux. La question est d’autant plus difficile que l’économie ralentit. 20 % des jeunes qui sortent d’université ne trouvent pas d’emploi. Notamment parce que les géants de la Tech n’investissent plus. Or, le contrat non dit et non écrit, c’est que les jeunes continuent de voir leur niveau de vie augmenter, ou du moins ne pas empirer par rapport à leurs parents. Le nouveau Premier ministre, Li Qiang, un affidé de Xi Jinping, vomi par les Shanghaïens tant il a été inflexible dans le confinement et le zéro Covid, a cependant la réputation d’être plus ouvert à ce qui tient lieu de secteur privé. Xi Jinping souffle le chaud et le froid, donnant tour à tour une petite claque et une caresse. Vous citez Jack Ma à la fin d’un chapitre : « Aucun chef d’entreprise chinois n’a jamais connu une belle fin. » Y a-t-il néanmoins des gens qui ont échappé à la griffe du PCC ? Pan Shiyi et son épouse Zhang Xin, qui ont fondé le groupe immobilier Soho, ont eu l’intelligence d’investir aux États-Unis. Ils ont échappé au système, au prix de l’exil, et du démantèlement de leur propre société, alors qu’ils étaient sur le point de la vendre pour une somme absolument faramineuse au géant américain Blackstone. Et en France ? Il y a eu une mode d’achat de propriétés viticoles, dont Jack Ma d’ailleurs. Le plus connu est Guo Guangchang, le patron du groupe pharmaceutique Fosun, qui possède, entre autres biens, le Club Med. Lui-même avait d’ailleurs aussi disparu pendant trois jours en 2015. Ils sont cependant moins nombreux en France que dans les pays anglo-saxons. Ces milliardaires sont-ils vraiment milliardaires si le Parti peut décider de les priver de tout à tout moment ? Il ne peut pas les priver de tout. Pour lever de l’argent sur les marchés et le rapatrier en Chine, ils ont été autorisés à créer des sociétés dans les paradis fiscaux. Beaucoup d’entre eux en ont profité pour diversifier leur fortune, et la placer ailleurs. Le nationalisme est très présent dans la caste de dirigeants chinois. La Chine n’est-elle pas authentiquement communiste en faisant ainsi la chasse aux ultrariches ? C’est en tout cas la ligne suivie par Xi Jinping lui-même. Son obsession c’est l’écroulement de l’Union soviétique. À ses yeux, Gorbatchev est un loser. Il est convaincu que seule l’idéologie, donc le Parti communiste, peut tenir ce pays continent et son 1,4 milliard d’habitants. Pour lui, alors que le fossé entre les ultrariches et les ultrapauvres, qui sont toujours 400 millions, continue de grandir, de telles disparités sociales ne peuvent créer que du désordre. Le Parti est le ciment qui évite son éclatement. En Occident, les capitalistes ont gagné la lutte des classes. Pourquoi les capitalistes chinois ne se rebellent-ils pas contre le Parti qui les dévore ? La réponse est dans leur sentiment d’appartenance à l’aventure de la Chine. Ils ont tous en mémoire la pauvreté immense et la Révolution culturelle. Toute famille chinoise en a des cicatrices, à commencer par celle de Xi Jinping. Et maintenant, ils connaissent cet extraordinaire bond en avant d’un pays qui affirme ses ambitions. Ce nationalisme est très présent dans cette caste de dirigeants. Avec quelques caricatures, à commencer par Ren Zhengfei, le patron de Huawei, ancien militaire qui utilise des métaphores guerrières. Ses profits ont chuté de 49 % sous le coup des sanctions américaines. En outre, ils n’ont pu arriver là où ils sont, y compris ceux formés aux États-Unis, qu’en fonction du Parti communiste. Ils en sont tous membres, à divers degrés. Tous sont passés par le tamis du Parti, qui sert dans ce système-là de tamis scolaire, universitaire, social. Ce n’est pas une caste qui s’est construite à part, qui observe l’émergence d’un pouvoir rival, le PCC. Ils sont nés dans ce système, en même temps que l’emprise totale du Parti.
__________________ commentaire Xuan : J’ai longtemps été persuadé que la révolution culturelle constituait une garantie contre la restauration du capitalisme, mais je n’avais pas compris que cette révolution doit non seulement éviter les excès contre tous ceux qui font partie du peuple, mais aussi se dérouler sous la direction du parti communiste et non contre lui. Lorsque Deng Xiao Ping a entrepris la réforme et l’ouverture, avec toutes les conséquences que l’on connaît, je suis donc resté dans l’expectative, et ce jusqu’à une interview de Jacques Jurquet aux Editions Prolétariennes, fin 2004 : «… Je m’intéresse beaucoup à la politique actuelle du Parti Communiste Chinois. Ici on la présente comme capitaliste – la bourgeoisie de tous les pays ne peut pas accepter de reconnaître que l’essor de la Chine s’effectue sous la direction du PCC, alors elle dit ” c’est le capitalisme ! “- mais c’est une manière de contester ses résultats spectaculaires. Le premier rôle de la Chine reste de sortir de la précarité des centaines de millions de chinois(e)s. Le socialisme doit-il perpétuer la pauvreté ou la combattre ? Bien sûr que non …» . L’expérience de la restauration du capitalisme n’est pas « l’obsession » du seul Xi Jinping comme dit Ockrent, mais de Deng Xiao Ping aussi, qui insistait sur la nécessité de conserver les 4 principes, et déclarait lors de sa tournée dans le sud en 1992 : “Certains pays ont pris de sérieux virages et le socialisme semble avoir été affaibli, mais le peuple a été tempéré et en a tiré des leçons, ce qui poussera le socialisme à se développer dans une direction plus saine. Par conséquent, ne vous alarmez pas et ne pensez pas que le marxisme a disparu, est inutile et a échoué. Il n’y a rien de tel !” » . Et « si le socialisme doit gagner un avantage sur le capitalisme, il doit audacieusement absorber et apprendre de toutes les réalisations de civilisation créées par la société humaine, et de toutes les manières avancées de faire des affaires et de gérer qui reflètent les lois modernes de la production socialisée dans tous les pays du monde aujourd’hui, y compris les pays capitalistes développés” . Faisant ainsi écho à la ‘Critique de l’économie politique’ de Marx : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. » https://www.marxists.org/francais/marx/works/1859/01/km18590100b.htm [critique de l’économie politique] Mais les chroniqueurs bourgeois n’avaient pas voulu le voir ni l’entendre, aveuglés par le triomphe de l’anticommunisme. Cela dit beaucoup de communistes peuvent se demander pourquoi la Chine conserve-t-elle des capitalistes, et surtout de grands monopoles capitalistes ? Je crois que cela tient aux caractéristiques de la révolution chinoise, anti féodale et anti impérialiste ; caractéristiques définies par le PCC et impliquant un « capitalisme d’état » associant plusieurs formes de propriété : "Ainsi, cette économie capitaliste d’Etat d’un type nouveau revêt, dans une très grande mesure, un caractère socialiste et offre des avantages aux ouvriers et à l’Etat. » [Mao Zedong – 1953 – Sur le capitalisme d’Etat] Parce que la révolution chinoise était anti féodale, la classe bourgeoise chinoise était une classe révolutionnaire, et à cause de la domination impérialiste, cette classe bourgeoise ne pouvait émerger qu’en s’opposant à cette domination, jusqu’à ce « que soient développées toutes les forces productives [que la propriété capitaliste] est assez large pour contenir » . Et le développement rapide de la mondialisation impliquait nécessairement de développement de très grandes entreprises en Chine, aussi bien publiques que privées. Mais, depuis la révolution bolchévique, seul le socialisme peut assurer jusqu’au bout la lutte contre cette domination dans les révolutions nationales démocratiques. Telle est la cause du double aspect, socialiste et capitaliste, dans ce type de révolution. Double aspect qui implique la domination, voire de la répression des grands capitalistes lorsqu’ils s’opposent à la direction socialiste, et a fortiori s’ils cèdent devant l’impérialisme, laissent à sa disposition des centaines de millions de données, ou bâtissent des empires à la merci de la prédation. Car l’impérialisme constitue encore un obstacle majeur au développement du capitalisme lui-même, dans la Chine socialiste. Ockrent parlant du nationalisme « très présent dans la caste de dirigeants chinois » écrit de Huawei « Ses profits ont chuté de 49 % sous le coup des sanctions américaines » . Bien que Huawei soit une coopérative, on peut citer de la même façon Tik Tok qui est une entreprise privée. Ainsi, d’une certaine manière, c’est l’hégémonie des USA qui maintient la nécessité d’une production capitaliste en Chine, et simultanément la nécessité qu’il soit tenu en laisse par le parti communiste. |
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