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Xuan
Il ne s'agit pas d'une histoire individuelle. L'élevage intégré et encadré par une coopérative existe aussi pour les porcs avec les mêmes rapports sociaux de production et le même asservissement : bande de porcs fournis par la coopérative, aliment, antibiotiques, etc. L'éleveur nourrit les porcs, les pique, enlève ceux qui sont morts, nettoie la porcherie, et la bande est récupérée par la coop. Entre les deux s'intercale la banque qui prélève sa part de plus value pour faire "l'avance" au paysan.
Dans l'exemple que je connaissais l'épouse gardait des enfants de la DDAS en nourrice (victimes de maltraitance, parents alcoolisés, retard scolaire, etc.). C'est-à-dire que le double emploi doit compléter le faible revenu.
En fait il s'agit d'un salariat déguisé, du même type que celui des livreurs de Deliveero par exemple.


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Spirale de l’endettement, encadrement méprisant : un éleveur raconte « sa » coopérative de l’intérieur

ENQUÊTE 12 octobre 2021 par Nolwenn Weiler
https://basta.media/cooperatives-agricoles-temoignage-eleveur-spirale-endettement-encadrement-meprisant-inegalites?fbclid=IwAR3aJ9-xz5AXTWGx1L29MbG6Zan4ZyPOesmI4Ql6t1aKzWG5lG_8jUDIHig


Christophe Thomas, éleveur laitier en Côtes-d’Armor, arrive à peine à se rémunérer 680 euros par mois. Il raconte la multiplication des problèmes et des tensions avec la coopérative agricole dont il est adhérent.

Christophe a ce que l’on appelle une grosse ferme laitière. 240 bovins, dont 100 vaches laitières, deux robots de traite, et une production annuelle de 650 000 litres de lait. Installé depuis 30 ans dans la ferme où il a passé son enfance, il n’a cessé d’agrandir son troupeau et d’investir. À tort, pense-t-il aujourd’hui. Ses parent « faisaient 600 à 700 litres de lait par jour » , soit deux à trois fois moins. « Ils vivaient – modestement – mais ils vivaient. Là, je n’y arrive pas, parce que j’ai contracté trop d’emprunts et que le lait est tellement mal payé. Cela fait 30 ans que les coopératives me paient 30 centimes par litre de lait, en me promettant que l’année prochaine, ça ira mieux. 30 centimes, c’est rien du tout, c’est même pas le prix d’une sucette. »

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Posée à quelques kilomètres de Guingamp, au nord de la Bretagne, la ferme de Christophe s’étend sur une petite centaines d’hectares, dans une campagne vallonnée et encore boisée. Ce matin, comme chaque jour, il prend la direction du bâtiment d’où s’échappent les meuglements des veaux qui attendent leur pitance. Il distribue des seaux de lait, donne le biberon aux plus timides, et repasse peu après leur distribuer des granulés de céréales. L’un des petits est trop peu vaillant pour qu’il le garde mais Christophe le nourrit quand même. Il le donnera ensuite à qui veut, en mettant une annonce sur le bon coin. « Certains les euthanasient, ces bêtes-là. Moi, je ne peux pas » , glisse doucement l’agriculteur en enjambant la barrière derrière laquelle se pressent les veaux.

Né sur la ferme, dernier de sept enfants, Christophe s’est toujours imaginé paysan. Il n’avait pas 12 ans quand il a commencé à traire seul ; 18 quand il est devenu aide familial auprès de ses parents après avoir suivi une scolarité en alternance en maison familiale rurale ; et 23 quand il s’est installé. Nous sommes en 1994. Pour avoir un outil de travail plus fonctionnel, il fait construire un bâtiment neuf, et s’équipe d’une nouvelle salle de traite. Au bout de quelques années, fatigué par les astreintes de la traite, il s’équipe d’un robot. « 150 000 euros, 10 ans d’emprunt, et 10 000 euros d’entretien chaque année , résume-t-il. C’est sûr, cela fait cher le droit de se lever un peu plus tard le dimanche matin… »

Christophe aurait pu embaucher ; il y a réfléchi, mais s’est dit que cela ne fonctionnerait pas. « Je ne voyais pas comment commander quelqu’un au boulot » , dit-il simplement. Pour pouvoir financer ce premier robot de traite, Christophe a recours au « prêt court terme PAC » . Négociés pour un an, avec des taux d’intérêt d’environ 2,5 %, ces prêts sont abondamment utilisés dans les campagnes pour que les agriculteurs continuent d’investir, alors même qu’ils peinent déjà à honorer leurs dettes en cours. « On entend souvent dire "ma PAC elle est bouffée" , reprend Christophe, qui a droit à environ 20 000 euros chaque année. C’est à cause de ces prêts : quand la PAC tombe, en octobre, on n’en voit pas la couleur. Elle part directement à la banque, le Crédit agricole pour moi. »

À cette époque, le lait de Christophe est collecté par Unicopa, une coopérative agricole qui lui fournit par ailleurs aliments, pesticides, engrais et semences. « En 2011, cette coop a été rachetée par Sodiaal (qui possède notamment les marques Candia, Entremont ou Yoplait, ndlr) qui me réclamait des droits d’entrée très élevés : environ 15 000 euros ! » Christophe refuse de payer une telle somme et rejoint alors Triskalia (Paysan breton, Prince de Bretagne...), la coopérative du voisin avec lequel il s’associe cette année-là (ils se sont séparés depuis).

S’agrandir pour s’appauvrir ?
Tout en discutant, Christophe s’en va chercher le lait qu’il a mis à chauffer. « Sinon, les petits refusent de boire » , précise-t-il. Il monte ensuite vers la stabulation où se trouvent les vaches et, d’un geste rapide, leurs distribue du sel, complément alimentaire indispensable pour les maintenir en bonne santé. À l’arrière, le robot de traite accueille en continu les bêtes qui viennent se faire traire toutes seules en même temps qu’elles se nourrissent. « Tu fais des emprunts, t’es obligé de rembourser. Et pour ça, il faut faire les quotas, et donc donner de l’aliment, encore et encore. Sinon, à la banque, ils te disent que ça ne va pas. » Christophe fait rentrer 20 tonnes d’aliments chaque mois. Coût annuel total : environ 80 000 euros.

« En reprenant la ferme du voisin, je pensais que j’allais mieux m’en tirer, soupire Christophe. La coopérative m’a largement encouragé. On nous disait que la conjoncture allait s’améliorer, puisque beaucoup de paysans arrêtaient de travailler, qu’il fallait s’agrandir, que l’on allait pouvoir augmenter nos revenus. En fait, je me suis mis dans la galère. La charge de travail a doublé sans que ça suive côté revenus. » Pour pouvoir traire les 100 vaches que compte désormais son troupeau, l’agriculteur investit dans un second robot de traite, et contracte un nouvel emprunt, en plus de continuer à recourir au prêt court terme PAC. D’ici peu, ce robot-là sera payé. Et Christophe espère que son revenu, 680 euros par mois environ, va enfin augmenter. « Pour m’en sortir, il faudrait que j’ai 100 euros de plus pour 1000 litres de lait. Ce qui reviendrait à vendre le yaourt un centime de plus, en nous assurant bien sûr de toucher la plus-value. Malheureusement, ce n’est pas au programme je crois. »

Malgré ces conditions difficiles, et avec un salaire ridicule au regard de ses heures de travail, Christophe arrive à tenir la barre de son exploitation. Le salaire de son épouse Isabelle, infirmière à l’hôpital, les aide à assurer le quotidien de leurs trois enfants. Les vrais ennuis, pour lui, commencent en 2018, à la fin du mois de mars. L’apparence des bouses de ses vaches l’alertent. Trop vertes. Trop molles. « J’ai tout de suite su que c’était l’aliment » , se remémore-t-il. Il court voir dans les silos que la coopérative Triskalia approvisionne tous les mois d’un mélange de soja et de colza et s’aperçoit qu’il y a un souci. « C’était vert, on aurait dit de la luzerne. Normalement, c’est plutôt marron. » Les effets sur le troupeau sont catastrophiques : certaines vaches se mettent à saigner du nez, d’autres avortent. Toutes sont essoufflées. À la peine de voir ses animaux souffrir s’ajoute pour Christophe l’angoisse de voir plonger le fragile équilibre de la ferme.

« Ils m’ont pris pour un imbécile, m’ont traîné plus bas que terre »
Contactée par l’agriculteur, Triskalia nie toute responsabilité, avant de reconnaître qu’il y a un problème, mais en délivrant les informations au compte-goutte, voire en les masquant. C’est à ce moment-là que Christophe bascule de la résignation à la colère. « Ils m’ont pris pour un imbécile, m’ont traîné plus bas que terre, raconte-il. À chaque fois, ils m’envoyaient un nouveau chef. Tous étaient très hautains. Il y en a même un qui a demandé à ma femme si elle savait écrire ! » Il s’avère que Triskalia a livré des aliments pour lapin, qui ne sont pas du tout adaptés à l’estomac des ruminants. Les analyses payées par Christophe (1649 euros) révèlent la présence d’antibiotiques, dont plusieurs absolument déconseillés pour les bovins, et deux interdits chez les animaux dont le lait est destiné à être consommé.

« Leur flore intestinale a été bousillée » , détaille l’agriculteur, encore « écœuré » par la façon dont il a été traité. « La direction des services vétérinaires (DSV) a fouillé mon armoire à pharmacie et toutes mes ordonnances comme si j’étais coupable de quelque chose alors que ce sont eux qui ont merdé. Je me suis rendu compte que l’on ne représente rien pour eux. On n’a qu’à travailler tous les jours, sans rien gagner ou presque, et surtout, ne rien dire, jamais. Ils m’ont bien dit quand ils sont venus : tu peux toujours attaquer, tu n’obtiendras rien. »

Christophe décide quand même de déposer plainte pour empoisonnement, le 3 août 2018. « La plainte a été classée sans suite il y a quelques mois, précise son avocat François Lafforgue. Mais la procédure se poursuit côté civil. » Elle pourrait permettre à Christophe d’obtenir une indemnisation. La coopérative n’a pas l’air prête à financer les 70 000 euros que Christophe a perdus [1]. Fin septembre, il est informé que la coopérative conteste sa responsabilité car Triskalia, absorbée dans une fusion en 2020 (par le groupe Eureden), n’existe plus... Pire : ils demandent 2000 euros à Christophe, pour « frais de procédure ». Tout cela sera débattu en audience dans le courant du mois de novembre. « Ça m’a un peu énervé de recevoir leur courrier, soupire Christophe. Il faut – encore – que l’on attende. Cela n’en finira donc jamais ? »

« Les tenants du système agro-industriel préfèrent les moutons, ceux qui ferment leur gueule »
« Il est moins docile que la moyenne » , avance Serge Le Quéau, porte-parole de Solidaires, soutien des victimes de pesticides depuis des années, et rencontre inattendue pour Christophe, plutôt éloigné des milieux écolos avant cette histoire. « C’est quelqu’un de trop indépendant, trop tenace, poursuit le militant syndical. Les tenants du système agro-industriel préfèrent les moutons, ceux qui ferment leur gueule. Et s’ils ne respectent pas la loi du silence, gare à eux. » Christophe confirme : « Le monde agricole était 100 % contre nous. Il y en a un de la "fédé" (FDSEA, ndlr) qui m’a appelé pour me dire : mais qu’est-ce que tu fais, là ? On ne doit pas mal parler de sa coop. »

C’est la société civile, via Solidaires et l’association de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest, qui est venue au secours de Christophe et de sa famille. René Louail, agriculteur, syndicaliste et ancien élu au conseil régional soutient également l’éleveur. « Quand on conteste un mode de fonctionnement, les pressions sont réellement très fortes dans le milieu agricole. C’est difficile à imaginer, avance Thierry Thomas, un voisin, agriculteur à la retraite, et militant à la Confédération paysanne. Il y a aussi une autopersuasion à se dire que si on l’ouvre, il y aura des rétorsions, notamment au niveau des aliments. Ce qui n’est pas (toujours) vrai. »


Des agriculteurs « ficelés »
Frais de vétérinaire, perte de veaux, rachats de vaches, procédure judiciaire, temps de travail démultiplié : à l’été 2018, les comptes de la ferme passent dans le rouge ; et obligent Christophe à recourir aux « avances sur payes de lait » . Il s’explique : « La coopérative me fournit les semences, traitements et engrais ; elle me fait un échéancier et l’argent est prélevé directement sur ma paye de lait. Les taux d’intérêt sont très élevés. Comme ça, on est ficelé un peu plus encore. Mais ça, il n’y a pas beaucoup de paysans pour le dire. » Les avances sur le paiement des production se pratiquent depuis longtemps, et de plus en plus souvent, à mesure que le monde paysan s’enfonce dans l’endettement.

« Quand je suis arrivée à la ferme, se souvient Isabelle, l’épouse de Christophe, on allait faire les courses au Trieux, du nom de la coopérative qui possédait le magasin, une sorte de supérette rurale où l’on trouve du petit matériel agricole mais aussi des vêtements, de quoi jardiner et un peu d’épicerie. Il y avait aussi le vétérinaire qui était là. On pouvait lui demander conseil, avant de passer dans les différents rayons du magasin. Ensuite, on partait sans rien débourser. Du moins, c’est l’impression qu’on avait. » Le Trieux appartenant à Unicopa, le montant des courses était prélevé directement sur la paye lait. Pratique, surtout quand on a un compte à découvert... Cette avance était évidemment monnayée.

« En fait, ils nous avancent de l’argent pour pouvoir nous enfoncer, grince Christophe. Une année j’avais du retard. Je vendais mes taurillons à la Socopa, une filiale de Triskalia. Sans me prévenir, ils ont gardé l’argent des taurillons. J’ai du changé de client pour qu’ils arrêtent de garder le pognon sans me prévenir. » Fatigué de trimer sans rien gagner, Christophe s’interroge sur son mode de production, la constitution de son troupeau, et la commercialisation de ses produits. « Avec 30 centimes le litre de lait, tu peux juste payer tes dettes. En fait, tu les payes eux, mais pas toi. Le système fait travailler du monde, mais il ne rapporte que à quelques-uns. Si on n’est pas complètement fou, il faut en sortir, bien sûr. Mais ce n’est pas si simple. Les coopératives sont partout. C’est difficile de se passer d’elles. »

Nolwenn Weiler
Photos : Laurent Guizard

Notes
[1] L’important préjudice subi par Christophe entre mars 2018 et novembre 2019, moment où l’état de son troupeau se stabilise, a plusieurs origines : pertes de vente de lait, perte de vente d’animaux, rachat d’animaux, frais de vétérinaire, paiement des analyses, frais d’avocat.


Edité le 14-10-2021 à 14:01:08 par Xuan


Xuan
L’élevage intégré illustre la transformation de l'agriculture dans la société capitaliste. Notre pays est marqué par la petite propriété, c'est-à-dire un morcellement de la rente foncière. Mais celle-ci s'associe la plupart du temps au travail familial et au salariat saisonnier.
La concurrence et la concentration ont entraîné un exode massif depuis la seconde guerre notamment.
Mais parallèlement l'industrie agro-alimentaire (y compris coopérative) et la grande distribution ont introduit l'élevage intégré. Le titre de cette étude de mai 2014, "ni patron ni ouvrier" ne dit pas grand-chose, on devrait plutôt dire patron et ouvrier, mais il signifie que ce double statut prive l'éleveur des avantages respectifs du rentier et du salarié.

Trois éléments ressortent de cette enquête :

> la prolétarisation des éleveurs indépendants en éleveurs intégrés
> la double activité (activité directement salariée permettant d'assurer un revenu stable en parallèle avec l'activité "libérale" trop fragile par rapport à la concentration capitaliste de l'agriculture).
> les rapports de sous-traitance (voir la sous-traitance et la création de la plus-value), dont on a vu qu'elle correspondait à un transfert de la plus-value vers le donneur d'ordre, ou encore à un partage du profit du sous-traitant entre lui, le capitaliste donneur d'ordre et le capitaliste financier.

Ce que ne dit pas l'enquête, la cause profonde des "tensions" entre intégrés et intégrateurs, découle de ces rapports de production où une partie de la valeur créée par l'éleveur est transférée à la coopérative dont elle constitue le profit (si l'on fait abstraction des transformations ultérieures de la marchandise pouvant aussi faire l'objet de l'exploitation de salariés).

Contrairement à la conception bourgeoise de l'économie, le capitaliste commerçant n'ajoute pas sa propre marge à la valeur de la marchandise qu'il achète. Cette valeur contient déjà son propre profit qu'il ne paie pas. Il vend donc la marchandise "à son prix" tandis que le fabricant la lui a vendue à un prix inférieur.

Ceci indique la véritable signification des "marges arrières". Il ne s'agit pas d'un comportement inhabituel du commerçant, mais d'une forme particulière du profit commercial ordinaire, se transformant en surprofit grâce à une situation de monopole.

L'enquête signale la "discrimination", reflet des rapports de classe entre propriétaires exploitants et propriétaires quasi salariés. Les réactions des éleveurs et des intégrateurs font apparaître ces contradictions.


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la nouvelle revue du travail

Ni patrons ni ouvriers :
la vulnérabilité des éleveurs intégrés


« Recevoir ses poussins et les aliments d’une entreprise intégratrice, lui livrer ses poulets, suivre ses consignes, toucher pratiquement un salaire proportionnel à la production, cela fait-il un paysan ou un ouvrier ? On dit qu’aux États-Unis les producteurs de porcs d’une grande unité de ce genre ont adhéré au syndicat ouvrier de l’entreprise, estimant que leurs intérêts étaient devenus identiques à ceux des salariés de l’usine : il ne fait pas de doute que des situations intermédiaires de ce genre conduisent d’une façon continue du paysan souverainement indépendant à l’ouvrier étroitement dirigé. » (Louis Estrangin, 1962, président de la Fédération nationale des centres d’études techniques agricoles, puis directeur de Ouest-France)

1« L’intégration » apparaît en France, dans le domaine de l’élevage, au milieu des années 1950. Ainsi désigne-t-on les relations contractuelles qu’entretiennent certains éleveurs avec des entreprises situées en amont (alimentation, engrais, etc.) et/ou en aval (transformation, vente, etc.) de leur production.

Ce sont les industriels de l’alimentation animale qui, alors, entraînent des éleveurs dans cette nouvelle forme d’agriculture : d’abord l’élevage de la volaille, puis du porc et des veaux. Les intégrateurs fournissent l’alimentation des animaux, les reprennent lorsqu’ils sont « engraissés » et rémunèrent l’éleveur en fonction du poids acquis par les animaux et de l’alimentation consommée : « l’indice ».

L’éleveur touche ainsi un revenu qui peut être quasi stable, semblable à un salaire. C’est d’ailleurs cette proximité avec le salariat et la dépendance qu’il suppose dans le travail qui disqualifie l’agriculteur intégré, mis à l’écart par ceux qui se considèrent indépendants.
Ainsi, les responsables professionnels fustigent, dans la revue Paysans (1961), la domination qui s’exercerait sur ces agriculteurs, les transformant en ouvriers, symboles de la subordination de l’agriculteur déchu. À la même époque pourtant, ils feignent d’ignorer les relations qu’entretiennent avec leurs adhérents les coopératives, aux mains de ces mêmes responsables professionnels. L’intégration recouvre des situations si variables, que parfois certains agriculteurs ne savent pas comment qualifier les relations qu’ils entretiennent avec leurs contractants (Diry, 1985). Au-delà de cette variabilité, ces éleveurs sont vulnérables : tous associent des moyens financiers et des connaissances professionnelles limités, à la fragilité de leurs relations avec leurs pairs (Castel, 1991).

2L’intégration n’est pas née de l’agriculture. Son histoire est celle du travail à façon et de la sous-traitance industrielle (Houssiaux, 1957). C’est aussi celle de la pluriactivité ; cet exercice simultané ou successif par une même personne de plusieurs activités professionnelles différentes (Cornu, 1987), qui concerne particulièrement les ménages agricoles.
Dès le XIXe siècle, ceux-ci constituent une main-d’œuvre de choix pour la proto-industrialisation en milieu rural, surtout dans les domaines du textile et de la petite métallurgie (Lequin, 1977), lorsque triomphe « l’établi associé à l’étable » (Mayaud, 1999). En France, l’intégration en élevage démarre dans le secteur de la volaille.
Au milieu des années 1950, c’est une coopérative qui met en place les premiers contrats. Comme les industriels de l’alimentation qui suivront son exemple, elle finance la construction de poulaillers, fournit assistance technique et produits vétérinaires et offre un revenu régulier à de petits exploitants agricoles, souvent doubles actifs.
Ainsi en est-il pour ceux qui travaillent alors chez Citroën dans le Morbihan (Lamarche, 1971). Aujourd’hui, l’élevage en intégration concerne essentiellement en France l’élevage de volaille et de porc. En volaille, 70 % de la production est intégrée ; elle implique environ 10 000 éleveurs de poulets de chair en 2008 ; 95,8 % de ceux qui élèvent du poulet « standard » sont en intégration au moins partielle, de même que 98,1 % de ceux qui élèvent du poulet « label » (Callais & Pendaries, 2010).

L’intégration en volaille est essentiellement le fait de sociétés, coopératives ou non. D’après le recensement agricole de 2010, 34 % des porcs sont engraissés à façon. Cela concerne environ 9 500 exploitations, soit environ 40 % de celles qui élèvent des porcs. En élevage de porcs cohabitent deux formes d’intégration. Certains éleveurs sont intégrés par des sociétés, coopératives ou non ; celles-ci ont toutes le statut de groupement, ce qui implique une représentation des éleveurs et l’accès à des subventions pour l’organisation. Tandis que d’autres sont intégrés individuellement par d’autres éleveurs, qui réalisent le naissage des porcelets. Ces derniers donnent alors à engraisser tout ou partie de leurs porcelets sevrés, à un ou plusieurs éleveurs qu’ils « intègrent ».

3Du côté de la « bio » – c’est ainsi que la désignent les agriculteurs qui la pratiquent – les premiers agriculteurs qui s’en réclament travaillent également sous un régime d’intégration, dès 1962, avec la société Lemaire-Boucher. Encadrés techniquement, ils doivent lui acheter une semence, dite blé de force, et un engrais, le lithotamne : une algue calcifiée considérée comme engrais naturel. Ils peuvent alors en tirer une plus-value en revendant le blé produit à la société, qui l’écoule dans son réseau de commercialisation, après en avoir assuré la transformation.
Une telle emprise de la société sur ces agriculteurs suscite en réaction la création de l’association Nature et progrès en 1964. Pour ses adhérents, en effet, la prescription d’autonomie est fondatrice de la « bio » et en demeure un idéal (Barres et al., 1985). Celle-ci est alors conçue comme une manière de produire fondée sur l’expérience des agriculteurs qui, en s’affranchissant du recours de l’amont et de l’aval, s’approchent au plus près de la nature. Il s’agit alors pour chacun de chercher à produire le meilleur, selon sa situation. Les « bios » – ainsi se désignent les agriculteurs qui pratiquent ce type d’agriculture – sont pourtant 76,9 % à travailler en intégration totalement ou partiellement en poulet de chair (Riffard & Gallot, 2010). De même, 95 % des œufs « bios » sont produits ainsi (Leroyer, 2010).

4En agriculture, la notion d’autonomie est un critère de discrimination et de disqualification, qui fait se rejoindre conventionnels et « bios ». Est ainsi désigné aussi bien l’agriculteur-entrepreneur que le vrai « bio ». Tous deux considèrent l’intégration comme la menace d’une infection sociale (Corbin, 1982) qui entacherait la dignité de leur métier.

5Pourquoi alors des éleveurs travaillent-ils en intégration alors que cette manière d’exercer le métier est l’objet de discrimination et de disqualification sociale. Nous soutiendrons l’hypothèse que cette manière de travailler leur permet de faire face à leur vulnérabilité sociale, en construisant un métier hybride, porteur de ressources identitaires. Ils peuvent alors poursuivre ou initier d’autres activités professionnelles sur leurs exploitations et ainsi acquérir un autre statut. Cette diversification constitue alors pour eux une compensation identitaire, face au cadrage de l’intégration et à leur disqualification sociale.

Notre propos s’appuie sur des entretiens auprès d’éleveurs intégrés et d’intégrateurs (1)
. Ceux-ci s’inscrivent dans une perspective compréhensive, dans laquelle il s’agit de saisir le sens que les acteurs donnent à leurs actions. Enregistrés puis retranscrits, leur durée varie de 50 mn à 2 h 25. Ils concernent plus d’une vingtaine d’éleveurs de volaille, « bio » et non « bio », autant d’éleveurs de porcs, partagés entre intégrés et intégrateurs, en Bretagne, Sarthe, Dordogne et Poitou-Charentes. Nous examinerons d’abord l’intégration comme une voie considérée comme illégitime d’accès au métier d’éleveur. Nous analyserons ensuite l’hybridation de leurs manières d’exercer leur métier. Dès lors nous nous interrogerons sur la vulnérabilité identitaire de ces éleveurs.

L’intégration : une remise en cause des voies légitimes d’accès au métier d’éleveur

6 Dans les années 1960, le développement de l’intégration a nourri aussi bien les débats qu’organisent les élites syndicales que le mouvement social agricole, de même que le questionnement des chercheurs, notamment ceux du groupe de sociologie rurale (Bodiguel et al., 1971).
Les premiers s’insurgent contre le risque de prolétarisation des éleveurs, même si, au congrès du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) de 1964, les syndicalistes mettent de l’eau dans leur vin : le rapport Liaudon propose en effet une « agriculture de groupe industrielle et commerciale en transformant les exploitations en ateliers spécialisés et de les rattacher à des ensembles plus vastes, soit au niveau de la production, soit en amont, soit en aval […] dans des groupes d’une dimension et d’une structure appropriée » . L’intégration se métamorphose alors à leurs yeux en exigence économique ; ainsi devient-elle acceptable, lorsqu’elle se réalise sous l’égide de la « profession organisée ».
Pourtant, il ne semble pas que les gestionnaires coopératifs soient plus tendres avec ceux qu’ils intègrent ; ce que souligne Burguière (1975), décrivant une coopérative qui « propose au paysan une intégration moins barbare, mais non moins stricte que l’intégration capitaliste ».
Face à cette intégration portée par de grands groupes agroalimentaires privés et coopératifs, les agriculteurs qui se sentent dépossédés de leur indépendance se mobilisent.
Ainsi naîtra le mouvement des paysans travailleurs (Lambert, Bourquelot & Mathieu, 1989). Quant aux sociologues, ils s’accordent à considérer l’intégration comme un recours potentiel permettant d’éviter l’exode des agriculteurs en situation professionnelle précaire. Pour Lamarche (1971) : « ce sont bien souvent de “petits” exploitants agricoles, dont l’exploitation n’est guère viable » .

7En dépit des parcours différents qui les ont conduits à l’intégration, les éleveurs qui ont opté pour cette manière d’élever ont en partage une incapacité à s’installer sans avoir recours à de tels contrats.
La plupart ont débuté leur métier dans des conditions précaires. Une précarité liée essentiellement au fait qu’ils disposent d’exploitations économiquement fragiles : de petites exploitations, c’est-à-dire considérées comme inférieures à l’exploitation moyenne de leur territoire d’implantation, selon le regard des autres agriculteurs comme de celui des techniciens agricoles.
L’intégration n’implique en effet ni de cultiver l’alimentation de ses animaux, donc de disposer des surfaces nécessaires, ni de l’acheter. Les premiers contrats qu’effectuent ces éleveurs ne les obligent pas non plus à des investissements onéreux, puisqu’ils leur permettent de réutiliser leurs vieux bâtiments. Pour ceux qui les construisent eux-mêmes, c’est un moyen de se développer grâce aux premiers gains réalisés.


En 1967-1968, on a fait du porc. On faisait que l’engraissement(2). On a démarré dans l’appentis en bas, petit. Et on a fini dans la grande porcherie au-dessus. Je crois que c’est 200 porcs qu’on avait. Chaque année, on faisait un bâtiment. (Éleveuse intégrée, Dordogne, 2009)

8Au début des années 1970, les éleveurs intégrés sont près de six sur dix à juger que le travail sous contrat leur est favorable (Rambaud, 1973). Les mobiles qui les conduisent à l’intégration divergent cependant.
Pour certains, c’est l’opportunité de valoriser d’anciens bâtiments ; pour d’autres, c’est un travail peu prenant qui permet d’exercer une seconde activité ; tous recherchent un revenu régulier. L’intégration pallie l’inexpérience des néo-ruraux, car ils sont encadrés par des techniciens, autant là pour prescrire une manière de faire, que pour contrôler la réalisation du travail. Certains intégrateurs proposent également des réunions techniques.
D’autres éleveurs, notamment de porcs, sont devenus « intégrés » à la suite d’une faillite. Trop vulnérables pour survivre professionnellement dans un univers marqué par la concurrence entre éleveurs et les conséquences de la variation des cours du marché du porc, l’intégration est pour eux autant un moyen de conserver l’héritage familial de la ferme que de continuer à exercer le métier, avec une sécurité financière minimale.
Bien que la majorité des éleveurs intégrés ait démarré un parcours professionnel en situation précaire, l’intégration les a installés dans le métier. Ils mettent en avant la sécurité financière qu’elle leur assure pour expliquer leur choix. Cette sécurité peut recouvrer différentes significations. Pour l’un, c’est l’assurance d’un apport régulier qui permet de faire face aux échéances des emprunts. Pour l’autre, c’est se garantir face aux variations des cours ou au faible rapport d’une autre production. Tous s’accordent pour considérer que l’intégration réclame peu de travail et offre de la souplesse et de la disponibilité. Elle pallie différentes carences, de même qu’elle est compatible avec d’autres activités. Elle permet autant l’entrée dans le métier que de s’y maintenir, malgré des situations défavorables, au regard des critères professionnels institués.

9Pour les éleveurs sans expérience de la « bio », l’intégration est un moyen d’apprendre. En effet, débuter en « bio » implique un soutien technique qui suppose une démarche personnelle et d’importants efforts. L’éleveur intégré dispose d’un conseil technique de proximité qu’il n’aurait pas auprès des organismes « bios » :

GAB(3), CIVAM(4), chambres d’Agriculture… Un tel encadrement permet plus aisément de passer à la « bio ». Au-delà, les intégrateurs proposent des réunions techniques à leurs éleveurs. De même certains les incitent-ils à participer aux organismes « bios » locaux.

Lui : C’est facile ça. Enfin, ça ne me paraît pas difficile…
Elle : Non attends, c’est facile… Sur la volaille, c’est vrai que nous, en groupement(5), on avait un technicien…
Lui : On ne se rend pas compte comme on est dedans tous les jours, les compétences qu’on a chopées au fil des années…
Elle : Ouais, mais en groupement ! Moi je trouve que ce n’est pas si simple que ça. Moi je ne m’installerai pas toute seule en « bio »…
Lui : Ouais, en volaille c’est un peu technique…
Elle : Dans les groupements y’a des techniciens qui viennent, qui donnent des conseils.

(Couple d’éleveurs « bio », Poitou-Charentes, 2013)

10Le conseil technique est si important pour certains éleveurs, qu’ils changent d’intégrateurs, si le technicien ne leur semble pas performant. Les contrats ont en effet des durées limitées, qui permettent autant à l’intégrateur de se séparer de son éleveur que l’inverse.
Le conseil technique peut prendre de multiples formes. C’est le technicien qui, en venant visiter – ou contrôler – l’élevage, fournit des conseils pour remédier à une situation problématique ou répondre à une question de l’éleveur. Il peut aussi se comporter comme vulgarisateur des nouvelles techniques du métier. Une telle vulgarisation, particulièrement prisée par les éleveurs les plus qualifiés, peut aussi s’effectuer au sein de collectifs.

Certains intégrateurs assurent ainsi une animation technique régulière, au travers de stages portant sur des nouveautés techniques ou des problèmes d’actualité. De même favorisent-ils l’échange et l’émulation entre leurs éleveurs, en suscitant leur discussion, la comparaison de leurs méthodes et de leurs résultats techniques. Ainsi les éleveurs d’un même groupement tendent-ils à débattre des questions qu’ils partagent et à se construire une expérience commune. De même leurs manières de travailler tendent-elles à s’harmoniser, du fait aussi de la dépendance à une même planification ou aux mêmes manières de soigner les pathologies. Alors, les avantages hors normes que ne proposent que de rares intégrateurs – cautionnement de prêts, caisse « coups durs », service de remplacement pour prendre des congés, conseil technique au-delà de la partie intégrée de l’exploitation – prennent la forme d’îlots sociotechniques (Wisner, 1981), qui distinguent ces éleveurs sur leurs territoires. Entre apprentissage du métier, cadrage des manières de travailler et culture d’entreprise, l’ambiguïté demeure parfois.

L’éleveur intégré et son métier hybride

11Historiquement, l’intégration a permis le maintien d’agriculteurs doubles actifs : terme consacré pour désigner ceux qui sont à la fois paysans et ouvriers. C’est ce que souligne Philippe Lacombe (1968), à propos du secteur avicole. Ce fut notamment le cas de ceux de la région de Rennes, qui travaillaient en équipe de nuit chez Citroën et soignaient leurs porcs ou leurs volailles matin et soir. C’est aussi le cas des néo-ruraux, qui ont souvent utilisé l’intégration comme tremplin, pour réorienter ultérieurement leur exploitation vers plus d’autonomie.
Après une expérience de l’élevage, ils en acquièrent une autre du commerce, lorsque les intégrateurs tolèrent qu’ils se gardent quelques poulets pour eux et les vendent. En effet, les contrats d’intégration offrent plus ou moins de souplesse. Vendre des poulets du lot intégré permet aux éleveurs de tester les opportunités et les problèmes posés. Forts de ces expériences, il leur est plus aisé de passer ensuite à la vente directe.
On a eu un troisième enfant et donc [son épouse] a pris trois ans de disponibilité et puis au bout des trois ans, elle ne se voyait pas retourner travailler à l’extérieur. Donc elle s’est dit qu’elle allait monter un poulailler de poules pondeuses en « bio » avec la coopérative de Gouessant.
Donc elle a monté ça et puis du coup elle est restée là quoi. Et on est resté 11 ans en intégration, ce qu’on appelle en intégration : c’est que les œufs sont repris par une coopérative systématiquement, l’aliment est livré sur notre demande, mais on ne paye pas l’aliment, on ne paye pas les poules…
Intégration totale… Quelqu’un arrêtait sur Rennes, qui voulait faire autre chose et donc du coup on a racheté l’affaire et on a livré tous les magasins de Rennes en œuf. C’est comme ça qu’on s’est installé en vente directe en 2007. (Couple d’éleveurs néo-ruraux, Côtes-d’Armor, 2013)


12L’intégration apparaît comme une des voies qui s’offrent aux éleveurs pour sécuriser financièrement leur exploitation ou pour s’installer à peu de frais. Ensuite, à l’encontre des sentiers de dépendance (Dobry, 2000), c’est un élément du parcours des éleveurs qui leur ouvre des voies plutôt qu’il n’en referme. C’est ainsi qu’il alimente le mouvement de développement foisonnant actuel de vente directe.

Nombre d’éleveurs continuent à allier un statut d’indépendant à celui d’intégré. Comme l’explique le directeur de l’exploitation d’un lycée agricole d’Île-de-France en 2013 à ses élèves, « il est peut-être judicieux de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Et qu’il existe plusieurs voies de valorisation des produits agricoles : la vente directe, l’intégration pure et dure, l’adhésion à des groupements » . Alors, tout en conservant un statut d’agriculteur, l’éleveur exerce différents métiers. Outre deux formes de revenus qui se complètent, c’est aussi des cohérences techniques qui s’établissent. C’est le cas des éleveurs laitiers qui élèvent des porcs en intégration : les travaux de soins sont compatibles et c’est pour eux une aubaine d’économiser de l’engrais, grâce au lisier produit par les porcs.

Il y a énormément de porcheries d’engraissement(6) qui sont à côté d’un atelier lait. Les deux vont bien ensemble… Et en plus, au niveau pollution, c’est le top. Tu fous un lisier sur une prairie, t’as aucun ruissellement, tu as l’utilisation qui est au maximum. C’est vrai que ça colle bien. Pour faire du maïs, tu mets un petit peu de fumier, un petit peu de lisier, ça marche du top. C’est un complément de revenu et tu as le lisier en plus. (Éleveur de porcs intégré, Côtes-d’Armor, 2005)

13Peu d’éleveurs intégrés se passionnent pour leur travail. Ce qui ne signifie pas qu’ils ne soient pas passionnés d’agriculture : ils exercent leur passion ailleurs dans leur métier. Pour certains l’intégration assure un revenu qui permet la mise en place progressive d’un autre projet de production. Pour d’autres, elle permet de chercher, d’inventer et de tester d’autres manières de cultiver en « bio » : association de cultures, nouvelles méthodes de travail du sol…
Face au cadrage de l’intégration, ces éleveurs cherchent à exercer ailleurs leur normativité (Canguilhem, 1966), c’est-à-dire à construire leurs propres normes de travail, selon leur situation. Alors, le plaisir du questionnement et la construction de ses manières de faire, face à la standardisation des pratiques de l’intégration, alimentent leur quête identitaire.
C’est un désir de métier (Osty, 2003) qui passe par leur engagement subjectif dans un autre travail, que manifestent ces éleveurs. Ce désir fonctionne en termes de compensation : ce mécanisme d’autodéfense du moi, qui permet de contrebalancer une insatisfaction ressentie dans un autre domaine.

En poulet, à telle date il faut faire le vaccin, à telle date on change d’aliment, ainsi de suite. Donc, c’est calé, il n’y a pas de recherche particulière à faire. En culture, c’est une recherche permanente. Et puis chaque agriculteur a sa petite recette. Il n’y en a pas beaucoup qui font pareil, donc c’est là que c’est intéressant… Dans les cultures, tout dépend de moi. Chaque décision, c’est moi qui la prends et personne d’autre : qu’est-ce que je vais mettre dans ce champ-là ? Quelle variété ? Quel assolement ? Quel travail du sol ? Il n’y a rien d’écrit. Donc, c’est à moi de prendre la décision à chaque fois. Si un jour, je n’ai plus le piment de chercher, ça aura beaucoup moins d’intérêt. (Éleveur de poulets « bio » intégré, Sarthe, 2011)

14L’intégration est conçue comme un itinéraire professionnel qui permet de mener un projet complémentaire. C’est ce projet qui fait « tenir » l’éleveur, face au cadrage de l’intégration. Sa quête est aussi celle d’une réappropriation de son travail. En s’investissant subjectivement dans une activité complémentaire, il recherche un équilibre entre nécessité économique et plaisir dans le travail. Alors, dans ces exploitations apparaît plus manifeste la distinction des productions au niveau du sens qu’y prend le travail pour l’éleveur. Dans un cas, l’éleveur s’assure un revenu et son intérêt n’est qu’instrumental. Dans l’autre, l’intégration lui permet de réaliser un projet professionnel longuement mûri : un métier rêvé.

J’ai commencé à faire un peu de porcs. J’avais aussi un peu de poulets… C’était uniquement de l’engraissement à façon avec une coopérative. J’ai arrêté un peu le porc ; j’ai repris. C’était un peu en fonction de comment fonctionnait le tourisme équestre. (Éleveur néo-rural de poulets « bio », Côtes-d’Armor, 2008)

15La plupart des éleveurs intégrés ont une activité « à côté », dans lequel ils donnent toute la mesure de leurs compétences d’agriculteurs. Comme l’était le bricolage ou le jardinage des ouvriers des années 1970 (Weber, 1989), cet « à-côté » est une bouffée identitaire qui leur permet de « tenir » face au déni de leur métier. En effet, ils subissent la cascade de petits mépris qui recoupent les hiérarchies instituées des professions. Un tel jugement d’autrui alimente également celui de soi : leur disqualification sociale se redouble d’une autodisqualification, qui affecte d’autant plus ceux qui n’ont que de rares relations avec leurs pairs. À l’instar de ce que montre Paugam (2007) des salariés précarisés, le statut dégradé, la vulnérabilité des situations d’emploi et le manque d’échanges entre éleveurs intégrés limitent leur reconnaissance. C’est pourquoi certains mettent en avant le travail « à côté » dans lequel ils s’investissent et occultent leurs activités intégrées. Ce qui toutefois ne les empêche ni de souffrir ni de considérer bien faire leur travail d’éleveurs intégrés.

Disqualification et vulnérabilité sociale de l’éleveur intégré

16C’est dans la relation aux autres, dans la mise en société du travail, que se construit l’identité professionnelle. Celle-ci s’alimente de deux formes de jugement. L’un est exercé par les pairs : ceux qui connaissent les exigences singulières du travail et sont capables d’en apprécier l’expérience, l’habileté et l’originalité. L’autre est émis par ceux qui ne partagent pas cette expérience du travail ; elle porte sur son produit (Davezies, 1993). Dans cette perspective, l’identité de l’éleveur intégré est lacunaire. Comme le sous-traitant industriel, c’est un maillon invisible du processus de production, qui apparaît comme une scorie de la spécialisation agricole.

17Incorporant le discours des organisations professionnelles, pour nombre d’éleveurs, l’intégration est une manière de travailler dégradante, qui remettrait en cause leur statut professionnel. Dans la perspective de Mary Douglas (1967), c’est une souillure, au sens où elle mettrait en cause la « pureté » et l’idéal type du métier. Chez les « bios », autant que l’ordre social professionnel, les éleveurs intégrés fragilisent les valeurs de la « bio ». Ils sont montrés du doigt, au même titre que ceux qui exerceraient une agriculture « bio » au rabais : animaux claustrés, maltraités ou mal soignés, absence de lien de l’élevage au sol…


Il y a toujours eu un certain antagonisme entre les gens du GAB et les gens qui faisaient de la pondeuse. Ça n’a jamais été des rapports simples. Au début, j’y allais et, au bout d’un moment, on se lasse d’avoir toujours les mêmes conversations… C’est la question de l’intégration, c’est plein de choses comme ça. Après faut vivre avec les possibilités qu’on a. Nous, aujourd’hui, aucune banque ne prêtera pour faire un élevage de pondeuse si on n’a pas un contrat d’intégration derrière. (Éleveuse néo-rurale « bio » intégrée, Côtes-d’Armor, 2008)

18Les éleveurs intégrés mettent un voile sur leur situation. Rares sont ceux qui l’exposent sans réticences. Dans les entretiens, nombre d’entre n’y font référence que par euphémisme ou périphrases : il s’agit là d’une stratégie individuelle de défense identitaire (Molinier & Flottes, 2012). Tandis que d’autres assument leur condition et revendiquent leur statut. C’est particulièrement le cas de ceux qui ont connu le travail ouvrier. Eux clament, haut et fort, qu’il ne faut pas confondre les situations.

Ne pas avoir de chef ! L’indépendance : on commence à l’heure qu’on veut. J’ai travaillé dans plein de choses. J’ai travaillé dans les grandes surfaces, dans les usines, j’ai été à La Poste aussi. J’ai fait pas mal de boulots… À part qu’on n’a pas de vacances… On vide au mois d’avril, après c’est les terres… Le revenu ? Un SMIC, un peu plus d’un SMIC… Comme à l’usine… Avec trois ou quatre patrons, des chefs, des petits chefs. On n’est pas trop embêtés avec Gouessan (intégrateur). Ils viennent une fois dans le mois pour voir l’état des poules et puis voilà. C’est pas comme un patron avec son ouvrier, c’est pas pareil. (Éleveuse de volaille « bio » intégrée, Côtes-d’Armor, 2008)

19Une autre manière de voiler son travail en intégration consiste à afficher son activité de vente directe, bien qu’elle soit marginale. C’est notamment le cas en volaille, où nombre d’intégrateurs permettent aux éleveurs de vendre une partie de leur production, soit tacitement, soit sous couvert de leur consommation personnelle. Certains éleveurs souffrent en effet de ne pas être reconnus pour le travail qu’ils font et pour la qualité du produit qu’ils élaborent. La relation avec ceux qui achètent leurs produits leur manque. Ils voudraient les voir sur les étals des commerces où ils s’approvisionnent. Ce manque est d’autant plus important chez les « bios » qu’ils attendent du consommateur de leur produit un jugement qui reconnaîtrait sa qualité, autrement que par sa qualification de « bio ».


Je trouve que c’est quelque chose de très important, cette valorisation par le consommateur, cette mise en avant, plutôt du produit, par le consommateur, qui dit : « c’est beau, c’est bon ». En filière longue(7), on ne l’a pas et c’est dramatique… Particulièrement en œuf, on a ce problème de reconnaissance de la qualité du travail... C’est Gouessant qui vend les œufs. Moi je suis prestataire de services et puis il y a un camion qui vient chercher la palette d’œufs, donc c’est pas très romantique notre affaire ! (Éleveuse de volaille « bio » intégrée, Côtes-d’Armor, 2008)

20L’identité des éleveurs intégrés leur est imposée de l’extérieur par les intégrateurs, les responsables professionnels et les organismes du développement. Ceux-ci les ignorent ostensiblement ou dénient leur qualité d’éleveurs. En élevage de porcs, leur statut est, au mieux, considéré comme un accès détourné pour exercer leur métier, au pire le produit de leur déchéance du métier d’éleveur. Ce qu’ils mettent en avant est d’abord la dépendance de leur emploi et de leur travail. Dépendance liée à l’évolution des textes réglementaires qui a conduit leurs intégrateurs à se décharger en partie sur eux, pour se « mettre aux normes ». Dépendance envers ces intégrateurs qui les a conduits à minorer leur engagement dans ce travail, en ne s’y reconnaissant pas de compétences particulières.

Je suis là juste pour m’en occuper, je les ai trois à quatre mois. Je suis payé ; j’ai cette rémunération de gardiennage. Enfin c’est que dalle l’engraissement… On ne gère rien, en fait. On loue de la main-d’œuvre et des bâtiments, c’est tout. (Éleveur de porcs intégré, Côtes-d’Armor, 2005)

21Cette autodisqualification est plus accentuée encore quand l’intégration a été un choix contraint de l’éleveur, après une faillite. Dans ce cas, ce statut est une conséquence de sa déchéance d’éleveur indépendant. D’un autre côté cependant, l’intégration constitue aussi, vis-à-vis du regard de ceux qui partagent le territoire qui l’a vu naître, un moyen de masquer son infortune, autant que de conserver son logement. Mais ce masque souligne à quel point l’estime de soi d’un tel éleveur a été mise à l’épreuve.

Je me suis arrangé avec mon collègue, enfin le patron... Il y avait le salaire et puis, ici, je pouvais faire un peu de façonnage et le lisier partait sur le terrain. On continuait ; personne ne voyait rien. (Éleveur de porcs intégré, Finistère, 2005).

22Entre intégrés et intégrateurs, les relations peuvent être tendues. En élevage de porc, cette tension est entretenue par les éleveurs intégrateurs, qui se sentent contraints8 de passer par eux et ainsi de perdre en rentabilité. S’ils expriment leur rancœur, c’est aussi qu’ils cherchent à mettre à distance leur peur de la faillite, dans leur univers extrêmement concurrentiel. Entretenir des relations avec des éleveurs intégrés ne manque pas de faire resurgir le spectre du paysan devenu ouvrier. Ayant perdu son « autonomie » et son statut de chef d’entreprise, c’est un déclassé. L’éleveur intégré, dénué de liberté et de créativité, serait ainsi l’envers de la figure de l’entrepreneur, proposée comme modèle à l’éleveur porcin. Mieux vaut alors laisser le soin aux coopératives de gérer les relations d’intégration.

C’est souvent des situations d’échec, on estime que certains sont un peu des arnaqueurs aussi… Ce qui fait que, dans de nombreux cas aussi, il n’y a même plus de relations entre le prestataire et le propriétaire des animaux. C’est par le biais de la coop que ça transite. Ce qui fait que ça évite à celui qui met les animaux en place d’avoir des relations à nouer. Tout est mathématique. Et en fait les basses besognes sont réalisées par la coop. C’est confortable en termes de relations ! (Éleveur de porcs intégrateur, Côtes-d’Armor, 2005)

23Selon les intégrateurs, l’engraissement de porcs est un travail aisé, qui mobilise peu l’éleveur. Les éleveurs intégrés admettent que leur travail est pour eux d’un intérêt professionnel et d’un questionnement limité, comparé à celui de leur engagement professionnel principal. Il n’empêche qu’ils considèrent le bien faire : ce n’est pas pour eux du « sale boulot ». Cette qualification est un point de vue imposé par leurs intégrateurs. On comprend alors que les éleveurs se défendent en expliquant les compétences qu’ils exercent pour répondre aux réputations qui leur sont faites.

24Les tensions entre éleveurs intégrés et intégrateurs diffèrent entre l’élevage de volaille et de porcs. En volaille, c’est toujours avec une firme ou une coopérative que traite l’éleveur ; en porc, c’est bien souvent avec un autre éleveur de porcs, considéré comme indépendant, car son revenu est soumis aux variations de cours du marché du porc. En volaille, les tensions sont plus liées aux politiques des intégrateurs. Depuis la faillite de la Rurale morbihannaise au début des années 1960, jusqu’à celle récente de Doux, les éleveurs de poulets « standard » ont appris à leurs dépens les risques qu’ils encourent. Quant aux tensions entre les éleveurs de porcs et leurs intégrateurs, elles sont d’un côté liées aux relations interpersonnelles, mais surtout à l’évolution des politiques environnementales, qui permettent ou non aux éleveurs intégrateurs de rapatrier sur leurs élevages les animaux qu’ils ont « mis en pension ».

Conclusion

25Le statut des éleveurs intégrés recouvre des situations contrastées. Selon les filières, la relation d’intégration diffère. En élevage de porcs, ce sont aussi bien des éleveurs naisseurs-engraisseurs que des groupements de producteurs de firmes – privées ou coopératives – qui intègrent les éleveurs. En volaille, seuls les groupements de producteurs interviennent. Dans le premier cas, l’absence de pairs des éleveurs intégrés limite leur reconnaissance sociale. La relation d’intégration oblige cependant à une dépendance mutuelle intégrés/intégrateurs. Certes, la dimension hiérarchique et prescriptive de la relation suscite des tensions. Celles-ci sont cependant tempérées, car les intégrateurs porcins dépendent des intégrés pour valoriser l’ensemble de leur production et réduire leur coût alimentaire, par l’achat global de leur alimentation. De même que ceux-ci résolvent en partie leurs problèmes d’environnement en épandant le lisier des animaux intégrés sur leurs terres. En volaille, la relation d’intégration est le plus souvent clivée entre éleveurs « bios » et non « bios ». Il semble que lorsqu’on passe de l’élevage sous signe de qualité au standard, l’écart se creuse encore. Le travail d’un produit de qualité serait ainsi mieux respecté que celui d’un produit de moindre valeur. Dans la plupart des cas cependant, l’intégration par la firme se distingue globalement de celle de l’éleveur intégrateur. Que ce soit en porc ou en volaille, les techniciens exercent une relation souvent distanciée, exempte de rapports de sociabilité. Les relations sont formalisées et même souvent réduites au débat des résultats chiffrés, ce qui tend à les déshumaniser (Schwartz, 2000).

26Comme en milieu industriel, l’intégration est une voie de modernisation pour les petites entreprises. Certaines ont ainsi accès à une assistance technique comme à des prêts qu’elles ne trouveraient pas ailleurs. Plus largement, l’intégration limite leur disparition (Houssiaux, 1957, 2). Comme pour les sous-traitants de l’industrie, la contribution des éleveurs intégrés limite les conséquences des évolutions techniques et des fluctuations de la production de ceux qui les dominent, au risque de leur propre précarisation. Ainsi, selon le cours du porc et les volumes mis en marché, les éleveurs intégrés servent de variable d’ajustement pour leurs intégrateurs, au détriment de leur rémunération. Ceux-ci modifient alors les délais de mise en pension et parfois les durées d’engraissement. Cependant le parcours professionnel de ces éleveurs suscite une disqualification de leur travail et un déni de reconnaissance de leurs manières d’exercer leur métier. Porteurs de cette disqualification, leurs intégrateurs ne les reconnaissent pas comme pairs, parce que dépendants. Même si on peut s’interroger, avec Guiqueno et Daucé (1984), sur l’indépendance de ces intégrateurs, en contrat avec leurs groupements de producteurs et plus largement avec l’aval de leur filière.

27Chez les « bios », la première intégration, celle de Lemaire-Boucher a disparu, parce qu’autoritaire. Aujourd’hui, la perspective tracée par Nature et progrès se poursuit : l’élevage « bio » ne se conçoit pas sans des marges d’indépendance. Celles-ci diffèrent selon les intégrateurs. Cependant l’intégration apparaît pour tous comme un moyen de compenser leurs vulnérabilités initiales. Certes, d’un point de vue identitaire, ils font, comme les autres éleveurs intégrés, face à une disqualification sociale de leurs manières d’exercer leur métier de « bio ». Cependant, les « bios » sont aussi choyés par leurs intégrateurs, car il leur est relativement aisé de devenir indépendants au travers des circuits courts. Encore faut-il qu’ils disposent de la main-d’œuvre nécessaire pour assurer la complémentarité du travail de transformation, de vente et d’élevage. Il demeure qu’un tel exercice de la « bio » a permis et permet à nombre d’éleveurs d’entrer et de demeurer dans le métier.

28À l’encontre des détracteurs de l’intégration sur la durée, on aurait alors tendance à considérer, comme le faisait Philippe Lacombe en 1968 pour les éleveurs de volaille intégrés, que la double activité contemporaine des éleveurs intégrés assure leur maintien à terme, au risque d’un quasi-salariat. Cependant, en élevage « bio », avec des manières hybrides d’exercer leur métier en l’orientant vers le commerce, les éleveurs puisent non seulement des ressources identitaires compensatoires de leur disqualification pour développer leurs élevages, mais ils répondent, au-delà d’eux-mêmes, aux attentes sociétales actuelles de l’agriculture « bio ».

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Bibliographie
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Notes
1 Cette recherche a été financée par le projet ANR-10-STRA-00.
2 Autre manière de désigner l’intégration de la part des éleveurs.
3 Groupement d’agriculteurs biologiques.
4 Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural.
5 Autre manière de désigner l’intégration de la part des éleveurs.
6 Autre manière de désigner l’intégration de la part des éleveurs.
7 Autre manière de désigner l’intégration de la part des éleveurs.
8 Du fait de la réglementation environnementale qui limite les possibilités d’accroissement des élevages : surface d’épandage ou capacité de traitement des lisiers correspondant au nombre des animaux…

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Pour citer cet article
Référence électronique
Christian Nicourt et Jacques Cabaret, « Ni patrons ni ouvriers : le cas des éleveurs intégrés », La nouvelle revue du travail [En ligne], 5 | 2014, mis en ligne le 09 décembre 2014, consulté le 23 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/nrt/1854 ; DOI : 10.4000/nrt.1854

Cet article est cité par
Nicourt, Christian. (2016) Les mobilisations des victimes de pesticides ont-elles modifié les pratiques des viticulteurs languedociens ?. VertigO. DOI: 10.4000/vertigo.17070

Auteurs
Christian Nicourt
INRA - RiTME
Jacques Cabaret
INRA - ISP
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Edité le 24-02-2018 à 22:49:06 par Xuan


 
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