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![]() POUR UNE VÉRITABLE CULTURE INDUSTRIELLE, ROMPRE AVEC L’INFANTILISME TECHNOLOGIQUE 08 AOÛT juin 1, 2018 par Amar Bellal Contribution pour le congrès du PCF – Amar Bellal http://histoireetsociete.wordpress.com/2018/08/08/pour-une-veritable-culture-industrielle-rompre-avec-linfantilisme-technologique-2/#comment-35476 ![]() Un enjeu central L’industrie est le cœur de la production de richesse d’un pays : nous pouvons tirer n’importe quel fil de l’activité humaine, l’enseignement, le secteur de la santé, le transport, au bout se trouvera immanquablement un processus de production, une usine pour le dire plus simplement. Le secteur des services, bien souvent, n’est en effet qu’au service d’un processus industriel ou en dépend très étroitement : sans un secteur industriel fort, un pays est condamné, à plus ou moins long terme, car obligé d’importer massivement les produits qu’il consomme, avec le déséquilibre de la balance commerciale et l’appauvrissement qui s’en suivent. Un pays qui ne vivrait qu’avec un secteur primaire et un secteur tertiaire, ne pourrait pas survivre longtemps. Cela doit occuper une place importante dans notre réflexion Un défaut grave de culture industrielle dans le parti On se heurte pourtant à une difficulté. La sociologie du parti a beaucoup changé, et plus particulièrement parmi ceux qui animent les groupes d’idées et ceux chargés de rassembler notre réflexion sur ce sujet: beaucoup d’enseignants, de camarades issus des sciences humaines, qui n’ont pas toujours beaucoup d’expérience dans ces secteurs. Il ne s’agit ici pas de les blâmer bien sûr, l’auteur de ces lignes en est d’ailleurs issu. Mais convenons- en : il en découle souvent un désintérêt et un manque d’expertise autour de ces enjeux dans le parti. Cette perte d’expertise est dramatique car elle est la porte ouverte à toutes sortes d’utopies faciles d’accès, qui donnent l’impression de fournir une culture dans ce domaine à peu de frais. Cette culture, souvent, se limite à la lecture du dernier livre à la mode qui met en avant telle ou telle vison utopiste de ce que serait l’industrie de demain par exemple. Ainsi en est il de la fascination autour des imprimantes 3D, des Fablab, de la société du « tous producteurs », de certaines visions proudhoniennes de l’économie, des graves sous-estimations des défis énergétiques… Il faut dire que les philosophes et les sociologues, spécialisés dans la narration de certaines utopies technologistes, ne manquent pas : Besnier, Rifkin, Morin, Stiegler … pseudo-visionnaires qui ont pour point commun de ne pas comprendre grand-chose aux réalités industrielles et au monde de la recherche, pour ne s’y être jamais vraiment frotté, et pour tout dire, n’y avoir jamais travaillé et n’ayant jamais réalisé le moindre projet concret. Et ce sont, hélas, les livres de chevet de beaucoup de dirigeants à gauche, qui s’imaginent ainsi être à la pointe de l’avant-gardisme avec ce genre d’idées Pourtant, il suffit d’échanger avec quelques ingénieurs, ou chercheurs d’école d’ingénieur, d’institut de technologie, en process de production, en génie productique, pour comprendre que ces visions, sont surtout idéologiques et ne s’appuient sur rien de vraiment crédible. Les évolutions de l’industrie et ses bouleversements sont ailleurs, ce qu’on recouvre par le terme générique d’usine du futur, beaucoup plus difficile à appréhender, mais dont les germes sont déjà là, aux conséquences indiscutables sur les conditions de travail, lorsqu’on prend la peine de discuter avec des salariés ou des militants syndicaux sur le terrain. Ici faisons une liste des « égarements » les plus fréquemment rencontrés sur le sujet : un premier pas serait en effet de déconstruire les visions simplistes et erronées autour de la production et de l’industrie. La paillasse de laboratoire et la grande échelle Ce qui fonctionne sur une paillasse de laboratoire ne fonctionne pas forcément à grande échelle. Ainsi en est-il par exemple des utopies sur la « société hydrogène » et la production d’énergie décentralisée qui nous permettraient, selon certains, de nous passer des grandes unités de productions. La pile à combustible existe, la voiture à hydrogène existe, et ce depuis plusieurs dizaines d’années, mais si cela ne se généralise pas, ce n’est pas parce qu il y aurait un complot contre cette technologie fomenté par les industriels de l’automobile par exemple, mais tout simplement parce que c’est très cher et d’un rendement médiocre, et que les chercheurs du monde entier ne trouvent tout simplement pas de solution pour qu’il en soit autrement. Le domaine de l’énergie est d’ailleurs un des secteurs les plus propices à ces visions qui font fi des ordres de grandeurs et de l’état réel des technologies à plus ou moins long terme. Comment expliquer cela à un dirigeant politique qui, ayant lu le dernier livre de Rifkin, ne jure que par cela, et s’imagine ainsi être un avant-gardiste visionnaire avec ces idées, face à des scientifiques ringards et frileux selon lui, qui lui expliquent le contraire ? C’est très difficile… (c’est du vécu) Notre penchant pour la science fiction et le sensationnel On pourrait aussi citer le délire autour de l’homme augmenté et du transhumanisme. C’est la première chose qui nous vient à l’idée lorsqu’on évoque les progrès de la robotique appliquée à l’homme sous forme de prothèses évoluées. Mais l’écrasante majorité des chercheurs en robotique, dans ce domaine précis, cherchent tout simplement à améliorer le quotidien de personnes qui ont perdu un membre et sont gravement handicapées, ou bien ils cherchent par exemple à fabriquer un cœur artificiel le plus fiable possible: non pas pour créer de nouvelles émotions artificielles, dans un délire puéril de film de science fiction, mais plus prosaïquement pour prolonger la vie de milliers de personnes. Et nous passons à coté de cela, de toute une filière, nous focalisant sur l’accessoire, en contribuant à véhiculer les fantasmes de certains philosophes qui voient venir la fin de l’humanité ou une menace pour l’espèce humaine. Pour qu’il en soit autrement il faudrait fréquenter vraiment les chercheurs de cette discipline et s’y intéresser sincèrement, débattre avec eux, quitte à écrire des livres moins sensationnels. Peut-être aussi faire un stage de découverte pour s’immerger dans le monde de la recherche et de l’industrie : il n’y a pas de honte à cela, et cela éviterait d’écrire et de professer des contrevérités. Nous pourrions citer des dizaines d’exemples de ce type où, y compris au PCF, nous naviguons entre absence complète d’analyse et analyses complètement erronées qui se focalisent sur des aspects périphériques en passant à coté de l’essentiel. Une utopie technologiste emblématique : les Fablab L’avenir serait aux fablab et aux associations de quartier de type « do it yourself » (faites-le vous-même), le tout sous couvert d’une aspiration à l’ émancipation de chacun, enfin libre de produire soi- même la poignée de porte cassée de son logement dans son Fablab de quartier, plutôt que d’aller l’acheter à Castorama, acte très aliénant il va sans dire, et selon son désir bien sûr et pour l’usage voulu: ça c’est pour le volet « émancipation »… Ce serait annonciateur de la fin des usines telles qu’on les connaît, la fin des gros centres de production : place à la décentralisation des productions, au partage des savoirs et des connaissances, qui feront que n’importe qui pourra produire ce que bon lui semble en s’improvisant ingénieur, technicien et ouvrier spécialisé, dans la branche qu’il veut, selon la pièce ou l’objet qu’il veut produire soi-même, et en téléchargeant le plan de fabrication sur internet sur des plateformes collaboratives etc (dans ce cas, il ne faut pas avoir peur de sacrifier ses congés de Noël, si les freins de son vélo lâchent, et qu’on ne veut surtout pas passer chez Décathlon…). C’est évidemment une vision naïve du monde qui nous entoure, car elle sous-estime le haut niveau de technicité des objets les plus banals qui nous entourent et les problèmes ardus qu’ont dû résoudre nos ingénieurs et techniciens pour produire des objets avec des cahiers des charges de plus en plus exigeants. En termes de résistance des matériaux, de fiabilité, de normes sanitaires, de sécurité et avec la nécessité de les produire à des centaines de milliers d’exemplaires avec le même niveau de qualité : autant dire que ce n‘est pas à la portée du bricoleur du dimanche ne serait-ce que pour fabriquer un « simple » pédalier de vélo, un stylo-bic ou même un pot de yaourt… Faut il rappeler qu’on a justement inventé la division du travail pour cela, des normes, des métiers très pointus, qui interdisent toute utopie de ce genre à moins d’accepter un recul de civilisation sans précédent avec un retour à l’artisanat. Bien sûr, on peut rétorquer que la Nasa a une imprimante 3D à bord de l’ISS, que la médecine produit des prothèses à partir d’imprimante 3D, qu’Airbus produit également des pièces à partir de ce type de procédé, et s’imaginer qu’on est avant-gardiste en voyant là les prémisses d’une nouvelle révolution des modes de production. Mais justement, c’est parce que dans ces cas très précis et spécifiques, cela a un réel intérêt, c’est ce qu’on appelle des « niches », rien à voir avec un bouleversement général (encore moins une « révolution »). Ainsi, pour la Nasa, l’isolement de l’ISS exige qu’une pièce aussi spécifique soit-elle puisse être produite en urgence en dépannage à bord : en effet, à 400 km d’altitude, les garagistes sont rares. En médecine, une prothèse est unique, pour un être humain, unique lui aussi, qui va la recevoir. Enfin Airbus a les moyens de se payer une imprimante extrêmement performante, très chère et très spécifique aux pièces qu’elle va réaliser, et qui ne serviront que là. D’ailleurs pour que les centres Fablab soient vraiment efficaces, il faudrait disposer de machines et d’ imprimantes 3D très coûteuses et performantes, se spécialiser dans la production de quelques objets précis pour optimiser la matière et en faire beaucoup, et ensuite que ces machines très chères se regroupent dans un même lieu avec du personnel qualifié sachant piloter ces appareils et assembler les pièces du produit fini (pour faire ne serait qu’un vélo il faudrait des dizaines d’imprimantes 3D vus les différentes pièces et matériaux nécessaire). Comment appellera-t-on de tels lieux ? …des usines tout simplement!… On revient ainsi à la case départ, et avec le questionnement des Fablab on rejoue le débat autour du passage de l’artisanat à l’ère moderne de l’efficacité industrielle, depuis longtemps résolu. On se fait plaisir avec un vernis de modèle alternatif rebelle/contestataire. Avec de telles idées, autant dire que les financiers tremblent… L’illusion ici vient du fait qu’on confond l’imprimante 3D du TP de collège du professeur de technologie, soucieux de faire réaliser des « activités » à des élèves, et l’imprimante 3D de l’atelier de PSA ou d’Airbus, qui n ‘est rien d’autre qu’une évolution de l’usinage à commande numérique qui existe déjà. Mais pour le comprendre il faut un minimum de culture technologique et une notion sur les contraintes que pose une ligne de production. Ne pas confondre progrès, niches et révolution technologique. Appréhender le « temps industriel » Le temps industriel est un temps long : déployer une technologie, développer une filière, fiabiliser un produit, de l’Airbus A380, au réacteur EPR, en passant par le TGV, ou le dernier moteur à combustion qui sera produit par millions, c’est long et n’est pas souvent compatible avec certaines incantations et impatiences exprimées par des idéologues (surtout âpres au gain et profit immédiats) qui proposent de remplacer des secteurs entiers par des filières qui ne sont pas mûres et ne dépassent même pas le stade de la paillasse de laboratoire ou du prototype. Ces discours « de la table rase » ont des effets catastrophiques car mettant sous pression des industries entières sommées constamment de justifier de leur utilité, devant sans cesse s’excuser d’exister, provoquant ainsi de graves crises des vocations (la meilleure façon de tuer une filière : envoyer le signal qu’on n’investira plus dans ce domaine, vous videz alors les écoles d’ingénieurs). Comment s’étonner que les facultés de sciences se vident de façon aussi dramatique ? Faut il rappeler qu’il faut 5-6 générations d’effort, de travail, pour développer une filière industrielle d’excellence dans un pays, mais seulement 5 à 10 ans pour la détruire ? C’est ainsi qu il faut veiller à ne pas relayer des discours faciles d’anticipation de la fin de telle ou telle technologie. Ce n’est pas faire preuve d’avant-gardisme de prôner le « nouveau » systématiquement et de vouloir tout remplacer avec une nouvelle idée tous les 2 ans : ce n’est pas sérieux. On devient les idiots utiles du système car ce sont ces discours qui déclenchent en silence la disparition du peu d’industrie qui nous reste : on rejoue en version moderne la fable de « Perrette et le pot au lait », en perdant ce qu’on sait déjà faire avec la promesse de nouvelles filières qui ne verront pas le jour car non viables. Et la finance, s’intéressant de moins en moins aux usines, à la rentabilité médiocre par rapport à la spéculation, s’en frotte les mains. Un oubli fréquent : le support matériel de la « révolution numérique » C’est une figure de style au parti : quand on parle de révolution numérique , on parle de bla-bla-car, d’Uber, de Waze, on parle des Gafa, on explique qu’il y a d’immenses potentialités avec les « communs » grâce aux logiciels libres…avec des formules favorites « un autre internet est possible ! si on se donnait les moyens d’une maitrise publique » etc etc ..mais dans ces Rdv et colloques, journées d’étude, on évite soigneusement d’inviter un syndicaliste d’Orange, ou d’Alcatel (maintenant racheté par Nokia), ou un ingénieur des télécom, de l’industrie informatique ou des nouvelles technologies : il n’y a de place que pour les hackers, ou les militants du logiciel libre . C’est symptomatique d’un parti qui n’a plus les moyens d’appréhender le cœur des évolutions profondes dans des pans entiers de l’économie faute de salariés y travaillant, mais plus grave encore, faute même de réelle volonté de comprendre ce qui s’y joue. Il est en effet à la portée de n’importe qui, même de quelqu’un qui n’a jamais travaillé dans ces secteurs, d’avoir la présence d’esprit d’inviter un ingénieur de cette filière afin de nous parler du support de cette révolution numérique : la fabrication des serveurs, des réseaux, des fibres optiques, des composants électroniques, sans lesquels internet et tout le reste n’existeraient pas. Une entreprise comme Alcatel a été rachetée 3 fois déjà, peut être serait-il temps de s’y intéresser et de comprendre que les « données » et leurs traitements sont une dimension essentielle, mais que les « tuyaux » les transportant et ceux qui les fabriquent, sont tout aussi importants. De grands mouvements se font dans le monde impitoyable du capitalisme, pour récupérer des brevets et des savoir-faire précieux de cette industrie. A défaut de pouvoir/vouloir aborder ces sujets, de sincèrement et collectivement les travailler, on se limite tout au plus à la réflexion d’un ou deux camarades, et on se contente des aspects périphériques à notre portée, et flattant ce qu’on croit déjà savoir, ce qu’on a entendu mille fois ici ou là dans les médias. Et ne cachons pas ce penchant : ce sont surtout les idées les plus compatibles avec une culture de type cyber-punk, proche de l’univers d’anarchistes « hacker » de la côte ouest états-unienne, qu’on favorise et valorise, celles qui sont à la portée d’utopistes contemplant le monde du haut de leur bureau, mais n’ayant jamais vraiment travaillé dans ces secteurs. L’économie immatérielle est de plus en plus ….matérielle. Il est toujours frappant de voir des personnes avec de forts penchants vers la décroissance exposer leurs thèses sur les réseaux sociaux, par mail, par blog, en expliquant que l’économie est de plus en plus immatérielle et qu’on peut économiser énormément d’énergie et de matière première grâce aux nouvelles technologies. Pourtant, c’est tout le contraire, ces technologies pour exister, nécessitent énormément de matière première et d’énergie. Derrière les heures passées sur les réseaux sociaux, il y a une consommation énergétique phénoménale pour faire fonctionner les serveurs et centres de données. D’autre part l’exigence de miniaturisation, paradoxalement, est un facteur aggravant sur le plan environnemental : elle demande d’aller chercher des matériaux de plus en plus rares, et derrière l’apparence « anodine » d’un smartphone, cet accès à internet qui tient dans notre poche, il y a toutes ces mines en Afrique, en Chine, de plus en plus immenses pour justement assouvir notre soif d’« économie immatérielle » : internet, smartphone, écrans plats…. Bien sûr, si un jour on avait idée d’ouvrir de telles mines en France : nous aurions à coup sûr des ZAD partout et des millions d’internautes mobilisés pour dire « non », avec des outils nécessitant donc massivement ces métaux rares: relevons cette absurdité. Mais tant que les mines sont ailleurs qu’en France … Le « pétrole de demain » ce sera… le pétrole ! C’est l’expression la plus agaçante qu’on entend ici et là dans les média mais aussi reprise dans nos milieux militants : « les données informatiques sont le pétrole de demain », pour sensibiliser aux enjeux autour du « big data ». On peut traiter un enjeu sérieux (le traitement des données) sans être obligé de verser dans le sensationnel. Non, le pétrole de demain, ça restera encore le pétrole… et pour longtemps ! en effet, comme dit plus haut, pour maintenir toutes ces technologies en fonctionnement, ce seront surtout les matières premières et d’énergie qui manqueront cruellement demain à l’Humanité. On fera des guerres de plus en plus dures pour acquérir les dernières ressources pétrolières, car cette ressource restera indispensable dans certaines applications. Et il en va de même pour toutes les matières premières : y compris un minerai aussi banal que le cuivre ! La matière reste essentielle Oui la révolution numérique a un impact dans pratiquement tous les métiers, elle permet un travail collaboratif plus important, une meilleur réactivité, des projets conçus en amont avec une précision de plus en plus fine, les logiciels sont de plus en plus ergonomiques et capables de véritables prouesses de calcul. On est loin du temps où il y a 40-50 ans, des équipes entières de techniciens et ingénieurs dans les bureaux d’étude, faisaient et re-faisaient des calculs à la main, et derrière, les re-vérifiaient encore une fois , et ceci pendant des semaines. Aujourd’hui cette étape peut se faire en quelques heures et par une seule personne, grâce à des logiciels dédiées. C’est un progrès spectaculaire, mais qui ne doit pas non plus nous illusionner sur la part qui relève du « numérique » et celle qui relève de « la mise en œuvre de la matière » qui reste malgré tout essentielle dans la valeur ajoutée : elle conditionne même toute la chaîne de production. Prenons un exemple: pour faire un réacteur EPR, il y a des années de calcul, de conceptions, d’essais, de prototypages, avec des logiciels puissants, du travail impliquant des dizaines d’équipes, des milliers d’ingénieurs et de chercheurs, où le numérique va effectivement jouer un grand rôle. Mais une fois le projet stabilisé, il faut le réaliser concrètement, cela implique de savoir couler du béton de qualité, de produire et souder de l’acier de haute qualité, sur place de s’assurer de la qualité de la réalisation en conformité avec les plans, affiner les systèmes électro-mécaniques, l’électricité de haute puissance etc etc… et savoir faire travailler des dizaines d’entreprises à la fois, effectuer tous les contrôles…. et tout cela devra être répété pour des dizaines de réacteurs (si on part sur l ‘hypothèse d’un renouvellement du parc nucléaire en France), et même sur des centaines d’exemplaires, si on vise un objectif de déploiement mondial. On comprend alors que la part de conception restera mineure face à la réalisation concrète de ces exemplaires (même si la part du numérique ne disparaît pas complètement loin de là). L’exemple de l’EPR reste valable pour les grands projets industriels. Et c’est le grand problème en France : on perd ce « savoir-faire » de mise en oeuvre, il suffit de voir les retards de l’EPR avec toute une génération qui doit réapprendre à traiter ce type d’ouvrage, les retards de différents chantiers et les multiples erreurs et bug dans l’industrie. On manque de main d’œuvre qualifiée au sens large, d’ingénieurs de terrain, le « savoir-faire français » bat de l’aile. Cela est en partie dû au fait qu’on a longtemps cru que « tout était numérique » et que l’essentiel s’y jouait, qu’il suffisait d’avoir un beau dessin technique sur son écran d’ordinateur en 3 D avec des détails et une anticipations de tous les paramètres très poussée, aboutissement d’années d’études et de recherches d’équipes d’ingénieurs, pour se donner l’illusion que le plus dur était fait. Non, il faut aussi que la réalisation sur place puisse suivre, et elle exige peut-être des compétence encore plus poussées : la nature, le terrain, ça ne pardonne pas, et ils sont incomplètement restitués à travers les logiciels. Le PCF doit renouer avec le monde du travail, loin des illusions technologistes L industrie, c’est en effet la grande question, le grand enjeu, auquel fait face notre pays. La France est-elle condamnée à être un pays parsemé de ronds-points et de centres commerciaux sans usine avec des « job à la con » (jobs qu’on retrouve dans ces même centres commerciaux) ? Doit-on condamner toute une génération à des métiers absurdes et dévalorisants, et devenir, comme le prédisait Condoleezza Rice, un grand parc d’attraction Dysneyland pour riches touristes du monde entier ? Doit-on pointer le problème de la désindustrialisation, juste durant les analyses de lendemain d’élections pour déplorer le vote massif pour le FN dans les territoires périphériques, ceux frappés le plus durement par la désindustrialisation, et l’oublier quelques semaines plus tard, jusqu’à la prochaine élection ? Un parti communiste, digne de ce nom, doit avoir ce sujet comme une des préoccupations centrales, au cœur de son projet. Cette question est souvent la grande oubliée de nos textes de congrès. Une fois tous les 2- 3 ans un colloque lui est consacré durant un WE au siège du PCF, et nous nous quittons en nous promettant de poursuivre le travail et d’y consacrer des campagnes de longues durées. Pourtant il n‘en est rien. Il y a bien des initiatives comme celle de la commission économique et tout le travail autour d’Alstom et maintenant autour de la SNCF et la reprise de sa dette, avec des pétitions et des démarches rassembleuses : mais ces initiatives devraient être démultipliées et avec des moyens et un soutien politique d’une toute autre ampleur. Il faut changer d’état d’esprit, renoncer aux utopies faciles, technologistes, et retrouver le chemin du dialogue avec les syndicalistes, les professionnels, osons même un « gros mot » : avec les experts de ces domaines. C’est un chemin plus difficile, mais c’est le seul valable si on veut que la gauche, notre parti en particulier, retrouve force et crédibilité. |
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![]() L’intelligence artificielle est le défi majeur posé à l’emploi humain 2 octobre 2017 / Tiffany Blandin Tiffany Blandin est journaliste indépendante. Elle collabore à Reporterre et vient de publier " Un monde sans travail ? " (Seuil-Reporterre) août 2017, 128 p, 12 €. L'intelligence artificielle est le défi majeur posé à l'emploi humain Le projet de modification du Code du travail affaiblit encore les droits des travailleurs. Or, explique l’auteure de cette tribune, les progrès phénoménaux de l’intelligence artificielle menacent les emplois de multiples secteurs d’activité. Cette situation devrait être au coeur du débat. Le monde du travail ne tourne pas rond. Ce constat s’est imposé à moi au fil de mes reportages, interviews et rencontres de ces dernières années. Je n’oublierai jamais cette journée à la Maison souffrance et travail 78 de Poissy (Yvelines). Postée dans le bureau d’une psychologue, j’ai écouté, des heures durant, des salariés victimes de harcèlement moral ou de burn-out se confier. Dévastés, ces hommes et ces femmes racontaient tous la même histoire : un management agressif, une volonté de bien faire, mais des objectifs de production inatteignables. En France, 480.000 professionnels souffrent à cause de leur travail. Et combien encore subissent sans rien dire une gestion de plus en plus tournée vers la performance, et acceptent de faire toujours plus, plus longtemps et plus vite… Quant aux jeunes, derniers arrivés sur le marché de l’emploi, ils se voient surtout proposer des contrats de stagiaire, d’autoentrepreneur, de pigiste et autres statuts précaires. En 2017, les employeurs peuvent tout se permettre, et les travailleurs n’osent plus rien refuser. Plus de 6 millions de chômeurs [1] sont prêts à prendre leur place. C’est dans ce contexte que s’inscrit la nouvelle réforme du Code du travail. Mise en place du CDI de projet, plafonnement des indemnités prud’homales ou encore généralisation des accords d’entreprises… Le plan du gouvernement, selon Édouard Philippe, est d’ « attaquer le chômage sous tous les angles : les réticences à l’embauche des patrons des petites et des très petites entreprises (…) mais aussi le coût du travail » . Comme si, pour réparer ce marché de l’emploi, il fallait rendre les travailleurs plus flexibles, et moins chers. L’humain ne sera jamais assez flexible, jamais assez bon marché, jamais assez performant Après une enquête d’un an sur les évolutions futures du travail, je m’interroge sur ces choix politiques. Pas seulement parce que la libéralisation du marché du travail, débutée dans les années 1970, n’a jamais permis d’endiguer la montée du chômage. Mais aussi parce que le gouvernement éclipse une partie du problème : la révolution technologique. Je ne parle pas du récent développement des plateformes en ligne qui créent des jobs de chauffeurs ou de livreurs. Le gouvernement a prévu d’améliorer le quotidien de ces travailleurs précaires avec son « plan indépendants » présenté le 5 septembre. Ce que les politiques semblent ignorer, c’est la prochaine vague d’innovations autour de l’intelligence artificielle. Des programmes intelligents sont actuellement testés dans les entreprises du monde entier. D’autres, plus évolués, sont en gestation dans les laboratoires des géants de la Silicon Valley. Depuis des décennies, l’informatique, la téléphonie mobile ou internet ont permis d’« augmenter » le travailleur. Aujourd’hui, les technologies numériques sont capables de le remplacer en partie. Or, face à des programmes qui fonctionnent 24 heures sur 24, jours fériés compris, sans jamais se fatiguer, l’humain ne sera jamais assez flexible, jamais assez bon marché, jamais assez performant. La perspective de la fin du travail peut faire sourire. Depuis les débuts de l’industrialisation, les hommes craignent de se faire voler leur gagne-pain par les machines. Dès 1675, des tisserands londoniens se rebellaient contre l’introduction d’appareils à produire des rubans. De nombreux penseurs ont théorisé cette question, comme Hannah Arendt, André Gorz ou Jeremy Rifkin. Or, la machine à vapeur et l’électricité n’ont jamais dévasté notre société, pas plus que l’informatique ou internet. C’est pour cette raison que beaucoup pensent que l’intelligence artificielle et ses applications ne sont pas une menace pour l’emploi et la société. Le travailleur a plus que jamais besoin d’être protégé Pourtant, des expertises comme celles de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou du cabinet de conseil McKinsey & Company ont démontré que l’automatisation des métiers sera rapide, et touchera tous les secteurs en même temps. Les conséquences pourraient en être dramatiques : chômage de masse, mais aussi explosion des jobs précaires et des inégalités sociales. L’étude de McKinsey parle ainsi de… 1,16 milliard d’emplois automatisables dans le monde. Ces derniers mois, des dirigeants de la Silicon Valley, dont Marc Zuckerberg ou Elon Musk, se sont déclarés en faveur de l’instauration d’un revenu universel, possible réponse à la crise de l’emploi future. Dernier exemple : l’administration de Barack Obama a publié en octobre 2016 un rapport sur l’intelligence artificielle, alertant sur la question de la disparition des emplois. Alors, pourquoi les dirigeants français font-ils comme si tout cela n’existait pas, alors qu’ils disent vouloir adapter le droit du travail aux réalités économiques ? Faut-il vraiment vider le Code du travail de sa substance, alors que le travailleur a plus que jamais besoin d’être protégé ? Ne devrait-on pas, au contraire, réfléchir à des mesures pour prévenir la flambée des inégalités ? [1] Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues, en France métropolitaine. |
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![]() Il ne relie pas explicitement la robotisation à la course au profit maximum dans la société capitaliste, mais oppose "les nouvelles technologies" à ceux qui "voudraient défendre leur métier" . Cependant il en dénonce les effets nocifs et nullement bienfaisants pour le travail humain, comme l'indique le chapitre 5 précédent. ___________________________ Les robots ne libèrent pas les humains du travail, au contraire 10 janvier 2018 / David Gaborieau David Gaborieau est sociologue du travail à l’université de Marne-la-Vallée. ![]() Contrairement à une idée reçue, l’automatisation ne libère pas les humains du travail, mais les asservit davantage. C’est ce qu’explique l’auteur de cette tribune, qui invite à une « critique sans concession des nouvelles technologies ». David Gaborieau est sociologue du travail à l’université de Marne-la-Vallée . ________________________________________ Avec les robots, les drones-livreurs, les exosquelettes et l’intelligence artificielle, on nous promet la fin du travail pénible, voire la fin du travail tout court. Non seulement cette promesse est illusoire, mais elle cache ce que produisent déjà les automates dans le présent : une intensification du travail. La communication du groupe Amazon est un parfait exemple : elle met en avant des machines souriantes alors que des milliers d’intérimaires s’épuisent pour livrer les courses de Noël. Rappelons une évidence trop souvent mise de côté : la robotisation s’inscrit dans le parfait prolongement d’un modèle industriel dont nous connaissons déjà les principes et les conséquences. Il se caractérise par un usage à outrance des ressources naturelles et humaines, ressources qu’il épuise à son profit. Et lorsque des machines sont perfectionnées, c’est bien pour augmenter la productivité des humains qui inévitablement travaillent autour. Malgré tout, l’automatisation est depuis longtemps présentée comme une forme de libération du travail humain. Andrew Ure, un des premiers penseurs de l’industrie, affirmait dès 1836 que « la plus parfaite manufacture est celle qui peut se passer du travail des mains » . En pleine époque des sweatshop [litt. « usine à sueur »] anglais, ces ateliers de misère de l’industrie textile qui brisaient les corps, la formulation était déjà osée. Intensification du travail et perte des savoir-faire Cette idée a fait un grand retour dans les années 1990, portée par un ouvrage célèbre dont le titre ne prévoyait ni plus ni moins que « la fin du travail ». Jeremy Rifkin y voyait les ouvriers disparaître sous ses yeux, remplacés par des machines. L’époque était à l’optimisme, les rapports de l’Union européenne annonçaient fièrement que « le taylorisme, c’est fini » [1]. Près de trente ans plus tard, un homme sur trois ayant un emploi est toujours ouvrier en France [2] et les emplois industriels que l’on dit « disparus » ont juste été déplacés dans des pays à bas coûts. La taylorisation peut même gagner du terrain, comme dans les centres d’appel, où les dialogues sont devenus répétitifs sous l’effet d’un logiciel qui guide les conversations. Et les caissières vous le diront toutes, rien de pire que la tâche consistant à surveiller en même temps six à dix caisses « automatiques ». ![]() Une usine japonaise de fabrication de chocolats. Malgré des échecs répétés, la prophétie de l’automatisation libératrice se renouvelle sans cesse. Une étude d’Oxford a récemment prédit que près d’un emploi états-unien sur deux était voué à disparaître d’ici vingt ans [3]. Moins alarmiste, l’OCDE estime tout de même que 9 % des emplois français présentent un « risque élevé d’automatisation » [4]. Si ces données ont de quoi faire peur, elles suscitent aussi certains espoirs. Une partie des défenseurs du revenu universel s’appuie ainsi sur l’argument d’un surplus de temps et d’argent, libéré par les machines, que nous pourrions redistribuer pour le bonheur de tous. Mais il existe un décalage considérable entre la façon dont on s’imagine l’automatisation et sa réalité concrète. Les ouvriers de l’automobile le savent bien, eux qui entendent depuis longtemps les promesses de qualification et d’autonomie tout en étant confrontés quotidiennement à l’intensification du travail et à la perte des savoir-faire. Les médias participent pleinement à cette confusion : les journaux télévisés montrent des bras automatisés sur des chaînes de montage mais en arrière-plan les maladies du geste répétitif explosent. Elles sont de plus en plus précoces, comme dans les entrepôts de la grande distribution ou ceux de la vente en ligne. Et pourtant, les ouvriers de la logistique travaillent désormais avec de l’informatique : ils ont des écrans tactiles accrochés au bras ou des casques audios pour recevoir les ordres d’une voix numérique, une sorte de taylorisme assisté par ordinateur. La menace de l’obsolescence devient courante et ruine toute possibilité d’expression Même lorsque la machine brise la santé, l’automate reste la solution miracle. Pour maintenir les cadences sans revoir l’organisation du travail, les industriels testent actuellement des exosquelettes et autres cobots, ces robots collaboratifs censés accompagner l’humain. Plutôt que de revoir l’organisation du travail, ils préfèrent pousser à son comble la logique techniciste en équipant le corps humain jugé trop faible d’un artefact mécanique. Face aux impasses sanitaires, ils brandissent également le rêve d’une usine sans ouvriers, mirage qui s’éloigne dès qu’on s’en approche. Soyons patients, la souffrance au travail pour partie engendrée par la technologie va disparaître d’elle-même… grâce à la technologie. De cette façon, les discours sur la robotisation détournent les regards d’un présent inquiétant vers un futur toujours réenchanté. Ce futur n’est pas tracé d’avance mais les discours sur le progrès technique ont déjà un lourd impact. Ils rendent invisibles des pans entiers de nos sociétés, ceux qu’on voudrait ne pas voir, en nous faisant croire qu’ils ont déjà disparu. Cet horizon robotisé permet aussi de signifier à tous ceux qui voudraient défendre leur métier qu’ils feraient mieux de rester silencieux s’ils ne veulent pas être remplacés par une machine. Dans les entretiens annuels, dans les négociations syndicales, la menace de l’obsolescence devient courante et ruine toute possibilité d’expression. Comment revendiquer des façons de bien faire le travail si l’on est voué à disparaitre ? Combattre ces prophéties malveillantes implique de ne pas se focaliser sur un avenir trop lointain mais de regarder ce qui, dans le présent, rend indispensable une critique sans concession des nouvelles technologies. Avant de craindre ou d’espérer la disparition du travail, essayons d’empêcher qu’il ne soit systématiquement dégradé au nom de la modernité productiviste. ________________________________________ [1] Dans le Livre vert de la Commission européenne, « Partenariat pour une nouvelle organisation du travail », 1997. [2] Selon l’Insee, Enquête emploi 2012. Parmi ces ouvriers, la moitié appartiennent désormais au secteur tertiaire (logistique, transport, restauration, nettoyage…). [3] Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, The future of employment, Université d’Oxford, 2013. [4] OCDE, Synthèses sur l’avenir du travail, « Automatisation et travail indépendant dans une économie numérique », 2016. Edité le 20-01-2018 à 22:15:56 par Xuan |
Xuan |
![]() Pour ne pas alourdir, et parce que ce n’est pas le fond du sujet, tous les graphiques ne figurent pas, ni les explications qu’on peut retrouver avec les définitions des variables à partir du lien Baisse des taux de profit et d’intérêt en France. Le texte contient une grande quantité d’abréviations et ça n’aide guère. De plus les barres de fraction apparaissent mal sur les graphiques, de sorte qu’il faut lire : VAB/E, Kc vol /E et VAB / Kr Je précise aussi qu’il existe d’autres thèses que celle de Patrick Castex et qu’on n’est pas obligé d’avaler tout ce qu’il écrit. Pour faciliter la compréhension quelques définitions : VAB est la Valeur Ajoutée Brute « La VAB est la valeur de la production moins celle des consommations intermédiaires nécessaires à cette dernière : c’est, au niveau macroéconomique, la « véritable production » brute du système productif qui permet de calculer le Produit intérieur brut, le PIB (aux impôts sur les produits, essentiellement la TVA, près). » [Patrick Castex] Sur le graphique VAB/E est la valeur ajoutée brute divisée par le nombre d’emploi soit la valeur ajoutée par salarié. Kc est la « composition technique du capital » C’est la proportion entre la masse des moyens de production employés et la quantité de travail nécessaire pour les mettre en œuvre. Kc/E est cette proportion ramenée à chaque salarié La composition organique du capital exprimée en valeur est le rapport entre la partie constante (la valeur des moyens de production) et la partie variable (la valeur de la force ouvrière, la somme des salaires). D’autres coefficients dont je n’ai pas affiché les courbes sont le prix relatif du capital qui dépend des taux d’intérêt, et la réévaluation du capital comptable qui intègre la spéculation boursière. Ils corrigent Kc pour obtenir Kr. Kr est la « productivité apparente du capital » Selon l’INSEE : La productivité « apparente du capital » ne tient compte que du seul facteur capital comme ressource mise en œuvre. Le terme « apparente » rappelle que la productivité dépend de l'ensemble des facteurs de production (travail et capital) et de la façon dont ils sont combinés. Elle est usuellement mesurée en rapportant la richesse créée au facteur capital - la richesse créée est mesurée par la valeur ajoutée (évaluée en volume) - seul est retenu le volume de capital mis en œuvre dans le processus de production, c'est-à-dire le capital fixe productif. » Il vient que la dernière courbe est le rapport VAB/Kr, c’est-à-dire la plus-value divisée par la composition technique du capital (corrigée par plusieurs taux). Lorsque Marx explique la baisse tendancielle du taux de profit, il prend : c le capital constant (moyens de production) v le capital variable (salaire) s le surtravail p’ le taux de profit résulte du calcul p’=s/(c+v) On voit que si le capital constant augmente le taux de profit diminue, à productivité égale. Le calcul de Patrick Castex est différent, puisque pour l’INSEE les salaires résultent du « partage de la valeur ajoutée » et n’apparaissent pas dans le calcul, mais il fait quand même apparaître le rapport de la valeur ajoutée divisée par le capital constant. Ci-dessous la définition de Marx qu’on peut retrouver intégralement ici : « Le salaire et la journée de travail étant donnés, un capital variable déterminé, un capital de 100 par exemple, correspond à l'emploi d'un nombre déterminé d'ouvriers et est la caractéristique de ce nombre. Supposons que le salaire de 100 ouvriers soit de 100 £ pendant une semaine; si ces ouvriers fournissent autant de surtravail que de travail (c'est-à-dire s'ils travaillent une moitié du temps pour reproduire leur salaire et l'autre moitié pour créer de la plus-value pour le capitaliste), ils produiront une valeur de 200 £, comprenant 100 £ de plus-value. Le taux de la plus-value sera donc de 100 % et il donnera lieu, ainsi que nous l'avons vu, à des taux de profit p' très différents, suivant l'importance du capital constant c et du capital total C, car le taux du profit est exprimé par pl / C. Si c = 50 v = 100; p’ = 100/150 = 66 % Si c = 100 et v = 100; p’ = 100/200 = 50 % Si c = 200 et v = 100; p’ = 100/300 = 33 % Si c = 300 et v = 100; p’ = 100/400 = 25 % Si c = 400 et v = 100; p’ = 100/500 = 20 % Un même taux de plus-value, avec un même degré d'exploitation du travail, donne lieu à un taux de profit allant en décroissant, lorsque la valeur du capital constant et par conséquent la valeur du capital total vont en augmentant. » [K. Marx : Le Capital - Livre III - Le procès d'ensemble de la production capitaliste -§ 3 : Loi tendancielle de la baisse du taux de profit - Chapître XIII : La loi en elle-même] Edité le 06-02-2016 à 11:08:53 par Xuan |
Xuan |
Xuan |
![]() 8 - La valeur du travail gratuit « il y a conflit entre l'usage capitaliste et l'usage "communiste" des nouvelles technologies de l’information, comme l'a bien vu Bill Gates, adversaire implacable des "logiciels libres" ! Il y a conflit antagonique entre le "traitement" capitaliste de l'information selon la logique de la rentabilité, de l'évaluation marchande, et l'essor des services collectifs de formation de l'humain (éducation, recherche, culture, communication, urbanisme, santé, protection sociale), de développement des individus, de création, de coopération. » [ interview de Jean Lojkine sur Mediapart] La gratuité des logiciels libres s’arrête malgré tout à l’estomac. Comme toute activité bénévole elle ne peut se développer que dans la mesure où les besoins indispensables sont déjà satisfaits. Mais outre le fait qu’elle ne peut concerner qu’une fraction de la population, parmi les couches déjà nanties, son poids dans les rapports sociaux de production est nul. D’autre part il est faux d’affirmer qu’à l’opposé de la gratuité les capitalistes veulent vendre l’information le plus cher possible, ceci dépend de leur position monopoliste ou concurrentielle à l’échelle mondiale, et de la saturation du marché. Chacun des aspects vus précédemment, qu’il s’agisse du code-source, du progiciel, de son application, de la création d’un blog ou du renseignement des données dans un formulaire peut résulter d’un travail gratuit, réduit par conséquent à sa valeur d’usage. Le travail réalisé possède alors la même valeur d’échange qu’une création tombée dans le domaine public, c’est-à-dire rien. Que ce travail gratuit soit partagé ou non, qu’il soit répandu aux quatre coins de la terre ou qu’il dorme sur une cassette ou un CD ne change rien au fait qu’il ne participe pas davantage de la production et des rapports sociaux de production que la culture d’un potager ou la passion du philatéliste. Il s’agit ici du travail individuel et improductif de l’amateur, et non de l’achat du PC, des semences ou des timbres, qui à l’inverse réalise la plus-value de ces différentes marchandises et la transforme en argent. Mais l’achat et la vente, c’est-à-dire les rapports marchands ont précédé le capitalisme et ne prendront pas fin avec lui. N’importe forme numérique peut être vendue et comporter une valeur d’échange. Dans ce cas le partage ne concerne que l’aspect gratuit considéré, même s’il est « étendu à toute l’humanité ». A supposer que la part commercialisée soit infinitésimale, dans le but de toucher la clientèle la plus large, considérer que ce mouvement tend vers la gratuité ignore que le gain dérisoire multiplié par des milliards de clients devient à terme une somme colossale. Supposons qu’un logiciel libre soit utilisé gratuitement par un programmeur, rien ne l’empêche d’en commercialiser des applications spécifiques destinées à des particuliers ou à des industriels. Dans ce cas il vendra à la manière d’un artisan le produit de son travail, additionné à l’usure de sa machine et à la péremption des systèmes d’exploitation qu’il a dû acheter par ailleurs. Et par la même occasion prend fin l’aventure gratuite et la liberté du logiciel partagé, lesquels ne s’opposent pas davantage au capitalisme que le vol à l’étalage. |
Xuan |
![]() 7 - Partage des informations bien ordonné … Boccara écrit : « Au plan économique, ce qui est bouleversé avec le passage de la révolution industrielle fondée sur la machine-outil à la révolution informationnelle, c'est que la première est liée à l'échange, au marché, alors que l'autre implique des partages jusqu'à l'échelle de toute l'humanité. Une machine-outil est ici ou elle est ailleurs, dans un unique endroit. Ce qui est l'une des bases de la propriété privée capitaliste. Mais une information, vous la donnez et vous la gardez encore. Elle peut être partagée indéfiniment, jusqu'à l'échelle de toute l'humanité. Ce serait une des bases d'une société future possible de partage, que l'on pourrait aussi appeler société communiste de liberté de chacun » . Dans le cadre de l’entreprise, l’information ne sort pas de l’intranet et elle est maîtrisée par la direction de l’entreprise. En ce qui concerne le réseau spécifique au procès de production, il relève du secret de fabrication et ne risque pas d’être partagé gratuitement aux confins de la planète. L’esprit de corporation chez certaines catégories intermédiaires de salariés fait aussi que les logiciels ne sont pas plus accessibles aux ouvriers que le magasin d’outillage. Boccara ajoute : « Déjà, on ne vend pas, on n'achète pas à l'intérieur d'une multinationale, mais on y partage, par exemple les coûts de recherche. » Il est fréquent qu’une grande entreprise se subdivise en entités, leur vend une matière première et leur rachète le produit fini ou semi-fini, afin d’optimiser ses plus-values ou d’échapper à une fiscalité plus contraignante. S’il faut partager les coûts de recherche, la solution consiste à supprimer les services R&D pour n’en conserver qu’un seul. « Avec la révolution informationnelle … C'est aussi la possibilité de traitement nouveau de tout ce qui est information, pas seulement des écrits, et notamment le fait que chacun peut, en principe, intervenir sur ces informations. Cela pourrait s'opposer à la scission entre lecteurs et auteurs, avec l'imprimerie qui a accompagné la révolution industrielle. » [id.] Là encore, et à l’image du règlement intérieur, l’intranet des entreprises n’est pas destiné à remettre en cause le pouvoir dictatorial de la classe capitaliste. Plus encore, la liberté d’expression sur les réseaux sociaux s’arrête aux rapports de domination de classe, les exemples de licenciement qui l’illustrent ne manquent pas. A l’inverse les possibilités de communication et de réécriture ont largement été mises à profit par le secteur financier dans le cadre des chambres de compensation. Les nouvelles technologies dans ce cas n’augmentent pas la productivité mais accélèrent le cycle de rotation du capital. Denis Robert raconte avec force détails à propos de l’affaire Clearstream comment la révolution informationnelle a permis de transférer virtuellement les capitaux à grande vitesse (la compensation financière réelle étant réalisée a posteriori), comment la manipulation des bases de données permet d’occulter des opérations, des noms ou des destinations dans l’ensemble du trafic, d’en effacer les traces pour les enquêteurs, voire d’ajouter des opérations fictives, comme dans le cas des faux listings. Sur les chambres de compensation, voir la série de vidéos l’affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo . Elles sont d’inspiration réformiste mais très instructives. Edité le 17-05-2013 à 23:56:25 par Xuan |
Xuan |
![]() 6 - L’emploi et la formation Le parcours de la suppression de poste passe généralement par la case Word-Excel, c’est une bonne occasion pour les entreprises formatrice de tondre la laine sur le dos des licenciés et pour ces derniers de perdre du temps. Selon M. G. Buffet dans ses propositions pour l’emploi, mises en ligne le 22 janvier 2007, « Il est possible, en utilisant autrement les nouvelles technologies, d’aller vers la disparition du chômage et de la précarité en conciliant sécurité et mobilité. » C’est-à-dire dans les «parcours professionnels, à l’opposé de la précarisation. » de combler les périodes de chômage par des périodes de formation à de nouveaux emplois. Lors des transformations technologiques liées à l’automatisation et à la conduite informatisée des installations, les capitalistes ont exigé un niveau d’instruction très supérieur pour l’embauche des ouvriers. Tandis qu’un ouvrier bachelier en 1970 était considéré comme un martien, il lui fallait un bac technique voire un BTS en 2000. Mais suite à la dégradation des grilles de classification dans les années 90 et au blocage des salaires, l’ouvrier doté d’un bac ou d’un BTS n’a pas été payé plus cher que son aîné 20 ans plus tôt. Aujourd’hui il s’avère que les opérations réalisées par ces ouvriers diplômés ne sont pas plus compliquées qu’autrefois. Au contraire, l’aide à la conduite sur écran et la multiplication des modes opératoires aboutit à simplifier son apprentissage, rendant caduc tout le savoir pratique emmagasiné par les anciens. Le surplus de formation n’aboutit donc qu’à garantir au capitaliste une polyvalence sur tous les postes de travail. Tandis que dans le passé les ouvriers pouvaient monnayer chaque changement de poste. Il en résulte que si la formation scolaire ou extrascolaire peut sembler à chaque ouvrier pris isolément une porte de sortie vers une qualification ou une garantie d’emploi, en réalité le système capitaliste fait de cette formation un moyen de pression supplémentaire sur l’ensemble des salaires et des qualifications et lui assure une polyvalence quasi gratuite. Concernant la formation des ouvriers dans le système capitaliste, Marx notait ceci : « …faire apprendre à chaque ouvrier le plus de branches de travail possibles de façon que s'il est évincé d'une branche par l'emploi d'une nouvelle machine ou par une modification dans la division du travail, il puisse se caser ailleurs le plus facilement possible. Supposons que ce soit possible: La conséquence en serait que, lorsqu'il y aurait excédent de bras dans une branche de travail, cet excédent se produirait aussitôt dans toutes les autres branches de la production, et que la diminution du salaire dans une branche entraînerait encore plus fortement qu'auparavant une diminution générale immédiate. » [travail salarié et capital] La formation des salariés ne constitue donc absolument pas un viatique pour « un meilleur emploi, avec une garantie de droits et de revenus relevés » comme le prétendait M.G.B. [ la question de l’emploi dans arracher la classe ouvrière au révisionnisme moderne] |