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![]() Sur Libération : Chez les saisonniers, chômeurs et retraités concurrencent les étudiants 9 août 2012 à 12:16 Un serveur, travailleur saisonnier, débarrasse une table à Deauville (AFP) Loin de l'image d'Epinal de l'étudiant qui vend des gaufres sur la plage ou ramasse des fruits pour financer ses vacances, chômeurs et retraités sont de plus en plus nombreux à rejoindre les bataillons de travailleurs saisonniers, symptôme d'une précarité grandissante. On dénombrerait, selon les syndicats, entre 1,2 et 2 millions de saisonniers en France, majoritairement dans l'agriculture et l'hôtellerie-restauration, plus encore si on ajoute les emplois induits dans les zones touristiques (distribution, services...). "Depuis que le taux de chômage est très fort, on a vu apparaître des seniors, absents jusqu'ici, pour qui ces contrats temporaires tendent à devenir des emplois à part entière" , observe Antoine Fatigat, responsable CGT en Rhône-Alpes, première région recruteuse devant l'Aquitaine, où ce nouveau phénomène pose des problèmes en termes de logement, mais aussi de scolarisation pour les enfants de ces travailleurs itinérants. "Les seniors connaissent mieux leurs droits mais ont davantage besoin d'argent, donc ils acceptent des conditions parfois indécentes" , poursuit M. Fatigat, chargé des saisonniers depuis la fin des années 1970, citant le cas d'un couple malmené et sous-payé dans une supérette de Valloire (Savoie), "qui avait besoin de ce travail pour survivre" . Notant un attentisme plus grand chez les hôteliers-restaurateurs, qui embauchent à la dernière minute en fonction de la météo et de l'affluence, Hervé Garnier, chargé du dossier à la CFDT, relève que ces emplois deviennent du coup "moins attrayants pour les étudiants qui cherchent quelque chose d'acceptable dès le mois d'avril" , mais intéressent "les salariés privés d'emploi, souvent en fin de droits" . "On sent désormais une concurrence entre les jeunes et les plus anciens, alors que c'est la précarité par excellence!" , renchérit Sabine Génisson, qui a sillonné la France en juillet à la rencontre de ces travailleurs pour la CGT. Des retraités qui "cherchent n'importe quoi" Confronté à un afflux de chômeurs (4,395 millions en juin en incluant ceux exerçant une activité réduite), Pôle emploi s'est engouffré dans la brèche. "Nous proposons aux seniors des emplois saisonniers pour leur permettre d'avoir des activités régulières" , explique Frédéric Tacchino, directeur territorial délégué dans le Vaucluse. L'opérateur public cite ainsi l'exemple d'une chômeuse de 53 ans qui enchaîne des contrats de femmes de chambre ou de vendeuse, "des petits jobs qui redonnent confiance" . Pour les vendanges, annoncées tardives cette année, "les seniors et jeunes retraités représenteront une majorité" , prédit ainsi Jean-Yves Montange, conseiller Pôle emploi en Rhône-Alpes. " Il y a maintenant une frange importante de saisonniers fidèles, plus âgés. Ce sont des gens qui n'ont plus de travail permanent, ils tournent chez les exploitants et travaillent une grande partie de l'année" , confirme Claude Aurias, président de la Chambre d'agriculture de la Drôme. Son confrère Frédéric Bonnard, producteur de cerises dans le Rhône, a lui aussi recruté cet été seulement deux étudiants, contre trois personnes "venues sur leurs vacances" et six Polonais, les étrangers étant traditionnellement nombreux parmi les saisonniers agricoles. "C'est pas pour rigoler que ces gens viennent ramasser des fruits, c'est qu'ils ont besoin d'argent" , souligne l'agriculteur. Même constat sur le Bassin d'Arcachon. Jean-Marie Estève, membre de la CFDT de la Gironde, décrit ainsi des retraités qui " cherchent n'importe quoi: à ramasser des légumes, travailler dans les vendanges ou encore faire la vaisselle dans les restaurants" ... |
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![]() SUREXPLOITATION PATRONALE SUR LES JOBS D'ETE Sur BFMTV (vidéo sur le lien) : Jobs d'été : quand le CDI devient plus précaire que le CDD Kelly Laffin et Caroline Boisson Pour les emplois temporaires comme les jobs d'été, les contrats à durée indéterminées sont de plus en plus imposés par les employeurs aux salariés. En les remerciant à la fin de la période d'essai, ils échappent à la prime de précarité obligatoire à la fin d'un CDD. Renoncer à la prime de précarité Embaucher quasi exclusivement en CDI est un phénomène qui touche particulièrement la restauration et l'habillement. C’est par exemple le choix de Mc Donald qui l'affiche fièrement. Il s’agit d’une aubaine pour les salariés longue durée, mais pour les autres, souvent étudiants, ils devront renoncer à leur prime de précarité sans le savoir. Rien d'illégal si le salarié démissionne. En revanche, le remercier volontairement avant la fin de la période d'essai est une fraude punie par la loi. Mais ces salariés estiment que cet abus reste difficile à prouver. La plupart des victimes se découragent avant même de poursuivre leur employeur. Source : J. Tourtaux |
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![]() TOURISME : 1,2 A 2 MILLIONS DE TRAVAILLEURS SAISONNIERS ARCHI EXPLOITES PARCE QU'ILS NE CONNAISSENT PAS LEURS DROITS LEGITIMES NB : cet article est publié pour les infos sur la situation réelle des saisonniers, et non pour l'ambiance catho qui l'emballe ou la tarte à la crème de la "sécurisation des parcours professionnels" . Outre le fait que derrière cet objectif se profile le transformation du syndicat en organisme de placement et de formation, on peut lire sur ce sujet la question de l'emploi. Deux millions de saisonniers dans l’angle mort du Code du travail Par Laurène Perrussel-Morin - 24 juillet 2012 Chaque été, on compte entre 1,2 et 2 millions de saisonniers qui permettent à l’économie touristique française de se développer, souvent au détriment de leurs droits . ![]() Vendeurs de beignets, employés de l’hôtellerie ou cueilleurs de fruits : l’été, une armée d’employés précaires déferle dans les régions touristiques ou agricoles. On dénombre entre 1,2 et 2 millions de ces saisonniers, qui déclarent pour 65 % d’entre eux ne pas connaître le Code du travail. Pour la Communauté économique européenne (CEE), le travail saisonnier désigne « un travail qui dépend du rythme des saisons et se répète chaque année » [1]. Mais le flou juridique qui entoure des emplois favorise le travail au noir et les manquements au règlement. Pour informer ces travailleurs, qui espèrent obtenir un salaire conséquent en une saison souvent au mépris de leurs droits, la CGT sillonne la France à bord d’une « caravane des saisonniers » , du 6 au 18 juillet. Le contact a également été établi avec les vacanciers et les employeurs, qui s’avouent parfois ignorants de la juridiction. Des actions plus originales voient le jour, afin d’informer de manière ludique un public de vacanciers. La troupe des Z’en trop, composée de saisonniers, joue ainsi une pièce intitulée « Comment ils ont inventé le chômage » . Richard Dethyre, qui a écrit la pièce, donne une scène pour exemple : « On montre qu’à Pôle Emploi, les habits qui sont offerts sont trop étroits. Le Z’en Trop poète compte alors les chiffres réels du chômage et arrive à 8,5 millions de chômeurs. » La moitié du salaire part en fumée Sabine Génisson, membre de la CGT et passagère de la caravane, explique : « 8% des employeurs seulement logent les saisonniers, et pas forcément dans des conditions enviables. J’ai recueilli le témoignage d’un jeune sans contrat qui était logé dans un hangar. » . Les saisonniers, souvent jeunes, peinent à se loger lorsque l’emploi n’est pas à proximité de chez eux. Une enquête réalisée durant l’été 2007 par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) révèle ainsi qu’un tiers des saisonniers vit de manière précaire dans des campings, peu adaptés au repos nécessaire après une journée de travail. Selon Richard Dethyre, les saisonniers consacreraient en moyenne 56 % de leur salaire à se loger. Le salaire n’est pas forcément adapté à ces conditions de travail. Les heures supplémentaires ne sont pas payées dans 25% des cas selon les chiffres de la CGT. Pierre, étudiant en licence qui a fait la récolte des framboises cet été pour financer ses vacances, raconte : « Je devais en théorie travailler de 6 heures à midi, mais en pratique, je pouvais travailler jusqu’à 16 heures. J’étais payé à la barquette : 40 centimes pour 250 grammes. Être saisonnier, c’est travailler plus pour gagner autant… » D’autant plus que les saisonniers, payés au SMIC lorsque ce n’est pas à la tâche ou au kilogramme, ne bénéficient pas de la prime de précarité à laquelle ont droit les CDD classiques. ![]() Photo : Alain Wibert (CC) « Ni la même histoire, ni le même parcours professionnel ou social » Alors que l’image du saisonnier toujours bronzé, sur la plage l’été et sur les pistes de ski en hiver est trompeuse, peu parviennent à conserver leur emploi d’une année sur l’autre. Richard Dethyre co-animateur du deuxième Forum social des saisonniers [2], milite pour une clause de reconduction des contrats « qui sécuriserait et professionnaliserait les saisonniers. Cela leur permettrait de ne pas être comme aujourd’hui la variable d’ajustement en toutes circonstances. » Il ajoute : « Les saisonniers ne sont pas une population homogène. Tous n’ont ni la même histoire, ni le même parcours professionnel ou social. Moins de saisonniers sont embauchés, plus ont des difficultés sociales. Cela pose la question de la sécurisation des parcours professionnels. » . Les étudiants, qui travaillent de plus en plus pour se payer leurs études, côtoient des travailleurs précaires. Pierre raconte ainsi avoir travaillé à la fois avec des femmes de 55 et 64 ans et avec des jeunes de moins de 20 ans. Le travail saisonnier donne lieu à une véritable mise en concurrence de la précarité. Corinne Helliot, chargée de mission pour Alatras [3] explique : « En été, il s’agit souvent de non-professionnels, qui côtoient des personnes dans la précarité et des personnes installées sur ces territoires. Ces dernières, poussées à la pluriactivité, vont s’installer peu à peu dans leurs emplois. » Sabine Génisson ajoute : « Désormais, les étudiants font cela pour vivre. Ils travaillent avec des seniors qui doivent retrouver un emploi avant la retraite, et avec des retraités qui ont des salaires trop peu élevés. Beaucoup de femmes sont également contraintes au travail saisonnier. » Pour Richard Dethyre, le travail saisonnier est emblématique d’une précarisation plus large du travail. Alors que 77% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de la JOC affirment que le travail saisonnier n’a pas été un choix, la question de la saisonnalité subie se pose. Il convient de réviser les clichés qui entourent les travailleurs de l’ombre sur nos plages et dans nos bars à l’aune de cette réalité. Nota Bene : [1] Règlement CEE, n° 1408/71 du Conseil, 14 juin 1971 [2] Deuxième Forum social des saisonniers, à Aubagne du 30 novembre au 2 décembre.http://www.forumsocialsaisonniers.com [3] http://www.alatras.fr. Association nationale des Lieux d’accueil des TRAvailleurs Saisonniers. Elle organise les treizièmes rencontres nationales de la saionnalité et de la pluriactivité les 27 et 28 septembre à Bordeaux et Biscarrosse. Sources : Patrice BARDET Politis |
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![]() LA CARAVANE DES SAISONNIERS CGT : UNE ETAPE VENDEENNE TOUTE EN COULEURS Vendée. Alerter sur la précarité des saisonniers Hier, des membres de la CGT étaient installés quai des Greniers pour dénoncer la situation précaire des employés saisonniers et rappeler leurs droits. ![]() Ils sont jeunes, exercent des métiers pénibles et sont souvent payés au Smic. Ce sont les saisonniers. Si le tourisme est un moteur de la croissance pour le département, ces employés sont certainement les rouages qui le font fonctionner. Hier, les membres de la CGT ont distribué des tracts dans la rue piétonne, sur le marché et le remblai. Ils sont allés à la rencontre des gens pour les alerter sur la précarité de ces emplois que l'on connaît mal. Les saisonniers vendéens En France, ils sont deux millions à travailler en tant que saisonniers. Des contrats à durée déterminée présents dans l'agro-alimentaire, le tourisme ou la grande distribution. Selon la CGT, la Vendée est le département qui recourt le plus à l'emploi saisonnier. C'est aussi le deuxième à accueillir le plus de touristes. « En 2012, en Vendée, sur 20 300 intentions d'embauches 57,6 % sont des emplois saisonniers » , explique Nicolas Rouger, secrétaire général de l'union départementale CGT Vendée. Des postes répartis principalement dans le secteur des services, de l'agriculture, de l'industrie agro-alimentaire et du commerce. Un nouveau profil Le syndicat va à la rencontre des jeunes à la sortie des universités et des lycées, mais pas seulement. L'emploi saisonnier concerne aussi les personnes au chômage ou les intérimaires. « Jusqu'à il y a deux ou trois ans, les saisonniers étaient surtout des jeunes. Aujourd'hui on propose aussi ce genre de contrat aux seniors. » Des abus dans les entreprises La CGT souhaite dénoncer les abus des patrons. « Certains travailleurs n'ont pas de contrat ou effectuent des heures supplémentaires non rémunérées. » Face à ces situations, la CGT rappelle l'existence d'un code du travail et de conventions. « On peut être employé précaire et avoir des droits quand même. » Les solutions proposées Pour améliorer ces conditions de travail, la Confédération propose diverses solutions. « Nous souhaitons que les saisonniers puissent bénéficier d'un contrat spécifique à durée indéterminé. » Les saisonniers auraient le droit à un emploi maintenu tout au long de l'année, en CDI. Le syndicat veut aussi mettre en place une protection sociale avec des droits à la retraite et définir juridiquement la notion de saisonnalité, jugée trop floue. Nicolas Rouger souligne des avancées qui ont déjà été réalisées dans ce secteur. Le problème du logement pour les saisonniers par exemple. Aux Sables-d'Olonnes, les dortoirs du lycée professionnel Éric-Tabarly accueillent les saisonniers pendant l'été. Une réalisation qui permet d'améliorer un peu plus les conditions de travail de ces employés. Sources : La CGT Arrivé ouest-france.fr J. Tourtaux |
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![]() On ajoutera au chapitre de la précarité la dépendance aux intempéries, par exemple l'épisode de grêle du 10 juillet dans la vallée de la Drôme a entraîné le licenciement de tous les ouvriers agricoles dans les vergers. ![]() C’est l’été, la saison des vacances... et des légumes plein champ. Une saison particulière pour un bon nombre d’ouvriers ou de salariés saisonniers. Ils seront les invisibles des vacances. Voici ce qu’ils peuvent raconter de leur vie et de leurs luttes. Les règles du droit du travail ne sont pas respectées. Et ce qui est toléré pour un nombre si important d’ouvriers montre la voie de qui est prévu pour la classe dans son ensemble dans les années à venir. Continuons notre enquête sur la connaissance de la classe ouvrière… Partisan : Parle-nous des travailleurs saisonniers. Narbonnais : On travaille dans le monde agricole où nous sommes employés pendant les récoltes et les vendanges, aussi dans le tourisme où nous servons à faire face à l’arrivée de clients. Nous sommes barman, serveurs (ses), animateurs (trices) ou nous entretenons les remontées mécaniques des stations de ski. Le tourisme est en France une source de richesse et on parle de 145 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Ce n’est pas moi qui le dit mais Joël Giraud, député des Hautes- Alpes, que « sans les saisonniers notre pays ne serait pas la destination touristique la plus attractive au monde ». Dans la région PACA, les saisonniers occupent presque un emploi touristique sur 4. Une proportion qui augmente à 1 sur 3 dans la région Midi-Pyrénées. Le droit de travail ? les patrons, la plupart du temps, s’assoient dessus. Les conditions de vie sont très dures, et la précarité c’est le principe même de ce genre de boulot. Partisan : Etes-vous nombreux ? Narbonnais : Bien sûr, plus que l’on croit. 420 000 dans le seul secteur du tourisme, 850 000 occupent chaque année un emploi saisonnier dans l’agriculture. On peut dire que plus de un million de personnes travaillent chaque année comme saisonniers, tous secteurs confondus. Partisan : Y a-t-il beaucoup de jeunes parmi les saisonniers ? Narbonnais : Oui. 65% des saisonniers d’été et 51% des saisonniers d’hiver ont moins de 25 ans. Les jeunes à la recherche d’un premier emploi représentent 60% des travailleurs saisonniers du tourisme. Partisan : Parles nous de la situation des saisonniers dans l’agriculture. Narbonnais : Je sais que 140 000 exploitations font travailler chaque année 1 100 000 salariés (arboriculture, maraîchage, horticulture, polyculture, pépinières, élevage). Parmi ceux-ci quelques 70% occupent un emploi saisonnier à temps complet ou partiel. 60% du travail en maraîchages, horticultures et pour la production de fruits sont réalisés par les saisonniers. La moitié des contrats de l’agriculture sont inférieurs à 20 jours et un tiers dépasse deux mois. Certes il y a de moins en moins de structures agricoles, mais celles qui subsistent augmentent en surface. Les effectifs stables des grandes exploitations diminuent, tandis que le nombre des saisonniers croît. De 1998 à 2004, ils sont 20% de plus. Sur la même période, la tendance des gros exploitants agricoles à fractionner les contrats saisonniers (par tâches plutôt que pour l’ensemble de la saison) fait croître mécaniquement le nombre de saisonniers. Partisan : Quelle est la place des travailleurs immigrés ? Narbonnais : les saisonniers immigrés constituent un total de 10 000 à 15 000 personnes employées à contrat à durée déterminée de 4 à 6 mois. Ces ouvriers ont l’autorisation de travail en France délivrée par l’Office de l’immigration internationale, mais personnellement j’ai rencontré beaucoup de gars sans papiers qui travaillent dans l’agriculture. Les ouvriers agricoles sont connus pour être « les plus pauvres d’entre les pauvres », surtout lorsque l’on est étranger. Partisan : Le poids et l’importance des travailleurs saisonniers est donc bien différents de ce que les clichés nous donnent d’eux. Narbonnais : Je suis content que tu parles de ça. L’image du saisonnier, c’est celui qui vient s’éclater en station, en camion, les cheveux longs. C’est un cliché accolé aux saisonniers. « En plus ils viennent avec leurs camions, ça pollue visuellement, ils amènent leurs produits, ils débauchent nos bons jeunes … ». Lorsque l’on parle des saisonniers avec les patrons, ils ne parlent que de la multiplication des faits délictueux, de celui qui fait du bruit, qui s’enivre, qui passe son temps en discothèque… » Les saisonniers sont le dénominateurs commun que l’on a trouvé pour les nuisances. Mais je t’ai parlé de l’importance de ce genre de travail dans l’économie du pays et je peux te dire que les saisonniers sont bien loin de ces clichés. Partisan : les contrats saisonniers ont été donc généralisés dans un grand nombre de professions. Narbonnais : oui ; tu as raison. Partisan : quels sont les raisons de cette évolution ? Narbonnais : Les contrats saisonniers sont très juteux pour les patrons : pas de prime de précarité, rarement une clause de reprise pour la saison suivante, ce contrat peut être soumis à des dérogations pour les périodes de référence pour le décompte des heures supplémentaires et des repos compensatoires, à la condition toutefois qu’une convention ou un accord collectif étendu le prévoit. En outre, les possibilités de s’organiser et de revendiquer quoi que ce soit est très difficile. En effet, sans compter le fait que parfois on travaille 18 heures par jour, on est fatigués pour en plus tenter de discuter avec les copains. En fait, les saisonniers hésitent trop souvent à avancer leurs revendications car ils ont peur de voir leur patron les mettre à la porte ou ne pas les embaucher l’année suivante. Il y en a qui ne vont pas hésiter à te mettre dehors s’il y a quelque chose qui ne va pas, parce qu’il y a derrière la porte 50 qui attendent. Je connais un restau où pendant l’été il y a eu 54 employés différents. Comme ça les patrons pensent qu’ils ont affaire à des moutons. Mais peut être me donnes-tu l’occasion de dire que nous ne sommes pas aussi silencieux et dociles qu’on le pense et on arrive de temps en temps à arracher quelque chose. Partisan : Parle-nous des problèmes de logement que vous rencontrez ? Narbonnais : Le problème commence par les difficultés de trouver un logement. De plus en plus, les patrons t’embauchent si tu justifies d’avoir un logement. L’accès au logement pour les saisonniers est souvent difficile à cause des bas revenus et des cautions. Le prix des loyers est souvent trop élevé dans les stations en bord de mer ou en montagne ; imagine 600 euros par semaine pour un studio. Les copains se regroupent en colocation à 4 dans un studio de 20 m2. Pour ceux qui ne trouvent pas, la solution est de monter des tentes sur les plages en été ou vivre et dormir dans les camions en hiver. Sur place, surtout dans les stations de ski, les municipalités sont de plus en plus hostiles au camping des saisonniers. Les gendarmes, sous prétexte de lutter contre la drogue, nous harcèlent souvent. Partisan : Est-ce que les travailleurs saisonniers sont déclarés ou pas ? Narbonnais : Autant que je sache et vu mon expérience personnelle, les travailleurs saisonniers sont souvent déclarés mais parfois ils n’ont pas de contrat de travail en main, c’est pourquoi une partie des heures leur est payée au noir (en général la moitié). Tu peux imaginer ce qu’on perd dans ces conditions pour le chômage, la retraite, etc.… Partisan : Combien gagnez-vous ? Narbonnais : Normalement on est payés à l’heure et on est donc payés systématiquement au SMIC. Mais il y a des copains qui sont payés à la tâche, suivant le travail. Ils sont mieux payés. Il y en a qui sont payés au forfait, quel que soit leur volume horaire journalier. Pour ceux qui sont au forfait, si en début de saison être payé au forfait est arrangeant, il s’avère vite dommageable par la suite car les heures de travail augmentent et toujours pour le même prix, dans la restauration par exemple. Partisan : Alors y a-t-il des heures supplémentaires ? Narbonnais : Les saisonniers font beaucoup d’heures supplémentaires. Je connaissais quelqu’un qui en faisait jusqu’à 60 heures par semaine. J’ai entendu l’histoire d’un cuisinier embauché dans un camping qui a travaillé 200 heures pour le seul mois de juillet. Les patrons ne payent pas toujours les heures supplémentaires en tant que telles. Ils prolongent parfois un contrat dont la durée se voit augmentée en fonction du nombre d’heurs supplémentaires effectuées dans la saison. Comme ça les employeurs payent les heures supplémentaires au taux des heurs normales. Il y a aussi les saisonniers dont les heures supplémentaires ne sont pas du tout payées. Partisan : Parle-nous un peu des risques dans le travail ? Narbonnais : Les accidents de travail existent partout notamment dans l’agriculture. Les saisonniers ont le sentiment d’être particulièrement exposés aux risques. On voit parfois des personnes habillées comme des cosmonautes qui appliquent des fongicides et des pesticides dans les champs à coté de ceux où ils travaillent. Alors qu’il y a un arrêté de 2006 qui fixe un délai de réentrée dans les champs après l’application des produits (soit 6 heures minimum pour les produits les moins nocifs, 24 heures pour les produits irritant pour les yeux ou pour la peau, 48 heures si ces produits provoquent une sensibilisation par inhalation ou contacts avec la peau). Partisan : Les saisonniers ont donc des problèmes de santé ? Narbonnais : Evidement. Rares sont les visites médicales d’embauche. Les saisonniers sont souvent très fatigués par les conditions de travail, de vie. Ils naviguent entre fatigue, stress et souvent manque de sommeil. Ils hésitent à consulter un médecin à cause du coût de la consultation et par manque de temps. Les horaires d’accueil sont inadaptés, et maintenant beaucoup de dépassements d’honoraires. La CMU n’est pas toujours acceptée quand on est hors département. Partisan : La santé passe aussi par une bonne alimentation ? Narbonnais : Les saisonniers qui n’ont pas de famille sur place ont une mauvaise alimentation. Ils sont généralement trop fatigués pour aller faire les courses, en plus ils n’ont pas les moyens nécessaires pour faire la cuisine et les produits sont chers en station. Un repas par jour, pas très équilibré. Les saisonniers dans la restauration mangent mieux car ils peuvent manger sur place. Mais là aussi les repas sont pris très rapidement et sans grand souci d’équilibre. Partisan : Et du coté cœur ? Narbonnais : Pour la vie affective ou de famille, les saisonniers sont souvent en difficulté. Il y en a qui travaillent en couple. Continuer une relation amoureuse durant la saison est difficile car il n’y a pas beaucoup de temps libre, beaucoup de fatigue et les hébergements sont inadaptés. Il y a aussi beaucoup de risques sexuels pour les saisonnières, surtout en hiver dans les stations de ski. Partisan : Il y a donc aussi des problèmes psychologiques ? Narbonnais : Il y a des dépressifs, des anorexiques, souvent les jeunes sont en rupture familiale. La saison, c’est quelque chose de difficile. Si on n’est pas bien au départ, on va vite au casse-pipe. Certains utilisent des produits comme l’alcool, le cannabis, pour tenir le rythme de la saison ou la recherche d’un retour au calme. Partisan : Que pouvez-vous faire pour améliorer la situation ? Narbonnais : A court terme et moyen terme, il faut lutter pour les revendications qui ont été listées par le syndicat CGT. Parmi elles nous trouvons : une prise en charge du logement et des frais du transport des saisonniers, la limitation des contrats saisonniers aux travaux courts nécessitant un surcroît d’activité. Le contrat à temps plein et en CDI doit être la norme. Les avantages patronaux liés aux contrats saisonniers, exonérations de charges, non paiement de la prime de précarité, doivent être supprimés. Le droit à une carrière (la formation professionnelle, les salaires décents, la reconnaissance des qualifications, des pluri-compétences et de l’ancienneté). Le droit à une protection sociale de qualité. Avoir accès à une médecine du travail par site. Suppression des conditions d’ancienneté dans les conventions collectives qui exclut de fait les travailleurs saisonniers dans certains avantages conventionnels (complémentaires santé et prévoyance, indemnité d’intempéries…). Le droit à l’organisation des saisonniers (délégués de site, CHSCT de site , comité inter-entreprises, etc, mise à disposition de moyens en locaux et en matériel pour l’activité syndicale)… Partisan : Tu nous as dit que vous arrachiez parfois des avancées au patron ou au système ? Narbonnais : Les saisonniers étaient discriminés en ce qui concerne les droits aux indemnités chômage depuis 1997 (conditions de travail sur 3 ans pour ouvrir des droits et application d’un coefficient réducteur). Grâce à notre mobilisation, à compter du 1er juin 2011, les saisonniers ont les mêmes droits que tous les autres travailleurs (en matière d’indemnités de chômage). Tout ça est très fragile et il faut continuer à se mobiliser. Partisan : Notre échange arrive à sa fin, veux-tu rajouter quelque chose ? Narbonnais : Oui. Tout d’abord je te remercie et je remercie le journal Partisan qui me donne l’occasion de parler sur la situation des travailleurs et travailleuses saisonniers-ères. A la fin, si tu me permets, je voudrais chanter quelques paroles de la Marseillaise des vignerons qui ont été chantées durant la révolte des vignerons au printemps 1907 dans la région narbonnaise. La misère enfin est très dure, Il faut agir et sans retard, Argelliers nous donne l’exemple, Suivons ce groupe de vaillants, Agissons car il en est temps, Des fraudeurs démolissent le temple, Aujourd’hui c’est plus des paroles, Ce sont des actes qu’il nous faut, Pour affirmer nos droits de vivre, Fils du Midi, assemblons-nous ; Les fraudeurs à la mort nous livrent, Qu’ils redoutent notre courroux ! Entendez-vous dans nos campagnes, Retentir nos cris et nos pleurs ? C’est trop, trop de malheurs ! Luttons ! luttons ! Et sans faiblir, ensemble nous vaincrons ! Edité le 16-07-2012 à 14:01:30 par Xuan |