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 les intermittents luttent pour le bien commun

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Xuan
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   Posté le 18-06-2014 à 22:57:42   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Gilbert Remond me fait parvenir cet article d'Edwy Plenel sur les intermittents actuellement (et encore une fois) en lutte, cette fois contre le gouvernement socialo.
J'en publie deux pages, l'intégralité est visible sur le site de Mediapart en accès libre.



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Les intermittents luttent pour nos biens communs

10 juin 2014 | Par Edwy Plenel

Le combat des intermittents du spectacle contre la nouvelle convention Unedic de leur régime d’assurance chômage n’est en rien sectoriel ou catégoriel. Engagé depuis une dizaine d’années, il recouvre un triple enjeu de civilisation : la conception du travail, la place de la culture, la définition de la démocratie. Plaidoyer pour une lutte dont les questions et réponses inédites ouvrent la voie d’une société du bien commun.

Le récent, et très beau, film de la réalisatrice Pascale Ferran, Bird People , est une fable sur les dérèglements d’un monde, le nôtre, celui d’un capitalisme hors de ses gonds, où l’argent dévore le temps, isole et sépare les individus, finit par les éloigner de la vie, d’une vie humainement décente. Trois personnages, de conditions sociales différentes, s’y débattent dans un lieu de nulle part et de partout, un hôtel de l’aéroport de Roissy-en-France : un ingénieur informaticien américain, associé de son entreprise dans la Silicon Valley, qui décide soudainement de tout plaquer, boulot et famille ; une jeune femme de chambre rêveuse et ingénue qui aimerait pouvoir reprendre ses études ; un réceptionniste qui, faute de pouvoir s’offrir un domicile, dort dans sa voiture.

Et c’est un oiseau, un simple moineau, qui indique la voie du sursaut, par la surprise d’un vol en liberté : cette grâce, entre amour, plaisir et bonheur, de ce qui ne se quantifie ni ne se monétise. On pourrait appeler cela le commun, comme l’ont récemment proposé Christian Laval et Pierre Dardot (voir Un chemin «commun» pour la révolution au XXIe siècle). Non seulement ce qui est commun, ouvert à la curiosité de chacun, mais aussi ce qui est en commun, partagé par et pour tous. Ces biens communs dont l’affirmation et la protection garantissent que nous pouvons compter sur la protection d’une société solidaire, qui ne laisse personne sur le bas-côté, qui ne rejette ni ne détruit, soucieuse de l’humanité comme de la nature. Bref, ce qui fait qu’une société tient debout, affronte l’avenir, invente son futur, sans céder aux nécroses de la rancœur ou du ressentiment qui pourraient l’égarer et la perdre.

Nul hasard si je repense à cette œuvre de Pascale Ferran et au regard généreux qui l’anime, où chaque personne invisible compte pour une personne essentielle, au moment d’évoquer la lutte actuelle, et fort ancienne, des intermittents qui est aussi celle de tous les travailleurs intérimaires et/ou précaires (sur le même sujet lire La Parisienne Libérée ici et Christian Salmon là). Car, cinéaste engagée en ce sens qu’elle est soucieuse du monde où elle vit et travaille, Pascale Ferran en a formidablement résumé l’enjeu, le soir de 2007 où son précédent film, Lady Chatterley , fut couronné par pas moins de cinq Césars. Voici un extrait de ce qu’elle déclara lors de la cérémonie, propos qui, malgré le changement de majorité politique, de droite à gauche, n’a pas pris une ride, sept ans après :

« Pendant longtemps, [le régime d’indemnisation chômage des intermittents du spectacle] était remarquable parce qu’il réussissait, tout en prenant en compte la spécificité de nos métiers, à atténuer un peu, un tout petit peu, la très grande disparité de revenus dans les milieux artistiques. C’était alors un système mutualisé. Il produisait une forme très concrète de solidarité entre les différents acteurs de la chaîne de fabrication d’un film et aussi entre les générations. Depuis des années, le Medef s’acharne à mettre à mal ce statut en s’attaquant, par tous les moyens possibles, à la philosophie qui a présidé à sa fondation.
« Aujourd’hui, il y est presque arrivé. De réformes en nouveau protocole, il est arrivé à transformer un système mutualisé en système capitalisé. Et cela change tout. Cela veut dire, par exemple, que le montant des indemnités n’est plus calculé sur la base de la fonction de son bénéficiaire mais exclusivement sur le montant de son salaire. Et plus ce salaire est haut, plus haut sera le montant de ses indemnités. Et on en arrive à une absurdité complète du système où, sous couvert de résorber un déficit, on exclut les plus pauvres pour mieux indemniser les plus riches. »





J’ai retrouvé cette citation au tout début de Intermittents et Précaires, travail aussi rigoureux qu’original de Antonella Corsani et Maurizio Lazzarato (publié en 2008 aux Éditions Amsterdam mais ouvert au téléchargement gratuit en format PDF). Cette référence à une voix s’exprimant depuis le terrain concret de la création donnait le ton d’une recherche certes menée selon les codes scientifiques mais dans une nouvelle relation entre chercheurs et ceux qu’ils étudient, en vue d’une « expertise citoyenne ». Issue d’une convention entre le CNRS, l’Université de Paris I et l’Association des Amis des intermittents et précaires, son résultat est à l’image du mouvement des intermittents qui, depuis ses débuts, ne se contente pas de lutter contre mais innove et propose par la production de nouveaux savoirs sur la réalité dont il témoigne.
« L’histoire du mouvement des intermittents n’est pas seulement celle d’une lutte, écrivent ainsi Corsani et Lazzarato. C’est aussi celle d’une “expertise” permanente qui se nourrit d’une réflexion sur la politique des savoirs et place au centre de la question politique les relations entre savoirs savants et savoirs profanes, savoirs minoritaires et savoirs majoritaires. » L’expérience vécue des premiers concernés y est sans cesse mobilisée afin de problématiser la réalité du travail discontinu, d’appréhender ses inégalités et son hétérogénéité, de penser sa nouveauté et de réinventer ses solidarités comme en témoigne le site de la Coordination des intermittents et précaires (à consulter ici).

Un triple enjeu de civilisation

Cette expertise citoyenne nourrit en retour la connaissance savante la plus aboutie. C’est ainsi que le sociologue Pierre-Michel Menger, élu en 2013 au Collège de France, a fait de l’intermittence son terrain de recherche lui permettant d’appréhender les transformations du travail à l’heure du nouvel âge industriel dont la révolution numérique est le moteur. De Portrait de l’artiste en travailleur , sous-titré Métamorphoses du capitalisme (Seuil, 2003), à Les Intermittents du spectacle , sous-titré Sociologie du travail flexible (Ehess, 2005, puis 2011), ses travaux rejoignent le souci militant des intermittents d’inscrire leur lutte dans un combat plus large pour la protection de tous les salariés à l’emploi discontinu. Tout comme leurs propositions – ce qu’ils nomment « le Nouveau Modèle » (voir sa présentation ici) – rejoignent les réflexions d’un autre professeur lui aussi élu au Collège de France (en 2012), Alain Supiot, éminent juriste penseur de l’État social.
« La Coordination des intermittents et précaires, écrivent encore Corsani et Lazzarato, n’a pas pour ambition de défendre les acquis sociaux des Trente Glorieuses, mais entend défendre de nouveaux droits sociaux associés à la mobilité et à la flexibilité de l’emploi. […] En revendiquant de nouveaux droits sociaux non seulement pour les intermittents mais aussi pour tous les travailleurs à l’emploi discontinu, à la rémunération variable et aux employeurs multiples, ce mouvement a ouvert une bataille politique sur le front de la précarisation et de la paupérisation qui touchent désormais une partie de plus en plus importante de la population. »
C’est en ce sens que le combat des intermittents du spectacle contre la nouvelle convention Unedic de leur régime d’assurance chômage n’est en rien catégoriel. Engagé depuis une dizaine d’années (la précédente mobilisation ayant conduit à l’annulation de nombreux festivals remonte à 2003), il recouvre un triple enjeu de civilisation : la conception du travail, la place de la culture, la définition de la démocratie.

Ceux auxquels ils s’affrontent – l’État, le patronat et les organisations syndicales signataires de l’accord (CFDT, FO et CFTC) – leur opposent un argument comptable : le déficit de l’assurance chômage spécifique dont ils bénéficient qu’ils imputent à une croissance des effectifs bénéficiaires bien supérieure à celle de la quantité de travail qu’ils se partagent (sur le secteur d’emploi concerné lire ici une récente note chiffrée du ministère de la culture).

Sachant que les 110 000 intermittents du spectacle représentent 3,5 % des bénéficiaires des allocations chômage et 3,4 % des dépenses de l’Unedic, c’est évidemment un argument à courte vue qui pose la seule question des dépenses sans interroger les recettes, qui n’interroge pas la contribution insuffisante d’employeurs (notamment dans l’audiovisuel) libres d’embaucher et de désembaucher à volonté, bref qui se refuse à inventer et consolider une protection sociale nouvelle, couvrant le risque d’un sous-emploi élevé encouru par les salariés dans un système de travail au projet, fragmenté et discontinu.

Dans un moment où la discontinuité de l’emploi qui caractérise l’intermittence s’étend à bien d’autres secteurs de l’économie, au-delà des seuls mondes de l’art et de la culture, le patronat refuse que le statut spécifique des intermittents fasse école. Il veut bien, ô combien, de l’emploi discontinu, et de la souplesse qu’il lui offre pour ses propres marges, mais refuse que son extension s’accompagne de nouvelles protections sociales, et donc des charges qu’elles lui imputeraient au nom de la solidarité. Tel est, pour la Coordination des intermittents et précaires (CIP), l’enjeu d’intérêt général de sa mobilisation contre l’accord Unedic conclu le 21 mars, essentiellement entre le Medef et la CFDT.

« Pourquoi le Medef prend-il pour cibles les intermittents, si peu nombreux, les intérimaires, si précaires ? demande-t-elle (retrouver ici le texte intégral). Parce que les annexes 4, 8 et 10 de l’assurance-chômage faisaient partie des rares dispositifs de protection sociale pensés pour l’emploi discontinu. Aujourd’hui, 86 % des embauches se font en CDD, il y a des millions de salariés pauvres ou à temps partiel. Le Medef ne veut pas que le régime des intermittents du spectacle ou des intérimaires serve de modèle aux autres : il s’agit d’empêcher à tout prix les précaires de réclamer des droits sociaux en échange de l’hyper-flexibilité voulue par leurs employeurs. » « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous » , ajoute la CIP, reprenant son slogan de 2003 : « Défendre les régimes d’indemnisation qui assurent une continuité de revenu face à la discontinuité de l’emploi, c’est défendre l’ensemble des salariés. »

Entre progrès social et régrès libéral, la bataille de l’intermittence concerne donc le monde du travail tout entier, véritable laboratoire de l’affrontement entre une logique de mutualisation du risque, qui impose des solidarités collectives, et une idéologie de capitalisation, qui livre les personnes à des combats solitaires, avec cette conviction aveugle que le chômage serait de la responsabilité des seuls individus et non pas de celle de la société. Mais, loin d’avoir pour unique adversaire le néolibéralisme patronal, le combat des intermittents rencontre en chemin des conservatismes syndicaux qui n’envisagent le travail que sous la forme de l’emploi salarié et permanent, qui s’accrochent à sa défense exclusive au point de délaisser les nouvelles formes d’emplois et de trajectoires professionnelles et qui, de ce fait, aggravent leur déjà faible représentativité par l’ignorance de nouvelles catégories de travailleurs, notamment parmi la jeunesse.

[...]


Edité le 18-06-2014 à 22:58:12 par Xuan




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   Posté le 19-06-2014 à 22:14:07   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Sur le site "faire vivre et renforcer le pcf"


Bernard Lavilliers offre une tribune aux intermittents

mercredi 18 juin 2014
par Gilbert Remond



D’un conflit des intermittent à l’autre, tu es toujours là, moi aussi. Le temps passe, bien des choses ont eu lieu, des bonnes, des douloureuses, des amis nous ont quitté, d’autres sont venus, la roue de la vie tourne. Je suis maintenant à la retraite mais toujours actif. J’ai été très ému par les paroles employées par Lavillier au sujet de votre lutte et du conflit qu’elle révèle au public. Quand il y a une trentaine d’année je l’ai entendu pour la première fois, j’ai tout de suite aimé ce qu’il chantait.

Il disait ce que nous ressentions avec des mots simples et des images que seul quelqu’un qui avait travaillé à l’usine pouvait ressentir et transmettre. Ce soir encore, après avoir vu cette vidéo que tu as filmé, il dit des choses d’une grande sincérité, quand il parle de son père, des sidérurgistes, de ces mains d’or qui font et engraissent le capital et qui ne savent plus que faire depuis qu’elles sont devenues inutilisées par le monstre égoïstes. Surtout il trace une ligne qui fait la part entre les profiteurs et les exploités, il parle de la classe ouvrière dont il est fière d’avoir été et qu’il continue de défendre quand bien d’autres, dans sa situation, l’ont oublié.

Je voulais te demander la permission de pouvoir utiliser ta vidéo en la publiant sur nos sites (Faire vivre le PCF, etc) afin de contribuer au soutien de votre lutte en la faisant connaître dans la classe ouvrière justement et auprès de ses représentants. Pourrais-tu dans cet esprit accompagner cette autorisation d’un petit texte pour présenter vos revendications et expliquer les raisons du conflit. Tu as été un peu des nôtres et de nos combats, il n’y a pas de raison que tu n’en soit pas encore et nous des tiens. Dans l’attente d’une réponse soit assuré de toute mon amitié.

Gilbert Rémond


Vidéo :
Bernard Lavilliers et les intermittents aux nuits de Fourvière
par la télévisionpaysanne

- Communiqué de presse -
Précisions sur la manifestation du lundi 16 juin à Lyon, à l’occasion de la venue de M. Rebsamen.

Après le Molière de la trahison, nous pouvons aujourd’hui décerner à M. Rebsamen, le César de la lâcheté !
M. Rebsamen était en visite à Lyon lundi 16 juin 2014, pour parler devant des chefs d’entreprise du pacte de responsabilité, et pour la signature symbolique du 10.000ème emploi d’avenir en Rhône-Alpes.

Nous avons profité de cette occasion pour organiser une grande manifestation afin de l’accueillir comme il se devait…

Les cheminots, en lutte eux aussi, se sont joints à nous pour ce grand rassemblement.

Le rendez-vous était fixé à 13h30 devant la Préfecture du Rhône et nous étions plus de 1.000 !

Une délégation, composée de deux membres du Collectif Unitaire 69, un membre du SFA, un membre du SYNAVI et un membe du SYNDEAC, devait être reçue par le ministre en personne à 15h30.

Le but était de le mettre face à ses responsabilités et à ses contradictions. En effet, jusqu’à sa nomination au poste de ministre du travail, M. Rebsamen soutenait notre mouvement et avait même signé une tribune du comité de suivi dont émanent les propositions que nous défendons aujourd’hui.

Après avoir appris que la rencontre n’aurait lieu qu’à 16h, la délégation a finalement eu la surprise de ne pas être reçue par le ministre mais par son cabinet.

Après de longues discussions sur l’importance pour le collectif de rencontrer le ministre en personne, et devant le refus des membres de son cabinet (dont la directrice s’est elle-même qualifiée de « jeune et naïve »), la délégation a décidé de quitter les lieux, estimant que les conditions nécessaires au dialogue n’étaient pas réunies.

Elle a mentionné qu’elle considérait ce refus comme un nouvel affront de la part du gouvernement et comme une injure de plus, faite au dialogue social, dont M. Rebsamen est pourtant aussi le ministre…

Après le Molière de la trahison, nous pouvons aujourd’hui décerner à M. Rebsamen le César de la lâcheté !

Nous nous sommes finalement tous retrouvés à la Bourse du Travail pour débriefer sur ce qui venait de se passer et discuter tous ensemble de la suite du mouvement. Tant que notre voix ne sera pas entendue et nos propositions étudiées, nos actions ne connaîtront pas de pause.

Le Collectif Unitaire 69

PS : Pour plus d’informations, nous vous invitons à vous rendre sur notre blog (collectif-unitaire-69.tumblr.com/) ou à nous envoyer un mail (collectifunitaire69@gmail.com).

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