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 l'imperialisme de lenine

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supernova
"rêver, mais sérieusement"
Pionnier
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   Posté le 04-09-2023 à 07:09:39   Voir le profil de supernova (Offline)   Répondre à ce message   https://revuesupernova.blogspot.com/   Envoyer un message privé à supernova   

“L'impérialisme” de Lénine


La catégorie "impérialisme" est un élément d'analyse central pour la compréhension des phénomènes sociaux et politiques. L'ouvrage de Lénine "L'impérialisme, phase suprême du capitalisme" est certainement l'une des principales armes que le marxisme ait produites. Le livre, tout en répondant à une polémique précise de l'époque, la Première Guerre mondiale et la crise de la gauche1, nous offre une grille de lecture capable de dépasser le contingent historique. Il s'agit de savoir le lire et d'en saisir le sens profond.
Nous vivons dans un monde qui n'apprécie pas les choses lentes, anciennes. Prendre le temps d'étudier, c'est lent et "vieux". Souvent, il n'est même pas utile d'être allé à l'école, car l'important n'est pas seulement ce que l'on étudie, mais aussi la manière dont on l'étudie. Dans cet article, nous vous invitons à lire un livre écrit il y a plus de 100 ans. Lutter contre la bourgeoisie, contre les classes dominantes, c'est aussi lutter contre les modes d'interprétation qu'elle nous enseigne à l'école, dans la rue ou sur le lieu de travail. Le marxisme est science, une science dure, la seule capable de dépasser les différents paradigmes interprétatifs que nous connaissons dans cette société de classes. Nous avons utilisé le léninisme parce que c'était une arme. Plus de cent ans nous séparent de l'assaut des bolcheviks contre le ciel. Ce qui reste important aujourd'hui de cette tentative, ce sont les implications théoriques et pratiques dont nous avons hérité. L'une d'entre elles est la capacité de Lénine à identifier les spécificités de la phase impérialiste et ses implications politiques. Et c'est de là que nous partons.

L'impérialisme n'est pas un nouveau capitalisme

L'impérialisme n'est pas un nouveau capitalisme, pour Lénine c'est un stade de monopole et de concurrence de plus en plus extrême, capable de modifier l'espace et le temps.
Plus précisément, c'est le capitalisme qui a atteint ce stade de développement, dans lequel la domination des monopoles et du capital financier s'est formée, l'exportation des capitaux a acquis une grande importance, la répartition du monde entre les trusts internationaux a commencé, et la répartition de toute la surface de la terre entre les plus grands pays capitalistes est déjà achevée2. Il y a donc une plus grande extension et une manifestation plus accélérée du processus de production et de distribution, qui se traduit par une incontrôlée production volcanique de marchandises (solide ou virtuelle) et par l'anarchie du marché.

Pour Lénine, l’impérialisme se caractérise par les points suivants :
1 – la concentration de la production et du capital, qui atteint un tel niveau qu’elle entraîne la création de monopoles ayant une fonction décisive dans la vie économique
2 – la fusion du capital bancaire et du capital industriel et la formation, sur la base de ce “capital financier” d’une oligarchie financière,
3 – l’importance prise par les exportations de capitaux par rapport aux exportations de marchandises,
4 – la création d’associations monopolistes internationales de capitalistes qui se partagent le monde,
5 – la répartition de la terre entière entre les plus grandes puissances capitalistes.

Il en résulte diverses conséquences, parmi lesquelles celle résultant de la centralisation extrême du capital (correspondant à la phase proprement impérialiste) qui pousse au stade le plus élevé la création de plus-value relative dans un contexte de concurrence furieuse entre capitaux 3.
Cette concurrence augmente la puissance d’un petit nombre de capitalistes au détriment des autres étant donné qu’une part toujours croissante de la production est assurée par un nombre toujours réduit de centres productifs. L’expansion d’une entreprise se réalise donc aux dépens d’autres entreprises qui sont phagocytées ou font faillite. Le même phénomène se reproduit sur le plan politique dans les relations internationales entre États : le nombre de conflits augmente du fait de la concurrence entre les grandes puissances pour dominer la planète, ces conflits d'ordre économique et stratégique peuvent aller jusqu'aux conflits armés.

Des groupes internationaux capitalistes (multinationales) exportent leurs capacités productives dans d’autres pays, créant des zones industrielles locales disposant des techniques les plus récentes (automatisation,organisation scientifique du travail, extraction de plus-value relative) et donc caractérisées par une productivité supérieure.
L’augmentation du machinisme, dans de nombreuses zones des pays industriels, fait baisser la quantité demain d’œuvre nécessaire, causant ainsi la baisse du taux de profit. Avec le développement du mode de production capitaliste la proportion de capital investi en machines par rapport à celui investi en force de travail augmente. Marx décrit ce phénomène comme une modification progressive de la « composition organique du capital » au cours de l'accumulation capitaliste. La diminution relative du capital variable par rapport au capital constant implique donc que le taux de profit (rapport entre la plus-value et le capital total investi dans la production, donc la somme du capital variable et du capital constant) diminue.
La contre-tendance que le capitalisme oppose à cette tendance est la recherche de main d’œuvre à bas coût. Étant donné que la chute du taux de profit provient du système de création de plus-value relative et d’augmentation de la productivité, des masses d’êtres humains sont chassées de leurs vieilles productions, de leur environnement, et poussées vers les nouvelles aires de développement capitaliste ainsi que vers les aires qui ont connu le début du capitalisme, là où l’accumulation domine sur la base du capital préexistant.
C’est un des motifs principaux de la vague actuelle de migration entre campagne et ville (comme en Afrique et en Asie) et un mouvement de migration internationale. C’est un des fruits pourris du colonialisme et de la logique de développement inégal du capitalisme qui trouve dans l’impérialisme sa plus forte expression : les masses humaines migrantes suivent le même chemin que celui emprunté par la ‘richesse’ volée.

L'ancien et le nouveau

Le marxisme rejette la catégorie du bien et du mal et analyse les phénomènes à travers le matérialisme historique et dialectique, c'est-à-dire capable de saisir la contradiction au sein des phénomènes sociaux et économiques qui se succèdent. L'impérialisme lui-même a permis la destruction de vieilles communautés et de mythes archaïques, mais le problème des communistes n'est pas de "rejeter" un processus, mais de comprendre ses contradictions et sa nécessaire rupture.

Dire que le mouvement du capital a la capacité de briser les veilles barrières culturelles nationales, religieuses et sociales ne signifie pas pour autant qu’il les efface. C’est la logique de l’accumulation capitaliste : d’un côté, elle se nourrit du travail libre, d’un travail libéré des liens personnels et réels propres au féodalisme, et de l’autre, elle se sert du « vieux système » basé sur le travail servile où elle en produit de nouvelles formes sur une échelle territoriale plus vaste et avec un degré de violence inconnu auparavant. Par exemple, dans le cas de la consommation à crédit, on peut se permettre de parler de modernité féodale. Dans ce système, le travailleur a l’illusion d’être propriétaire de sa maison, de son mobilier, de sa voiture, de son ordinateur etc., mais en réalité il reste débiteur. En définitive, il est dans la même situation que l’esclave qui était débiteur de la valeur nette de sa personne après avoir été nourri. La consommation à crédit est le nouveau fief qui enchaîne le travailleur à son lieu de travail. À côté de l’ouvrier salarié classique, en apparaît un autre qui vend sa capacité de travail de façon plus flexible et totale, en dehors de toutes les normes actuelles. Il ne vend pas seulement sa force de travail mais sa propre existence, presque comme un esclave. Il est libre de vendre sa force de travail et, en plus, il est libéré de l’entreprise fixe. Sa vie n’est plus partagée entre travail et repos, entre l’intérieur et l’extérieur de l’usine.
Aujourd'hui, il peut être appelé à tout moment. Il peut également être obligé d'occuper deux travails (ou davantage) en même temps, avec des déplacements qui prennent une part du temps considérable. Paradoxalement, ses horaires ne sont plus clairement définis mais son temps libre ne l’est pas davantage. Par conséquent, il n’est plus maître de son temps du tout. La différence entre l’ouvrier et l’esclave s'estompe puisque la liberté du premier consistait à vendre sur le marché, non lui-même mais sa capacité de travail pour un temps limité. D’ailleurs, le serf de la glèbe ne se vendait pas lui-même, du moment où il était possesseur de ses outils de travail; en dehors de son travail, il était « seulement » obligé d’accomplir les corvées pour son seigneur ou encore de payer la dîme pour l’église.
Prenons l'exemple de l'esclavage. L’esclavage n’a pas été exclusivement l’instrument des systèmes économiques arriérés. Au contraire, il trouve une pleine légitimité dans le système capitaliste. La traite des esclaves vers les Amériques ne peut pas être définie comme une migration rurale du moment que l’amplification de ce phénomène est engendrée par le développement industriel. Par conséquent, cet esclavage ne fût pas le même que celui du passé et il est étroitement lié à l'histoire de l’accumulation capitaliste.
«L'esclavage direct est le pivot de notre industrialisme actuel, aussi bien que les machines, le crédit, etc. Sans l'esclavage, vous n'avez pas de coton, vous n'avez pas d'industrie moderne. C'est l'esclavage qui a donné de la valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce mondial, c'est le commerce mondial qui est la condition nécessaire de la grande industrie mécanique.Aussi avant la traite des nègres, les colonies ne donnaient à l'ancien monde que très peu de produits et ne changeaient pas visiblement la face du monde. Ainsi l'esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance »
K.Marx Lettre du 28 décembre 1846 à Pavel V. Annenkov

Esclaves du palais et de la plantation

En accord avec de nombreux chercheurs, Lenine situe la maturation de cette nouvelle étape du développement capitaliste à la fin des années 1800 et au début des années 1900. Il s'agit, en particulier, de la période qui suit immédiatement ce que l'on appelle la Grande Dépression, qui a commencé en 1873 et a duré, à l'exception de deux brefs moments de reprise, jusqu'en 1895. La fin du monopole industriel britannique dans le monde et le début de la lutte internationale pour les marchés (non pas, bien sûr, pour l'exportation de marchandises, mais surtout pour l'exportation de capitaux) ; la montée en puissance de l'industrie américaine et allemande, qui était entrée dans le processus de centralisation et de cartellisation plus tôt et beaucoup plus intensément que l'industrie britannique et qui commençait à contester sa suprématie dans le monde. Ces phénomènes ont également eu de profondes répercussions sur les rapports de classe au sein des principaux pays impérialistes. Les excédents monopolistiques et la nouvelle prospérité des nations "plus fortunées" ont créé pour la classe ouvrière des métropoles ou, du moins, pour des sections privilégiées de celle-ci, la possibilité de participer dans une certaine mesure aux gains de l'exploitation coloniale, ne serait-ce que sous la forme d'une pression moindre sur les salaires que celle à laquelle le capital aurait dû avoir recours autrement.
Cette analyse, déjà esquissée par Engels dans la préface de la deuxième édition de 1892 de son ouvrage sur La situation de la classe ouvrière en Angleterre, a été reprise et développée par Lenine comme base d'explication de l'émergence de ce que l'on appelle le "révisionnisme"4 et de l'élaboration du concept d'"aristocratie de la classe ouvrière". Cette aristocratie se compose des secteurs de la classe ouvrière qui se trouvent dans une situation relativement privilégiée par rapport au prolétariat du reste du monde. Ce sont les "esclaves du palais" de la mère patrie, des esclaves qui, contrairement aux "esclaves des plantations" à la périphérie de l'empire, ressentent une identité partielle d'intérêts avec leurs maîtres et une réticence à perturber et à rompre le statu quo. Il est important de garder à l'esprit ce lien entre le développement de l'état monopolistique du capitalisme et le phénomène de l'opportunisme dans le mouvement ouvrier, car il constitue une explication matérielle et scientifique. Ainsi, ce n'est pas seulement la trahison des principes, le manque de passion de la volonté, mais la base matérielle sur laquelle se développe l'enveloppe réfomiste et opportuniste (raciste colonial).
“L'impérialisme, phase suprême du capitalisme”, a en effet été composé à Zurich en 1916 (Lénine était exilé en Suisse, recherché par la police tsariste), en pleine Première Guerre mondiale, alors que très peu de leader de la Deuxième Internationale étaient restés fidèles à la résolution anti-guerre votée à l'unanimité à Bâle seulement quatre ans plus tôt. La théorie de l'impérialisme de Lénine constitue l'une des plus brillantes tentatives d'explication du fait que la révolution ne s'est pas encore développée dans les pays capitalistes les plus développés, contrairement aux attentes de Marx et Engles5.

Continuités et ruptures dans la théorie léniniste

Ce qui donne une importance particulière au travail de Lénine, c'est que, tout en utilisant les contributions de Hobson et Hilferding, il a tenté d'exposer clairement en quoi la nouvelle "étape" du développement capitaliste modifie ou transforme certains éléments caractéristiques de la phase précédente : des changements qui ont souvent été présentés comme contradictoires avec les prédictions de Marx. Mais la thèse de Lénine est que, bien que l'impérialisme produise indubitablement une nouvelle situation qui n'était ni ne pouvait être prévue au milieu du 19e siècle, il constitue toujours une "phase" ou un "stade" du développement capitaliste. Une phase dont les caractéristiques confirment finalement, plutôt qu'elles n'infirment, les éléments essentiels de l'analyse de Marx.
En effet, lorsqu'il rassemble les différents aspects de l'impérialisme dans une définition globale et prégnante, Lénine prend toujours soin de souligner qu'il s'agit d'une évolution et d'une continuation directe des qualités fondamentales du capitalisme en général, et non de la naissance d'un régime économique et social totalement nouveau.
En d'autres termes, pour Lénine, l'impérialisme n'est rien d'autre que le capitalisme lui-même, parvenu à sa phase culminante et extrême, qui est aussi celle de la décadence et de la crise générale. Lénine parle d'un capitalisme en décomposition et d'une phase de "transition". Le vieux monde ne permet pas au nouveau d'émerger.

Par rapport à la période précédente, il constitue certes un changement, mais dans le sens où ce changement s'accompagne de l'aiguisement des contradictions fondamentales identifiées par Marx et de l'ajout de nouvelles contradictions à celles déjà existantes (plus grande rapidité et extension).

Dans l'impérialisme, les différentes contradictions deviennent extrêmes. Pensons à la question nationale. C'est dans la phase impérialiste que l'on assiste à la vague de luttes anticoloniales et à l'émergence d'une myriade d'identités nationales et "raciales". La phase impérialiste exacerbe les inhomogénéités, créant ainsi un réseau entre les anciens pays "coloniaux" et les nouvelles puissances économico-militaires, les pays semi-coloniaux et les derniers pays encore colonisés. Il faut saisir le mouvement ; d'un côté nous avons une poussée accélérée vers la "globalisation" du monde, de l'autre une guerre de plus en plus féroce entre les États et des flux d'argents de plus en plus schizophréniques et immatériels liés aux mécanismes financiers.
Dire qu'il existe aujourd'hui une dimension mondiale (production et marché, de l'organisation du travail aux flux monétaires) du capitalisme ne signifie pas que tous les pays en sont au même "stade". Dans un monde qui se cache derrière un petit écran de téléphone, nous avons des guerres commerciales et militaires, des conflits interethniques, etc.

Sur le plan politique, le mouvement communiste a saisi cette inégalité, à côté du mot d'ordre prolétaires du monde unissez-vous, il y a celui des peuples exploités.
Toutefois, l'unité espérée entre le prolétariat des métropoles impérialistes et les masses populaires des anciens pays coloniaux est restée à l'état de slogan, à l'exception de la tentative de la révolution russe il y a plus d'un siècle.
La bataille autour du simple concept de guerre contre sa propre bourgeoisie est encore fondamentale aujourd'hui. Mais cela ne doit pas nous faire croire qu'il existe une grille de lecture confinée pour comprendre les conflits et les luttes d'indépendance et les luttes populaires qui traversent le monde aujourd'hui.
S'appuyer sur Lénine, c'est dépasser une lecture simpliste et "extrémiste" de la lutte des classes, toujours envisagée dans une clé métaphysique où s'affrontent des sujets purs.
S'emparer du léninisme, c'est aussi rejeter une lecture moralisatrice (liée plutôt à des sentiments de piété, de culpabilité et/ou de religion) ou une lecture technique aujourd'hui appelée "géopolitique". Là où l'on s'intéresse plus à la “foi” ou au “encouragements sportifs” qu'à l'analyse des rapports de production...
C'est pourquoi le soutien aveugle aux hypothèses de multipolarisme, ou plus vulgairement de guerre entre le mal et le bien (États-Unis contre Chine et pays BRICS) signifie un recul par rapport à l'analyse à laquelle le mouvement communiste est parvenu. Il est triste de voir que, même derrière la "bonne foi" de nombreux camarades, et leur dégoût sincère pour l'impérialisme, il n'y a pas de capacité à saisir les implications du léninisme, laissant ainsi la place à un vague populisme de gauche6.

Empire ou impérialisme ?

Cette insistance de Lenine sur le friction, dans la dernière étape, de toutes les contradictions, anciennes et nouvelles, explique la polémique contre la conception du super-impérialisme de Kautsky.
Kautsky soutenait que l'impérialisme n'était qu'une politique, une simple question de choix, une politique dont il était perceptible qu'elle pouvait être abandonnée. Cette thèse a ouvert la voie à la conclusion qu'un capitalisme non monopolistique, non annexionniste était possible, que le capitalisme pouvait ainsi surmonter ses contradictions, ce que l'on appellerait aujourd'hui une société multipolaire.
Arriver dans un avenir pacifique" à un système capitaliste qui "tendait" vers un monopole mondial unique, vers ce qu'on appelle l'ultra-impérialisme, qui aurait mis fin à tous les conflits et à toutes les tensions actuels.
En outre, ce point de vue ne saisit pas les implications et les liens entre les éléments politiques et économiques de la phase impérialiste, restant ancré dans une vision antérieure.
Alors que l'ancienne idéologie libérale (dans la phase précédant l'idéologie impérialiste) déclarée que l'action politique de l'individu et de l'État suive les lois de l'économie, l'idéologie impérialiste est pour la priorité de l'intervention politique.
L'idéologie libérale soutenait clairement que la volonté politique devait suivre l'économie, l'idéologie impérialiste, en revanche, doit affirmer que la volonté politique précède et préfigure l'économie. Elle affirme la primauté du politique, précisément au moment historique de la détermination maximale de l'économie, c'est-à-dire lorsque l'extension de la taille du marché mondial oblige les États à intervenir.
Le maximum de déterminisme économique correspond au maximum d'action politique. Ce qui apparaît en surface comme le maximum de volontarisme politique est en réalité le maximum de déterminisme économique. Le stade impérialiste du capitalisme, est dans cette contradiction: d'une part pousse pour un espace toujours plus large au volontarisme politique (l'action de l'Etat et de différentes stratégies de gouvernance), mais d'un autre côté l'économie capitaliste (monopole, concurrence, crise de surproduction, autonomisation du capital liée aux mécanismes financiers) la conditionnent et déterminent ses passages à tous les niveaux.

Bien que le capitalisme à l'époque de l'impérialisme n'ait plus, pour Lénine, la vigueur et encore moins le rôle progressiste de sa jeunesse, il serait néanmoins erroné de la part de Lénine de supposer que dans sa dernière phase, le capitalisme est entré dans une période de déclin continu, détectable et mesurable dans tous les domaines.
Le fait même qu'il ait pleinement réalisé que toutes les formes sociales se développent de manière contradictoire et inégale l'a empêché de tomber dans une telle erreur.

Au contraire, il a souligné que la tendance à la décadence n'excluait pas la possibilité de périodes d'expansion : il a explicitement averti qu'il serait erroné de croire qu'une telle tendance à la décadence exclut l'essor rapide du capitalisme.
A l'époque de l'impérialisme, chaque pays manifeste, avec plus ou moins de force (en fonction de son histoire et de ses relations de rôle), l'une ou l'autre de ces tendances. Dans l'ensemble, le capitalisme croît beaucoup plus rapidement qu'auparavant, cette croissance devient non seulement plus déséquilibrée en général, mais ce déséquilibre se manifeste particulièrement dans l'appauvrissement des pays capitalistes les plus forts.

En ce sens, la crise de l'hégémonie américaine, l'émergence de la Chine, sa succession "possible ou impossible" en tant que force hégémonique, est le scénario que nous vivons aujourd'hui.

Toutes les théories anciennes et nouvelles qui parlaient d'un "monde unique" comme d'un empire qui "domine" ou "aide" le monde sont tout simplement fausses. La critique du "totalitarisme" (le mythe d'un big brother mondial), de la biopolitique (il y a quelques années, pour certains intellectuels, le monde était contrôlé par un empire et il fallait non pas le détruire mais s'en échapper), du super-impérialisme (vu comme une anticipation du socialisme) au multipolarisme (deux pôles impérialistes se contrôlant l'un l'autre et le progrès avançant de manière harmonieuse), n'ont pas saisi la principale leçon que Lénine nous laisse sur l'impérialisme, l'incapacité absolue du mode de production capitaliste à stopper ses contradictions: le conflit de plus en plus exacerbé entre monopole et concurrence.
Et c'est autour de cette contradiction fondamentale que la critique communiste trouve sa confirmation dans le monde actuel. Pour les communistes, la critique consiste à travailler à l'identification des contradictions de l'ennemi de classe. Nous ne sommes pas intéressés par les idéologies ou les théories qui parlent de participer, de communier, nous ne devons pas avoir peur de lutter, car oser lutter, c'est oser gagner.

supernova n.4
2023
https://revuesupernova.blogspot.com/2023/09/supernova-n4-2023.html

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Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18378 messages postés
   Posté le 02-11-2023 à 21:06:01   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

"le soutien aveugle aux hypothèses de multipolarisme, ou plus vulgairement de guerre entre le mal et le bien (États-Unis contre Chine et pays BRICS) signifie un recul par rapport à l'analyse à laquelle le mouvement communiste est parvenu."

Le multipolarisme n'est pas une hypothèse, c'est déjà une réalité à laquelle les USA et la plupart des pays occidentaux essaient de s'opposer. Après quoi parler de bien et de mal ...

L'hégémonisme US n'est absolument pas comparable au super impérialisme de Kautsky.
Dans la théorie de Kautsky les contradictions et la concurrence disparaissent entre les pays capitalistes. Inversement l'hégémonisme US accentue ces contradictions parce que la concurrence n'a jamais disparu. La destruction du nord stream à cause de la concurrence du commerce extérieur allemand en est un exemple flagrant, où la guerre en Ukraine n'est qu'un prétexte.

Ce qui constitue un recul dans l'analyse du multipolarisme, c'est d'imaginer que toute forme de contradiction et même de guerre disparaît avec lui d'une part, de considérer que l'occident constitue un bloc indivisible d'autre part, ou encore d'imaginer que le cycle capitalisme - impérialisme - hégémonie peut se répéter.
La construction de l'hégémonie des USA s'est faite sur la destruction des impérialismes précédents. La conséquence est qu'aucun d'entre eux ne peut lui succéder.

D'autre part l'impérialisme a une histoire. Le colonialisme a pu exister parce que les pays industrialisés possédaient une supériorité technologique, militaire en particulier, sur les peuples colonisés. Et l'impérialisme s'est développé sur cet avantage.
Le monde multipolaire et la mondialisation multipolaire - opposés à la mondialisation unipolaire - aboutissent à la destruction de cette supériorité, dans les domaines industriels, technologiques, scientifiques, commerciaux, monétaires.
Même si des puissances économiques régionales apparaissent, leurs rapports réciproques entravent la constitution d'une hégémonie.


Edité le 02-11-2023 à 22:42:05 par Xuan




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