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 Hegel et le fascsime allemand.

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Plaristes
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   Posté le 10-07-2020 à 06:03:54   Voir le profil de Plaristes (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Plaristes   

Au fond, le rapport des fascistes hitlériens à la philosophie de Hegel est tout à fait simple: ils la rejettent résolument. Alfred Rosenberg1voit dans la liaison entre Hegel et Marx une raison essentielle pour définir la philosophie hégélienne comme une orientation hostile au «national-socialisme» qui lacombat radicalement. Ce n’est naturellement pas la seule raison de cette attitude hostile. Le rejet de Hegel se concentre chez les nazis, comme nous le montrerons plus tard en détail, sur la rationalité du monde, sur la théorie de l’évolution, mais surtout sur la théorie de l’État.Ce rejet de la philosophie hégélienne s’étend, à quelques exceptions insignifiantes, à tout l’idéalisme classique allemand.Alfred Baeumler,2qui a été nommé professeur de pédagogie politique à l’université de Berlin aussitôt après la prise du pouvoir par Hitler, exprime clairement ce programme dans son discours inaugural: «la critique systématique de la tradition idéaliste fait partie de notre travail futur.» Elle est, comme l’explique Baeumler, une polémique contre la conception du monde «périmé» du citoyen, contre le monde de la «sécurité» du dix-neuvième siècle, le libéralisme, etc.

1Alfred Rosenberg (1893-1946) Théoricien du parti nazi.
2Alfred Baeumler (1887-1968),philosophe ayant acquis une notoriété particulière à l’époque de national-socialisme, et étroitement lié au national-socialisme. Il s’est fait connaître en premier lieu par des études sur Kant, Nietzsche, et Spengler. Voir son travail Kants Kritik der Urteilskraft(1923) [La critique de la faculté de jugement de Kant], ainsi que ses Studien zur deutschen Geistesgeschichte(1937) [Études sur l’histoire intellectuelle allemande]



Dans son livre surNietzsche paru antérieurement, Baeumler explicite ce programme en détail. Il parle du combat du jeune Nietzsche contre D.F. Strauß3,qu’il conçoit comme un combat contre Hegel. «Mais lorsque Nietzsche se moque de l’"apothéose" de l’État, il pense... avec un instinct sûr, à l’État total hégélien comme État de culture... C’est l’esprit de Weimar, matérialisé sous forme d’État, que Nietzsche combat. Hegel est le penseur du classicisme...» . Au-delà, Hegel est,selon Baeumler,le fondateur idéologique du national-libéralisme, une «synthèse des lumières et du romantisme» , qui a dominé intellectuellement la période bismarckienne et wilhelminienne, pour s’effondrer avec la guerre mondiale, pour entraîner cette crise dont le héraut prophétique a été Nietzsche, selon Baeumler, et que le«national-socialisme» est appelé à résoudrede manière positive.Dans ce but, Baeumler mène une campagne systématique d’actualisation de toutes les manifestations réactionnaires du romantisme allemand, depuis le «père de la gymnastique» Jahn4jusqu’à Görres5.

3David Friedrich Strauß (1808-1874), théologien, écrivain et philosophe allemand, auteur d’une Vie de Jésus qui montreun Jésus historique et non divin et considère les évangiles comme un récit inconscient des premières communautés chrétiennes.Ce livre peut être considéré comme le point de départ du mouvement des jeunes hégéliens car il se sert de la philosophie hégélienne de l'histoire pour attaquer le dogme chrétien.
4Friedrich Ludwig Jahn (1778-1852), éducateur allemand, promoteur avec son organisation "Turnverein"de la gymnastique et du nationalisme germanique.
5Johann Joseph von Görres(1776-1848),écrivain allemand


Et de manière tout à fait conséquente, il pense qu’on ne peut pas faire de place dans l’histoire à ces personnages, «sans détruire la radition du dix-neuvième siècle, celle de l’importance prépondérante du Weimar classiciste et de l’amitié entre Goethe et Schiller. Nous ne pouvons pas exprimer philosophiquement notre conception du monde sans maîtriser par la critique l’évolution intellectuelle qui mène de Kant à Nietzsche. On ne peut plus appréhender notre monde avec les formulations de Fichte et Hegel, quelle que soit la profondeur de la compréhension qu’on peut en avoir. Et pourtant, il n’y a rien de plus fréquent que d’assimiler par exemple l’univers intellectuel de Fichte et celui du national-socialisme. Cela ne changerait rien si le centaure Hegel prenait la place des centaures Fichte.Nous devons apprendre à regarder avec les yeux du vingtième siècle, telleest notre tâche.»
Voilà un projet de programme pour une réécriture de l’histoire de la philosophie du dix-neuvième siècle dans l’esprit du fascisme hitlérien. Ces indications programmatiques pour la philosophie officielle ont alors été suivies par différents ouvrages des philosophes nazis. Une des tentatives les plus importantes pour transformer dans cet esprit l’histoire de la philosophie récente, et par là-même en premier lieu de détrôner et de démasquer Hegel est le livre de Franz Boehm 6Anti-cartésianisme. Il est caractéristique qu’il porte en sous-titre «La philosophie allemande en résistance». Il s’agit de montrer le combat entre la ligne «ouest-européenne» et la ligne allemande en philosophie.


6Ce philosophe nazi ne doit pas être confondu avec des homonymes, parmi lesquels le juriste libéral, opposant au nazisme, promoteur de «l’économie sociale de marché». Franz Böhm AnticartesianismusDeutsche Philosophie in Widerstand, Felix Meiner, Leipzig, 1938

L’exposé historique n’y est, de manière avouée, qu’un prétexte pour l’objectif politique pratique de l’auteur, la «rupture avec l’esprit de système de l’occident» . L’esprit qui est combattu ici, c’est la scientificité de la philosophie fondée par Descartes. «Avec Descartes, à la place de l’homme occidental,assujetti à une unité d’enracinement national et de perspectives universelles, apparaît l’homme européen, la création d’une rationalité irréelle et anhistorique.» La position dominante de Descartes sur la philosophie du dix-huitième et du dix-neuvième siècle signifie selon Boehm «la prédominance de la conscience scientifique sur toute intuition du réel, primitive et irréfléchie» . Ainsi disparait «tout ce qui caractérise la réalité vécue.» En soi, cette polémique contre Descartes n’est pas une découverte des nazis. Elle commence déjà chez le vieux Schelling et a été prolongée par Eduard vonHartmann7et ses disciples. La nouveauté chez Boehm, c’est uniquement la base qu’il donne résolument à ce combat dans une philosophie de la vie, et en premier lieu lefait que ses flèches sont résolument dirigées contre Hegel. Boehm voit en Hegel le point culminant de tous les efforts dangereux du rationalisme mortifère, le point culminant d’une philosophie non-allemande.

7Karl Robert Eduard von Hartmann,philosophe allemand (1842-1906). On lui doit de multiples ouvrages traitant de l'inconscient, de religion, de métaphysique et de spéculations rappelant celles de Schelling et de Schopenhauer

«Hegel accomplit d’une manière indépassée la conscience de l’occident en matière d’histoire de la philosophie... C’est précisément par le tableau historique de Hegel que le cartésianisme a connu sa justification durable, après que le combat contre le cartésianisme eut été mené pendant des siècles par les meilleures forces de la philosophie allemande. De même qu’à l’inverse, les thèmes de l’histoire allemande des conceptions du monde ont été banalisés dans la philosophie occidentale par la conception universaliste de Hegel, et pour une part ensevelis pour un siècle.»

On voit là combien l’idée de Lagarde8concernant le caractère non-allemand de la philosophie de Hegel a été énergiquement développée. Selon cette représentation,Hegel n’est pas seulement non-allemand, mais son influence est également définie comme un point d’inflexion néfaste et dangereux pour la pensée allemande, à travers lui, c’est la victoire temporaire de l’esprit hostile de l’occident. Exhumer la véritable conception du monde allemande n’a été pour les fascistes rendu possible que parce qu’ils rejettent radicalement la philosophie hégélienne, avec tous ses fondements et toutes ses conséquences, que parce qu’ils l’écartent totalement, avec la scientificité de la philosophie, avec l’idée de l’évolution dialectique de l’histoire.

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