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 La Grèce, la gôche, la gauche, par Jacques Sapir

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La Grèce, la gôche, la gauche, par Jacques Sapir
les crises

La Grèce, la gôche, la gauche, par Jacques Sapir


PAR JACQUES SAPIR - 22 JUILLET 2015

Le diktat arraché à la Grèce par l’Eurogroupe et la Commission européenne est une tragédie pour la Grèce. Cet accord ne réglera rien et va même empirer la crise que la Grèce connaît. La dette de la Grèce n’était pas soutenable en 2010. Elle ne l’était pas en 2012. Elle ne l’est toujours pas après ce diktat. La solvabilité du pays n’est nullement assurée car la viabilité de l’économie n’est pas assurée. Ici se trouve une évidence, niée par les négociateurs de Bruxelles, qu’un pays ne peut rembourser que ce que son économie lui permet. En fait, c’est même l’inverse qui apparaît le plus évident, car les mesures imposées dans ce diktat, combinées avec les conséquences de la politique de la Banque Centrale Européenne, vont aggraver la crise économique en Grèce. Mais, les conditions qui ont entouré ce désastre ont des conséquences qui dépassent la Grèce. Nous assistons aujourd’hui au naufrage de la social-démocratie européenne et à un moment charnière pour ce que l’on appelle la « gauche radicale ».

Le naufrage de la Social-Démocratie européenne

La social-démocratie européenne, avec son grand rêve d’une Union européenne réformée, d’un Euro dit « de gauche », a sombré entre les derniers jours de juin et les premiers de juillet[1]. La social-démocratie européenne s’est révélée être une force d’imposition de l’austérité, une force qui a contribué à écraser une tentative pour construire un autre chemin économique en Europe. Ce naufrage n’a qu’un précédent : celui d’août 1914, ou mieux encore 1918. Comme à cette époque, la social-démocratie allemande est bien entendu la première à sombrer. Le fantôme de Ebert, et de sa collaboration avec Noske, est revenu hanter les couloirs de la chancellerie à Berlin[2]. La collusion entre le SPD et la droite allemande à propos de la Grèce a été évidente[3]. Que l’on se souvienne des déclarations d’un Martin Schulz, appelant au renversement d’un gouvernement, le gouvernement grec, démocratiquement élu, ou les déclarations tout aussi calamiteuses d’un Sigmar Gabriel, le dirigeant du SPD, allié d’Angela Merkel au sein du gouvernement allemand. Mais ce phénomène dépasse, et de loin, le cas de l’Allemagne. En Grande-Bretagne, les événements de ces derniers jours ont aggravé la crise latente au sein du Labour déjà mal remis de l’épisode Tony Blair[4]. Ces événements vont aussi aggraver la crise interne du PD en Italie, parti rassemblant depuis une partie des anciens « eurocommunistes » jusqu’au centre-gauche issue de la démocratie chrétienne. On pourrait multiplier les exemples.

En France, on voit dans la manière dont la majorité du Parti dit « socialiste » s’est rangé autour du diktat, dans la manière et dans les mots dont le Premier ministre, Manuel Valls, a usé pour faire voter le Parlement, que cette logique de collaboration avec l’ennemi est allée jusqu’aux tréfonds de sa logique. Il est d’ailleurs significatif que les « frondeurs » du Parti dit « socialiste » aient, dans leur majorité, voté avec le reste du Parti. Même le PCF, qui est le seul parti du Front de gauche représenté au Parlement, a hésité. Rappelons que le lundi matin Pierre Laurent appelait à voter le soutien à ce diktat avant que le Président du groupe, André Chassaigne, tenant compte des réactions de la base et de nombreuses fédérations locales[5], fasse voter contre. Ce pas de clerc de Pierre Laurent est en réalité très révélateur non seulement d’une politique réduite aux intérêts électoraux et financiers, mais aussi du poids de l’idéologie européiste au sein du PCF. Il faut comprendre comment cette idéologie s’est constituée, et pourquoi les événements de ces derniers jours la mettent aussi violemment en crise.

L’Europe comme seule horizon ?

L’Union européenne, rebaptisée « Europe » au prix d’une supercherie évidente, était devenue le cœur du projet de la social-démocratie depuis les années 1980. L’effondrement de l’Union soviétique avait même donné une certaine urgence au « rêve » européen de la social-démocratie. En fait, cette dernière voyait, dans un projet de type « fédéral » la possibilité d’imposer à ce qu’elle appelait les « forces de la réaction », et dans les années 1980 celles-ci étaient bien identifiées en Grande-Bretagne avec le Thatchérisme, des mesures sociales. La défaite de la social-démocratie traditionnelle en Grande-Bretagne face à Margaret Thatcher validait en un sens ce projet. Convaincue, surtout en France et en Italie, de l’impossibilité de faire « un autre politique économique » dans le cadre national, elle reportait ses espoirs sur une politique à l’échelle de l’Europe. L’absence d’analyse sérieuse des raisons de l’échec de la politique d’Union de la Gauche en 1981-1983, a certainement été un facteur important dans le tournant pris par la gauche française, de fait l’une des moins « sociale-démocrates » en Europe. D’autres facteurs jouèrent leur rôle, comme l’impact des « années de plomb » en Italie.

Mais, le ralliement à l’idée européenne était en fait ancien. Dès les années 1950 s’est imposée au sein de la social-démocratie l’idée que seule une organisation fortement intégrée de l’Europe occidentale pouvait empêcher le retour des guerres sur le continent européen. Il faut aussi signaler le très fort anticommunisme du SPD en Allemagne de l’Ouest, ce qui le conduisit à accepter le cadre du Traité de Rome (et de l’OTAN) comme seul cadre susceptible de garantir le système social ouest-européen qu’il s’agissait alors non pas de changer mais de faire évoluer. Notons aussi le fait que nombre de social-démocraties du sud de l’Europe (en Espagne et au Portugal en particulier) subirent l’influence du SPD.

Pourtant, le tournant des années 1980 va bien au-delà. Il y a une transformation qualitative qui fait passer « l’Europe » d’élément important dans l’idéologie des partis de l’Internationale Socialiste à un élément dominant et central. C’est une idéologie de substitution, qui allie le vieux fond internationaliste (ou plus précisément des formulations internationalistes car quant à la réalité de l’internationalisme de la social-démocratie, il y aurait beaucoup à dire) avec un « grand projet », s’étendant sur plusieurs générations. Les différentes social-démocraties européennes, puis ce qui survivait du mouvement communiste institutionnel, ont donc fait de la « construction européenne » l’alpha et l’oméga de leur projet politique[6]. Ceci a eu des effets importants dans le mouvement syndical, et la CFDT a commencé son involution qui l’a transformé en un syndicat de collaboration de classe, évolution qui s’est accélérée à partir de 1995. Mais, même au sein de la CGT, on peut ressentir cette évolution avec une montée en puissance du tropisme « européen ». Ce tropisme a déjà été mis à mal, du moins en France, par l’échec du référendum de 2005. Le résultat, qui n’avait pu être obtenu que parce qu’une frange des électeurs du Parti dit « socialiste » avait voté « non » a été vécu comme un véritable drame au sein de ce Parti. Au lieu d’en tirer les leçons, et de comprendre que ce tropisme « européen » ne pouvait qu’entraîner de nouvelles catastrophes, les dirigeants de ce Parti ont décidé de persévérer.

Encore fallait-il que, dans sa réalité, l’Union européenne permette d’accorder à ce dit projet quelques créances. C’est cela qui vient de sombrer avec la crise grecque.

Le principe de réalité

En effet, l’Union européenne s’est révélée sous un jour hideux. Ou, plus exactement, certaines de ses institutions ont montré qu’elles n’étaient nullement « neutres », mais qu’elles avaient ce que l’on peut appeler un « contenu de classe » ou, si l’on veut utiliser un langage moins marqué, qu’elles étaient consubstantiellement au service des nantis. Cela concerne, évidemment, au premier chef les institutions monétaires, c’est à dire la zone Euro. Les institutions de l’Union Economique et Monétaire, et surtout le fait que certaines d’entre elles soient des « institutions de fait » sans existence juridique (comme l’Eurogroupe) assurent la prédominance non seulement d’une certaine politique économique au sein de l’UEM, mais aussi la domination de la financiarisation sur les pays de l’UEM. Le fait que ces institutions soient aujourd’hui consolidées dans l’UE, même si de nombreux pays de l’UE ne font pas partie de la zone Euro, aggrave cette situation. On a clairement vu non seulement l’impossibilité de faire une autre politique que l’austérité dans le cadre de la zone Euro, mais surtout que ce cadre était politique et entendait imposer sa loi à tous les pays. Enfin, on a eu la confirmation que, loin de constituer un cadre apaisant les tensions entre pays, la zone Euro avait pour effet de les exacerber.

On voit bien qu’aucune politique alternative n’est possible dans le cadre de la zone Euro. On pourrait en dire sans doute de même avec l’UE telle qu’elle existe aujourd’hui. Les conditions de négociation du TTIP/TAFTA montrent que ce traité que l’on veut conclure dans le dos des peuples ne fonctionnera qu’au profit des grandes sociétés multinationales. L’UE ne protège nullement de ce marché mondial. Elle contribue au contraire à l’accoucher. La compréhension de ces faits pénètre désormais de plus en plus profondément au sein de l’électorat mais aussi au sein de certaines fractions de l’appareil social-démocrate. C’est le cas en France au sein du Parti dit « socialiste ».

La social-démocratie est donc confrontée à la réalité. Elle a rêvé un processus de construction européenne et se réveille aujourd’hui avec un monstre. Qui plus est, elle se retrouve dans la peau de l’un des deux parents de ce monstre. On comprend, alors, la gueule de bois historique qui a saisi la social-démocratie européenne. Mais, peut-elle renier ce qui résulte de près de trente années de ses compromissions multiples et répétées ?

L’Union européenne, et bien entendu la zone Euro, vont se révéler la Némésis de la social-démocratie européenne. Mais, dans le même temps ceci confronte les différents partis de la « gauche radicale » à un moment charnière. Car, de leur réaction rapide, dépend leur capacité à prendre pied dans l’électorat de cette social-démocraties ou au contraire de voir d’autres forces s’en emparer. En politique aussi, la nature a horreur du vide.

Source : http://russeurope.hypotheses.org

Notes

[1] Evans-Pritchard A., « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left » , The Telegraph, 15 juillet 2015, http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/EMU-brutality-in-Greece-has-destroyed-the-trust-of-Europes-Left.html

[2] F. Ebert, dirigeant du SPD, écrasa dans le sang avec la complicité de la Reichswehr et des corps francs la révolte de la gauche socialiste autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht

[3] Mounk Y., « Germany’s Social Democrats Are Colluding in Greece’s Destruction—And I’m Leaving The Party » , The Nation, 16 juillet 2015, http://www.thenation.com/article/germanys-social-democrats-are-colluding-in-greeces-destruction-and-im-leaving-the-party/

[4] Jones O., « The left must put Britain’s EU withdrawal on the agenda” , The Guardian, 14 juillet 2015, http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/jul/14/left-reject-eu-greece-eurosceptic

[5] Je peux en témoigner compte tenu du nombre de commentaires provenant de responsables de sections locales et départementales du PCF arrivés sur le carnet RussEurope entre le lundi 13 et le mardi 14 juillet.

[6] Voir « Quand la mauvaise foi remplace l’économie: le PCF et le mythe de “l’autre euro” » , 16 juin 2013, note sur RussEurope, http://russeurope.hypotheses.org/1381

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PAR JACQUES SAPIR • 24 JUILLET 2015
Cette note fait suite à la précédente[1], postée sur ce carnet le 22 juillet.

Les événements qui ont conduit au Diktat imposé à la Grèce, et ce dit Diktat lui-même, constituent un moment charnière pour ce que l’on appelle la « gauche radicale » . En un sens, la crise grecque soumet cette « gauche radicale » à un test aussi sévère que celui imposé à la social-démocratie.

Si la « gauche radicale » n’est pas aujourd’hui dans la même crise que la social-démocratie, elle risque néanmoins de se trouver face à une crise d’orientation de première grandeur. En effet, l’européisme qui caractérise la « gauche radicale » a été lui aussi condamné par le Diktat imposé à la Grèce. La question est aujourd’hui posée de savoir si la « gauche radicale » va accepter de n’être qu’une force d’appoint de la social-démocratie ou si elle est capable d’assumer toutes les conséquences d’un programme de rupture. Mais, un tel programme de rupture n’est plus, aujourd’hui, compatible avec l’européisme.

Eléments de définition de la « gauche radicale »

Précisons d’abord ce que l’on entend par ce terme. Il s’agit des partis ou mouvements politiques qui se sont constitués à la gauche de la social-démocratie traditionnelle, et le plus souvent en réaction contre sa politique et ses orientations.
Cela n’inclut pas les partis restés fidèles à l’identité communiste (comme le KKE grec ou le PRC italien) ni les partis ou mouvements d’extrême-gauche restés fidèles à une identité marxiste révolutionnaire, plus ou moins dénaturée par le sectarisme et le dogmatisme (comme en France le NPA ou Lutte ouvrière).

Cela inclut donc Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, le Front de Gauche en France ou encore Die Linke en Allemagne et SEL en Italie[2].
L’origine de ces partis est diverse et ceci entraîne des logiques tant politiques qu’idéologiques très particulières.

De ce point de vue, la gauche radicale apparaît comme un courant ayant des aspirations communes mais qui est en réalité très hétérogène. En réalité, la culture politique et l’histoire de chaque pays se reflète dans le type de parti ou de mouvement. Si les partis de la gauche radicale se sont dotés de structures de coordination au niveau de l’Union européenne, il n’y a pas d’unité européenne de ce courant tout simplement parce que l’histoire politique de chaque pays a sa spécificité.

En France comme en Allemagne, ils se sont constitués à partir de dissidences de la social-démocratie et d’une union avec ce qui survivait des partis communistes (le PCF en France et le PDS en Allemagne), et dans certains cas rejoints par des forces d’extrême-gauche.
A l’inverse, Podemos est un mouvement relativement nouveau, issu des « Indignés » qui ont été relativement fort en Espagne.
La cas de Syriza en Grèce est intermédiaire, car le parti communiste grec s’était coupé en deux du temps de la dictature des colonels, avec le « Parti de l’intérieur » proche du courant dit « Eurocommuniste » qui a engendré Synapismos et le « Parti de l’extérieur » de strict obédience moscoutaire.

Synapismos a été le noyau de Syriza rejoint tant par des mouvements d’extrême-gauche que par des dissidents de la social-démocratie locale (le PASOK), tandis que le « Parti de l’extérieur » s’est reconstitué dans le KKE, et continue de mener une existence sectaire, repliée sur lui-même.

L’Italie est un cas particulier. En effet, le processus de dissolution du PCI (en dépit de la scission du PRC) a abouti à sa fusion dans un vaste ensemble électoral, le Parti Démocrate, qui inclut les résidus du PSI et un morceau de la Démocratie Chrétienne. L’Italie est certainement le pays ou la « gauche radicale » est la plus faible et cela a des conséquences importantes sur la structuration de l’espace politique italien. Cette faiblesse a laissée le champ libre à la fois au Movimente Cinque Stelle de Beppe Grillo, qui est devenu le deuxième parti d’Italie, qu’à la Ligue du Nord de Salvini.

Eclectisme politique et européisme

Si l’éclectisme politique, conséquence logique de l’hétérogénéité des modes de formations et de la diversité des cultures politique nationales, est l’une des caractéristiques de la « Gauche Radicale » à l’échelle européenne, on peut remarquer cependant certains traits communs en ce qui concerne l’Union européenne.
Si ces divers partis ou mouvements se sont opposés, plus ou moins, aux différents traités constitutifs de l’Union européenne depuis le début des années 1990, ils n’en partagent pas moins ce que l’on peut appeler une « idéologie européiste ». Ils sont dans une large mesure convaincus que l’Union européenne, même sous la domination de la droite néo-libérale, constitue un cadre privilégié de l’action politique.

Depuis la crise financière de 2007-2009, crise qui continue à faire sentir ses effets jusqu’à aujourd’hui, une partie de ces mouvements voit dans le cadre de l’Union européenne une garantie contre le retour à la situation des années 1930.

Bien entendu, cette acceptation du cadre de l’Union européenne se fait avec une forte tonalité critique. Les thèmes comme « changer l’Europe » ou « changer d’Europe » sont très présents dans le vocabulaire de ces partis ou mouvements. Mais, ce « changement » d’une part reprend à son compte le fait que l’UE serait l’Europe (et non une forme d’institutionnalisation couvrant certains pays de l’Europe, au sens culturel comme géographique) et d’autre part doit se faire largement dans le cadre de certaines des institutions existantes, et c’est en particulier le cas de l’Euro.

La question de l’Euro offre un concentré des contradictions de la « Gauche Radicale ». Dans une large mesure il n’est pas remis en cause. Et l’on a vu les conséquences tragiques que cette absence de remise en cause a eues sur le comportement de Syriza ces derniers jours.
Tsipras a pris la décision politique de refuser la réquisition de la Banque Centrale de Grèce et de mettre en circulation des reconnaissance de dette car il pensait, et là on ne peut lui donner tort, que ces décisions entraîneraient probablement une sortie de la Grèce de l’Euro.
Ce faisant, il s’est néanmoins mis lui-même la tête sur le billot face à l’intransigeance de l’Eurogroupe. Surtout, il n’a pas compris que la gestion de l’Euro ne relevait pas de l’économie, avec un calcul coût-avantage, mais quelle relevait du politique.

Les options que représentaient Syriza étaient politiquement inacceptables pour l’Eurogroupe. Demain, on risque de voir l’histoire se répéter avec Podemos qui entend situer sa revendication d’une autre politique économique à l’intérieur de la zone Euro.

Ce refus de remettre l’Euro en cause à plusieurs origines. On peut y voir les restes d’un vieux marxisme dogmatique qui considère que, finalement, la monnaie n’a pas d’importance.
Seules comptent les « forces productives », dans un logique qui doit, il faut le dire, plus à Jean-Baptiste Say (« les produits s’échangent contre des produits, la monnaie est un voile » ) qu’à Marx.
Cette logique peut aussi se décliner sur le mode du « progrès ». Certes, l’Euro, produit du pouvoir bourgeois a bien des défauts, mais il constitue un « progrès » allant vers l’unification des espaces productifs, et une fois que les « masses populaires » auront pris le pouvoir elles pourront utiliser cet « instrument » dépouillé de ses habits bourgeois.

En fait, c’est la reprise, sans doute inconsciente, de ce que Boukharine expliquait en 1915-1916 sur l’évolution des « trusts capitalistes d’Etat » qui conduiraient au socialisme en en changeant la direction politique[3].

Enfin, certains reconnaissent que l’Euro a bien des défauts, mais expliquent que la rupture de la zone Euro ramènerait l’Europe à la situation des années trente. C’est, semble-t-il, la position de Tsipras[4]. Cet européisme, qui infecte une grande partie de la « gauche radicale », risque donc fort d’être sa Némésis.
On voit bien aujourd’hui qu’aucun programme économique radicalement différent du consensus austéritaire qui domine en Europe n’est possible tant que l’on persiste à adhérer à l’européisme. C’est la leçon qu’il nous faut tirer de la capitulation de Tsipras face à l’Eurogroupe[5].

Le grand historien britannique, Perry Anderson écrit ainsi : « Tsipras et ses collègues ont répété à qui voulait les entendre qu’il était hors de question d’abandonner l’euro. Ce faisant, ils ont renoncé à tout espoir sérieux de négocier avec l’Europe réelle — et non l’Europe qu’ils fantasmaient » [6]. Ceci décrit bien le piège de l’européisme dans lequel Tsipras s’est enfermé, et qui menace aujourd’hui la « gauche radicale ».

L’UE, un système semi-colonial ?

Il faut ici comprendre une chose importante : la souveraineté a été pendant longtemps un point aveugle de la « gauche radicale ». Pourtant, la « gauche radicale » a défendu la notion de souveraineté alimentaire. Elle n’a cependant jamais, jusqu’à présent, voulu sauter le pas et aller se réclamer de la souveraineté politique. Les seuls courants qui l’on fait, comme le chevènementisme en France, ont été isolés et incapable d’étendre leur influence sur la « gauche radicale », même si l’héritage de Jean-Pierre Chevènement s’étend désormais au-delà de la coupure gauche/droite.

Pourtant, il existe une tradition marxiste, certes ancienne, qui indiquait que les luttes pour la transformation de la société ne pouvaient se mener que dans le cadre d’un Etat souverain[7]. Mais, cette tradition semble avoir été emportée dans le grand processus de remise en cause de l’expérience soviétique qui s’est imposé avec la fin de l’URSS en 1991.
Pourtant, une analyse du système soviétique compris comme un capitalisme d’Etat aurait permis de comprendre bien des choses, et en particulier les caractéristiques d’une trajectoire alternative dans le cadre d’un pays « semi-féodal et semi-colonial ».

De fait, tout le débat sur la « nature de l’URSS » est ainsi passé à la trappe[8], en dépit de ce qu’il pouvait apporter à la compréhension des modes d’existence du capitalisme et à sa diversité, mais aussi aux alternatives possibles dans les stratégies économiques[9].
On peut penser qu’une partie des problèmes que l’on rencontre dans le débat contemporain provient de l’effet d’amnésie sur la connaissance accumulée dès années soixante à la fin des années quatre-vingt du siècle dernier, effet d’amnésie qui provient à la fois de l’émergence d’une nouvelle génération de militants politiques, et du nouveau contexte des luttes, contexte qui semblait exiger des connaissances nouvelles.

En fait, c’est le concept d’Etat « semi-colonial » qui apporte le plus de lumière sur la situation actuelle des pays européens. On peut considérer l’UE comme un système colonial mais dont la « métropole » ne pourrait être complètement identifiée.
En cela ce « colonialisme » ou plus exactement ce « semi-colonialisme » n’est pas entièrement réductible à la situation de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle.
Si l’Allemagne apparaît comme le pays profitant le plus des structures de l’UE, cela n’implique pas que l’UE soit le système colonial de l’Allemagne.
L’UE permet le déploiement de structures financières assurant le contrôle et la domination, et ces structures financières ne sont pas réductibles au capitalisme allemand. Il s’agit plus d’un « semi-colonialisme » que d’un colonialisme simple, en ceci que les pays de l’UE conserve, à des degrés divers, des marges d’autonomie.
Certains de ses pays peuvent d’ailleurs se constituer en force néocoloniale envers les pays du « Sud », même si la logique de leurs actions est soumise, in fine, à l’approbation par le système semi-colonial.

Le cas de la Grèce est spécifique en ce que, sous le joug des différents mémorandums, le pays est passé d’un statut semi-colonial à un statut qui est de plus en plus directement colonial.

Dans un pays en train de passer, ou déjà entièrement passé, sous la coupe d’un système semi-colonial, la question de la souveraineté devient dès lors cruciale. Elle concentre l’ensemble des luttes pour le changement économique et social. En un sens, on pouvait penser que Syriza l’avait compris quand il fait l’alliance avec l’ANEL à la suite des élections du 25 janvier. Mais, l’européisme est resté trop puissant à l’intérieur de ce parti.

La « gauche radicale » et la question de la rupture

La question fondamentale qui est désormais ouvertement posée aux différents mouvements de la « gauche radicale » est celle du degré de leur compréhension du cadre semi-colonial dans lesquels ils sont amener à lutter, et donc du caractère primordial de la lutte pour le recouvrement de la souveraineté.

Cela implique une rupture avec l’européisme, et avec la religion de l’Euro. Mais cela n’implique pas que cela. De la prise en compte de cette situation découle en réalité non seulement une stratégie politique, comment reconstruire la souveraineté et avec quelles médiations, mais aussi une tactique, autrement dit quelles seront les alliances les mieux à même de porter ce projet politique.

Bien entendu, ces questions vont se concentrer en priorité sur le rapport à l’Euro, car il est désormais l’institution qui concentre largement le contenu semi-colonial de l’UE. De ce point de vue, il faut remarquer que certains des conseillers de Yanis Varoufakis ont changé leur position sur l’Euro et se prononcent désormais pour une rupture franche avec la monnaie unique[10].

Jean-Luc Mélenchon écrit quant à lui sur son blog : « toute tentative de changer l’Europe de l’intérieur est vouée à l’impuissance si ceux qui l’entreprennent ne sont pas près à tirer instantanément et totalement la leçon d’un échec, en rompant le cadre. Autrement dit aucun plan A n’a de chance sans plan B. Et quand vient l’heure du plan B il ne faut pas avoir la main qui tremble » [11].
Si ce texte à l’intérêt de monter la détermination en cas d’échec d’appliquer une politique de rupture, ce qui est un progrès par rapport à l’émission de juillet 2012 que nous avions faites Mélenchon et moi et où il n’évoquait le fameux « plan B » que comme un moyen de réaliser le « plan A », il montre que Mélenchon n’a pas encore tiré TOUTES les leçons du Diktat imposé à la Grèce.

En réalité, aucun changement de l’UE de l’intérieur n’est possible. La « Gauche Radicale » doit se fixer comme objectif premier la rupture, au moins avec les institutions dont le contenu semi-colonial est le plus grand, c’est à dire l’Euro, et elle doit penser ses alliances politiques à partir de cet objectif. Pour elle, l’heure des choix est arrivée ; il faudra rompre ou se condamner à périr.

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[1] Sapir J., « La Grèce, la gôche, la gauche (I) » , note publiée sur RussEurope le 22 juillet 2015, http://russeurope.hypotheses.org/4138

[2] Voir Marlière P., « La gauche radicale en Europe : esquisse de portrait » , in Jean-Numa Ducange, Philippe Marlière et Louis Weber, La gauche radicale en Europe, éditions du Croquant, Paris, collection « Enjeux et débats d’Espaces Marx » , Paris, 2014.

[3] Boukharine N., L’Économie mondiale et l’impérialisme 1915. traduction. Paris, Anthropos, 1977. Voir, aussi, Christian Salmon, Le Rêve mathématique de Nicolaï Boukharine, Paris, Le Sycomore, 1980.

[4] Kouvelakis S., interview donné à Sebastian Budgen, « Greece: The Struggle Continues » in Jacobin, 15 juillet 2015, http://www.jacobinmag.com/2015/07/tsipras-varoufakis-kouvelakis-syriza-euro-debt/

[5] Gianni A., « Il problema non è Tsipras ma questa Europa » in MicroMega, 22 juillet 2015, http://www.sinistrainrete.info/index.php?option=com_content&view/il-problema-non-e-tsipras-ma-questa-europa&catid=44:europa&Itemid=82

[6] Anderson P., « La débacle grecque » , 22 juillet 2015,http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/220715/la-debacle-grecque-par-perry-anderson

[7] Voir, Georges Haupt, Michael Lowy et Claude Weill, Les Marxistes et la question nationale, 1848-1914, Editions Maspéro, Paris, 1974.

[8] Sapir J., “Le débat sur la nature de l’URSS: lecture rétrospective d’un débat qui ne fut pas sans conséquences” , in R. Motamed-Nejad, (ed.), URSS et Russie – Rupture historique et continuité économique , PUF, Paris, 1997, pp. 81-115.

[9] Sapir J., L’économie mobilisée. Essai sur les économies de type soviétique, La Découverte, Paris, janvier 1990; (ouvrage publié en Allemagne, dans une version traduite et augmentée en 1992, Logik der Sowjetischen Ökonomie – Oder die Permanente Kriegswirtschaft, LIT Verlag, Munster et Hambourg

[10] Munevar D., « Why I’ve Changed My Mind About Grexit » , in SocialEurope, 23 juillet 2015, http://www.socialeurope.eu/2015/07/why-ive-changed-my-mind-about-grexit/

[11] Mélenchon J-L, 23 juillet 2015,http://www.facebook.com/JLMelenchon/posts/10153499370008750

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Gilbert Remond nous envoie ce courrier :

La Grèce dans la tourmente entraine aussi toute la gauche dans l’œil du cyclone



L'édition du Monde-Europe du 29 07 rend compte d'un article du quotidien grec conservateur Kathimerini . Ce dernier donne une information stupéfiante. La cour suprême grecque a transmis au parlement deux plaintes déposées contre Yanis Varoufakis qui est accusé, rien de moins que de haute trahison .
Savez vous pour quoi? Parce qu’il a osé réfléchir secrètement avec un groupe de personnes choisies de lui, a un plan d'action pour instaurer un système bancaire parallèle et une monnaie nationale en cas d’échec des négociations avec l’Eurogroupe.
Il faut pourtant savoir qu'en novlangue européiste, nous disons depuis le référendum sur la constitution européenne qu'il faut toujours avoir par devers soi un plan B pour de telles circonstances. Eh bien c'est un cas de lèse majesté lorsque comme la Grèce l'on appartient à une nation dite de seconde zone.

Ceux qui le poursuivent ne manquent pas d'humour. Ils l'accusent tout bonnement d'avoir exposé la Grèce a des sanctions.
Ils lui reprochent aussi d'avoir fait participer à ce projet des personnalités non politiques. Non mais rendez vous compte, si des citoyens lambda viennent se mêler au business des politiciens ça va tuer le métier!
Ces personnes étrangères à la confrérie seront donc aussi concernées . Elles sont poursuivies dans une troisième plainte pour appartenance à une organisation criminelle et pour violation de données personnelles. Il va sans dire, que nous avons affaire à une nouvelle variétés de dangereux terroristes qui menacent les trafics d'influence et les profits des élites financières du continent, ceux, là qui appartiennent à la première zone des pays associés, celle des gens qui comptent.
Il fallait faire un exemple!

Avec cette manière de faire, on peut toujours essayer de nous faire peur avec le front national qui monte, qui monte comme la petite bête, effrayer le bon peuple de gauche pour qu'il continue à avaler des couleuvres. Ils crient au loup mais le loup est déjà là , sous l'espèce d' un fascisme bon teint, qui n'a besoin ni de nervis, ni de sections d'assaut, en tout cas pas encore, d'un fascisme normal, qui n'est autre que la dictature du capital et qui utilise les nouvelles armes que l'appareil d'état s'est donné avec l'union européenne, pour imposer à tous sa volonté.
Il faut maintenant le dire et l'écrire, si tu compromets les affaires, les déambulations du libre renard dans le libre poulailler, que tu cherches à défendre les intérêts de ton peuple, que tu respectes le mandat de ceux qui t'ont élu, alors tu te retrouves déféré devant les cours de justice au service de la Troïka .

Il n'existe face a cela qu'une solution. I l faut se saisir du pouvoir et imposer la dictature des classes populaires, ce que l'on appelait jadis la dictature du prolétariat .
L’information que nous donne le monde n'est qu'un exemple supplémentaire sur ce que l’Europe se permet d'être. Elle est non seulement une dictature sur les peuples mais une instance coercitive qui sait se donner les moyens de traiter en délinquant tout dirigeant qui ne lui prête pas une allégeance absolue.Cela nous rappelle la manière dont la France traitait ses protectorats et ses colonies.

Je pensais que cette information valait son pesant d'euro et qu'elle méritait d'être partagée, portée a la connaissance du public, des camarades . je l'ai fais avec les moyens dont nous disposons pour ce genre de situation.
Je l'ai publiée sur ma page facebook. Mais à mon grand étonnement les commentaires qu'elles reçut sont venu de gens qui n'en supportaient pas l’existence au motif qu'elles ne tenaient pas compte de la réalité et qu'elles dénigraient le gouvernement grec qui faisait tout son possible pour respecter la volonté exprimé par la majorité du peuple et pour la défendre .
J'étais accusé et avec moi les communistes qui sont favorable à une sortie de l'euro et de l’Europe de défendre des positions partisanes, éloignées de toute forme de bienveillance à l'égard de la Grèce et de son peuple, de vouloir les condamner.

Mais le plus étonnant venait d'une espèce de vigile rouge, chargé des intérêts de la boutique française affiliée au PGE, venu certifier notre mauvaise conduite en expliquant avec hauteur et autorité :
" la politique du PCF et de sa direction sont sur la même longueur d'onde que toi, disait-il a mon premier contradicteur, C'est au peuple grec et à ceux qu'il a élu de décider et le PCF soutient cela Ce que pensent certains se revendiquant du PCF ,le pensent à titre personnel mais cela n'a rien à voir avec la politique du parti actée par une très large majorité"

D'où sortait ce Lascar? et avec quel mandat venait-il faire de la retape en répétant sa petite notice toute faite avec ses manières de procureur chargé de poursuivre inlassablement l’infâme?
Il y avait quelque chose de Don Donquichottesque dans cette traque grotesque d'un ennemi imaginaire.
Mais pour en revenir au fond il me fallait bien reprendre mon premier interlocuteur pour le mettre en garde contre ce genre de séduction mais surtout pour lui signifier que s'il avait le droit de ne pas partager les positons des communistes grecs, il n'avait pas celui de déformer leurs positions, ni celles de ceux qui en France comme dans le monde les soutiennent au nom de l'internationalisme prolétarien , d'autant plus, quand La réalité est en train de donner raison à leurs analyses .

L'histoire nous l'a démontré maintes fois, les révolutionnaires sont rarement entendus dans un premier temps. Les masses qui n'ont pas toujours tous les éléments en main, ont besoin de faire leur expérience. Il n'est pas à la porté de tous, de les avoir, surtout quand l'idéologie de la classe dominante brouille les données.
Pour y parvenir, ce n'est pas spontané. Cela suppose d'avoir fait des rencontres qui le permettent et donnent la possibilité d'entendre d'autres sons de cloche. Et puis il y a ceux qui se réclament du communisme pour combattre ses valeurs et ses objectifs qui n'arrangent pas les choses.
Or c'est hélas ce que fait la direction actuelle ainsi que tous ceux qui se réclament du PGE.

Patience! Ces questions là se règleront. Elles se règlent toujours tôt ou tard tant les peuples ont besoin d'instruments et d'une organisation pour donner une issue a leurs luttes.Le peuple Grec comme tous les autres n'échappe pas a cette loi.

L'euro groupe n'a qu'un objectif: saigner à blanc la Grèce et son peuple. Il veut en faire une colonie à sa merci comme il l'a fait avec d'autres pays dans un récent passé. Tout le monde n'est pas dupe, y compris parmi ceux qui se trouvent à la tête du pays.
Varoufakis par exemple écrivait le 20 juillet "existe-t-il en effet une manière plus sûr de défenestrer le pays de la zone euro que cet accord non viable qui assure au ministre des finances allemand le temps et les arguments pour mettre sur les rails le grexit tant souhaité" puis le 23 juillet alors qu'il venait de voter oui pour soutenir le gouvernement en exprimant le souhait qu'il temporise " je suis malheureusement certain que mon vote n'aidera pas le gouvernement dans notre objectif commun. Et ce parce que l'accord de l'Euro sommit, dont font partie les deux mesures de ce soir, est conçu pour échouer. Néanmoins, je donne ce vote à mes camarades dans l'espoir qu'ils gagnent du temps de sorte que, ensemble, unis, nous planifions la nouvelle résistance au totalitarisme, à la misanthropie et à l'accélération et a l'approfondissement de la crise fomenté"

Sathis Kouvélakis membre du comité central de SYRIZA de son côté déclarait dans un article " le non n'est pas vaincu, nous continuons" mais , il déplorait dans la foulée, l'absence de stratégie de son gouvernement qui n'avait pas prévu de solution de repli. Pour lui "il y a un véritable aveuglement de Tsipras et de la majorité de Syrisa dans l'illusion européiste: l'idée qu'entres bon européens, nous finirons par nous entendre même si, par ailleurs, demeurent des désaccords importants; une croyance dure comme fer que les autres départements européens allaient respecter le mandat légitime de SYRIZA. Et pire encore, l'idée de brandir l'absence de plan B comme un certificat de bonne conduite européiste, qui fut le comble de cet aveuglement idéologie" . Voila le mot est lâché, nous sommes dans l'idéologie et non plus dans la politique.

Sathis kouvélakis s'insurgeait contre l'idée développée par certains qu'il y aurait eu trahison. Ce serait de son point de vue obscurcir la réalité. Si trahison il y avait eu selon lui, elle n'était pas consciente mais conséquence d'une stratégie inadaptée à la situation. Ce que voulait dire alors ce dirigeant de la gauche de SYRIZA c'est qu'il y avait eu aveuglement et donc incompétence.
Or, il ne suffit pas de dire une chose pour qu'elle soit. Le faire s'appelle du nominalisme et s'appuie sur la croyance que choses et phénomènes existent parce qu'on leur donne un nom.
Les partisans de l'euro se trouvent pris dans cette sophistique. Ils se trouvent pris dans ce que Marx nommait le fétichisme de la monnaie. Ils ont l'illusion qu'en ayant dans la poche la monnaie commune, il accèdent symboliquement au même rang que les allemands et les français. La démarche de ceux qui défendent cette orientation n'a rien de marxiste. Elle s'appuie sur un colossal déni de réalité économique.

La conclusion que Sathis Kouvélatis apporte a son analyse est sans appel pour l’actuelle gauche radicale au pouvoir " ce qu'il faut c'est une nouvelle gauche anti capitaliste, nous dit-il. Et l'une des conditions, non pas suffisante mais nécessaire pour y parvenir, est d'ouvrir un front résolu contre notre adversaire actuel, c'est-a-dire l'Union européenne et tout ce qu'elle représente" .
Il termine son article sur le constat suivant de la situation "il y a donc d'un côté un aspect de radicalité réelle, mais de l'autre, on a vu que la stratégie choisie était profondément inadéquate et renvoyait a des faiblesses de fond et par la même a des contradictions dans la constitution de SYRIZA, qui n'a pas résisté à cette épreuve terrible du pouvoir gouvernemental La contradiction a ainsi fini par éclater.
Il s'agit à présent d'assumer ce fait et de passer a l'étape suivante pour que cette expérience chèrement acquise par le peuple grec et les forces de gauche de combat servent au moins a ouvrir une perspective d'avenir"

( pour rappel le comité central a voté majoritairement contre le troisième mémorandum, plus de trente députés, trente deux exactement ont voté contre au parlement dont plusieurs ministres qui seront démissionné , six ont voté blanc et un s'est abstenu )

Le KKE qui est partout stigmatisé y compris par ceux qui s'égosillent à traiter d'anti communistes tous ceux qui refusent de s’accorder à la position euro-chauvine du PGE, a cherché le rassemblement sur des bases qui ne soient pas anti populaire pendant tous le temps des évènements.

Il avait dans cette intention, posé au parlement les questions suivantes pour qu'elles soient posées au référendum. Il voulait que le peuple puisse se prononcer:

A) sur la proposition de la troïka
B) sur celle du gouvernement
C) sur celle du KKE d' un désengagement de l'UE, de l’abrogation des mémorandums et de toutes applications des loi anti populaires.

Le gouvernement a arbitrairement refusé de soumettre au vote la proposition du KKE. Pour ce dernier il était clair que son but était de tromper le peuple et d'exploiter son vote comme une approbation de sa propre proposition, constituée en nouveau mémorandum.... C'est la raison pour laquelle le KKE a expliqué au peuple que les deux options , le oui et le non seraient utilisés pour imposer de nouvelles mesures anti populaires. "

Le moins que l'on puisse dire c'est que les évènements qui ont suivi lui ont donné raison puisque in fine Tsipras acceptait de mettre en place un accord qui était encore plus destructeur et plus couteux pour le peuple que les accords précédents. Je ne vais pas m'étendre d'avantage sur l’appréciation que porte le KKE sur la situation politique et sur les forces qui y sont engagé en Grèce comme ailleurs. Nous tenons de la science du dialogue et du logos, que la vérité se taille toujours son chemin dans le conflit. Assumons en l'occurrence, mais pas n'importe comment!

En effet, contrairement à ce que toute une tradition veut nous faire accroire, Le KKE n'est pas dogmatique. , il est par contre dans le vif du combat de classe, ce qui participe d'une autre épreuve de vérités que celles déployées dans d'obscures conventions .
Le KKE s'est forgé loin des cénacles et des fondations. Il représente la volonté de fer de l'avant garde du prolétariat face à l'impérialisme. Tsypras n'est pas coulé dans ce métal .

Les derniers faits nous montrent qu'il file du mauvais coton. Il a accepté un compromis avec le club des requins de la commission européenne. Pour justifier sa reculade, Il invoque l'excuse d'avoir eu un revolver sur la tempe!
Mais s'il s'est trouvé dans cette position c'est qu'il a manqué de résolution et surtout qu' il n'a pas su esquisser d'autres perspectives. Or celle-ci ne peuvent se trouver dans le cadre des institutions qui soutiennent l'euro. Elle ne le lui permettront jamais. C'est ce qui vient de lui être indiqué "un révolver sur la tempe"!


Lordon nous l'explique sans ambiguïté dans un article du 18 juillet "l'entreprise de transformer l'euro ou l'hypothèse d'un autre euro possible, sont des chimères qui par désillusions successives, ne mènent qu'a l'impasse et à la désespérance politique" , " l'euro interdit radicalement toute politique progressiste possible" or " abandonner aux extrêmes droites toute perspective politique d'en finir avec lui et ses institutions est une faute politique qui condamne les gauches européenne à l'impuissance indéfinie. "

Je rajouterai qu' à l'inverse de toutes les déclarations faites par la gauche de la gauche c'est au contraire son attitude qui est le plus sur moyen de booster le fascisme. Et c'est bien là, que se trouve en effet la lourde responsabilité que prennent Tsipras et Laurent quand ils approuvent l'accord sorti des dernières négociation avec l'euro groupe et qu'ils s’apprêtent à l' imposer au peuple grec.

La situation dans laquelle nous nous trouvons est extrêmement grave pour les peuples. Elle rappelle a bien des égards celle de l'Allemagne au lendemain de la première guerre mondiale, quand la volonté de son peuple a été détournée et muselée par la sociale démocratie au profit du capital et des forces d’extrême droites venues a son appel pour briser la résistance populaire. Rosa Luxemburg avait essayé de prévenir la catastrophe. Juste avant d'être assassiné par "les corps franc" armé par le ministre social démocrate Ebert, que d'ailleurs, en Révolutionnaire éprouvé et expérimenté elle la voyait venir. Consciente de ce qu'avait de mortel l'improvisation et le manque de décision, elle écrivait :

"le prolétariat de Berlin fut sacrifié par une provocation froidement calculée et soigneusement exécutée. Le gouvernement cherchait l'occasion de porter un coup mortel a la révolution: le mouvement de janvier le lui offrit. Le prolétariat révolutionnaire était sans doute armé et mobilisé, mais il n'était aucunement prêt a des combats sérieux. Il tomba dans le piège des négociations et y perdit du temps des forces et son élan révolutionnaire. Pendant ce temps le gouvernement ayant a sa disposition toutes les ressources de l'état préparait son assujettissement complet"

Rosa Luxemburg dans son texte mettait cette défaite sur le compte de la contradiction qui s'était révélé entre " la manifestation vigoureuse, résolue, offensive des masses berlinoises et l'irrésolution, les hésitations, les atermoiements de la direction " politique du mouvement. Plusieurs exemples de cette trempe nous apprennent que cette idiosyncrasie est le propre de la sociale démocratie qui inscrit toujours son action dans la légalité des institutions voulues par l'adversaire. Ses envolées enflammées post-électorales se terminent fatalement par des constats d'impuissance qui la pousse a capituler dès qu'elle est au pouvoir. Nous en voyons une fois de plus la preuve!

Il avait manqué a l’Allemagne de 1918 le type de parti que Lénine avait construit vingts années avant de l'éprouver au feu de la révolution d'octobre . Sans ce dernier , les idées d’émancipation du peuple auraient été réduites a des commentaires sur les évènements, faute de pouvoir leur imprimer une orientation. Ce défaut est ce dont souffre en Grèce la fraction de gauche de SYRISA ainsi que tous ceux qui lui font confiance. C'est ce qui arrive aux gauchistes qui une fois sortie des bla bla révolutionnaires se trouvent nu devant la détermination de la réaction et ne savent plus comment lui opposer de résistance. Heureusement pour le peuple grecque il existe un parti de la tradition de Lénine qui lui aussi a été éprouvé par les années de combats qui ont précédées l'épreuve. Il existe le KKE, un parti qui garde la tête froide, pose les diagnostiques qui conviennent à la situation. Il existe un parti qui reste dans le jeux pour imprimer une orientation au mouvement grâce la rigueur et à la justesse de ses analyses et ne se dérobe pas..

Après avoir tiré la leçon des mouvements qui se déroulaient en Hongrie, en Autriche en Angleterre et en Allemagne Lénine écrivait dans " le gauchisme, maladie enfantine du communisme "que "C'est surtout à la fin de la guerre impérialiste et dans l'après guerre que le dissentiment entre les chefs et la masse s'est marqué dans tout le pays avec le plus de force et de relief. La cause principale de ce phénomène a été maintes fois expliqué par Marx et Engels, de 1852 à 1892, par exemple de l'Angleterre. La situation exclusive de l’Angleterre donnait naissance à une aristocratie ouvrière à demi petite bourgeoise, opportuniste, issue de la masse. Les chefs de cette aristocratie ouvrière passaient continuellement aux côté de la bourgeoisie qui les entretenait directement ou indirectement. Marx s'attirait la haine flatteuse de cette racaille pour les avoir ouvertement taxé de trahison. l'impérialisme moderne ( du XXè siecle) a créé à quelques pays avancés une situation exceptionnellement privilégiée, et sur le terrain ce qu'on a vu partout dans la deuxième internationale se dessiner le type des chefs traitres, opportunistes, social-chauvins, défendant les intérêts de leur corporation, de leur mince couche sociale:l'aristocratie ouvrière. les partis opportunistes se sont détachés des masse,, c'est a dire des plus larges couches de travailleurs, de leur majorité, des ouvriers les plus mal payés" .

La situation politique de la gauche radicale ressemble a celle que Lénine décrit dans son texte. Après la chute de l'URSS, l'impérialisme s'est de nouveau retrouvé seul, tout puissant, dans un monde ou plus personne pouvait le limiter. Il se retrouvait sans butée . Nous subissons par contre coup une situation qui retrouve les caractéristiques par certains côtés, de la période des années vingt. D'autres catégories sociales jouent le rôle que Lénine attribue a" l'aristocratie ouvrière ".
Ce sont les classes moyennes, objet pendant les trente glorieuses et les années qui ont suivi, de toute les attentions de la classe au pouvoir.
L'époque ou Giscard d'Estaing se plaignait de l'anomalie française qui donnait un parti communiste a vingt pour cent est révolue. La France gouvernée au centre et son "deux français sur trois " sont devenu réalité, mieux les classes populaires se sentant de trop dans le nouvel espace de l'expression politique, se sont retirée du jeu, faute de cartes à jouer .

Les classes moyennes se sont imposées dans la représentation citoyenne. Elles en monopolisent le discours. Leurs revendications envahissent les programmes des formations politiques de gauche dont les préoccupations jadis tournées vers le mouvement ouvriers sont remisées, taxées d’obsolescence.L'ouvriérisme des gauchistes d'hier a fait sa mue vers l'écologie et le sociétale.
La classe ouvrière est devenue invisible. La sociologie à décidé sa disparition. L'hégémonie politique des classes moyenne est a priori réussie sauf qu' elle repose sur la sortie des classes populaire de l'espace électoral.

La première conséquence de cette opération, qui est la véritable nature de la "mutation": c'est que la nouvelle avant garde n'est plus placée au devant pour prévenir et guider. Elle a réintégré le centre. Elle est s'est normalisé pour devenir la proie d'un président normal au service du grand capital et de l’atlantisme. Elle s' est coupé du terrain et des couches populaires tout autant et pour les mêmes raisons que l'était l'aristocratie ouvrière de l'époque de la IIè internationale. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous assistons à une corruption des idéaux prolétariens qui laisse beaucoup de désarroi dans les couches populaire et un grand vide sur le terrain du politique .

Cette situation est dangereuse a bien des égards, cependant monte en même temps l'exigence de quelque chose qui viendrait tenir le rôle qu'a tenu le congrès de Tours. Non pas pour revenir en arrière et retrouver Jaurès comme certains nous y invitent, non pas pour rejouer la France avec ses lampions, ses flonflons sur l'air de la Madelon et le" tous a Berlin ", mais pour refonder le parti de la classe ouvrière et repenser ses alliances . Les raisons de cette exigence sont proches de celle de Lénine quand il rédigeait la maladie infantile. Les temps que nous vivons nous donnent a comprendre la leçon d'alors a savoir que " La victoire du prolétariat révolutionnaire est impossible si on ne lutte pas contre ce mal, si on ne dénonce pas, si on ne chasse pas les chefs opportunistes sociales traitres" (tome 31 des œuvre complètes page 87) .

Aujourd'hui le social chauvinisme à élargie ses frontières. Comme nous le montre l'exemple de la Grèce, ce sont les mêmes forces qui nous poussent vers l'union sacré pour faire oublier leurs responsabilités de classe dans ce qu'ils présentent sous la dette, ou la faillite d'une économie, et ce sont les mêmes responsables politiques qui viennent à leur secoure pour rendre incontournables leurs décisions. Par manque d'une véritable alternative, ils justifient le" their is no alternative de Tacher" .

La seule solution qui prévale reste celle qui nous permettra de sortir de tous leurs cadres, juridiques économiques monaitaires et militaires pour construire dans l'union avec la classe ouvrière une société des producteurs associés, une société socialiste. Il nous faut pour cela retrouver un authentique parti communiste en phase avec son époque mais résolument anticapitaliste c'est- a-dire résolument décidé a la rupture.

Gilbert Rémond ---


Edité le 07-08-2015 à 14:45:56 par Xuan




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