Forum Marxiste-Léniniste
Forum Marxiste-Léniniste
Administrateurs : Finimore, ossip, Xuan
 
 Forum Marxiste-Léniniste  Théorie  Histoire 

 Et de Gaulle...combien de morts

Nouveau sujet   Répondre
 
Bas de pagePages : 1  
Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18602 messages postés
   Posté le 01-08-2013 à 15:13:46   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Si on écoute les médias bourgeois, De Gaulle est un grand homme, un héros national, ce n'est pas pour nous surprendre.
Mais la vérité est toute autre.

Michel J.Cuny rappelle dans cette vidéo le passé criminel de De Gaulle.

A lire également Un mot perdu de Jean Moulin


Edité le 01-08-2013 à 15:25:18 par Xuan




--------------------
contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18602 messages postés
   Posté le 02-08-2013 à 15:53:34   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Dans le prolongement du sujet sur Jean Moulin, Michel J.Cuny écrit ceci :

Le dernier livre sérieux paru sur cette question (Jacques Gelin, " L'affaire Jean Moulin - Trahison ou complot " , Gallimard 2013) débouche, dès la page 15, sur la question de " la réunion de Caluire, où ont été arrêtés plusieurs résistants, dont le représentant du général de Gaulle, Jean Moulin " .
Comme je l'ai montré, le texte fondateur du CNR porte que celui-ci agira " souverainement " .

Conséquence imparable : Jean Moulin est tout simplement le président en exercice de l'organe souverain, le CNR.
De Gaulle ne peut plus être que soumis, lui-même, à cet organe souverain. Pour autant, donc, que le Conseil en décidera ainsi, De Gaulle le représentera, et devra se contenter de le représenter.

On comprend l'urgence, pour De Gaulle et ses petits copains de la Cagoule, de briser Jean Moulin qui est nécessairement sur le point - et en vue de la deuxième réunion du CNR - de réfléchir à la suite de l'histoire, et de se mettre en devoir de bien faire comprendre aux membres du CNR qu'ils doivent assumer collectivement la souveraineté qui leur est échue de par le fait que De Gaulle n'a pas pu résister à la force de conviction de Jean Moulin, alors que lui-même, De Gaulle, est dans la plus grande détresse en face des Alliés, mais aussi dans son propre camp (cf. les problèmes avec le Comité national à Londres, et avec Giraud à Alger).

Toute personne sensée qui, en France, réfléchit à la question de la souveraineté populaire, aurait bien tort de ne pas tenir le plus grand compte de ce moment essentiel de notre Histoire.

Pour ma part, je ne comprendrais donc pas pourquoi cette information ne se répandrait pas comme une traînée de poudre à travers tout le pays.

L'héroïsme de Jean Moulin ne peut pas être qu'un vain mot qui n'aurait d'autre usage que de servir de brosse à reluire pour la légende gaullienne : il y va de notre dignité de citoyennes et de citoyens, mais aussi de notre capacité à enfanter le futur du peuple de France.

--------------------
contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 10-09-2013 à 10:45:34   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Pour bien comprendre ce qu'ont pu être les rapports politiques qui se sont établis entre Jean Moulin et Charles de Gaulle, il est nécessaire d'introduire un troisième personnage : Pierre Cot. Mais aussi la Cagoule.
Je vais le faire à travers deux citations.
La première est de Pierre Guillain de Bénouville.
Il répond, en 2002, à une question que lui pose la journaliste Laure Adler à propos de sa participation à la journée du 6 février 1934 :
" Moi, j'étais pour que ce coup d'Etat réussisse, je n'étais pas le seul mais de cet échec dans l'Action Française est venue une autre révolte, plus profonde, et qui a été la Cagoule! "

La seconde est de Jean Moulin. Elle est extraite d'une lettre qu'il adresse à ses parents le 12 février 1934. Elle se rapporte à Pierre Cot, ministre de l'Air, dont il est à la fois l'ami et le chef de cabinet. Elle concerne la même journée du 6 février :
" Chez lui, toutes les 10 minutes, on l'appelait au téléphone pour lui lancer des menaces de mort ."

Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 11-09-2013 à 09:43:26   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Des hommes de fer

1934, c'est aussi la date de parution du livre du lieutenant-colonel Charles de Gaulle " Vers l'armée de métier ", dont il importe de dire que les passages les plus significatifs ont été aussitôt traduits pour Hitler qui a ensuite demandé que leur étude soient réalisés par les différents états-majors allemands.

A titre personnel, il est fort probable que le Führer n'ait pas détesté ce qui suit :
" Pour que naisse, demain, l'armée de métier, pour que lui soient donnés la matière et l'esprit nouveaux sans lesquels elle ne serait qu'une décevante velléité, il faut qu'un maître apparaisse, indépendant en ses jugements, irrécusable dans ses ordres, crédité par l'opinion ; serviteur du seul État, dépouillé de préjugés, dédaigneux de clientèles ; commis enfermé dans sa tâche, pénétré de longs desseins, au fait des gens et des choses du ressort ; chef faisant corps avec l'armée, dévoué à ceux qu'il commande, avide d'être responsable ; homme assez fort pour s'imposer, assez habile pour séduire, assez grand pour une grande œuvre, tel sera le ministre, soldat ou politique, à qui la patrie devra l'économie prochaine de sa force ."

Encore un petit mot de Pierre Bénouville à Laure Adler :
" J'ai été mêlé à toutes sortes d'histoires où il a fallu prendre des décisions. Il m'est arrivé de capturer des agents. A chaque fois, c'était douloureux, je savais que l'homme arrêté allait pleurer, me dire qu'il ne voulait pas mourir. "

Et puis, peu de temps après l'arrestation de Jean Moulin dans laquelle il était très directement impliqué, Bénouville part pour Alger où il est reçu par le général de Gaulle qui l'invite à venir dîner le lendemain... Voici ce que Bénouville en écrit dans son livre "Le sacrifice du matin" :
" Ce fut pour nous seuls, sa femme, lui et moi, dans la salle à manger installée par Weygand, un dîner simple et familial. Oui, familial et tout pareil à ceux qu'il doit donner à son fils lorsque celui-ci est en permission. Puis fort avant dans la nuit, nous parlâmes de la Résistance ."
Qui venait de perdre Jean Moulin...

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 12-09-2013 à 10:21:37   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

La Cagoule, c'est encore aujourd'hui ...

Puisque la victoire de la Cagoule consiste dans le fait d'avoir su nous enfermer dans un fascisme déguisé (la Constitution de la Cinquième République), faute d'avoir réussi à le faire dans une dictature militaire (1940 : Pétain à Vichy ; 1944 : De Gaulle à Paris).

Entré en Résistance après le débarquement américain de novembre 1942 en Afrique du Nord, Pierre Bénouville aura été plus tard un faiseur de présidents de la république...

Voilà ce qu'a été sa Résistance, selon ce qu'il en aura dit à Laure Adler :
" J'avais loué un appartement à Genève qui s'est transformé en bureau central. Sont venus y travailler toutes sortes de gens. Tout ce qui comptait, qui touchait à la Suisse, passait par là. Y compris l'envoyé particulier de François Mitterrand , Bettencourt , qui ne savait pas que cela aboutissait à moi ."

André Bettencourt , le gendre d' Eugène Schueller , père de Liliane et fondateur de L'Oréal.

Or, en 1995, la réunion de passation du pouvoir présidentiel entre François Mitterrand et Jacques Chirac s'est opérée au domicile même de... Pierre Guillain de Bénouville .

Faut-il rappeler les allers-retours de Sarkozy chez les Bettencourt ?

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 13-09-2013 à 10:26:07   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Pierre Bénouville, ami d'Allen Dulles

A quoi bon, ce bureau de Bénouville en Suisse ?...
Et pourquoi des personnages comme Bettencourt , et, à travers lui, Mitterrand , étaient-ils si intéressés à y venir ?

C'est ce que nous aura raconté Pierre Bénouville dans le livre qu'il a publié en 1946, "Le Sacrifice du matin" :
" A chaque voyage, je rapportais le plus d'argent possible. Je me souviens d'un jour où je quittai la Suisse, emportant, distribués dans mes différentes poches de veston, quatre ou cinq millions en billets de cinq mille francs ."

D'où Bénouville tenait-il cet argent ? De l'homme le plus intéressé à mener la guerre aux communistes en Europe : Allen Dulles , éminente personnalité de l'OSS - l'ancêtre de la CIA.

De quel travail, ce salaire était-il le prix : de la transmission de toutes informations nécessaires sur la Résistance, et tout particulièrement de ce qui concernait les communistes, travail dont Klaus Barbie prendrait bientôt le relais...

En 2002, évoquant cette transmission de renseignements aux Américains dans le dos de Jean Moulin , Laure Adler s'inquiète auprès de Bénouville :
" - J'imagine que le Général n'a pas dû voir cela forcément d'un bon œil ?
- Tous les documents, je peux les montrer, prouvent que j'ai été en contact très étroit avec lui, toujours, et qu'il ne me l'a jamais reproché.
- Donc, il a accepté ce que certains ont dû appeler une mainmise américaine ?...
- Oui, oui, naturellement.
"

Un peu plus loin dans l'entretien, Laure Adler revient sur ce thème :
" - Donc en fait vous communiquiez avec Passy en court-circuitant Jean Moulin ?
- Oui
."

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 14-09-2013 à 15:55:13   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Quand la Résistance ressemble aux jeux du Casino

C'est bien Pierre Bénouville qui l'aura écrit dès 1946 :
" Je m'étais muni, avant de quitter Lyon, d'un excellent passe-partout officiel délivré par la Maison du Maréchal et dont la belle présentation tricolore était d'un effet magique sur les policiers, qui croyaient, en la voyant, avoir affaire à un de ces fameux "Commissaires du Pouvoir" qui parcouraient la France en enquêtant. Les Allemands qui gardaient la sortie de la gare se mirent au garde-à-vous pendant que je passais devant eux. [...] Le soir, par la voie habituelle, nous pénétrions en Suisse. [...] De grosses voitures américaines, tous feux éteints, stationnaient dans l'ombre. Des officiers du Service Suisse, alertés par Monod, se présentaient à nous, avec une évidente courtoisie. Les jours suivants, nous rédigeâmes le rapport dont nous avions réuni les éléments. Nous plaidâmes, nous gagnâmes ."

Passe-partout délivré par la Maison de Pétain ?...

Mais oui, bien sûr, car, dès la catastrophe de 1940, Bénouville est de ce côté-là, et triomphant. Le voici rédacteur en chef du journal pétainiste et antisémite " L'Alerte " dans lequel il écrit à la date du 8 octobre 1940 :
" L'heure de la justice est venue. Enfin vous êtes véritablement représentés par des organismes purs. Aujourd'hui la Légion Française des Combattants, demain le rassemblement de tous les Français. Les coupables vont être jugés. La vie reprend. Avec vous, le Maréchal veut reconstruire. Donnez-vous avec foi et confiance ."

Et puis, une semaine plus tard, le 15 octobre 1940, à propos de Pierre Cot, Paul Reynaud, et quelques autres, le voici terriblement menaçant :
" La mort pour les traitres est un châtiment bien faible ", propos qui s'achève sur cette formule qui demande à être méditée :
" Il faut être sans pitié comme sans rage. Il faut se souvenir et frapper ."

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 15-09-2013 à 15:11:00   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Bénouville, 2002 : "La notion de patrie demeure la plus belle notion. Pour elle, on peut tout faire."

Parmi les faits d'armes les plus retentissants de la Cagoule avant guerre, il y a eu l'assassinat, le 23 janvier 1937, de Dimitri Navachine , soviétique, ancien directeur de la Banque commerciale de l'Europe du Nord, très impliqué dans l'aide aux républicains espagnols, et ami de... Pierre Cot .

Dès les lendemains de ce fait d'armes, Thierry Maulnier écrivait dans le journal de la Cagoule, L'Insurgé :
" L'assassinat de Dimitri Navachine, quels qu'en soient les auteurs, révèle les conversations, les tractations, les intrigues qui liaient mystérieusement, par l'intermédiaire de Navachine et par quelques autres sans doute, nos politiciens conservateurs, les Reynaud, les Flandin, et la diplomatie secrète des Soviets... En vérité, les Français qui acceptent de se faire les agents de l'étranger ne sont pas tous au Parti communiste. L'opération est simple, et les profiteurs en sont connus : il s'agit, pour les chefs de la Russie soviétique, d'obtenir du centre et de la droite de l'opinion française l'adhésion à l'alliance franco-soviétique - fût-ce au prix de quelques sacrifices momentanés sur le plan révolutionnaire ."
(Pierre Péan, Vies et morts de Jean Moulin )

En ce qui le concerne, Pierre Bénouville dirait à Laure Adler en 2002, à propos des activités de la Cagoule auxquelles il s'était trouvé mêlé dans cette première époque :
" Au début, quelques crimes sont commis parce qu'il y a des exaltés, là, comme ailleurs. Il y a l'exécution de Navachine, un personnage d'ailleurs très douteux, un agent de l'Union soviétique qui a pris contact avec la droite ; elle est en train de se laisser piéger par lui, de se laisser gagner. La preuve, c'est qu'elle accepte le contact avec lui. Le type de la Cagoule qui a assassiné Navachine l'a empêché de continuer son action destructrice. Je ne suis pas pour l'assassinat, mais Navachine était objectivement dangereux ."

Qu'on essaie donc - juste pour voir - de remplacer ici Dimitri Navachine par Jean Moulin ...

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 16-09-2013 à 17:07:07   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

La morale du crime politique, selon Pierre Guillain de Bénouville, qui a été fait Compagnon de la Libération par décret du général de Gaulle en date du 6 avril 1945

Même s'il ne dit pas avoir été directement impliqué dans l'assassinat de Dimitri Navachine , c'est en expert de l'élimination physique d'ennemis politiques que Pierre Bénouville s'exprime devant Laure Adler qui lui demande :
" - Donc, c'est bien un ordre qui a été donné à l'assassin de Navachine de l'exécuter ? Une commande politique?
Réponse :
- C'est une conséquence politique normale ."

Normale?... C'est-à-dire ?...

Reprenons l'affaire Jean Moulin ...
Bénouville a donc donné l'ordre - l'ordre - à René Hardy de se rendre à la réunion de Caluire, alors qu'il sortait tout chaud des griffes de Klaus Barbie qui ne l'avait pas torturé... Bénouville a même pris la peine de vérifier le fait dans les bains-douches...

Eliminer Jean Moulin : en quoi était-ce une conséquence politique normale ?

Dans les propos de Bénouville , cette dernière formule est directement suivie de celle-ci :
" Comment se décide la vie ou la mort d'un homme ? J'ai tué un homme dans le métro, pendant l'Occupation. Vous savez ce n'est pas difficile si on se dit : c'est lui ou moi ."

Evidemment, rien de tel à Caluire... Bénouville lui-même n'y est pas, etc...

Plus loin dans l'entretien, Bénouville reprend le même problème :
" Pour moi il n'y a d'ennemis véritables que ceux qui ont le pouvoir des armes ."

Revoici peut-être le " c'est lui ou moi "...
Mais non, car soudainement Bénouville bifurque vers autre chose :
" Mais, en revanche, peu à peu, il y avait des éléments qui constituaient la définition de l'ennemi dans ces années-là, notamment ceux qui étaient les propagateurs de la corruption intellectuelle et morale ."

Qui sont-ils ? Tout simplement, comme l'a écrit Thierry Maulnier après l'assassinat de Dimitri Navachine , ceux qui, dans les années trente, se sont faits les promoteurs de l'alliance franco-soviétique.

En connaîtrait-on de pire que Pierre Cot, justement ?

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 17-09-2013 à 10:24:24   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Pour introduire à Pierre Cot, je reprendrai ici quelques-uns des éléments présentés par Xuan dans la rubrique "Histoire" sous le titre :
1932 : le KPD à l'origine de "l'action antifasciste".


Premier élément :
" Le prétexte à la naissance de l'Action antifasciste fut un affrontement extrêmement violent entre nazis et communistes au parlement de Prusse, le 25 mai 1932, qui se solda par des blessés graves. Le KPD lança un appel à l'action antifasciste et des comités furent créés dans tout le pays ."

Second élément :
Réponse de Thälmann sur ce que devait être cette action antifasciste :
" Elle est un point de ralliement, au-dessus des partis pour une lutte sans merci contre le fascisme, des travailleurs qui y sont prêts. Ce n'est pas une organisation, mais un mouvement de masse. C'est un courant, où se jettent toutes les forces combattantes qui veulent vraiment mener la lutte, l'attaque de masses contre le gouvernement actuel, qui mène la mise en place à court terme de la dictature fasciste. La direction des comités d'unités formés dans les usines, dans les rues, etc., doit évidemment être dans les mains des travailleurs voulant lutter eux-mêmes ."

" Point de ralliement au-dessus des partis ", " mouvement de masse " : voilà l'adversaire à dresser en face du fascisme et du gouvernement qui y conduit.

A cet endroit, j'introduirai deux citations de Pierre Cot , qui, comme celles que je donnerai par la suite, sont extraites de l'ouvrage qu'il a rédigé et publié aux Etats-Unis en 1944 : "Le procès de la Répu-blique".
" A mes camarades du Front Populaire qui poursuivront jusqu'au bout la lutte engagée au lendemain du 6 février 1934 contre le Fascisme et l'Hitlérisme ."
" Non seulement je m'honore d'avoir été un des partisans et des militants du Front Populaire, mais je demeure obstinément fidèle à la pensée dont il fut l'expression. Je vois dans le Front Populaire la tradition de la révolution française ; je pense que seule l'union des forces populaires et révolutionnaires françaises, communistes compris, libérera la France de la domination fasciste et permettra un renouveau de la démocratie ."

" Communistes compris " : Jean Moulin s'en souviendra, et en mourra.

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 18-09-2013 à 10:48:09   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

De l'antifascisme à l'engagement aux côtés du prolétariat : la voie qu'auront suivie Pierre Cot et Jean Moulin

Le lien indéfectible avec les communistes transcende, chez Pierre Cot , la notion même de Front Populaire. Si, selon la définition qu'en donnait Thälmann en 1932, l'action antifasciste constitue un ralliement au-dessus des partis, il semble bien que ce soit en raison de la pratique de lutte qui a été la leur au sein même du Front populaire, que Pierre Cot - et Jean Moulin à sa suite - se sont découverts solidaires des communistes jusqu'à confondre leur propre raison d'être avec celle de la fraction révolutionnaire du prolétariat.

Pour sa part, Pierre Cot écrivait en 1943 :
" Je me suis battu sans répit, depuis mon entrée dans la vie politique, contre les Royalistes, contre les Croix-de-Feu, contre les Cagoulards, contre les réactionnaires de toute obédience et les conservateurs de toute étiquette ."

Et voici le contrecoup "formateur" :
" Mon nom a figuré sur toutes les listes de gens à tuer ou à traduire en Haute-Cour, composées depuis dix ans, par les ennemis de la République ."

Ainsi avons-nous vu que Pierre Cot était sur la liste composée par Bénouville ...

Mais par-delà la lutte antifasciste, il y a eu la pratique administrative et gouvernementale : ce que Jean Moulin a également partagé avec Pierre Cot , et ceci pendant une quinzaine d'années, des années que l'Histoire a rendues exceptionnellement formatrices pour celles et ceux qui ont bien voulu y porter leur attention et y engager leur vie.

Michel J. Cuny

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 19-09-2013 à 09:40:23   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Un apprentissage long et difficile : la lutte des classes

Il est très clair que Pierre Cot et Jean Moulin ne se sont pas levés un bon matin en se disant : nous allons faire la révolution. S'ils se sont rencontrés et liés d'amitié dès 1925, il leur fallu attendre le 6 février 1934 pour commencer à voir un petit peu plus clair dans le système politique français et dans son personnel.

Ainsi, à propos de cette frange gauche du parti radical, le parti radical-socialiste, dont il était devenu une figure de proue, Pierre Cot a-t-il pu, en 1943, écrire de l'idéal dont il était porteur :
" Je me rends compte aujourd'hui qu'il y avait dans ce désir plus d'idéalisme que de réalisme ; nous sous-estimions la force des puissances de réaction, en France et dans le monde entier ; nous ne nous rendions pas compte à quel point l'évolution du capitalisme avait déjà affaibli la démocratie ; nous avions lu les œuvres de Marx, mais nous ne les avions pas comprises ; il y avait beaucoup d'enfantillage dans nos conceptions ."

Ce qui est peut-être un appel à notre propre attention. Il est certes possible de tirer profit du travail de Marx. Mais nous ne devons pas perdre de vue que c'est notre vie d'aujourd'hui qui doit être la matière première de notre travail d'analyse, à nous. Terrain sur lequel Marx ne peut pas venir prendre notre place.

C'est donc aussi l'étonnement devant une situation politique donnée qui peut permettre au désir d'en savoir plus, et d'y engouffrer la meilleure part de soi, de se manifester avec une force réelle.

La forme de cet étonnement risque, d'ailleurs, d'être particulièrement tragique ainsi que nous le voyons dans ce que Louis Joxe - à l'époque, le plus proche collaborateur de Pierre Cot - a pu rapporter de ce qu'il avait découvert d'une certaine façon d'expérimenter la réalité de la lutte des classes quand elle vire à la guerre civile :
" Moulin se révéla avec les événements du 6 février 1934. Dans les couloirs de la Chambre des députés, il regarda passer, comme moi, Edouard Herriot sachant tout à la fois s'offrir et se réserver et Daladier faisant naufrage. Je vis Moulin sangloter de désespoir, je sentis vibrer des cordes que j'avais jusque-là méconnues ."

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 20-09-2013 à 09:13:11   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Quand la lutte des classes annonce qu'elle va se payer au prix du sang

Il faut replacer dans son contexte l'émotion manifestée par Jean Moulin le 6 février 1934, en citant ce qu'il a écrit à ses parents dès le 12 :
" Je suis resté 2 heures de 6 à 8 h, sur le pont de la Concorde et j'ai pu voir avec quelle sauvagerie les "Croix de Feu" et les Camelots du Roi chargeaient les gardiens de l'ordre désarmés. C'est par dizaines qu'on emportait les blessés dans les rangs des gardes mobiles et des gardiens de la paix. Les gardes républicains à cheval étaient désarçonnés par les émeutiers qui tranchaient les jarrets des chevaux avec des lames de rasoir. J'ai vu aussi que les premiers coups de feu sont partis des émeutiers ."

Or, deux jours plus tôt, le 10 février, Léon Daudet écrivait dans L'Action Française :
" Il importerait au salut du pays que Daladier, Cot, Frot, Blum, Lucien, Barthe et tous les responsables de la tuerie de mardi dernier fussent passés, le plus tôt possible, par les armes ."

Pour sa part, Pierre Cot écrira en 1943 :
" "Léon Blum, Daladier et Pierre Cot au poteau! A mort les assassins du 6 février! Léon Blum, Daladier et Pierre Cot en Haute-Cour!" Que de fois ces paroles ont été prononcées et ces mots imprimés, entre le 6 février 1934 et le mois de juin 1936! "

Mais puisque nous voici arrivés au Front populaire, le tableau ne serait pas complet si je ne citais pas L'Action Française du 26 août 1936 :
" Nous savons qu'on s'affaire beaucoup en ce moment dans les hangars Bloch de Villacoublay pour mettre au point les deux Bloch 200 destinés au Frente Popular. L'affaire, préparée par M. Moulin, l'un des hommes de Pierre Cot, se poursuit en dépit des belles déclarations de neutralité ."

Et encore le numéro du lendemain :
" Pierre Cot viole ouvertement la neutralité : Quel jeu joue donc ce petit galopin fou d'orgueil à qui on a donné le ministère de l'Air ? Pierre Cot est-il l'agent des Soviets chargé de nous jeter dans la guerre malgré nous ? "

(NB. Toutes ces citations sont extraites de Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange " Fallait-il laisser mourir Jean Moulin? " Editions Paroles Vives, 1994.)

--------------------
Michel J. Cuny
Philosophia
Pionnier
17 messages postés
   Posté le 21-09-2013 à 12:52:30   Voir le profil de Philosophia (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Philosophia   

Xuan a écrit :

Si on écoute les médias bourgeois, De Gaulle est un grand homme, un héros national, ce n'est pas pour nous surprendre.
Mais la vérité est toute autre.
C'est tout à fait vrai.

Il existe maints exemples de la manière dont "on" - c'est-à-dire l' "opinion publique" formée par une presse dite libre - fait passer les fauteurs de guerre pour des libérateurs... des grands démocrates ...

J'évoquerai ici le cas, particulièrement instructif, du grand "libéral" Benjamin Constant, compagnon de madame de Stael, fille du célèbre banquier Necker ... En 1997, dans sa préface aux " Principes de politique " de Benjamin Constant, Tzvetan Todorov écrit ceci :

" Pour penser la démocratie d'aujourd'hui , on a tout à gagner à revenir aux textes fondateurs parmi lesquels les " Principes de politique " occupent une place d'honneur ."

Justice leur est désormais rendue, puisque selon Todorov, " l'un des chefs-d'oeuvre de la philosophie politique européenne peut sortir de l'obscurité et occuper la place qui lui est due ."

Que lit-on dans ces fameux " Principes de politique " qui puisse susciter une telle admiration ?...

Benjamin Constant, le grand adepte des "Lumières" écrit textuellement que " la guerre elle- même n'est pas un mal . Elle est dans la nature de l'homme . Elle favorise le développement de ses plus belles et de ses plus grandes facultés . Elle lui ouvre un trésor de précieuses jouissances ." [...][L'homme] se forme à la grandeur d'âme , à l'adresse, au sang froid, au courage, au mépris de la mort , sans lequel il ne peut jamais se répondre qu'il ne commettra pas toutes les lâchetés qu'on exigera de lui . La guerre lui enseigne des dévouements héroïques et lui fait contracter des amitiés sublimes . Elle l'unit de liens plus étroits à ses compagnons d'armes . Enfin, " elle donne un corps à sa patrie , pour qu'il la défende ."

D'ailleurs, toujours selon le sieur Constant, " de trop longues époques de paix abâtardissent les peuples et les préparent à la servitude ."... C'est ainsi que " les peuples belliqueux par caractère sont d'ordinaire des peuples libres, parce que les mêmes qualités qui leur inspirent l'amour de la guerre, les remplissent d'amour pour la liberté ."...

Est-ce donc par " amour pour la liberté " que Charles de Gaulle a voulu faire du peuple français " un peuple belliqueux " ?...


Edité le 21-09-2013 à 20:40:46 par Philosophia




--------------------
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 21-09-2013 à 21:45:23   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Charles de Gaulle : jusqu'à la guerre sans raison...

Les citations trouvées chez Benjamin Constant par Philosophia résonnent avec force auprès de ce qu'en 1913, le lieutenant Charles de Gaulle , 23 ans, n'hésitait pas à dire dans une conférence prononcée devant des officiers subalternes tout comme lui :

" Certes, la guerre est un mal, je suis le premier à en convenir, mais c'est un mal nécessaire. La guerre est une de ces grandes lois des sociétés auxquelles elles ne peuvent se soustraire et qui les chargent de chaînes en les accablant de bienfaits. Rien ne sait davantage réveiller dans un peuple les mâles vertus et les nobles enthousiasmes que le sentiment de la patrie en danger ."

Mais le voici qui n'hésite pas à pousser un peu plus loin :
" Certes ce serait un grand crime pour un peuple que de la déchaîner sans raison, mais c'en serait un autre que de vouloir la détruire « car sans elle, disait M. de Molkte, sans elle le monde pourrirait ». La guerre développe dans le cœur de l'homme beaucoup de ce qu'il y a de bien ; la paix y laisse croître tout ce qu'il y a de mal ."

" Tout ce qu'il y a de mal ." C'est dit.

Mais qu'est-ce donc que ce M. de Molkte ?
Rien que le réorganisateur de l'armée prussienne à la fin des années 1850, le général en chef à Sadowa (1866) comme à Sedan (1870), et l'homme qui, en insistant pour que l'Allemagne annexe l'Alsace et une partie de la Lorraine, est directement à l'origine de ce que Karl Marx et Friedrich Engels ont appelé : l'institutionnalisation de la guerre européenne pour plusieurs générations. Rien que ça.

Encore une petite question :
Est-ce vraiment pour que la France ne pourrisse pas, que De Gaulle a lancé, en septembre 1945 en Indochine, cette guerre sans raison et sans plan (ainsi que la dénoncera la commission présidée par le général Catroux , et formée immédiatement après la défaite de Diên Biên Phu) qui fera - avec celle du Vietnam qui n'aurait pas pu avoir lieu sans elle - 1 850 000 morts : hommes, femmes, enfants, vieillards, de toutes nationalités, confondu(e)s ?

--------------------
Michel J. Cuny
Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18602 messages postés
   Posté le 22-09-2013 à 00:03:50   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

La guerre d'Indochine commence après le départ de De Gaulle, mais en réalité elle avait été très largement anticipée avant le coup japonais en Indochine du 9 mars 1945, puisque De Gaulle y avait déjà envoyé ses hommes pour chasser l'administration vichyste.

En particulier, le 8 décembre 1943, il déclarait « La France saura se souvenir de l'attitude fière et loyale des peuples indochinois, de la résistance qu'ils ont, à nos côtés, opposée au Japon et au Siam, de la fidélité de leur attachement à la communauté française, à ses peuples qui ont su affirmer à la fois leur sentiment national et leur sens de la communauté française, un statut politique nouveau sera reconnu, où, dans le cadre de l'organisation fédérale, les libertés des divers pays de l'Union seront étendues et consacrées ; où le caractère libéral de ces institutions sera, sans perdre la marque de la civilisation et des traditions indochinoises, accentué ; où les Indochinois, enfin, auront accès à tous les emplois et fonctions de l'État. »
Il est clair qu'il faisait alors ces promesses dans le seul but de reconstituer l'Empire colonial français.
La déclaration du 24 mars 1945 va exactement dans le même sens.

Entre la capitulation du Japon et son officialisation, le Vietminh avait pris le contrôle de Hanoï et de Saigon.
Le 2 septembre 1945, HoChi Minh proclame la République Démocratique du Vietnam, dont on peut lire la déclaration d'indépendance ici.

Mais dans le même temps de Gaulle nommait l’amiral d’Argenlieu haut-commissaire en Indochine et le général Leclerc général commandant supérieur des troupes françaises.
Le 2 août Jean Cedile (auparavant agent de renseignement dans la Chine de Tchang Kaï-chek) était parachuté au sud Vietnam et Jean Sainteny au nord.
Ce dernier, commissaire de la République pour le Tonkin et l'Annam du Nord, négocie avec Hô Chi Minh l'accord Hô-Sainteny pour que l'Indochine demeure dans l'Union française.
C'est encore d'Argenlieu qui profite de l'absence d'Hô Chi Minh, parti négocier avec le gouvernement Bidault, pour faire proclamer la République autonome de Cochinchine.
Le 23 novembre 1946, à l'instigation de l'amiral d'Argenlieu, trois avisos du colonel Debès bombardent le port de Haïphong, faisant 20 000 morts.

On peut lire sur cette période "De Gaulle, les Gaullistes et l’Indochine" , de Frédéric Turpin - Paris : Les Indes Savantes, 2005

--------------------
contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18602 messages postés
   Posté le 22-09-2013 à 11:21:24   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Jean-François Klein a publié un compte-rendu de l'ouvrage de Turpin sur le site Moussons

--------------------
contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 22-09-2013 à 16:14:08   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

De l'Indochine à Jean Moulin : une petite surprise

Merci pour tous ces éléments effectivement pertinents, Xuan .

Je ne voudrais pas m'éloigner de Pierre Cot et de Jean Moulin tout de suite.

Mais, comme dans " Le procès impossible de Charles de Gaulle ", j'ai consacré une trentaine de pages aux circonstances de l'entrée en guerre en Indochine, je dirai qu'à suivre de près les témoignages de Jean Sainteny et de Thierry d'Argenlieu , mais aussi les discours de De Gaulle tout au long de la guerre d'Indochine, il ne fait aucun doute qu'il a voulu cette guerre, qu'il a su en réunir les conditions, et qu'après son départ de la présidence du gouvernement provisoire, il a exercé un contrôle direct sur ce qui se passait en Indochine.

Ce qui n'enlève rien aux responsabilités particulières de Léon Blum et des socialistes qui ont agi dans le cadre général fixé par De Gaulle .

Mais je crois surtout qu'il faut resituer tout cela, d'une part relativement à l'ensemble de la trajectoire politique de De Gaulle depuis les lendemains de la première guerre mondiale, et d'autre part, de celle de Léon Blum depuis le discours au stade de Luna Park, à l'été de 1936, sur le pourquoi de la non-intervention en Espagne.

Je vais toutefois m'appuyer sur ce petit détour par l'Indochine pour revenir à Jean Moulin ...

Voici de quoi il s'agit.
Au mois de mai 1941, les communistes indochinois proposent la création d'une " Ligue pour l'indépendance du Vietnam " : Viêt Nam Ðôc Lâp Ðông Minh Hôi, c'est-à-dire, tout simplement, le désormais très célèbre Viet Minh .

Que croit-on que faisait alors Jean Moulin ?
Comme l'a noté le colonel britannique Sutton qui l'a rencontré le 3 novembre 1941 lors de sa première venue à Londres (fin octobre 1941 - début janvier 1942) :
" En mai [1941], il [Jean Moulin] se rendit secrètement à Paris pour trois semaines où il vit un certain nombre de fonctionnaires et d'hommes politiques de sa connaissance ."

Or, comme je crois avoir été le premier à le remarquer, c'est justement à la mi-mai 1941 qu'a été publié par le parti communiste français l'équivalent, pour la France, de l'appel qui, en Indochine, a donné naissance au Viet Minh : l'appel " Pour la formation d'un Front national de l'indépendance de la France ".

D'où l'on peut tirer la ligne politique qui sera celle de Jean Moulin jusqu'à sa mort... Or, les deux appels de mai 1941 précèdent même le déclenchement de l'opération Barbarossa !...

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 30-09-2013 à 14:07:30   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Pierre Cot et l'U.R.S.S. de Staline

C'est effectivement à cette U.R.S.S.-là qu'il faut immédiatement référer le patron et ami de Jean Moulin , ce Pierre Cot qui recevra le prix Staline pour la paix , en 1953 : l'année même du décès de l'éminent continuateur de Lénine .

Comme il est désormais assez facile de le comprendre, la ligne politique suivie par Jean Moulin s'inscrivait directement en continuité de celle qu'avait initiée Pierre Cot dès le début des années 30 : celle-ci s'était trouvée brisée par les Accords de Munich ; celle-là le serait le 21 juin 1943 par l'arrestation du créateur et président en exercice du Conseil de la Résistance souverain.

Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'une ligne extrêmement forte si on l'inscrit en continuité avec Robespierre . Mais c'est aussi une ligne qui n'a encore trouvé ni son historien, ni le schéma institutionnel démocratique apte à en soutenir le langage, c'est-à-dire à en développer la dialectique.

Il faut encore en dire qu'elle est solidaire de l'Histoire même de l'U.R.S.S. :
il n'est pas envisageable de parler correctement de Jean Moulin et de Pierre Cot , s'il faut concomitamment faire de Joseph Staline un monstre.

C'est pourquoi, par respect pour les deux premiers, j'ai entrepris un travail plus spécifiquement attaché à l'image que l'idéologie dominante est parvenue à nous fournir de ce dernier. La trace s'en trouve dans :
http://crimesdestaline.canalblog.com

Et Pierre Cot lui-même ?

A la fin du mois de janvier 1933, le lendemain de l'accession d' Adolf Hitler à la Chancellerie, le voici devenu ministre de l'Air. Quand arrive le printemps, il se rend à la Conférence du désarmement de Genève ; il y fait une rencontre qui lui ouvre la piste qu'il ne quitterait plus. C'est à lui de nous la révéler :
" Pendant la Conférence du Désarmement, je m'étais lié avec Maxime Litvinoff, champion infatigable de la "paix indivisible"; la paix du monde aurait été sauvée, si les Démocraties avaient écouté Litvinoff. "

Voilà qui montre aussitôt cette extrême naïveté politique dont Pierre Cot trouverait bientôt (le 6 février 1934) qu'il lui fallait très vite se débarrasser, puisque, ainsi que je l'ai déjà rapporté, il écrira, dix ans plus tard :
" Nous avions lu les œuvres de Marx, mais nous ne les avions pas comprises; il y avait beaucoup d'enfantillage dans nos conceptions ."

Comment Pierre Cot et son entourage avaient-ils pu ne pas comprendre que la guerre de l'Allemagne contre la jeune Union soviétique était au cœur même de l'armistice du 11 novembre 1918 et du traité de Versailles de 1919 ?

--------------------
Michel J. Cuny
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 03-10-2013 à 13:59:04   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Pierre Cot, réagissant en 1943 sur son idéalisme politique d'avant le 6 février 1934, constate : " Il y avait beaucoup d'enfantillage dans nos conceptions. "

Voilà la thématique idéaliste qui, selon lui-même, a porté les premières années de la présence de Pierre Cot à la Chambre des députés (de 1928 à 1933), Jean Moulin étant depuis 1925 parmi ses amis les plus proches :
" Ma pensée politique était fondée sur les principes de la Révolution Française. Je pensais et je pense encore que les principes de la Révolution étaient la meilleure expression du génie politique de la nation française ; [...] Je pensais que les principes de la Révolution devaient être développés afin d'être appliqués aux problèmes de la vie moderne ; [...] ; je pensais déjà qu'à la démocratie politique devait s'ajouter la démocratie économique et internationale ; plus je pénétrais au cœur de la politique française, plus mon expérience administrative et gouvernementale s'enrichissait, et plus je me rendais compte qu'en réalité il ne pouvait pas y avoir de démocratie politique ou de démocratie internationale sans démocratie économique - plus je me rendais compte que pour réaliser l'idéal de la Révolution Française, le suffrage universel est insuffisant : il faut modifier la structure économique et sociale ."

Comme on le voit, et comme on peut s'en étonner aujourd'hui qu'il ne fait guère bon annoncer que l'on se refuse à voter : Pierre Cot , dans un temps où il n'avait pas encore affronté les menaces de mort de la Cagoule, mesure déjà les limites de l'exercice du suffrage universel...

Le suffrage universel participe-t-il décidément de l'exercice de la souveraineté ? Quand un peuple vote, est-il, de toute nécessité, souverain ? Redoutable question par ce qu'elle engage de conséquences pour chacune et chacun de nous, sitôt qu'il s'agira de lier une réponse négative à la décision ferme de refuser de "donner" sa voix.

Décision qui cependant ne saurait interdire à celle ou à celui qui n'ont pas donné leur voix parce qu'elle (il) se refusent de chanter faux, de persister à donner de la voix autant que faire se peut ailleurs que devant l'urne. Mais pour dire quoi, et à qui ?

Pour dire, en allant dans le sens de ce à quoi appellent les derniers mots de la citation de Pierre Cot , que loin de s'en tenir au rôle de mauvais souffleur dans les trompettes d'un suffrage universel uniquement conçu pour que tout cela sonne aussi faux que possible : " Il faut modifier la structure économique et sociale ".

Oui, et comment ?...

--------------------
Michel J. Cuny
Philosophia
Pionnier
17 messages postés
   Posté le 03-10-2013 à 23:19:39   Voir le profil de Philosophia (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Philosophia   

Pour faire un lien avec la question fondamentale posée par Michel, je poserai à mon tour une question ... En système capitaliste, sur quoi la structure économique et sociale est-elle fondée ?

Relisons l'exposé particulièrement éclairant d'un certain Pierre Le Mercier de La Rivière qui écrivait en 1767, soit une vingtaine d'années seulement avant la Révolution :

" [...] Il existe un ordre naturel pour le gouvernement des hommes réunis en société [...] un ordre pour la connaissance duquel la nature nous a donné une portion suffisante de lumières, et qui n’a besoin que d’être connu pour être observé ; un ordre où tout est bien, et nécessairement bien, où tous les intérêts sont si parfaitement combinés, si inséparablement unis entre eux, que depuis les Souverains jusqu’au dernier de leurs sujets, le bonheur des uns ne peut s’accroître que par le bonheur des autres ; un ordre enfin dont la sainteté et l’utilité, en manifestant aux hommes un Dieu bienfaisant, les prépare, les dispose, par la reconnaissance, à l’aimer, à l’adorer, à chercher par intérêt pour eux-mêmes, l’état de perfection le plus conforme à ses volontés. [...]

" Ce n’est pas parce que les hommes se sont réunis en société, qu’ils ont entre eux des devoirs et des droits réciproques ; mais c’est parce qu’ils avaient naturellement et nécessairement entre eux des devoirs et des droits réciproques, qu’ils vivent naturellement et nécessairement en société. Or, ces devoirs et ces droits, qui dans l’ordre physique sont d’une nécessité absolue , constituent le juste absolu [...]"

" C’est donc de la nature même que chaque homme tient la propriété exclusive de sa personne, et celle des choses acquises par ses recherches et ses travaux . [...] La propriété personnelle est le premier de tous les droits : sans elle, il n’est plus ni propriété mobilière, ni propriété foncière, ni société ... Ces trois sortes de propriétés sont tellement unies ensemble qu’on doit les regarder comme ne formant qu’un seul tout dont aucune partie ne peut être détachée, qu’il n’en résulte la destruction des deux autres. L’ordre essentiel à toute société est donc de les conserver toutes trois dans leur entier [...]"
[...]

" L’ordre essentiel à toutes les sociétés est l’ordre sans lequel aucune société ne pourrait ni se perpétuer ni remplir l’objet de son institution. La base fondamentale de cet ordre est évidemment le droit de propriété , parce que sans le droit de propriété, la société n’aurait aucune consistance, et ne serait d’aucune utilité à l’abondance des productions [...]"

Pierre Cot qui était très attaché à la Révolution française concevait-il l'organisation de la société sous cet angle ?

--------------------
Michel J. Cuny
Jeune Communiste
78 messages postés
   Posté le 04-10-2013 à 13:16:39   Voir le profil de Michel J. Cuny (Offline)   Répondre à ce message   http://souverainement.canalblog.com   Envoyer un message privé à Michel J. Cuny   

Philosophia a écrit :
Pour faire un lien avec la question fondamentale posée par Michel, je poserai à mon tour une question... En système capitaliste, sur quoi la structure économique et sociale est-elle fondée ?
Relisons l'exposé particulièrement éclairant d'un certain Pierre Le Mercier de La Rivière qui écrivait en 1767, soit une vingtaine d'années seulement avant la Révolution :
" [...] Il existe un ordre naturel pour le gouvernement des hommes réunis en société [...] un ordre pour la connaissance duquel la nature nous a donné une portion suffisante de lumières, et qui n’a besoin que d’être connu pour être observé ; un ordre où tout est bien, et nécessairement bien, où tous les intérêts sont si parfaitement combinés, si inséparablement unis entre eux, que depuis les Souverains jusqu’au dernier de leurs sujets, le bonheur des uns ne peut s’accroître que par le bonheur des autres ; un ordre enfin dont la sainteté et l’utilité, en manifestant aux hommes un Dieu bienfaisant, les prépare, les dispose, par la reconnaissance, à l’aimer, à l’adorer, à chercher par intérêt pour eux-mêmes, l’état de perfection le plus conforme à ses volontés."

La question que pose Philosophia et l'auteur qu'elle cite impliquent un petit détour vers un monde dont on oublie généralement qu'il est intrinsèquement lié à toute vie en société : celui de la jouissance.
C'est bien cette jouissance qui résonne d'un bout à l'autre de la " Correspondance " de l'ignoble Voltaire ... C'est ce qui lui donne sa juste place dans la manipulation de l'inconscient des jeunes gens et des jeunes filles de notre pays par une Université qui sait ce qu'elle fait depuis des décennies.

C'est encore cette jouissance très personnelle qui anime l'ensemble de la carrière politique d'un certain De Gaulle .
C'est cette jouissance, exercée contre lui, qui aura exigé la mise à l'écart de Pierre Cot de la vie politique dès après le Front populaire ; c'est elle qui a condamné à mort Jean Moulin ; et c'est elle qui animait le discours terriblement mensonger d' André Malraux lors du transfert des cendres du créateur du Conseil de la Résistance au Panthéon en 1964.

Relisons avec attention la citation de Le Mercier de La Rivière que je reprends ci-dessus de Philosophia . J'ai bleui les diverses occurrences du mot " ordre ", ainsi que ce qui se rapporte au bonheur " des uns ", " des autres ".

Relecture édifiante... Or, sous l'ordre social , il y a toujours des jouissances individuelles : elles se disent, ou ne se disent pas.

Chez Le Mercier de La Rivière , voilà ce que cela donne :

" L'homme ne se met en action qu'autant qu'il est aiguillonné par le désir de jouir ; or le désir de jouir ne peut agir sur nous qu'autant qu'il n'est point séparé de la liberté de jouir . "

" Désir de jouir et liberté de jouir , voilà l'âme du mouvement commercial [...]"

" Mais qui est-ce qui peut porter les hommes à faire ces travaux et ces dépenses, si ce n'est le désir de jouir ? et que peut sur eux le désir de jouir , s'ils sont privés de la liberté de jouir ? "

Le peuple doit-il décidément plier sa vie sous cette jouissance-là ?
Voilà la véritable question politique.


Edité le 04-10-2013 à 18:32:54 par Michel J. Cuny




--------------------
Michel J. Cuny
Haut de pagePages : 1  
 
 Forum Marxiste-Léniniste  Théorie  Histoire  Et de Gaulle...combien de mortsNouveau sujet   Répondre
 
Identification rapide :         
 
Divers
Imprimer ce sujet
Aller à :   
 
créer forum