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 Delaunay sur l’intervention de Fabien Roussel

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Xuan
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   Posté le 03-09-2020 à 17:30:21   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Sur le livre de Jean-Claude Delaunay et l’intervention de Fabien Roussel


DANIELLE BLEITRACH 2 SEPTEMBRE 2020

Jean-Claude me transmet cette réponse à l’intervention de Jacques Cros sur son blog et que nous avions publiée ici comme commentaire de lecteur. Cette réponse de Jean-Claude est intéressante parce qu’elle apporte des précisions sur sa problématique sur le socialisme, mais aussi le fait dans le cadre d’une actualité qui est celle du discours de Fabien Roussel, le secrétaire du PCF. Jean-Claude et Jacques sont membres du parti et moi je suis sympathisante, mais nous considérons tous les trois que beaucoup de choses concernant notre pays dépendent du renforcement du PCF. Face à ce discours de Fabien Roussel, on peut considérer que le verre est à moitié vide par rapport aux urgences ou a moitié plein par rapport aux dérives qui depuis plus de 20 ans ont réduit ce parti. Le fait est que Fabien Roussel intervient dans les limites du 38e Congrès et qu’il montre la nécessité d’un 39e congrès qui nous permette d’avancer. Il le fait avec sa méthode : préserver l’unité du parti en posant ce qui est incontournable et ce qui mérite débat et il s’avère que son point focal est la nécessité d’avoir un candidat communiste à la présidentielle. Sur ce point je pense que l’immense majorité des communistes est d’accord, mais ce choix devra nécessairement s’appuyer sur la spécificité du PCF, aller vers une autre société, le socialisme, rompre avec le capitalisme. Ici et c’est le sens de cette publication nous souhaitons apporter des éléments d’information et de réflexion (note de Danielle Bleitrach).



Suite à l’échange que j’ai eu avec Jean-Claude Delaunay à l’occasion d’une analyse que je lui ai présentée sur son livre il m’a proposé d’héberger sur mon blog sa contribution au débat qui a lieu. Il me semble que pour la clarté des choses et la compréhension de points obscurs il était intéressant d’accorder l’hospitalité à l’auteur de «Rompre avec le capitalisme, construire le socialisme ». Qu’on ne s’y trompe pas, j’avoue encore des carences dans ma vision de ce qui est en jeu, même si la contribution de Jean-Claude Delaunay m’a éclairé sur plusieurs aspects.(jacques Cross)

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J’ai écrit un livre sur le socialisme. Il vient de sortir aux Editions Delga. Jacques Cros, avec sa concision et son honnêteté intellectuelle habituelles, en a rédigé une analyse. Je l’en remercie très sincèrement.

Pour éclairer certains aspects de mon bouquin, que Jacques trouve obscurs, je vais développer quelques remarques. Je vais également profiter de ce que se tient à Malo-les-Bains l’Université d’été 2020 du PCF et de ce que Fabien Roussel y est intervenu.

La première idée est le très grand besoin de mener, aujourd’hui, en France la lutte pour rompre avec le capitalisme. Je crois que Jacques et moi nous sommes d’accord sur ce point. Ce dont je me suis aperçu en écrivant ce bouquin, c’était l’absence totale de cette exigence dans quasiment toutes les luttes, que ce soit celles des gilets jaunes qui se mènent dans toute la France, ou que ce soit les combats qui se mènent ici et là, par exemple en ce moment à Haubourdin, dans le Nord, où la direction de Cargill est en train de licencier près de 200 salariés de cette entreprise. Il y a des luttes. Les travailleurs sont écœurés. La société française est en crise profonde. Sa transformation révolutionnaire est visiblement à l’ordre du jour. Et pourtant, le besoin de cette transformation révolutionnaire est quasiment absent des analyses.
Je note donc avec satisfaction que Fabien Roussel, dans le discours qu’il a prononcé à l’Université d’été 2020 du PCF, à Malo les Bains, se soit prononcé clairement en faveur de cette exigence. Espérons que cela va engager l’action de l’ensemble des communistes dans cette direction.

Rompre avec le capitalisme, qu’est-ce que cela signifie concrètement? En réalité, c’est là que commencent les difficultés. Pour moi, cela signifie que la grande bourgeoisie et ses représentants, les Macron et autres sbires, doivent être, en tant que classe sociale, chassés de l’économie, de la politique, de l’Etat, de l’administration, de la justice, de la police, de l’armée, de la politique étrangère, de l’école, de la culture, de l’information, etc. Désormais, en tant que classe sociale, ils ne doivent plus avoir, et définitivement, droit à la parole et à la décision. Tous ces bandits, tous ces voleurs du bien public, doivent redevenir, si c’est possible, des citoyens ordinaires, et se soumettre à la loi populaire. Ils doivent la respecter absolument, tout de suite et sans retour possible. Ils auront, sinon, le droit d’émigrer aux Etats-Unis. C’est ce qu’on appelle une révolution. Voilà ce que j’ai écrit dans mon bouquin.
Manifestement, Fabien Roussel ne partage pas ce genre d’analyse, car, pour lui et pour son équipe, rompre avec le capitalisme, c’est faire que «les richesses soient créées sans exploiter les hommes et les femmes et sans épuiser la planète». Dans son discours de Malo les Bains, le secrétaire national du PCF, n’a donc pas séparé la question du comment (il faut rompre avec le capitalisme) et la question du pourquoi (pour quoi faire?). Il ne les a pas séparées et il a répondu à l’une à l’aide de l’autre. Il a répondu au comment par l’intermédiaire du pourquoi. Si je résume son propos en utilisant une terminologie marxiste, rompre avec le capitalisme en ce qui concerne les rapports sociaux de production, c’est mettre un terme à l’exploitation du travail humain, et en ce qui concerne les rapports sociaux de consommation, c’est respecter la planète et ses habitants, c’est avoir réellement le souci de l’écologie. OK ! Mais la grande bourgeoisie dans tout ça, qu’est-ce qu’on en fait ? Elle reste en place ? Elle fait appel à ses amis américains ? Ces deux questions ne sont-elles pas, elles aussi, des questions immédiates ?
Certes, un programme politique n’est pas un cours de théorie économique. Le PCF se doit d’indiquer à partir de quoi la lutte pourra devenir lutte d’ensemble tout en prenant force et vigueur. C’est son boulot, si je puis dire, de la même façon que c’est le boulot de l’allumeur de réverbères de Saint-Exupéry, de s’occuper de ses réverbères. Et là, l’équipe en charge de la direction du PCF nous dit : Il existe, en France, deux points ultra-sensibles de la crise actuelle du capitalisme : l’exploitation du travail salarié et l’écologie. Si l’on prend réellement en charge ces deux points, si l’on s’y met à fond, c’est tout le reste qui suivra, à commencer par le PCF lui-même qui est loin d’être au clair sur ces questions. De plus, les fondateurs du communisme n’ont-ils pas écrit que la fin de l’exploitation du travail était l’une des premières choses que la classe ouvrière devait conquérir sur le capitalisme pour en faire la révolution ?
Cet argument est loin d’être idiot. Si l’on observe ne serait-ce que les luttes toutes proches de nous, chronologiquement, n’est-ce pas l’exploitation du travail des hommes et des femmes qui en est le centre ? Les 186 salariés de Cargill licenciés, alors qu’ils ont fait tout leur possible pendant le plus fort de la pandémie, ne sont-ils pas des victimes de l’exploitation ? Ces deux infirmiers de l’EHPAD de Toulouse, du Groupe Domusvi, mis à pied pour avoir demandé avec insistance des masques pour s’occuper de personnes vraisemblablement porteuses du virus, ne sont-ils pas victimes de l’exploitation ? Cet inspecteur du travail, Anthony Bonne, mis à pied pour avoir fait son travail à l’égard d’une entreprise sans scrupule, n’est-il pas victime de l’exploitation capitaliste ordinaire? Que dire encore d’Alexandre El Gamal ou d’Ahmed Berrahal, révoqués par la RATP pour blocage dans leurs dépôts ? Que dire de ces 3 enseignantes, mises à pied pour 8 mois pour s’être opposées activement à la réforme Blanquer ? Ces personnes, syndiquées et connues comme telles, ne sont-elles pas des victimes de l’exploitation capitaliste, partout présente, partout menaçante, tant à l’égard des ouvriers que des agents de la fonction publique ou des salariés de services publics ?
Et pourtant, je crois pouvoir affirmer qu’il y a deux choses qui ne vont pas dans le discours de Fabien Roussel.
La première c’est que, oui, il faut mettre un terme à l’exploitation du travail, hommes et femmes réunies, j’en suis bien d’accord. Mais les moyens nécessaires de cette mise à terme, c’est-à-dire une lutte à mort avec la grande bourgeoisie et ses divers soutiens, que ce soit dans les rangs de l’écologie, dans ceux de la social-démocratie ou parmi les voyous, n’est pas évoquée. Si on veut en finir avec l’exploitation capitaliste, il faut pourtant s’y préparer. Il faut être clair là-dessus.

La deuxième est que les rapports sociaux de l’économie ne sont évoqués par notre secrétaire national que d’une manière incomplète, amputée de moitié. C’est bien gentil de dire qu’il faut rompre avec le capitalisme et ses rapports sociaux de production. Mais pour faire quoi ? Pour remplacer l’exploitation capitaliste par «une exploitation post-capitaliste», comme on dit chez les gens bien ? C’est volontairement que je n’ai pas prononcé le mot de socialiste. Le socialisme est devenu un mot maudit de notre vocabulaire politique.

J’ai, en tant qu’individu communiste, la naïve croyance que si l’on me propose de rompre avec le capitalisme, j’ai besoin de savoir «Pour quoi faire ?». Et cela sur les deux plans de la production et de la consommation.

Si l’on me propose de rompre avec les rapports de production capitalistes, j’ai besoin de savoir quels sont les rapports de production que l’on peut raisonnablement envisager pour les remplacer.

Si l’on me propose de rompre avec le capitalisme, c’est-à-dire de rompre également avec les rapports de consommation capitalistes, j’ai besoin de savoir quels sont les rapports de consommation que l’on peut raisonnablement envisager pour les remplacer.

J’ai besoin de faire ici une petite pose théorique car il existe bien des incompréhensions sur les termes que je viens d’employer et surtout sur le terme de consommation. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Marx. La consommation, c’est l’envers de la production. Dans une économie, quelle qu’elle soit, il y a un côté pile et un côté face. Le côté pile, c’est la production. Là, tout le monde s’y retrouve, je n’ai pas besoin d’insister. Le côté face, c’est la consommation, c’est l’usage de la production. Or l’usage de la production ne consiste pas seulement à se procurer des chaussettes ou à boire un verre de bière avec des amis. Il existe d’autres usages de la production et par conséquent d’autres consommations que la bière et les chaussettes. Il existe par exemple l’investissement des entreprises. Celles-ci consomment des investissements. Voici un tableau qui permet de répartir l’ensemble de la production mais cette fois selon le point de vue de la consommation.

Consommation finale (ménages, administrations) / Consommation finale individuelle (la bière, les chaussettes…)

Consommation finale collective, (les services publics…)

Consommation productive (entreprises) / Consommation productive individuelle (équipements informatiques, logiciels….)

Consommation productive collective (les services publics…)


C’est par la consommation, qui est l’envers de la production, que les ménages peuvent apprécier le mieux et le plus simplement la pertinence d’une nouvelle société. Celle-ci, par exemple, leur permettra-t-elle de se loger ?

Un autre élément intéressant de ce tableau est celui des consommations collectives. Pendant un certain temps, les ménages et les entreprises ont satisfait leurs besoins collectifs à l’aide des mêmes activités. Les trains peuvent être trains de marchandises ou trains de passagers. Ce ne sont pas les mêmes trains mais c’est la même compagnie qui en assurait la gestion.

Mais ces services collectifs, qui en tant que services publics sont hautement appréciés de la grande masse de la population, sont aujourd’hui privatisés, démantelés, réduits, restructurés par la grande bourgeoisie. Son horizon n’est plus national, il est mondial.

Le point de vue de la consommation nous conduit donc ici encore à dire que la rupture d’avec le capitalisme devrait permettre de retrouver le niveau antérieur de services publics en le développant et en l’adaptant aux besoins populaires.

Il est navrant d’observer que certains communistes ignorent ou méprisent le point de vue de la consommation. Ce dernier n’est pas moins important pour les investissements des entreprises que pour les autres types de consommation. A quoi serviraient de beaux rapports de production qui ne permettraient d’investir que des produits de qualité médiocre ou mauvaise ?

La société nouvelle que le secrétaire national du PCF propose implicitement de construire contient-elle cette dimension de la consommation, au sens large et complet du terme ?

Je vais maintenant conclure sur mon bouquin et ce qui m’empêche d’adhérer sans réserve au discours de Fabien Roussel. Je note 3 points.

Le premier point , je l’ai déjà indiqué, c’est le fait de parler de fin de l’exploitation sans désigner la classe sociale devant être immédiatement chassée du pouvoir et de l’économie pour que cela soit possible. La fin de l’exploitation capitaliste ne pourra être réalisée sans l’élimination immédiate, complète, définitive, de la grande bourgeoisie en tant que classe sociale.

L e deuxième point est la réponse à la question : rompre avec le capitalisme, mais pour faire quoi ? Ce que les masses populaires demandent est, selon moi, que la rupture d’avec le capitalisme se traduise au niveau de la consommation, de toutes les consommations, par des progrès décisifs dans la satisfaction des besoins, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des administrations. C’est bien gentil d’avoir de beaux rapports de production, mais s’il n’y a rien dans les assiettes, ça sert à quoi?

Le troisième point est qu’il conviendrait d’avoir enfin l’audace de ses ambitions. Cette audace, c’est une longue construction, faite avec les masses populaires, avec leur participation maximale. Cette audace, c’est la construction du socialisme. Le socialisme est un mot maudit. Raison de plus pour en parler tout de suite. Et puis, si nous, communistes, nous en parlons tant avec persévérance qu’avec vérité, sommes-nous si certains qu’il restera éternellement maudit ?

Ce que je peux espérer de mieux est que Fabien Rousssel ait estimé que son intervention ne pouvait être que très incomplète. Il aurait estimé ne pouvoir faire qu’une seule chose : lancer la discussion. C’est possible. Eh bien dans ce cas, allons-y. Moi, je vous recommande la lecture de mon bouquin. Je suis prêt, quand je pourrai venir en France, à en discuter avec vous.

Jean-Claude Delaunay

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pzorba75
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   Posté le 03-09-2020 à 17:57:46   Voir le profil de pzorba75 (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à pzorba75   

Il a un peu la grosse tête ce JC. Delaunay. Plus verbeux que faiseux! Quant à F. Roussel, plus nul et plus mou, introuvable en France.


Edité le 03-09-2020 à 17:58:38 par pzorba75




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Xuan
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   Posté le 03-09-2020 à 23:21:17   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Jean Claude est économiste de métier, très méthodique, et quelqu'un d'ouvert et de très modeste sur le plan personnel. Il vit en Chine Populaire actuellement.
Sa position est juste, c'est acteur important de la lutte contre le révisionnisme dans le PCF.
Il défend la nécessité d'une société socialiste protégée par la dictature du prolétariat.

Dans cet article il met le doigt sur l'absence de projet de société socialiste et sur le refus d'envisager simplement cette société. Mais il fait davantage en essayant de poser les bases économiques de cette société. Je ne crois pas qu'il en existe beaucoup dans notre pays qui se soient déjà attelés à ce travail, sinon en appliquant de grands principes.

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