| | | | | Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18598 messages postés |
| Posté le 02-11-2023 à 20:57:22
| NB : Lire les commentaires sur le site La contradiction comme une catégorie de la logique dialectique, par Evald Ilyenkov 2 NOVEMBRE 2023 https://histoireetsociete.com/2023/11/02/la-contradiction-comme-une-categorie-de-la-logique-dialectique-par-evald-ilyenkov/?unapproved=12096&moderation-hash=b0bd02c49763607f2b759592b90a10db#comment-12096 Photographie : Evald Ilyenkov avec son père durant la Grande Guerre Patriotique Au stade où nous en sommes, il faut se replonger dans les fondements de la dialectique matérialiste afin de développer et d’analyser les contradictions auxquelles parvient l’impérialisme sous sa forme actuelle, qui n’est plus déjà, celle qu’avait analysée Lenine en 1915. Pour ce faire, je propose ce texte d’Evald Ilyenkov, qui expose en s’appuyant sur l’exemple de l’analyse marxiste de la valeur, les fondements de la catégorie logique de la contradiction, “le noyau de la dialectique”. Ewald Ilyenkov était un important philosophe soviétique. Né en 1924 à Smolensk, il a combattu dans l’armée rouge au cours de la Grande Guerre Patriotique et a été un des éminents acteurs de la philosophie marxiste soviétique dans les années 60 et 70, avant son suicide en 1979. N’ayant pas trouvé de version française de cet article, mais seulement une version anglaise, je vous propose cette version traduite par deepl à partir de la version anglaise. L’analyse de l’impérialisme nous place dans un double terrain contradictoire : d’une part, il rejoint l’analyse marxiste de la valeur, de sa contradiction interne et des développements qu’opère, de crise en crise le capitalisme pour résoudre cette crise de réalisation de la valeur et résister à la baisse tendancielle du taux de profit. Lenine a montré, à la suite de Marx que la résolution des crises et la lutte contre la baisse tendancielle du taux de profit pousse le capitalisme à nier la concurrence (qui est pourtant son fondement) à travers la constitution des monopoles. Passé un certain stade, les monopoles parviennent à la fusion du capital industriel et du capital bancaire et financier, puis à la fusion avec l’état. Mais l’analyse de l’impérialisme nous conduit également à la contradiction entre l’organisation internationale des forces productives (caractère international de plus en plus développé et important) et la structure socio-anthropologique de type national de l’état capitaliste. Cela a conduit l’impérialisme à développer le colonialisme et a mené à la lutte mondiale pour le contrôle du monde par les monopoles. L’impérialisme n’est donc pas seulement une catégorie économique. Il soulève aussi la question politique, sociale et philosophique de la souveraineté. C’est pour cela, dans une interprétation réductrice de l’impérialisme, on en est venu à utiliser de manière principale la notion de “pays impérialiste”, simplification abusive, qui pousse un certain nombre d’analystes à tenter de classer les pays en deux catégories : les oppresseurs qu’il faut condamner et les victimes qu’il faut défendre. Une telle interprétation vulgaire conduit inévitablement à d’invraisemblables contradictions. Ainsi, la situation ukrainienne devient inextricable. La Russie semble oppresser l’Ukraine, mais quid alors des populations du Donbass bombardées par Kiev depuis 2014 ? Pour s’en sortir, la plupart des politiciens ferment simplement les yeux sur cette réalité et s’alignent ainsi sur la politique de l’OTAN. Mais l’OTAN n’est-elle pas elle-même “impérialiste” ? La méthode matérialiste dialectique que nous expose ici avec pédagogie Evald Ilyenkov nous est nécessaire pour parvenir au terme de l’analyse de l’impérialisme, non seulement tel que Lénine l’a exposé en 1915, ce qui l’a conduit à formuler la nécessité de la révolution socialiste, mais tel qu’il s’est développé au cours du 20ème siècle. Ainsi que le souligne Evald Ilyenkov “le mouvement de la pensée investigatrice (consiste) à révéler cette nouvelle réalité qui se (développe) en vertu de l’impossibilité de résoudre la contradiction objective divulguée à l’origine.” Ainsi, la solution de Lénine à la contradiction de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme fut la révolution socialiste comme tâche pratique, révolution qui fut d’abord russe mais avec une visée internationale. Mais cette révolution socialiste a rencontré dans son propre développement des contradictions nouvelles, un développement nouveau de la contradiction. La révolution s’est en particulier révélée impossible ou en tous cas infructueuse dans les grands pays capitalistes développés. Il ne s’est donc pas opéré une conclusion finale du processus, mais une étape nouvelle de son développement. Dans l’enchaînement rapide des événements tout au long du 20ème siècle, une nouvelle réalité s’est développée. Comme je le soulignais dans un commentaire, ceci n’est nullement un échec, c’est inévitablement une étape nécessaire que le mouvement de la pensée doit révéler pour mettre à jour les nouvelles formes de la contradiction sur et dans lesquelles nous devons désormais agir. De fait, si l’URSS a disparu en tant que forme d’état socialiste nouveau, la dynamique révolutionnaire enclenchée par la révolution russe n’a jamais cessé. Au contraire, d’une part, les formes socialistes se sont développées à des degrés divers y compris de manière travestie et partielle au sein même des grands états capitalistes. De plus, des bases nouvelles ont été crées pour une nouvelle étape avec la transformation radicale des rapports mondiaux, la disparition du colonialisme originel et l’ascension de la Chine comme nouveau centre industriel dominant. Ce faisant, l’impérialisme lui-même s’est développé selon des formes nouvelles, à la fois dans sa contradiction internationale avec le socialisme et dans sa contradiction interne. Le passage de l’article qui concerne l’articulation entre contradiction interne et contradiction externe est très éclairant : “La dialectique ne réduit nullement l’une (la contradiction interne) à l’autre (la contradiction externe). Elle reconnaît l’objectivité des deux. Cependant, il ne s’agit pas de réduire une contradiction externe à une contradiction interne, mais de dériver la première de la seconde et de comprendre ainsi l’une et l’autre dans leur nécessité objective. La dialectique ne nie d’ailleurs pas le fait qu’une contradiction interne apparaît toujours dans les phénomènes sous la forme d’une contradiction externe.“ La contradiction interne à l’impérialisme est première, elle est le développement des contradictions propres au mode capitaliste d’accumulation. Elle apparaît sous la forme d’une contradiction externe dans les rapports impérialistes de domination de l’état et au final (c’est mon hypothèse de travail à ce stade) dans la liquidation de la souveraineté des états bourgeois, dominés d’abord mais dominants ensuite. Nous sommes donc toujours au stade de la transition vers une société socialiste et de la contradiction entre le capitalisme finissant et le socialisme émergeant. Aujourd’hui, cette contradiction prend des formes nouvelles et s’approche d’un nouveau stade. Ces formes nouvelles résultent de la transformation polaire, contradictoire (et pourtant unique et identique au sens dialectique) du socialisme et du capitalisme impérialiste. C’est cela qu’il nous faut approfondir, en remontant aux origines et en suivant tout le cours du développement afin de cerner les dimensions réelles du combat d’aujourd’hui. Note de Franck Marsal pour Histoire et Société La contradiction comme une catégorie de la logique dialectique, par Evald Ilyenkov Traduction Deepl à partir de la version anglaise : La contradiction en tant qu’unité concrète de contraires qui s’excluent mutuellement est le véritable noyau de la dialectique, sa catégorie centrale. Sur ce point, il ne peut y avoir deux points de vue parmi les marxistes ; mais une difficulté non négligeable surgit immédiatement dès que l’on aborde la “dialectique subjective”, la dialectique en tant que logique de la pensée. Si un objet quelconque est une contradiction vivante, quelle doit être la pensée (l’énoncé sur l’objet) qui l’exprime ? Une contradiction objective peut-elle et doit-elle se refléter dans la pensée ? Et si oui, sous quelle forme ? La contradiction dans les déterminations théoriques d’un objet est avant tout un fait constamment reproduit par le mouvement de la science, et n’est pas nié par la dialectique, ni par les matérialistes, ni par les idéalistes. Le point qu’ils contestent est autre, à savoir : quel est le rapport de la contradiction de la pensée à l’objet ? En d’autres termes, peut-il y avoir une contradiction dans la pensée vraie, correcte ? Le logicien métaphysique tente de démontrer l’inapplicabilité de la loi dialectique de la coïncidence ou du concours des contraires, qui équivaut à leur identité, au processus même de la pensée. Ces logiciens sont parfois même prêts à reconnaître que l’objet peut, en accord avec la dialectique, être en lui-même contradictoire. La contradiction est dans l’objet mais ne doit pas être dans les idées qui le concernent. Le métaphysicien, cependant, ne peut toujours pas se permettre de reconnaître la vérité de la loi qui constitue le noyau de la dialectique, par rapport au processus logique. Le principe de contradiction est transformé en critère absolu et formel de vérité, en canon a priori indiscutable, en principe suprême de la logique. Certains logiciens s’efforcent d’étayer cette position, qu’il est difficile de qualifier autrement que d’éclectique, en invoquant la pratique de la science. Toute science, lorsqu’elle se heurte à une contradiction dans les déterminations d’un objet, s’efforce toujours de la résoudre. N’agit-elle pas alors conformément aux recettes de la métaphysique, qui considère que toute contradiction dans la pensée est inadmissible, et qu’il faut s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre ? C’est ainsi que le métaphysicien de la logique interprète des moments similaires dans le développement de la science. La science, dit-il, s’efforce toujours d’éviter les contradictions, mais la dialectique a une tendance opposée. Ce point de vue repose sur un malentendu, ou plutôt simplement sur l’ignorance d’un fait historique important : la dialectique est née là où la pensée métaphysique (c’est-à-dire la pensée qui ne connaît ni ne désire connaître aucune autre logique que la logique formelle) s’est finalement trouvée prise dans les contradictions logiques qu’elle avait mises en lumière uniquement parce qu’elle observait de manière persistante et cohérente l’interdiction de toute forme de contradiction dans les déterminations. La dialectique en tant que logique est le moyen de résoudre ces contradictions, de sorte qu’il est stupide de l’accuser de vouloir accumuler les contradictions. Il est irrationnel de voir la cause de la maladie dans la venue du médecin. La question ne peut être que de savoir si la dialectique réussit à guérir les contradictions dans lesquelles la pensée tombe, en fait, à la suite d’un régime métaphysique des plus rigoureux qui interdit inconditionnellement toute contradiction. Et si elle y parvient, pourquoi ? Passons à l’analyse d’un exemple frappant, un cas typique de la façon dont des montagnes de contradictions logiques ont été empilées uniquement au moyen de la logique formelle absolutisée, et résolues rationnellement uniquement au moyen de la logique dialectique. Nous pensons à l’histoire de l’économie politique, à l’histoire de la désintégration de l’école ricardienne et à l’essor de la théorie économique de Marx. La sortie de l’impasse des paradoxes et des antinomies théoriques dans lesquels l’école ricardienne s’était engagée n’a été trouvée, comme nous le savons, que par Karl Marx, et elle a été trouvée précisément au moyen de la dialectique en tant que logique. Le fait que la théorie de Ricardo contienne une masse de contradictions logiques n’a pas du tout été découvert par Marx. Malthus, Sismondi, McCulloch et Proudhon l’avaient bien vu. Mais seul Marx a été capable de comprendre le caractère réel des contradictions de la théorie de la valeur du travail. Considérons, à la suite de Marx, l’une d’entre elles, la plus typique et la plus aiguë, l’antinomie de la loi de la valeur et de la loi du taux moyen de profit. La loi de la valeur de David Ricardo établissait que le travail humain vivant était l’unique source et substance de la valeur, affirmation qui constituait un énorme progrès sur la voie de la vérité objective. Mais le profit est aussi une valeur. En essayant de l’exprimer théoriquement, c’est-à-dire à travers la loi de la valeur, on obtient une contradiction logique évidente. Le fait est que le profit est une valeur nouvelle, nouvellement créée, ou plutôt une partie de cette valeur. Il s’agit là d’une détermination analytique incontestablement vraie. Mais seul le travail nouveau produit de la valeur nouvelle. Mais comment cela s’accorde-t-il avec le fait empirique tout à fait évident que la quantité de profit n’est pas du tout déterminée par la quantité de travail vivant dépensée pour sa production ? Elle dépend exclusivement de la quantité de capital dans son ensemble, et en aucun cas de l’importance de la partie consacrée aux salaires. Et il est encore plus paradoxal que plus le profit est élevé, moins la quantité de travail vivant consommée pour sa production est importante. Dans la théorie de Ricardo, la loi du taux moyen de profit, qui établissait la dépendance de l’échelle du profit par rapport à la quantité de capital dans son ensemble, et la loi de la valeur, qui établissait que seul le travail vivant produisait de la valeur nouvelle, se trouvaient dans une relation de contradiction directe, s’excluant mutuellement. Pourtant, ces deux lois déterminent un seul et même objet (le profit). Cette antinomie a été relevée en son temps par Malthus avec une délectation malveillante. Voilà donc un problème qu’il est impossible de résoudre avec les principes de la logique formelle. Et si la pensée avait abouti ici à une antinomie, et s’était heurtée à une contradiction logique, il était difficile d’en imputer la responsabilité à la dialectique. Ni Ricardo ni Malthus n’avaient la moindre idée de la dialectique. Tous deux ne connaissaient que la théorie lockienne de l’entendement et la logique (et celle-ci formelle) qui lui correspond. Ses canons étaient pour eux indiscutables, et les seuls. Cette logique ne justifiait une loi générale (en l’occurrence la loi de la valeur) que lorsqu’elle était démontrée comme une règle empirique immédiatement générale sous laquelle tous les faits quels qu’ils soient étaient subsumés sans contradiction. Or, il s’est avéré qu’il n’y avait en fait aucune relation entre la loi de la valeur et les formes de sa manifestation. Dès que l’on tente de traiter le profit de manière théorique (c’est-à-dire de le comprendre à travers la loi de la valeur), il s’avère soudain une contradiction absurde. Si la loi de la valeur est universelle, le profit est en principe impossible. Par son existence, il réfutait l’universalité abstraite de la loi de la valeur, la loi de sa propre existence particulière. Ricardo, le créateur de la théorie de la valeur du travail, était principalement préoccupé par l’accord entre les énoncés théoriques et l’objet. Il exprimait sobrement, et même cyniquement, l’état réel des choses ; et celui-ci, criblé d’antagonismes insolubles, se présentait naturellement à la pensée comme un système de conflits, d’antagonismes, de contradictions logiques. Cette circonstance, que les théoriciens bourgeois considéraient comme une preuve de la faiblesse et de l’incomplétude de sa théorie, était au contraire une preuve de sa force et de son objectivité. Lorsque les disciples et les successeurs de Ricardo n’ont plus fait de la correspondance de la théorie à l’objet leur principale préoccupation, mais plutôt de l’accord des déterminations théoriques développées avec les exigences de la cohérence logique formelle, avec les canons de l’unité formelle de la théorie, la théorie de la valeur du travail a commencé à se désintégrer. Marx a écrit à propos de James Mill : “Ce qu’il essaie de réaliser, c’est la cohérence formelle et logique. La désintégration de l’école ricardienne commence donc avec lui”. En fait, comme Marx l’a montré, la loi générale de la valeur se trouvait dans une relation de contradiction mutuellement exclusive avec la forme empirique de sa propre manifestation, avec la loi du taux moyen de profit. Il s’agissait d’une contradiction réelle d’un objet réel. Et il n’était pas surprenant qu’en essayant de subsumer une loi directement et immédiatement sous l’autre, on obtienne une contradiction logique. Mais quand, néanmoins, on continuait à vouloir faire concorder directement et sans contradiction la valeur et le profit, on obtenait alors un problème qui était, selon les termes de Marx, “beaucoup plus difficile à résoudre que celui de la quadrature du cercle….”. Il s’agit simplement d’une tentative de présenter ce qui n’existe pas comme existant réellement”. Le théoricien métaphysicien, confronté à un tel paradoxe, l’interprète inévitablement comme le résultat d’erreurs commises plus tôt dans la pensée, dans l’élaboration et la formulation de la loi universelle. Et il cherche naturellement à résoudre le paradoxe par une analyse purement formelle de la théorie, en précisant les concepts, en corrigeant les expressions, etc. A propos de cette approche de la résolution du problème, Marx écrit : “Ici, la contradiction entre la loi générale et les développements ultérieurs dans les circonstances concrètes doit être résolue non pas par la découverte des liens de connexion, mais par la subordination directe et l’adaptation immédiate du concret à l’abstrait. En outre, cela doit être réalisé par une fiction verbale, en changeant les vocabulaires vera rerum. (Il s’agit bien de “disputes verbales”, mais elles sont “verbales” parce que les contradictions réelles, qui ne sont pas résolues de manière réelle, doivent être résolues par des phrases). Lorsque la loi générale contredit la position empirique commune des choses, l’empiriste voit immédiatement la solution dans la modification de la formulation de la loi générale de manière à ce que la position empirique générale soit directement subsumée par elle. A première vue, il devrait en être ainsi : si la pensée contredit les faits, la pensée doit être modifiée de manière à s’aligner sur les phénomènes généraux qui se manifestent immédiatement à la surface. En fait, c’est théoriquement faux, et en l’adoptant, l’école ricardienne est parvenue à un rejet complet de la théorie de la valeur du travail. La loi générale révélée par Ricardo a été sacrifiée à l’empeiria (expérience) brute, mais l’empirisme brut a été inévitablement converti en une “fausse métaphysique, la scolastique, qui s’efforce péniblement de déduire des phénomènes empiriques indéniables par simple abstraction formelle directement de la loi générale, ou de montrer par une argumentation astucieuse qu’ils sont en accord avec cette loi”. La logique formelle, et la métaphysique qui en fait un absolu, ne connaît que deux façons de résoudre les contradictions de la pensée. La première consistait à ajuster la loi générale à l’état de fait directement général, empiriquement évident. Comme nous l’avons vu, cela entraînait la perte du concept de valeur. La seconde méthode consistait à représenter la contradiction interne, à exprimer la pensée comme une contradiction logique, comme une contradiction externe de deux choses, chacune d’entre elles étant, en soi, non contradictoire, une procédure connue sous le nom de réduction de la contradiction interne à une contradiction “dans des relations différentes ou à un moment différent”. Le procédé est le suivant : le profit ne peut être expliqué à partir de la valeur. Le profit ne peut s’expliquer à partir de la valeur sans contradiction ? Qu’à cela ne tienne ! Il n’y a pas lieu de persister dans une approche unilatérale ; il faut admettre que le profit provient en réalité non seulement du travail, mais aussi de nombreux autres facteurs. C’est le rôle nécessaire de la terre, des machines, de la demande et de bien d’autres facteurs. L’essentiel, disaient-ils, ne réside pas dans les contradictions, mais dans la plénitude. Ainsi, la formule trinitaire de l’économie vulgaire : “Capital-intérêt ; rente foncière ; travail-salaire”. Il n’y avait là aucune contradiction logique, il est vrai ; elle avait disparu, mais avec elle avait également disparu l’approche théorique des choses en général. La conclusion est évidente : tous les moyens de résoudre les contradictions ne conduisent pas au développement de la théorie. Les deux voies évoquées ci-dessus signifiaient une solution identique à la conversion de la théorie en éclectisme empirique. Car la théorie en général n’existe que là où l’on s’efforce consciemment et par principe de comprendre tous les phénomènes séparés comme nécessaires et comme une même substance générale et concrète, en l’occurrence la substance de la valeur, du travail humain vivant. Le seul théoricien qui ait réussi à résoudre les contradictions logiques de la théorie ricardienne de manière à provoquer non pas une désintégration, mais un véritable développement de la théorie de la valeur du travail est, bien entendu, Karl Marx. En quoi a consisté sa méthode matérialiste dialectique pour résoudre l’antinomie ? Tout d’abord, il faut préciser que les contradictions réelles découvertes par Ricardo n’ont pas disparu dans le système de Marx. Bien plus, elles y sont présentées comme des contradictions nécessaires de l’objet lui-même, et non pas du tout comme le résultat d’une erreur de l’idée, ou d’inexactitudes dans les déterminations. Dans le premier volume du Capital, par exemple, il est démontré que la plus-value est exclusivement le produit de la partie du capital qui est dépensée en salaires et convertie en travail vivant, c’est-à-dire le capital variable. La “proposition” du troisième volume est cependant la suivante : “Quoi qu’il en soit, le résultat de la plus-value est le fruit d’un processus de transformation : Quoi qu’il en soit, il en résulte que la plus-value provient simultanément de toutes les parties du capital investi”. Entre la première et la deuxième proposition, tout un système a été développé, toute une chaîne de liens ; entre elles, cependant, a été conservée une relation de contradiction mutuellement exclusive interdite par la logique formelle. C’est pourquoi les économistes vulgaires déclarèrent triomphalement, après la parution du troisième volume du Capital, que Marx n’avait pas tenu son engagement, que l’antinomie de la théorie de la valeur travail restait non résolue par lui et que tout le Capital n’était par conséquent qu’un tour de passe-passe spéculatif et dialectique. Le général est donc également contredit dans le Capital par sa propre manifestation particulière, et la contradiction entre eux ne disparaît pas simplement parce que toute une chaîne de liens médiateurs a été développée entre eux. Au contraire, cela démontre que les antinomies de la théorie de la valeur travail ne sont pas du tout des antinomies logiques, mais des contradictions réelles dans l’objet, correctement exprimées par Ricardo, mais non comprises par lui. Dans le Capital, ces antinomies ne sont pas du tout éliminées comme quelque chose de subjectif, mais s’avèrent être comprises, c’est-à-dire qu’elles ont été sublimées dans le corps d’une conception théorique plus profonde et plus concrète. En d’autres termes, elles sont conservées, mais elles ont perdu leur caractère de contradictions logiques, ayant été converties en moments abstraits de la conception concrète de la réalité économique. Il n’y a rien d’étonnant à cela : tout système concret et en développement comprend des contradictions en tant que principe de son mouvement propre et en tant que forme dans laquelle s’inscrit le développement. Comparons donc comment le métaphysicien Ricardo et le dialecticien Marx comprenaient la valeur. Ricardo, bien sûr, n’a pas analysé la valeur par sa forme. Son abstraction de la valeur était, d’une part, incomplète et, d’autre part, formelle et, pour cette raison, fausse. En quoi Marx a-t-il vu la plénitude et la rigueur de l’analyse de la valeur qui manquait à Ricardo ? Tout d’abord, dans le fait que la valeur est une contradiction concrète et vivante. Ricardo n’a montré la valeur que sous l’angle de sa substance, c’est-à-dire qu’il a pris le travail comme substance de la valeur. Marx, quant à lui, (pour reprendre une expression de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel) a compris la valeur non seulement comme substance mais aussi comme sujet. La valeur était représentée comme la substance-sujet de toutes les formes et catégories développées de l’économie politique ; et c’est ainsi que commençait la dialectique consciente dans cette science. Car le “sujet” dans la conception de Marx (dans ce cas, il utilise la terminologie de la Phénoménologie de l’esprit) est la réalité qui se développe à travers ses propres contradictions internes. Mais regardons d’un peu plus près l’analyse de la valeur de Marx. Tout d’abord, il étudie l’échange ou le troc direct et sans argent de marchandise contre marchandise. Dans l’échange, au cours duquel une marchandise est remplacée par une autre, la valeur n’est que manifestée, n’est qu’exprimée ; en aucun cas elle n’est créée. Elle se manifeste de la manière suivante : une marchandise joue le rôle de valeur relative, et l’autre, qui lui est opposée, le rôle d’équivalent. Dans une même expression de la valeur, une marchandise ne peut apparaître simultanément sous les deux formes. Ces formes sont des oppositions polaires, elles s’excluent mutuellement”. Le métaphysicien sera sans doute ravi de lire que deux formes économiques qui s’excluent mutuellement ne peuvent pas être combinées simultanément dans une seule marchandise ! Mais peut-on dire que Marx réfute la possibilité de la coïncidence de déterminations mutuellement exclusives dans l’objet et dans sa conception ? Bien au contraire. Le fait est que nous ne nous occupons pas encore du concept de valeur, de la valeur en tant que telle. Le passage cité couronne l’analyse de la forme de la révélation de la valeur. La valeur elle-même reste encore une essence mystérieuse et théoriquement inexprimée de chacune des marchandises. À la surface des phénomènes, il semble bien que deux formes abstraites et unilatérales de sa révélation soient visibles. Mais la valeur elle-même ne coïncide avec aucune de ces formes, ni avec leur unité simple et mécanique. Elle est un troisième quelque chose, quelque chose de plus profond. Par rapport à son propriétaire, par exemple, le lin en tant que marchandise n’apparaît que sous la forme relative de la valeur ; et dans cette même relation, il ne peut pas être simultanément un équivalent. Mais les choses n’apparaissent ainsi que sous un angle abstrait et unilatéral. En effet, le propriétaire du linge est absolument égal au propriétaire d’un manteau, et du point de vue de ce dernier, la relation considérée prouve directement le contraire, de sorte que nous n’avons pas deux relations différentes, mais une seule relation objective concrète, une relation mutuelle entre deux propriétaires de marchandises. Du point de vue concret, chacune des deux marchandises – le linge et le manteau – mesure mutuellement la valeur de l’autre et sert également mutuellement de matériau pour la mesurer. En d’autres termes, chacune présuppose mutuellement que la forme équivalente de la valeur est réalisée dans l’autre marchandise, la forme même dans laquelle cette dernière ne peut plus être parce qu’elle est dans la forme relative. En d’autres termes, l’échange réellement réalisé suppose que chacune des deux marchandises qui s’y rapportent mutuellement prenne simultanément les deux formes économiques de la révélation de la valeur en elle-même, à la fois en mesurant sa propre valeur et en servant de matériau d’expression de la valeur de l’autre marchandise. Et si, du point de vue abstrait et unilatéral, chacune d’elles n’est que sous une forme, et fonctionne comme valeur relative dans un rapport et comme équivalent dans l’autre, du point de vue concret, c’est-à-dire en fait, chacune des marchandises est simultanément et, de plus, dans un seul et même rapport dans les deux formes mutuellement exclusives de l’expression de la valeur. Si les deux marchandises ne se reconnaissent pas mutuellement comme équivalentes, l’échange ne peut tout simplement pas avoir lieu. Mais si l’échange a lieu, cela signifie que les deux formes de valeur qui s’excluent mutuellement sont combinées dans chacune des deux marchandises. Le métaphysicien affirme que Marx se contredit. Comment peut-il dire que deux formes polaires de l’expression de la valeur ne peuvent être combinées dans une seule marchandise, et affirmer ensuite que dans l’échange réel, elles sont toutes les mêmes ainsi combinées ? La réponse est que l’examen concret des choses réfute le résultat obtenu par l’approche abstraite et unilatérale de celles-ci, et montre qu’il est faux. La vérité de l’échange de marchandises est simplement qu’une relation est réalisée en elle, ce qui est absolument impossible du point de vue d’une vision abstraite et unilatérale. On découvre autre chose sous la forme de la contradiction considérée, comme le montre l’analyse, et c’est le contenu absolu de chacune des marchandises, sa valeur, la contradiction interne de la valeur et de la valeur d’usage. Ainsi, le contraste entre la valeur d’usage et la valeur cachée dans la marchandise, écrit Marx, a une contrepartie extérieure et visible, à savoir le rapport entre deux marchandises, le rapport dans lequel la marchandise dont la valeur doit être exprimée ne compte que comme valeur d’usage, tandis que la marchandise en termes de laquelle la valeur doit être exprimée ne compte que comme valeur d’échange. La forme simple de la valeur d’une marchandise est donc la forme phénoménale simple du contraste inhérent (au sein de la marchandise) entre la valeur d’usage et la valeur. Du point de vue de la logique, ce point est extraordinairement instructif. Le métaphysicien, se heurtant au fait de la coïncidence de déterminations contradictoires dans un concept, dans l’énoncé d’une chose, y voit une fausse expression théorique et s’efforce de transformer la contradiction interne en une contradiction externe de deux choses dont chacune, selon lui, est intérieurement non contradictoire, en une contradiction “dans des rapports divers ou à un moment différent”. Marx a agi tout au contraire. Il a montré que la contradiction interne cachée dans chacune des choses interdépendantes était une contradiction d’ordre externe. En conséquence, la valeur a été présentée comme une relation intérieure d’une marchandise à elle-même, révélée extérieurement par la relation à une autre marchandise. L’autre marchandise ne jouait que le rôle d’un miroir dans lequel se reflétait la nature intérieurement contradictoire de la marchandise qui exprimait sa valeur. En termes philosophiques, la contradiction externe n’est présentée que comme un phénomène et la relation à l’autre marchandise (telle qu’elle est médiatisée par cette relation) comme la relation de la marchandise à elle-même. La relation interne, la relation à elle-même, était également considérée comme le contenu économique absolu de chacune des marchandises mutuellement liées. Le métaphysicien s’efforce toujours de réduire la relation interne à une relation externe. Pour lui, une contradiction dans “une relation” est un indice de l’abstraction de la connaissance, un indice de la confusion de différents plans d’abstraction, etc. et une contradiction externe est synonyme de “concrétude” de la connaissance. Pour Marx, au contraire, c’est un indice de l’unilatéralité et de la superficialité de la connaissance qu’un objet soit présenté dans la pensée comme une simple contradiction externe, signifiant que seule la forme extérieure de la manifestation d’une contradiction interne a été saisie, au lieu de la contradiction elle-même. La dialectique oblige à toujours voir, derrière la relation d’une chose à une autre chose, sa propre relation à elle-même, sa propre relation interne. La différence entre la dialectique et la métaphysique ne consiste pas du tout dans le fait que la première ne reconnaît que les contradictions internes et la seconde que les contradictions externes. En réalité, la métaphysique tente toujours de réduire la contradiction interne à une contradiction “dans des relations différentes”, en lui refusant une signification objective. La dialectique ne réduit nullement l’une à l’autre. Elle reconnaît l’objectivité des deux. Cependant, il ne s’agit pas de réduire une contradiction externe à une contradiction interne, mais de dériver la première de la seconde et de comprendre ainsi l’une et l’autre dans leur nécessité objective. La dialectique ne nie d’ailleurs pas le fait qu’une contradiction interne apparaît toujours dans les phénomènes sous la forme d’une contradiction externe. La coïncidence immédiate de déterminations économiques mutuellement exclusives (valeur et valeur d’usage) dans chacune des deux marchandises qui se rencontrent dans l’échange est aussi la véritable expression théorique de l’essence du simple échange de marchandises. Et cette essence est la valeur. D’un point de vue logique, le concept de valeur (contrairement à la forme extérieure de sa manifestation dans l’acte d’échange) se caractérise par le fait qu’il se présente comme une contradiction immédiate, comme la coïncidence directe de deux formes d’existence économique qui sont des opposés polaires. Ainsi, ce qui s’est réalisé dans l’acte d’échange réel était impossible du point de vue de la raison abstraite (formelle, logique), à savoir l’identification directe ou immédiate des contraires. C’était l’expression théorique du fait réel que l’échange direct de marchandises ne pouvait se faire sans heurts, sans collisions, sans conflits, sans contradictions et sans crises. En effet, l’échange direct de marchandises n’était pas en mesure d’exprimer la mesure socialement nécessaire de la dépense de travail dans les différentes branches de la production sociale, c’est-à-dire la valeur. La valeur restait donc, dans les limites de la simple forme marchandise, une antinomie irrésolue et insoluble. La marchandise devait être, mais ne pouvait pas être, dans les deux formes polaires d’expression de la valeur, et par conséquent l’échange réel par la valeur était impossible. Mais cela s’est produit d’une manière ou d’une autre, et par conséquent les deux formes polaires de la valeur ont été combinées d’une manière ou d’une autre dans chaque marchandise. Il n’y avait aucun moyen de sortir de l’antinomie. La contribution de Marx est précisément d’avoir compris cela et de l’avoir exprimé théoriquement. Dans la mesure où l’échange à travers le marché restait la forme unique et universelle de l’échange social des choses, l’antinomie de la valeur trouvait sa solution dans le mouvement du marché des marchandises lui-même. Le marché a créé les moyens de résoudre ses propres contradictions. C’est ainsi qu’est née la monnaie. L’échange n’est plus direct et sans médiation, mais médiatisé – par la monnaie ; et la coïncidence de formes économiques mutuellement exclusives dans une marchandise a pris fin, pour ainsi dire, puisqu’elle a été divisée en deux “relations différentes”, en un acte de vente (qui a transformé la valeur d’usage en valeur) et un acte d’achat (qui a transformé la valeur en valeur d’usage). Les deux actes antinomiques, mutuellement exclusifs dans leur contenu économique, ne coïncidaient déjà pas immédiatement, mais s’accomplissaient à un moment différent et dans des parties différentes du marché. L’antinomie semblait à première vue résolue par toutes les règles de la logique formelle ; mais l’apparence était purement externe. En fait, l’antinomie n’avait pas disparu du tout, mais avait seulement acquis une nouvelle forme d’expression. L’argent n’est pas devenu une valeur pure et la marchandise une valeur d’usage pure. La marchandise et l’argent étaient, comme auparavant, chargés d’une contradiction interne qui s’exprimait, comme auparavant, dans la pensée sous la forme d’une contradiction dans les déterminations ; une fois de plus, la contradiction était irrésolue et insoluble, et se révélait de la manière la plus claire, mais seulement de temps en temps, précisément dans les crises, et se faisait alors sentir d’une manière encore plus forte. La seule marchandise est l’argent”, dit le propriétaire de la marchandise à des moments où cette contradiction n’apparaît pas à la surface. La seule monnaie, c’est la marchandise”, affirme-t-il à l’inverse en période de crise, réfutant ainsi sa propre affirmation abstraite. La pensée théorique, mais concrète, de Marx a montré que l’opposition interne des déterminations économiques de l’argent existait à chaque seconde fugace, même lorsqu’elle ne se manifestait pas de manière évidente et visible, mais qu’elle était cachée dans les marchandises et dans l’argent, alors que tout allait apparemment pour le mieux et que la contradiction semblait résolue une fois pour toutes. Dans les déterminations théoriques de la monnaie, l’antinomie de la valeur mise en évidence précédemment était conservée ; elle y formait l'”essence simple” de la marchandise et de la monnaie, bien qu’à la surface des phénomènes elle se révélât annulée, décomposée en deux “rapports différents”. Mais ces relations, comme l’échange direct de marchandise contre marchandise, formaient une unité interne qui était conservée dans toute son acuité et sa tension à la fois dans la marchandise et dans l’argent, et par conséquent aussi dans les déterminations théoriques de l’une et de l’autre. Comme auparavant, la valeur restait une relation intérieurement contradictoire d’une marchandise à elle-même, qui ne se révélait plus, cependant, à la surface par une relation directe à une autre marchandise de la même sorte, mais par sa relation à l’argent. L’argent fonctionnait désormais comme le moyen par lequel s’opérait la transformation mutuelle et réciproque des deux pôles originellement exposés de l’expression de la valeur (valeur et valeur d’usage). De ce point de vue, toute la structure logique du Capital était tracée sous un aspect nouveau et très important. Toute catégorie concrète était présentée comme une métamorphose par laquelle la valeur et la valeur d’usage passaient au cours de leurs transformations réciproques l’une dans l’autre. La formation du système capitaliste de la marchandise apparaît dans l’analyse théorique de Marx comme une complication de la chaîne des liens par lesquels doivent passer les pôles de la valeur, qui s’attirent mutuellement et s’excluent en même temps. Le chemin de la transformation réciproque de la valeur et de la valeur d’usage devient de plus en plus long, de plus en plus compliqué et la tension entre les pôles augmente. La résolution relative et temporaire de la tension se fait par le biais de crises, et sa résolution finale se fait par le biais de la révolution socialiste. Cette approche des choses a immédiatement donné à la pensée une orientation dans l’analyse de toute forme de relation économique. En effet, de même que le marché des marchandises a trouvé une résolution relative de ses contradictions objectives dans la naissance de la monnaie, de même les déterminations théoriques de la monnaie dans le Capital ont servi de moyen pour résoudre relativement la contradiction théorique révélée dans l’analyse de la forme simple de la valeur. Dans les limites de la forme simple, l’antinomie de la valeur est restée irrésolue et fixée dans la pensée comme une contradiction dans le concept. Sa seule véritable résolution logique consistait à retracer la manière dont elle était résolue objectivement dans la pratique au cours du mouvement même du marché des marchandises. Et le mouvement de la pensée investigatrice consistait à révéler cette nouvelle réalité qui se développait en vertu de l’impossibilité de résoudre la contradiction objective divulguée à l’origine. Ainsi, le cours même de la pensée théorique devenait non pas une errance confuse mais un processus intentionnel rigoureux, dans lequel la pensée utilisait les faits empiriques pour trouver les conditions et les données qui manquaient à la solution d’une tâche clairement formulée, d’un problème. La théorie apparaît donc comme un processus de résolution constante de problèmes mis en évidence par l’étude des faits empiriques eux-mêmes. L’étude de la circulation de la marchandise et de l’argent a conduit à une antinomie. Comme l’écrit Marx : “On a beau tourner et retourner, la somme totale reste la même. Si des équivalents sont échangés, aucune plus-value n’est créée ; et si des non-équivalents sont échangés, aucune plus-value n’est créée. La circulation, l’échange de marchandises, ne crée pas de valeur. Ainsi, conclut-il, le capital ne peut naître de la circulation, pas plus qu’il ne peut naître en dehors d’elle. Il “doit avoir lieu simultanément dans la sphère de la circulation et hors de la sphère de la circulation”. Telles sont les conditions du problème. C’est la noix qu’il faut casser”. La façon dont Marx pose le problème n’est pas du tout fortuite et n’est pas un simple artifice rhétorique. Elle est liée à l’essence même de la méthode dialectique qui consiste à développer la théorie en suivant le développement de l’objet réel. La solution de la question correspond à son énoncé. Le problème qui se pose à la pensée sous la forme d’une contradiction dans la détermination ne peut être résolu que si le théoricien (et le véritable propriétaire de l’argent) a “la chance de trouver quelque part dans la sphère de la circulation, de trouver sur le marché, une marchandise dont la valeur d’usage a la qualité particulière d’être une source de valeur ; une marchandise dont la consommation effective est un processus par lequel le travail s’incarne, et par lequel, par conséquent, la valeur est créée”. La réalité objective se développe toujours par l’apparition en son sein d’une contradiction concrète qui trouve sa résolution dans la génération d’une forme de développement nouvelle, plus élevée et plus complexe, la contradiction est irrésoluble. Lorsqu’elle est exprimée dans la pensée, elle apparaît naturellement comme une contradiction dans les déterminations du concept qui reflète le stade initial du développement. Et cela n’est pas seulement correct, mais c’est la seule forme correcte de mouvement de l’esprit d’investigation, bien qu’il y ait une contradiction. Une contradiction de ce type dans les déterminations n’est pas résolue en affinant le concept qui reflète la forme donnée de développement, mais en poursuivant l’investigation de la réalité, en découvrant une autre forme de développement, nouvelle, plus élevée, dans laquelle la contradiction initiale trouve sa résolution réelle, actuelle, empiriquement établie. Ce n’est pas par hasard que l’ancienne logique a fait passer cette forme logique très importante pour une “question”. Car les vraies questions, les vrais problèmes qui surgissent dans le mouvement de l’esprit investigateur, se présentent toujours à la pensée sous la forme de contradictions dans la détermination, dans l’expression théorique des faits. La contradiction concrète qui surgit dans la pensée conduit également à un examen plus approfondi et plus ciblé des faits, à la recherche et à l’analyse des faits qui manquent pour résoudre le problème et pour résoudre la contradiction théorique donnée. Si une contradiction survient nécessairement dans l’expression théorique de la réalité au cours même de l’enquête, il ne s’agit pas d’une contradiction logique, bien qu’elle en ait les signes formels, mais d’une expression logiquement correcte de la réalité. Au contraire, la contradiction logique, qui ne doit pas exister dans une recherche théorique, doit être reconnue comme une contradiction d’origine et de propriétés terminologiques et sémantiques. L’analyse formelle est également obligée de découvrir de telles contradictions dans les déterminations ; et le principe de contradiction de la logique formelle s’y applique pleinement. Au sens strict, il se rapporte à l’utilisation des termes et non au processus de déplacement d’un concept. Ce dernier est le domaine de la logique dialectique. Mais là, une autre loi domine, celle de l’unité ou de la coïncidence des contraires, coïncidence qui va d’ailleurs jusqu’à leur identité. C’est elle qui constitue le véritable noyau de la dialectique en tant que logique de la pensée qui suit le
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
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