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 Comment reconstruire le parti communiste

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Xuan
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   Posté le 28-04-2021 à 15:13:47   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Je reproduis ci-dessous le texte de Gastaud, pour le débat.

Trois manières de concevoir la reconstruction du parti communiste – par Georges Gastaud

par Georges Gastaud[1],
https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/trois-manieres-de-concevoir-la-reconstruction-du-parti-communiste-par-georges-gastaud/?fbclid=IwAR0xou6HhTbH8TR8zyeqRvwZLSEsLneEq79K2ydK7r8ygZa86I8T9ih5Spw

Trois conceptions de la reconstruction communiste sont de fait en compétition en France. Les communistes qui veulent vraiment reconstruire ce parti de combat que fut le PCF et qu’ont tour à tour dénaturé, désorganisé et discrédité l’eurocommunisme des années 1970/80 et l’euro-mutation social-démocrate des années 90/2000, ne doivent ni se lamenter à propos de cette compétition, qui est somme toute inévitable et naturelle à l’issue de dizaines d’années de reniements, de dispersion et d’affaiblissement du prolétariat organisé, ni attendre passivement que les divergences existantes entre communistes se règlent par miracle, mais réfléchir à la valeur de chacune des méthodes de reconstruction qui leur sont proposées et arbitrer entre elles en tirant, par leur engagement personnel et par leur choix organisationnel, toutes les conclusions pratiques qui en résultent en termes d’engagement personnel.

I – Limites d’une lutte purement interne à une organisation réformiste
La première méthode est celle que proposent les camarades marxistes ou marxisants qui ont décidé de rester membres du PCF quoi que puissent dire et quoi que puissent faire l’appareil et les directions du PCF. Ces camarades considèrent implicitement que, indépendamment de ses agissements, le PCF est et sera toujours le PCF, comme si une sorte d’ « essence » ou de « nature » métaphysique insensible au devenir historique lui était intimement associée. Ces camarades font en somme comme si l’héritage du mot “PCF”, de la dynamique organisation léniniste successivement dirigée par Cachin, Sémard, Thorez ou Waldeck Rochet, à l’organisation social-démocrate timorée successivement dirigée par Hue, Buffet, Laurent puis Roussel[2] ne posait aucun problème particulier, comme si l’affiliation pluri-décennale du PCF au « Parti de la Gauche européenne » subventionné et adoubé par Bruxelles n’était qu’une bricole politique, comme si le fait que le PCF ait – depuis 1976 (référence à la dictature du prolétariat), 1979 (références au marxisme-léninisme et à l’internationalisme prolétarien), 1994 (références au centralisme démocratique, à la classe ouvrière, au marxisme, au socialisme et à la socialisation des moyens de production) – renié tous ses fondamentaux, était une question accessoire ; ces mêmes camarades font aussi comme si le fait que, par deux fois, en 1981 (gouvernement pré-maastrichtien et ultra-atlantiste de Mauroy incluant les “communistes” Fiterman, Rigout, Ralite et Le Pors) puis en 1996 (gouvernement Jospin menant deux guerres impérialistes, préparant le passage à l’euro et privatisant le secteur public avec l’aide des « communistes » Buffet, Gayssot et Demessine) n’étaient au fond que des anicroches de l’histoire communiste contemporaine. Pas trop grave non plus à leurs yeux que le PCF de G. Marchais – dont le long et contradictoire interrègne joue un rôle-pivot dans le lancement de l’involution réformiste – ait applaudi à ce que les Russes appellent désormais la « catastroïka » gorbatchévienne et qu’il ait qualifié, à l’époque, de « bouleversements démocratiques »… la plus grande contre-révolution de l’histoire moderne. Pas rédhibitoire non plus aux yeux de ces camarades, décidément bien indulgents, que, depuis 1976, le PCF ait liquidé ses cellules d’usine, rompu ses liens privilégiés avec la CGT (qui a elle-même dérivé en quittant la FSM « rouge » pour rallier la jaunâtre CES), et… perdu les 9/10èmes de son électorat prolétarien et de sa militance ouvrière.


Après tout, le PCF ne s’appelle-t-il pas toujours « PCF » – même si sa direction a moult fois tenté de liquider ce nom et n’y a renoncé que par crainte d’abandonner ce sigle aux militants de la Renaissance communiste – et la dénomination d’un parti n’est-elle pas – en apparence ! – l’essentiel quand il s’agit de définir son identité[3] ? Du même coup, dès lors que le PCF se sera affirmé comme tel, et même si son chef de file actuel, M. Fabien Roussel, ne manque jamais une occasion de moquer lourdement le centralisme démocratique et l’héritage soviétique, voire de faire l’éloge de l’écrivain archi-réactionnaire Soljenitsyne, et quand bien même ledit Roussel piétinerait allègrement la langue d’Aragon et des Lettres françaises clandestines en déclarant niaisement à « Marianne » que « PCF is back ! », même s’il fait allégeance à Paris à la social-libérale Hidalgo et dans le Nord, bastion de F. Roussel, aux eurofédéralistes verts et autres maastrichtiens du PS, tout cela est d’avance déclaré secondaire : car au fond, voyez-vous, le parti sera toujours le parti, comme un sou sera toujours un sou et comme Paris sera toujours Paris[4] !

Approche historique ou approche métaphysique de la « nature » du PCF

Le plus grave dans cette approche fixiste et quasi métaphysique de la reconstruction communiste est que, l’appartenance formelle au « parti » primant sur toute considération de contenu politico-idéologique, on refusera de construire – en s’y investissant vraiment et durablement – un regroupement communiste d’action visant à affronter concrètement, pratiquement, sans attendre un très improbable redressement du « Parti », l’Union européenne, cette broyeuse à court terme de notre pays, la zone euromark, cette arme de destruction massive de nos industries et de notre classe ouvrière, l’Alliance atlantique, cette machine à mondialiser les prédations étatsuniennes, et le capitalisme-impérialisme lui-même, ce mode de production devenu franchement exterministe dont le maintien de plus en plus réactionnaire menace de mort l’humanité et son environnement terrestre. C’en est au point que le fait de partager la même « carte » politique – sur laquelle, sans le moindre débat interne, une étoile ornée d’un e discret a remplacé l’emblème ouvrier et paysan – avec Pierre, Fabien ou Marie-George[5] –, semble compter davantage aux yeux de certains que le fait d’être tous ensemble dans l’action du même côté de la barricade sociale contre l’ennemi capitaliste, contre l’euro-dislocation maastrichtienne, contre le tout-anglais dissolvant (détails infimes que tout cela !), pour la nationalisation démocratique des monopoles capitalistes et contre la criminalisation paneuropéenne du communisme historique et de son emblème ouvrier et pays par le Parlement européen…


Entendons-nous bien : ce n’est pas le fait de maintenir ou pas, ici ou là, une appartenance formelle au PCF qui pose en soi problème : à chacun de juger si, localement, une telle appartenance peut ou non lui faciliter le travail de sensibilisation et de formation de certains membres du PCF, voire de certaines cellules, au marxisme-léninisme ; même si l’expérience montre que ces possibilités sont rares, voire de plus en plus rares tant la plupart des vrais marxistes ont quitté le PCF (ou en ont été exclus de fait), et tant cette organisation dérivante au long cours a été rejointe, au fil des décennies de « mutation » social-démocrate, par des petit-bourgeois… anticommunistes et violemment antisoviétiques, le PRCF n’a jamais imposé à personne de quitter le PCF, la réalité dominante étant cependant que nombre de communistes ont dû quitter le « nouveau PCF » tant le climat interne y devenait irrespirable pour eux. C’est si vrai que, sans s’être le moins du monde concertés, des dizaines de camarades « anciens », notamment de grands Résistants, qui ont rallié le PRCF au fil des années, de St-Brieuc à Marseille et de Menton à Boulogne-sur-Mer, ont tous tenu à déclarer en substance, et de manière émouvante, voire déchirante, quand ils ont rejoint le Pôle de Renaissance Communiste en France : « je n’ai pas quitté le Parti, c’est lui qui m’a quitté ». Non, ce qui est dangereux dans la posture attentiste et, hélas, accompagnatrice, que nous critiquons ici, c’est moins l’appartenance formelle au PCF-PGE, ici ou là, de tel ou tel camarade, que le fait constant que, pour valoriser avant tout l’intégration formelle dans « le Parti » et l’engagement dans ses instances internes, d’abord on se taira auprès des masses populaires sur les félonies de l’appareil à l’égard de la classe, notamment sur ses allégeances à répétition, aux moments politiques décisifs, envers le PS, voire, envers le PGE, voire envers… Hollande ou Macron[6]. Encore une fois, est-ce un détail politique si, à toutes les élections, législatives, municipales, sénatoriales, présidentielle, le PCF – qu’il soit dirigé par le sénateur ouvertement prosocialiste Pierre Laurent, qu’il soit représenté aux européennes par M. Ian Brossat ou qu’il ait pour secrétaire national le « communiste identitaire » (?) Roussel, s’allie systématiquement, ou essaie de s’allier, toujours en position subordonnée, au PS et aux Euro-Écologistes après toutes les horreurs que ces ennemis acharnés de la République souveraine, indivisible et sociale ont infligé à la France des travailleurs depuis, au minimum, le Traité de Maastricht ? Alors que le « minimum syndical », si l’on tient à toute force à rester dans « le Parti », c’est de souligner les contradictions, non de les minimiser, et de dénoncer en même temps et jour après jour les manquements criants du PCF officiel à la lutte des classes nationale et internationale[7]. Et c’est bien parce qu’il ne manquait pas de dénoncer publiquement ces manquements que l’auteur de ces lignes a été lui-même éjecté manu militari du Parti en 2004, ainsi que nombre de militants de Lens, Liévin et Boulogne-sur-Mer, qui plus est par une fédération qui se disait alors “opposante” mais qui ne voulait surtout par rompre, par gros temps électoral, avec la direction nationale du PCF et avec l’influent « baron » nordiste Alain Bocquet, l’ex-président du groupe parlementaire adepte de la mutation qui avait su maintenir les députés communistes, desquels il faut excepter l’autre député nordiste George Hage[8], dans l’orbe du gouvernement Jospin de 1997 à 2002[9]…

Bref, l’appartenance formelle à un parti ouvertement réformiste n’est concevable, d’un point de vue léniniste – Lénine explique cela en détail dans La maladie infantile du communisme – que si l’on se fait un devoir constant de dénoncer publiquement devant les masses les manquements de sa direction, de manière que les travailleurs ne confondent jamais les turpitudes d’un appareil réformiste qui les trahit avec les marxistes qui n’aspirent qu’à servir la cause populaire. On me dira qu’une telle opposition publique est intenable : mais si elle l’est en effet, comme nous l’avons durement expérimenté à nos dépens à Lens et ailleurs, il faut en tirer les conséquences pratiques et ne pas rester, muet ou presque, dans un tel parti au prix de sa liberté d’expression communiste. Et si elle ne l’est pas, il faut en profiter au maximum, sans frilosité, pour dénoncer l’euro-réformisme et appeler les travailleurs à ne pas confondre le communisme véritable avec sa déshonorante contrefaçon mutante. Sans quoi on se condamne soi-même à accompagner les dérives, à les minimiser, à les enjoliver et à farder de rouge les innombrables compromissions de l’appareil PCF-PGE avec la social-démocratie, avec l’antisoviétisme, avec l’anti-léninisme et avec les sociaux-maastrichtiens du Parti de la Gauche Européenne…

Mettre au premier plan les échéances internes au parti réformiste ou privilégier les seuils minimaux en deçà-desquels il n’y a ni parti communiste ni lutte sérieuse pour changer la société ?

Surtout, cette manière de privilégier « la lutte interne » et les répétitives batailles de congrès à congrès ne permet pas de porter au premier plan les enjeux de classes brûlants, et pas davantage les enjeux nationaux et géopolitiques qui, concrètement, configurent les contours réels des affrontements de classes bien plus que ne le font les motions A, B et C d’un congrès (et les inévitables « synthèses » de type social-démocrate et autres arrangements entre dirigeants qui suivent lesdites synthèses) : en toute logique, il reviendrait plutôt aux initiateurs desdites motions A, B ou C, de partir des enjeux de classes et de masse concrets afin que les travailleurs eux-mêmes deviennent artisans de la reconstruction communiste : c’est ainsi que procédèrent au Congrès de Tours de 1920 les signataires de la motion Cachin-Frossard fortement conseillés par Lénine et Zetkin : pour ou contre la guerre impérialiste et l’union sacrée social-chauvine ? Pour ou contre l’adhésion à l’Internationale communiste ou pour le maintien dans l’Internationale social-démocrate jaune ? Pour ou contre le soutien résolu à la Révolution prolétarienne en Russie et en Allemagne ? Et de nos jours, pour prendre une question décisive : « pour ou contre » le maintien de la France dans l’euro, l’UE et l’Alliance atlantique ? Pour ou contre la campagne européenne de criminalisation de l’URSS et du communisme historique ? Pour ou contre le maintien des troupes françaises en Afrique ? Pour ou contre l’euro-démantèlement de la République une et indivisible partiellement héritée de 1793 au profit de l’Europe des régions dont les Euro-Ecologistes verts et leur grand inspirateur Cohn-Bendit sont les plus ardents promoteurs ? Sans cela on est condamné à un archi-confus débat de congrès sur une candidature communiste « identitaire » à la présidentielle ; avec, en même temps, des alliances municipales et régionales avec les Verts et le PS, avec aussi à la clé un appel à voter Macron ou Xavier Bertrand au second tour de la présidentielle, ce qui dès aujourd’hui ne peut que nourrir, par haine de ces combines politicardes, le dangereux vote lepéniste…


Comme on le voit, les choses ont leur logique : le primat, voire, en réalité, l’exclusivité apportés à l’appartenance formelle au PCF-PGE et à la « lutte interne », empêche de trancher dans le vif sur les questions relatives à la lutte de classes. En privilégiant cette appartenance formelle, en cristallisant la discussion politique sur la présentation ou pas d’une « candidature communiste » formelle à la présidentielle – quel qu’en soit le contenu programmatique et quelles que soit les alliances électorales d’ « union de la gauche » avec le PS et les Verts à toutes les autres élections – on se soumet aussi implicitement de bas en haut à l’ensemble du dispositif euro-réformiste dont le PCF mutant est un élément subalterne, la social-démocratie et l’écolo-eurocratie étant les pièces maîtresses de ce dispositif qui incarcère la classe laborieuse et prive ses luttes de débouché politique tant soit peu offensif…

Et aujourd’hui, alors que notre pays se désagrège dans l’acide de l’ “intégration européenne”, du tout-anglais transatlantique, de la marche à l’armée européenne, du “pacte girondin”, de l’euro-séparatisme (Alsace, Corse, Bretagne, « Catalogne-Nord », etc.) accompagné par LAREM et EELV, de la fascisation et de l’Etat policier impulsés tour à tour par Le Pen et par Macron[10], de l’arasement des avancées dues aux ministres communistes et marxistes-léninistes de 1945, qu’est-ce qui est capital pour un communiste, pour un patriote, pour un internationaliste et aussi pour la classe ouvrière ? C’est de se positionner d’abord sur tous ces grands sujets, en unissant sur chaque question les communistes encore cartés au PCF à ceux qui ont eu l’audace de s’organiser de manière indépendante, au lieu de dire : « d’abord une candidature du PCF, pour son contenu, on verra petit à petit ! »… Et pendant que de congrès mutant en congrès muté on s’efforce de grappiller quelque pourcents pour sa tendance et pour son « texte alternatif », la France, l’emploi ouvrier et les services publics s’évaporent à vitesse grand V au nom de la sacro-sainte « construction » européenne, le peuple n’a toujours pas de parti de combat à sa disposition et des seuils irréversibles de décomposition sociale, institutionnelle et linguistique sont en passe d’être franchis sans que les marxistes, artificiellement séparés par la muraille de Chine immatérielle d’une carte fétichisée, puissent sans attendre agir ensemble, aller aux entreprises avec des tracts communs, puissent ensemble dénoncer Le Pen en démasquant cette fausse patriote ralliée à l’UE, puissent ensemble reconstituer une organisation disciplinée, claire sur les contenus dont la classe ouvrière et le monde du travail, dont la défense de la PAIX et de l’environnement ont un urgent besoin vital !

Bref, au-dessous d’un certain seuil idéologique et stratégique, non seulement une organisation donnée n’est pas, n’est plus communiste et n’a même aucune chance sérieuse de le (re-)devenir, mais ce qu’elle propose sous le nom de « changement » ne peut en rien changer la société ni satisfaire si peu que ce soit la classe laborieuse. Imaginons par ex. (c’est une hypothèse d’école vu les rapports de forces électoraux) que F. Roussel devienne président et qu’il soit chargé de conduire la politique du pays. Sans, donc, sortir de l’UE et de l’euro, en « renégociant » les traités européens dans le cadre de l’UE[11], sans nationaliser les banques et le CAC 40[12], en demandant bien poliment à la BCE de négocier un « tournant social » ; sans avoir non plus la moindre idée claire, faute d’avoir compris le concept de dictature du prolétariat, sur ce qu’est un appareil d’Etat aux mains du capital ; sans sortir de l’Alliance atlantique (sinon, que diraient les « alliés » socialistes et « verts » ?) et sans chercher activement à nouer de vastes alliances défensives avec la Chine et avec la Russie pour briser l’étau germano-étatsunien qui menacerait de nous broyer ; eh bien, un tel programme totalement au-dessous des seuils minimaux permettant de récupérer les leviers du pouvoir de classe n’aurait aucune chance d’amorcer un vrai changement. Il n’apporterait, à la manière de Syriza en Grèce, que la capitulation en rase campagne devant le capital, que le retour rapide dans le giron européen ou que la débandade économique avec tous les dangers d’ultra-fascisation que précipite en général une défaite en rase campagne des forces progressistes.

II – La fausse bonne idée du « plus grand commun dénominateur »

La deuxième méthodologie proposée pour reconstruire le parti communiste est celle qui consisterait à partir de l’émiettement existant (et, il se peut, en voie de dépassement…), à dire en gros ceci : mettons autour d’une seule table tous les groupes qui refusent peu ou prou (certains plus « peu » que « prou » tant on se ménage mutuellement…) le réformisme du PCF et qui se réfèrent plus ou moins encore symboliquement à la faucille et au marteau, rejetons tout ce qui les divise et ne gardons comme « programme commun » que ce qui les rassemble. Telle est la méthode du « plus grand commun dénominateur » possible que, sans vouloir en rien injurier qui que ce soit (il peut arriver que sur un point donné des bolchéviks raisonnent en mencheviks…), on appellera la méthode menchévique. Ce fut en effet celle qui, telle quelle, prévalut en France en 1905 pour unifier le Parti socialiste SFIO en France en y mêlant les réformistes, les anarchistes et les révolutionnaires… et en aboutissant au reniement total du socialisme internationaliste, hors Jaurès, lors de l’épreuve de vérité de 1914. Ce fut aussi cette méthode que prônaient les mencheviks russes au début du siècle et que Lénine refusait catégoriquement parce qu’elle ne pouvait conduire qu’à des synthèses impuissantes, qu’à masquer les divisions tout en les aggravant, qu’à empêcher toute délimitation claire, que ce soit en termes de composition du parti, de définition organisationnelle, de références idéologiques, d’objectifs programmatiques, de méthodes de lutte, ne parlons même pas de la discipline absolument indispensable si l’on veut réellement mener une révolution ou de résister à une contre-révolution. Une telle méthode, acceptable dans certaines limites quand on construit un front large sur des objectifs limités (paix, indépendance nationale, libertés…), ne peut mener qu’à l’échec cuisant quand il s’agit de construire un parti communiste, c’est-à-dire un parti d’avant-garde du prolétariat qui a pour tâche d’orienter la classe et de lui permettre de diriger la vaste alliance de classes indispensable pour battre le grand capital et pour ensuite tenir bon face à l’inévitable contre-révolution nationale et internationale qui ne manquerait pas de se dresser, y compris violemment, contre le nouveau pouvoir.

Le contre-exemple de Rifondazione comunista (Italie)

On a encore mesuré l’inanité de cette méthodologie menchévique ces dernières années en Italie : en effet, lors de l’autoliquidation du PCI à l’appel des renégats Achille Occhetto, Massimo D’Alema et Cie, toutes sortes de courants s’affirmant peu ou prou communistes se sont additionnés pour former le « Parti de la Refondation Communiste » (« Rifondazione » en abrégé), les communistes italiens théoriquement issus de la Troisième Internationale consentant à se dissoudre dans ce magma pseudo-« unitaire » où prédominaient les trotskistes et les “mouvementistes », au premier rang desquels le chef du nouveau parti, Bertinotti : bref, à un parti auto-liquidé, l’ex-PCI, a succédé un parti d’emblée voué à l’auto-liquéfaction, Rifondazione. Expérience très négative au final puisque cette manière de faire a logiquement conduit à la paralysie et à l’implosion de Rifondazione et que cette seconde dissolution a terriblement amplifié le découragement dans la mouvance communiste transalpine : c’en est venu au point que, à la suite du mouvement communiste italien organisé, c’est la gauche italienne elle-même, y compris la social-démocratie classique en tant qu’elle était encore vaguement liée au mouvement ouvrier, qui s’est volatilisée au point qu’il n’y a plus au parlement italien ni député communiste ni député socialiste, si « rosé » soit-il ! Bref, en matière de reconstruction communiste comme dans le domaine amoureux, « qui trop embrasse mal étreint » au point que, à l’arrivée, la confusion entre parti et front est destructive à la fois pour le parti, qu’elle construit comme un front, de manière trop floue et exagérément « accueillante », et pour le front populaire lui-même, qu’elle tend à absorber de manière étriquée au sein du parti. De cet aspect, nos camarades vénézuéliens auraient sans doute beaucoup de choses à dire à partir de leur expérience sur ces constructions qui tendent à confondre le front et le parti d’avant-garde…

La méthode du « plus grand commun dénominateur » méconnaît les seuils minimaux en-deçà desquels il n’y a ni parti communiste ni même amorce d’une lutte pour le changement de société

Mais surtout, dans les conditions présentes, la seconde méthodologie menchévisante que nous analysons ici présente le même vice de forme rédhibitoire que celui que nous avons signalé à propos de la première méthodologie, celle qui privilégie la lutte de tendances à l’intérieur du PCF : la seconde perspective n’ignore pas moins que la première cette évidence, pourtant sans cesse rappelée par Lénine à l’encontre des menchéviks et de leurs amis trotskistes, que, au-dessous d’un certain seuil idéologique, organisationnel et stratégique, non seulement un parti donné n’est pas un parti communiste et ne peut pas le devenir, non seulement il ne peut pas réellement, à supposer qu’il le veuille, changer la société – une impuissance que la classe ouvrière repère du premier coup d’œil (elle se dit: ces gaillards nous envoient dans le mur, eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils veulent, or pour nous ouvriers, la vie est déjà assez dure comme ça sans se livrer à ces amusement potentiellement mortels !) –, mais un tel parti ne peut en rien intéresser la classe laborieuse : d’instinct, celle-ci a tôt fait de repérer que l’esprit politicien et ses petits arrangements à base de lutte des places paralyseront d’avance ces constructions « communistes » dépourvues de cap, de ciment organisationnel et de programme clair.

III – La tierce méthode : s’organiser, aller aux masses pour porter une alternative contre-cohérence patriotique, populaire et communiste à la cohérence politique réactionnaire de la bourgeoisie

La tierce méthode – qui n’a rien, faut-il le dire, d’une « troisième voie » entre capitalisme et socialisme ! – est la méthode franchement communiste qu’essaie de mettre en place le PRCF avec les moyens dont il dispose. Sans négliger de peser à l’occasion sur les congrès du PCF, en soutenant fraternellement quand il y a lieu les mairies du PCF disposées au dialogue inter-communiste, sans cesser de tendre la main à la minorité marxisante du PCF, sans négliger d’agir avec d’autres groupes communistes sur des questions d’intérêt commun, le PRCF part avant tout d’une analyse du capitalisme et des explosives contradictions de classes de la formation sociale française.

Il constate que la stratégie fondamentale de l’ennemi de classe – dont l’état-major se confond avec la direction du MEDEF, et plus précisément encore, avec le CAC 40 déjà hautement américanisé – a été exposée de la manière la plus nette dans le manifeste patronal intitulé Besoin d’aire (2012) ; s’y affiche sans vergogne la volonté cynique d’en finir avec l’Etat-nation français partiellement hérité de la Révolution jacobine et de ce que l’idéologue patronal Denis Kessler appelle le « compromis de 1945 entre communistes et gaullistes», celui que résument le sigle « CNR » et son programme Les Jours heureux. En toutes lettres, et à l’issue d’un vote unanime de ses instances, le MEDEF explique dans Besoin d’aire que, pour mener la chasse au profit maximal à l’échelle continentale et transcontinentale, pour conjurer aussi les insurrections ou pré-insurrections populaires dont le peuple français reste coutumier en vertu de ses traditions frondeuses (de Mai 68 aux Gilets jaunes en passant par le refus de la constitution européenne, la révolte des jeunes contre le CPE ou les grandes grèves de 1995, 2003, 2010 et 2016), les monopoles capitalistes à base française doivent rapidement « changer d’aire »: cela signifie désactiver et déborder l’Etat-nation à la fois par le bas et par le haut ; par le bas, en « reconfigurant les territoires » et en liquidant les communes et les département au profit des euro-métropoles et des Grandes régions à l’allemande (Macron appellera cela le « Pacte girondin »); par le haut, en transférant la souveraineté française à l’échelon européen (en novlangue macroniste, cela donne la « souveraineté européenne » et le « saut fédéral européen »), voire en construisant ce que Bruno Le Maire et D. Strauss-Kahn n’hésitent pas à appeler un Empire. Et ça ne gêne en rien le MEDEF que d’expliquer que pour reconfigurer et redimensionner le capitalisme « français », il faut marginaliser à bas bruit la langue française elle-même, piétiner ce qui reste de la Francophonie internationale et instituer l’anglais comme seule « langue des affaires et de l’entreprise », ainsi que l’a ouvertement exigé au nom de Businesseurope (le syndicat patronal européen) le Baron Seillière, ex-président du patronat « français ». Il est vrai que l’ex-président « français » de la BCE, le bien-nommé Jean-Claude Trichet, avait déjà cru devoir inaugurer sa présidence en déclarant devant le parterre des décideurs européens : « I am not a Frenchman » ! Enfin, le MEDEF projette d’insérer les futurs États-Unis d’Europe (exit aussi la « souveraineté européenne » au sein d’une nouvelle « Union transatlantique » bien évidemment centrée sur Washington. Et d’implorer Berlin, maître de l’euro, et Washington, grand-maître du dollar et de l’OTAN, de co-assumer la supervision de l’Empire euro-atlantique dans lequel la France anglicisée, divisée, et si j’ose dire, « éparpillée façon puzzle », aurait tôt fait de se réduire à une simple expression géographique, le grand capital redéployant son capitalisme monopoliste d’État[13] euro-régionalisé, continentalisé et transcontinentalisé, dans les structures néo-étatiques et culturelle (anglicisation du droit notamment) des Länder à la française et du nouveau Reich euro-atlantique.

Dénoncer et affronter la cohérence réactionnaire du bloc Union européenne/MEDEF/Parti Maastrichtien Unique

Or ce programme du MEDEF n’a rien d’une glaçante rêverie : articulé à la pluie de directives européennes qui assaillent notre pays, il fournit concrètement la feuille de route concrète des attaques, apparemment disparates mais en réalité étroitement planifiées et coordonnées qui, par l’entremise de ces petits commis du Parti Maastrichtien Unique que sont tour à tour Sarkozy, Hollande ou Macron (et demain Le Pen[14] ?), désossent jour après jour – quitte à contourner l’un après l’autre tous les référendums populaires nationaux ou régionaux[15] – toute espèce de vestige de République souveraine, sociale, laïque, démocratique et indivisible. Dans ces conditions, que faut-il revendiquer haut et fort pour, ne serait-ce que commencer à changer la société, remettre le monde du travail à l’offensive, lui permettre de diriger un large rassemblement populaire majoritaire et d’aller à l’affrontement de classes sur des bases dynamiques ? Quoi d’autre, si l’on balaie les pudeurs d’appareils et les remugles électoralistes, si ce n’est la sortie franche de la France de l’UE atlantique dans la perspective affichée du socialisme pour notre pays ? En deçà de ce seuil minimal – de ce que le PRCF appelle les « quatre sorties » -, de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme – qu’obtiendra-t-on dans le meilleur des cas sinon des mois ou des années de tractation paralysante avec l’UE sans pouvoir entretemps nationaliser franchement les monopoles capitalistes, sans pouvoir d’emblée instituer un contrôle national des capitaux, sans pouvoir réellement renverser les alliances internationales de la France, sans être à même de construire un pouvoir populaire capable de se confronter au pouvoir multiforme du capital, sans pouvoir frapper au cœur la spéculation des milliardaires et « mettre le monde du travail au cœur de la vie nationale », comme y invitait le PCF en 1944 ?

Cohérence de classe contre cohérence de classe

C’est pourquoi le PRCF construit pour notre pays, cohérence de classe contre cohérence de classe, une stratégie qui est l’exact opposé de celle du MEDEF et qui, sous le nom d’Alternative rouge et tricolore, conjugue défense du progrès social, reconquête de l’indépendance nationale, recherche de coopérations transcontinentales, programme de transition révolutionnaire ciblant clairement le socialisme pour notre pays ? Une stratégie à la fois frontale, car elle suppose la construction d’un large Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologiste (Fr.A.P.P.E.), la centralité du monde du travail à l’intérieur de ce front et dans ce but, la reconstitution d’un PC de combat associé à l’action d’un large front syndical de classe et de lutte. Au-dessous de ce seuil minimal, on n’aura aucun changement, seulement du Mitterrand-bis, du Jospin-bis ou du Hollande bis, avec la fascisation surplombant nos têtes comme une épée de Damoclès. Au-dessous de ce même seuil stratégique, on n’entrera même pas dans la temporalité politique que nous impose objectivement l’agenda capitaliste endiablé de déconstruction de la nation et, sur le plan international, de marche à la guerre mondiale impérialiste sous l’égide du pas si « endormi » que ça Joe Biden. Au-dessous de ce seuil stratégique – qui n’est nullement un diktat arbitraire et « hégémonique » du PRCF mais le minimum raisonnable qu’on puisse attendre d’un communiste –, on ne reconstruira pas un parti de combat mais un petit ectoplasme rouge pâle ou rose vif qui n’intéressera absolument pas les travailleurs : il n’est que de voir combien de fois déjà la classe ouvrière, du Nord-Pas-de-Calais aux banlieues populaires des grandes villes, a déjà x fois répudié et humilié électoralement à la fois le PS et le PCF “mutant”, ou de voir à quel point la notion de gauche, y compris de « gauche unie », semble aujourd’hui boudée par les milieux populaires tant cette noble idée a été salie et dévoyée depuis Mai 1981.

Privilégier les luttes d’appareil ou de micro-appareils ou partir du peuple et des conditions objectives du changement ?

Bref, pour réunir les communistes et réorganiser un parti communiste digne de ce nom, il ne faut pas partir, en tout cas, pas principalement, des affrontements florentins à fleurets mouchetés auxquels donnent lieu, dans l’indifférence absolue des travailleurs, les congrès du PCF pendant que la « France des travailleurs » chantée par Jean Ferrat part littéralement en boulettes, que les travailleurs étouffent sous le management patronat, que les Lumières s’éteignent peu à peu sous l’avancée de nouveaux obscurantismes, que l’anglais patronal devient de fait, bien qu’illégalement, la langue de travail des grandes entreprises et que la jeunesse populaire, exproprié de toute perspective d’avenir, n’a plus envie que de hurler son désarroi. Il ne faut pas davantage absolutiser le regroupement de micro-organisations dénuées d’ancrage militant réel, même s’il peut être utile ponctuellement de dialoguer sur des questions théoriques et de fédérer un maximum de militants sur des combats précis. Il faut partir au contraire de la problématique géopolitique et politique effective. De la défense de la paix et des souverainetés nationales. De la lutte contre tous les impérialismes, le « nôtre » inclus. Des besoins objectifs des travailleurs, dont le premier est que notre pays recouvre sa capacité de mener une politique autonome de développement économique et culturel. De la souffrance de masse qui monte du pays. Il faut se dire que l’« explosion sociale » craintivement annoncée par l’ex-Premier Ministre Édouard Philippe peut venir à tout moment, comme l’a montré la crise inachevée des Gilets jaunes, et qu’il faut être en capacité, quand cette explosion se produira sans crier gare, de lui offrir au moins les bases d’un programme de transition révolutionnaire et au moins l’embryon d’une organisation dynamique et disciplinée. Car sans cela, la désorientation idéologique générée par des décennies de carence du parti d’avant-garde est désormais si grave que le soulèvement populaire peut aussi être récupéré par l’extrême droite, nourrir de suicidaires appels à l’intervention politique de l’armée[16], voire vers des formes de guerre civile inter-« communautaires » pilotées par la, ou par les, extrêmes droites.

On peut bien sûr nous objecter que les moyens du PRCF sont trop modestes pour donner corps à cette voie exigeante. Mais, outre le fait que le PRCF attire de plus en plus de jeunes et que ses liens avec le Mouvement communiste international et avec les syndicalistes de classe de France ne cessent de s’étoffer, la modestie des forces n’est pas un argument sérieux pour des communistes. Mieux a toujours valu, pour des léninistes des forces modestes mais bien orientées, que des forces plus grandes paralysées par des alliances compromettantes avec des appareils enlisés dans des alliances électoralistes totalement discréditées. En outre, si notre orientation est juste – et c’est ce qu’il faut voir en premier quand on n’est pas un opportuniste – il ne faut pas faire de la faiblesse des effectifs une objection, au contraire, il faut se demander comment aider le PRCF à accroître sa force et son impact militants. Car n’oublions pas qu’aucun individu n’est extérieur aux rapports de forces sociaux et que l’indifférence organisationnelle d’un trop grand nombre de communistes qui « comptent les points » et ne s’engagent pas est aussi un élément du rapport des forces.

Conclusion

C’est cette voie populaire et révolutionnaire, patriotique et internationaliste à la fois, qu’a choisi de privilégier le PRCF, sans pour autant, répétons-le, s’interdire de tendre la main aux camarades qui luttent à l’intérieur du PCF ni de dialoguer fraternellement avec ceux qui croient juste de privilégier les regroupements d’organisation. Si nous avons tort de procéder de la sorte, qu’on nous le démontre sans invectives. Si nous avons raison, que l’on cesse de compter les points et d’espérer passivement l’avènement de « jours meilleurs ». Et que l’on vienne plutôt nous aider et que l’on « retrousse les manches » en faisant ce que doit faire tout communiste désireux de mettre en accord ses idées et ses actes : non pas pantoufler sans fin dans une organisation discréditée et sans ressort, qui n’a plus guère à « vendre » qu’un passé qu’elle a déjà cent fois renié, ne pas ménager la chèvre et le chou en naviguant éternellement entre les organisations soi-disant « antilibérales » de la gauche établie, PCF-PGE inclus, mais accomplir le premier devoir du communiste : celui de s’organiser, de s’engager pour du bon, avec discipline et abnégation dans une organisation marxiste-léniniste prolongeant au présent le grand passé du grand PCF, donc porteuse d’une alternative rouge et tricolore pour le temps présent.

Georges Gastaud, le 23.4.2021

_______________


[1] Auteur notamment de Mondialisation capitaliste et projet communiste (1997) et du Nouveau défi léniniste (2017).

[2] J’excepte Georges Marchais de cette liste: c’est sous son autorité que les plus graves dérives ont pris corps au 22, 23, 24, 28èmes congrès, que la rupture avec le Mouvement communiste international a été consommée, que le PCF a adhéré au bloc fractionnel « eurocommuniste » emmené par Berlinguer (PC italien) et Carrillo (PC d’Espagne), que le PCF est entré – à reculons certes – dans le gouvernement pré-maastrichtien et social-atlantiste de Mauroy (1981), tout cela sous l’influence d’intellectuels antisoviétiques et anti-léninistes de choc comme Ellenstein, Damette, Juquin, Martelli, etc. Cependant, il faut reconnaître que Marchais était tout de même, de par ses origines de classe ouvrière et son ancrage dans ce que j’appellerai l’ « ancien Parti », capable de résister épisodiquement et de manière brouillonne et inconséquente à ces dérives destructives. Il se méfiait viscéralement de Mitterrand et de la social-démocratie et a toujours tenté d’associer la défense de la classe ouvrière à celle de la nation (par ex. lors de la belle bataille du Non à Maastricht que mena le PCF en 1992, avant, très vite, de se rallier sous l’égide de Francis Wurtz à la funeste théorie de la « réorientation progressiste de l’UE »). La longue et très contrastée mandature de Marchais à la tête du PCF a donc été marquée par une série de zigzags politiques, des tentatives de raidissements, voire de re-communisation partielle, succédant de manière inconséquente et abruptes à des phases irrémédiables de honteux déferlement révisionniste, antisoviétique et droitier. Mais globalement, c’est la pente droitière qui a triomphé jusqu’à emporter Marchais : après avoir parrainé l’hyper-opportuniste Robert Hue, alors chef de file des élus du PCF, G. Marchais n’aura guère tardé à se faire humilier inhumainement par la clique renégate de Hue que l’ex-député du Val-de-Marne avait imprudemment placé à la tête du PCF.

[3] C’est évidemment faux. Même si le nom d’un parti est une question très importante, on a vu d’authentiques Partis marxistes-léninistes comme le SED est-allemand rester le « parti des communistes » même en changeant de nom (SED signifie Parti Socialiste Unitaire d’Allemagne) alors qu’on a vu à l’inverse des « PC » en titre se décommuniser totalement, par ex. le PC d’Espagne de Santiago Carrillo (qui a fini sa triste carrière de renégat en éditorialiste du principal journal bourgeois espagnol…). Pour prendre un exemple plus direct encore, cela fait maintenant… 107 ans que le Parti « socialiste » français s’appelle ainsi alors que depuis 1914 cette organisation n’a cessé d’être, selon le mot de Léon Blum, non par le constructeur du socialisme (bien que le PS, alias SFIO, ait plusieurs fois dirigé le gouvernement) le « gérant loyal du capitalisme ».

[4] Y compris si cette ville… qui a déjà changé de nom, soit dit en passant, parachève son anglicisation galopante et qu’elle cesse d’être principalement la capitale française pour devenir le centre de l’euro-pôle francilien ? Car c’est ce que voulait très explicitement l’ancien président « socialiste » de la Région francilienne, le sinistre Jean-Paul Huchon (cf son Livre « De battre ma gauche s’est arrêtée »), alors uni aux « communistes » en son Conseil régional ?

[5] Le destructif et politiquement indécent Robert Hue s’étant entretemps fait élire sénateur sur une liste PS avant d’appeler à voter Macron au 1er tour de la présidentielle, à l’instar de l’ancien ministre « communiste » Gayssot…

[6] Par ex. le vote par les députés du PCF de la loi Molac (avril 2021) qui pousse à l’euro-régionalisation linguistique de la France, ou par ex. le vote de l’état d’urgence par le groupe « communiste » en 2015, sachant que cet état d’urgence ne pouvait manquer d’être utilisé contre la classe ouvrière, comme on l’a très vite vu à l’époque où Valls était ministre de l’Intérieur, puis Premier Ministre… Il faut évidemment combattre le terrorisme islamiste, mais pas sous la houlette des gouvernements bourgeois dont toute la politique, tant étrangère qu’intérieure, alimente le terrorisme. Pas plus qu’il ne faut combattre l’intégrisme salafiste de la manière dont a procédé l’ex-député PCF André Gerin quand il flirtait avec Sarkozy sur ce terrain pseudo-républicain.

[7] C’est ce que l’auteur de ces lignes s’honore d’avoir fait quand il était secrétaire de la section de Lens du PCF, notamment à l’époque du gouvernement Jospin-Buffet : pas un numéro de L’Incorruptible, le journal de la section lensoise du PCF, n’est alors sorti des presses sans que ce gouvernement social-impérialiste (guerre de Yougoslavie notamment) et social-maastrichtien (préparation du passage à l’euro, privatisation de France-Télécom, d’Air-France, etc.), ministres « communistes » inclus, ne soit clairement dénoncé auprès des travailleurs lensois. À une tout autre échelle historique, eût-on imaginé Rosa Luxemburg ou Karl Liebknecht demeurer membre du SPD (encore formellement marxiste) sans dénoncer sa ligne impérialiste durant la guerre de 1914/18 ? Rosa elle-même n’envoyait pas dire, du fond de sa prison d’Empire, et alors qu’elle était encore membre, formellement, du SPD, que « la social-démocratie n’est plus qu’un cadavre puant ». Le tort tactique de Rosa aux yeux de Lénine aura été d’être demeurée trop longtemps au sein du SPD, d’avoir trop différé la création du PC d’Allemagne (le KPD). Au point que, lorsque l’insurrection prolétarienne aura pris son élan en Allemagne, le prolétariat de ce pays n’aura pas pu disposer pleinement d’un parti de combat discipliné et apte à diriger l’offensive. De la Commune de Paris à l’insurrection spartakiste, toutes deux sauvagement réprimées, la question majeure demeure et elle reste une vraie croix pour tous les éléments centristes qui veulent éternellement cultiver le marxisme dans un cadre social-démocrate : celle de la séparation organisationnelle entre révolutionnaire et réformiste. Bref, la question du Congrès de Tours qui n’est pas derrière, mais DEVANT nous !

[8] …alors président d’honneur de la FNARC, l’organisation qui précéda le PRCF.

[9] On ne sache pas qu’à l’époque, Fabien Roussel se soit signalé par une quelconque opposition au gouvernement social-privatiseur Jospin auquel participait sans états d’âme exagérés la sénatrice « communiste » nordiste Michèle Demessine…

[10] Un vote Macron de second tour que la direction du PCF a osé présenter comme un barrage possible à l’extrême droite en mai 2017… Comme les fédérations Nord et Pas-de-Calais du PCF n’ont pas craint, toute honte bue, de soutenir Xavier Bertrand en le présentant, au second tour, comme un « barrage » au FN aux précédentes régionales…

[11] Propos qui, au mieux, ne signifie rien et veut dire qu’on reste tout en sortant, qui n’a aucune espèce de crédibilité (pour renégocier les traités, il faut l’accord des 27 gouvernements européens, tous plus à droite les uns que les autres, voire d’extrême droite : Pologne, Hongrie, Pays baltes, etc.) et qui, quand bien même il prendrait forme, ne pourrait mener qu’à la ruine rapide de la France puisque, pendant qu’auraient lieu les négociations, notre pays subirait d’énormes saignées spéculatives et serait dans l’incapacité de se défendre, n’ayant pas rétabli sa souveraineté monétaire…

[12] Contournant la question toujours décisive des nationalisations (le mot « nation » étant devenu quasiment tabou), le programme actuel du PCF est non seulement inférieur au programme commun PS/PCF de 1972, non seulement très inférieur à celui du PCF seul de 1971 (intitulé « Changer de cap »), mais il est même très en deçà de celui du PS mitterrandien des années 1970… J’entends bien que le PS n’avait aucune intention réelle d’appliquer son programme. Mais que dire d’un parti « communiste » qui, avant même d’être au pied du mur, commence par raboter ses intentions elles-mêmes ? Rappelons qu’en 1976, le programme commun PC/PS a éclaté sur la question des nationalisations, G. Marchais jugeant à juste titre que, en deça d’un certain seuil de nationalisations démocratiques, le futur gouvernement d’union populaire n’aurait certainement pas en main les leviers économiques minimaux nécessaires à sa politique. Mais cette notion de « seuil minimal » de nationalisation semble être totalement sortie de la tête de nombre de communistes actuels…

[13] Il est temps que les marxistes cessent d’être dupes des analyses néokeynésiennes critiquant le prétendu « ultralibéralisme », la « déconstruction de l’État » et autres sornettes qui rabattent les communistes vers les fadaises de l’« antilibéralisme » tout en les éloignant à la fois de la lutte pour le socialisme et de la confrontation pure et dure avec l’UE. Le capitalisme monopoliste d’État, ce concept d’origine léniniste que le PCF savait parfaitement analyser à l’époque du gaullisme et du pompidolisme triomphants, reste bien ce « mécanisme unique de l’État bourgeois et des monopoles capitalistes » que critiquait, une foison de faits à l’appui, le livre éponyme paru en 1972 aux Editions sociales. Ce « CME » n’a nullement disparu : il a avant tout migré et changé d’échelle – changé d’ « aire » dirait le MEDEF – si bien que la déconstruction de l’État bourgeois NATIONAL au profit, d’une part, des Grandes Régions à l’allemande, d’autre part de l’Europe fédérale (« saut fédéral européen » co-pilotée par Berlin et par Washington a déplacé et radicalisé le CME bien plus qu’elle ne l’a aboli. Même la fameuse « concurrence libre et non faussée » inhérente au traité de Maastricht n’est qu’une ruse de la raison dialectique : en instaurant une concurrence débridée à l’échelle continentale et transcontinentale, on dé-segmente et on détruit les marchés local et national, on fait place nette pour les trusts continentaux et transcontinentaux, on arase à la fois les monopoles publics (pour construire des monopoles privés, par ex. SUEZ-GDF aux dépens d’EDF-GDF) et l’indépendance des PME, et l’on fait monter en puissance un maxi-État continental (doté de sa monnaie, de son armée, de sa gendarmerie, de son Parquet, voire de sa langue unique : le globish), à savoir l’Empire européen producteur de « normes » tatillonnes. Un Empire si peu « libéral » qu’il dispense sans fin d’énormes subventions publiques directes (cf le « grand emprunt européen », garanti par le contribuable européen et déversé sans contrôle sur les monopoles capitalistes) ou indirectes (milliards d’euro GRATUITS injectés à jet continu par la BCE vers les banques et vers les monopoles industriels) tout en détruisant au passage, non pas « le CME » mais les services publics et la protection sociale gagnés par les travailleurs dans le cadre des luttes de classe menées à l’échelle des États-nations. Bref, de moins en moins d’ « Etat (nation) -Providence » pour les travailleurs, les artisans et les petits paysans, et de plus en plus d’États (européens) – Providence… pour le grand capital.

[14] Le mensuel du PRCF, « Initiative communiste » a déjà moult fois dénoncé le faux duel et vrai duo que constitue le couple mortifère Macron/Le Pen, le premier ne cessant de « prendre de droite » la seconde à coups de lois sécuritaires et de stigmatisation « des » musulmans, la second cherchant à déborder Macron sur le terrain de l’euro-atlantisme en validant sans la moindre pudeur « nationaliste » l’euro, l’UE, Schengen et, bien entendu, l’OTAN. Si bien que le « bloc bourgeois » personnifié par Macron ne s’inscrit pas moins dans le processus de fascisation dont le lepénisme est l’aile marchante que symétriquement le Rassemblement lepéniste s’inscrit de plus en plus dans le Parti Maastrichtien Unique héritier de feu l’ « UMPS ». La base commune permanente des blocs bourgeois européen – type Merkel, Macron, Draghi-Renzi, etc. – et des blocs euro-identitaires (type Le Pen, Kaczynski, Orban, etc.) est l’amalgame « antitotalitaire » que pratique désormais le Parlement européen lui-même entre communistes et nazi pour mieux criminaliser les premiers et, de moins en moins insidieusement, banaliser et réhabiliter l’extrême droite déjà au pouvoir ou aux portes du pouvoir dans un bon tiers des pays européens. N’est-il pas évident d’ailleurs que si Le Pen devient présidente en 2022, elle ne rompra pas plus avec l’UE que l’UE ne rompra avec elle. Tout ce beau monde convergera dans l’anticommunisme, l’atlantisme, l’antisyndicalisme primaire et la marche aux guerres néocoloniales, le tout supervisé par Berlin et « super-supervisé » par Washington.

[15] Non seulement le référendum sur la constitution européenne de 2005, mais aussi les référendums corse et alsacien des années 2000 qui, tous deux, avaient refusé la constitution d’une « collectivité territoriale unique » corse ou alsacienne abolissant les départements républicains. Là aussi, dans les deux cas, les grandes bourgeoisies hexagonale et régionales ont froidement violé la volonté populaire. Dans ces conditions de viol permanent de Marianne et de la Constitution, continuer comme si de rien n’était, comme le fait le PCF, à ne s’interroger en rien sur la participation aux élections européennes et régionales (sans préjuger du résultat de cette réflexion, ne serait-ce qu’en étudiant démocratiquement la question !), alors que ces élections sont bâties elles-mêmes sur d’éclatants dénis de démocratie (quand les populations concernées ont-elles eu à valider la mise en place des treize Grandes Régions créées par F. Hollande ?), montre à quel point d’abaissement est tombé l’esprit critique dans notre pays.

[16] Nous avons eu l’occasion de dénoncer sur www.initiative-communiste.fr l’appel irresponsable du chanteur en gilet jaune Francis Lalanne à une intervention de l’armée pour « rétablir la démocratie ». Comme quoi le spontanéisme et le rejet démagogique des partis en général et du PC en particulier peut conduire aux pires naïvetés. La lettre ouverte à Macron datée du 22 avril 2021 qu’ont publiée un certain nombre de généraux retraités menaçant à demi-mots Macron d’un putsch s’il ne peut rétablir à temps l’ « ordre » et la « civilisation », est un symptôme de ce qui nous menace si les communistes, au lieu de se perdre en jeux florentins d’appareil et de micro-appareils, ne s’attachent pas à construire ensemble, en se tournant de manière privilégiée vers les travailleurs (entrées des entreprises, manifs populaires, quartiers défavorisés, LP et LT, soutien public au syndicalisme de classe…) une alternative patriotique et populaire tourné vers le Frexit progressiste dans la perspective du socialisme pour notre pays.


Edité le 28-04-2021 à 15:14:15 par Xuan




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   Posté le 04-05-2021 à 19:55:17   

Il va falloir commencer par la voie N°II pour mener des actions concrètes sur le terrain, comme remplacer le bureau de poste qui vient juste d'être fermé par exemple, remplacer l'état devenir l'état. Pour embrayer sur la voie prônée par Gastaud mais sans les bourdasses du PRCF (Du genre défendre les traorés.)
Avec les stratégie de communication del Frente obrero.
Xuan
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   Posté le 04-05-2021 à 23:42:33   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

N'importe quelle association peut se mobiliser pour un bureau de postes. La particularité du parti communiste c'est de lutter pour le socialisme et le communisme et d'élaborer un plan d'action dans ce but.
On parle de la construction de ce parti, et de ses objectifs.
Des militants du PCF mènent aussi des actions pour conserver un bureau de postes, mais leur parti ne se prononce pas clairement pour une société socialiste. Dans ce cas toutes leurs actions n'auraient ni queue ni tête. Naturellement il faut des cellules d'entreprise, mais il faut d'abord leur assigner un objectif final.

D'ailleurs le texte de Gastaud qui semble porter sur l'organisation tourne en fait autour de la ligne politique, pour démontrer que celle du PRCF est juste.
L'unité des communistes autour d'objectifs communs est la première condition.

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   Posté le 16-05-2021 à 14:36:11   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

J. Staline : Des perspectives du P.C.A. et de la bolchévisation − 1925

DANIELLE BLEITRACH 16 MAI 2021



Voici un texte que l’on peut analyser non comme un dogme mais comme une réflexion théorique sur l’expérience historique que doivent faire chaque nation, chaque formation sociale. Qu’y a-t-il de valide dans cette bolchévisation qui demeure le fondement de tous les partis communistes ayant réussi à accéder au pouvoir et à s’y maintenir? En quoi est-elle devenue un modèle contraignant et à partir de quand ? Une hypothèse pourrait être utilement étudiée: ce n’est pas Staline qui à prétendu définir un modèle soviétique pour tous les partis en niant les spécificités nationales de développement autant que de l’histoire de la lutte des classes, mais bien Khrouchtchev qui prétend imposer un modèle tout en retirant la protection de l’URSS avec la coexistence pacifique, ce qui aboutira au terrible divorce sino-soviétique. En quoi cependant les incontestables errances khrouchtcheviennes sont-elles le produit de ce qui n’a pu être transformé à temps ? Toutes ces questions historiques prennent d’autant plus d’acuité que nous sommes confrontés aux difficultés stratégiques face à la crise hégémonique du capital. Nous ne trouverons pas dans le passé les clés de cette stratégie mais des mises en garde de ce texte qui sont toujours valides : ainsi en est-il de la manière de démasquer la social démocratie. Alors que notre blog est centré sur les questions internationales, nous sommes, comme le dit Staline, convaincus que la prise de conscience de la nature de la social démocratie se fait sur le terrain quotidien et concret de ce que vit la classe ouvrière, tous ceux qui souffrent du capital et à qui l’on offre des leurres. C’est ce qui motive notre choix de soutenir la nouvelle direction du PCF et son dirigeant Fabien Roussel. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société )

https://histoireetsociete.com/2021/05/16/j-staline-des-perspectives-du-p-c-a-et-de-la-bolchevisation-%e2%88%92-1925/

La Pravda n° 27, 3 février 1925
Note du Centre MLM : Ci-dessous présenté, l’entretien de Staline avec Herzog − cadre du Parti Communiste d’Allemagne −, publié par La Pravda le 2 février 1927. Il y est largement question de bolchévisation. Qu’est-ce que la bolchévisation ?

« La bolchévisation des sections de l’Internationale Communiste consiste à étudier et à appliquer dans l’action les expériences acquises par le Parti Communiste russe au cours des trois révolutions et aussi, bien entendu, les expériences de toutes les autres sections ayant à leur actif des luttes sérieuses. A la lumière de cette expérience les sections de l’Internationale Communiste doivent comprendre les tâches qui leur incombent et généraliser leur propre expérience » .

Et :

« La bolchévisation consiste à savoir expliquer les principes généraux du léninisme à chaque situation concrète dans chaque pays. La bolchévisation est en plus l’art de saisir le ‘chaînon’ le plus important qui permet de tirer toute la chaîne. Ce ‘chaînon’ ne peut être identique dans tous les pays à cause de la diversité de leurs conditions sociales et politiques » (Thèses sur la bolchévisation, Exécutif élargi de l’IC, 1925).



Première question (Herzog) . Estimez-vous que les rapports politiques et économiques dans la république capitaliste démocratique d’Allemagne sont tels, que la classe ouvrière devra, au cours d’une période plus ou moins rapprochée, mener la lutte pour le pouvoir ?

Réponse (Staline) . Il serait difficile de répondre à cette question avec une précision rigoureuse, si vous parlez de délais et non d’une tendance. Point n’est besoin de démontrer que la situation actuelle se distingue essentiellement de la situation de 1923, par la conjoncture aussi bien internationale qu’intérieure. Toutefois, compte tenu des sérieux changements possibles dans la situation extérieure, l’éventualité n’est pas exclue d’un brusque changement de la situation, dans un proche avenir, au profit de la révolution. L’instabilité de la situation internationale est le gage que cette supposition peut devenir une probabilité.

Deuxième question . Étant donné la situation économique et les rapports des forces, une période préparatoire plus longue sera-t-elle nécessaire chez nous pour conquérir la majorité du prolétariat (tâche que Lénine avait assignée aux partis communistes de tous les pays et dont il soulignait l’extrême importance avant la conquête du pouvoir politique) ?

Réponse . Pour autant qu’il s’agit de la situation économique, je ne puis apprécier les choses qu’en me basant sur les données générales dont je dispose. Selon moi, le plan Dawes 1 a déjà donné certains résultats, il a abouti à une stabilisation relative de la situation. La pénétration des capitaux américains dans l’industrie allemande, la stabilisation de la monnaie, le redressement de la situation dans plusieurs industries maîtresses d’Allemagne, − ce qui ne signifie pas le moins du monde un assainissement radical de l’économie allemande, − enfin, une certaine amélioration de la situation matérielle de la classe ouvrière, − autant de faits qui ne pouvaient manquer d’aboutir à un certain renforcement des positions de la bourgeoisie en Allemagne. C’est là, pour ainsi dire, le côté « positif » du plan Dawes.

Mais le plan Dawes a, en outre, des côtés « négatifs » qui doivent inévitablement se faire sentir à un moment donné et torpiller les résultats « positifs » de ce plan. Il est évident que le plan Dawes représente pour le prolétariat allemand un double joug, intérieur et extérieur du Capital. Les contradictions entre l’extension de l’industrie allemande et le rétrécissement des marchés extérieurs pour cette industrie, la disproportion entre les exigences hypertrophiées de l’Entente et les possibilités limitées de l’économie nationale allemande pour satisfaire ces exigences, – autant de faits qui, en aggravant inévitablement la situation du prolétariat, des petits paysans, des employés et des intellectuels, ne peuvent manquer d’aboutir à une explosion, à une lutte directe du prolétariat pour la prise du pouvoir.

Mais on ne saurait envisager cette circonstance comme l’unique condition favorable à la révolution allemande. Pour que cette révolution puisse triompher, il est nécessaire, en outre, que le Parti communiste représente la majorité de la classe ouvrière, qu’il devienne la force décisive dans la classe ouvrière. Il est nécessaire que la social-démocratie soit démasquée et battue, qu’elle soit réduite à ne plus être qu’une infime minorité au sein de la classe ouvrière. Ces conditions faisant défaut, il est inutile même de songer à la dictature du prolétariat. Pour que les ouvriers puissent vaincre, ils doivent être inspirés par une seule volonté, guidés par un seul parti jouissant de la confiance incontestable de la majorité de la classe ouvrière. Si deux partis concurrents, de force égale, existent au sein de la classe ouvrière, alors, même au cas où les conditions extérieures sont favorables, une victoire durable est impossible. Lénine, le premier, a particulièrement insisté là-dessus, dans la période qui précéda la révolution d’Octobre, jugeant cette condition indispensable à la victoire du prolétariat.

La situation la plus favorable à la révolution, serait une situation où la crise intérieure en Allemagne et l’accroissement décisif des forces du Parti communiste coïncideraient avec de sérieuses difficultés dans le camp des ennemis extérieurs de l’Allemagne.

Selon moi, l’absence de cette dernière condition, dans la période révolutionnaire de 1923, a joué un rôle négatif non des moindres, tant s’en faut.

Troisième question . Vous avez dit que le, P.C.A. devait avoir derrière lui la majorité des ouvriers. Jusqu’à présent, on a accordé trop peu d’attention à cet objectif. Que faut-il faire, à votre avis, pour que le P.C.A. devienne un parti énergique, doué d’une force de recrutement en progression constante ?

Réponse . Certains camarades pensent que renforcer le parti et le bolchéviser, c’est chasser du parti tous les hétérodoxes. Cela est faux, évidemment. On ne peut démasquer la social-démocratie et la ravaler au rôle d’infime minorité dans la classe ouvrière, qu’au cours d’une lutte quotidienne pour les besoins concrets de la classe ouvrière. Il faut clouer la social-démocratie au pilori non pas dans les problèmes planétaires, mais dans la lutte quotidienne de la classe ouvrière pour améliorer sa situation matérielle et politique ; les salaires, la journée de travail, le logement, les assurances, les impôts, le chômage, la vie chère etc., toutes ces questions doivent jouer un rôle important, sinon décisif. Battre les social-démocrates chaque jour, sur ces questions, en démasquant leur traîtrise, telle est la tâche.

Mais cette tâche serait incomplètement réalisée si les questions pratiques quotidiennes n’étaient pas rattachées aux questions capitales de la situation internationale et intérieure de l’Allemagne, et si, dans le travail du parti, toute cette action quotidienne n’était pas éclairée du point de vue de la révolution et de la conquête du pouvoir par le prolétariat.

Mais seul est capable de faire cette politique un parti qui a à sa tête des cadres de dirigeants suffisamment expérimentés pour renforcer leur propre parti, en mettant à profit toutes les bévues de la social-démocratie, et suffisamment préparés au point de vue théorique pour que les succès partiels ne leur fassent pas oublier les perspectives du développement révolutionnaire.

C’est ce qui explique principalement pourquoi le problème des cadres dirigeants des partis communistes en général, le parti communiste allemand y compris, est l’un des problèmes essentiels de la bolchévisation.

Pour réaliser la bolchévisation, il est nécessaire de réunir au moins plusieurs conditions fondamentales, sans lesquelles la bolchévisation des partis communistes est, d’une façon générale, impossible.

1. Il faut que le parti se considère non pas comme un appendice du mécanisme électoral parlementaire, ce que fait, au fond, la social-démocratie, et non pas comme un supplément gratuit aux syndicats, ce que prétendent parfois certains éléments anarcho-syndicalistes, mais comme la forme supérieure de l’union de classe du prolétariat, appelée à diriger toutes les autres formes d’organisations prolétariennes, depuis les syndicats jusqu’à la fraction parlementaire.

2. Il faut que le parti, et surtout ses éléments dirigeants, s’assimilent pleinement la théorie révolutionnaire marxiste, en la rattachant étroitement à la pratique révolutionnaire.

3. Il faut que le parti élabore des mots d’ordre et des directives non pas en se basant sur des formules apprises par cœur et des parallèles historiques, mais en s’appuyant sur une analyse minutieuse des conditions concrètes, intérieures et internationales, du mouvement révolutionnaire, en tenant rigoureusement compte de l’expérience des révolutions de tous les pays.

4. Il faut que le parti vérifie la justesse de ces mots d’ordre et directives dans le feu de la lutte révolutionnaire des masses.

5. Il faut que tout le travail du parti, surtout si les traditions social-démocrates n’ont pas encore disparu dans son sein, soit réorganisé sur un plan nouveau, sur le plan révolutionnaire, de telle sorte que chaque démarche du parti et chacune de ses actions, conduisent naturellement à la pénétration révolutionnaire des masses, à la préparation et à l’éducation des grandes masses de la classe ouvrière dans l’esprit de la révolution.

6. II faut que, dans son travail, le parti sache unir un rigoureux esprit de principe (ne pas confondre avec le sectarisme !) à un maximum de liaisons et de contacts avec les masses (ne pas confondre avec le suivisme l), sans quoi il est impossible au parti non seulement d’enseigner les masses, mais de s’instruire auprès d’elles, non seulement de guider les masses et de les élever jusqu’au niveau du parti, mais de prêter l’oreille à la voix des masses et de deviner leurs besoins les plus urgents.

7. Il faut que le parti sache unir dans son travail un esprit révolutionnaire intransigeant (ne pas confondre avec l’esprit d’aventure révolutionnaire!) à un maximum de souplesse et de capacité de manœuvre (ne pas confondre avec le conformisme !), sans quoi il est impossible au parti de s’assimiler toutes les formes de lutte et d’organisation, de rattacher les intérêts quotidiens du prolétariat aux intérêts vitaux de la révolution prolétarienne, et de combiner dans son travail la lutte légale avec la lutte illégale.

8. Il faut que le parti ne dissimule pas ses fautes, qu’il ne craigne pas la critique, qu’il sache perfectionner et éduquer ses cadres en tirant profit de ses propres erreurs.

9. Il faut que le parti sache choisir pour son groupe principal de dirigeants les meilleurs éléments parmi les combattants d’avant-garde, suffisamment dévoués pour être les interprètes authentiques des aspirations du prolétariat révolutionnaire, et suffisamment expérimentés pour devenir les chefs véritables de la révolution prolétarienne, capables d’appliquer la tactique et la stratégie léninistes.

10. Il faut que le parti améliore méthodiquement la composition sociale de ses organisations et qu’il épure ses rangs des éléments opportunistes qui le corrompent, pour atteindre au maximum d’homogénéité.

11. Il faut que le parti établisse une discipline prolétarienne inflexible, basée sur la cohésion idéologique, sur une claire vision des objectifs du mouvement, sur l’unité dans l’action pratique et sur une attitude consciente de la grande masse des adhérents envers les tâches du parti.

12. Il faut que le parti vérifie méthodiquement l’exécution de ses propres décisions et directives, sans quoi ces dernières risquent de devenir des promesses creuses, capables simplement de ruiner la confiance des grandes masses prolétariennes à son égard.

A défaut de ces conditions et autres analogues, la bolchévisation est un son creux.

Quatrième question. Vous avez dit qu’en plus des côtés négatifs du plan Dawes, la deuxième condition de la conquête du pouvoir par le P.C.A., serait une situation où le parti social-démocrate apparaîtrait aux yeux des masses entièrement démasqué, et où il ne représenterait plus une force sérieuse au sein de la classe ouvrière. Le chemin est encore long pour arriver à ce résultat, étant donné les faits réels. Ici les défauts et les faiblesses des méthodes actuelles de travail dans le parti se font manifestement sentir. Comment peut-on les éliminer ? Comment appréciez-vous les résultats des élections de décembre 1924 pendant lesquelles la social-démocratie, − parti entièrement corrompu et pourri, − non seulement n’a rien perdu, mais a même gagné près de deux millions de voix?

Réponse. Il ne s’agit pas là de défauts dans le travail du parti communiste allemand. Il s’agit, avant tout, que les emprunts américains et la pénétration du capital américain, plus la monnaie stabilisée, en améliorant quelque peu la situation, ont créé l’illusion qu’il était possible de liquider totalement les contradictions intérieures et extérieures de la situation en Allemagne. C’est à la faveur de cette illusion que la social-démocratie allemande a fait son entrée triomphale, comme montée sur un blanc coursier, au Reichstag actuel. Aujourd’hui Wels fait parade de sa victoire aux élections. Mais, apparemment, il ne comprend pas qu’il s’approprie une victoire qui n’est pas la sienne. Ce n’est pas la social-démocratie allemande mais le groupe Morgan qui a triomphé. Wels n’a été et n’est qu’un des commis de Morgan.

Plan Dawes. C’est ainsi qu’on appelle le rapport concernant le payement des réparations par l’Allemagne, rapport établi par un comité international d’experts, sous la présidence du général Dawes, financier américain, et ratifié le 16 août 1924 à la Conférence de Londres des Alliés

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Xuan
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Le réseau faire vivre met en ligne :
https://lepcf.fr/I-LA-CELLULE-D-ENTREPRISE

A noter :
"La cellule d'entreprise n'apporte pas par elle-même la théorie marxiste-léniniste, mais par l'expérience pratique multipliée elle est la source de la théorie et sa vérification. Elle est le garant du caractère de classe du parti et l'organisation de l'avant-garde de la classe ouvrière. Archimède disait " donnez-moi un levier et je soulèverai le monde ". La cellule d'entreprise est le levier qui peut soulever le prolétariat, l'organiser dans un seul syndicat de classe et de masse, mener des campagnes politiques nationales et internationales..."

On peut se demander quel est le sens de ce texte dans le PCF. Or ce sont les révisionnistes qui ont mis fin aux cellules d'entreprise. Le courant d'opposition et de retour aux principes ml l'a dénoncé s'est emparé de cette revendication pour reconstruire des cellules d'entreprise. Des jeunes ont commencé à reconstruire ces cellules.
Quelle est la finalité ? Il faut avoir confiance dans les masses. Si la ligne révisionniste l'emportait définitivement dans le PCF, les cellules d'entreprise disparaîtraient de nouveau. Elles sont incompatibles avec un parti bourgeois.
L'expérience du PCMLF montre qu'en l'investissant, la social-démocratie radicale a étouffé la voix des cellules d'entreprise encore trop faibles dans le parti.
Elles constituent une des conditions pour le renforcement d'un courant marxiste-léniniste dans le PCF.


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Cours sur la cellule, 1928

En 1976 le PCMLF rééditait ce document sur la création des cellules d’entreprises.
Le N°1 des Carnets du Militant, épuisé depuis longtemps, était le fac-similé d’un texte de 1928 édité par le Parti communiste français, un cours sur la cellule.

La cellule du parti


SOMMAIRE

I - LA CELLULE D’ENTREPRISE

1° ) Composition

2° ) Organisation

3° ) Travail de la cellule

4° ) Moyens de réalisation

5° ) Méthodes de travail

6° ) Formation politique des adhérents

7° ) Liaison avec le comité de Parti

II- LA CELLULE LOCALE




1° ) Composition de la cellule

La cellule d’entreprise doit être composée des communistes travaillant dans l’entreprise donnée. Une cellule peut être constituée avec trois camarades. Dans son effort de recrutement, la cellule doit s’attacher à recruter plus particulièrement parmi les ouvriers les plus exploités : manœuvres, manœuvres spécialisés et femmes. Cette orientation spéciale du recrutement résulte de deux facteurs :

1° politique de rationalisation de la bourgeoisie ;

2° composition sociale de notre parti.

La rationalisation amène l’élimination progressive du travail qualifié et son remplacement par une main d’œuvre qui n’a subi aucun apprentissage (manœuvres, femmes). Cette main d’œuvre représente la figure centrale de l’industrie rationalisée, elle est aussi la plus exploitée. Nos cellules d’entreprises doivent être composées en grande partie des éléments appartenant à cette masse essentielle du prolétariat industriel, car c’est la condition d’une liaison étroite de la cellule avec la majorité des ouvriers de l’entreprise. C’est ainsi que la cellule pourra connaître exactement l’état d’esprit et les besoins de la masse ouvrière de son entreprise et par conséquent la diriger effectivement.

Cette nécessité d’améliorer la composition sociale de nos cellules d’entreprise apparaît encore plus clairement quand on tient compte du deuxième facteur : leur composition actuelle. Ce sont en majorité des ouvriers qualifiés professionnels, parmi lesquels se forme justement l’aristocratie ouvrière qui est la base de l’opportunisme dans le mouvement ouvrier. Cela ne veut dire aucunement que ces ouvriers sont de mauvais communistes. Seulement une telle composition sociale constitue une base propice aux déviations opportunistes. D’autre part, quand on tient compte des traditions encore fortement enracinées dans l’industrie, des cloisons étanches qui séparent les ouvriers professionnels qui se considèrent comme une couche supérieure, de la grande majorité des ouvriers non qualifiés, il est clair que nos cellules sont faiblement liées à la masse essentielle de l’entreprise, ne connaissent pas son état d’esprit et ses besoins, ne savent pas par conséquent la diriger dans la lutte contre le régime capitaliste.

Un deuxième problème important ayant trait a la composition de la cellule d’entreprise est celui des rattachés. En règle générale nous devons être contre la présence des rattachés à la cellule d’entreprise. Mais les difficultés de vie politique et du travail pratique de la cellule d’entreprise nécessitent l’affectation des rattachés (discussion, diffusion du journal d’entreprise). Le nombre de rattachés doit âtre réduit au strict minimum. Les autres doivent être affectés dans les cellules de leur lieu d’habitation.

2° ) Organisation de la cellule

Pour le bon fonctionnement de la cellule, la constitution d’un bureau composé de 2 à 3 camarades est indispensable. Le bureau doit :

a) Préparer l’ordre du jour de la réunion de la cellule en solutionnant lui-même les questions secondaires et en organisant la discussion de façon à utiliser au maximum la courte durée de la réunion de la cellule d’entreprise ;

b) Contrôler l’exécution des tâches confiées aux différents camarades (assurer pendant les heures de repas une liaison permanente avec les éléments de la cellule ; par là même, contrôler l’exécution des tâches confiées aux différents camarades, etc.) ;

c) Assurer une liaison étroite avec le comité de parti ;

d) Se réunir et prendre des décisions en cas d’urgence, dans l’intervalle des réunions de la cellule.

Sans un bureau, la cellule ne peut pas remplir convenablement son râle, elle risque de compromettre gravement 1’action du Parti dans des moments importants (Ex. : une manifestation convoquée en 48 heures, déclenchement brusque d’un mouvement dans l’entreprise, etc.).

Le bureau de la cellule doit désigner en son sein, un secrétaire politique et au moins pour chaque tâche importante un responsable, c’est à dire

- un secrétaire pour le travail syndical (ou de masse pour les cellules de quartier), dont la tâche consistera plus particulièrement à suivre le travail de la section syndicale de l’usine ;

- un secrétaire pour l’agitation et la propagande, qui s’occupera spécialement de l’organisation des réunions d’usine et de sympathisants ; qui réunira les articles pour le journal d’entreprise ; qui organisera la diffusion du matériel d’agitation et de la littérature du parti ; qui conseillera les membres de la cellule pour leurs lectures ; qui, s’il y a lieu, organisera une école, etc. ;

- un secrétaire à l’organisation dont le rôle consistera à veiller à la régularité des réunions ; à lutter contre les absences injustifiées ; à fournir aux organismes dirigeants des petits rapports sur la marche de la cellule - c’est lui qui, par exemple, quand il est décidé d’organiser une réunion de sympathisants, a pour tâche de trouver le local, de repérer dans l’usine (avec l’aide de tous les membres de la cellule) les sympathisants qu’il faut inviter, etc., et surtout, c’est lui qui a à organiser le recrutement individuel et collectif.

Dans la pratique, ces tâches sont difficilement séparables. C’est pourquoi la direction de la cellule doit être collective ; toutes les tâches doivent être discutées par le bureau de la cellule et l’exécution doit en être assurée par toute la cellule sous la direction de tel ou tel responsable selon la tâche à accomplir. Pour faciliter l’éducation de tous les camarades de la cellule on doit faire passer successivement le maximum de camarades dans le bureau.

Tous les trois ou six mois, la cellule doit faire le bilan de son activité et renouveler partiellement son bureau et les responsables aux différentes tâches, en veillant à assurer la continuité du travail, c’est à dire en conservant dans le bureau les camarades qui se sont révélés les plus capables et les plus dévoués.

3° ) Travail de la cellule

La cellule doit être pour les ouvriers de l’entreprise ce qu’est le Parti pour l’ensemble des travailleurs : leur chef politique, leur état-major, leur détachement organisé. Le travail de la cellule doit donc être dirigé vers la conquête de la masse de l’usine.

A) Etude de l’entreprise. - La cellule doit dresser un plan économique de l’entreprise, connaître ses procédés de production, ses bénéfices, dans la mesure du possible, sa direction et ses liaisons industrielles et financières. Elle doit, d’autre part, rassembler tous les renseignements concernant le personnel (composition, salaires, durée du travail, les traditions de lutte, les forces politiques en présence, etc.). Cette étude doit être systématiquement complétée, particulièrement en ce qui concerne les conditions de travail et les revendications du personnel.

B ) Lutte pour les revendications immédiates - La cellule doit minutieusement examiner les revendications immédiates dans l’entreprise et organiser systématiquement la lutte pour leur aboutissement. (Nous verrons plus loin de quelle façon elle doit le faire afin de ne pas se substituer à la section syndicale d’entreprise, dont la tâche essentielle est la défense des revendications immédiates des ouvriers).

Mais la cellule doit toujours lier les revendications immédiates aux mots d’ordre généraux du Parti communiste, en montrant aux ouvriers la liaison indissoluble des luttes économiques et politiques, en orientant ainsi les ouvriers sur la base de la lutte pour les revendications immédiates, vers la lutte politique contre le régime capitaliste. La cellule doit toujours agir dans la ligne de la tâche essentielle du P.C., la préparation du prolétariat à la conquête révolutionnaire du pouvoir.

C) Campagnes du Parti. - La cellule doit mener toutes les campagnes du Parti à l’intérieur de son entreprise autour des mots d’ordre du Parti. Les fautes dans l’activité du Parti, qui ont nécessité la politique de rectification, résultaient dans une large mesure de ce que les campagnes du Parti n’avaient pas pour centre de gravité les entreprises. La cellule doit adapter chaque campagne du Parti aux conditions particulières de son entreprise et trouver les meilleurs moyens pour la faire aboutir sur son terrain d’action.

D) Mouvements ouvriers. - Les communistes doivent âtre à la tête des mouvements ouvriers. La cellule doit préparer, organiser et diriger les mouvements dans son entreprise par l’intermédiaire du comité d’usine, de la section syndicale, etc., et à l’aide de ses propres moyens d’action (journal d’usine, appels du Parti, etc.).

E) Organisations ouvrières. - La cellule doit diriger politiquement toutes les organisations ouvrières se trouvant sur le terrain de son entreprise : section syndicale, secours rouge prolétarien, comité de grève...

F) Formation politique des adhérents. - C’est une partie intégrante du travail de la cellule. Nous en parlerons à part.

4° ) Moyens de réalisation

Nous allons voir les moyens principaux qui se trouvent à la disposition de la cellule pour réaliser ses tâches.

Le matériel courant dont la cellule doit se servir constamment, ce sont les tracts, les affiches, et surtout les papillons et les bombages. Ce matériel doit diffuser nos mots d’ordre et préparer les réunions d’entreprise qu’on peut classer en deux catégories

1° Réunion d’agitation à l’entrée ou à la sortie. - Ces réunions sont faites par un agitateur qui n’est pas de la cellule, et qui vient à la porte parler aux ouvriers de l’usine. Ces réunions ont un grand intérêt pour couronner le travail intérieur fait par la cellule dans l’usine ou pour annoncer une assemblée générale de l’usine ou une manifestation.

2° Réunion de sympathisants. - Elle n’est pas annoncée à toute l’entreprise, on convoque individuellement les ouvriers qui sont le plus près de nous. C’est un bon moyen de propagande et de recrutement pour le Parti. Quand cela s’impose, pour éviter la répression, les camarades de la cellule ne se mettront pas au bureau de la réunion, ni ne prendront la parole. Le bureau sera formé avec l’aide des camarades mis à la disposition de la cellule par le comité de parti ; l’orateur sera désigné par ce dernier.

Le journal d’entreprise est le meilleur moyen de réaliser le travail de la cellule. Il est d’une importance capitale pour extérioriser le travail de la cellule malgré la répression patronale. Le journal doit être le journal de toute l’entreprise et avoir la collaboration des sans-parti. Naturellement, il ne doit rien contenir qui soit contre la ligne du Parti, ni sa figure communiste ne doit en rien être atténuée sous prétexte de gagner les masses arriérées. L’utilisation de la correspondance ouvrière qui se développe actuellement autour du journal national est une excellente façon de faire du journal d’entreprise, le journal de l’ensemble des ouvriers de l’entreprise qui est l’écho de leur misère et qui défend leurs revendications.

Présentation : le journal doit être facilement lisible. Le titre ne doit pas être général (Aube rouge, Drapeau rouge, L’Etincelle ou la reprise du titre national) mais adapté à l’usine avec une bonne caricature (Ex. : La Flamme rouge pour une usine à gaz ; L’Agitateur, journal d’une usine chimique).

Contenu : surtout, pas de grands articles politiques découpés dans l’Humanité nouvelle ou le journal national et tenant presque toute la place. Le journal de l’entreprise ne doit pas être une copie maladroite de l’organe central L’article politique, obligatoire, doit être court, écrit simplement et faisant comprendre, autant que possible à partir de la situation de l’usine, un des mots d’ordre du parti et il doit aboutir à une conclusion pratique, relative à l’entreprise. Le gros du journal doit être composé par les faits de l’entreprise, mais traités de façon à en tirer une conclusion communiste. Les deux grands défauts à éviter, c’est de faire un journal uniquement politique ou un journal relatant uniquement des faits de l’entreprise. Les dessins sont excellents pour animer le journal.

Confection : le journal doit être absolument écrit par les membres de la cellule. Il faut que la cellule le tire elle-même. C’est surtout important dans les conditions de l’illégalité, pour le développement de l’autonomie technique des cellules et la protection des points de tirage plus importants.

Cellule et section syndicale

Nous examinerons le travail de la cellule à travers l’organisation ouvrière la plus importante. Comme tous les membres du Parti doivent être obligatoirement syndiqués, la cellule constitue le noyau de la section syndicale d’entreprise. La cellule doit par conséquent examiner le travail syndical à faire, prendre des décisions et les faire politiquement adopter et réaliser par la section syndicale.

C’est en apportant les meilleures solutions et en étant les meilleurs militants sur le terrain syndical que les communistes exerceront le rôle dirigeant du Parti dans la section syndicale. La cellule, tout en dirigeant la lutte pour les revendications immédiates à travers la section syndicale, doit prendre position en tant que Parti sur toutes les questions intéressant les ouvriers, y compris les questions économiques, dans son journal, dans des tracts, papillons, etc. Elle exercera aussi publiquement la critique du travail syndical et des mouvements dans l’entreprise au nom du Parti. Les deux grands défauts à éviter, c’est de substituer la cellule à la section syndicale ou d’effacer le rôle du Parti et son expression en tant que tel, dans les luttes économiques du prolétariat intimement liées à ces luttes politiques.

5° ) Méthodes de travail de la cellule

A) Une bonne organisation. - Nous soulignons encore une fois l’importance d’une bonne organisation pour l’accomplissement des tâches de la cellule. Résumons ses principes :

a) bureau de cellule ;

b) responsables aux différentes taches ;

c) liaison étroite avec le comité de parti ;

d) contrôle systématique de l’accomplissement du travail décidé.

B ) Travail d’organisation. - Dans ce domaine, deux problèmes doivent être pratiquement résolus

a) un plan de travail établi pour une période de quelques mois est une base excellente pour un travail systématique et efficace ;

b) division du travail il faut entraîner dans le travail tous les membres de la cellule sans exception - en pratiquant une répartition judicieuse des tâches ; ne pas surcharger un camarade de tâches, surtout un nouvel adhérent qui doit s’éduquer progressivement au travail ;

c) résultats d’organisation après chaque campagne : le Parti souffre de la disproportion entre son influence toujours grandissante et son organisation en état de stagnation ; la raison essentielle en réside dans le travail trop restreint à l’agitation et la propagande, et qui n’aboutit pas à des résultats d’organisation ; la cellule doit donc toujours envisager la façon dont elle va profiter du point de vue d’organisation du travail qu’elle accomplit, par le recrutement et l’organisation des ouvriers avancés.

d) Travail clandestin. - La répression patronale démolit trop souvent nos cellules d’entreprise à cause du manque total des mesures de précautions élémentaires. Nous en citons quelques unes :

a) se réunir dans un lieu non repéré, le changer dès le premier soupçon ; (ne pas venir directement de l’usine à la réunion) ;

b) seul le secrétaire doit connaître les noms et les adresses des adhérents, dans la cellule ils doivent tous porter un pseudonyme ressemblant à des noms réels ;

c) ne pas afficher sa qualité de membre du Parti dans l’entreprise sans analyse des conditions ; d) être prudent dans les conversations dans les lieux publics et accomplir son travail à l’intérieur de l’entreprise en prenant toutes précautions utiles.

Deux défauts sont à éviter :

1° de ne pas prendre au sérieux les mesures élémentaires du travail clandestin ; le Parti en souffre, étant obligé de reconstruire pendant de longs mois une cellule démolie ;

2° de se replier sur soi-même et de ne pas extérioriser le travail de la cellule. La lutte contre le mouchardage et la répression est une tâche importante de la cellule.

D) Initiative. - Le développement de l’initiative des membres de la cellule est une chose excellente pour le travail de la cellule. Il ne faut pas prendre les directives des organismes du Parti à la lettre, mais dans la pratique trouver les meilleurs moyens de les appliquer aux conditions de l’entreprise. Il ne faut pas non plus attendre toutes les directives pour entreprendre quelque chose, mais agir par sa propre initiative à tous les événements (Ex. : répression, grèves, solidarité...).

6° ) Formation idéologique et politique

C’est un travail important de la cellule, car la faiblesse idéologique des membres du Parti se répercute dans les faiblesses d’accomplissement de ses tâches. Les adhérents doivent être formés par :

a) l’examen de l’actualité politique générale et intérieure au Parti ;

b) l’éducation marxiste-léniniste et la pensée maotsétoung ;

c) la répartition des responsabilités.

Les moyens suivants se trouvent à la disposition de la cellule :

a) discussion autocritique du travail accompli, du point de vue politique et pratique ;

b) examen des faits politiques de la semaine ; c) discussion des ordres du jour du Parti ;

d) auto-éducation et étude collective. Le matériel Courant à utiliser est : les circulaires, le Bulletin Intérieur, les Carnets du Militant et le journal central.

7° ) Liaison avec le comité de parti

Cette liaison doit s’établir réciproquement. De la part de la cellule : en envoyant les secrétaires aux sections ou départements de travail organisation et agit’prop, presse, syndicaux, etc.) ; en envoyant des délégués aux réunions des cadres, d’information, aux conférences, etc. De la part du comité de Parti : en visitant régulièrement les cellules, en faisant faire des comptes rendus de son travail par les membres de la cellule.

II- LA CELLULE LOCALE
Composition : La cellule locale est composée des communistes habitant le territoire d’action de la cellule (localité, quartier, rue, maison). Les communistes sont affectés à leur cellule d’habitation seulement quand il n’y a pas de cellule dans l’entreprise où ils travaillent. Ils sont transférés dans cellule de leur entreprise dès que celle-ci est formée. La question importante, c’est le contrôle régulier de la composition des cellules locales, afin de retrouver les camarades qui doivent militer dans leurs entreprises et de les envoyer à la cellule correspondante.

Organisation : Mêmes principes que pour la cellule d’ entreprise. Mais certaines activités (logement, associations d’amitié, contrôle de la distribution de la presse... ) prennent une plus grande importance.

Travail de la cellule

Nous ne faisons qu’énumérer les tâches de la cellule locale

a) Aider à la création des nouvelles cellules d’entreprises.

b) Agitation et propagande locales, diffusion de la presse centrale.

c) Travail syndical.

d) Organisations proches du Parti.

Les moyens de réalisation, la méthode de travail, la formation politique des adhérents et la liaison avec le comité de parti doivent être appropriés aux tâches de la cellule locale.

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Xuan
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   Posté le 16-01-2022 à 00:26:40   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Un excellent texte marxiste, qui montre la nécessité pour les communistes et leur parti de rompre avec la social-démocratie radicale.
La photo publiée par Danielle Bleitrach est prise le 19 mars 1977 lors de la manifestation du PCMLF pour le 106e anniversaire de la Commune de Paris, qui fut suivie d'un meeting.
On reconnaît à gauche Claude Lebrun ouvrier chaudronnier, Jean Luc Einaudi, André Druesne, et à droite Jacques Jurquet.




K. Marx- F. Engels, la nécessité d’un parti de la classe ouvrière autonome


https://histoireetsociete.com/2020/04/26/k-marx-f-engels-la-necessite-dun-parti-de-la-classe-ouvriere-autonome/


DANIELLE BLEITRACH 26 AVRIL 2020




Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes

Ce texte de 1850, dans le prolongement de l’étude des événements parisiens de 1848 et des révoltes avortées dans toute l’Europe, est un de ceux où est clairement posée la nécessité d’un parti propre à la classe ouvrière que Lénine reprendra et qui deviendra le Que faire? Comme la nécessité de la dictature du prolétariat sera tirée de l’expérience de la Commune. Karl Marx et Engels n’ont pas été que des théoriciens, ils ont été des dirigeants ouvriers, et il est nécessaire de bien mesurer l’articulation théorie pratique, sans dogmatisme, qui leur permet une conception scientifique de la politique, même s’il ne s’agit pas de lectures faciles et de ne pas laisser dire que Lénine n’était pas “marxiste” (note de Danielle Bleitrach).
LE COMITÉ CENTRAL A LA LIGUE

Frères [1],

Au cours des deux années révolutionnaires 1848-49, la Ligue [2] s’est doublement affirmée ; une fois par le fait que ses membres ont en tous lieux énergiquement pris part au mouvement ; que dans la presse, sur les barricades et les champs de bataille ils ont été au premier rang du prolétariat, la seule classe vraiment révolutionnaire.
La Ligue s’est encore affirmée en ce sens que sa conception du mouvement, telle qu’elle était exposée dans les circulaires des congrès et du Comité central de 1847, ainsi que dans le Manifeste communiste, est apparue comme la seule vraie ; que les espoirs formulés dans ces documents se sont entièrement vérifiés, et le point de vue sur la situation actuelle que la Ligue ne propageait auparavant qu’en secret, est maintenant dans la bouche de tous les hommes et est prêché sur la place publique. En même temps, l’ancienne et solide organisation de la Ligue s’est sensiblement affaiblie. Un grand nombre de membres, directement engagés dans le mouvement révolutionnaire, ont cru que le temps des sociétés secrètes était passé et que l’action publique pouvait seule suffire. Certains cercles et communes ont laissé leurs relations avec le Comité central se relâcher et s’assoupir peu à peu. Tandis que le parti démocratique, le parti de la petite bourgeoisie, s’organisait de plus en plus en Allemagne, le parti ouvrier perdait son seul appui solide ; c’est tout au plus s’il conservait, dans quelques localités, son organisation pour des buts locaux ; et c’est ainsi que, dans le mouvement général, il est tombé complètement sous la domination et la direction des démocrates petits-bourgeois. Il faut mettre fin à un tel état de choses ; l’indépendance des ouvriers doit être rétablie. Le Comité central a compris cette nécessité et c’est pourquoi, dès l’hiver 1848-49, il a envoyé en Allemagne un émissaire, Joseph Moll, afin d’y réorganiser la Ligue. La mission de Moll resta cependant sans effet durable, soit que les ouvriers allemands n’eussent pas encore acquis à l’époque assez d’expérience, soit que l’activité de Moll fût interrompue par l’insurrection de mai dernier [3], Moll prit lui-même le fusil, entra dans l’armée de Bade-Palatinat et tomba le 29 juillet au combat de la Murg. En lui, la Ligue perdait un de ses membres les plus anciens, les plus actifs et les plus sûrs, qui avait pris une part active à tous les congrès et Comités centraux et avait antérieurement déjà accompli avec grand succès une série de voyages-missions. Après la défaite des partis révolutionnaires d’Allemagne et de France en juillet 1849, presque tous les membres du Comité central se sont retrouvés à Londres, ont complété leurs rangs par de nouvelles forces révolutionnaires et poursuivi avec une nouvelle ardeur la réorganisation de la Ligue.

La réorganisation ne peut s’opérer que par un émissaire, et le Comité central estime éminemment important que l’émissaire parte précisément à cette heure où une nouvelle révolution est imminente, où le parti ouvrier doit se présenter avec le plus d’organisation, le plus d’unité et le plus d’indépendance possible, s’il ne veut pas à nouveau, comme en 1848, être pris à la remorque et exploité par la bourgeoisie.

Frères ! Nous vous avons déjà dit, en 1848, que les bourgeois libéraux allemands allaient accéder au pouvoir et tourneraient aussitôt leur puissance nouvellement acquise contre les ouvriers. Vous avez vu comment la chose s’est faite. Ce furent, en effet, les bourgeois qui, après le mouvement de mars 1848, s’emparèrent immédiatement du pouvoir d’État et s’en servirent aussitôt pour refouler tout de suite les ouvriers, leurs alliés de la veille au combat, dans leur ancienne situation d’opprimés. Si la bourgeoisie n’a pu atteindre ce but sans faire alliance avec le parti féodal écarté en mars et sans même, en fin de compte, abandonner à nouveau le pouvoir à ce parti féodal absolutiste, elle s’est du moins assurée des conditions qui, par suite des embarras financiers du gouvernement, mettraient enfin tout le pouvoir entre ses mains et lui garantiraient tous ses intérêts, si le mouvement révolutionnaire se trouvait à même, dès à présent, de s’engager dans une évolution dite pacifique. La bourgeoisie n’aurait même pas besoin, pour asseoir sa domination, de se rendre odieuse par des mesures de violence dirigées contre le peuple, toutes ces mesures de violence ayant déjà été exécutées par la contre-révolution féodale. Mais l’évolution ne suivra pas cette voie pacifique. La révolution qui doit la précipiter est, au contraire, imminente, qu’elle soit provoquée par le soulèvement autonome du prolétariat français, ou par l’invasion de la Babel moderne révolutionnaire [4] par la Sainte-Alliance [5].

Et le rôle que les bourgeois libéraux allemands ont, en 1848, joué vis-à-vis du peuple ce rôle si perfide, sera, dans la révolution prochaine, assumé par les petits bourgeois démocrates, qui occupent actuellement dans l’opposition la même place que les bourgeois libéraux avant 1848. Ce parti, le parti démocratique, bien plus dangereux pour les ouvriers que l’ancien parti libéral, se compose de trois éléments :

I. Les fractions les plus avancées de la grande bourgeoisie qui se proposent comme but la subversion immédiate et totale du féodalisme et de l’absolutisme. Cette tendance a pour représentants les conciliateurs de Berlin qui préconisaient autrefois le refus de l’impôt.

II. Les petits bourgeois démocrates-constitutionnels qui ont surtout poursuivi, pendant le dernier mouvement, l’établissement d’un Etat fédéral plus ou moins démocratique, tel que le voulaient leurs représentants, la gauche de l’Assemblée de Francfort et, plus tard, le Parlement de Stuttgart, et aussi eux-mêmes dans leur campagne en faveur d’une constitution d’empire [6].

III. Les petits bourgeois républicains dont l’idéal est une république fédérative allemande dans le genre de la Suisse, et qui se donnent aujourd’hui le nom de rouges et de sociaux-démocrates, parce qu’ils se bercent de la douce illusion de supprimer l’oppression du petit capital par le gros capital, du petit bourgeois par le gros bourgeois. Les représentants de cette fraction furent membres des congrès et comités démocratiques, dirigeants des associations démocratiques, rédacteurs des journaux démocratiques.

Maintenant, après leur défaite, toutes ces fractions s’intitulent républicaines ou rouges, tout comme en France les petits bourgeois républicains se donnent aujourd’hui le nom de socialistes. Là où, comme au Wurtemberg, en Bavière, etc., la possibilité s’offre encore à eux de poursuivre leurs buts dans la voie constitutionnelle, ils profitent de l’occasion pour s’en tenir leur ancienne phraséologie et démontrer dans les faits qu’ils n’ont pas le moins du monde changé. Il va de soi d’ailleurs que le changement de nom de ce parti ne modifie nullement son attitude à l’égard des ouvriers, mais prouve simplement qu’il est actuellement obligé de faire front contre la bourgeoisie alliée à l’absolutisme et de prendre appui sur le prolétariat.

Le parti petit-bourgeois démocratique est très puissant en Allemagne, il n’embrasse pas seulement la grande majorité des habitants bourgeois des villes, les petits commerçants industriels et les maîtres-artisans ; il compte parmi ses adhérents les paysans et le prolétariat rural, tant que ce dernier n’a pas encore trouvé d’appui dans le prolétariat autonome des villes.

L’attitude du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont il poursuit la chute ; il la combat sur tous les points dont elle veut se servir pour s’établir elle-même solidement.

Les petits bourgeois démocratiques, bien loin de vouloir bouleverser toute la société au profit des prolétaires révolutionnaires, tendent à modifier l’ordre social de façon à leur rendre la société existante aussi supportable et aussi commode que possible. Ils réclament donc avant tout que l’on réduise les dépenses publiques en limitant la bureaucratie et en reportant les principales impositions sur les grands propriétaires fonciers et les bourgeois. Ils réclament ensuite que la pression exercée par le grand capital sur le petit soit abolie par la création d’établissements de crédit publics et des lois contre l’usure, ce qui leur permettrait, à eux et aux paysans, d’obtenir, à des conditions favorables des avances de l’Etat, au lieu de les obtenir des capitalistes. Ils réclament enfin que, par la suppression complète du système féodal, le régime de propriété bourgeois soit partout introduit à la campagne. Pour réaliser tout cela, il leur faut un mode de gouvernement démocratique, soit constitutionnel ou républicain, qui leur assure la majorité, à eux-mêmes et à leurs alliés, les paysans, et une autonomie administrative, qui mettrait entre leurs mains le contrôle direct de la propriété communale et une série de fonctions actuellement exercées par les bureaucrates.

Quant à la domination et à l’accroissement rapide du capital, on aura soin de faire obstacle, soit en limitant le droit de succession, soit en remettant à l’Etat autant de travaux que possible. Pour ce qui est des ouvriers, il est avant tout bien établi qu’ils resteront, comme avant, des salariés ; mais ce que les petits bourgeois démocratiques souhaitent aux ouvriers, c’est un meilleur salaire et une existence plus assurée ; ils espèrent y arriver soit au moyen de l’occupation des ouvriers par l’Etat, soit par des actes de bienfaisance ; bref, ils espèrent corrompre les ouvriers par des aumônes plus ou moins déguisées et briser leur force révolutionnaire en leur rendant leur situation momentanément supportable. Les revendications résumées ici ne sont pas défendues en même temps par toutes les fractions de la démocratie petite-bourgeoise, et rares sont ceux pour qui elles apparaissent, dans leur ensemble, comme des buts bien définis.

Plus des individus ou des fractions vont loin, et plus ils feront leur une grande partie de ces revendications ; et les rares personnes qui voient, dans ce qui précède, leur propre programme, se figureraient avoir ainsi établi le maximum de ce qu’on peut réclamer de la révolution. Ces revendications toutefois ne sauraient en aucune manière suffire au parti du prolétariat. Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent terminer la révolution au plus vite et après avoir tout au plus réalisé les revendications ci-dessus, il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu’à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays régnants du monde l’association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains au moins les forces productives décisives. Il ne peut s’agir pour nous de transformer la propriété privée, mais Seulement de l’anéantir ; ni de masquer les antagonismes de classes, mais d’abolir les classes ; ni d’améliorer la société existante, mais d’en fonder une nouvelle. Que la démocratie petite-bourgeoise, au fur et à mesure du développement incessant de la révolution, exerce pour un temps une influence prépondérante en Allemagne, ceci ne laisse subsister aucun doute. Il s’agit donc de savoir quelle sera, à son égard, la position du prolétariat et spécialement de la Ligue :


1. pendant que durera la situation actuelle où les démocrates petits-bourgeois sont également opprimés ;
2. dans la prochaine lutte révolutionnaire qui leur donnera la prépondérance ;
3. après cette lutte, aussi longtemps que durera cette prépondérance des démocrates petits-bourgeois sur les classes déchues et sur le prolétariat.

1. En ce moment où les petits bourgeois démocratiques sont partout opprimés, ils prêchent en général au prolétariat l’union et la réconciliation ; ils lui tendent la main et s’efforcent de mettre sur pied un grand parti d’opposition, qui embrasserait toutes les nuances du parti démocratique ; en d’autres termes, ils s’efforcent de prendre les ouvriers au piège d’une organisation de parti où prédomine la phraséologie social-démocrate générale, qui sert de paravent à leurs intérêts particuliers et où, pour ne pas troubler la bonne entente, les revendications particulières du prolétariat ne doivent pas être formulées. Une telle union tournerait au seul avantage des petits bourgeois démocratiques et absolument tout au désavantage du prolétariat. Le prolétariat perdrait toute sa position indépendante, conquise au prix de tant de peines, et retomberait au rang de simple appendice de la démocratie bourgeoise officielle. Cette union doit donc être repoussée de la façon la plus catégorique. Au lieu de se ravaler une fois encore à servir de claque aux démocrates bourgeois, les ouvriers, et surtout la Ligue, doivent travailler à constituer, à côté des démocrates officiels, une organisation distincte, secrète et publique du parti ouvrier, et faire de chaque communauté le centre et le noyau de groupements ouvriers où la position et les intérêts du prolétariat seraient discutés indépendamment des influences bourgeoises. Combien peu les démocrates bourgeois prennent au sérieux une alliance où les prolétaires auraient la même puissance et les mêmes droits qu’eux-mêmes, c’est ce que montrent par exemple les démocrates de Breslau qui, dans leur organe, la Neue Oder-Zeitung [7], attaquent furieusement les ouvriers qu’ils appellent socialistes, groupés en organisations distinctes. S’il s’agit de livrer combat à un adversaire commun, point n’est besoin d’union particulière. Dès qu’il faut combattre directement un tel adversaire, les intérêts des deux partis coïncident momentanément ; et dans l’avenir, comme jusqu’à ce jour, cette alliance prévue simplement pour l’heure s’établira d’elle-même. Il va de soi que, dans les conflits sanglants imminents, ce sont surtout les ouvriers qui devront remporter, comme autrefois, la victoire par leur courage, leur résolution et leur esprit de sacrifice. Comme par le passé, dans cette lutte, les petits bourgeois se montreront en masse, et aussi longtemps que possible, hésitants, indécis et inactifs.
Mais, dès que la victoire sera remportée, ils l’accapareront, inviteront les ouvriers à garder le calme, à rentrer chez eux et à se remettre à leur travail ; ils éviteront les prétendus excès et frustreront le prolétariat des fruits de la victoire. Il n’est pas au pouvoir des ouvriers d’empêcher les démocrates petits-bourgeois d’agir ainsi ; mais il est en leur pouvoir de rendre difficile cette montée des démocrates en face du prolétariat en armes, et de leur dicter des conditions telles que la domination des démocrates bourgeois renferme, dès son origine, le germe de sa déchéance et que son éviction ultérieure par la domination du prolétariat s’en trouve singulièrement facilitée.

Il importe surtout que les ouvriers, pendant le conflit et immédiatement après le combat, réagissent autant que faire se peut contre l’apaisement préconisé par les bourgeois et forcent les démocrates à mettre à exécution leurs présentes phrases terroristes. Leurs efforts doivent tendre à ce que l’effervescence révolutionnaire directe ne soit pas une nouvelle fois réprimée aussitôt après la victoire. Il faut, au contraire, qu’ils la maintiennent le plus longtemps possible. Bien loin de s’opposer aux prétendus excès, aux exemples de vengeance populaire contre des individus haïs ou des édifices publics auxquels ne se rattachent que des souvenirs odieux, il faut non seulement tolérer ces exemples, mais encore en assumer soi-même la direction. Pendant et après la lutte, les ouvriers doivent en toute occasion formuler leurs propres revendications à côté de celles des démocrates bourgeois. Ils doivent exiger des garanties pour les ouvriers, dès que les bourgeois démocratiques se disposent à prendre le gouvernement en main. Il faut au besoin qu’ils obtiennent ces garanties de haute lutte et s’arrangent en somme pour obliger les nouveaux gouvernants à toutes les concessions et promesses possibles ; c’est le plus sûr moyen de les compromettre.

Il faut qu’ils s’efforcent, par tous les moyens et autant que faire se peut, de contenir la jubilation suscitée par le nouvel état de choses et l’état d’ivresse, conséquence de toute victoire remportée dans une bataille de rue, en jugeant avec calme et sang-froid la situation et en affectant à l’égard du nouveau gouvernement une méfiance non déguisée. Il faut qu’à côté des nouveaux gouvernements officiels ils établissent aussitôt leurs propres gouvernements ouvriers révolutionnaires, soit sous forme d’autonomies administratives locales ou de conseils municipaux, soit sous forme de clubs ou comités ouvriers, de façon que les gouvernements démocratiques bourgeois non seulement s’aliènent aussitôt l’appui des ouvriers, mais se voient, dès le début, surveillés et menacés par des autorités qui ont derrière elles toute la masse des ouvriers. En un mot, sitôt la victoire acquise, la méfiance du prolétariat ne doit plus se tourner contre le parti réactionnaire vaincu, mais contre ses anciens alliés, contre le parti qui veut exploiter seul la victoire commune.

2. Mais, pour pouvoir affronter de façon énergique et menaçante ce parti dont la trahison envers les ouvriers commencera dès la première heure de la victoire, il faut que les ouvriers soient armés et bien organisés. Il importe de faire immédiatement le nécessaire pour que tout le prolétariat soit pourvu de fusils, de carabines, de canons et de munitions et il faut s’opposer au rétablissement de l’ancienne garde nationale dirigée contre les ouvriers.

Là où ce rétablissement ne peut être empêché, les ouvriers doivent essayer de s’organiser eux-mêmes en garde prolétarienne, avec des chefs de leur choix, leur propre état-major et sous les ordres non pas des autorités publiques, mais des conseils municipaux révolutionnaires formés par les ouvriers.
Là où les ouvriers sont occupés au compte de l’Etat, il faut qu’ils soient armés et organisés en uni corps spécial avec des chefs élus ou en un détachement de la garde prolétarienne.
Il ne faut, sous aucun prétexte, se dessaisir des armes et munitions, et toute tentative de désarmement doit être repoussée, au besoin, par la force. Annihiler l’influence des démocrates bourgeois sur les ouvriers, procéder immédiatement à l’organisation propre des ouvriers et à leur armement et opposer à la domination, pour le moment inéluctable, de la démocratie bourgeoise les conditions les plus dures et les plus compromettantes : tels sont les points principaux que le prolétariat et par suite la Ligue ne doivent pas perdre de vue pendant et après l’insurrection imminente.

3. Dès que les nouveaux gouvernements se seront quelque peu consolidés, ils engageront immédiatement leur lutte contre les ouvriers. Pour pouvoir alors affronter avec force les petits bourgeois démocratiques, il faut avant tout que les ouvriers soient organisés et centralisés dans leurs propres clubs. Après la chute des gouvernements existants, le Comité central se rendra, dès que possible, en Allemagne, convoquera sans retard un congrès auquel il soumettra les propositions indispensables concernant la centralisation des clubs ouvriers sous une direction établie au siège du mouvement. La rapide organisation, au moins d’une fédération provinciale de clubs ouvriers, est un des points les plus importants pour renforcer et développer le parti ouvrier. La subversion des gouvernements existants aura pour conséquence immédiate l’élection d’une représentation nationale. Ici le prolétariat doit veiller:

I. A ce qu’un nombre important d’ouvriers ne soient sous aucun prétexte écartés du vote par suite d’intriguer des autorités locales ou des commissaires du gouvernement.

II. A ce que partout, à côté des candidats démocratiques bourgeois, soient proposés des candidats ouvriers, choisis autant que possible parmi les membres de la Ligue, et dont il faudra, pour assurer leur élection, utiliser tous les moyens possibles, Même là où il n’y a pas la moindre chance de succès, les ouvriers doivent présenter leurs propres candidats, afin de sauvegarder leur indépendance, de dénombrer leurs forces et de faire connaître publiquement leur position révolutionnaire et les points de vue de leur parti. Ils ne doivent pas en l’occurrence se laisser séduire par la phraséologie des démocrates prétendant, par exemple, que l’on risque de la sorte de diviser le parti démocratique et d’offrir à la réaction la possibilité de la victoire. Toutes ces phrases ne poursuivent finalement qu’un but : mystifier le prolétariat. Les progrès que le parti prolétarien doit réaliser par une telle attitude indépendante sont infiniment plus importants que le préjudice qu’apporterait la présence de quelques réactionnaires dans la représentation populaire. Si, dès le début, la démocratie prend une attitude décidée et terroriste à l’égard de la réaction, l’influence de celle-ci aux élections sera d’avance réduite à néant.

Le premier point sur lequel les démocrates bourgeois entreront en conflit avec les ouvriers portera sur l’abolition du régime féodal. Comme dans la première Révolution française, les petits bourgeois remettront aux paysans les terres féodales à titre de libre propriété ; en d’autres termes, ils voudront laisser subsister le prolétariat rural et former une classe paysanne petite-bourgeoise, qui devra parcourir le même cycle d’appauvrissement et d’endettement croissant, où le paysan français se trouve encore à l’heure actuelle.

Dans l’intérêt du prolétariat rural et dans leur propre intérêt, les ouvriers doivent contrecarrer ce plan. Ils doivent exiger que la propriété féodale confisquée reste propriété de l’Etat et soit transformée en colonies ouvrières que le prolétariat rural groupé en associations exploite avec tous les avantages de la grande culture. Par là, dans le cadre des rapports déséquilibrés de la propriété bourgeoise, le principe de la propriété commune va acquérir aussitôt une base solide.
De même que les démocrates font alliance avec les cultivateurs, de même les ouvriers doivent faire alliance avec le prolétariat rural. Ensuite, les démocrates chercheront directement soit à instaurer la république fédérative, soit, s’ils ne peuvent éviter la république une et indivisible, à paralyser au moins le gouvernement central en donnant aux communes [8] et aux provinces le maximum d’indépendance et d’autonomie. A l’opposé de ce plan, les ouvriers doivent non seulement poursuivre l’établissement de la république allemande une et indivisible, mais encore essayer de réaliser, dans cette république, la centralisation la plus absolue de la puissance entre les mains de l’Etat.
Ils ne doivent pas se laisser induire en erreur par tout ce que les démocrates leur racontent de la liberté des communes, de l’autonomie administrative, etc. Dans un pays comme l’Allemagne, où il reste encore à faire disparaître de si nombreux vestiges du moyen âge et à briser tant de particularisme local et provincial, on ne saurait en aucune circonstance tolérer que chaque village, chaque ville, chaque province oppose un nouvel obstacle à l’activité révolutionnaire, dont toute la puissance ne peut émaner que du centre. On ne saurait tolérer que se renouvelle l’état de choses actuel qui fait que les Allemands sont obligés, pour un seul et même progrès, de livrer une bataille particulière dans chaque ville, dans chaque province.
On ne saurait tolérer surtout qu’une forme de propriété, qui se situe encore derrière la propriété privée moderne avec laquelle, de toute nécessité, elle finit par se confondre, c’est-à-dire la propriété communale avec ses querelles inévitables entre communes riches et communes pauvres, ainsi que le droit du citoyen de l’Etat coexistant avec le droit du citoyen de la commune avec ses chicanes, se perpétue au préjudice des ouvriers, par une réglementation communale soi-disant libre. Comme en France en 1793, la réalisation de la centralisation la plus rigoureuse est aujourd’hui, en Allemagne, la tâche du parti vraiment révolutionnaire [9] .


Nous avons vu comment les démocrates accéderont au pouvoir lors du prochain mouvement et comment ils seront contraints de proposer des mesures plus ou moins socialistes. La question est de savoir quelles mesures y seront opposées par les ouvriers. Il va de soi qu’au début du mouvement les ouvriers ne peuvent encore proposer des mesures directement communistes. Mais ils peuvent :

1. Forcer les démocrates à intervenir, sur autant de points que possible, dans l’organisation sociale existante, à en troubler la marche régulière, à se compromettre eux-mêmes, à concentrer entre les mains de l’Etat le plus possible de forces productives, de moyens de transport, d’usines, de chemins de fer, etc.

2. Ils doivent pousser à l’extrême les propositions des démocrates qui, en tout cas, ne se montreront pas révolutionnaires, mais simplement réformistes, et transformer ces propositions en attaques directes contre la propriété privée. Si, par exemple, les petits bourgeois proposent de racheter les chemins de fer et les usines, les ouvriers doivent exiger que ces chemins de fer et ces usines soient simplement et sans indemnité confisqués par l’Etat en tant que propriété de réactionnaires. Si les démocrates proposent l’impôt proportionnel, les ouvriers réclament l’impôt progressif. Si les démocrates proposent eux-mêmes un impôt progressif modéré, les ouvriers exigent un impôt dont les échelons montent assez vite pour que le gros capital s’en trouve compromis. Si les démocrates réclament la régularisation de la dette publique, les ouvriers réclament la faillite de l’Etat. Les revendications des ouvriers devront donc se régler partout sur les concessions et les mesures des démocrates.

Si les ouvriers allemands ne peuvent s’emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans accomplir en entier une évolution révolutionnaire assez longue, ils ont cette fois du moins la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire imminent coïncide avec la victoire directe de leur propre classe en France et s’en trouve accéléré.

Mais ils contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu’ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner–par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques–de l’organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : La révolution en permanence !

Londres, mars 1850.

Diffusé sous forme de tract en 1850.

Notes

[1] L’Adresse du Comité central à la Ligue des communistes fut rédigée par Marx et Engels fin mars 1850 lorsqu’ils espéraient encore voir remonter la révolution et travaillaient à l’élaboration de la théorie et de la tactique du prolétariat. Ils y soulignèrent la nécessité pour le prolétariat de créer un parti indépendant, de s’isoler des démocrates petits-bourgeois. L’idée fondamentale de l’Adresse est celle de la révolution ininterrompue amenant la suppression de la propriété privée et des classes, la création d’une société nouvelle.
L’Adresse fut répandue secrètement parmi les membres de la Ligue des communistes. En 1851, la police se vit en possession d’un document trouvé sur des membres de la Ligue des communistes arrêtés ; il fut publié dans des journaux bourgeois allemands et dans le livre écrit par deux fonctionnaires de police Wermuth et Stieber. (Note de l’éditeur)

[2] Ligue des communistes, première organisation communiste internationale créée par Marx et Engels. Elle exista de 1847 à 1852. (Note de l’éditeur)

[3] Il s’agit des insurrections populaires qui éclatèrent en Allemagne en mai-juillet 1849 pour défendre la Constitution impériale (adoptée par l’Assemblée nationale de Francfort le 28 mars 1849, mais rejetée par plusieurs États allemands). Ces insurrections, isolées et spontanées, furent écrasées en juillet 1849. (Note de l’éditeur)

[4] Il s’agit de Paris considéré depuis la révolution française de 1789 comme foyer de la révolution. (Note de l’éditeur)

[5] La Sainte-Alliance, pacte réactionnaire des monarques de Russie, d’Autriche et de Prusse formé en 1815 pour réprimer les mouvements révolutionnaires et maintenir des régimes féodaux et monarchiques. (Note de l’éditeur)

[6] La gauche de l’Assemblée de Francfort, l’aile petite-bourgeoise de l’Assemblée nationale réunie en première séance, après la révolution de mars en Allemagne, le 18 mai 1848 à Francfort-sur-le-Main. Elle se posa pour but principal la liquidation du morcellement du pays et l’élaboration d’une constitution pour toute l’Allemagne. Cependant, l’Assemblée hésita à assumer le pouvoir suprême et ne sut prendre une position résolue dans les principales questions de la révolution allemande de 1848-49, par suite des hésitations et de la lâcheté de sa majorité libérale, et de l’indécision de son aile gauche. Le 30 mai 1849, l’Assemblée dut se transporter à Stuttgart ; le 18 juin 1849, elle fut démantelée. (Note de l’éditeur)

[7] Neue Oder-Zeitung (Nouvelle Gazette de l’Oder), quotidien de la bourgeoisie démocratique allemande paraissant sous ce titre de 1849 à 1855 à Breslau (Wroclaw). En 1855, Marx en fut le correspondant à Londres. (Note de l’éditeur)

[8] Le terme s’emploie ici dans un sens large ; il désigne également les municipalités des villes. (N.R)

[9] Il faut rappeler aujourd’hui que ce passage repose sur un malentendu. A ce moment-là il était admis — grâce aux faussaires bonapartistes et libéraux de l’histoire — que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l’ennemi extérieur. Mais c’est actuellement un fait connu que pendant toute la révolution, jusqu’au 18-Brumaire, l’administration générale des départements, arrondissements et communes se composait d’autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’Etat, jouissaient d’une liberté complète ; que cette auto-administration provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique, devint précisément le plus puissant levier de la révolution, et cela à un point tel que Napoléon, immédiatement après son coup d’État du 18-Brumaire, s’empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours, et qui fut dès le début un instrument de réaction. Mais tout aussi peu que l’auto-administration provinciale et locale est en contradiction avec la centralisation politique nationale, tout aussi peu elle est liée nécessairement à cet égoïsme borné cantonal ou communal qui nous choque tellement en Suisse et qu’en 1849 tous les républicains fédératifs de l’Allemagne du Sud voulaient établir comme règle en Allemagne. (Note d’Engels pour l’édition de 1885.)

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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
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Ci-dessous une contribution de Jean-Paul Legrand


PCF : REDEVENIR LE PARTI DES OUVRIERS.

Réflexion rédigée par Jean-Paul LEGRAND (nouvelle version après consultation de camarades)


Ces dernières années le PCF a de façon significative perdu de nombreux militants ouvriers pour diverses raisons ce qui a modifié sa composition sociologique. Or même si la part de la classe ouvrière a diminué dans la population active celle-ci est évaluée aujourd’hui à environ 6 millions de personnes soit 21% de la population active.
Les effectifs des ouvriers communistes formés au corpus d’un marxisme-léninisme officiel du PCF avant 1970 ont disparu par le fait du décès de ces militants et il n’y a pas eu de transmission de masse de l’expérience théorique et pratique vers les générations ouvrières actuelles en raison en partie de la désindustrialisation capitaliste mais surtout du révisionnisme progressif de la période 1968-1993 qui a eu son apogée avec Robert Hue, période sur laquelle nous devons impérativement revenir pour analyser les causes externes et internes du déclin du parti. Il est incontestable que le nombre de responsables ouvriers de la cellule jusqu’au conseil national a été réduit considérablement. La disparition des cellules d’entreprise en raison des liquidations d’activités et de la désindustrialisation a conduit à cette baisse des effectifs ouvriers. Cependant cette baisse n’explique pas à elle seule comment les organismes de direction ont notablement vu diminuer leurs effectifs ouvriers.
Cette diminution est en rapport avec la disparition d’une politique de recrutement et de formation des cadres qui privilégiait le recrutement de militants ouvriers, orientation elle-même en rapport avec les abandons théoriques du PCF sur le rôle dirigeant que la classe productrice devrait avoir dans la société pour l’émanciper de la domination capitaliste et des aliénations qui en découlent.
Il ne s’agit pas ici de critiquer les efforts théoriques conséquents de toute une génération de militants qui ont enrichi le patrimoine du parti et ont fait avancer la créativité du marxisme, il s’agit d’observer la réalité selon laquelle des dirigeants ont pu sous prétexte d’indispensables innovations théoriques de qualité, entamer une révision et un abandon de concepts du marxisme qui n’ont pas perdu leur pertinence dans la réalité des 60 dernieres années et ce jusqu’à maintenant comme celui de la dictature du prolétariat ou sur le plan organisationnel du centralisme démocratique.
Le patrimoine théorique d’avant cette période qui pouvait aussi avoir bien des aspects dogmatiques, avait également des atouts démontrés, une richesse opératoire qui a permis à des dizaines de milliers de militants ouvriers de posséder une grande culture et les bases organisationnelles pour animer la lutte politique, le combat idéologique, la vie d’un parti en lien dialectique permanent avec le peuple grâce aux cellules d’entreprises et de quartier.

Il s’agit de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain comme cela a été fait bien trop rapidement sous prétexte d’eurocommunisme, de mutation et avec précipitation opportuniste après la destruction de l’URSS.
Le PCF que j’ai connu au début des années 70 était composé de militants qui étudiaient ensemble l’economie, la philosophie, les méthodes d’organisation démocratique liées au principe du centralisme démocratique spécifique à toutes les organisations socialistes qui avaient adhéré aux conditions de l’internationale léniniste afin de ne pas réitérer la trahison des élus socio-démocrates ayant soutenu la guerre impérialiste. Ce très riche patrimoine de militantisme et d’expériences sociales et politiques a été abandonné progressivement à partir de la période eurocommuniste (PCF-PCI-PCE), abandons confirmés par Robert Hue et sa bande qui ont voulu en s’appuyant sur le désarroi causé par la fin de l’URSS et la forte reduction d’influence organisationnelle et électorale du parti transformer le PCF en un parti bourgeois de communication inventant un communisme mutant deconnecté totalement d’une analyse de classe sérieuse des réalités nationales et internationales.

Il s’agissait pour cette direction de liquider la base ouvrière du parti, ses cellules et de transformer le PCF en un produit de marketing électoral en inventant un nouveau « communisme », en emboitant le pas aux analyses bourgeoises des difficultés du socialisme en URSS et dans les pays d’Europe de l’Est notamment en les dissociant de la crise de l’impérialisme ce qui est un non-sens marxiste.
Il s’agissait du même coup de devenir un supplétif de la social-démocratie en conservant le nom de « communiste » en raison de l’attachement historique de milliers de travailleurs à la forte symbolique de ce mot mais d’en vider la substance théorique en inventant une réinterprétation du marxisme affirmant un « communisme déjà là » sur la base de confusion des concepts et notamment sur celui du communisme tel qu’exprimé par Marx et Engels : « Pour nous, le communisme n'est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement. »

Car l’idée d’un « communisme déjà là » est trompeuse, elle suggère que le communisme serait déjà établi au sein du capitalisme, et par extension qu’il suffirait d’attendre que le capitalisme perisse de sa propre crise pour que le communisme puisse s’épanouir.
Or nos camarades Marx et Engels écrivent avec raison que le communisme est un mouvement , le mouvement réel de la lutte des classes à l’époque du capitalisme qui abolit l’état actuel des choses.
Abolir c’est faire disparaitre cet ordre et le remplacer par un autre qui est celui du renversement de la domination de classe, du passage historique d ´un mode de production hégémonique (capitaliste) à un autre mode de production hégémonique de nature differente (socialiste). C’est ce mouvement de la transition socialiste par la formation d’alliances et de luttes qui permet aux classes dominées non capitalistes de devenir dominantes, autrement dit ce moment d’intenses luttes entre dominant/dominés qui se traduit par des conquêtes sociales et politiques, de nouveaux droits et des pouvoirs conquis par des décisions economiques, politiques, juridiques, qui permettent au peuple d’empêcher les grands capitalistes de dominer l’ensemble de la société, décisions et moments démocratiques, où les avancées sont plus nombreuses que les reculs dans le combat, que Marx et Engels définiront sous le terme de « dictature du prolétariat » qui est le moment dans l’affrontement de classe où la classe dominante n’a pas encore tout perdu de ses pouvoirs mais les perd progressivement au point d’en être petit à petit dépossédée.
En abandonnant les fondamentaux du marxisme, les révisionnistes ont bien compris qu’ils priveraient les travailleurs d’outils théoriques permettant d’envisager une telle perspective révolutionnaire et ramenant l’idée du communisme dans le seul cadre de l’électoralisme et de celui d’institutions faites pour la domination de la classe capitaliste. Ces mêmes révisionnistes qui en général ont eu des parcours politiques qui leur ont permis d’être permanents du parti en cumulant des postes politiques et des mandats d’élus parfois durant plus d’une ou deux décennies, voire trois, se sont coupés pour beaucoup du monde du travail et de ses réalités même si on ne peut généraliser ce phénomène. Il est notable en région parisienne que ce phénomène a affecté sérieusement la « banlieue rouge » qui petit à petit a perdu son influence communiste du fait d’une tendance à la monopolisation par les élus de décisions qui devaient être débattues et prises par les instances locales du parti, gravissime erreur pour certains et volonté délibérée pour d’autres qui ont conduit à l’insuffisance thèorique, politique, organisationnelle du parti au moment où la crise capitaliste entrait dans une nouvelle phase critique.

Le parti ne pourra pas faire l’économie de cette introspection sur les 60 dernières années si a contrario du déclin qui n’a cessé, il veut redevenir le parti populaire utile aux travailleurs et aux intérêts nationaux en se reconstruisant avec le couplage d’un marxisme vivant et les forces du travail et de la création dans notre pays.
Pour avancer dans cette voie, Il nous faut se donner l’objectif du recrutement des ouvriers et travailleurs de la production pour que la classe ouvrière fasse du PCF son outil d’emancipation pour elle et en alliance avec les autres classes subissant la domination du grand capital dans le but de libérer toute la société.
Dès aujourd'hui nous devons redonner à la classe ouvrière les raisons d'espérer, cela passe par des propositions économiques alternatives couplées à une conscience du rôle des idées dans la lutte des classes. Il est nécessaire pour cela que le parti communiste démontre comment le capitalisme est un mode de production aux capacités de domination extrêmement adaptatives. En effet le capitalisme est aussi une organisation sociale qui pour la première fois dans l’histoire a placé aussi puissamment la lutte idéologique comme condition de sa survie. Au fur et à mesure de son développement il démontre les énormes capacités qu’a la classe ouvrière à satisfaire les besoins de la société et en même temps il les limite, voire les détruit, pour répondre aux besoins de suraccumulation du capital de la grande bourgeoisie. C’est la compréhension de cette contradiction dialectique dans tous les domaines de la vie sociale qui est la clef de la constitution de la classe ouvrière en classe consciente d’elle-même et pour cette compréhension elle a besoin d’un intellectuel collectif, d’une organisation communiste qui permette à chacun d’être un acteur critique et conscient de la transformation sociale.

Le parti doit donc en permanence se préoccuper de la transmission du patrimoine historique du mouvement ouvrier et communiste à la jeune génération car le capitalisme fonde aussi son exploitation sur l’oubli, l’amnésie historique de celle-ci, de ses crimes et de ses responsabilités dans les répressions du mouvement d’émancipation, les plus grands génocides et guerres de l’histoire.
On pourra remarquer que depuis quelques mois le PCF qui est travaillé par sa contradiction entre une tendance réformiste et une tendance révolutionnaire s’est doté d’un secrétaire national beaucoup plus attentif au travail collectif que ses prédécesseurs. Cela se traduit par le fait que Fabien Roussel, choisi par les adhérents comme candidat du PCF à la présidentielle a multiplié les rencontres avec les ouvriers se déplaçant dans de nombreuses entreprises sur tout le territoire et ce depuis son election en 2018 comme secrétaire national. Il a axé toute sa campagne sur le monde du travail et la nécessité de développer les forces productives nationales. Est-ce l’hirondelle qui annonce un nouveau printemps du communisme en France ou une posture électoraliste ? L’activité du PCF, les résultats aux prochaines élections et son prochain congrès nous indiqueront si la tendance vers une orientation révolutionnaire de réappropriation par la classe ouvrière de son parti se confirme ou pas. Sans cette réappropriation du parti par le monde du travail et en son sein par la classe ouvrière il n’y aura aucune perspective socialiste pour la France.

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Xuan
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Une lettre de Danielle Bleitrach :

Pour répondre à PAM, sur le 22 e Congrès: une politique de cadres est encore plus nécessaire


DANIELLE BLEITRACH
21 MAI 2020
HTTPS://HISTOIREETSOCIETE.COM/2020/05/21/POUR-REPONDRE-A-PAM-SUR-LE-22-EME-CONGRES-UNE-POLITIQUE-DE-CADRE-EST-ENCORE-PLUS-NECESSAIRE/

Ce que tu décris avec divers camarades, cette filiation qui conduit au parti ceux qui ne sont plus des ouvriers m’inspire une réflexion sur la manière dont à partir de la fin non du terme dictature du prolétariat mais de la remise en cause de la nécessité d’une avant-garde prolétarienne, avec ses hiérarchies, on a reconduit le parti communiste du choix révolutionnaire au clientélisme sous ses multiples formes.

Je pars pour cela de mes recherches sur le monde prolétarien qui ont démarré justement dans ce contexte du 22e congrès et les conclusions que j’en tire y compris aujourd’hui.
J’étais depuis 1956, une militante de base dans une cellule de quartier puis dans ma cellule de l’Université. Partout je fondais cellule et organisation syndicale, école d’architecture, institut d’aménagement régional, je subissais des répressions, mais à cette époque-là j’étais enfin installée dans ma profession d’enseignant chercheur et j’étais membre du Comité national du CNRS. Nous étions 25 à juger des carrières, des projets scientifiques et des crédits des laboratoires de sociologie.Alain Chenu et moi dirigions un laboratoire et d’importantes recherches, dans le livre que nous avons écrit alain chenu et moi en 1979, l’usine et la vie, nous avons étudié la classe ouvrière dans les Bouches du rhône en mettant en évidence les différents types d’ouvriers, leurs modes de vie en suivant le modèle gramscien de l’ouvrier fordien. Nous avons procédé à travers l’étude statique des feuilles de paye de plus de 5000 ouvriers et grace à l’exploitation de très longs interviews passés avec plus de 230 ouvriers, plus l’observation des procès de fabrication ouvrier et leur lieu de résidence, mode d’habitat et de transport.

Nous dirigions une équipe d’une dizaine d’enquêteurs et trois collaborateurs techniques, l’enquête était financée par l’OREAM, (le centre de recherche établi autour de la création du golfe de Fos) le ministère du travail. Ses prolongements ont donné lieu à un autre livre sur Lille et Marseille (classe ouvrière et social démocratie)nous avons également tenté de mettre en évidence les conditions de l’adhésion au PCF et s’est imposé à nous à la fois un modèle méditerranéen clanique et dans ce cadre le poids de la famille et le code de l’honneur méditerranéen.

Si j’ai si longtemps supporté la fédération du PCF des Bouches du Rhône et jusqu’il y a peu les moeurs politiques de cette fédération c’est dû à mes travaux de recherche que je poursuivais en m’interrogeant sur les formes de la décomposition de ce que je n’avais cessé d’étudier, mais cela est devenu de plus en plus douloureux, tant j’ai vu les formes claniques se substituer à ce que je définissais comme le choix révolutionnaire et sa manière de rompre avec le clan tout en assurant d’autres permanences familiales qui survivent à la fin de l’appartenance ouvrière et que tu décris dans ton propre parcours .

Pour comprendre ce que le clan il suffit de revoir le Guépard et voir comment l’aristocratie et la bourgeoisie qui vient dans son sillage engendrent des formes de clientèles avec des codes de l’honneur mafieux. Celui qui tient le plus à la dignité du clan c’est le garde chasse du prince joué par Serge Regginani, il se rebelle contre l’arrivée des bourgeois dont le pouvoir nait du meurtre de masse et de la corruption par le crime.

En matière d’étude des sociétés méditerranéennes et du code de l’honneur, il y avait les recherches de Bourdieu travaillant sur la Kabylie en pleine guerre d’Algérie. Il définissait assez bien la nature de ce que je voyais comme une des bases de la dictature du prolétariat permettant d’échapper au clientélisme du clan, la perception du rapport des forces et la dignité prolétaire qui en naissait. On ne se bat pas avec n’importe qui, j’ai retrouvé cela à Cuba.

“Si la logique de l’honneur suppose la reconnaissance d’une égalité idéale en honneur, la conscience populaire n’ignore pas pour autant les inégalités de fait. A celui qui s’écrie: ” moi aussi, j’ai une moustache”, le proverbe répond: “la moustache du lièvre n’est pas celle du lion”. disait Bourdieu.

voici ce que j’écrivais alors :
“Etre un révolutionnaire c’est rompre avec le clientèlisme du clan mais en conserver aussi en le magnifiant cette inégalité qui mesure les différences dans l’affontement. Le premier travail d’une organisation révolutionnaire parti ou syndicat c’est de trouver des cadres qui créent la reconnaissance des autres, qui en fait créent une hierarchie aux multiples ramifications qui tient l’organisation. Parce que la grande différence entre “l’esprit clanique” et l’adhésion à un syndicat ou un parti révolutionnaire c’est celle du choix de solutions individuelles ou collectives pour le travailleur et sa famille. Un tel choix, qui apparemment ne remet pas en cause les hiérarchies interpersonnelles à travers lesquelles s’exerce le code de l’honneur, définit en fait deux systèmes de valeurs qui s’opposent nécessairement; le clientélisme et l’éthique de classe ne sont pas conciliable; c’est non seulement l’individu mais également sa famille qui entrent dans un système ou dans un autre. Le travailleur qui affirme son choix révolutionnaire et stigmatise le clientélisme le fait souvent en des termes moraux qui désignent l’individu non seulement comme un allié du patronat (une bordille) mais comme un homme incapable de résister à sa femme .”p167

Je peux mon cher PAM poursuivre aujourd’hui cette analyse pour te montrer comment dans les Bouches du Rhône des choix du parti qui ne respectaient pas la constitution d’une avant-garde mais au contraire pour tenir des troupes de plus en plus mal formées, vieillissantes, installait de plus en plus au postes clés des gens faibles et manipulables pour mieux les “tenir” jusqu’au moment où il n’y a plus rien à monnayer.

Cela a créé de fait le retour partout du clientélisme et du clanisme, dans les bastions traditionnels du port, des chemins de fer comme dans les cités populaires. On ne comprend rien à la main mise de la droite sur cette ville pauvre si l’on en passe pas par ce clanisme, ce clientélisme qui repose sur une profonde aliénation politique du prolétariat.
Le parti communiste n’a pas cherché à lutter contre, il s’est fondu dans cet aspect général pour conserver quelques bastions de plus en plus réduits.
ce n’est pas seulement “un parti d’élus” comme cela a été analysé, le paradoxe c’est que le parti d’élus tente de défendre des îlots prolétariens et devient le lieu de résistances de plus en plus affaiblies devant l’ampleur de l’assaut et la Macronie c’est cela aussi, l’attaque des ultimes résistances ou subsistaient grace aux luttes des îlots.

Nous sommes à un nouveau défi où les choix s’éclairent
Le terme de prolétaire peut paraître dépassé pourtant il renvoie bien à la racine des comportements de classe (celui dont la seule richesse est ses enfants), parce que le dirigeant soit d’origine intellectuelle comme Marx, Lénine, Mao, Fidel ou prolétarienne comme Thorez, sa capacité est de comprendre que ce qui ce joue est la survie de l’individu et de sa famille au point que le sublime, l’anar du XIXe siècle refuse le mariage pour ne pas perdre sa liberté de dire “merde” au patron… ça et la qualification, l’art de faire monter les prix… Comment ne pas voir que cette aliénation est toujours là et plus que jamais? C’est me taire ou perdre mon boulot, l’avancement et le changement de dénomination.

Parce que tu as raison de noter que quand Robert Hue décide d’en finir avec les cellules d’entreprise celles-ci sont malades dans la réalité. Il y a contre-révolution dans le sillage de la chute de l’URSS., un nouveau rapport des forces à l’échelle mondiale inaugurée par le Chili. Oui mais voilà le rôle justement d’un parti révolutionnaire c’est de dire “on suit ou on combat?”
C’est ce qu’on fait les Cubains parce que tu crois que l’île que fuyaient les balseros, ou des jeunes filles de quinze ans se prostituaient n’était pas malade, oui mais voilà il y a eu un Fidel Castro et ceux autour, un peuple pour affirmer le capitalisme c’est pire, il n’a pas d’avenir.. La social-démocratisation du parti communiste français a été de dire on s’adapte… à ce à quoi il était impossible de s’adapter et aujourd’hui plus encore que hier
Ceux qui ont résisté l’ont fit sur leurs bases et le dialogue international est devenu plus difficile, mais nous sommes dans le temps où justement il faut échanger les expériences, sans modèle mais en méditant sur ce qui a été réalisé.

Il y a eu certes modification de la classe ouvrière mais il y a eu partout surtout destruction du parti sur des bases de classe et les structures sociales anciennes sont venues se substituer à celles qui avaient tenté de naître, c’est vrai en URSS, mais ça l’est partout dans tout le bassin méditerranéen. Nos camarades grecs ont tenu bon en exaspérant la rupture entre dictature du prolétariat et clanisme.

Enfin, je crois que la permanence des structures sociales par le biais de la famille fait que les relations du pouvoir, ce que l’on attend dans le monde prolétarien d’un chef reste le même. Un exemple, je n’ai cessé de mettre en garde Fabien Roussel contre sa propension à être seul, c’est le contraire de ce que doit faire un dirigeant d’un parti communiste qui doit être entouré. Quand il n’est pas capable de “tenir” un exécutif, au point que n’importe qui peut faire n’importe quoi c’est tout ce que ce parti compte encore de révolutionnaires qui souffrent d’une telle déchéance de direction.

J’ai personnellement toujours refusé un rôle dirigeant, étant consciente que je n’étais en rien adaptée à ce rôle même si souvent les véritables révolutionnaires tentaient de me convaincre de l’assumer, mais j’en connais les contraintes et les nécessités. Quitter le comité central, le contrat moral qui était celui de ses membres, a été pour moi le plus grand soulagement. Dans une certaine mesure redevenir une “sympathisante” du PCF le 22 avril a renouvelé ce soulagement. j’étais dans les deux cas resté au code de l’honneur d’un parti en train de disparaître, c’est dire la permanence des structures dans les mentalités.

Ce n’est pas un hasard si Jean Claude Delaunay lie le CME au parlementarisme… Le paradoxe est que le PCF conserve un impact dans les couches populaires dans une espèce de clientélisme, le clientélisme municipal. Le rôle des élus.

Que tu le veuilles ou non dans le monde prolétarien, quel que soit l’état où l’absence d’organisation révolutionnaire le laisse un dirigeant n’est jamais seul, il est garant du traitement des siens, il ne s’agite pas, il agit. Il y a des contenus comme dirait Marx sur l’essentiel à la fois subtil et grossier (pour grossir le trait), l’invite à l’action et le contrôle des tâches. Autrement à moins d’être une tête folle, il ne se lance pas… Les risques sont trop grands… Les gilets jaunes prouvent à quel point la jacquerie peut être préférée à des chefs trop faibles ou étrangers à leurs préoccupations.

Le paradoxe, mais en est-ce bien un, est que l’abolition de la dictature du prolétariat correspond aussi à celui qui encore aujourd’hui dans l’imaginaire populaire symbolise cette parole populaire : Georges Marchais. Comment il a fallu de l’extérieur et de l’intérieur l’abattre, le ridiculiser pour abolir toute idée d’une avant garde au profit d’un parti dirigé comme les autres par des “spécialistes” du politique, des gens formés par et pour les médias.
Pour faire simple le peuple français n’a pas retenu que Georges Marchais avait aboli la dictature du prolétariat mais qu’il a été le dernier dirigeant à parler au nom du prolétariat en créant un rapport des forces avec la bourgeoisie jusque dans le lieu de sa domination la télévision.

Voilà je pourrais longuement développer mon analyse mais il m’était difficile de rester au parti communiste quand non content d’abolir le terme dictature du prolétariat ce que je peux concevoir il recrée les clientélismes de la soumission au capital et décapite réellement la nécessaire avant-garde capable de résister et donc de tenir la force des chacun.

On retrouve dans un tout autre contexte de civilisation, la même idée dans le parti communiste chinois, pour être égalitaire, un parti doit instituer des hiérarchies liées aux capacités, c’est même une des bases de la transition socialiste..

Il faudrait encore analyser l’épanouissement individuel que le militant peut vivre dans un parti “d’avant-garde”, qu’il s’agisse de l’enthousiasme de Ho chi minh, de ceux d’Aragon à encore aujourd’hui une bonne partie des Cubains ou nos camarades grecs, et quand on le compare à la souffrance du délitement des partis bourgeois, on se dit qu’il y a encore beaucoup à connaître sur la relation entre l’individu et le collectif.

Je dois dire que quand je me suis retrouvée à Cuba, j’ai reconnu au contraire les conditions de cette résistance et une politique de cadres totalement différente. Donc ce n’est pas parce que j’ai une passion inassouvie pour les despotes que je propose une réflexion sans tabou sur la dictature de la bourgeoisie, ses différentes formes de l’hégémonie clientéliste à la répression sans complexe et ce qu’il faut pour resister à sa violence.
Mais au contraire parce que je suis convaincue que la créativité des êtres humains – et il va falloir en avoir- a besoin d’organisations dans lesquelles sont mis en cause solitude, individualisme, ego insatiable, ce qui n’intervient jamais dans un “mouvement” qui rapidement cède la place à l’isolement et un petit groupe qui se substitue aux autres. Appelez cette nécessité comme vous l’entendrez elle est nécessaire.
Danielle Bleitrach

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   Posté le 16-04-2022 à 13:52:12   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Jean-Claude DELAUNAY : perspective, le congrès du parti


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15 AVRIL 2022

https://histoireetsociete.com/2022/04/15/jean-claude-delaunay-perspective-le-congres-du-parti/

Comme il est plus que probable que n’étant plus membre du PCF et en l’état ne songeant pas à rejoindre celui qui glorifie Fitterman, Juquin mais censure des gens comme moi, les censure, les diffame et ajoute que c’est de leur faute parce qu’ils sont excessifs et manquent sans doute de diplomatie, je ne participerai pas au Congrès qui à l’inverse d’élections est travail interne. Nous ouvrirons ici probablement une rubrique de discussion mais je ne la gérerai pas et Marianne refuse d’écrire des chapeaux. Il me semble que c’est l’occasion de nous ouvrir à d’autres participants mais il m’est venu l’idée de demander à Franck Marsal dont les interventions de synthèse font non seulement l’unanimité dans ce blog mais à l’extérieur de gérer cette affaire. A lui de constituer une équipe avec tous ceux nombreux qui font la richesse de nos réflexions. En ce qui concerne la proposition de Jean-Claude, elle me semble essentielle mais encore prématurée parce que le match n’est pas terminé et les élections législatives, l’existence d’un groupe communiste entre autres, ce qui nous vaudra des discours pesants sur la nécessité de reconstruire la gauche, alors que selon moi il n’y a qu’une chose à en dire : sans un véritable parti communiste cette gauche est une flaque sans ossature et qui s’évapore à la fois par collaboration de classe et par démagogie populiste, mais je dis ça je dis rien, la preuve est faite que mon opinion est peu ou pas entendue et ce n’est pas grave, d’hommes et de femmes irremplaçables les cimetières en sont pleins. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société



Il me semble que nous devons, en tenant compte de notre expérience jusqu‘à ces jours derniers, mettre la plupart de nos raisonnements actuels dans la perspective du prochain congrès des communistes. Sinon, nous n’en sortirons pas. Il y a tellement de points à traiter, ou qui nous échappent ou que nous ne maîtrisons pas.

Si nous nous plaçons dans cette perspective, je vois, au plan théorique et politique, trois sujets majeurs à traiter.

Le premier est l’analyse de la société dans laquelle nous vivons, celle de 2022, pas celle d’hier ou d’avant-hier, celle d’aujourd’hui. Aucune action politique n’est possible sans cette analyse réfléchie. La grande bourgeoisie fait cette analyse, les producteurs de tournesol font cette analyse, les syndicats de cheminots font cette analyse, la section de Villejuif du PCF fait cette analyse, bref tout le monde le fait. Nous, communistes français, nous avons aussi à la faire. C’est basique. Si nous n’avons pas une approche sans doute différenciée, complémentaire, mais néanmoins commune, de la société dans laquelle nous vivons, nous somme comme un troupeau de poules rencontrant un troupeau de canards, nous ne nous comprenons pas.

C’est l’intérêt et l’importance, notamment de ce blog, que d’avoir cette analyse. Quand j’en lis les articles ou les commentaires nombreux, je sais qu’ici, le national n’est pas séparé de l’international et du mondial. Nous cherchons collectivement à raisonner et à comprendre les choses en communistes, sans séparer, par exemple, le combat pour les retraites et les dépenses militaires «pour aider l’Ukraine», car, c’est aussi bête que ça, il existe un lien entre les deux. Je ne développe pas.

Le deuxième sujet est la société que nous ambitionnons de construire. Moi, je veux bien que «la France des Jours Heureux» soit un bon titre. Je trouve quand même que cela manque en soi de contenu. En l’état actuel des choses, et sans doute parce que je les perçois mal étant trop loin, la France des Jours Heureux me fait davantage penser à la Veillée des Chaumières qu’à Marx et à Lénine. Or Il n’y a pas, il n’y aura de France des Jours Heureux sans une société socialiste. Qu’est ce qu’une société socialiste? C’est une société qui devra avoir pour mission initiale de socialiser la valeur d’usage et la valeur. Lutter contre le réchauffement climatique, ou pour la maîtrise de l’actuelle pandémie, cela suppose de socialiser la valeur d’usage et la valeur, au moins en partie. Cela suppose, comme condition nécessaire quoique non suffisante, d’éliminer totalement et définitivement la domination que le capital monopoliste et la grande bourgeoisie exercent sur la société française. Là encore, je ne développe pas. Mais si on veut sortir du carcan de la démocratie bourgeoise à l’époque du capital monopoliste mondialisé, il va bien falloir promouvoir et mettre en place d’autres rapports sociaux, économiques, politiques, culturels, scientifiques que ceux dans lesquels nous sommes emprisonnés. Et tout cela, qui est immense, n’est qu’une mission initiale.

Un copain m’a écrit récemment, me disant qu’ici, en France, la réflexion volait au raz des pâquerettes et se polarisait fortement sur le résultat en tant que quantité. Je pense sincèrement que nous aurions pu faire mieux. Mais bon, ce résultat étant donné, nous n’avons absolument pas à nous décourager. Le marxisme-léninisme est un instrument puissant d’analyse. Il n’ouvre pas toutes les portes. Il ne donne pas la solution pratique, politique des problèmes, mais il permet d’éclairer les conditions générales d’évolution des sociétés. La social-démocratie, qui a coupé ses liens avec le marxisme, n’a pas grand chose à se mettre sous la dent. Les classes dirigeantes se nourrissent de la théorisation américaine, que nous devons connaître bien sûr. Mais cela ne pisse pas très loin.

Évidemment, l’usage du marxisme-léninisme suppose que la compréhension que les communistes français ont de ses potentialités devienne plus grande, plus riche, plus nourrie que ce qu’elle est aujourd’hui. Mais ce n’est pas difficile. Ce que les communistes ont pour devoir de faire, c’est d’observer pour comprendre, en évitant de regarder la réalité «avec des lunettes de couleur» comme disent certains Chinois. Et puis il y a des gens, des marxistes, et sans doute aussi des non-marxistes, voire des anti-marxistes, qui, dans ce pays, écrivent des choses intéressantes, voire importantes. Il faut les lire. Des responsables politiques communistes qui ne lisent rien d’autre que des articles qu’ils peuvent lire en 3 minutes, dans le train, mutilent leur capacité d’action. On ne peut, d’une part, répéter que notre époque est celle de la révolution scientifique et technique, et d’autre part se contenter de lire des textes dont le contenu principal est «arreu, arreu».

Le troisième sujet est celui faisant la jonction entre les deux précédents, c’est celui de l’organisation communiste, de son idéologie, de son organisation et de son action tant pour comprendre la société dans laquelle nous vivons, contribuer à ses combats, que pour promouvoir et lutter pour une société nouvelle. Je vais m’exprimer clairement et, je l’espère, sans mesquinerie. Je comprends que certaines ou certains éprouvent à l’égard de Fabien Roussel de la fraternité (je pense en particulier au texte d’Alain Girard que Danielle a publié). Moi, je me sens plus réservé. D’autant que Fabien est un adulte. Il est majeur et comme on dit, vacciné, du moins je l’espère pour lui. Et, dans certaines circonstances, on doit être réglo, raisonnable, mais je mentirais en disant que je me sens fraternel à son égard.

Peu importe d’ailleurs. Mais si j’ai voté Fabien Roussel, ce n’est pas pour la qualité de sa prestation, que j’ai trouvée insuffisante. Et parfois même franchement nulle. J’ai sans doute voté pour lui par discipline, mais pas tellement. C’est encore et surtout parce que d’une part, j’ai la certitude qu’aucune révolution de la société n’aura lieu dans ce pays sans une organisation communiste, et que, d’autre part, aucun vote apparemment alternatif (Mélenchon) n’avait le moindre rapport avec cette exigence. Pour l’instant, la seule force qui puisse remplir ce rôle d’organisateur de la révolution est celle du PCF. Je ne pense pas insulter qui que ce soit du mouvement syndical ou d’autres organisations communistes en disant cela. En tout cas, c’est, si je puis dire, le résultat de mon observation ainsi que «mon pari pascalien». J’ai donc voté Roussel non pas parce que j’apprécie Roussel et le travail de son équipe mais parce que c’était le candidat du Parti communiste et pour aucune autre raison, certainement pas par sympathie avec ce qu’il avait raconté sur la Chine, ou en raison de ses positions relatives à l’OTAN et à la guerre menée par les impérialistes contre le bloc asiatico-européen de la Russie et de la Chine. Je suis désolé de dire ces choses de manière aussi crue, mais c’est la vérité.

Maintenant, l’élection présidentielle est pour nous, communistes, terminée en tant qu’élection, et il nous faut tourner la page. A Roussel fut confiée la tâche de diriger le PCF. Il doit donc, avec l’ensemble des communistes, tourner la page et aller de l’avant.

Était-ce une bonne façon de la tourner et d’aller de l’avant que d’appeler à voter Macron pour faire barrage à Le Pen ? Personnellement, je trouve qu’il n’aurait pas dû prononcer cet appel et que cela :

1) n’apporte aucune protection particulière aux populations que nous prétendons défendre et au contraire en vulnérabilise d’autres,
2) entraîne une division supplémentaire entre les communistes,
3) fait partie d’une stratégie électorale «à la papa» beaucoup plus que d’une stratégie politique révolutionnaire,
4) souligne l’incohérence de nos comportements,
5) apporte un soutien à Macron dans une situation potentiellement très grave dont la classe que représente ce dernier est à l’origine et contribue à aggraver les dangers,
6) se situe dans le vieux moule éculé de la démocratie bourgeoisie, où «le peuple» des riches cohabite avec le peuple des pauvres et où on fait semblant, par l’intermédiaire du vote, que tout le monde est égal et que nous sommes tous frères,
7) pourrit, par conséquent, le travail que nous avons à faire pour remettre le PCF en état.

Le paradoxe de la décision prise par Roussel est que sa seule efficacité sera faible, au plus symbolique, peut-être électorale (les législatives), mais à quel prix?

Elle n’apportera aucune protection particulière réelle à celles et à ceux que nous prétendons défendre. Cet appel leur apportera tout au plus une protection «symbolique». Mais dans ce cas, que peuvent, par exemple, penser les gilets jaunes, durement éprouvés par la police macronienne? Est-ce par le vote présidentiel, avant-hier pour Chirac, hier pour Macron, aujourd’hui encore pour Macron, que nos compatriotes d’origine maghrébine, contribuent à régler leurs problèmes? Nous leur donnons une bien mauvaise leçon de démocratie.

En réalité, nous sommes incohérents. D’un côté nous regrettons «le vote utile», dont ont certainement bénéficié tant Mélenchon que Macron. Mais d’un autre côté nous appelons à voter Macron. Ce n’est quand même pas parce que nous avons une affection particulière pour cet instrument de la grande bourgeoisie française! Donc le vote Macron est «un vote utile».

Cela étant dit, les choses sont, à mon avis, encore plus compliquées. Une crise très profonde est la réalité actuelle des sociétés capitalistes développées contemporaines. L’impérialisme se débat. Il est pris dans la nasse de ses contradictions, mais il est loin d’être mort. Ses partisans, qui n’ont pas lu Marx, ne savent pas qu’ils sont condamnés par l’histoire. Ils se battent et ils sont prêts à tout. Le nazisme, mais aussi le fascisme, se sont développés en conjuguant 3 forces et en cristallisant leur unité : 1) une grande bourgeoisie menacée, 2) des classes moyennes en crise, 3) des voyous et des criminels. Pensons-nous vraiment que notre société est à l’abri d’un tel péril? Pourquoi soutiendrions-nous, en engageant le Parti communiste dans cette histoire, l’un de ces pôles contre l’autre, alors que la probabilité d’une situation du genre «fascisme» grandit ?

J’en viens au texte de Pierre-Alain. Il écrit, en parlant des habitants du quartier des Minguettes et de tous ceux qui lui ressemblent, «Leur dire qu’on s’en fout qu’elle soit élue ou pas, serait une catastrophe». Mais ce n’est pas le problème. Si les communistes abandonnaient la défense des populations les plus vulnérables, ils ne seraient plus les communistes. Le problème est de répondre aux questions suivantes : «A quoi sert et à quoi doit servir le Parti communiste français, aujourd’hui, en 2022 ? Doit-il servir à faire voter les communistes pour Macron pour faire barrage à Le Pen, alors même que la grande bourgeoisie française, dont les membres soutiennent tant Macron que Le Pen et Zemmour, est en crise profonde?».

Et puis «Il est normal, écrit également Pierre-Alain, que le candidat s’exprime clairement pour voter contre Le Pen. Les communistes n’ont pas besoin d’en faire des tonnes sur le sujet».

En quoi est-ce «normal»? Qui a fixé les règles de cette normalité? N’y avait-il pas d’autres moyens et d’autres raisons de nous exprimer, en tant que communistes, au vu des résultats du 1er tour de cette élection ? La peste et le choléra n’ont pas exactement les mêmes taux de mortalité. L’un est plus mortifère que l’autre? Est-ce une raison de choisir l’un plutôt que l’autre en faisant semblant de croire, à un moment où la société française se prépare sans le savoir à des événements d’une extrême gravité, que le choix de l’un protégerait de l’autre? Pourquoi nous avoir foutu ça dans les pattes alors que nous avons bien plus important à faire?

Oui, il faut revenir à l’essentiel, préparer dès à présent notre Congrès, c’est-à-dire nous préparer à nous battre de manière offensive. Les élections législatives ne seront qu’une péripétie. La démagogie va se mettre à y couler de manière encore plus impétueuse que le Fleuve Jaune lorsqu’il est en crue.


Edité le 16-04-2022 à 14:35:19 par Xuan




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Commentaires :

Daniel Arias

Il me semble que la campagne des présidentielles a été menée comme si nous étions en position de gagner, c’est à dire avec des arguments de type social démocrates; une simple répartition des richesses.

Les communistes du PCF ont gaspillé ce rendez-vous médiatique avec le peuple pour promouvoir le socialisme réel.
Sachant que de toutes manières nous n’allions pas gagner les élections, ni être au second tour, cette stratégie a été inutile pour développer la conscience populaire.
Nous avons manqué d’audace et à quelques détails près nous étions pas si loin de Mélenchon.
Dans l’hypothèse très peu probable d’un Mélenchon élu nous aurions été associé au gouvernement comme le sont aujourd’hui les communistes du PCE avec le gouvernement Sanchez associés à Podemos.
Pour quel résultat pour le peuple espagnol ? L’inflation monstrueuse des prix de l’énergie sur le marché libre conjugué à la casse de l’industrie espagnole font des dégâts importants et ouvrent les portes à Vox et à la phalange qui porte un message “social” potentiellement très dangereux.

Il faut se rendre compte que pour une partie du peuple la Révolution est incarnée sous forme de Révolution Nationale sous la conduite de l’extrême droite. D’autres se révoltent perdus dans le spontanéisme des Gilets Jaunes. Visiblement nous n’avons pas appris de ces deux phénomènes qui se veulent en rupture avec l’ordre dominant bourgeois dans un cas ils se trompent dans l’autre ils sont égarés.

Nous communistes nous sommes interdits de porter une voix révolutionnaire qui a fait notre succès passé. Le réformisme et l’alliance avec le PS pour intégrer les institutions bourgeoises sont une catastrophe. Nous avons renoncé à notre rôle d’Avant Garde pour un gloubi boulga participatif sans but de construire le socialisme ouvert à toute une gauche “associative” représentative parfois d’une poignée de bobos dont la caricature est le magazine “Regards”.

Nous avons déserté dans bien des villes les quartiers populaires.

Nous sommes face à un risque de fascisme plus ou moins rapide selon le vainqueur des élections et j’avoue ne pas être très sûr de qui des deux nous mènera au fascisme le plus vite.

La situation est que nous sommes égarés, dispersés, de nombreux communistes isolés, désorganisés avec une menace réelle devant nous, pour nous et pour le peuple.

Sur les aspects pratiques urgents le PCF devrait:
1) clarifier sa ligne et ses rangs, nous avons été trop gentil avec les liquidateurs.
2) traiter le cas des communistes isolés au cas par cas et tenter de les faire revenir sur des bases assainies.
3) renforcer la démocratie interne par une formation exigeante (marxiste léniniste) des militants et une subordination des élus aux décisions des camarades. Les élus doivent servir les camarades et être leurs relais.

Sur les aspects politiques :
1) encourager un front anti fasciste national et européen et développer son influence populaire pour devenir un parti de masse. Évaluer avec sérieux les risques liés au fascisme et à ses bandes armées et prendre les mesures nécessaires.
2) réviser le bilan des expériences socialistes européennes avec la plus grande rigueur possible afin d’établir la vérité aussi bien sur les réussites que sur les failles.
3) promouvoir le socialisme réel dans toutes ses actions sans complaisance avec les politiques keynésiennes.
4) faire une auto critique de la liquidation et de la social démocratie européenne depuis la seconde guerre mondiale et de nos participations gouvernementales.
5) prendre un soin particulier à la cohérence des communistes dans la durée et entre les différents représentants pour éviter toute confusion parmi le peuple et toute exploitation par nos ennemis de la droite et de la social démocratie.
6) mettre en valeur les moments révolutionnaires et progressistes ainsi que les atouts français. De Robespierre au CNR en passant par la commune il y a de quoi faire.

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Baran

D’accord sur tout. Les interventions de Jean-Claude et Daniel sont tjrs intéressantes à lire. Et disons que tout ce travail stratégique présuppose une mise à distance du crétinisme électoral…

Un président du PCF dépeint comme un “beau gosse” ça amuse les néoconservateurs mais c’est quand même assez minable dans le fond. J’ai aussi voté pour le PCF en Pascalien comme Jean-Claude.

La morale de l’histoire c’est que la ligne identitaire a été suffisamment floue pour jusqu’à la fin se faire manger par l’esthétique social-démocrate. Le reniement du capital historique du PC pour incarner une gauche BCBG, adoubé par les clercs a été l’alpha et l’oméga, ne donnant aucune ligne d’avenir à l’ADN communiste. On parle souvent en gestion ou marketing de respect de l’ADN d’une organisation comme principe de réussite d’une entreprise. Le crétinisme électoral des organisations politiques a longtemps été raillé par le PCF, comme un corps étranger à son génie d’analyseur collectif.
Aujourd’hui, au nom de ce crétinisme de liquidateur, il se condamne à continuer le chemin d’errance social-démocrate.

Le sociatélisme saupoudré de social n’est pas la voie pour conquérir la population française réfractaire, qui s’incarne aujourd’hui dans le concept de “France périphérique” (au projet de société civile bourgeoise -devrait-on ajouter). C’est là un échec objectif de la gauche dans son ensemble et la seule chose irremplaçable que savait mettre en œuvre le PC par son puissant travail organisationnel et son rôle d’analyseur collectif. Je ne crois pas que les structures mentales qui guident le subconscient de Roussel et de ses éminences grises puissent l’orienter vers un travail de type Que faire?. C’est trop violent, trop ringard pour ses collaborateurs conquis aux catégories de la société civile bourgeoise. Le costume de l’aventurier “beau gosse” en camping muni du guide du routard est plus en adéquation avec ce que la société civile réclame du communiste aseptisé, débarrassé de son léninisme!

Je dois dire que cette élection m’a fait mal à la tête (pour rester poli) et c’est la première fois pour moi après une élection… Auparavant c’était relativement impossible je dois dire car je m’en foutais royalement des Hue et compagnie. J’avais bien sûr des copains plus âgés que moi qui m’ont montré que l’intégrité, la droiture et l’intelligence étaient des attributs au moins anthropologiques présents en substance dans ce parti et qu’il fallait s’y intéresser autrement qu’en marxisant snobinard, je m’en foutiste que j’étais et je suis… Avec un tout autre itinéraire sensible et intellectuel que Jean Claude et d’autres ici j’ai donc eu mal à la tête pas pour des raisons de bête score (car dans l’état actuel le résultat ne peut être qu’une donnée accessoire qui exclut en soi toute analyse) mais j’ai été vraiment achevé par le positionnement immédiat de Roussel juste après le résultat, comme s’il était pressé de menotter le PC aux chaînes des maîtres libéraux, d’aligner le moteur du parti au rythme bourgeois, en parfait subordonné de la systémique politico-mondaine. Cancre mais beau joueur et surtout bobo-gosse!

Il n’a même pas eu la finesse d’utiliser les nuances du langage pour exprimer un semblant d’opposition au scénario proposé, comme l’ont fait Mélenchon et le candidat rural dont je ne me souviens plus le nom… Lassagne un truc comme ça.

On est donc tous d’accord sur ce blog pour dire que le résultat c’est pas ce qui est le plus préoccupant pour nous mais ce qui doit être interrogé c’est cet acharnement à ne pas vouloir saisir les opportunités d’une situation politique qui se présente pour affirmer sa différence, son ADN communiste. A contrario c’est comme si le personnel politique voulait détruire les ressources politiques de différenciation, pour se noyer dans l’indifférence de la société bourgeoise. Ainsi, le beau gosse Roussel ! C’est ce qui est retenu d’un point de vue phénomènologique.

Cet acharnement superstructural à prolonger les pratiques et représentations des liquidateurs rend difficile le renversement du pourrissement historique. Jusqu’à quand les desiderata de la société civile bourgeoise va ronger le moteur théorique et stratégique du seul outil politique valable en France ?

Pourquoi l’équipe de Roussel choisi de rester bloquer au stade du miroir des social-démocrates?

Bien entendu on peut comprendre que c’est plus facile de jouer la ligne de l’opposant sympa, mi-coco, mi-bobo, à l’intérieur de l’appareil pour s’accorder aux liquidateurs et à l’extérieur pour être validé par les clergés médiatiques et impérialistes. Et donc quoi ? L’avenir du socialisme Rousselien va se limiter à un constructivisme socialo-sociétal accepté par la communication bourgeoise car programme de “jours heureux” réduit à une promotion du camping, du saucisson et du nucléaire! Avec un petit peu de justice sociale svp ! Mais juste un petit peu.

L’approche electoraliste de Melenchon a eu le mérite d’être cohérente avec la structure opportuniste de son mouvement. Il a gagné des grandes villes et les banlieues mais sans véritable dynamique dans la France périphérique à la société civile bourgeoise. Ainsi, son parti va vraisemblablement finir par disparaître avec lui. Néanmoins, la France insoumise a touché sa cible objective, elle s’est accordée à son sujet transindividuel, soit le maximum de conscience possible qui est offert par le mouvementisme d’une gauche refusant le réalisme communiste. Elle ne pourra jamais faire mieux.

C’est un parti jeune qui donne l’impression d’avoir un souffle politique mais c’est un électoralisme mort né, principalement à cause de sa nature organisationnelle spontanéiste, travaillée par les organes pourrissants de la société civile bourgeoise. Mais le mouvementisme est cohérent avec son ADN structurellement social-traitre. Au fond ils sont contents les cadres insoumis: ils ont gagné des jeunes et font un score de perdant qui leur assure certainement une progression de niveau de financement et de postes politiques!

Au final, la caravane de Roussel est passée mais on ne sait pas trop pour qui pour quoi faire ? Son discours de ralliement macronien a été catastrophique. Tout ça pour dire que oe crétinisme électoral a été débile jusqu’au bout! Il n’y a pas d’autre choix que d’en finir. Si le PC ne le comprend pas au prochain congrès, je crois bien que ce sera l’arrêt cardiaque du Colonel Fabien.

Un peu rien à voir mais un peu quand même car on aime les livres intelligents ici: je signale et suggère aux camarades du blog la parution du livre “la France sous nos yeux” (Seuil). C’est un excellent essai de la littérature bourgeoise qui permet d’actualiser une approche du peuple français sous un angle phénomènologique, géographique, concret, donc assez riche.

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Papadopoulos G

Je partage cet article et meme je le trouve encore tres gentil avec le candidat. Quand au second tour il ne reste que deux fascistes qui sont les deux faces d’une meme piece. Je ne me metrais pas la rate au cours bouillon pour voter pour l’autre. Resistance et reconstruction veritable d’un PCF.

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Un parti communiste, atout indispensable du renouveau de la démocratie

5 JUILLET 2022

https://histoireetsociete.com/2022/07/05/un-parti-communiste-atout-indispensable-du-renouveau-de-la-democratie/#comment-5808

Un important débat a lieu dans ce blog et il reflète pour ce que j’en sais bien des interrogations, des prises de conscience dans et hors parti communiste. Il touche à l’essentiel, la conscience de plus en plus aiguë que le capitalisme a fait son temps et que parce qu’il entretient des divisions, des concurrences, des guerres, le capitalisme va a contrario de la nécessaire coopération pour répondre aux défis auquel chaque pays est confronté. La nécessité du socialisme -en tant qu’il est un mode de production capable d’orienter le progrès et non la régression vers ces coopérations collectives- s’impose.

Oui mais voilà il ne faut pas se faire d’illusions, jamais la droite, l’extrême-droite n’ont été aussi fortes, l’abstention massive n’est pas nécessairement le signe d’une exigence de changement profond mais un repli préoccupant.

Comment peut-on aller vers ces coopérations et surmonter la situation actuelle qui est l’affaiblissement des partis et forces organisées qui pourraient œuvrer en vue du socialisme? Comment provoquer l’effort collectif, en vue d’un dépassement de contradictions secondaires mais profondément ancrées dans les mentalités?

Comme le notait Lénine, le compromis bourgeois sera longtemps à l’ordre du jour. “Nous devons comprendre, écrivait Lénine, qu’à défaut d’une base philosophique solide, il n’est point de science ni de matérialisme qui puisse soutenir la lutte contre l’envahissement des idées bourgeoises et une renaissance de la conception bourgeoise du monde” oeuvres, t33, p.207) Ce compromis bourgeois nait non seulement de l’ancien ordre des choses, un cadavre pourrissant dans le nouveau, mais de la difficulté de la lutte, de la crainte d’y perdre plus qu’on n’y gagne et donc de la recherche d’une position de “conciliation” que l’on croit plus aisée à atteindre.

Ce que souligne donc Lénine c’est la nécessité d’une avant-garde mais une avant-garde qui soit toujours plus et mieux dans le concret et le partage des difficultés populaires, qui mesure cet envahissement de la crainte du changement, la comprend et y répond en renforcement pas en stigmatisation, en faux procès.

Parce que dans le même temps, le même Lénine mettait les communistes en garde contre une vision sectaire et l’étroitesse. Je dirais que les deux vont ensemble le sectarisme va avec l’absence de formation, l’isolement et l’affaiblissement. Il insistait sur la nécessité de rassembler dans la construction du socialisme toutes les forces de la vieille société loyales à la construction des soviets pour l’amélioration et la souveraineté du peuple. On ne construira pas le communisme avec les seuls communistes et rien ne sera édifié sans alliance avec les sans parti en priorité dans tous les domaines du travail expliquait-il.

Mais chez Lénine, cette nécessité exige des communistes toujours mieux avertis des buts et capables de promouvoir l’action collective sans sectarisme mais avec lucidité. Il faut expliquait-il démasquer partout systématiquement la “démocratie moderne bourgeoise, surtout celle des Etats-Unis, matrice impérialiste. Toutes sortes de “socialistes“, notait-il , admirent cette “démocratie” et se “prosternent devant elle“, alors qu’en fait, elle “n’est rien d’autre que la liberté de prêcher ce que la bourgeoisie a intérêt à prêcher, c’est-à-dire les idées les plus réactionnaires, la religion, l’obscurantisme, la défense des exploiteurs, etc.” (id.p.206)

En général, montrait-il, l’édification du socialisme a besoin de la paix, pas n’importe quelle paix, celle qui laissera toute latitude à œuvrer au rétablissement économique et aux progrès sociaux. Pas une paix dont l’armement et l’accumulation des facteurs de guerre est le ressort avec de formidables inégalités, toutes les injustices s’accumulant mais une véritable paix qui crée les conditions d’un partage et où chacun a à gagner à la coopération.

Bref, je résumerai ce qui me semble plus que jamais pertinent dans cet exposé léniniste: quand la tempête et les périls menacent, il faut faire tous les efforts du monde pour créer les conditions de l’alliance et pas seulement au sommet entre partis politiques, tous plus ou moins coupés des masses, mais d’abord à partir du monde du travail en travaillant tous ensemble à des solutions concrètes. Le sectarisme, l’étroitesse sont à proscrire et ces défauts accompagnent en général la faiblesse des communistes, faiblesse organisationnelle, faiblesse théorique. Roussel a raison d’insister sur le PCF comme parti de gouvernement mais il faut aller jusqu’au bout de cette vision: parti de gouvernement quand il s’agit de remettre en cause le capitalisme et son autodestruction tout sauf démocratique, il a raison de souligner l’ambition d’une telle participation, il s’agit comme à la libération de reconstruire la France, ses services publics, mais on ne pourra le faire qu’en mettant au pas ceux qui ne cessent de la détruire. Pas seulement les “évadés fiscaux”, mais bien la financiarisation, la destruction des capacités productives du pays. Ce qui est déjà avancée vers le socialisme et qui ne saurait se contenter de mesures ponctuelles alors que l’énorme ponction du capital financier s’amplifie.

Ce refus du politicien et de ses jeux de notables, Roussel a raison de l’affirmer mais il faut qu’il en tire les conséquences “pour bien gérer l’économie, gouverner l’Etat et faire du commerce, utiliser le capital privé tout en l’évinçant de la direction politique, ce qui est construire le socialisme, il faut choisir et répartir judicieusement les cadres. La clé de la situation disait Lénine est dans les hommes, dans le choix des cadres, dans la vérification de l’exécution. Il faudra voir le rôle du parti et pas seulement celui de ses élus dans une assemblée nationale devenue une véritable pétaudière avec le partage des influences et des petits avantages, mais bien dans cette capacité à fournir des cadres issus en particulier des couches prolétariennes. Des cadres, disons-le ayant une conception de classe sans laquelle la souveraineté est un vain mot.

Donc le congrès, sa préparation, est fondamental pas seulement pour le parti mais pour sortir la France de cette impuissance, cette aliénation, ce grotesque d’une élite hors sol capricieuse et destructrice.

En fait l’expérience qui a été faite au sein du PCF, comme dans celui des divers “mouvements”, c’est la carence dans ce domaine des cadres. Il va y avoir un congrès du PCF, un certain nombre d’entre nous ont été systématiquement écartés et beaucoup de militants découvrent l’état réel du parti. Ce n’est pas pire que dans d’autres partis, mais aucun ne se donne le but d’un parti communiste et n’a besoin de l’intervention consciente de ses militants comme tous ceux qui désirent loyalement œuvrer à l’amélioration de la vie collective. J’ai eu les échos de ce qui se passait dans certaines sections, la direction actuelle de ces sections, fédérations, acquises aux anciens dirigeants ne réunit plus personne et pratique l’inertie, face à cela un certain nombre de camarades ont repris les listings des adhérents y compris ceux qui ne viennent plus, ont pris leur distances et vont les contacter. Il y a un héritage à transmettre et il est important, les jeunes en feront ce que leur action exigera, action de communistes. “Il ne s’agit pas seulement de comprendre le monde mais de le transformer” et c’est à eux de faire et à nous de transmettre.

Roussel dit que le parti communiste est un parti de gouvernement, une force de proposition. Oui mais il faut d’abord reconstruire ce parti par rapport à la rupture qui existe aujourd’hui et qui montre l’épuisement de la “démocratie” bourgeoise, la nécessité de faire autrement pour créer les conditions collectives de toutes les coopérations.

On ne rétablira une situation qui s’est dégradée depuis trente au moins en quelques semaines mais sans prétendre la reproduire à l’identique, on peut déjà mesurer le bougé et il existe, les insuffisances également. Il y a quelques constantes que j’ai brièvement notées qui doivent servir de point d’appui à un renouveau non seulement du PCF mais de la vie démocratique de notre pays, celle qui favorise l’intervention populaire.

Danielle Bleitrach

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   Posté le 19-07-2022 à 16:42:27   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

NB : dans un article relevant le limogeage de la procureure ukrainienne qui avait enquêté sur le massacre de Bucha, Danielle Bleitrach écrit "Mais bientôt il n’y aura plus que ces médias et Vincent Boulet, l’homme du secteur international du PCF , pour croire en pareil régime"
Larticle de pam se trouve sur https://lepcf.fr/Oui-nous-avons-des-divergences-sur-le-communisme-du-XXIe-siecle


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Oui, nous avons des divergences sur le communisme du XXIe siècle ! par Pierre Alain Millet


https://histoireetsociete.com/2022/07/19/oui-nous-avons-des-divergences-sur-le-communisme-du-xxie-siecle-par-pierre-alain-millet/
19 JUILLET 2022
Dimanche 17 juillet 2022, par pam,

Patrice Leclerc, qui par parenthèse n’a pas parrainé Fabien Roussel, maire de Gennevilliers a publié le 8 juillet dernier une tribune sur la stratégie du PCF, intitulée “Nous avons des divergences sur le communisme du XXIe siècle” , relayée dans l’Humanité dès le 11 juillet. Au passage, Pierre Alain Millet souligne que l’huma n’avait pas consacré une seule ligne à la déclaration “A l’offensive” publiée le 27 juin par 132 militants dont Michèle Picard, la maire de Vénissieux, la plus grande ville communiste hors région parisienne. Cela confirme que Patrice Leclerc a raison, nous avons des divergences. Mais il faut constater que l’Humanité n’est pas le journal du débat sur ces divergences, mais un journal prenant parti le plus souvent contre l’opinion majoritaire des communistes. Ceux-ci doivent exiger que ce journal qui fut le leur, respecte leurs débats et publie donc l’appel “A l’offensive” signée de Michèle Picard à la même place que la tribune de Patrice Leclerc.

En attendant, il faut mener ce débat ailleurs que dans l’Humanité, ce site va y contribuer, parmi d’autres, dit le site PCF/ débat, le site histoire et societe relaye quelques textes. Histoire et société a renoncé à espérer quoi que ce soit de l’Humanité et de la totalité de la presse qui se réclame encore (surtout quand il y a des appels à contribution financière) des militants communistes mais qui pratique une censure totale, voire la diffamation contre ceux qu’elle a désignés comme “staliniens”, ce qui est une manière bien commode et bien digne des trotskistes qui tiennent désormais une bonne partie de l’appareil pour en fait ne donner la parole qu’aux soutiens de l’OTAN et du capital. Mais le futur congrès du PCF sera-t-il démocratique ou les “liquidateurs” une fois de plus par inertie, viol des choix collectifs et censure conduiront-ils le PCF à sa fin? Nous en sommes là… et cela dépend des communistes eux-mêmes. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société )

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Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers a publié le 8 juillet dernier une tribune sur la stratégie du PCF, intitulée "Nous avons des divergences sur le communisme du XXIe siècle", relayée dans l’Humanité dès le 11 juillet.

Au passage, l’huma n’avait pas consacrée une seule ligne à la déclaration "A l’offensive" publiée le 27 juin par 132 militants dont Michèle Picard, le maire de Vénissieux, la plus grande ville communiste hors région parisienne. Cela confirme que Patrice Leclerc a raison, nous avons des divergences. Mais il faut constater que l’Humanité n’est pas le journal du débat sur ces divergences, mais un journal prenant parti le plus souvent contre l’opinion majoritaire des communistes. Ceux-ci doivent exiger que ce journal qui fut le leur, respecte leurs débats et publie donc l’appel "A l’offensive" signée de Michèle Picard à la même place que la tribune de Patrice Leclerc.

En attendant, il faut mener ce débat ailleurs que dans l’humanité, ce site va y contribuer, parmi d’autres.


Commentaires de lecture de la tribune de Patrice Leclerc
Oui, la longue séquence électorale doit conduire à une réflexion stratégique comme nous y invite Patrice Leclerc.

La séquence présidentielle et législative pourrait permettre de discuter à partir des faits de la stratégie et de la tactique du PCF pour chercher à ce que le courant communiste soit vraiment utile pour transformer le monde.

Mais première remarque, qu’est-ce que le “courant” communiste ? Pour nous, le communisme est un parti organisé, un parti d’action pour qui l’élection est d’abord un thermomètre et pas le cœur de son activité, un parti au service d’un large rassemblement populaire qui lui aussi se construit à partir des luttes. Dans ce rassemblement, le parti n’est pas un “courant” parmi d’autres, mais un outil nécessaire au monde du travail, l’outil pour affronter la guerre idéologique qu’impose toujours le capitalisme pour diviser, dévoyer, détourner justement ce mouvement populaire du seul but qui peut lui permettre de “transformer le monde”, la remise en cause du capitalisme, la construction d’une autre société.

Ensuite, Patrice Leclerc affirme qu’on peut se mettre d’accord sur des faits, sans avoir proposé aucune analyse des résultats de ces élections fondant ce qu’il appelle des faits. Aucune analyse des résultats factuels en voix, pourcentage, élus, ou même analyses politiques, sociologiques de ce que ces élections traduisent. Résultat, non, nous ne sommes pas d’accord sur ces faits. Ils sont une interprétation médiatique, peut-être dominante dans l’entourage de Patrice Leclerc, mais pas du tout fondée sur une “analyse concrète des situations concrètes”, et qu’il faut contester.

Des faits ? Non, nous avons une autre analyse des résultats !

-Que le danger préfasciste que nous décrivions pour obtenir une candidature unique de la gauche n’était pas une peur, mais une réalité au regard des résultats présidentiels et législatifs.

On ne sait pas qui est ce “nous” puisque la tribune est signée d’un maire souvent présenté “PCF” [1], mais que ce “nous” n’est évidemment pas le nous communiste, puisque les communistes avaient très majoritairement décidé, au contraire, que pour affronter l’abstention comme le vote d’extrême-droite, il fallait poser le premier jalon de la reconstruction d’un grand parti communiste et donc une candidature communiste.

Et l’analyse des résultats permet d’affirmer ce que l’observation des campagnes indiquait, la candidature Mélenchon qui représentait cette candidature unique possible et s’en est approchée en absorbant le plus gros de l’électorat de gauche, n’a en rien freiné ce danger pré-fasciste. Au contraire, la campagne de Mélenchon s’est progressivement concentrée sur le vote utile à gauche, délaissant et les abstentionnistes et le vote d’extrême-droite. La contribution de Mélenchon à la mise en scène de Zemmour dans deux débats télés a aidé la dédiabolisation de Marine Le Pen, préparant son succès.
Pire, pour les législatives, le délire médiatique du “élisez-moi premier ministre” a contribué à effacer ce danger fasciste que toute analyse électorale sérieuse pouvait annoncer. Mais Mélenchon a concentré ses efforts pour imposer des candidats LFI dans les circonscriptions les plus à gauche [2], délaissant les circonscriptions à risque RN [3], laissant une grande part des militants de gauche surpris et désemparés devant le nombre de députés RN. Et il a ensuite continué à minimiser ce danger fasciste en laissant croire que l’important était d’avoir mis LREM en minorité et présentant le résultat comme un succès de la gauche, pourtant à son plus faible niveau historique après un mandat de droite

-Que la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale a changé les termes du débat public face au danger préfasciste et au gouvernement. Notre désunion à la présidentielle a permis à Macron, au RN et aux LR de faire dominer le débat sur la sécurité, l’islamophobie, le séparatisme. La NUPES, avec les Insoumis, les communistes, les socialistes, les verts et des personnalités du mouvement social a imposé un débat lors de ces législatives sur les vrais problèmes : salaires, emplois, logement, social. La diversion identitaire n’a pas été possible dans le débat mais pas disparue en six semaines après la présidentielle. Le danger préfasciste persiste.

Oui, le danger préfasciste persiste, il est même nettement renforcé par cette séquence électorale. Et non, comme l’a souvent dit Fabien Roussel, ce n’est pas la désunion de la gauche qui a laissé la place aux idées de droite, c’est sa faiblesse. Par contre, la question du pouvoir d’achat a bien été présente dans la campagne présidentielle, notamment grâce à la belle campagne des jours heureux, et la colère sur ces questions contre Macron a été au coeur du vote Mélenchon dans les quartiers populaires [4]. Mais cette colère n’a pas permis d’unir un peuple très divisé entre abstentionnistes, majoritaire chez les ouvriers, colère noire du RN, dominante dans les zones périphériques, et vote Mélenchon, dominant dans l’électorat historique de gauche des grandes agglomérations.

La Nupes n’a rien imposé en dehors du mythe délirant de Mélenchon premier ministre, qui a médiatiquement masqué au contraire le risque fasciste, et aggravant la division du peuple devant les exubérances mélenchonistes qui ne passent pas dans un électorat rejetant les joutes médiatiques oratoires et ce qui est perçu comme un “théâtre” loin du concret populaire.


- Que la candidature de Jean-Luc Mélenchon a rassemblé nettement plus au premier tour que la candidature communiste, socialiste et EELV et que c’est un vote réparti dans toutes les couches sociales qui rassemble particulièrement dans la jeunesse des quartiers populaires contrairement au vote pour le candidat communiste.

Oui, Mélenchon a pompé la gauche [5]. Mais non, au contraire, l’analyse des résultats électoraux montre l’incapacité du vote Mélenchon à unir le peuple, à progresser dans toutes les couches sociales. Dans plus de 40% des communes, Mélenchon fait moins en 2022 qu’en 2017 ! Ces résultats sont géographiquement très inégaux, les ouvriers l’ont rejeté, et son succès dans les quartiers populaires et leur jeunesse se fait là où la gauche historique faisait ses plus hauts scores. Et le fait principal que tout analyste devrait mettre en avant est que Mélenchon fait moins dans ces villes que Mitterrand. Au total, il absorbe la gauche en la réduisant à son plus bas niveau historique !

-Que s’il y a eu un phénomène de vote utile à gauche, il faut aussi voir qu’il n’y avait aucune hésitation entre plusieurs candidats dans le vote des jeunes et moins jeunes des quartiers populaires. Ils ont utilisé le bulletin Mélenchon pour se faire respecter, se donner de la force, agir contre toutes les stigmatisations et est le résultat du contenu de la campagne de Mélenchon.

Oui, dans certains quartiers, comme le mien aux Minguettes, beaucoup de jeunes (et de moins jeunes) ont cru que Mélenchon était la force pour combattre à la fois Macron et Le Pen. Pourtant, dans les bureaux de vote des Minguettes, il y a plus d’abstentionnistes que de votes Mélenchon ! Mais tout communiste devrait s’interroger sur les ravages de l’idéalisme de citoyens, jeunes ou moins jeunes, qui viennent voter une fois tous les cinq ans sans jamais s’engager dans les luttes sociales, et sans revenir voter quelques semaines plus tard aux législatives. Et que dire de ce “culte de la personnalité” qui mise tout sur un sauveur suprême qui passe bien à la télé en délaissant toute organisation locale et toute lutte ? Une force pour se faire respecter, nous dit Patrice Leclerc ? Un énorme idéalisme mortifère pour la gauche et qui affaiblit les quartiers populaires, devrait dire tout communiste !

-Qu’après la colère contre la division de la gauche aux présidentielles est venue l’espoir des électrices et électeurs de gauche de retrouver de la force grâce à leur union. Les candidatures non NUPES ont échoué quasiment partout face aux NUPES, y compris contre des personnalités implantées localement. Celui ou celle qui décevra l’aspiration à l’Union pour être plus fort en payera le prix politique durablement.

Oui, Mélenchon a réussi son OPA sur la gauche, et comme il le disait dans son “bilan raisonné de 1981 et de la présidence de François Mitterrand, quand l’union s’est imposée comme l’espoir populaire, celui qui s’en écarte est battu.

Confirmation, mais Patrice Leclerc devrait justement aller au bout de cette comparaison. Car la force de ce formidable espoir de l’union de la gauche a produit quoi en 1981 ? en 1997 ? en 2017 ? A chaque fois, cet espoir s’enferme dans un électoralisme mortifère qui d’échec en échec affaiblit le monde du travail et les quartiers populaires ! Après 2017, où est passé cette force insoumise électorale dans les combats sociaux des années suivantes ? 7 Millions de voix Mélenchon, 3 Millions de grévistes du samedi au mieux ? Et le résultat, répétons-le, c’est le plus bas niveau de la gauche après un mandat de droite, moins de députés de gauche 2022 qu’en 2002 (voir les trois raisons du troisième échec de Jean- Luc Mélenchon) !

Faut-il donc continuer sur cette voie qui répète comme une farce l’union de la gauche ? Comment ne pas exploser de rire ou de colère devant ces dirigeants socialistes ou écologistes qui nous rejouent la pièce mitterrandienne ou holandienne de la gauche contre le système ? Ne faut-il pas s’inquiéter de cette Nupes blanchisseuse des trahisons socialistes ?

Les questions qui opposent les communistes

Patrice Leclerc sur cette base présentée comme des faits, mais dont la lecture critique montre que ce sont des erreurs de lecture de cette séquence électorale, identifie « quatre questions qui « opposent » les communistes :»

1/ La lutte contre l’extrême droite doit-elle se faire en partant du constat que « les électrices et électeurs du FN posent de vraies questions mais pas la bonne réponse et qui conduit à aller sur leur terrain : sécurité, immigration, violence, lutte contre l’islam »… ou cette lutte doit-elle se mener en développant les questions sociales, les luttes contre toutes les discriminations, la stigmatisation de l’extrême droite et de la haine de l’autre, en donnant espoir d’une alternative politique. Bref s’agit-il d’agir pour convaincre que ceux qui votent FN se trompent ou d’agir pour que celles et ceux qui ne votent pas, votent à gauche.

Vous excuserez le simplisme de cette présentation, mais elle permet de mettre le doigt sur une divergence fondamentale par exemple sur notre relation avec le Printemps Républicain qui trouvait bien la campagne du PCF et condamnait la campagne de Mélenchon. Stigmatise-t-on une partie du peuple de France en le qualifiant de « la fraction radicalisée des quartiers périphériques » ou comme une fraction du monde du travail et de la création, porteuse d’une diversité qui peut construire du commun avec le monde du travail sur tout le territoire.


Patrice Leclerc oppose ainsi l’action sur les questions « sécurité, immigration, violence ou islam » , aux questions sociales. Notons d’abord qu’un communiste ne devrait pas accepter cette liste qui est sans fondement. Car quel lien entre sécurité et immigration ? sécurité et islam ? Admettons que Patrice Leclerc veut en fait dire qu’il ne faut pas répondre à la bataille idéologique de l’extrême-droite, qui elle relie ces sujets, et qu’il faut en quelque sorte la subvertir en imposant d’autres batailles idéologiques, sur les questions sociales.

C’est une grave erreur pour une raison fondamentale. L’extrême-droite n’a pas inventé ces sujets parce que ce serait son idéologie. Elle part bien d’un réel, vécu par des millions de gens dans les milieux populaires, pour poser les questions à sa manière, préparant ses réponses politiques. Mais ne pas reprendre le discours de l’extrême-droite ne doit surtout pas conduire à nier le réel vécu par les milieux populaires.

Or le réel vécu est bien marqué par les trafics et les violences, l’insécurité et les incivilités. C’est un fait tout aussi important que de dire que le réel est aussi marqué par la pauvreté, la précarité, les inégalités. Nier une partie du réel, c’est se “couper des masses” et c’est ce qu’a fait le parti communiste depuis des décennies, comme une large partie de la gauche. J’habite dans une grande barre de copropriété sociale aux Minguettes, marquée depuis des années par un “point de deal” qui détruit matériellement une allée, rend la vie invivable à plusieurs familles, et devant laquelle des groupes de jeunes attirés par l’argent facile narguent la police, les services publics, et même les techniciens des réseaux ou d’ascenseurs ? Faut-il dire à ces habitants qu’il ne faut pas reprendre les thèmes de l’extrême-droite ?

De même, le réel est bien marqué par l’immigration et l’islam, le nier alors même que la concurrence dans le travail, le logement fait rage dans les milieux populaires ? Que dire à une famille immigrée du Maghreb de deuxième génération qui voit un chantier de rénovation de son immeuble être presqu’entièrement réalisée par des immigrés récents de l’Est de l’Europe ? Que l’immigration est une chance pour la France ?

Et que dire aux musulmans qui font face à des pressions religieuses pour leur imposer un islam rigoriste et très politique ? Comment leur garantir leur liberté de culte, de conscience, de pratiques, comme à tous les autres, comme aux non croyants, comme aux femmes qui refusent la contrainte vestimentaire du regard d’un islam réactionnaire ? Que la laïcité est une idée d’extrême-droite ?

Construire du commun, une formule très mode, mais qui veut dire quoi ? que l’immigration est une originalité pour construire du commun ? Quelle expérience réelle font les habitants des quartiers populaires comme les Minguettes où des dizaines de logements sont squattés par des familles roumaines poursuivies depuis des années par l’état et coincés dans une situation de non droit ? Le “commun” dans ce réel, c’est la misère et la concurrence violente dans le peuple ! Faut-il dire que c’est normal qu’un grand quartier populaire soit une porte d’entrée pour les arrivants et que ceux qui s’en sortent mieux doivent en partir dès qu’ils peuvent, théorie de la ville populaire terre de transit ?

Non, l’opposition n’est pas celle que présente Patrice Leclerc entre une “tactique” reprenant les “questions” de l’extrême-droite et une autre les ignorant. Elle est dans l’effort ou le refus de prendre en compte le réel vécu des milieux populaires, même et surtout quand il est révélateur des concurrences dans le peuple qui sont le vécu concret de millions d’habitants. Faire croire que les “valeurs” humanistes, ou les bons sentiments des couches moyennes éduquées vont résoudre ce défi de la guerre dans le peuple est une impasse. Il faut relever le défi du droit à la tranquillité, de la bataille contre l’économie parallèle et les mafias, Il faut aussi unir le peuple dans une bataille contre les causes de l’immigration, les guerres et le développement inégal. Dans les deux cas, ce n’est pas en opposant les questions sociétales et sociales, au contraire, mais en les articulant, en en montrant la cohérence qui est dans la cause de toutes les difficultés vécues. C’est le capitalisme qui crée les concurrences dans le peuple. C’est contre lui qu’il faut l’unir. Voilà la réponse communiste à l’extrême-droite, sur toutes les questions, sociétales ou sociales !

2/ Quelle est notre utilité communiste devant l’enjeu climatique. Cela pose les questions de nos propositions et luttes contre le productivisme (produire moins et autrement), pour changer les rapports de productions, contre le capitalisme du désir consumériste pour développer une frugalité heureuse, et de nouveaux rapports de l’humanité au vivant.

Oui, il y a une opposition claire sur l’enjeu climatique. Patrice Leclerc reprend les thèses écologistes dominantes, dédouanant le capitalisme avec le productivisme et renvoyant les causes de l’impasse climatique sur les comportements en déviant les luttes vers l’acceptation de la frugalité heureuse du gourou réactionnaire Pierre Rahbi. Les communistes au contraire doivent inventer une autre société sortant du “capitalisme de la séduction”.

Non, le capitalisme n’est pas un productivisme. Il cesse de produire dès qu’il n’y a plus de profit, il détruit même. Il ne produit que pour le profit, c’est un “profitivisme” ! C’est très différent. Ce n’est pas la production qui est la cause des attaques contre la nature, de l’incapacité à décarboner rapidement l’électricité, c’est le profit, partout et toujours. C’est pour le profit dans l’affrontement entre US et Russie que l’Europe vient de relancer son électricité au charbon en refusant de prolonger les dernières centrales nucléaires allemandes. Un contresens total et scandaleux même pour ceux qui veulent sortir du nucléaire et qui souvent reprennent le dernier rapport du GIEC nous disant que “nous n’avons plus que trois ans”.

C’est pourquoi on ne peut inventer de nouveaux rapport au vivant sans inventer de nouveaux rapports sociaux, et donc sortir l’intérêt privé du pouvoir d’état, c’est à dire construire un pouvoir populaire, c’est à dire construire une société socialiste !

On ne peut le faire en expliquant au peuple que ce sont ses choix de consommation qui sont la cause des dérives du capitalisme. La frugalité heureuse est l’outil idéologique du capital pour faire accepter l’austérité contrainte. Elle masque les inégalités profondes dans les consommations et le fait que sans sortir du capitalisme, on pourra refuser l’avion aux familles immigrés qui veulent aller “au pays”, mais on ne pourra refuser les jets privés des premiers de cordées ! On pourra limiter la viande aux familles populaires dont beaucoup n’y avait que peu accès, mais on ne réduira aucune des gabegies des plus riches !

Les communistes ont une grande utilité dans le débat climatique, démontrer le vide et l’inefficacité des discours écologistes dominants, montrer l’impasse de l’accord de Paris et de la loi de transition énergétique pour une croissance verte du gouvernement PS-Verts de Hollande. Les communistes sont très utiles pour montrer que le discours dominant écologiste cache le système derrière les techniques, impose un débat sur des choix techniques pour ne pas mener le débat sur les choix politiques.

Cela les conduit à être très utiles pour montrer qu’un grand service public de l’énergie a besoin d’énergies pilotables décarbonées, donc du nucléaire dans l’état des techniques, pour construire les conditions du droit de tous à l’accès à une énergie décarbonée, propre et accessible.

3/ Le communisme est-il du capitalisme monopoliste d’état, une forme de keynésianisme qui fait du crédit bonifié un moyen de pilotage du capitalisme ou le mouvement réel qui remet en cause toutes les dominations, économiques, sociales, de genre, ainsi que sur la nature et qui agit pour l’appropriation sociale des moyens de production.

Sur ce point Patrice Leclerc a raison, le projet de société communiste ne peut pas être simplement un “capitalisme monopoliste d’état”, et donc ne peut seulement s’inspirer du programme des “jours heureux” de 1945. Il doit être redéfini à partir de la crise actuelle du capitalisme mondialisé et on peut par exemple ouvrir ce débat avec la contribution de notre camarade Jean-Claude Delaunay “rompre avec le capitalisme, construire le socialisme . Pour une part, c’est ce que Fabien Roussel a commencé à faire dans son “projet des jours heureux”, qui reprend une formule représentative de notre histoire et de la force potentielle du rassemblement populaire, mais en esquissant par exemple une autre conception des rapports sociaux et des droits des travailleurs.

Mais si le travail est immense pour engager réellement la remise en cause de toutes les dominations, les communistes sont en difficulté depuis qu’ils sont dominés par l’idée que le communisme était un “déja-là” qu’il suffisait de faire grandir, en masquant le caractère décisif du pouvoir de la bourgeoisie sur l’état. Car la question centrale pour remettre en cause les rapports sociaux en général, au travail comme dans la ville ou la consommation, c’est bien d’enlever l’état à la grande bourgeoisie et de construire un pouvoir “populaire”. Il faut aller au bout de la question de Patrice Leclerc sur l’appropriation sociale des moyens de production, il faut affirmer la nécessité de l’appropriation sociale de l’état et de ses moyens de coercition et donc l’expropriation de la grande bourgeoisie de l’état. Il faut donc bien une “révolution” et aucune élection ne suffira à la rendre possible, même si une élection peut en être un moment.

4/ Quelle place et rôle des communistes dans la NUPES comme mouvement pluraliste au service du peuple pour transformer le monde. Comment être utiles dans cet espace d’échanges, de débats et de luttes dans lequel nous pourrions développer en réflexion et en acte nos originalités communistes au service du mouvement réel de transformation sociale ?

Bien évidemment, si les communistes doivent proposer un véritable changement de société pour arracher l’état à la bourgeoisie, organiser un nouveau pouvoir populaire pour de nouveaux rapports sociaux engageant la sortie du capitalisme, alors ils ne peuvent exister ou même raisonner à travers la NUPES comme “mouvement pluraliste”. Nous avons déjà donné. L’union de la gauche construite dans des négociations d’appareils réduites aux enjeux électoraux est une impasse mortelle pour le mouvement populaire. Nous en avons fait la cruelle expérience historique avec un programme commun qui était pourtant beaucoup plus sérieux et construit qu’un programme de la NUPES qui n’est qu’une série d’accords électoraux bricolés entre partis deux à deux et même pas consolidés !

Comment être utile dans cet espace ? C’est impossible pour les communistes. Cet espace n’a existé que pour un accord électoral des législatives, un mauvais accord très en défaveur du parti communiste et entièrement au service du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas un espace de luttes, le mouvement social a montré avec les gilets jaunes que le réel est plus fort que les accords d’appareils. L’urgence pour être utile au mouvement populaire, c’est de reconstruire un parti communiste d’action, de terrain. C’est la condition pour unir notre peuple qui n’a jamais été autant divisé, faire grandir un projet de société porteur de cette unité populaire en faisant grandir les consciences.

Oui, Patrice Leclerc a raison. Nous avons des divergences. Mais ses propositions sont une impasse qui enfermerait encore plus le mouvement social dans la division et le réformisme. Il ne tire aucune leçon de l’échec historique de l’union de la gauche et propose de recommencer. Les communistes auront l’occasion au contraire de s’appuyer sur les atouts et les limites de la campagne des jours heureux pour franchir de nouvelles étapes dans la reconstruction d’un grand parti communiste, capable d’impulser un mouvement populaire uni et organisé, délaissant les combinaisons politiciennes de la grande famille socialiste dont Mélenchon a pris la tête.

je ne sais pas si Patrice Leclerc est toujours membre du PCF, sans doute que non, en tout cas, il n’a pas parrainé Fabien Roussel pour l’élection présidentielle, et n’a d’ailleurs parrainé personne

[2] dont les circonscriptions historiquement communistes, comme la 14ème du Rhône

[3] a-t-il tenu compte de son échec face à Marine Le Pen dans le Nord en 2012 ?

[4] Comme militant communiste d’un grand quartier populaire, je sais que notre belle bataille qui a bien mobilisé sur les idées communistes a conduit la plupart des électeurs gagnés au... vote Mélenchon !

[5] et plus il pompait la gauche, plus Macron pompait LR et plus Le Pen pompait la colère noire populaire, la stratégie du vote utile était tactiquement tournée contre la gauche et donc s’est révélée au grand profit des droites !


Edité le 19-07-2022 à 16:55:17 par Xuan




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   Posté le 20-07-2022 à 15:47:38   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

A rappeler : ce que dit Brecht aux militants du PCF sous tutelle

20 JUILLET 2022
https://histoireetsociete.com/2022/07/20/a-rappeler-ce-que-dit-brecht-aux-militants-du-pcf-sous-tutelle/


Brecht a l’art des évidences… Il se contente de rappeler la vérité, celle des “faits”, les faits – ou cette preuve du pudding qui tient au fait qu’on le mange – sont de même nature que la découverte que la propriété privée n’est pas le bien de tous… Que quand cette propriété conditionne le travail, le moyen de vivre de ceux qui dépendent d’elle mais que les exploités n’ont plus de pouvoir sur cette propriété financiarisée qui les dévore, il n’y a pas à espérer être libre si le pouvoir politique n’exerce pas une dictature sur leurs appétits. L’armée de ces charognards n’est pas destinée à restaurer la justice mais à vous faire crever pour leurs profits. Une vérité qui était jadis l’ABC des communistes, cela s’appelait la dimension de classe. Pour mesurer à quel point cette vérité est tous les jours depuis plus de trente ans bafouée par les “”directions” de l’Humanité, du secteur international, pour mesurer à quel point les communistes sont trahis, il faut voir que les intellectuels fidèles à Marx, au léninisme, sont aujourd’hui interdits dans l’Humanité, en revanche voici le personnage qui a eu droit à une tribune dans l’Humanité P. Leclerc, dans laquelle des gens comme moi sont interdits depuis plus de trente ans parce que le boulet “trotskiste”(1) a la haute main sur ses complices des médias, c’est à dire que le parti est sous tutelle du capital et la question est de savoir jusqu’à quand les militants accepteront la trahison. Cela ne me concerne plus mais les concerne eux. Pour préciser la question : quelle est la nature de la “divergence” ? peut-elle être résolue par un débat fraternel ou touche-t-elle à ce qui fonde l’utilité du PCF ? C’est cette question qu’il faudra bien trancher. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

« La grande vérité de notre époque – la connaître n’est pas tout, mais l’ignorer revient à empêcher la découverte de toute autre vérité importante – c’est celle-ci :
Notre continent sombre dans la barbarie parce que la propriété privée des moyens de production est maintenue par la violence. À quoi sert d’écrire courageusement qu’on sombre dans la barbarie si on ne dit pas clairement pourquoi ?
Ceux qui torturent le font pour conserver la propriété privée des moyens de production. »

Bertolt Brecht, (1898-1956), communiste, dramaturge, poète, créateur du théâtre dialectique.


Alain Girard nous parle de celui dont l’Humanité publie une tribune au nom des communistes, P. Leclerc

Sur la petite histoire, lorsque MGB devint la candidate que l’on sait à l’élection présidentielle, avec à la clé la rupture dans les collectifs anti-libéraux, P Leclerc avait annoncé son départ du PCF je cite
“En décembre 2006, douche froide avec la proposition de candidature de Marie-George Buffet, (lettre ouverte à MGB) comme candidature unitaire, alors qu’il était évident que cette proposition de la première secrétaire du PCF ne pouvait pas faire le « double consensus » nécessaire. Janvier 2007, je me mets en congé de parti. Je parraine Bové, mais je ne soutiens aucun candidat aux présidentielles.”

19 juin 2007
“En profond désaccord, avec les changements d’orientation sur les élections présidentielles, je m’étais mis en congé de parti tout le temps des présidentielles jusqu’à ce jour. Il est temps pour moi, après y avoir mûrement réfléchi, de clarifier mon rapport au Parti communiste français.
Je vous propose donc de ne plus me considérer dans les effectifs du PCF. Je ne suis plus adhérent.


Octobre 2012, reprise de la carte au PCF pour succéder au maire sortant PCF de Genevilliers, sans commentaire…

Sur le fond, le discours de P. Leclerc est celui de la dilution, de la dissolution dans un magma, avant collectifs anti libéraux, puis un Front de gauche puis la cerise sur le gâteau, la Nupes.

Électoralement déjà un constat, échecs à tous les coups, les stratégies de regroupement autour d’une ligne contre le libéralisme, en clair contre le capitalisme d’aujourd’hui en regret du capitalisme si cool d’hier, car il s’agit dans bien des discours de s’associer à cette démarche de fond qui a pour toile de fond l’idée que le capitalisme est soit invincible soit déjà mort et que dans tous les cas il suffirait de presque rien, de s’accommoder, de négocier les marges…

Le refus de partir du concret sur ces alliances, leurs contenus, leurs résultats, le triomphe de la Nupes en étendard, entendre que la preuve que ça marche parce que le groupe communiste à l’Assemblée est plus fort…

65% des ouvriers employés dans l’abstention avec une autre forme d’abstention, celle des luttes populaires, syndicales…

Sans parti de classe à l’entreprise, sans éveil politique en son sein, sans organisation en son coeur, difficile pour la conscience d’appartenance de classe de se révéler.

Dans le discours dominant nous pouvons lire également que le capitalisme dans sa phase de développement actuel est déjà l’antichambre du socialisme, un tigre de papier, mais pas si mâché que cela.

Sur les différents points mis en exergue sur ce texte, sur les thèmes des droits à la sécurité, sociale et pouvoir retrouver sa voiture tous les matins c’est un droit, ne pas devoir présenter une pièce d’identité à un groupe de dealers pour franchir une entrée d’immeuble c’est un droit, ne pas être obligée de se voiler pour ne pas être emmerdée par des gugusses dans la cité, c’est un droit.

Au fait, en décousu, voir des jeunes en lignes, guidés par les dealers jusqu’aux bureaux de votes, j’ai vécu, il s’agissait de voter Royal qui allait légaliser… Tiens comme JLM d’ailleurs, nous devons prendre en compte que nombre de jeunes des cités ne votent que pour l’immédiat, la survie, parfois celle de toute la famille.

C’est cela l’humanisme bêlant, ne rien toucher au système, le légaliser, belle manière de régler la question, fume et vote.

L’immigration ou les immigrations, j’y ai travaillé 35 ans, le tour du monde gratis, surtout le tour de nombre d’exils, de misères mais le tour de gens extraordinaires pour l’essentiel, leur courage, leur volonté de vivre, de faire la nique au désespoir.
Entre kurdes aux villages rasés, femmes congolaises victimes des viols des soldatesques, algériens privés de soins au pays car tout y est miné par un pouvoir discrédité, entre un étudiant palestinien en errance, chassé de sa propre terre et ces hommes du Darfour pour qui les violences que nous subissons ici n’inspirent que sourires grimaçants, si vous saviez chez nous et ces travailleurs maliens où figure sur le titre de séjour ce métier, trieur de déchets, eux qui me disaient, on va rentrer, il y a du pétrole chez nous et qui n’arrivaient pas à concevoir que ce ne serait pas pour eux…

L’immigration, le migrant ne choisit pas l’exil, d’ailleurs en matière de migrations en intérieur du pays avec la casse des services publics, des industries, les métropoles carnivores…

Le débat et sans doute pire, l’engagement militant pour le développement, le droit au développement, le droit d’exiger que les pillards payent, désormais c’est quelques lignes, petites, en programme, on est si bien chez soi et entre soi sans voir que l’un sans l’autre c’est pas gagné…

Oui j’ai vu des familles algériennes attendre et attendre un logement social avec les ressources à la clé et les politiques désignant des prioritaires, histoire de semer un peu plus de divisions voire de haines.
Tel “public” prioritaire avec une évidence, le non respect d’une priorité, l’égalité et le droit d’accès à un logement qui exigent, par exemple, un ministère du logement, y’a pas, y’a plus, c’est comme les lignes budgétaires, austérité à tous les étages des besoins populaires.

La question centrale du combat pour la paix, le désarmement nucléaire doit retrouver sa place également, c’est peu dans le texte et pourtant c’est génétique chez les communistes et surtout, c’est l’urgence. Etre irradié avec un Smic à 2000 euros ce n’est pas la panacée..

Sur l’ensemble de ce texte, la volonté de rendre à notre peuple un parti qui soit le sien, utile et de transformation sociale est présente, il demeure la nécessité de travailler, non seulement un programme mais la stratégie pour qu’il aboutisse, un programme non seulement porté, adopté par les couches populaires mais qui en soit le fruit. Pour récolter, semer à l’entreprise, dans la cité demeure la seule perspective quand il s’agit d’organiser et de récolter.

Perso je n’ai pas de divergences avec P. Leclerc car je n’ai aucune convergence d’emblée pour un fossoyeur quittant le PCF pour y revenir pour la gamelle. Il faut mesurer les dégâts de ce genre de comportements, le PCF n’est pas un parti comme les autres, c’est celui du combat révolutionnaire, P. Leclerc, Autain sont passés de l’autre côté.

____________



(1) je reste convaincue que tous les trotskistes ne sont pas de la même espèce que les “lambertistes” qui méritèrent le titre peu glorieux d”hitlero-trotskistes, préférant les nazis aux “staliniens”, ni les “Boulets” du secteur international inféodés aux fondations allemandes, et nous publions ici très volontiers les trotskistes des Etats-Unis qui s’avèrent d’abord des anti-impérialistes et qui soutiennent Cuba, le Venezuela, dénoncent le rôle de l’OTAN.

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   Posté le 20-07-2022 à 17:48:12   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Pour info le texte - pétition à l'offensive


À l’offensive !



L’approfondissement de la crise démocratique, sociale et économique, l’absence d’alternative transformatrice caractérisent la situation issue de la dernière période électorale. Pourtant le rejet de la politique d’Emmanuel Macron s’est exprimé fortement. Relevons le défi de transformer cette colère en mobilisation, engagement et espoir. C’est urgent alors que le peuple, atteint dans son pouvoir d’achat, les salaires et conditions de travail, sa dignité, souffre toujours plus de la politique brutale du capital.

Organisation, projet, éducation populaire, le chantier doit s’ouvrir rapidement. Le 39ème congrès ne devra pas craindre la confrontation d’idées tout en recherchant la construction collective et fraternelle pour permettre de nouveaux progrès pour le PCF et pour notre peuple.

La crise politique et démocratique ainsi que la décomposition des institutions de la Vème République dominent la situation, exacerbées par la présidentialisation renforcée par le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral.

L’abstention reste dominante pour tous les scrutins de la période. Aux deux tours des législatives, plus d’un électeur sur deux ne s’est pas déplacé.

L’extrême droite progresse dangereusement en installant un groupe de 89 députés à l’Assemblée nationale, après s’être hissée au second tour des présidentielle. Le cumul Zemmour/Le Pen représentait 34,91 % soit 10 622 312 voix au premier tour de la présidentielle. La droite LR s’effondre aux présidentielles, tout en limitant la casse aux législatives avec 61 députés. Emmanuel Macron est réélu président sans dynamique. Il est sanctionné aux législatives ; il lui manque 44 députés « Ensemble » pour une majorité absolue.

La gauche progresse légèrement par rapport à 2017 mais son poids électoral reste historiquement faible même si le choix de la candidature unique au premier tour permet de progresser en nombre de députés soit 131 députés NUPES et 22 divers gauche. Elle recule en nombre de voix et en pourcentage par rapport à la présidentielle.

Le choix de pousser au « vote utile » renforce à l’extrême la compétition au profit des trois premiers sans en modifier l’ordre, au détriment du débat et du vote sur les projets.

Macron est fragilisé mais la droite et l’extrême droite sont dominantes, tandis que l’électorat populaire reste divisé et la gauche affaiblie.

Le PCF atteint un objectif essentiel. Nous avons présenté, comme nous l’avions décidé au 38ème congrès, un candidat à l’élection présidentielle. Si la campagne dynamique de Fabien Roussel méritait plus que 2,3 % et 802 588 voix , les Jours heureux sont un point d’appui pour l’avenir. Ils nous ont permis d’installer notre parti et notre candidat dans le paysage politique national.

Le rapport de force se joue toujours dans la réalité des résistances et mobilisations du pays, que la gauche soit au pouvoir ou pas. L’accord électoral NUPES ne peut masquer que la question de l’unité populaire et de la construction d’une alternative de transformation sociale et démocratique de caractère révolutionnaire reste posée. D’autant que les désaccords entre les forces de gauche sur la nature des mesures nécessaires pour dessiner une issue aux diverses crises sont profonds. S’ils n’interdisent pas les alliances électorales ponctuelles et les batailles communes sur ce qui fait consensus, ils s’opposent à toute dilution dans un cadre et un programme commun.

Le deuxième objectif atteint est l’existence d’un groupe communiste, un atout important pour notre visibilité et l’activité du PCF. Mais l’obtention du groupe s’est faite sous la contrainte de la France Insoumise et de son leader Jean-Luc Mélenchon. Elle se paie au prix fort de plus de 500 circonscriptions interdites de candidats communistes, malgré des ancrages et des enjeux locaux importants pour aujourd’hui et pour l’avenir. Cela nous a éloignés de l’engagement du 38ème congrès de présenter des candidats à toutes les élections.

Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise ont affirmé dès le premier tour de la présidentielle leur volonté d’installer la NUPES et son parlement comme un cadre permanent pour la gauche. Leurs représentants locaux ne se privent pas de dire que la NUPES s’imposera dans les collectivités locales, décidera des accords pour l’ensemble des élections à venir, des européennes jusqu’aux municipales, pour aboutir à une candidature commune aux prochaines présidentielles. C’est donc une nouvelle tentative d’effacement des partis que tente d’installer le leader de la France insoumise, une fédération de la gauche sociale-démocrate teintée de populisme substituant à la lutte des classes l’affrontement peuple/élites. L’existence du PCF est évidemment un obstacle pour ceux qui veulent effacer le choix de 1920 et l’héritage marxiste-léniniste du 20ème siècle.

Céder à cette entreprise de destruction des partis alors que notre pays et le monde affrontent de graves crises, sociale, économique, sanitaire et climatique dramatique pour tous les peuples et que l’impérialisme US nous prépare avec l’OTAN à une nouvelle guerre serait mortifère pour le PCF, affaiblirait le mouvement social et le monde du travail faisant la part belle au capital.

Dans ces conditions, alors que les diktats de Mélenchon pèsent jusque dans les débats du Conseil national, les communistes doivent disposer de tous les éléments de discussion et être consultés jusqu’au vote statutaire sur toute éventuelle participation permanente aux instances de la NUPES.

L’essentiel à l’issue de cette période, c’est que PCF poursuive les Jours heureux et développe très vite ses propres initiatives.

Nous avons posé des marqueurs de notre projet, poursuivons : financement de la Sécurité sociale et de la retraite par la cotisation, enjeux de l’énergie nucléaire, lutte contre le réchauffement climatique, appropriation collective des moyens de production et les nationalisations, droits nouveaux des salariés, avenir de l’industrie automobile et du moteur thermique, universalisme et laïcité, refus de rajouter de la guerre à la guerre dans les différents conflits….

Le renforcement de notre organisation en nombre et en cellules est essentiel. Le Conseil national doit préparer une grande campagne de pétition sur la hausse des salaires et des pensions commençant dès l’été pour faire connaître notre revendication. Le parti doit aussi être à l’initiative pour proposer à l’ensemble des forces de progrès social, politiques, syndicales et associatives, l’organisation d’une campagne pour les retraites, utilisant toutes les formes de mobilisation depuis les manifestations, les grèves, la structuration de cellules d’entreprises jusqu‘aux pétitions pour un référendum. Faisons de la paix, de la sortie de l’OTAN et sa dissolution un combat essentiel.


Edité le 20-07-2022 à 17:48:48 par Xuan




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On croit toujours avoir atteint le fond… de la liquidation de la démocratie… mais non!
par Danielle Bleitrach
26 AOÛT 2022


https://histoireetsociete.com/2022/08/26/on-croit-toujours-avoir-atteint-le-fond-de-la-liquidation-de-la-democratie-mais-non-par-danielle-bleitrach/

Les déclarations successives de Macron concernant la manière dont en Ukraine nous défendrions notre espace de liberté, la fin de l’ère d’abondance, ont suscité en France une certaine conscience de la manière dont le pouvoir “élu”, nous prenait pour des crétins. Le niveau de l’argumentation équivalant à celui de leur propagande des amuseurs de plateau de télévision montrait ce avec quoi il croyait possible de gruger le plus élémentaire bon sens. Cette manière de tomber les masques n’existe pas seulement en France, et si elle est inquiétante parce qu’elle accompagne un recours à l’autoritarisme, un bellicisme affiché jusqu’à ses conséquences ultimes, elle peut également nous aider à nous réveiller. A mesurer à quel point nous avons été dépossédés de la démocratie, de la possibilité pour le citoyen d’intervenir sur la conduite de sa propre vie comme de celle de la nation apparaît au grand jour. Ce qui se passe aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et dans tous les pays satellites de l’empire marque cette perte de souveraineté sur laquelle il faudra nécessairement se donner les moyens d’agir.

UNE DÉMOCRATIE QUI TOURNE A LA PARODIE ET AU FASCISME D’UNE CLASSE CAPITALISTE

Je ne m’étendrai pas sur ce qui se révèle au Japon, à partir de l’assassinat d’un ex-premier ministre, à savoir l’emprise d’une secte anticommuniste (Moon) pour imposer au pays qui a vécu Hiroshima une course en avant vers le surarmement et le désastre nucléaire. Le fait divers révèle l’état de la société et le fond d’un appel aux forces conservatrices les plus rétrogrades, la “tradition”, la nation illusoire, est conçue pour contraindre un peuple et elle est partout à l’œuvre. Au fur et à mesure que montent les colères populaires, l’impossibilité à vivre, devant la manière dont une classe capitaliste toujours plus enflée de profits, de spéculations prétend encore et toujours faire pression sur le travail, on retrouve alors comme en Ukraine cette alliance entre des mafias, des troupes poussant l’anticommunisme jusqu’à l’ésotérisme. Ce cirque masque de moins en moins l’essentiel, le pillage opéré sur les biens de la nation et du peuple, leur dépossession.

Il faut alors voir quels individus acceptent d’être les élus d’une telle “démocratie”, ce qu’une telle forfaiture engendre. L’arrogance jusqu’à la stupidité d’un Macron se retrouve partout au plan européen, des têtes à claques, des faux durs, qui se croient tous les droits, et il est stupéfiant de mettre en regard la colère et les luttes de peuples face à l’attitude puérile et effrayante de leurs dirigeants et la manière dont on a désorganisé, dépossédé la classe ouvrière, pour mieux ne pas laisser d’autre alternative à une gauche déconsidérée et le fascisme. L’élite a partout le même profil minable et complètement hors sol.

L’exemple de ce qui se passe en Grande Bretagne en est une illustration saisissante : pendant que la paillasse qui assure son propre intérim Johnson multiplie les visites à son homologue ukrainien tout aussi parodique, celle qui prétend à sa succession Liz Truss a déclaré qu’elle serait « prête » à utiliser l’arsenal nucléaire du Royaume-Uni si elle devenait Premier ministre. La dirigeante conservatrice a déclaré qu’elle serait prête à appuyer sur le bouton nucléaire, même si cela signifiait « l’anéantissement mondial ». S’exprimant lors d’un événement hustings à Birmingham, Truss s’est entretenue avec l’animateur de Times Radio, John Pienaar, qui a déclaré que cela le rendrait « physiquement malade » s’il était confronté à la décision. Truss a déclaré que ce devoir était un « devoir important du Premier ministre », et a reçu une salve d’applaudissements après avoir déclaré qu’elle n’aurait aucun problème à ordonner l’utilisation de l’arsenal nucléaire du Royaume-Uni si nécessaire.

La folie de cette déclaration et les applaudissements courtisans qui l’ont saluée dit jusqu’où ces gens comme le malade ukrainien sont prêts à aller contre leur propre peuple. Cela fait apparaître l’arrogance du président Macron comme un moindre mal, une bouffonnerie impuissante à la mode du chancelier allemand, pourtant il ne faut pas sous-estimer ce qu’elle porte de danger, les pas en avant accomplis vers le pire. Dans la même logique, celle du grand remplacement, celui de ces dirigeants incohérents par des malades fascistes, que l’on fabrique comme la seule alternative, le processus est le même : ce qui se passe en Italie montre qu’il ne s’agit même plus de populisme fascisant ou de mafias berlusconiennes mais bien du retour mussolinien dans lequel l’adhésion à l’Ukraine là encore joue son rôle. On sait en effet que la candidate promue à coup de sondage qui font d’elle la seule en situation de débarrasser les Italiens d’une classe politique qui n’a cessé de mener le pays dans le mur n’a pas craint d’utiliser une vidéo montrant une réfugiée ukrainienne violée par des ressortissants du Moyen Orient comme argument à sa xénophobie et de fait son alignement sur l’OTAN, alors même qu’en Italie il y a un fort mouvement pour refuser l’envoi d’armes.

LE RÉSULTAT DE TRENTE ANS DE CONTRE RÉVOLUTION

illustration : ’BFM TV. BFMTV @BFMTV INFO BFMTV Volodymyn Zelensky tiendra le discours d'ouverture de la rentrée du Medef lundi bfmtv.com/politique/volo... 12:19 25 25août22 TweetDeck’


Ne nous faisons pas d’illusion : si nous en sommes arrivés là non seulement en France mais dans ce qu’on appelle l’occident c’est le résultat d’une contre révolution qui a systématiquement et patiemment dépouillé le peuple, la classe ouvrière, les travailleurs de tous ses conquis en matière d’organisation et d’expression. Oui le peuple a besoin d’une patrie souveraine et de démocratie.

Les passions (intérêts) qui culminent dans des campagnes médiatiques doivent être dénoncées pour ce qu’elles sont : le choix de toutes les aliénations, le fétichisme de la marchandise et l’autodestruction.

Il faut se méfier des formules dans lesquelles on prétend résumer le matérialisme historique, cette arme intellectuelle dont on a dépouillé la classe ouvrière et les travailleurs, ainsi en est-il de ces raccourcis comme “le prolétariat n’a pas de patrie” ou encore ce qui parait remettre en cause la nécessité de la démocratie. Ce que dit Marx c’est que la capital prive la classe ouvrière de patrie comme de droits démocratiques, ce dont il est privé il doit l’acquérir mais ce faisant il en transforme la nature. La liberté du travailleur est, pour sa survie, de se vendre au propriétaire des moyens de production et d’en subir la tyrannie. Idem pour la patrie… Cela signifie pour Marx que le travailleur doit construire une autre conception de la nation dont la paix et la coopération entre peuples est l’essentiel, comme il doit construire une démocratie véritable dans laquelle les appétits de la bête sauvage qu’est le capital sont politiquement interdits.

Ce savoir-là a été aboli, partout le capital a patiemment entretenu des complices pour détruire les organisations ouvrières. Ce qui se passe en France où une course de vitesse semble engagée sous des formes diverses entre la fascisation et l’autodestruction à gauche et dans le PCF là aussi témoigne pour qui a le courage de regarder la réalité en face de cette contrerévolution, de la manière dont comme à son habitude le capital tente de créer la confusion entre anti-impérialisme et vrais nazis… L’utilisation y compris du juste combat pour la Palestine, de mouvements en Amérique latine et dans des mouvements de libération nationale de la défense de la patrie avec le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, l’indulgence dont bénéficient les individus à la Soral et Dieudonné. Ils sont un prétexte à haut-le-cœur démocratique pour ceux qui agissent dans le même sens qu’eux pour attiser les conflits, les divisions. Ici nous avons toujours pris garde de les dénoncer. Les groupuscules sont les lieux où sous couvert de radicalisation impuissante mais de vrais haines et compromis se réalisent de telles confusions et le dévoiement anti-impérialiste. Cela aussi plaide en faveur de la reconquête du PCF.

Parce que dans le même temps, il faut réaliser la manière dont le capital et la CIA ont réussi à placer leurs pions à la tête de la gauche et du PCF. Nous retrouvons jusqu’à la caricature les traits caractéristiques de ce personnel du capital de la classe bourgeoise: à gauche, dans le PCF, on a les mêmes, la manière dont ils ont utilisé pour leur carrière les postes, les biens conquis par leurs prédécesseurs, des finances opaques dont plus personne ne maitrise qui possède quoi mais qui en vingt ans ont bradé tous les biens comme toute l’organisation et la formation des militants. Ce qui s’est passé au niveau international a débuté sur le modèle de l’URSS par le placement à la tête d’individus liquidateurs qui se sont taillé des sinécures dans les biens vendus du peuple. Et ces gens-là, de la race dont on fait les oligarques ou leurs complices, se bat jusqu’au bout pour jeter un rideau de fumée sur le crime dont s’avère capable le capital, crée un signe d’équivalence… Ils sont les ultimes atouts de la manière dont cette classe capitaliste tente jusqu’à la révélation du caractère grotesque de la démonstration d’empêcher la souveraineté nationale autant que l’intervention démocratique des citoyens en lui substituant la violence. Ils déconsidèrent la gauche, le PCF et donc ouvrent un espace pour la “radicalisation” fasciste.

Est-il encore possible de surmonter une telle dépossession ?

L’avantage si l’on peut dire de cette farce ukrainienne c’est que les faits se rassemblent et obligent à voir la réalité en face, ainsi en est-il des dirigeants européens mais ce qui se passe dans les partis politiques, dans les médias est tout aussi révélateur.

En ce qui concerne le PCF, la mutation est en train de prendre son sens, non seulement dans le soutien à l’OTAN, dans le refus du secteur international et de la presse dite communiste, l’Humanité en tête de pratiquer le moindre internationalisme actif en faveur des communistes, comme les communistes russes, ukrainiens ou même cubains.

Je cite ici le texte de Michel Strulovici publié hier dans les réseaux sociaux: “Il est des moments où se cristallisent des éléments apparemment disjoints et qui prennent sens. Il en est ainsi du communiqué du directeur de L’Humanité, Fabien Gay, à propos de la fête du journal. Par le pouvoir des mots, Fabien Gay, vient d’installer une distance officielle entre le PCF et ce qui fut son “organe central”. En effet, la direction de L’Humanité invite Fabien Roussel de la même manière qu’il le fait pour JLM, Olivier Faure, les dirigeants écologistes, etc… Si je comprends bien le sous-texte de cette déclaration, L’Humanité largue les amarres et décide que le PCF n’est qu’un parti le soutenant comme les autres. Si mon père était vivant, lui qui comme des centaines de milliers de communistes se battit, bec et ongles, pour la diffuser, il en resterait coi. Et je pense que tous les Résistants journalistes qui arpentèrent les couloirs du journal en seraient saisis de stupéfaction. Si le journal croit se sauver en devenant le porte-parole de l’éphémère NUPES, c’est à dire du mouvement “gazeux” populiste, il se trompe lourdement. A mon avis. Mais peut-être que je n’y comprends rien. La vieillesse certainement.”

Ce constat nous sommes nombreux à le partager y compris dans ce blog, nous ne nous faisons depuis pas mal de temps aucune illusion sur la manière dont le parti communiste a été détruit de l’intérieur et avec lui, privés de perspectives politiques, les syndicats, les associations. Ce qui s’est passé au 38e congrès, pour limitée que soit la poussée témoigne cependant de ce qui couve dans la société française, la non résignation de celle-ci et il ne faut pas comme certains le sous-estimer.

J’ai dit à plusieurs reprises que vu l’état organisationnel et démocratique des forces populaires, il était nécessaire de partir des forces déjà rassemblées et de rechercher une centralité de reconquête parce que tout l’effort du capital depuis trente ans a été de créer les conditions d’une marginalisation tant au plan international qu’au plan interne.

Mais ce dont témoigne aussi la guerre en Ukraine, que l’on soit pour ou contre l’intervention (aventure ou nécessité c’est un processus totalement contradictoire avec isolement et fragilité de la force hégémonique, l’Europe étant la zone la plus malade et l’Ukraine sa caricature, de la stratégie de l’impérialisme américain. C’est un point d’appui essentiel pour la reconquête et une nécessité de cette reconquête que la conscience de ce basculement historique. La seule réponse est dans le Socialisme, l’abolition des mises en concurrences, xénophobies, guerres au profit des coopérations.

C’est ce que veulent à toute force nous faire ignorer les liquidateurs qu’il faut impérativement battre au prochain congrès pour opérer une reconquête politique des droits de la majorité de notre peuple.

Danielle Bleitrach


Edité le 26-08-2022 à 15:50:36 par Xuan




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   Posté le 20-10-2022 à 20:04:03   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

LE PCF EST BIEN TROP FAIBLE, QUELLE VOIE POUR LE REDRESSER ? (Version complétée et finalisée déposée comme contribution au débat du congrès du PCF)

L’obstacle majeur pour créer un rassemblement populaire majoritaire transformateur c’est la faiblesse du PCF dans le prolétariat, car c’est aujourd’hui encore un appareil trop tourné sur lui-même obnubilé par les alliances politiques pour les élections au lieu de l’être par la nécessité d’organiser politiquement la classe ouvrière et les couches populaires afin de lutter pour développer les forces productives, d’agir avec les populations pour un aménagement du territoire qui combat la métropolisation et s’occupe sérieusement de la ruralité.

Le parti communiste d’aujourd’hui a des effectifs très âgés, il n’a pas les jeunes cadres ouvriers qui eux connaissent les réalités de la production et de l’exploitation, ni même des responsables de fédération et de section formés au marxisme. C’est un PCF qui ne procède que très peu à une vraie connaissance des réalités internationales et nationales.
Il hérite de la destruction de l’organisation entamée par Robert Hue et ses affidés qui continuent à défendre des thèses farfelues comme celle du « communisme déjà là » qui relèvent plus de l’intellectualisme de l’entre-soi que de l’analyse de la réalité concrète du développement la lutte des classes contemporaine.

La voie du redressement de la force communiste indispensable est celle de la création de cellules tournées vers le monde du travail et vers la jeunesse et la formation de cadres et de directions à la connaissance du marxisme et de sa mise en oeuvre créatrice.
A l’approche du Congrès du PCF, chaque communiste doit s’exprimer. Fabien Roussel a commencé, par un travail remarquable à rendre visible une identité communiste, par l’affirmation de positions marxistes dans un certain nombre de domaines. Il est l’objet d’attaques à l’extérieur comme à l’intérieur du parti. C’est bien la lutte des classes, l’affrontement ideologique qui s’exprime et il ne faut pas s’en étonner, cela est bon signe car le communisme revient dans le débat.

Cependant, tous les efforts de Fabien Roussel seront vains si il n’y a pas l’expression de chaque communiste afin que le débat permette de faire émerger ce qu’il faut absolument changer dans le parti.

Le dernier congrès a ouvert une porte que certains voudraient refermer pour que la force vitale du communisme ne se déploie pas dans la classe ouvrière et le monde du travail. Car idéologiquement cette société capitaliste craint comme la peste le fantôme qui la hante : celui d’un prolétariat conscient de son rôle historique de devenir la classe dominante.

Tous ceux qui trainent les pieds, qui trouvent toujours des pretextes pour ne pas developper l’activité communiste en direction des ouvriers et des salariés de façon concrète, tous ceux qui refusent que des ouvriers prennent des responsabilités dirigeantes dans le parti, qui ont abandonné l’objectif majeur et fondamental de créer des cellules d’entreprises ou au moins une activité régulière de la cellule de quartier vers l’entreprise, tous ceux là se trompent lourdement car ils tournent le dos à ce qui est historiquement le communisme, le mouvement de ceux qui sont contraints de vendre leur force de travail pour survivre. Car il n’y a de communisme que dans et à partir de l’affrontement capital/travail, que dans et à partir de l’exploitation capitaliste.
Cela necessite donc sans attendre de concentrer et de multiplier les initiatives du parti en direction des entreprises selon un plan de travail au moins hebdomadaire. C’est à partir des liens avec les salariés que le parti se renforcera d’adhésions ouvrières et de jeunes camarades qui deviendront les dirigeants de nos organisations.

Jean-Paul LEGRAND

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   Posté le 02-11-2022 à 23:06:36   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

L'article de PAM :

https://lepcf.fr/Roussel-une-chance-pour-reconstruire-l-unite-populaire?fbclid=IwAR3AxDwU5knCnPIIBHz5oGVUyxxf_N8Y7HSiLASGL6XKNA07W3yxuynz-PI

Roussel, une chance pour reconstruire l’unité populaire un parti communiste pour repolitiser les quartiers populaires
Mardi 1er novembre 2022, par pam


Pour médiapart, Roussel est un problème. Un article repris par le bondyblog titré "le problème Roussel des élus des quartiers populaires", cite des élus communistes critiques qui seraient représentatifs de ces quartiers populaires...

Médiapart, c’est inutile de demander, mais peut-être que BondyBLog acceptera le débat en donnant la parole à d’autres élus communistes de quartiers populaires qui contestent totalement cette analyse critique et au contraire, se battent pour l’unité populaire dans ces quartiers comme avec cette France ouvrière périphérique qui rejette massivement la gauche ?


L’article publié par par Héléna Berkaoui et Olorin Maquindus le 4 octobre est titré Le problème Roussel des élus des quartiers populaire. Il affirme que « dans l’ancienne banlieue rouge, les élus locaux du PCF sont légion à serrer les dents face aux sorties réactionnaires de leur secrétaire national ». Et de citer quelques noms,
- Josselin Aubry, adjoint à la mairie de Fresnes (Val-de-Marne) qui parle d’une « ligne de fracture entre les quartiers populaires »
- Hadrien Bortot, élu de Paris qui pointe ce qu’il qualifie de « posture politique et idéologique “anti-woke”, assumée mais pas débattue en interne »
- une élue parisienne anonyme qui affirmerait « Beaucoup d’élus de banlieue n’ont pas voté pour Roussel au précédent congrès » et qui explique leur silence parce-que « il ne faut pas casser Roussel »
- et le maire de La Courneuve, Gilles Poux, qui pense que pour Fabien Roussel « La connaissance de ce que sont les grands centres urbains le marque peut-être moins que la désindustrialisation des villes du Nord. »

S’ils avaient interrogé d’autres élus de banlieue, cela aurait conduit à un article très différent. On peut leur proposer des noms, Michèle Picard, maire de Vénissieux, Marie-Christine Burricand, élue métropolitaine du Grand Lyon et habitante des minguettes, ou Pierre Bell-Loch, maire de Vitry-sur-Seine, ou Ian Brossat élu parisien d’un des arrondissements de paris avec le plus de quartiers populaires...

Oui, il y a un débat à gauche, chez les communistes, et chez les élus communistes sur l’orientation du PCF. Le 38ème congrès a, pour la première fois, refusé le texte proposé par la direction du parti. Les auteurs croient que ce serait un "malaise", la relation entre La France insoumise (LFI) et les communistes a été cahoteuse, le chef de file de LFI allant même jusqu’à qualifier le PCF de « parti du vide et du néant ».

C’est une vue réductrice mais au fonds révélatrice des motivations électorales des critiques de Fabien Roussel. Que ce soit pour les présidentielles ou pour les polémiques à répétition, l’enjeu est la relation avec la France Insoumise, que ce soit sur le contenu, les communistes ont-ils ou pas des divergences profondes avec les insoumis ? sur les pratiques politiques, comme on l’a vu avec les réactions au vote par le RN de la motion de censure Nupes, ou sur les pratiques militantes, le rapport aux mouvements sociaux avec notamment l’attitude face aux manifestations syndicales ou à la marche d’octobre décidée par Jean-Luc Mélenchon.

Pourtant, la motivation fondamentale du texte choisi par les communistes en 2018" est claire dès son introduction « Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au coeur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps », son premier chapitre faisant un bilan critique sévère de la situation du parti et concluant, bien loin des seules préoccupations électorales

Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.

Les communistes constatent que l’accumulation d’élections depuis le 38ème congrès n’a pas permis d’avancer de manière significative sur des gains en organisation des communistes ni en lien avec les entreprises. Ce pourrait être l’enjeu central du prochain congrès. Mais ce n’est pas la préoccupation des critiques de Fabien Roussel.

Pourtant l’enjeu fondamental révélé par cette longue séquence électorale est bien celui de l’unité du peuple, mise à mal par des décennies de privatisation, de concurrence, de précarité, de recul des services publics. Résultat politique au premier tour des présidentielles ; une abstention dominante dans les milieux populaires malgré la colère contre Macron et le vote utile Mélenchon, une gauche incapable d’être écouté du monde ouvrier, des fractures géographiques et sociales béantes... En résumé, un peuple désuni, trop faible dans le combat de classe que lui impose un capitalisme débridé. On sait que Jean-Luc Mélenchon fait tout pour masquer cette réalité difficile dans une stratégie qui conduit à l’impasse populaire. Certains communistes ne veulent pas la regarder en face. Ils ont tort. Seule la vérité est révolutionnaire.

Mais prenons les débats qu’évoque cet article.

Les critiques des interventions de Fabien Roussel
Fabien Roussel réduit à une stratégie médiatique


Les communistes avaient tellement pris l’habitude de dirigeants absents des médias et ne provoquant aucune réaction que le "succès" médiatique de Fabien Roussel dérange. Il serait « devenu le communiste préféré de la droite ». Certes, la droite utilise bien sûr les contradictions à gauche dans cette vie politicienne, et chacun y accorde ou non de l’importance, mais pourquoi pas de réactions quand les mêmes utilisent les conflits entre dirigeants écologistes ou insoumis ?

La grande majorité des militants communistes sont heureux que leur choix d’avoir un candidat à l’élection présidentielle permette, malgré un résultat trop faible, d’avoir regagné de l’audience médiatique pour les communistes. Mais il est vrai que cela oblige à assumer les débats.

Ainsi, Josselin Aubry « est en permanence en train de se défendre de ses déclarations (...) Nous, on est sur le terrain, ce sont des propos difficiles à justifier devant les associations ». Et bien de nombreux militants et élus communistes sont sur le terrain et constatent au contraire que cela permet d’avoir un vrai débat avec des habitants des quartiers populaires qui ne supportent plus le "bcbg" d’une gauche médiatique qui ne parle pas des réalités qu’ils vivent.

Ceux qui reprochent à Fabien Roussel ses "succès" médiatiques, sont les premiers à réduire la bataille politique à cette dimension médiatique. Quand Josselin Aubry dit « Le plus catastrophique, c’est que cette stratégie tue toutes capacités de remettre des idées de gauche dans le débat politique », c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Fabien Roussel pose des questions au coeur de l’abstention massive des quartiers populaires. Sur les conséquences de la concurrence généralisée sur les divisions du peuple, au premier chef la sécurité, la propreté, les incivilités, mais aussi l’injustice des politiques dites de solidarité, mais "caritatives", qui donnent le sentiment à ceux qui travaillent qu’ils ne sont pas aidés, à l’iniquité de politiques dites environnementales comme les ZFE, aux contradictions d’une aide aux migrants qui fait des choix entre ceux qui sont protégés et ceux qui ne le sont pas, et bien sûr à l’exigence d’un emploi pour tous, digne et avec un bon salaire...

Oui, la gauche est dans une impasse et Fabien Roussel, a sa place, commence à dessiner une autre voie. L’essentiel sera cependant la capacité des communistes à s’organiser pour sortir enfin de ce vieil échec d’une union de la gauche dirigée par les socialistes, et de reconstruire un parti communiste et un rassemblement populaire autour du monde du travail, pour une gauche politique qui retrouve sa force d’abord dans ses liens avec le monde du travail.

Unir le peuple malgré les divisions liées à la mise en concurrence généralisée

C’est le fonds des désaccords. Pourquoi de telles divisions dans le peuple ? Le débat sur le travail et les allocs est-il une invention médiatique ou une réalité politique de terrain ? Qui n’a jamais rencontré un habitant de quartier protester contre ceux qui sont aidés pendant que lui travaille dur ? Ou demander pourquoi les jeunes du quartier ne sont pas embauchés sur les chantiers de rénovation urbaine où on retrouve des immigrés de l’Est ? Ou demander pourquoi il y a tant d’attributions de logement prioritaires quand il attend depuis des années ?

Quand Fabien Roussel affirme que sa gauche est celle d’un bon travail et d’un bon salaire, pas celles des allocations et minima sociaux, pourquoi les réactions de quelques dirigeants à gauche sont aussi violentes [1] ? Il suffit pourtant de lire Fabien Roussel pour savoir qu’il ne défend pas les attaques contre les allocations et minima mais affirme le droit au travail et au salaire pour tous ! Faut-il comprendre que ceux qui le dénonce sont pour les minimas pour tous et un emploi pour ceux qui ont de la chance ?

Quand Gilles Poux explique ce désaccord en supposant que « La connaissance de ce que sont les grands centres urbains le marque peut-être moins que la désindustrialisation des villes du Nord. », on se demande de quoi il parle à propos de grands centres urbains, en tout cas, pas des quartiers populaires qui vivent ces "contradictions au sein du peuple" créées par la concurrence généralisée. Et quand un élu parisien dit « Ici, on n’a pas les populations qui sont ciblées par Fabien Roussel », on se demande comment est son quartier que le journal dit "en voie de gentrification"

Dans mon quartier des minguettes, un des plus grands quartiers prioritaires de France, dans ma barre de 15 étages avec son point de deal et ses problèmes d’incivilités sur la propreté ou le stationnement, je peux témoigner du sentiment général de mes voisins, très majoritairement d’origine immigrée et exigeant "moins de laxisme" ! ou de ce que disaient deux femmes anciennes du quartier lors d’une assemblée générale à l’automne 2021, en plein scandale Zemour des prénoms : "avant il y avait ici des mohamed et des paul, maintenant, il n’ y a que des mohamed". Ce sont les élus communistes de Vénissieux qui leur répondent, en affirmant que leurs difficultés ne viennent pas des prénoms des habitants...

Il serait stupide de nier les fractures de la France entre régions, rural et urbain, banlieues et centres villes métropolitains... Mais si l’article a raison de refuser une opposition des "pauvres contres la pauvres", il devrait justement poser la question "comment unir les différentes catégories du peuple, dans la diversité de leur habitat et conditions sociales ?.

Cela commence par unir le peuple dans les quartiers populaires, ce que les communistes Vénissians ont engagé dans leur débat "repolitiser les quartiers populaires", et bien sûr pour ne pas enfermer ces quartiers dans le discours de victimisation qui nie les raisons de classes de leur ségrégation, condition pour unir entre les différent quartiers.

C’est le défi posé aux communistes et que relève Fabien Roussel à sa manière et dans son rôle, unir le peuple. Et, contrairement à la stratégie en échec de Jean-Luc Mélenchon, il faut d’abord reconnaitre les divisions bien réelles qui existent dans le peuple, faire des choix sur les revendications prioritaires à mettre en avant, pour unir non à partir de valeurs supposées "de gauche", mais à partir des conditions concrètes de mise en mouvement de tous.

La stratégie électorale

Stéphane Peu aurait dit , selon l’article, que « La ligne de Roussel se distancie et se marginalise du rassemblement de la gauche et du peuple » . Je n’ai pas vu de critiques par Stéphane Peu du résultat de son choix présidentiel de Jean-Luc Mélenchon qui pour le coup marginalise la gauche dans la division du peuple

L’article semble opposer Fabien Roussel qui

revendique de vouloir séduire l’électorat du Rassemblement national (RN). Dans son livre Ma France heureuse, digne, solidaire (Le Cherche midi, 2021), il accuse les directions précédentes d’avoir « laissé au seul Front national la mainmise sur des sujets comme la nation, la souveraineté, la sécurité, le vivre-ensemble »

et Stéphane Peu qui dirait

« Le sujet, c’est la mobilisation des abstentionnistes, pas des électeurs du RN. » [2]

Les auteurs n’oublient pas le député François Ruffin appelant à ce que la « France périphérique » devienne une priorité de LFI au lendemain du premier tour de la présidentielle, et reconnaissent malgré tout que « L’ancien candidat à la présidentielle de 2022 incarne un enjeu désormais ancien de la gauche : la reconquête d’un électorat populaire en dehors des grandes villes. ».

Sauf qu’ils tombent ainsi dans ce piège de l’opposition entre quartiers populaires et périphéries populaires, comme si les difficultés politiques de la gauche n’étaient pas les mêmes dans tous ces quartiers ! Car le discours médiatique de la réussite de Jean-Luc Mélenchon dans les banlieues populaires est une construction sans fondement. Si le vote RN reste faible dans ces quartiers, l’abstention reste dominante et Jean-Luc Mélenchon 2022, dominant une gauche affaiblie, fait moins bien dans ces quartiers que la gauche de Mitterrand !

En fait, la bataille de l’unité populaire se joue aussi bien avec les abstentionnistes, que la stratégie de vote utile de JLM a délaissé, qu’avec l’électorat populaire "énervé mais pas fachos" qu’il a finalement délaissé aussi pour se consacrer à pomper l’électorat de gauche restant, signant ainsi lui-même sa défaite.

Il n’y aura pas de reconquête électorale sans marquer des points en faveur de l’unité populaire avec les abstentionnistes comme l’électorat RN, dans les villes comme dans les campagnes !

La préparation du congrès
Il est frappant de voir que les communistes reprenant les polémiques contre Fabien Roussel évoquent très vite le congrès et sa supposée "ligne autonomiste", Josselin Aubry espérant que le congrès permettra de redéfinir une ligne politique. Gilles Poux vent la mèche en remontant dans l’histoire...

« le PCF a déjà eu dans son histoire « des raidissements » mais aussi des stratégies de personnification et d’agitations médiatiques, notamment à l’époque de Georges Marchais. »
(...)
Le prochain congrès du parti, en avril, sera le moment pour clarifier « une ligne qui sur des aspects identitaires frôle le repli sur soi », assure-t-il.


Le retour à Georges Marchais est un hommage peut-être inconscient à une réalité médiatique comme politique. Marchais reste dans la mémoire politique populaire celui qui tient tête au système en portant les intérêts populaires. Que de fois ai-je entendu dans un porte à porte "s’il y avait encore Marchais...". Mais l’époque Marchais est aussi celle où se joue cette union de la gauche qui, de Mitterrand à Mélenchon, se construit sur l’affaiblissement des communistes et est incapable d’organiser un mouvement populaire majoritaire.

C’est bien de cette histoire longue de la stratégie d’union que le 38ème congrès a engagé la critique, affirmant qu’il ne pouvait y avoir de rassemblement populaire majoritaire portant une vraie rupture sans reconstruire un parti communiste portant la révolution du XXIième siècle. Et c’est bien cette critique qui dérange des élus, notamment en région parisienne, élus dont la place hérite le plus souvent de cette union de la gauche électorale et perdant ses attaches de classe. Elle a conduit à la perte du département de la Seine-Saint-Denis qui fournissait une grande part de l’appareil organisé du PCF et symbolisait la mutation de Robert Hue comme la métamorphose de Marie-Georges Buffet, autrement dit sa dissolution dans un mouvement de gauche pour Jean-Luc Mélenchon.

C’est d’ailleurs le nœud de la contradiction à gauche.
- D’un coté, le point de vue de Jean-Luc Mélenchon qui limite la critique de l’union de la gauche à la critique de la droite du PS ayant empêché la contre offensive populaire en 1983, comme si Mitterrand avait jamais envisagé autre chose qu’une gestion loyale du capitalisme !
- De l’autre, un parti communiste cherchant à son dernier congrès des chemins nouveaux pour un rassemblement populaire majoritaire, et affirmant en discutant de ses bases sociales :

Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé.

Ce travail difficile, qui se conduit dans les luttes comme dans les efforts d’organisation, a besoin d’un travail théorique pour repenser une stratégie d’union qui ne dépossède pas le monde du travail de son rôle historique, contester la domination de la bourgeoise, affirmer son rôle dirigeant !

Voir en ligne : l’article publié d’abord sur mediapart puis sur bondyblog


[1]avec un effet indirect surprenant, passer au silence les déclarations de Mélenchon à la fête
[2] Notons que la stratégie insoumise de Stéphane Peu n’a absolument pas fait reculer l’abstention.


Edité le 02-11-2022 à 23:15:19 par Xuan




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Pour un parti utile à notre pays, trois priorités pour notre congrès ! | Histoire et société

https://histoireetsociete.com/2022/12/04/pour-un-parti-utile-a-notre-pays-trois-priorites-pour-notre-congres/

Pour un parti utile à notre pays, trois priorités pour notre congrès !4 DÉCEMBRE 2022

Pourquoi je soutiens le texte qui suit, qui pose clairement et avant toute base commune le parti qu’il nous faut, défendant quoi et avec quelle organisation ? Parce que je vais vous raconter une histoire vraie : Une amie m’envoie cette anecdote qu’on lui rép
était enfant dans sa famille communiste en Corse pour lui enseigner ce qu’est la lutte des classes : c’est l’histoire de cet ouvrier agricole sartenais, un journalier du siècle dernier, qui tous les jours descendait à pied dans la vallée du rizzanese travailler la vigne pour son riche propriétaire terrien.
Un soir, au retour de son travail, alors qu’il pleuvait à torrents, son patron sur sa calèche, s’arrêta sur le chemin à sa hauteur et lui proposa de le ramener chez lui.
L’ouvrier tout reconnaissant monta sur la calèche qui repartit aussitôt.
Après une centaine de mètres, le seigneur” (sgio en corse), c’est ainsi que le riche possédant se faisait appeler, stoppa net et lui dit sur un ton sec : “descends maintenant!”
L’ouvrier tout surpris lui demanda: :”mais pourquoi” et le “seigneur” de lui répondre:
“Sache que le bien des pauvres est de courte durée “… La question est à quel prix le bien des pauvres ne sera-t-il pas de “courte durée” quand ils auront le pouvoir, ils n’auront pas le pouvoir sans être en capacité d’imposer leurs intérêts ? Il leur faut des élus mais sans un parti il semble qu’ils ne soient pas une garantie …
Le vote des députés français à l’Assemblée Nationale s’est fait en connaissances de cause puisqu’aucun d’entre eux ne peut ignorer que les États-Unis font payer le prix des crises à leur alliée, l’Europe, elle paye pour la guerre, pour les sanctions, l’OTAN, pour sa rivalité avec la Chine, les Français n’ont aucune protection à attendre de cette alliance criminelle. Cette Assemblée nationale sait de quoi il retourne et elle envoie le peuple français dans une guerre qui n’est pas la sienne et l’effort de guerre va se traduire par une justification de tous les autoritarismes, toutes les décisions arbitraires. Tous ces députés le savent et en se ralliant à l’OTAN, ils ont fait descendre de la voiture ceux qui espéraient encore en des gens pareils, en confortant le consensus autour du pouvoir des riches. A la suite de quelle pression, quel chantage il ne s’est pas trouvé un seul député communiste pour refuser de signer ce texte qui violait toutes les décisions du parti ? Termineront-ils comme Robert Hue, se ressaisiront-ils? c’est leur problème, seul la mort transforme une vie en destin et c’est à eux de voir… L’histoire les jugera…
Mais aussi ils ont démontré a contrario à quel point il est urgent pour tous qu’il existe un vrai parti communiste, merci de la leçon c’est au moins le service que vous aurez rendu, nul ne peut se satisfaire de vos éternels compromis et de votre “unité” de façade qui retombe toujours du même côté, celle où l’on vous fait descendre de la voiture.
Paradoxalement oui les Etats-Unis veulent la guerre, oui nos politiciens répondent à leur appel, mais ils ne sont plus maitres du jeu. Le monde n’est déjà plus le leur et ils sont grotesques, sinistres et pitoyables à s’inventer des victoires dans la débâcle de leur monde. Ils votent des sanctions le G7 plus l’Australie et reprennent en choeur les délires de leurs marionnettes… Et en violation de tous les textes du dernier congrès voici qu’une assemblée nationale de pleutres avec une douzaine de députés “communistes” unanimes se rallie à cette union sacrée du capital réduit à la portion congrue. Mais le fait est que cela ne peut plus durer cette liquidation et cette trahison permanente de ce que sont les communistes. Le texte qui suit a le mérite d’enfin dire ce qu’il y a dire, il prend ses responsabilité, qui les tiendra? Qu’il existe ce texte-là avant toute base commune est une bonne chose parce que cela prouve qu’enfin on prend les communistes pour des adultes et qu’on arrête les tractations de sommet, les petits arrangements dans les travées du parlement, voire les chantages, le parti ne se limite pas à cela, il n’est pas un appendice de ses élus, y a-t-il un pilote dans l’avion?
Notre peuple français va faire son expérience et celle-ci s’inscrit à contrario de la lâcheté de ceux qui ont trahi sa confiance, il va souffrir, nous allons tous souffrir plus que nous l’imaginons puisqu’il ne s’est pas trouvé à l’Assemblée Nationale un parti, une force pour nous défendre, mais cela dit l’urgence d’aller au bout de la volonté des communistes de défendre l’existence d’un parti communiste, de mener jusqu’au bout la clarification. Que les communistes sachent qu’ils ont derrière eux une longue histoire, celle de la France, celle de ce parti, celle d’une planète qui a choisi d’affronter le capitalisme, les uns en conscience et la plupart parce qu’il leur est impossible d’agir autrement. Ceux là seront-ils capables? En tous les cas ils ont déjà pris leurs responsabilités et ils les prennent encore dans un moment qui est aussi celui d’un changement d’époque dans lequel le rôle des communistes s’avère indispensable comme cela a été dit à la Havane et cela passe par la paix. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)


Samedi 3 décembre 2022, 39 éme congrès 2022 |

Le 38éme congrès, en décidant de réaffirmer la place et l’utilité du PCF dans la vie politique, a permis un nouvel élan de notre activité. Ces quatre dernières années ont été marquées par de nouvelles propositions et actions, tant dans la période du COVID que dans les élections européennes et présidentielles. Pleinement engagés dans ce renouveau du PCF, nous identifions trois questions qui nous semblent essentielles pour déployer toute notre activité politique et nous ancrer comme le parti de la transformation sociale capable de porter l’espoir populaire alors que le capitalisme en crise systémique menace l’avenir de l’humanité.

La priorité de la bataille pour la paix et notre engagement pour un nouvel internationalisme
L’identification de notre projet, contenus et combats, comme « Le socialisme des jours heureux »
Le PCF pour permettre au plus grand nombre d’être acteurs du processus révolutionnaire, priorité à la cellule
I. Pour la Paix et un nouvel internationalisme
La situation internationale se révèle extrêmement dangereuse. Le risque d’une guerre mondiale et de l’utilisation de l’arme nucléaire sont aujourd’hui évoqués ouvertement par les dirigeants de ce monde.

La guerre en Ukraine est d’abord un affrontement entre l’Otan et la Russie, une guerre où les stratèges américains affirment « Faire la guerre jusqu’au dernier ukrainien ». L’OTAN élargit toujours plus son champ d’action et accentue sa force de frappe en Europe orientale, au mépris des engagements pris avec la Russie par les États-Unis et leurs supplétifs européens à la fin de la guerre froide. Si le militarisme du régime de Poutine est indéniable et que celui-ci rêve de restaurer la Russie au rang des puissances impérialistes, cela ne saurait cacher qu’à ce jour la Russie n’est pas une puissance impérialiste, mais une puissance militariste acculée par l’OTAN. Si les opérations russes doivent être questionnées voire condamnées quand des crimes sont avérés, cela ne doit pas masquer que la responsabilité première se trouve du côté de l’OTAN, c’est-à-dire, in fine, des États-Unis et de ses alliés européens. Nous ne pouvons être dupes. Il s’agit pour les Etat-Unis d’atteindre la République populaire de Chine, de s’emparer de nouveaux marchés et de nouvelles richesses, de garantir la suprématie idéologique de l’occident capitaliste sur le monde.

Le blocus impérialiste contre Cuba persiste ainsi que les intimidations contre le Venezuela et le Nicaragua.

Les fossoyeurs néolibéraux s’organisent toujours plus, comme en décembre 2021 au “Sommet pour la démocratie”, initié par les États-Unis, pour décider disent-ils, de “renouveler le monde” au nom du marché libre, au nom des libertés individuelles et au nom de ce qu’ils appellent « leur démocratie ».

L’objectif affiché est clair, créer toutes les conditions pour poursuivre la soumission des peuples qui produisent les richesses, et celle des Nations qui perdent leur souveraineté, à la volonté du capital et à son accumulation durable.

La paix est donc la condition pour ne pas laisser s’installer la barbarie.

La déclaration et les objectifs de travail des 78 partis communistes et ouvriers à la rencontre de La Havane d’Octobre 2022, constitue une base de travail permettant de relancer un mouvement international pour la Paix et nous demandons que le PCF y prenne activement sa place. L’internationalisme doit se décliner dans les initiatives prises par la direction du PCF mais aussi par l’impulsion d’initiatives locales d’informations, de rencontres et de solidarités concrètes.

La France doit sortir de l’OTAN et exiger sa dissolution !

Le 39ème congrès doit prendre la décision d’une campagne pour la Paix dans toute la France permettant d’éclairer l’opinion publique et débouchant sur une grande marche avec l’ensemble des forces progressistes pour stopper cette escalade et exiger la Paix !

II. HUIT THÈSES POUR OSER LE SOCIALISME DES JOURS HEUREUX
Le programme « Des Jours heureux » porté par Fabien Roussel à l’élection présidentielle a rencontré un écho dans la société française. Dans leur diversité, les communistes se le sont appropriés. Ils veulent lui donner corps, le développer au-delà du cadre électoral comme un projet de société.

Car les luttes de ces dernières années buttent sur l’absence d’une perspective politique crédible, alternative à la société capitaliste actuelle. L’électorat populaire qui subit de plein fouet la violence de cette société s’exprime dans l’abstention, ou trop souvent dans la recherche d’un bouc émissaire.

Il appartient aux communistes de porter dans la société un projet politique de rupture en faveur des milieux populaires, avec au centre la question du travail, de son organisation, de la maîtrise des richesses produites. Il reste fort à faire !

Notre prochain congrès est un moment clé pour mettre en débat un tel objectif que nous proposons de nommer « le socialisme des jours heureux », le situant résolument dans le mouvement historique national de 1793 et la commune, du CNR à la dernière présidentielle, comme dans le mouvement historique mondial de toutes les révolutions progressistes, ayant démontré aux peuples qu’une autre société est possible, qu’elle est difficile, marquée par des avancées et des reculs, des tâtonnements et des erreurs, mais que les peuples peuvent y gagner beaucoup pour les salaires, les services publics, les droits fondamentaux (éducation, santé, culture…).

Pour travailler à une telle refondation globale de la société française, nous avons besoin des outils marxistes et léninistes pour mieux comprendre le mouvement du monde capitaliste, en innovant pour construire une perspective socialiste adaptée à la réalité française du 21ème siècle dans un monde en plein bouleversement. En ce sens, il nous faut interroger les « éléments de conquis sociaux » en France, comme leur difficulté à résister à la guerre du capital. Nous devons innover en relation fraternelle avec les forces communistes et progressistes qui se battent partout sur la planète.

Dans cet esprit voici quelques thèses que nous souhaitons porter au débat :

1. Pour envisager un autre projet de société, il faut rompre avec un capitalisme en crise systémique.
Le 22ème congrès en 1976 proposait de prolonger les acquis du CNR dans une « étape de démocratie avancée » par une stratégie d’union de la gauche orientée vers une victoire électorale. L’histoire a tranché, la gauche livrée au parti socialiste s’est tourné vers l’accompagnement du capitalisme en crise, jusqu’au macronisme.

La vague « libérale » initiée par Thatcher, a montré la violence de l’état contre les milieux populaires. On ne peut gagner ni même conserver des acquis partiels sans mettre en cause la domination des pouvoirs économiques. Le capitalisme en crise systémique n’accepte aucun compromis. Il faut rompre tout de suite avec la domination de l’état par la bourgeoisie.

2. Au niveau mondial, l’impérialisme sous égide étasunienne se raidit dans une succession de crises qui mettent en cause sa domination monétaire, économique, technologique et même culturelle.
Aux impérialismes concurrents du début du 20ème siècle a succédé une mondialisation intégrée sous égide étasunienne. Présenté comme le gendarme d’un monde censé protéger la démocratie face aux États dits « totalitaires », cet impérialisme assure en fait un pillage systématique des ressources des nations du Sud. En délocalisant dans ces pays une part toujours croissante de leur industrie, les multinationales peuvent compter sur une main-d’œuvre à exploiter à moindre coût et sur la relance de l’accumulation du capital dans les nouveaux pays ouverts à leur règne pour tenter de contrer une baisse tendancielle du taux de profit, pourtant irrémédiable.

3. Au plan national, l’impérialisme prend la forme d’un capitalisme monopoliste d’État financiarisé contestant de plus nos conquis sociaux. Pourtant, la manne financière versée aux entreprises privées est un puissant facteur de socialisation des grands moyens de production et d’échange.
Profitant des délocalisations et du chômage qui en résulte, le capital a pu attaquer avec succès le pouvoir des syndicats, détruire les conquis sociaux et comprimer les salaires. Fermant la parenthèse du capitalisme monopoliste d’État social où les institutions publiques étaient ambivalentes, à la fois au service des intérêts du capital et du bien public du fait du rapport de force issu de la 2nde guerre mondiale, le capital, avec la diminution progressive de sa plus-value causée entre autres par la décolonisation, a mis l’appareil des États impérialistes à son seul service pour qu’il garantisse son taux de profit.

4. Le capitalisme en crise doit briser toute résistance populaire. Il ouvre la voie aux fascismes
Face au sentiment généralisé de déclassement et à la colère grandissante du peuple, le capitalisme joue la carte de la division, usant tour à tour de son influence pour faire monter le populisme ou le fascisme. Si nous voulons parler à tous ceux qui doutent du système nous ne pouvons nous contenter de leur parler de nos valeurs progressistes, il faut en fait proposer une rupture avec le système qui apparaissent comme un projet alternatif.

5. Briser le règne du capital, sortir de la logique du taux de profit, réorienter les sommes prodigieuses que l’État met au service du capital, nécessite la prise du pouvoir d’État.
Le rôle du Parti communiste est de rendre le contrôle de l’État à la classe des travailleurs et des travailleuses, de les aider à prendre le contrôle des entreprises et à les laisser décider de l’usage des fonds mis à la disposition des entreprises.

Un tel choix concourt à la remise en cause systémique des pouvoirs de la grande bourgeoisie et se traduit forcément par un affrontement total dont l’enjeu est la prise définitive de contrôle de l’appareil d’État. Mais nous pourrons enfin disposer des leviers nécessaires pour résoudre les grands enjeux de civilisation. Une fois conquis cet appareil d’État, il sera plus aisé de créer les outils d’une planification démocratique de réorienter l’allocation du capital vers le bien commun et progressivement mettre en place de nouveaux critères de gestion. C’est ainsi que le programme des Jours heureux pourra finalement transformer la société et bâtir le socialisme des Jours heureux en France.

6. Parce que nos conquis sociaux, comme le financement public des monopoles privés, sont des constructions nationales, la souveraineté de la France face à l’UE et à l’OTAN est primordiale.
La forme pervertie de socialisation de l’investissement et d’une large partie des profits qui a déjà eu lieu s’est faite à l’échelle nationale, y compris au sein de l’Union européenne (UE). C’est dans l’histoire nationale que sont construits nos conquis sociaux. Loin de minorer les interdépendances entre les États, notamment au sein de l’UE, et le besoin de larges coopérations, nous aurons besoin d’autres révolutions ailleurs qu’en France pour desserrer l’étau que le capital ne manquera pas de faire peser sur la France des Jours heureux. Le capitalisme dont nous hériterons est un capitalisme de monopoles nationaux financé par leurs États-Nations.

7. Nous pourrons nous appuyer sur un début de rééquilibrage des forces entre l’impérialisme mondialisé et les pays du sud.
Malgré l’effondrement des pays de l’Est et l’affirmation d’une victoire totale de l’impérialisme, en trente ans la part de l’économie mondiale contrôlée par l’impérialisme n’a cessé de régresser passant de près de 50 % à moins de 30 %. Les BRICS en voie d’élargissement, et notamment la Chine subvertissent la mondialisation qui bénéficiait tant à la classe capitaliste des pays impérialistes.

C’est vers l’ensemble de ces pays en voix d’émancipation de l’impérialisme que nous trouverons aide et coopération comme le font déjà des pays comme Cuba ou le Venezuela. Une prise de distance avec les traités de l’UE se traduira par un internationalisme renouvelé.

8. Nous avons besoin d’une internationale, loin de la trahison de 1914 , qui ouvre de nouvelles relations internationales préfigurant une « communauté de destin pour l’humanité » nécessaire à la résolution des enjeux climatique et de développement mondial. [1]
On ne peut espérer construire et réussir une telle rupture seul sans avoir au préalable tissé de nombreux liens de coopérations et d’échange avec tout ceux qui nous ont précédés ou qui comme nous cherchent une voie vers le socialisme. Dans cet esprit, la coopération avec les partis communistes et ouvriers telle qu’elle s’est matérialisée lors de la conférence de la Havane doit s’intensifier.

III. Le PCF : Son organisation, une clef indispensable pour gagner la bataille idéologique, un outil pour construire le socialisme des jours heureux.
Pour agir et bâtir la France des Jours Heureux, notre 39e congrès doit affirmer clairement la nécessité du Parti, de son organisation, de son activité, du redéploiement des communistes en France qui exige une politique de formation ambitieuse. Seul un parti organisé, un parti de proximité, en phase avec les réalités concrètes peut mener la bataille idéologique et un combat émancipateur.

1. Un PCF utile, au plus près des préoccupations populaires : Priorité à la cellule

Par sa structuration, le parti doit offrir des champs d’action et d’intervention aux travailleurs et travailleuses et se donner les moyens de son renforcement.

La cellule est aujourd’hui l’outil pouvant nous permettre un travail de proximité efficace. Notre but est la prise du pouvoir politique et économique, cela passe par notre ancrage sur le terrain au plus près des travailleurs et travailleuses, des citoyens et citoyennes.

Notre objectif est de structurer le PCF avec des cellules, en dépassant les difficultés. Nous devons travailler la question de fond de notre ancrage local, de son renouvellement de la formation des militants à la base. Être un parti populaire contre tous les populismes, c’est permettre à nos concitoyens de s’emparer du fait politique à chaque instant.

Notre rôle est d’éveiller les consciences et de faire vivre la démocratie. Il nous faut rompre avec l’électoralisme qui nous pousse trop souvent à n’agir qu’en fonction des échéances électorales, dans un pays où la constitution et l’hyper présidentialisation structure la vie politique.

Il est essentiel de montrer jour après jour la pertinence du socialisme des jours heureux pour répondre aux problèmes concrets que rencontrent la population.

Dans un contexte de défiance vis à vis de la politique, l’ancrage et l’identification de nos camarades par leurs collègues de travail, leur voisinage permet de montrer que le PCF n’est pas un parti comme les autres. Loin des professionnels de la politique, il est le parti de ceux qui s’organisent et s’activent.

Avec la dévitalisation financière de nos cellules, les lieux d’échanges des communistes se sont fortement reportés vers les AG de section. Nous constatons que si elles sont parfois nécessaires, elles tendent à scléroser l’activité du parti autour d’un petit nombre de camarades, réduisent l’expression et la mobilisation du plus grand nombre.

En revanche, la cellule permet au parti de confier à chacun de ses adhérents une part dans l’effort commun et dans la discussion commune, condition préalable à la démocratie interne et à la mobilisation de chaque adhérent.

Lors de la réunion de cellule, c’est au travers des échanges et des discussions sur la situation internationale, nationale et locale que se forgent les actions et la feuille de route. C’est dans ces moments que chacun apprend, enrichit ses analyses, et se forme.

Il importe également d’accentuer vigoureusement l’effort de formation, préalable à l’efficacité de notre activité ainsi qu’au renouvellement des cadres. Il nous faut mettre en œuvre, à tous les niveaux de notre parti, des temps de formation. Ces temps doivent également mettre en avant les revues et publications du parti.

La forme parti est une nécessité. C’est un gage d’efficacité dans le combat révolutionnaire pour la prise du pouvoir.

2. Un parti présent et actif sur les lieux de travail

C’est dans les entreprises que s’exerce la contradiction capital/travail ; lieu d’exploitation, l’entreprise est l’endroit où le capital assure sa domination.

A l’inverse de ce qu’affirme le capital, la classe ouvrière est une réalité inhérente au monde du travail. Bien qu’hétérogène, le monde du travail a des intérêts communs et des aspirations communes dont nous devons nous emparer.

Entre 1937 et 1996, les cellules d’entreprises ont groupé entre 25 % et 35 % des adhérents du parti [2]. Se retrouver et militer sur le lieu de travail est essentiel, même si cela exige de la prudence.

Aujourd’hui, les 50 plus grandes entreprises françaises regroupent plus de 15 % des salariés du privé, soit plus de 2 millions de salariés. Les 500 plus grandes entreprises en regroupent plus du double. Et les petites et moyennes entreprises sont le plus souvent organisées au sein d’un groupe : 80 % des PME de plus de 40 salariés font partie d’un groupe. En France, 6,5 millions de salariés travaillent pour une multinationale (française ou à contrôle étranger).

Le pouvoir économique de ces groupes et de ces entreprises est immense et le combat au sein de ces entreprises pour un pouvoir populaire est essentiel. Être capable de contester les choix des capitalistes, les choix économiques des directions des entreprises et des groupes suppose d’acquérir une connaissance concrète de l’outil de production, des enjeux d’investissement. C’est seulement ainsi que nous sommes capable de montrer que d’autres politiques, des politiques de développement, d’investissements sont possibles et nécessaires.

Dans l’entreprise, le travail politique et le travail syndical sont complémentaires. Un tract du parti peut apporter des explications, des perspectives qui vont au delà du combat syndical et sont essentielles à la compréhension des enjeux et des combats. Le syndicat peut alors se centrer sur ses missions et rassembler largement les salariés.

Les lieux de travail, les lieux d’activité sociale et économique, ce ne sont pas que les entreprises privées. Dans la plupart des villes, les premiers employeurs sont souvent l’état, une collectivité, un hôpital… Là aussi, une présence communiste régulière, auprès des travailleurs, par un bulletin ou un tract thématique diffusé massivement, animé si possible par une cellule communiste fraternelle et ouverte doit être une priorité.

Notre congrès doit faire de l’activité du PCF en direction des travailleurs et travailleuses une priorité politique et d’organisation.

Être au plus près des travailleurs et travailleuses, c’est se donner les moyens d’être visible et de rayonner sur tout un bassin de vie. C’est le lieu pour relayer nos grandes campagnes politiques et thématiques et notre conception du socialisme. Tourné vers l’avenir et combattant du bonheur universel, le PCF doit être la force qui bouscule l’ordre établi.

Les élections Européennes avec Ian Brossat et les élections présidentielles avec Fabien Roussel ont permis notre retour dans le paysage politique et sur le plan médiatique.

L’engagement déterminé de milliers de communistes à travers le pays à pu s’exprimer lors de ces batailles. Faisons de cette force un moyen de poursuivre le renforcement de notre parti au travers de notre présence auprès des travailleurs et travailleuses.

Le Parti Communiste doit reprendre le chemin de la proximité, travailler d’arrache-pied à sa réimplantation au plus près des intérêts populaires pour construire la France des Jours Heureux.

Contribution collective : Kamel BEN AZZOUZ, Stephane BAILANGER, Pascal BRULA, Robert BRUN, Marie-Christine BURRICAND, Michèle CARBONNIER, Esteban EVRARD, Clara GIMENEZ, Kevin GUILLAS-CAVAN, Jonathan JUILLARD, Jean-Paul LEGRAND, Fabienne LEFEBVRE, Anne MANAUTHON, Franck MARSAL, Jean-Pierre MEYER, Pierre-Alain MILLET, Leila MOUSSAVIAN-HUPPE, Michèle PICARD, Hervé POLY, Gilbert REMOND, Benoit ROGER, Laurent SANTOIRE, Nicolas STIENNE, Danielle TRANNOY


Edité le 04-12-2022 à 17:15:22 par Xuan




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   Posté le 06-12-2022 à 16:36:12   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

La question est qui a conduit le PCF jusque là, jusqu’à ce bradage d’une vie de lutte pour la paix, de desintéressement, d’intégrité ?


https://histoireetsociete.com/2022/12/06/la-question-est-qui-a-conduit-le-pcf-jusque-la-jusqua-ce-bradage-dune-vie-de-lutte-pour-la-paix-de-desinteressement-dintegrite/


Sur la déclaration du Ministère français des Affaires étrangères concernant les projets de la mise en place d’un “tribunal spécial pour la Russie” nous n’épiloguerons pas, cela regarde le peuple russe mais ce qu’elle nous dit mérite aussi que l’on y réfléchisse parce qu’il s’agit de la cécité volontaire de la France et c’est bien réel. Oui la France c’est le colonialisme, l’Indochine, et les horreurs de la guerre d’Algérie, mais c’est Henri Martin, Henri Alleg… Ils sont restés jusqu’au bout au PCF même en critiquant, en se retrouvant avec d’autres pour refuser la dérive. Ce que nous dit ici la Russie concerne particulièrement le PCF, non parce qu’il devrait au nom du passé soviétique s’aligner sur la Russie d’aujourd’hui, mais parce qu’en tant que Parti communiste, il doit œuvrer à la paix dans un monde nouveau qui cherche à naitre, le sens même de ce qui s’est dit au sommet de la Havane. Cette perspective a besoin de communistes, de patriotes, en ce qui concerne la paix, une solution diplomatique ne peut pas ignorer l’origine des guerres, et accorder du crédit au seul camp de l’OTAN, systématiquement appuyer sa propagande et finir par signer ce genre de chose. Il ne peut pas sans se détruire cautionner cette trahison de lui-même et de son pays.
Un communiste sait ou devrait savoir que la France ce ne peut pas être seulement cette vague militariste qui va au devant des souhaits des Etats-Unis, s’aligne sur cet État et ses intérêts qui la dupent par lâcheté, par complicité néo-coloniale ? Face à cette lâcheté, la stupéfaction de la France, “celle qui répond au nom de Robespierre”, le parti des 75.000 fusillés, de l’honneur et de la droiture malgré tous les colonialistes, les bourreaux, les messieurs Thiers, est encore plus douloureuse. Elle est la réaction d’un communiste simple et honnête qui n’a jamais rien demandé pour lui-même ni poste, ni honneur, quand il découvre qu’André Chassaigne, qui jusque-là le représentait dignement a porté ce genre de proposition au nom du groupe communiste, il s’interroge sur qui a pu obtenir que cet homme intègre accepte cette tâche indélébile sur une vie de militant droit et honnête, comme nous sommes tous salis? Il ne s’agit pas seulement de s’indigner mais bien de comprendre comment peut-on en arriver là?
Il est temps de demander : qui êtes-vous hommes de l’ombre, conseillers vendus à l’OTAN depuis de nombreuses années, vous alignant depuis toujours sur les allégations mensongères des Glucksman et autre BHL, menant campagne contre la Yougoslavie, la Russie, la Chine, en fait tous les pays que désigne l’empire. Est-ce dans le seul espoir d’avoir des accords de sommet avec le PS et les verts dans les futures législatives, est-ce le prix de ce reniement ? Qu’est-ce qui fait votre puissance au sein de ce parti? Le silence de ceux qui ne veulent pas voir, pas savoir mais jusqu’où iront-ils ?
Ce n’est même pas de l’opportunisme électoraliste, la courte vue pour avoir des élus communistes, l’électoralisme est une manière de rationaliser la forfaiture dans laquelle vous nous entraînez. Et même si l’horizon indépassable d’un élu communiste est désormais l’élection prochaine, Chassaigne et nous tous savons que suivre aussi aveuglement Macron n’est pas la méthode pour convaincre l’électorat, le nôtre mais notre peuple. Vous qui avez contribué avec les Joliot Curie à créer le nucléaire civil et dénoncé toujours le nucléaire militaire, vous vous alignez sur Macron qui a tout privatisé, lui et ses prédécesseurs ruiné notre indépendance énergétique et au moment où son gouvernement va nous plonger dans le noir, en cherchant des guerres prétextes, y compris nucléaire vous croyez qu’il y a là de quoi vous rapporter une voix? Alors pourquoi ? Vous croyez réellement aux inventions horrifiques des plateaux de télévision, des chaînes en continu à propos du Donbass et de l’héroïsme d’Azov? Il serait temps alors de faire le bilan de la manière dont vous vous êtes intoxiqués vous-mêmes ?
Nous sommes nombreux à avoir vécu l’expérience de la main mise sur le parti, de votre censure, de la manière dont vous manipulez les militants. Mais permettez mon expérience personnelle, sur la durée, trente ans environ, et dernièrement encore quand nous avons tenté Marianne et moi de faire connaitre les crimes ukrainiens dans le Donbass, les 48 personnes brulés vifs dans la maison des syndicats à Odessa. Nous avons été interdites y compris dans La Marseillaise, alors que les mères des martyrs dont un jeune JC de vingt ans sont venus dans les locaux de la CGT 13. Il n’y a pas eu un dirigeant du parti des Bouches du Rhône pour les accueillir. Cette omerta qui a pu être imposée au parti l’a été par quelle mafia en s’appuyant non seulement sur le carriérisme minable, mais aussi sur le désir des communistes de conserver l’unité de leur parti, et de plus en plus leur sous information, leur désorganisation.
La dérive vient de loin, les mêmes qui ont soutenu Robert Ménard contre Fidel Castro, les Patrick le Hyaric & Co… suivent fidèlement toutes les propagandes de l’OTAN. Ils s’intéressent aux kurdes parce qu’ils sont dans la coalition qui attaque la Syrie pour l’empire, aux femmes iraniennes pour les mêmes raisons, les causes humaines sont salies par ce fil à la patte. A quand l’adhésion à l’ordre d’envoyer des bombes sur ces pays pour leur apprendre à vivre en massacrant la population civile ?Jusqu’à quand exerceront-ils leur censure ces copropriétaires autoproclamés du parti, de sa presse, de tout ce qu’ils ont vendu et de l’argent qu’ils ne cessent d’exiger des militants sans jamais rendre des comptes.
Jusqu’à quand en les suivant approuvera-t-on la guerre, fera-t-on silence sur les communistes mis en prison, jusqu’à quelle folie conduira-t-on par censure de ceux qui protestent le parti communiste français, le journal de Jaurès et de Marcel Cachin ? … C’est avec ce bilan-là que vous espérez rencontrer les Cubains, mais ils ne peuvent que mépriser ce parti qui a caché la signature de la Havane pour chuter sur une telle ignominie …
Mais le pire est que vous êtes prêts à nous envoyer en guerre parce que comme tous les traitres de cette assemblée qui n’a rien de nationale, vous cédez à la vague militariste qui submerge cette chambre introuvable et avec eux vous trahissez la France…
Il faut que les députés fassent leur autocritique, qu’il y ait au sein du parti une discussion sur ce que l’on peut attendre de ses députés, du secteur international, de la formation nécessaire des militants, qu’on arrête les mondanités et que l’on s’intéresse au parti, au rôle d’intervention des militants, de l’organisation, que l’Humanité s’engage à ne plus censurer tout ce qui déplait à l’OTAN et que l’on arrête de mépriser les communistes, ce doit être l’engagement du 39e congrès pour que celui-ci ait un sens, pour qu’un début de confiance règne dans ce moment où se construit l’unité du parti. Pas de grand déballage, mais une ligne claire et les moyens d’y parvenir. Qui poussera la complicité jusqu’à vouoir ignorer cet acte là, parler d’autre chose ? Pour les encourager à aller jusqu’où ? cela n’a que d’autre duré…
Mais que ceux qui prétendent juger de ce parti en restant en dehors au lieu de contribuer à sa re-création, une fois de plus, se demandent quel rôle réel ils jouent, comment espèrent-ils vaincre le capital, convaincre la masse de notre peuple, s’ils ne sont pas capables de reconquérir leur propre parti? On a besoin d’eux … C’est ce que Lénine disait à Monmousseau le dirigeant syndical qui refusait de se mêler au parti de Frossard: “tant que tu n’y sera pas, les socialistes bourgeois feront la loi et te priveront du parti”. Monmousseau a adhéré et quelques mois après s’est retrouvé avec Marcel Cachin, Gabriel Peri à la Santé pour avoir dénoncé la guerre et fraternisé avec les communistes allemands… Comme le député Ambroise Croizat a été mis en prison avec les autres députés communistes par le gouvernement socialiste issu du Front populaire pour avoir refusé de dénoncer l’URSS dans son obligation après Munich de faire face à l’Allemagne et à qui on voulait attribuer la cause de la guerre… Ambroise Croizat qui nous apporta la sécurité sociale qu’ils veulent brader, qui mourut d’épuisement et qui jamais n’a trahi le chemin de l’honneur. Oui le PCF c’est cette histoire-là, la seule qui aura fait de notre vie le meilleur, la seule chose que l’on retiendra de nous tous, personne ne doit l’abandonner comme un étendard peut l’être par des lâches dans une bataille qu’ils fuient. Non vous ne recréerez pas de toute pièce un autre parti communiste, tout ce que vous ferez ce sont des groupuscules, autour de gens devenus malgré eux des liquidateurs, mais je puis vous dire parce que je vous connais tous que l’on a besoin de vous et qu’il est temps de le comprendre.
Et toi me diront-ils ? Moi, c’est vous qui m’avez abandonnée et rendue incapable d’agir, il y a mes défauts, ma franchise, mon manque de “diplomatie”, et c’est pourquoi j’ai décidé de les mettre au service de tous, là où avec Marianne et d’autres nous pouvions encore agir, je n’ai plus ma carte et je ne la reprendrai jamais justement parce que ce qui est important est ce que nous pouvons faire, c’est ça qui fait de nous désormais des communistes. Je n’ai pas été la seule à jouer ce rôle de sentinelle, c’est vrai et ceux que je critique souvent pour leur refus de renforcer le PCF, parfois en rejoignant la social démocratie dans ces pseudos-radicalismes, ont eu un tel mérite. Mais la plupart d’entre vous peuvent et doivent agir autrement que moi, ils n’y seront pas interdits comme je le suis, pour recréer ce parti, non pas le diviser – il y en a qui sont là pour ça – mais au contraire reconstruire son unité d’action et de pensée, son efficacité.
La situation est grave, elle peut encore devenir pire, et c’est pourquoi la France les travailleurs ouvriers, intellectuels, la jeunesse, tous ont un besoin urgent d’un parti communiste, de ses militants désintéressés, d’une direction voyant loin et agissant dans l’intérêt des travailleurs, de la paix, de l’égalité et de la fraternité, il n’y a pas d’autre parti pour jouer ce rôle, le détruire est prendre une responsabilité historique. Vous tous qui assumez un rôle de direction, vous n’êtes pas au dessus des communistes, vous n’avez pas reçu mandat pour le liquider et le déshonorer, les communistes sont tous responsables et à ce titre ils doivent entamer un véritable dialogue sur ce qu’ils veulent, sans chasse aux sorcières, fraternellement mais sans feindre de ne pas voir.
Nous n’avons pas sous la main de Fidel Castro, de Maurice Thorez, ni même de Marcel Cachin, il faut faire avec ce que l’on a, renforcer le collectif et de lui surgiront les personnalités à la hauteur de la situation. Le collectif doit donc suppléer à la faiblesse des dirigeants, les aider à naître c’est notre conception des “grands hommes”, ils ne sont rien sans les masses qui font l’histoire, aidons ceux qui tentent d’avancer vers un peu mieux par notre critique mais aussi par notre action : les yeux ne peuvent pas se fermer et les bouches se taire, au point où en est le parti pour pouvoir vivre ensemble, retrouver un début de confiance, il faut savoir ce que l’on veut. Sans ce minimum-là rien n’est possible et faute de cela vous signez l’acte de décès du PCF au moment où on en a le plus besoin. C’est de vous communistes dont tout dépend.
Danielle Bleitrach

2472-02-12-2022

Communiqué de presse

Nous sommes indignés par la déclaration du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères concernant le projet de créer un “tribunal spécial pour juger les crimes d’agression de la Russie”. En plus d’essayer d’impliquer la Cour pénale internationale, les pays occidentaux ont décidé de promouvoir l’idée de créer une autre instance “judiciaire” ouvertement politisée, qui, en fait, n’a rien à voir avec la justice.

Nous ne cessons de nous étonner du cynisme des autorités françaises. Soulignant que leur “priorité” était “la lutte contre l’impunité” en Ukraine, le Ministère français des Affaires étrangères refuse de voir les nombreux crimes de guerre documentés des forces armées ukrainiennes et les taisent délibérément. Pour une raison qu’on ignore Paris ferme les yeux sur l’arbitraire jurudique du régime de Kiev au cours des huit dernières années contre les habitants du Donbass, qui continuent de mourir sous les tirs quotidiens d’artillerie et de roquettes. Ils refusent de voir les meurtres de civils et les sévices dont ils sont victimes commis par les forces armées ukrainiennes dans les territoires contrôlés par Kiev. Ainsi, tout récemment, des images choquantes de l’exécution de prisonniers de guerre russes non armés par des combattants ukrainiens ont fait le tour du monde. Avec une indifférence totale de la part des zélatuers présumés de la légimité et des droits de l’homme parmi les démocraties libérales, la junte de Kiev crée année après année une atmosphère d’intolérance totale envers la dissidence, recourant aux formes de pression les plus odieuses sur les médias et les journalistes indésirables et soutient la violence à leur encontre allant jusqu’aux représailles physiques. Or, pour les autorités françaises, tout cela n’a pas d’importance. Pour elles, seul importe ce que rapportent les émissaires de Kiev et la propagande du régime criminel.

Nous exigeons des diplomates français, si attentifs à la protection des droits de l’homme, de ne pas diviser pas les gens en “bons” et “mauvais”, “les siens” et “les autres”. Parmi les nombreuses équipes d’avocats et de criminalistes envoyées par la France en Ukraine, au moins un expert aurait dû être désigné pour étudier les atrocités des nationalistes ukrainiens qui sont bien connues, ainsi que pour visiter les territoires russes bombardés par les forces armées ukrainiennes.

Ce n’est pas la première fois que nous faisons face à l’hypocrisie des pays occidentaux lorsque nous discutons des conséquences humanitaires des hostilités. Les crimes des États-Unis et de leurs alliés en Yougoslavie, en Irak, en Libye, en Syrie et dans d’autres pays, qui ont fait de nombreuses victimes parmi la population civile avec des armes de l’industrie militaire américaine et européenne, sont évidents pour les résidents des États concernés, leurs voisins de la région, et tous ceux qui ne font pas partie du fameux “milliard d’or”. La tentative actuelle des pays occidentaux de mettre en place un mécanisme pseudo-judiciaire sans précédent dans son nihilisme juridique est un autre exemple de la pratique occidentale du deux poids deux mesures. Un tel “entre soi” n’aura jamais de juridiction sur la Russie.

Il est particulièrement étrange d’entendre de telles déclarations venant de Paris. Les crimes de guerre commis par les Français pendant la période du colonialisme en Algérie pendant la guerre pour l’indépendance, en Indochine, et, à partir d’exemples récents, en Libye, sont restés impunis et ont privé la France du droit moral de faire de telles déclarations. On ne se souvient pas que le Ministère français des Affaires étrangères ait désigné à haute voix ces dossiers comme ses “priorités”. Nous recommandons que Paris commence par créer un tribunal spécial pour ses propres crimes au cours des guerres coloniales, de diverses opérations punitives, d’interventions dans diverses parties du monde.


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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
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L’histoire sert à se repérer dans le présent, réflexions sur l’opportunisme des milieux dirigeants de la classe ouvrière, par Danielle Bleitrach

5 DÉCEMBRE 2022

https://histoireetsociete.com/2022/12/05/lhistoire-sert-a-se-reperer-dans-le-present-reflexions-sur-lopportunisme-des-milieux-dirigeants-de-la-classe-ouvriere-par-danielle-bleitrach/

En survolant la base commune qui vient de sortir du conclave du conseil national du PCF du weekend, je dirais qu’elle marque un statu quo donc nécessairement un immobilisme. Pas la moindre avancée depuis le 38e congrès mais la droitisation est freinée. Il faut replacer ce statu quo dans ce moment où la politique française elle-même parait suspendue dans l’attente de ce à quoi elle refuse de faire face. On ne sait combien de temps cela va durer. Cela peut s’accélérer, alors le congrès en avril nécessitera d’autres thèses (d’avril comme il se doit, enfin pas jusque-là, soyons réalistes). Donc cette base commune reflète la médiocrité politique du moment, parce que le Parti communiste Français limite lui-même les enjeux réels de la période historique et retrouve la sécurité des ornières dans lesquelles tout le monde piétine. Et pourtant si j’étais une militante communiste, je m’intégrerais pleinement à ce congrès pour faire avancer les consciences quoi que je pense de cette base commune qui n’interdit rien, ne propose pas grand chose mais laisse toute latitude aux militants pour s’impliquer individuellement et en groupe… parce qu’on a rarement raison tout seul. Alors l’essentiel est dans ce travail d’amendement de ne pas perdre la vision du but : former une force qui soit en situation d’affronter le capital, son militarisme, sa répression et de passer outre les blocages opportunistes en proposant le changement de société, peut-être en parlant du grand absent de cette base commune, le socialisme avec son parti révolutionnaire… ça peut toujours servir…
illustration : Frossard et Marcel Cachin… nous avons le choix… encore faudrait-il savoir de qui il s’agit.

1-La base commune ou le statu quo
Pourtant, il y a déjà une contradiction entre cette peur de changer et l’impossibilité de continuer comme avant qui sourd dans la population française. De celle-ci, on préfère entendre la peur du changement plutôt que l’aspiration à changer. Cela se traduit chez les éléments les plus avancés, si je fais référence à mes informations sur l’état du parti, à un divorce croissant entre la prise de conscience de la base et le ronron des sommets, en tous les cas un besoin de réflexion et d’action avec les moyens de mettre en œuvre, ce qui n’existe pas dans cette base commune.

Ce qui caractérise d’ailleurs toute la vie politique de notre pays dans laquelle un personnel politique qui est littéralement intoxiqué par l’usage excessif des plateaux de télévision et leur ambiance hors sol, et qui finit par croire que c’est là réellement la préoccupation des Français. Leur horizon, celui de cette base commune et de la forfaiture du vote ce texte qui range la France derrière l’OTAN, c’est celui des élections législatives anticipées auxquelles songe Macron et qui les obsède. C’est l’horizon temporel de cette base commune.

Les dirigeants communistes qui ont rédigé ce texte ne sont pas pire que les autres partis, ils sont comme eux incapables de voir le basculement historique dans lequel nous sommes, incapables de concevoir un parti qui ne soit pas autre chose que des groupes de distributeurs de tracts pour élections. Leur horizon c’est une union de la gauche qui leur permettra la conquête des postes et une participation gouvernementale où ils auront un ministère qui leur permettra d’appliquer les thèses du secteur économique sur l’emploi : la formation etc… La base commune telle qu’elle est est un anesthésiant à toute ambition d’avoir un parti qui se batte pour un changement de societe. Bizarrement on retrouve la sortie de l’OTAN dans le texte, comme une sorte de concession à la sensibilité majoritaire du parti mais on sent que cette question n’a pas entrainé la moindre discussion sur le vote des députés. Pourquoi cette affirmation de principe sans remise au moins en discussion du vote des députés? Sans doute parce que le secrétaire national a la double casquette. Et malheureusement un manque de travail sur les questions internationales qui lui fait croire que le peuple français est complètement rangé derrière l’Ukraine, ce qui est pour le moins partiel. En fait le fond reste l’union de la gauche à l’assemblée et dans les médias, c’est cela qui est le vecteur principal de tous les opportunismes, mais le parti restant opposé à cette dérive, on joue les funambules et on évite ce qui fâcherait.

Tout le monde se moque du débat idéologique, la seule chose qui compte c’est outre les futures élections, les rapports de force en interne, à savoir à la fin du jeu qui occupera quoi à la fin du Congrès, conserver ses baronnies, faire élire un maximum des siens au futur conseil national, voilà pour le Parti. Nous en sommes exactement à ce qui caractérise les motions au PS, dont tout le monde se désintéresse du contenu mais se demande combien des siens on réussira à faire rentrer dans les instances nationales, avec partage des moyens matériels. La tournée en France du secrétaire national se préoccupe de moins en moins d’ailleurs du parti et ressemble de plus en plus à celle de Macron dans “les territoires”, c’est le choix électoral qui détermine le but que l’on donne à l’activité. Bref les absents de cette base commune sont le socialisme et le parti en revanche tout pour les futures législatives et même la présidentielle sur les plateaux de télévision.

Face à ces ornières qui sont celles dans lesquelles le parti communiste s’embourbe depuis plus de vingt ans et qui en font un parti comme les autres, il n’en reste pas moins qu’il n’est toujours pas un parti comme les autres. L’enjeu est de savoir ce que fera un parti qui a recommencé à espérer ? Se contentera-t-il de cette lutte des places avec le soin palliatif d’une distinction identitaire reposant sur l’exaspération de l’antagonisme avec Mélenchon et les siens pour éviter le piège de la Nupes où la FI serait aussi hégémonique que les USA dans l’OTAN ? Parce que cette base commune permet à peu près n’importe quoi et en particulier le partage de ce qu’il reste des dépouilles du PCF et des conquêtes espérées en matière de postes ministériels.

C’est exactement ça l’opportunisme… que l’on veut confondre avec le réalisme en se moulant dans les institutions existantes…

Pourquoi parler d’histoire, d’abord parce que ce qui est frappant c’est qu’un parti qui s’est voulu marxiste a rarement manifesté aussi peu d’intérêt pour la période historique dans lequel il est sensé s’inscrire : en matière idéologique nous sommes en état de coma dépassé, et il s’agit surtout de ne mécontenter personne, l’opportunisme à la doxa médiatique se substituant à l’écoute des masses tel que pourrait le faire un parti qui aurait ses racines dans notre peuple, dans l’entreprise, on lui substitue l’équivalent des préaux radicaux.

Parce que l’histoire nous aide à voir une issue en comprenant que nous n’en sommes pas du tout là où l’opportunisme s’obstine à croire que l’on est :

Il est clair que ce texte ne convient pas du tout à la situation dans laquelle se trouve le monde et notre pays mais il permet une intervention des militants qui auraient une telle préoccupation. Encore faudrait-il qu’ils se regroupent et fasse le travail qui manque ici. Le travail n’est pas seulement de réécrire un texte dont visiblement tout le monde se moque, le partage à tous les niveaux des postes étant le vrai enjeu. Il s’agit de recréer un parti qui soit combatif et conscient de la situation qui nous attend, au sein même de cette absence d’ambition et de cette courte vue au-delà de l’ego de ses inspirateurs. Cela peut toujours servir et pas seulement dans la préparation d’un congrès, avoir un tel parti peut s’avérer utile pour un avenir dont on peut craindre qu’il ne se borne pas à satisfaire le narcissisme des politiciens et de nos éditoriaux des médias. C’est là que les leçons de l’histoire peuvent servir. Non pas parce que l’histoire se répète à l’identique mais parce que les analogies nous aident à saisir quelques lignes forces enfouies sous l’incapacité à penser le présent et l’avenir, ce qui est le propre des sociétés en déclin enfermées dans des querelles byzantines.

Le propre des décadences, ce qui caractérise le capitalisme et l’épuisement de son modèle démocratique. Cela paradoxalement me conforte dans l’idée que s’il y a encore quelque chose à faire c’est bien au sein de ce qui est notre identité, l’histoire de la France, celle du mouvement communiste et donc à l’intérieur de ce malheureux PCF qu’il faut construire. Parce que c’est dans ce gisement-là qu’il y a encore à puiser, ce parti porte comme notre pays inscrit en lui des strates d’expériences, une archéologie mémorielle qui le font avoir des choix fondamentaux, comme le nucléaire mais aussi la bataille pour l’éducation, des emplois avec de bons salaires, la lutte contre la vie chère, un refus de l’impérialisme et ses guerres, donc de l’OTAN qui de temps en temps sont des rochers sur lesquelles viennent s’arcbouter les refus militants comme ceux du peuple français, le refus de changer de nom en témoigne… Donc il faut partir de là et recréer un collectif.

2- IL Y A CENT ANS, COMMENT LE PCF TENTAIT DE SORTIR DE L’OPPORTUNISME
Les mémoires de Jacques Duclos sont une mine historique et j’en relis souvent des chapitres. Celui consacré au combat contre l’occupation de la Rhur qui se passe en 1922-23 par bien des points nous fait songer à la situation présente et le jeune Jacques Duclos, qui sort de l’horreur des tranchées comme bien de ses camarades, est dans un état de colère compréhensible. Le nouveau parti qui nait à Tours est dans une situation confuse, il combine chez ses militants cette colère, une passion internationaliste qui combine adhésion à l’URSS et espérance de paix, colère contre ceux qui ont accepté l’union sacrée et la boucherie, volonté de classe. Il faut rompre avec la social démocratie, le parti socialiste qui a accepté cette guerre, qui a trahi la classe ouvrière, ce qui a fait naitre le parti à Tours avec à la tête de ce parti des planches pourries comme Frossard. Personne n’a la moindre idée de ce que serait un parti révolutionnaire, et suivant les sections on est pour l’internationalisme ou pour les postes d’élus et les petits arrangements, l’art de ne mécontenter personne. Sur la question de la paix, on assiste à l’intérieur de ce parti à une division cohabitation de fait.

En 1920, il y avait eu de grandes grèves en particulier celle des cheminots. Le gouvernement avait frappé durement les grévistes, mais comme le dit Duclos “les grandes grèves de 1920 eurent pourtant une influence positive. Elles éclairèrent des dizaines de milliers de travailleurs nouveaux sur la nécessité d’en finir avec le réformisme. Elles contribuèrent à de nouveaux progrès du courant favorable à la Troisième internationale” (p.181 volume 1) Et le jeune Duclos salue avec espoir le voyage à Moscou de Marcel Cachin et L.O Frossard. C’est sous ce voyage que nous plaçons notre article d’aujourd’hui, pour comprendre ce qu’est un parti qui a à sa tête Frossard et Cachin, ce dernier manque un peu à notre actualité.

Nous sommes loin aussi de l’idée d’un tel voyage à Moscou, ce n’est vraiment pas à l’ordre du jour… C’est vrai et pourtant toute proportion gardée les ambiguïtés de la délégation du PCF à la Havane, la signature du texte et son désaveu par censure seront probablement l’objet d’analyse des historiens du futur. Parce qu’il y a ce monde multipolaire en train de naitre, et la manière dont il est travaillé politiquement par les non alignés et l’existence de grand partis communistes comme le chinois et le cubain, le pays où est né le bolchevisme a connu une contrerévolution, mais n’a pas plus oublié sa révolution que nous n’avons oublié la révolution française. Il faut repenser tout cela sans reproduire à l’identique…

Le IIe Congrès de l’internationale auquel se rendent les Français du parti communiste naissant à Tours est marqué par un discours de Lénine contre l’opportunisme: “l’opportunisme est notre ennemi principal. L’opportunisme dans les milieux dirigeants de la classe ouvrière, c’est la social démocratie non prolétarienne, le socialisme bourgeois, il est pratiquement démontré que les militants ouvriers appartenant aux tendances opportunistes défendent mieux la bourgeoisie que les bourgeois eux-mêmes” (p.180)

Il est clair que Marcel Cachin et L.O Frossard sortirent de ce Congrès avec une vision tout à fait différente des orientations du jeune parti communiste qui nait à Tours même si les deux choisissent la rupture avec le parti socialiste et sa trahison.

Quel parti pour quel but ? Les belles âmes et les petits arrangements
L’état réel du PCF reflète d’ailleurs la confusion générale. Duclos décrit un parti où il y a beaucoup de beaux parleurs qui embobinent les autres et qui n’ont visiblement rien à y faire. Beaucoup d’éléments dit-il, s’ingéniaient à perpétuer dans le parti les habitudes et le type de travail de l’ancien parti socialiste, dans le même temps la CGT réformiste excluait à tours de bras les sections qui n’étaient pas d’accord avec son réformisme et se tournaient vers l’Internationale. “A la vérité, le nouveau parti conservait beaucoup de traits et de vieilles habitudes de l’ancien. Les réunions de section avec 200 ou 300 participants donnaient l’impression d’une sorte de parlement où l’on discutait beaucoup, après quoi il n’y avait plus personne pour appliquer les décisions prises” (p.197) On s’y croirait à la seule différence près que les sections actuelles du PCF d’aujourd’hui n”ont même plus la taille des cellules de jadis, et que si les discussions débouchent également sur l’absence de mise en œuvre, on chercherait en vain la passion et l’effervescence. Cette base commune en est la vivante preuve, le terme vivant n’est pas d’ailleurs réellement approprié…

Mais accélérons, en fait déjà à cette époque il y a des différences entre sections. Si les réformistes se soucient comme d’une guigne des travaux de l’Internationale et du IIIe Congrès (juin 1921) qui, entre autres, lutte contre l’opportunisme et l’inefficacité par la modification des structures du parti avec le souci prioritaire de la cellule d’entreprise, il y a un certain nombre de jeunes gens en colère et militants aguerris qui se réorganisent. Notons qu’à cette époque-là déjà, les pires réformistes du PCF invitent à la fois à un retour à la IIe internationale socialiste et à une refonte avec le parti socialiste et dans le même temps dénoncent la NEP comme ayant abandonné l’idéal communiste. On s’y croirait.

En avril 1922, l’URSS fait un retour fracassant sur la scène diplomatique internationale avec la conférence de Gènes. La délégation soviétique conduite par Tchitchérine avait reçu mandat de défendre la coexistence pacifique et de chercher des accords séparés avec les capitalistes occidentaux. Elle commence par signer à Rapallo un traité de renoncement aux dommages de guerre avec l’Allemagne. Ce qui va être utilisé pour dénoncer la collusion anti-patriotique supposée entre les communistes et l’ennemi “boche”. Les éléments droitiers à la Frossard et les gauchistes à la Souvarine s’allient pour une surenchère de chauvinisme et de communisme intégral.

Il faut voir que le gouvernement de Poincaré devenu président du Conseil s’avère au plan international le défenseur d’une politique qui vise “à faire payer le boche” alors que d’autres comme l’Angleterre veulent lâcher du lest. Cette dispute au sein de l’entente pas très cordiale européenne donnait lieu en France à une propagande anti-boche aux accents mâles auxquels il était difficile d’échapper comme il est difficile d’échapper au soutien inconditionnel à Zelensky notre héros otanesque. Et le gouvernement français décida d’occuper la Ruhr le 11 janvier 1923, comme il pourrait décider de faire entrer nos troupes stationnées en Roumanie actuellement dans la joyeuse mêlée ukrainienne derrière ou devant les troupes de l’OTAN, c’est là le sens de ce que les députés ont voté au parlement y compris les députés communistes en décembre 2022. Relisez cette déclaration et voyez ce qu’elle autorise.

Si l’on regarde la situation du parti en janvier 1922, la confusion y était assez comparable à celle qui règne aujourd’hui enfin au sommet. Frossard aurait voté sans état d’âme cette résolution. Pendant ce temps-là Marcel Cachin s’était rendu en Allemagne pour y rencontrer Clara Zetkine qui dirigeait la délégation des communistes allemands et un manifeste rédigé ensemble par eux appela les travailleurs français et allemands à s’opposer au traité de Versailles, à l’idée même que l’Allemagne pourrait payer, à l’entrée dans la Rhur. Ils dénoncent ce que cela peut provoquer d’esprit de revanche, c’est en effet la dépréciation du Mark, qui en une journée passe de l’achat d’un appartement à celui d’une miche de pain. Après que les socialistes se soient de fait associés à la répression des spartakistes, à l’assassinat de Rosa Luxembourg par les corps francs, c’est la porte ouverte aux séditions et voyous de l’extrême-droite.

De l’opportunité ou de l’opportunisme des ruptures
Les réactions des uns et des autres étaient si prévisibles que Poincaré avait fait arrêter Monmousseau qui se battait contre la direction liquidatrice de la CGT et que dans la foulée il avait fait lever l’immunité parlementaire de Marcel Cachin qui fut arrêté peu après, on note aussi l’arrestation de Gabriel Péri pour la jeunesse communiste et du gérant de l’humanité Vandeputte. Ils ne furent pas les seuls, et tous furent enfermés à la prison de la santé et cette incarcération donna lieu à une campagne pour leur libération chez un grand nombre de militants. Duclos note que “l’arrestation de ces camarades m’amenait à considérer comme d’autant plus méprisable l’attitude de L.O Frossard et de ceux qui avaient donné leur démission du parti juste avant le déclenchement des mesures de répression. “(p.211)

Méprisable certes mais aussi “ailleurs”. En fait ce qui préoccupe ces gens-là ce sont les élections qui vont avoir lieu en 1924. Entre temps les capitalistes à l’échelle européenne s’étaient entendus, les capitalistes français avaient rencontré les barons de la Rhur et Poincaré fit une mâle déclaration sur l’unité des alliés : “Je ne veux pas après une victoire de la solidarité incarner une guerre de la solitude”. On croirait du Macron après sa rencontre avec Biden. Et il dut prendre des mesures d’amnistie en faveur des communistes et syndicalistes incarcérés.

Toutes ces grandes manœuvres et ces appels au chauvinisme français, à la solidarité des alliés permettent de trouver le moment opportun pour choisir des carrières, la démission de Frossard en pleine incarcération des camarades internationalistes est préparée depuis pas mal de temps. Les manœuvres tactiques se déroulent sur fond de choix à la fois à courte vue, c’est ce qui caractérise l’opportunisme, avec au centre la défense d’intérêts personnels et l’incapacité à voir ce qui est en train de naitre puisque c’est aussi à ce moment-là qu’Hitler tente se premiers coups de main.

Mais il faudra encore du temps pour que le parti communiste rentre dans sa propre histoire avec Maurice Thorez… il oscillera entre gauchisme groupusculaire et opportunisme, les deux faces d’une même réalité jusqu’à ce que la France dans sa masse exprime la nécessité d’une autre politique… Ce que l’histoire nous permet de voir c’est qu’il y a une dialectique entre le niveau des masses qui font l’histoire et leurs dirigeants et nous sommes entrés dans un processus.

L’histoire nous apprend beaucoup de choses, elle ne se reproduit jamais de la même manière, elle est à la fois dans son mouvement le produit de la lutte des classes mais aussi la synthèse de déterminations complexes que l’on ne saurait réduire à la psychologie des dirigeants, qu’il s’agisse de ceux de notre pays ou celui du mouvement ouvrier. Dans un tel contexte aucun combat n’est inutile, tous ont des conséquences et les acteurs réels de la transformation sociale ne sont pas ceux que l’on imagine dans une vision politique qui perd la profondeur historique de ses propres choix. L’opportunisme n’est pas seulement la mauvaise volonté ou la trahison de ceux qui le pratiquent, bien que cela s’en rapproche dans la mesure où cet opportunisme défend parfois mieux le capital que les partis dits conservateurs ne le font eux-mêmes, mais également le produit d’une situation où l’on s’acharne à ne pas voir ce qui est en train de changer à une rapidité qui fait que nous sommes déjà ailleurs sans l’avoir perçu…

Bref, moi si j’étais un militant communiste, je m’intégrerais pleinement à ce congrès pour faire avancer les consciences quoi que je pense de cette base commune qui n’interdit rien, ne propose pas grand chose mais laisse toute latitude aux militants pour s’impliquer individuellement et en groupe…

Danielle Bleitrach

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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
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“Nous avions trouvé les défauts de la cuirasse” Intervention de Benoît Frachon devant le congrès de l’Internationale Syndicale Rouge

20 DÉCEMBRE 2020

https://histoireetsociete.com/2022/12/20/nous-avions-trouve-les-defauts-de-la-cuirasse-intervention-de-benoit-frachon-devant-le-congres-de-linternationale-syndicale-rouge/

Merci à Franck Marsal qui nous propose de reprendre pied dans un des grands moments de péril de notre histoire, face à la montée du nazisme, face à la collaboration de classe, il s’est trouvé au sein de la CGT et du parti communiste des dirigeants comme Benoît Frachon pour faire face. Frank Marsal dit l’actualité de cette intervention qui reprend pied dans la classe ouvrière. Cet exemple historique nous permet de comprendre l’ampleur et la profondeur des batailles à mener. Il ne s’agit pas de bâtir des alliances de façade qui laissent en suspens les enjeux de long terme au profit d’une victoire (voire d’une défaite amoindrie, comme ce fut le cas lors des précédentes élections législatives). La NUPES était, pour différentes raisons, imposée par les circonstances. Il fallait faire élire des députés pour porter une voix alternative au parlement. Mais l’impulsion de cette alliance n’a en rien la puissance et l’enracinement populaire, le caractère de classe de l’union syndicale recherchée par Frachon et les communistes français dans les années 30. La bataille qui est au cœur de nos enjeux, ce n’est pas l’union pour l’union, c’est d’aller, ainsi que l’explique Benoît Frachon, c’est de développer le “souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses”, “de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent” et “d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience”.) (Note de Danielle Bleitrach et Franck Marsal pour histoireetsociete)


C’est au lendemain du 7e congrès de l’Internationale communiste, tenu du 25 juillet au 20 août 1935, qu’a été prononcée l’allocution de Benoît Frachon dont nous reproduisons ici des extraits. Cette réunion, demeurée clandestine, s’est tenue dans le cadre d’une conférence de l’Internationale syndicale rouge (ISR) organisée du 22 au 25 août 1935, à la veille de la réunification syndicale en France entre la Confédération générale du travail (CGT) et sa concurrente la Confédération générale du travail unitaire (CGTU).

J’ai découvert ce texte (https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2003-3-page-105.htm#no5) en effectuant des recherches sur le parcours et les discours de Benoît Frachon, et d’autres dirigeants communistes de cette époque, comme Ambroise Croizat, Marcel Paul, et tant d’autres, dont bien sûr Maurice Thorez. Cette génération fera, par son courage, sa lucidité et son sacrifice (nombre de ces militants et dirigeants feront le sacrifice de leur vie), du Parti Communiste une force décisive pour une période cruciale de l’histoire de France. Elle nous a légué des institutions parmi les plus avancées (la sécurité sociale non pas telle que nous la connaissons aujourd’hui, l’EdF de Marcel Paul, et tant d’autres) et nous apporte une expérience puissance et des leçons actuelles que nous devons prioritairement nous réapproprier

Ce cycle politique s’est amorcé en 1920 par la création du Parti Communiste, dans l’impulsion de la révolution russe qui, se propageant à l’Europe, mit fin à la Grande boucherie de 14 – 18. Rapidement après la création du Parti Communiste Français, la minorité opposée à cette création et à l’adhésion à l’Internationale Communiste quitte le nouveau parti et se réorganise. Le journal L’Humanité (fondé par Jean Jaurès) bascule du côté communiste.

La CGT est, depuis 1914 et le ralliement à la guerre, traversée par les mêmes débats que l’ancien Parti Socialiste. Son secrétaire général, Léon Jouhaux, soutient, du début à la fin, l’effort de guerre. Il apporte l’appui de la CGT à l’organisation économique de l’effort de guerre. Cette politique, identique à celle des dirigeants socialistes français suscite la même opposition. Un courant syndicaliste révolutionnaire émerge dans la CGT dès 1915. Cependant, la majorité de la CGT de l’époque, demeurera, elle, dans le camp que l’on appellera “réformiste” (c’est à dire favorable à des “réformes dans le cadre légal des institutions” par opposition au camp “révolutionnaire” favorable au renversement des institutions elle-mêmes). Une centrale syndicale “révolutionnaire”, la CGTU se crée en 1921, notamment à partir des fédérations des Métaux et des Cheminots. Elle se rapproche rapidement du Parti Communiste Français, dont des militants et cadres en constitueront principalement la cheville ouvrière et la direction.

Benoît Frachon est né en 1893 dans une famille de mineurs, du bassin houiller de la Loire. Entré jeune dans la vie active, il devient tourneur métallurgiste et adhère à la CGT en 1909. Adhérant dès sa fondation au Parti Communiste Français, il y prendra rapidement des responsabilités. Dirigeant de la grande grève des métallurgistes de Saint-Etienne en 1924, il devient secrétaire de l’UD de la Loire de la CGTU et prend concomitamment des responsabilités importantes dans cette organisation et devient en 1933 secrétaire général de la CGTU. A la suite du Pacte Germano-Soviétique, l’unité syndicale est rompue et Benoît Frachon est déchu de ses mandats syndicaux. Il dirigera la première publication clandestine de l’Humanité le 26 octobre 1940. Dirigeant de premier plan du PCF dans la clandestinité et la résistance, il prépare la renaissance du syndicalisme français sous la forme d’une grande CGT réunifiée qui comptera en 1945 plus de six millions de membres. Alors que Léon Jouhaux organisera une nouvelle scission en 1948, pour créer – avec les fonds des services secrets américains – la CGT – FO. Benoît Frachon, qui connaîtra à nouveau la répression policière et sera incarcéré en 1953 (à la suite des grèves de l’été 53), restera le secrétaire de la CGT (majoritaire) jusque dans les années 60.

Que retenir de ce texte de 1935 ?

Tout au long de ce long cycle historique, Jouhaux et le “réformisme” qu’il porte demeureront constants et resteront eux-mêmes : “Vous savez camarades notre opinion à l’égard des dirigeants confédérés : elle n’a pas varié. Nous les voyons, même dans la période actuelle, s’efforcer de freiner le mouvement de masse. Même quand ils agissent différemment que dans les périodes précédentes, nous savons nous, communistes, que c’est le résultat du mouvement de masse.” De son côté, Frachon restera Frachon. La politique de l’unité (et ceci est valable pour le plan syndical comme pour le plan politique) ne se fonde pas sur le fait que les gens auraient changé, que les divergences fondamentales seraient aplanies … L’unité seule, au moment du Front Populaire et malgré la grève puissante de juin 1936 ne résout pas non plus les questions cruciales auxquelles la France et le monde font alors face. La lutte se déroule et se poursuit sur un long cycle historique de lutte des classes. Même la victoire de 1945 et les avancées de la période 1944 – 1946 ne seront qu’une étape d’une lutte des classes qui se poursuivra et se poursuit encore. L’analyse que fait Frachon de la situation du mouvement syndical et de la stratégie de développement des idées et de l’influence communistes parmi les travailleurs est donc remarquable : “Nous allons à cette CGT unifiée avec le sentiment qu’au début nous serons en minorité, et avec cet autre sentiment que nous serons en masse. Nous ne brûlerons pas les étapes, nous travaillerons pour la direction de cette CGT, pour la direction communiste de cette CGT – sans le dire – mais ce travail peut être long. Combien ? Cela dépend un peu des événements et puis de nous. Deux ans, quatre ans, cinq ans peut-être, camarades nous travaillons avec une telle perspective. Peut-être cinq ans. Nous aurons cette patience.”
Le point d’appui constant de Benoît Frachon et des communistes dans leur stratégie (et là encore cela vaut dans toutes les dimensions de notre travail politique), c’est d’aller vers les masses de travailleurs, de leur parler simplement et directement, en prenant en compte leur situation réelle, leurs opinions, pour produire un discours qui fasse sens pour eux et permettent de les amener à considérer les choses avec plus d’acuité : “L’élément essentiel de cette politique nouvelle a été chez nous le souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses et en particulier des masses déjà organisées dans les syndicats réformistes, de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent et d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience de la nocivité du réformisme et de son rôle scissionniste dans le mouvement ouvrier.” Bien entendu, une telle politique suppose une stratégie consciente et appliquée avec rigueur. L’unité ainsi travaillée et développée n’est pas un mélange informe dans lequel tout se confond avec tout, ni dans lequel le court terme efface les enjeux de long terme.
Fort de cette vision de long terme et de cette orientation vers les larges masses de travailleurs, la CGTU a pu développer l’unification par la mobilisation de la base des travailleurs syndiquées, en même temps qu’elle menait des discussions approfondies avec la direction : “Nous avons vu dans le pays se modifier les rapports entre ouvriers révolutionnaires et ouvriers confédérés dans la grande bataille contre les décrets-lois, où il n’y a pas eu un seul centre du pays et une seule ville où des manifestations communes n’aient été organisées, non seulement entre les dirigeants de syndicats de base, mais entre les dirigeants d’union confédérés et d’union unitaire. Cela nous a permis de réaliser avant l’unification nationale déjà les premières bases d’unification. Vous savez en France, nous avons maintenant plus de 600 syndicats unifiés, de nombreuses sections syndicales unifiées : cela représente environ 120 000 syndiqués, confédérés et unitaires qui sont effectivement unifiés malgré que la direction confédérée ait mené une campagne acharnée contre ces syndicats unifiés. Elle a essayé d’utiliser l’argument, qui avait si bien réussi contre l’OSR : que les syndicats unifiés c’était la dislocation du mouvement, que nous voulions détruire les syndicats confédérés. Si nous avons obtenu ce résultat intéressant, c’est que les ouvriers confédérés ne les ont pas écoutés, qu’ils ont compris que nous, unitaires, nous ne venions pas pour détruire leur syndicat, mais au contraire pour les renforcer.”
Cet exemple historique nous permet de comprendre l’ampleur et la profondeur des batailles à mener. Il ne s’agit pas de bâtir des alliances de façade qui laissent en suspens les enjeux de long terme au profit d’une victoire (voire d’une défaite amoindrie, comme ce fut le cas lors des précédentes élections législatives). La NUPES était, pour différentes raisons, imposée par les circonstances. Il fallait faire élire des députés pour porter une voix alternative au parlement. Mais l’impulsion de cette alliance n’a en rien la puissance et l’enracinement populaire, le caractère de classe de l’union syndicale recherchée par Frachon et les communistes français dans les années 30. La bataille qui est au cœur de nos enjeux, ce n’est pas l’union pour l’union, c’est d’aller, ainsi que l’explique Benoît Frachon, c’est de développer le “souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses”, “de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent” et “d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience”.

Simplement, la situation n’est plus d’une classe ouvrière organisée en deux courants opposés. La situation dominante est celle de la confusion, de la non-organisation, de la dispersion à tous les niveaux du mouvement ouvrier. Chaque fait divers, chaque circonstance est exploitée pour opposer les uns aux autres et masquer l’exploitation et l’oppression de classe. La conquête ne se fera donc pas en reproduisant les formes du passé, mais par un travail profond d’analyse, de compréhension et de action au sein des masses populaires.

Benoît Frachon nous livre ici le point de vue du travail syndical, mais l’action autonome du parti communiste, et de ses cellules d’entreprises, auprès des travailleurs joue un énorme rôle dans ce travail de conviction, de mobilisation et de conscientisation. Nous ne pouvons pas sauter le travail de fond, d’implantation au sein des collectifs de travail et nous contenter d’une unité de façade comme palliatif.

Intervention de Benoît Frachon :

“Camarades, le congrès de l’Internationale communiste nous a fixé des tâches qui nous font une obligation de travailler à l’unité syndicale dans nos pays et à l’échelle internationale. L’échange de nos expériences est incontestablement d’une grande utilité, mais nous pensons qu’il faudra faire mieux, qu’il faudra utiliser ces expériences nationales et internationales pour faire de l’objectif que nous a tracé le congrès de l’IC, c’est-à-dire de l’unité syndicale, une réalité.

Pendant treize ans nous avons, en France, combattu le réformisme et affirmé la nécessité de l’unité sans que les résultats soient satisfaisants. Aujourd’hui, cependant, tout le monde parle de l’unité comme d’une perspective très prochaine. Cette idée de l’unité syndicale prochaine est dans les esprits de millions d’ouvriers français, et les dirigeants réformistes dans leurs discours officiels sont eux-mêmes contraints d’examiner une telle éventualité. C’est au dernier congrès du syndicat national des instituteurs que Jouhaux lui-même, dans son discours, déclarait : L’unité syndicale sera une réalité en 1936.

Quelles sont les raisons de ces modifications ? Il y en a évidemment plusieurs. D’abord la situation politique dans notre pays, le développement de la crise et du mécontentement des masses, la conviction chez les ouvriers de la nécessité de s’unir pour riposter à l’attaque de la bourgeoisie et aussi les derniers événements de l’année dernière, la menace plus directe du fascisme et là encore à la conviction de la classe ouvrière que la lutte contre le fascisme devait être une lutte de front uni. Mais tous ces éléments objectifs auraient été insuffisants. Nous pouvons avoir de tels événements qui portent les masses à l’unité syndicale et ne pas utiliser un tel sentiment, ne pas avoir agir de façon à ce que ce mouvement unitaire se développe et devienne une réalité. La politique nouvelle que nous pratiquons, en particulier depuis plus d’une année, a puissamment contribué au développement de ce courant unitaire et aboutit déjà à des réalisations partielles d’unité.

En quoi consiste cette politique ? L’élément essentiel de cette politique nouvelle a été chez nous le souci dominant de mieux connaître les pensées intimes des masses et en particulier des masses déjà organisées dans les syndicats réformistes, de parler à ces masses un langage qu’elles comprennent et d’employer une tactique qui les aide à faire l’expérience de la nocivité du réformisme et de son rôle scissionniste dans le mouvement ouvrier. Qu’avons-nous fait pendant 13 années ? Nous avons parlé un peu pour nous-mêmes et agi comme si tous les ouvriers avaient les mêmes convictions que nous. Nous avons critiqué le réformisme comme si tous les ouvriers avaient vu clairement ce que nous-mêmes nous avions déjà vu. En sommes nous pensions, bien à tort que les masses ouvrières pouvaient se passer de leur propre expérience et que la nôtre leur suffisait.

Cependant, camarades, s’il y a des travailleurs qui suivent encore les dirigeants réformistes – et ils sont nombreux – c’est que ces ouvriers sont convaincus que là est leur intérêt, et nous devons établir une différence entre ces ouvriers qui croient que leurs intérêts est avec leur dirigeants réformistes et nous, militants révolutionnaires qui avons déjà connu par notre propre expérience et par l’étude approfondie que nous en avons faite, ce qu’est le réformisme.

Pendant 13 années nous avons agi de même à l’égard de l’opposition dans les syndicats réformistes et nous n’avons jamais réussi pendant ces 13 années qu’à créer parfois une opposition étroite composée uniquement des ouvriers les plus avertis, les plus convaincus, opposition qui était immédiatement coupée de la grande masse des syndiqués de sa grande organisation, et que les dirigeants réformistes avaient ainsi de grandes facilités à liquider. Je crois que c’est là une des explications pour lesquelles nous avons parlé pendant des années sur la nécessité de constituer l’opposition dans les syndicats sans que nous ayons obtenu des résultats sérieux. Nos efforts d’un an ont fait plus que nous n’avons fait pendant ces 13 années pour développer l’opposition dans les syndicats réformistes. Et cependant nous n’avons plus parlé de l’opposition dans les syndicats réformistes. Pourquoi n’avons plus parlé de l’opposition dans les syndicats réformistes ? Pourquoi ne parlons-nous même plus de la gauche dans les syndicats réformistes ? Parce que là encore, dans le développement de notre travail, nous avons analysé les pensées qui traversaient l’esprit des syndiqués réformistes, nous avons constaté combien les manœuvres des dirigeants confédérés agissaient dans l’esprit des ouvriers, comment, lorsque les dirigeants confédérés expliquaient que les communistes, que les syndiqués unitaires voulaient développer la gauche dans les syndicats pour les détruire, pour les disloquer, nous avons assisté dans presque tous les cas à des réactions très vigoureuses de la part d’ouvriers encore peu éduqués politiquement mais qui veulent quand même se défendre contre le capitalisme ; ils défendaient contre nous leur organisation.

Nous nous sommes efforcés pendant cette année, sans parler ni de l’organisation de l’opposition, ni de la gauche dans les syndicats réformistes, nous nous sommes efforcés de développer cette opposition et cette gauche et maintenant nous avons dans des centaines de syndicats confédérés, parmi des centaines de milliers d’ouvriers réformistes une véritable opposition qui se manifeste dans la critique de l’attitude des dirigeants confédérés sur des problèmes quotidiens et nous avons, maintenant, en particulier au cours de ces dernières semaines, avec la lutte contre les décrets-lois, alors que les dirigeants de la CGT font des efforts surhumains pour freiner le mouvement des masses, nous avons ce spectacle réjouissant pour nous de l’opposition de la presque unanimité des syndicats et des syndiqués confédérés qui se traduit par des actions dans tout notre pays, et des actions en front uni avec nos camarades. Nous pensons que ce résultat a été obtenu encore parce que nous avons appliqué une politique nouvelle.

Nous ne sommes pas parvenus pendant 13 années à faire de nos syndicats rouges de larges organisations de masse. Sans doute il y a là les défauts de notre travail, défauts sur lesquels je ne veux pas insister aujourd’hui, que nous avons eu l’occasion dans maintes assemblées comme celle-ci de marquer, de souligner. Cependant, il ne faut pas penser que le travail syndical, que la transformation de la CGTU, d’une organisation de 260 000 membres en une organisation de millions d’hommes n’a pas été le souci de notre parti. Elle a fait l’objet, cette question, de nombreux examens. Le parti a donné des forces au mouvement syndical et cependant, pendant ces 13 années, nous ne sommes pas parvenus, non seulement à faire de nos syndicats rouges une organisation de millions, nous n’avons pas pu les modifier, dans un sens favorable, d’une façon satisfaisante.

Là aussi, nous avons examiné ce problème et avons voulu sortir des clichés. Nous avons voulu voir s’il n’y a pas autre chose que les défauts de notre travail et cet examen nous a mené à la conviction profonde que l’existence prolongée de plusieurs centrales syndicales était un non sens et que tous nos efforts devaient être faits pour faire disparaître ce non sens. Nous sommes parvenus à cette conviction et l’expérience nous a montré que l’existence prolongée de deux centrales aboutissait infailliblement à donner à ces centrales un caractère de tendance très net, un peu étroit, sectaire et par exemple en France, notre CGTU apparaissait à des millions d’ouvriers comme une filiale du parti communiste. Cette conviction acquise, nous avons engagé une campagne pour réaliser l’unité syndicale comme une condition du développement du mouvement révolutionnaire de notre pays. Et cette campagne, nous l’avons menée avec constance et vigueur parce que déjà nous étions convaincus de sa nécessité.

Quel était avant, notre attitude à l’égard des dirigeants confédérés, et pendant cette période d’une année, comment avons-nous agi ? Vous savez camarades notre opinion à l’égard des dirigeants confédérés : elle n’a pas varié. Nous les voyons, même dans la période actuelle, s’efforcer de freiner le mouvement de masse. Même quand ils agissent différemment que dans les périodes précédentes, nous savons nous, communistes, que c’est le résultat du mouvement de masse. Mais, autoamorçage, ce que nous pensions des dirigeants confédérés nous l’écrivions, nous en parlions avec un peu de brutalité, et nous heurtions le sentiment de centaines de milliers d’ouvriers confédérés, dont c’étaient encore les dirigeants et en qui ils avaient leur confiance.

Nous avons jugé plus opportun de montrer pas à pas, de faire comprendre petit à petit, par des exemples, par leur expérience à ces ouvriers réformistes que ce nous pensions des dirigeants confédérés était juste. Nous, ne l’avons pas dit, nous n’avons pas rejeté des choses dont nous étions convaincus, parce que nous avons jugé inutile de parler pour nous-même, mais toute notre activité, toutes les propositions que nous avons adressées aux dirigeants confédérés avaient des objectifs ; faire comprendre aux ouvriers confédérés ce que sont vraiment leurs dirigeants et les amener à une politique plus proche de la nôtre.

Je dis mon opinion ici sur les dirigeants confédérés, camarades, ouvertement. Je dis qu’ils servent la bourgeoisie, parce que c’est une conférence fermée, je ne le dirais pas dans une conférence ouverte et si le sténogramme devait être publié, soyez assurés qu’il serait expurgé minutieusement de cette partie. Nous avons aussi pensé qu’il était nécessaire d’utiliser les différenciations qui s’exprimaient chez les dirigeants réformistes. Depuis plusieurs mois, parmi les cercles dirigeants de la direction centrale de la CGT, il y a maintenant des disputes sans fin, il y a des opinions divergentes et nous, militants des syndicats révolutionnaires, nous ne voulons pas ignorer qu’il y a ces divergences, nous ne voulons pas identifier tous les dirigeants réformistes de la même façon, mais nous pensons qu’il est utile pour le mouvement ouvrier, pour l’unité syndicale, d’utiliser ces divergences pour faire avancer le mouvement.

Nous nous sommes adressés, pendant un an, à la direction de la CGT d’une façon correcte ; nous avons éliminé de notre langage et de nos écrits tout ce qui est épithète et ne prouve rien. Nous nous sommes efforcés de remplacer les qualificatifs et les épithètes par des explications qui n’étaient pas destinées à la masse des ouvriers réformistes. Nous nous sommes adressés à eux en proposant des choses qui correspondaient aux intérêts, aux désirs des masses, et en particulier des masses confédérées. Évidemment, nous avons essuyé beaucoup de refus. Quand nous avons envoyé nos premières lettres aux dirigeants de la CGT, on nous a répondu par un refus un peu hautain. Le mouvement d’opposition dans la CGT n’était pas tel qu’il obligea les dirigeants confédérés à modifier déjà un peu leur tactique. On ignorait que nous, nous avions analysé les faits, comme je viens de vous l’indiquer, on se fiait encore à notre tactique du passé, on pensait qu’à une telle réponse négative nous allions répondre épithète et des qualificatifs. Que nous allions nous contenter d’enregistrer que les dirigeants de la CGT servaient une fois de plus le capitalisme. On s’est trompé.

Nous avons écrit de nouveau. Nous n’avons pas laissé une seule réponse des dirigeants de la CGT sans l’éplucher phrase par phrase, mot par mot, pour trouver le point faible dans cette réponse et ça a été pour nous, une satisfaction permanente, c’est que dans chaque réponse, nous avions trouvé les défauts de la cuirasse qui nous permettaient de poser le problème avec des éléments nouveaux. Nous avons renouvelé ainsi nos propositions à chaque occasion, chaque événement politique, chaque lutte économique des propositions ont été faites ayant pour objectif non seulement du travail pratique pour l’organisation du front unique, mais de propositions publiques à la direction de la CGT. Nous avons fait une petite brochure de documents échangés entre la CGT et la CGTU, depuis une année, des documents et lettres. Cette brochure a 100 pages.

Camarades, vous pensez bien que si notre travail consistait seulement à l’échange de lettres et de documents entre la CGT et la CGTU nous aurions une brochure de dix pages et pas de résultats. Mais quand nous faisons nos lettres, nous avions soin de mettre les éléments qui éveillaient la curiosité des ouvriers confédérés qui nous permettait de discuter avec eux et à chaque envoi de documents c’étaient des discussions qui s’établissaient entre ouvriers confédérés et ouvriers unitaires de sorte que le travail d’opposition dans la CGT n’était pas un travail mené schématiquement, il n’y avait pas une direction qui disait « vous allez faire ça et ça dans un syndicat », mais nous avions un développement d’initiative parmi nos syndiqués à qui nous donnons des arguments et ainsi nous sommes parvenus à nouer des rapports avec des centaines d’organisations confédérées dont les portes nous avaient été fermées jusque là, dans lesquelles on refusait de nous entendre, dans lesquelles la seule présence d’un unitaire qualifié de communiste, même s’il ne l’était pas, était considérée comme une menace et un défi.

Nous avons vu dans le pays se modifier les rapports entre ouvriers révolutionnaires et ouvriers confédérés dans la grande bataille contre les décrets-lois, où il n’y a pas eu un seul centre du pays et une seule ville où des manifestations communes n’aient été organisées, non seulement entre les dirigeants de syndicats de base, mais entre les dirigeants d’union confédérés et d’union unitaire. Cela nous a permis de réaliser avant l’unification nationale déjà les premières bases d’unification. Vous savez en France, nous avons maintenant plus de 600 syndicats unifiés, de nombreuses sections syndicales unifiées : cela représente environ 120 000 syndiqués, confédérés et unitaires qui sont effectivement unifiés malgré que la direction confédérée ait mené une campagne acharnée contre ces syndicats unifiés. Elle a essayé d’utiliser l’argument, qui avait si bien réussi contre l’OSR : que les syndicats unifiés c’était la dislocation du mouvement, que nous voulions détruire les syndicats confédérés. Si nous avons obtenu ce résultat intéressant, c’est que les ouvriers confédérés ne les ont pas écoutés, qu’ils ont compris que nous, unitaires, nous ne venions pas pour détruire leur syndicat, mais au contraire pour les renforcer.

Mais, camarades, ces formes d’unification elles ont fait passer bien des nuits blanches aux militants. Elles ont même fait blanchir des cheveux ; elles ont inquiété beaucoup de bons camarades. Pourquoi ? Parce que ces formes d’unifications n’ont pas été déterminées dans les détails dans un bureau de la CGTU. Elles sont venues de la base, des syndiqués eux-mêmes, qui suivaient la politique que nous désirions dans les syndicats, qui avaient compris qu’il fallait aller plus vite dans la question de l’unité. C’est ainsi que se sont formés les syndicats unifiés où chaque adhérent conserve la carte de sa propre organisation centrale. Ce n’est pas nous qui avions déterminé cette forme d’unification, ce sont les cheminots qui un jour ont dit : il faut faire l’unité. C’est eux qui ont trouvé cette forme qui facilitait leur tâche. Mais, quand nous avons reçu une première résolution qui nous faisait cette proposition ça n’a pas été tout seul chez nous. Il y en avait qui disaient cela n’est pas écrit dans nos résolutions et par conséquent cela doit être mauvais. Eh bien, là encore, nous avons tenu compte de la vie et nous avons pensé que les résolutions, si bien soient-elles, n’étaient pas capables d’entraver le cours de la vie et qu’une résolution bien faite devait indiquer aux communistes qu’ils devaient examiner chaque phase du travail. Nous avons soutenu et développé l’initiative, fait grandir le sentiment de la responsabilité chez tous nos militants et nous avons approuvé chaque forme d’unification, nous nous sommes bien gardés même quand ces formes comportaient quelques dangers nous nous sommes bien gardés de les corriger en freinant le mouvement d’unité. Sans doute, nous nous sommes efforcés de guider nos militants. Ces idées toutes frustres un peu brutes qui naissent de l’initiative des masses c’est notre rôle de les polir de les fignoler, mais pas de les repousser parce que nous n’en sommes pas les inventeurs.

La bataille actuelle contre les décrets-lois montre que ce travail d’unification a déjà abouti à de bons résultats. Depuis le 15 juillet le gouvernement interdit les manifestations : jamais il n’y en avait autant. Nous avons commencé le recensement des manifestations qui se sont déroulées depuis le 17 juillet, date à laquelle le gouvernement à mis en application les décrets-lois. C’est par centaines de milliers qu’il faut les chiffrer les manifestations dans toutes les villes grandes et petites y compris Paris. Et c’est par centaines et par milliers qu’il faut compter les manifestations.

Actuellement, nous avons des pourparlers avec les dirigeants de la CGT et les pourparlers se continuent pour trouver les points sur lesquels l’Entente puisse se réaliser. Ces réunions communes que nous avons avec les dirigeants de la CGT, ce sont de véritables batailles pas physiques, mais des batailles orales qui ont commencé à fleuret moucheté et maintenant on va jusqu’à frapper les coups de poings sur la table.

Interruption de Lozovski : Seulement sur la table ?

Frachon : Oui, seulement sur la table. On ne frappe pas sur la figure même si l’envie nous en prenait, nous sommes suffisamment maîtres de nous-mêmes pour ne pas aller jusque là. Mais, camarades, ce travail n’a pas été tout seul. Nous avons eu des discussions et nous avons fait des concessions et des concessions, qui nous ont coûté. Et parfois avant de les faire, ces concessions, nous avons eu des discussions dans le bureau politique, nous avons parfois passé plusieurs séances au bureau politique à discuter pour savoir si les avantages que l’on pouvait tirer compensaient la concession faite. Dans le développement de notre travail nous avons parfois payé cher quelques résultats et parfois même trop cher. C’est le cas pour les cheminots du PLM. L’unification s’est faite rapidement, mais nous l’avons payée plus cher que nous aurions dû. Mais l’examen des cas où nous avons payé trop cher, qu’est-ce qu’il nous montre ? Il nous montre que là où nous avons payé plus cher, c’est que nous avions apporté le moins de soins à la direction de l’organisation unitaire, c’est là où nous avons laissé des directions qui n’étaient pas très révolutionnaires et des difficultés que nous sentions moins parce que nous avions là une organisation un peu partisane, quand nous avons vu ensemble les syndiqués unitaires et confédérés, des dirigeants confédérés qui n’étaient pas venus à l’unité que contraints par leurs masses, nous avons évité toutes ces difficultés. Mais, camarades, même là où nous avons payé cher, le prix est moins élevé que ce que nous avons retiré […].

Mais, camarades, la plus grande concession que nous avons dû faire, celle qui nous a coûté le plus, c’est l’abandon des fractions. Pourquoi avons-nous abandonné les fractions ? Il fallait qu’il y ait des raisons bien sérieuses, bien impérieuses pour amener les communistes à faire cette déclaration d’abandon des fractions. Nous avions, nous, écrit, dit que jamais nous n’abandonnerions les fractions et nous les avons abandonnées. Parce que pour le communisme il n’est pas question d’amour propre, et quand la vie nous amène à prendre des décisions qui sont contraires parfois à ce que nous avions écrit et dit nous n’hésitons pas à le faire. Il y a dans les masses françaises un large préjugé, entretenu, développé par la bourgeoisie et les dirigeants réformistes, contre les fractions du parti communiste dans les syndicats. Il y a aussi chez les ouvriers socialistes ou socialisants qui sont dans les syndicats réformistes et qui en constituent l’ossature, la lutte pour la prédominance d’un parti et l’utilisation de ce qu’on a montré les fractions communistes comme des éléments de division ; qu’on a réussi à faire croire à des centaines de milliers d’ouvriers que les fractions étaient des éléments de discorde dans les syndicats. Il y a ce préjugé chez beaucoup d’ouvriers puis, il faut bien le dire camarades, il y a aussi des fautes dans l’utilisation des fractions. Il y a chez nous une petite histoire qui a trait à un moineau qui picorait du crottin de cheval duquel il extrayait les graines d’avoine, et après s’être bien repu, il était tellement heureux qu’il monte sur un toit et se met à chanter et voilà un chasseur qui passe l’entend et l’abat. La morale de l’histoire c’est que lorsqu’on a mangé du crottin il ne faut pas le chanter sur les toits. Peut-être pourrait-on prendre pour nous la morale de cette histoire. Nous avons souvent plus crié que fait…

Lozovski : Il y avait plus de bruit que de fractions ?

Frachon : Oui… Et pas seulement chez nous. Nous avons pensé que le parti communiste, quoique ce soit pour lui une grosse question, un gros problème, ne pouvait s’arrêter à ces questions. Pendant plusieurs mois, camarades, notre travail d’unité syndicale a été entravé par cela. Les dirigeants réformistes avaient trouvé la branche à laquelle se raccrocher et ils utilisaient cela, et ils enfonçaient le coin, et ils tapaient dessus. Et le résultat, camarades, c’était que le travail pour l’unité était freiné, était ralenti, qu’il commençait à y avoir chez un certain nombre d’ouvriers confédérés partisans de l’unité une certain désespérance, des désillusions ; et ceux qui maintenant disent : nous verrons l’unité, ceux-là commençaient à dire : il n’y a rien à faire, il n’y aura jamais l’unité. C’était une question grave, un problème sérieux. Nous ne pouvions pas, nous, communistes, dans une telle période laisser s’ancrer un tel état d’esprit chez les ouvriers et risquer pour une telle chose de porter atteinte au développement du Front populaire.

Nous avons fait cette déclaration, mais, camarades, cela n’a pas été sans discussion. La discussion, si on devait oui ou non abonner les fractions, vous pensez bien cela n’a pas été une petite affaire ; il n’y avait pas seulement des discussions entre nous mais des discussions avec notre conscience, avec nous-mêmes. Nous avons passé des heures et des nuits sur les textes ; nous avons cherché dans les résolutions des congrès ; nous avons remonté très loin ; nous avons lu les textes de Lénine et de Staline et nous n’avons jamais trouvé le fait actuel. Nous n’avons jamais trouvé cela dans les résolutions ni dans les écrits de Lénine et de Staline. Il y en a d’autres, il y a les éplucheurs de texte, il y a ceux qui cherchent dans les textes ou les articles la phrase qui permettra de lâcher le coup d’escopette, – vous savez ceux qui attendent au coin du bois le passant avec l’escopette. Nous avons dû nous battre avec ceux-là. Parce que nous avons lu dans les résolutions et dans les textes de Lénine et de Staline ce que les éplucheurs de textes n’ont jamais lu. Nous avons su lire, nous, dans les textes de Lénine et de Staline que le communisme c’est la vie et que les textes ne doivent pas l’empêcher d’aller à dans la vie [applaudissement]. Nous n’avons pas voulu ignorer la vie.

Est-ce que le parti y a perdu ? Eh bien, camarades, je vous le dis très tranquillement, jamais le parti communiste n’avait eu dans les milieux confédérés une telle influence que maintenant. On remercie le parti communiste d’avoir su enlever le dernier obstacle à l’unité, on est content du parti communiste, on est content du front unique et du Front populaire, on le salue d’avoir enlevé cet obstacle à l’unité et le résultat c’est que dans le congrès du plus grand syndicat de la CGT qui groupe 80 000 membres, celui des instituteurs, le dirigeant du syndicat a pu parler au congrès de la formule sublime que le parti communiste avait lancé : la paix, le travail et la liberté. C’est la première fois que dans un congrès confédéré on rend hommage, aux acclamations des congressistes, au parti communiste. On reconnaissait en fait, le rôle dirigeant du parti communiste ou il abandonnait les fractions.

Où en sont nos discussions ? Nous avons maintenant, après cette déclaration sur les fractions qui nous a permis de faire remonter l’intérêt en faveur de l’unité, il y a aussi la bataille politique, les décrets-lois, la menace du fascisme qui fait monter le mouvement des masses. Tout cela créé des conditions bien plus favorables à l’unité. Aussi les dirigeants confédérés qui avaient rompu les pourparlers, avec succès, avec cette question des fractions, les dirigeants confédérés ont été contraints immédiatement de reprendre les pourparlers ? Bien entendu, ça ne va pas tout seul. On essaye dans les discussions de faire voter des textes, de présenter des résolutions des éléments qui serviraient d’attaques contre le parti communiste. C’est bien plus difficile qu’auparavant. Ils ont dit, pendant des mois : ce sont les fractions qui sont l’obstacle, nous n’avons rien contre le parti communiste, les fractions sont disparues on cherche d’autres arguments. Ils sont devant une position bien plus difficile. Nous avons donc beaucoup plus de facilités pour faire monter le mouvement en faveur de l’unité syndicale.

Et puis nous-mêmes, nous avons appris au contact des dirigeants confédérés, que la direction de la CGT ce n’est pas un seul dieu en plusieurs personnes. Nous avons appris qu’il y avait des différences dans ces conceptions que les événements agissaient différemment sur l’un ou l’autre, et nous avons appris à utiliser cela. C’est un secrétaire adjoint de la CGT, je dis encore ça parce que c’est une réunion fermée, qui, un jour où j’étais dans son bureau – parce que nous allons dans les bureaux de la CGT, presque comme nous allons dans ceux de la CGTU, nous arrivons, nous frappons à la porte, nous entrons, nous avons telle chose à vous dire, et nous venons vous le dire – ce secrétaire adjoint me disait « c’est la dispute, maintenant tout le monde s’engueule, chacun tiraille de son côté ». Eh bien, nous utilisons cela camarades. Nous écoutons, nous savons lire entre les textes, nous apprenons un petit peu et quand l’un d’eux semble plus près de venir avec nous, celui-là on le loue publiquement, on écrit un article dans lequel on dit : avec lui, on pourra peut-être s’entendre. Et ainsi, nous essayons d’accentuer les divergences, toujours avec l’objectif de gagner à une politique de classe le plus grand nombre de syndiqués et de militants. Ça donne quelques résultats.

L’unité syndicale en France, c’est un gros morceau. Et la bourgeoisie de notre pays a plus d’un tour dans son sac. Elle sait utiliser le sentiment de masse, elle sait employer les manœuvres les plus habiles comme les plus hypocrites et malgré que nous ayons déjà signé un document en commun avec les dirigeants de la CGT, dans lequel il n’est pas question de lutte de classe, parce qu’on nous disait ce n’est pas notre affaire, c’est le congrès qui décidera, mais dans lequel nous avons introduit une phrase qui explique la lutte de classe et le rôle que les syndicats doivent mener pour la défense des intérêts des ouvriers, malgré cela ça ne va pas tout seul.

Maintenant, les dirigeants confédérés essayent de faire l’unification de façon, à conserver leur hégémonie sur le mouvement. Ils seraient même heureux d’être débarrassés sur les problèmes de l’unité en nous empêchant de développer notre point de vue, ils sont même prêts à nous donner des places dans la direction, deux secrétaires de la CGT. On nous offre cela et on s’arrangerait ensuite. Vous pensez bien que ce n’est pas un arrangement en famille que nous voulons, mais nous voulons des places pour notre mouvement et le plus que nous pouvons. Nous avons encore des difficultés. Jouhaux déclare : l’unité sera une réalité à la fin de l’année. Il dit cela pour se montrer unitaire, mais il ne fait rien pour cela, au contraire. Mais nous qui avons la conviction bien arrêtée que l’unité est indispensable à la montée du mouvement révolutionnaire en France, nous la ferons.

Mais peut-être, camarades, et c’est même certain, que dans une CGT réunifiée, nous serons en minorité, quant à la direction d’une telle CGT : ce sera aussi un problème qui ne se résoudra pas en quelques semaines. Nous allons à cette CGT unifiée avec le sentiment qu’au début nous serons en minorité, et avec cet autre sentiment que nous serons en masse. Nous ne brûlerons pas les étapes, nous travaillerons pour la direction de cette CGT, pour la direction communiste de cette CGT – sans le dire – mais ce travail peut être long. Combien ? Cela dépend un peu des événements et puis de nous. Deux ans, quatre ans, cinq ans peut-être, camarades nous travaillons avec une telle perspective. Peut-être cinq ans. Nous aurons cette patience. […] ».

__________________


Commentaire Xuan :

Cette façon d’aborder le sujet correspond exactement à l’état d’esprit de la classe ouvrière.

Quant au débat actuel dans le PCF, je crois que la très grande majorité des camarades souhaitent sincèrement l’abolition du capitalisme et un monde nouveau, même s’ils sont abusés par des conceptions réformistes. Par conséquent il est négatif de leur coller des étiquettes, ça ne sert qu’à diviser et retarder l’unité.
Mais évidemment celle-ci ne peut se réaliser que sur des positions marxistes-léninistes qu’il est nécessaire de défendre. C’est bien ce que veut dire B. Frachon à propos de l’unité syndicale, il s’agit de positions de classe.

A noter que ce texte concerne le travail dans une organisation de masse, dirigé par un parti communiste, tandis que la lutte actuelle s’effectue à l’intérieur du parti communiste lui-même.
Il y aurait d’ailleurs matière à réflexion sur le « parti communiste de masse ». A mon avis c’est un oxymore qui n’a rien à voir avec la dialectique. Parce que cette notion va précisément à l’encontre du rôle dirigeant de ce parti dans les différentes organisations de masse, elle nie même l’existence des organisations de masse.
Pour diriger, ce parti devrait être l’avant-garde du prolétariat, et non une organisation comme les autres.


Edité le 20-12-2022 à 22:35:17 par Xuan




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