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 Le PCC a 100 ans - cercle Henri Barbusse

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Xuan
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   Posté le 09-11-2021 à 20:56:36   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

http://cercles.communistes.free.fr/chb/publi.php?idArticle=2021_11_07_pcc
Le parti communiste chinois a 100 ans
UN AUTRE REGARD
SUR LA CHINE POPULAIRE



Les citations chinoises sont tirées du site A contre air du temps.

La revue CHANTIERS est une publication du Rassemblement Communiste. C’est une revue thématique éditant des textes émanant du Rassemblement Communiste ou de l’une de ses composantes.
Ce numéro a été rédigé par le Cercle Henri Barbusse.


La classe ouvrière, les classes populaires et les peuples, un moment assommé par la défaite et la restauration du capitalisme en URSS et dans le camp socialiste d'Europe, se demandent quelle signification donner à l'expérience en cours du développement fulgurant de la Chine Populaire ? Ce vaste pays, un temps semi-féodal et semi-colonial, victime de la famine et du sous-développement colonial a réalisé sa Révolution Nationale Démocratique et Populaire de 1949 pour rejoindre, tout comme la Corée du Nord, le Vietnam, le Laos et Cuba, le camp socialiste mondial né de la matrice qu'est l'URSS produit de la Révolution Socialiste d'Octobre 1917.
Né en juillet 1921, le Parti Communiste Chinois (PCC), dans le cadre d'une alliance avec les partis patriotes républicains, est la force politique dirigeante à l'avant-garde du formidable développement économique, scientifique, technologique, social, sanitaire, éducatif et écologique en cours de réalisation au profit du prolétariat, de la paysannerie, des intellectuels et même de la bourgeoisie patriotique en Chine.
Le PCC fête donc cette année 2021 ses cent ans. C’est en soi une démonstration par l’histoire même, aussi tempétueuse soit-elle, qu’aussi bien la prise révolutionnaire du pouvoir que la réalisation des tâches du socialisme exigent un Parti Communiste, Etat-major de la dictature du prolétariat contre le capitalisme impérialiste.
Quelles sont les principales étapes de la longue marche du Parti des classes ouvrière, paysanne, des intellectuels révolutionnaires et de la bourgeoisie patriotique en Chine ? Quelles sont les étapes de la transition en cours au socialisme en Chine ? Quel fut le rôle du PCC dans le camp socialiste ? Quel rapport entre le PCC et la « re-mondialisation capitaliste » ?


L e 4 mai 1919, inspirés par la Révolution d'Octobre 1917 en Russie qui en appelait au pain aux ouvriers, à la terre aux paysans, à la paix aux soldats et à la liberté pour les colonies, des milliers de Chinois, dans une action commune de bourgeois, d'intellectuels, d'artisans et du prolétariat, arpentèrent les rues contre le traité de Versailles qui confirmait la présence étrangère impérialiste en Chine en diffusant un manifeste qui proclamait que « le territoire de la Chine peut être conquis, mais il ne peut être donné ! Les Chinois peuvent être tués, mais ils ne veulent pas être soumis ! Notre pays risque sa perte ! Citoyens, mobilisez-vous ! ».
Dix ans après la chute de la monarchie, la République bourgeoise proclamée en 1911 et dirigée par le Kuomintang commençait à montrer des limites dans sa capacité à unifier le pays contre les féodaux propriétaires fonciers, les seigneurs de guerre et l'occupation étrangère en terre chinoise.
L’expérience chinoise venait ainsi confirmer la pertinence de l’analyse de la troisième Internationale communiste sur le capitalisme et la bourgeoisie nationale dans les colonies, semi-colonies à l’époque de l’impérialisme. Combattant les thèses sociale-démocrates et trotskystes, l’Internationale Communiste (IC) insiste sur le caractère dépendant du capitalisme dans les colonies et les semi-colonies. Si l’impérialisme exporte et impose le capitalisme dans celles-ci, ce n’est pas à l’identique des formes qu’il a prises historiquement en Europe au centre du capitalisme impérialiste : les forces productives ne sont développées qu’en fonction des besoins des pays impérialistes, c’est-à-dire de manière partielle, dépendante, sclérosée; les classes sociales précoloniales médiévales et féodales ne sont pas combattues mais associées à la domination des masses populaires tout en restant sous le contrôle de la bourgeoisie des pays impérialistes; la bourgeoisie locale peut connaître un développement relatif, mais dans les secteurs non productifs [bourgeoisie marchande essentiellement] ; etc. « Dans les colonies et les semi-colonies, la révolution démocratique bourgeoise se distingue de la révolution démocratique bourgeoise dans un pays indépendant, surtout par sa liaison organique avec la lutte pour l’émancipation nationale du joug impérialiste » [Thèses sur le mouvement révolutionnaire dans les colonies et semi-colonies; sixième congrès de l’IC]. Il en découle que « la bourgeoisie indigène plus faible est toujours prête à capituler devant l’impérialisme. Sa capitulation n’est toutefois pas définitive tant que le danger d’une révolution de classe n’est pas immédiat, réel, aigu, menaçant de la part des masses » poursuit le sixième congrès. L’insistance de l’Internationale Communiste sur ces spécificités coloniales et néocoloniales s’explique par sa volonté de combattre le dogmatisme consistant à considérer que le socialisme se fraiera un chemin dans les colonies et semi-colonies selon les mêmes modalités et les mêmes étapes que dans les pays impérialistes. « Le passage à la dictature du prolétariat n’est possible dans ces pays, en règle générale, que par toute une série d’étapes préparatoires, par toute une période de transformation de la révolution bourgeoise démocratique en révolution socialiste » explique le programme de l’IC adopté au sixième congrès. Nous rappelons ces éléments fondamentaux en raison de la fréquence des jugements hâtifs et donc réducteurs sur le « socialisme en Chine », soit pour affirmer de manière gauchiste son existence depuis 1949, soit de manière révisionniste pour qualifier la Chine de pays capitaliste et même impérialiste.
Quant à l’attitude de la bourgeoisie chinoise [« toujours prête à capituler »] elle capitulera devant la crainte que lui inspire le développement des luttes paysannes et ouvrières sous l’impulsion du PCC dans la décennie 20. L'alliance entre Kuomintang et PCC avait pour objectif de sortir le pays du semi-féodalisme qui perdurait encore avec les seigneurs de guerre et du semi-colonialisme avec les concessions territoriales occupées par les impérialismes anglais, français, japonais, etc. Cette alliance fut brisée, après la mort de Sun Yat Sen en 1925, par les massacres des ouvriers révolutionnaires et communistes de Shanghai et de Canton en 1927 perpétré par le Kuomintang pour stopper l'influence grandissante du PCC. En effet de 13 délégués communistes à sa fondation pour une cinquantaine de militants, le PCC atteint très vite 58.000 adhérents dont 5000 sont massacrés par le Kuomintang en avril puis en décembre 1927 après les insurrections ouvrières dirigées par les communistes qui avaient libéré les villes de Shanghai et de Canton des seigneurs de guerre.
Le premier écrit de Mao date de cette période où il développe la stratégie de « l'encerclement des villes par les campagnes », traduction chinoise de la nécessaire alliance ouvrière et paysanne de la célèbre critique de Marx et Engels sur l'isolement de la Commune urbaine en France des campagnes, c'est-à-dire l'isolement des ouvriers Français des paysans.
Si la direction de la révolution reste dans les colonies et les semi-colonies celle du prolétariat et de son parti, la base sociale de celle-ci est majoritairement paysanne. La révolution est dans ces pays indissociablement une révolution agraire, nationale et démocratique. Ce sont ces tâches agraires, nationales et démocratiques qui constituent le terreau du développement socialiste ultérieur dans une durée et des étapes différentes d’une colonie ou semi-colonie à une autre. Il y a donc une voie chinoise vers le socialisme [comme il y a et aura une voie coréenne, cubaine, vietnamienne, vénézuélienne, bolivienne, nicaraguayenne, indienne, sénégalaise, algérienne, sud-africaine, états-unienne, etc, au socialisme]. On peut même étendre ce raisonnement dialectique aux voies et formes nationales propres à chaque pays impérialiste.
Le PCC sous l'impulsion de l'équipe dirigeante qui se forge progressivement dans la lutte armée de libération nationale et antiféodale, notamment à travers « la longue marche », devait fournir un effort collectif pour appréhender la réalité nationale chinoise sur le principe « pas de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire ». Les écrits de Mao Tsé Toung vont être d'un apport majeur dans ce travail d'élaboration théorique présentant « l'alliance des quatre classes non antagoniques de la Révolution chinoise que sont la classe ouvrière, la paysannerie, l’intelligentsia révolutionnaire et la bourgeoisie nationale » comme la base de classes de la « démocratie nouvelle », ce nouvel État populaire antiféodal et anticolonial.
Dans un contexte de marche vers la seconde guerre mondiale et l'avènement du front fasciste visant pour le compte du capitalisme à détruire le communisme – nazis allemands, fascistes Italiens et japonais – la période allant des années 30 jusqu'à la fin de la seconde guerre antifasciste, le PCC remit à l’oeuvre en 1937 un front tactique avec le Kuomintang pour chasser les Nippons de la Chine. Tirant le bilan de la capitulation du Kuomintang en 1927, le PCC limita cependant cette alliance à la dimension tactique que préconisait aussi le VIIéme congrès de l’IC et mena la bataille pour conquérir la direction de l’alliance et donc de la lutte antiféodale et anticoloniale. Il s’agissait en quelque sorte de distinguer au sein de la bourgeoisie, la fraction « nationale » avec laquelle une alliance plus durable est possible et les fractions compradores liées entièrement aux intérêts impérialistes. C'est au cours de cette lutte armée de libération nationale que le PCC se révéla être la force libératrice la plus conséquente et gagna la place d'avant-garde reconnue du peuple.
L'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon en 1945 et les exploits de l'armée de libération ayant mis le PCC à la tête des forces patriotiques révolutionnaires déboucheront sur l'arrivée triomphale à Pékin en octobre 1949 et la débandade précipitée des fractions compradores de la bourgeoisie chinoise du Kuomintang vers l'Île de Taïwan sous le parapluie nucléaire US. Les communistes de Chine, d'Indochine/Vietnam et de Corée prolongeaient ainsi en Asie la victoire de l'armée, du parti bolchevique et du peuple Soviétique contre le front fasciste en Europe.
La Chine Populaire, puis la Corée du Nord, le Vietnam, le Laos et plus tard Cuba vont ainsi chacun, après leur révolution nationale dirigée par le parti Communiste, rejoindre les Démocraties Populaires formant le camp socialiste avec l'URSS.

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Xuan
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La sortie du sous-développement et le socialisme de marché

C 'est lors de « la longue marche » dans les zones libérées que le PCC a mis en oeuvre les premières expériences de liquidation de la propriété foncière féodale en redistribuant la terre aux paysans qui la travaillent. Tout en organisant les Soviets (conseils) de paysans et de soldats, le PCC considérait qu' « En raison des particularités du développement social et historique de la Chine et de son retard scientifique, c'est une tâche unique et difficile d'appliquer systématiquement le marxisme à la Chine et de le transformer de sa forme européenne en une forme chinoise... Nombre de ces problèmes n'ont jamais été résolus ou soulevés par les marxistes du monde, car ici, en Chine, la principale section des masses n'est pas constituée d'ouvriers mais de paysans, et la lutte est dirigée contre l'oppression impérialiste étrangère et les survivances médiévales, et non contre le capitalisme intérieur » (Liu Shaoqi, dirigeant éminent du PCC dénoncé lors de la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » (GRCP) puis réhabilité par Deng Xiaoping).
La GRCP1 est un mouvement basiste mobilisé par Mao Ze Dong contre le « révisionnisme soviétique », la « bureaucratisation » et « l'embourgeoisement » au sein du PCC et de l'Etat. La période de la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » (GRCP) a combiné une phase « antagonique » et une autre « non antagonique » des « contradictions au sein du peuple » qui sont des ruptures dans une continuité globale de l'alliance des « quatre classes révolutionnaires de la Démocratie Nouvelle » maoïste.
Cette conception des « contradictions non antagoniques et antagoniques » est largement partagée par tous les 13 Secrétaires Généraux du PCC et chefs d'Etats de la Chine Populaire qui se sont succédé jusqu'ici, conception appliquée à une échelle provinciale dans les zones libérées lors des 9.000 km parcourus par « la longue marche » avant qu'elle ne soit appliquée au plan national et même international.
La distinction entre des « contradictions antagonistes » et d’autres « non antagonistes » est ancienne dans le mouvement ouvrier. Marx et Engels évoquent ainsi, par exemple, la contradiction non antagoniste à propos de la division de la classe ouvrière en Angleterre entre travailleurs irlandais et anglais, contradiction à surmonter par la liaison dialectique entre luttes spécifiques et luttes globales fondement de l'unité de classe pour affronter la contradiction, cette fois-ci antagoniste, qui l’oppose à la bourgeoisie anglaise. Mais, c’est Mao qui en formule la théorisation précise et scientifique dans son texte « De la juste solution des contradictions au sein du peuple » en juin 1957 : « Nous avons à faire face à deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous-mêmes et nos ennemis, et les contradictions dans les rangs du peuple. La nature de ces deux types de contradictions est totalement différente » explique la brochure avant de citer en exemple de contradictions non antagonistes : les contradictions au sein de la classe ouvrière, celles au sein de la paysannerie, celles entre la classe ouvrière et la paysannerie, etc. La distinction entre ces deux types de contradictions est essentielle, car elle détermine l’objectif politique des alliances du moment à adopter. Devant une contradiction antagoniste la seule perspective révolutionnaire est la destruction de l’ennemi. Devant une contradiction non antagoniste la perspective révolutionnaire est de maintenir l’unité quitte, pour cela, à ralentir le rythme d’une transformation, à prendre le temps de la persuasion, du compromis et de l’éducation politique, etc. La distinction est ainsi centrale pour éviter les pièges du gauchisme et du révisionnisme, les dérives de l’opportunisme de droite et de gauche. Mao explique ainsi que face à une contradiction antagoniste, il s’agit « d’établir une claire distinction entre nous et nos ennemis », alors que face à une contradiction non antagoniste, il s’agit de distinguer « entre le vrai et le faux » (De la juste solution). Elle sera une boussole qui permettra au PCC à la fois de transformer la base matérielle de la Chine dans tous les domaines tout en sauvegardant l’unité des classes ayant intérêt à ces transformations révolutionnaires.
Dès la prise du pouvoir, le PCC socialise les secteurs clefs de l'économie nationale, c'est-à-dire les principaux moyens de production et d'échange, mais laisse cette propriété d’état coexister avec le secteur privé capitaliste, la production privée artisanale et paysanne, etc.
Le « grand bond en avant », une politique d’industrialisation volontariste avec l'aide internationaliste de l'URSS, a permis de doter en partie la Chine d'une base industrielle, mais a généré aussi des contradictions et critiques internes au PCC opposant notamment Mao et Liu Shaoqi. Le débat sur la « réussite ou l'échec » du « grand bond en avant » semble avoir été plutôt réglé comme « contradictions non antagoniques au sein du peuple » par le PCC, car Liu Shao Qi devint le président du pays de 1958 à 1968.
Il en est de même de la « révolution culturelle » lancée par Mao avec le soutien de Lin Biao contre la « bureaucratisation » au sein du PCC et de l’État. Pourtant d'intenses débats internes d'une rare intensité ont eu lieu au point que Mao appelait à « faire feu sur le quartier général ». La « contradiction antagonique » s'est limitée aux cas de disparition de Lin Biao et Liu Shaoqi et plus tard de la « bande des quatre » après la mort de Mao. On peut constater qu'en général les contradictions internes au PCC, malgré quelques moments de fortes divergences, semblent avoir trouvé une issue pour l’essentiel sur la base du principe « unité, critique, unité ».
C’est d’ailleurs Mao qui, au nom du comité central du PCC en juillet 1968, dissout les gardes rouges mettant ainsi fin à la dérive gauchiste qui s’était déployée essentiellement chez les étudiants à la faveur de l’appel à abattre le révisionnisme jusque dans le « quartier général » que constituait la révolution culturelle. Un tel processus n’est pas nouveau. L’appel de Staline et du comité central du parti à la lutte contre les Koulaks et pour la collectivisation fut suivi également d’une dérive gauchiste imposant par la force la collectivisation, notamment aux paysans moyens. Comme Mao en Chine avec la révolution culturelle, ce fut Staline lui-même qui mit fin à cette dérive par son texte de mars 1930, « le vertige du succès » : « Mais il ne faut pas non plus courir trop vite, car courir trop vite, c’est perdre la liaison avec les masses. Celui qui veut diriger le mouvement et conserver en même temps la liaison avec les masses innombrables, doit mener la lutte sur deux fronts — et contre les retardataires, et contre ceux qui courent trop vite. » (Le vertige du succès).
Aussi peut-on faire le constat qu'à la mort de Mao en 1976, le PCC et la Chine Populaire en avait fini pour l'essentiel des tâches de la révolution nationale et démocratique antiféodale et anticoloniale pour transformer ce pays de « paysans », de « villages » en pays « d’ouvriers », de « villes ».
Le développement national endogène historique qui avait été stoppé par l'interférence impérialiste à partir des deux guerres de l'opium au 19éme siècle qui avait soumis la Chine au semi-colonialisme pouvait ainsi donc reprendre son cours normal, mais dans un contexte national et mondial différent. C’est pendant cette longue période de 1949 à 1976 que se réunissent les conditions matérielles qui permettront le développement économique que connaît la Chine aujourd’hui. Sans la réforme agraire, sans les premiers jets des bases de l'industrie lourde, sans le développement de l’enseignement et de la santé, etc., la Chine n’aurait pas pu réaliser un tel développement.
Toutefois dans un pays immense de près de 10 millions de km2 et de plus d'un milliard d'habitants, la question de passer de la révolution de démocratie nouvelle au socialisme restait à résoudre. C'est là qu'il faut examiner l'analyse suivante de Deng Xiaoping : « Le marxisme attache la plus grande importance au développement des forces productives... (Aller vers le communisme) exige des forces productives hautement développées et une abondance écrasante de richesses matérielles. Par conséquent, la tâche fondamentale de l'étape socialiste est de développer les forces productives. La supériorité du système socialiste est démontrée, en dernière analyse, par un développement plus rapide et plus important de ces forces que dans le système capitaliste. À mesure qu'elles se développent, la vie matérielle et culturelle du peuple s'améliore constamment... Le socialisme signifie l'élimination de la pauvreté. Le paupérisme n'est pas le socialisme, et encore moins le communisme » .
L'économiste chinois Justin Yifu Lin note « qu'en 1978, le Japon avait pratiquement rattrapé les États-Unis, et la Corée du Sud et la Chine-Taïwan avaient réduit l'écart de revenu avec les pays développés. La Chine, bien que dotée d'un système industriel complet, d'une bombe atomique et d'un satellite artificiel, avait un niveau de vie très éloigné de celui des pays développés » .
Le lien structurel entre niveau de développement des forces productives, niveau de maîtrise scientifique, technique et niveau de vie et de culture des populations est ainsi dialectiquement introduit à travers l'expérience en cours en Chine dans la réflexion marxiste-léniniste sur la marche vers le communisme.
C'est Mao lui même qui, dès 1949, fait ce lien dialectique entre développement des forces productives et élévation du niveau de vie sociale des travailleurs et du peuple : « Si nous sommes ignorants en matière de production, si nous ne pouvons pas saisir rapidement le travail de production ... afin d'améliorer les moyens de subsistance des travailleurs d'abord, puis ceux des autres personnes ordinaires, nous ne serons certainement pas en mesure de maintenir notre pouvoir politique : nous perdrons notre position et nous échouerons ». Le pragmatisme de cette démarche est synthétisé par Deng Xiaoping ainsi : « Peu importe la couleur du chat, l'essentiel est qu'il attrape les souris » .
Bien entendu, ce lien dialectique est devenu plus crucial encore dans le contexte de la « re-mondialisation capitaliste » engendrée par la défaite du camp socialiste d'Europe. Indéniablement le PCC prend ici en compte dans le processus révolutionnaire la dialectique entre le développement des forces productives et le changement des rapports de production et donc des rapports sociaux.
Quant aux contradictions de classes entre prolétariat, paysannerie et bourgeoisie patriotique, Mao et tous les dirigeants successifs du PCC ont défini celles-ci comme étant « des contradictions au sein du peuple » dont la résolution s'opère par la lutte contre la « bureaucratisation » à l'instar de la révolution culturelle et/ou contre la « corruption » à l'instar des arrestations et condamnations de hauts dignitaires parce que nul n'est au dessus des lois au contraire de la justice de classe de l'impunité des grands bourgeois dans les pays capitalistes et par « l'intégration et le contrôle » des activités du capital privé en général qu’il soit national ou étranger dans la planification de la longue marche de l'économie nationale vers l’édification du socialisme, première étape vers le communisme.
Il faut préciser ici que la « bande des quatre » considérait qu'il fallait rompre avec la ligne maoïste de « l'alliance entre les quatre classes révolutionnaires » dont la bourgeoisie, surestimant en cela le « danger restaurateur bourgeois » alors que Deng Xiaoping et la majorité du PCC considéraient cette surestimation comme une « exaspération gauchiste » petite bourgeoise. Le fait que Deng Xiaoping et toute la direction du PCC aient fermement mis fin à la tentative contre-révolutionnaire bourgeoise de Tiananmen en 1989 est un indicateur de la surestimation gauchiste de la force restauratrice de la bourgeoisie et de la faiblesse supposée du PCC de la part de la dite « bande des quatre ».
Mao lui même considère que « la contradiction entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale entre dans la catégorie des contradictions au sein du peuple... Dans les conditions concrètes de la Chine, cette contradiction antagoniste entre les deux classes, si elle est correctement gérée, peut se transformer en une contradiction non antagoniste et être résolue par des méthodes pacifiques » . Le PCC combine en fait la planification et le marché tout en faisant participer progressivement le secteur privé au développement économique général et à l’élévation générale du niveau de vie des populations. C'est ainsi que Xi Jinping a pu annoncer la fin de la « pauvreté absolue » et l’entrée « dans la société de moyenne aisance » en Chine à l'occasion de ce centième anniversaire de la naissance du PCC tout en fixant l’objectif pour le centième anniversaire de la Révolution chinoise en 2049 de la « société socialiste d’aisance générale ».
L'objectif de développer l'économie nationale pour élever le niveau général de vie, l'éducation, la santé, le logement et le niveau culturel des populations est, dans la conception chinoise du socialisme scientifique, partie prenante du processus d'édification de la « société socialiste à la chinoise », car selon Deng Xiaoping : « notre pays est un pays économiquement arriéré avec une population d'un milliard d'habitants. Si nous suivions la voie capitaliste, un petit nombre de personnes dans certaines régions s'enrichiraient rapidement, et une nouvelle bourgeoisie émergerait avec un certain nombre de millionnaires - toutes ces personnes représentant moins d'un pour cent de la population - tandis que l'écrasante majorité du peuple resterait dans la pauvreté, à peine capable de se nourrir et de se vêtir. Seul le système socialiste peut éradiquer la pauvreté » .
Pour Deng Xiaoping : « c'est pour la réalisation du communisme que nous avons lutté pendant tant d'années... C'est pour la réalisation de cet idéal que d'innombrables personnes ont donné leur vie » . Propos que Xi Jinping précise ainsi : « L'histoire et la réalité nous ont montré que seul le socialisme peut sauver la Chine et que seul le socialisme aux caractéristiques chinoises peut apporter le développement à la Chine » .
L'expérience en URSS de la NEP nommée par Lénine comme un « capitalisme d’État » sous le régime Soviétique et ce que les communistes Chinois appellent « socialisme de marché » ont une essence très proche, voire sont identiques parce que combinant la coexistence entre secteurs socialistes centralisés entre les mains de l’État, secteurs décentralisés (locaux), coopératifs, production paysanne familiale et secteurs capitalistes et tout cela sous la direction du parti communiste qui dirige et contrôle le secteur socialiste comme levier pilote pour la planification de l'économie et l’intégration des secteurs privés aux objectifs économiques, sociaux et écologiques nationaux planifiés. La durée de cette expérience dépend à la fois de la réalisation des objectifs fixés et de la nature antagonique ou non antagonique évolutive des contradictions de classes internes et externes. Bien entendu, toutes les expériences de transition au socialisme auront à un moment à répondre à la question de Lénine : QUI L’EMPORTERA, socialisme ou capitalisme ?
Le génie de Staline a été de planifier en une dizaine d’années l'édification d'une économie socialiste pour vaincre la machine génocidaire capitaliste impérialiste nazie, unir autour d’elle la résistance des peuples et forcer les bourgeoisies non fascistes (USA, Royaume Uni) à une alliance contre le monstre criminel qu'elles avaient fabriqué pour se débarrasser de l'URSS.
C'est cet enjeu de survie qui a objectivement écourté l'expérience de la NEP dont Lénine a pu dire en 1921 : « Nous ne devons pas avoir peur de la croissance de la petite bourgeoisie et du petit capital. Ce que nous devons craindre, c'est la famine prolongée, le besoin et la pénurie alimentaire, qui créent le danger que la classe ouvrière soit complètement épuisée et cède à l'hésitation et au désespoir de la petite-bourgeoisie. C'est là une perspective bien plus terrible » . On retrouve bien là, bien avant Mao et les dirigeants communistes chinois, une préoccupation léniniste que Cuba rencontre actuellement dans sa lutte contre le blocus US/UE.

Mais Lénine va encore plus loin pour expliquer la nécessité de la NEP comme politique économique pour doter la Russie arriérée de forces productives développées, base du socialisme étape vers le communisme. Dans un texte peu connu intitulé « Sur l’infantilisme ‘de gauche’ et les idées petites bourgeoises », voici ce que dit Lénine à propos du « capitalisme d’état » :
« Nous ne savons pas calculer où il faut mettre tel ou tel saboteur, nous ne savons pas organiser nos propres forces pour la surveillance, charger un directeur ou un contrôleur bolchevik de surveiller, disons, une centaine de saboteurs qui viennent travailler chez nous. Dans cette situation, lancer des phrases telles que ‘la socialisation la plus résolue’, ‘l’écrasement’, ‘briser définitivement’, c’est se mettre le doigt dans l’oeil. Il est typique, pour un révolutionnaire petit-bourgeois, de ne pas remarquer qu’il ne suffit pas au socialisme d’achever, de briser, etc. ; cela suffit au petit propriétaire exaspéré contre le grand, mais le révolutionnaire prolétarien ne saurait tomber dans une pareille erreur. (…) Or, ils (nos communistes de gauche) n’ont pas songé que le capitalisme d’état serait un pas en avant par rapport à l’état actuel des choses dans notre République des soviets. (…) Aucun communiste non plus n’a nié, semble t-il, que l’expression de République socialiste des Soviets traduit la volonté du pouvoir des soviets d’assurer la transition au socialisme, mais n’entend nullement signifier que le nouvel ordre économique soit socialiste. Mais que signifie le mot transition. Ne signifie t-il pas, appliqué à l’économie, qu’il y a dans le régime en question des éléments, des fragments, des parcelles, à la fois de capitalisme et de socialisme ? Tout le monde en conviendra. Mais ceux qui en conviennent ne se demandent pas toujours quels sont précisément les éléments qui relèvent de différents types économiques et sociaux qui coexistent en Russie. Or, là est toute la question. Énumérons ces éléments :
1) l’économie patriarcale, c’est-à-dire dans une très grande mesure, l’économie naturelle paysanne ;
2) la petite production marchande (cette rubrique la plupart des paysans qui vendent du blé ;
3) le capitalisme privé ;
4) le capitalisme d’état ;
5) le socialisme.
La Russie est si grande et d’une telle diversité que toutes ces formes économiques et sociales s’y enchevêtrent étroitement. Et c’est ce qu’il y a de particulier dans notre situation. (…) Ce n’est pas le capitalisme d’état qui est ici aux prises avec le socialisme, mais la petite bourgeoisie et le capitalisme privé qui luttent, au coude à coude, à la fois contre le capitalisme d’état et contre le socialisme. La petite bourgeoisie s’oppose à toute intervention de la part de l’Etat, à tout inventaire, à tout contrôle, qu’il émane d’un capitalisme d’état ou d’un socialisme d’état »
. Il est clair ici que Lénine, en dialecticien matérialiste conséquent, prend en compte l’état réel de sous-développement des forces productives pour fixer la nouvelle politique économique (NEP) de la transition au socialisme qui lie à la fois développement économique, social et culturel.
En fait, l'expérience chinoise en cours bouscule les idées préconçues, le dogmatisme inhérent à la fossilisation du marxisme-léninisme par l'hégémonie du révisionnisme, des déviations de droite et de gauche depuis les années 60 sur le Mouvement Communiste International (MCI) en lieu et place de la créativité, de l'innovation, l'initiative et la faculté de saisir le réel dans son essence qu’ont montré Marx, Engels, Lénine, Staline, Hô Chi Minh, Kim Il Sung, Fidel Castro, Che Guevara, Amilcar Cabral pour ne citer que quelques uns des plus illustres Communistes vainqueurs du capitalisme impérialiste au 19éme et 20éme siècles.
Parallèlement à l'expérience chinoise se profilent celles, à étudier de près aussi, de Cuba socialiste, véritable puissance médicale, de la Corée du Nord, puissance technologique nucléaire défensive, du Laos, du Vietnam, puissance économique et sociale en devenir dans ce contexte de décadence fascisante de la « re-mondialisation capitaliste ».


Edité le 09-11-2021 à 21:06:17 par Xuan




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Des ruptures tactiques dans une continuité stratégique


C e processus que nous décrivons ci-dessus de l'édification d'une économie nationale indépendante socialiste en Chine est, au delà des débats contradictoires antagoniques ou non antagoniques au sein du PCC, marqué par des ruptures tactiques dans une continuité stratégique sur la voie du « socialisme de marché à la chinoise » .
A la différence notable de Khrouchtchev accablant faussement Staline de tous les « pêchés d’Israël » au nom du « culte de la personnalité » pour éliminer, y compris physiquement ses adversaires comme Beria, Mao demeure la référence symbolique de la Révolution Chinoise, malgré les divergences conjoncturelles qui ont jalonné l'évolution historique du PCC. C'est Deng Xiaoping lui-même, après avoir pourtant été mis en disgrâce par la révolution culturelle, qui déclare clairement que « sans le leadership exceptionnel de Mao, la révolution chinoise n'aurait toujours pas triomphé, même aujourd'hui. Dans ce cas, les peuples de toutes nos nationalités souffriraient encore sous la domination réactionnaire de l'impérialisme, du féodalisme et du capitalisme bureaucratique ». Deng Xiaoping a souligné que « La bannière de la pensée de Mao Zedong ne peut pas être jetée. Jeter cette bannière, c'est nier l'histoire glorieuse de notre Parti. D'une manière générale, l'histoire de notre Parti est toujours glorieuse. Bien que notre Parti ait commis de grandes erreurs au cours de son histoire, y compris au cours des 30 années qui ont suivi la fondation de la République populaire, et même des erreurs aussi importantes que la Révolution culturelle, c'est finalement notre Parti qui a permis à la révolution de réussir. Le statut de la Chine dans le monde s'est considérablement amélioré après la fondation de la République populaire de Chine. Seule la fondation de la République populaire de Chine nous a permis, à nous, un grand pays dont la population représente près d'un quart de la population totale de la Terre, de nous tenir debout et d'être forts dans le monde » .
C'est dire que sur ce point précis, les ruptures tactiques dans une continuité stratégique sont une caractéristique des politiques du PCC, mais aussi du Parti du Travail de Corée, du Parti Communiste Vietnamien et du Parti Communiste de Cuba. Et que partout ailleurs où les ruptures ont été stratégiques – Révisionnisme Soviétique, Eurocommunisme, Trotskisme - les déviations de droite et de gauche se sont cristallisées en trahison social-démocrate conduisant à la défaite.
Donnons la parole à Xi Jinping, l'actuel Secrétaire Général du PCC, qui décrit mieux que quiconque ce processus en invitant l'ensemble du parti à faire preuve de créativité et d'innovation dans l'application du Marxisme – Léninisme aux réalités évolutives nationales chinoises : « Le marxisme se développe toujours en même temps que les réalités sociales et la technologie de l'époque. Le marxisme ne peut pas stagner. Après le début de l'ouverture, le socialisme n'a fait que continuer à progresser. Soutenir le développement du socialisme aux caractéristiques chinoises, c'est un peu comme un grand livre. Pour établir les principes et les idées fondamentales, le camarade Deng Xiaoping y a gravé sa part. La troisième génération du Comité central du Parti, avec le camarade Jiang Zemin comme noyau et le camarade Hu Jintao comme secrétaire général, a ajouté ses propres chapitres brillants à ce livre. La responsabilité de cette génération de membres du Parti communiste est d'écrire le prochain chapitre de ce grand ouvrage. Pendant une période assez longue encore, le socialisme à son stade primaire existera aux côtés d'un système capitaliste plus productif et plus développé. Au cours de cette longue période de coopération et de conflit, le socialisme doit tirer les leçons des bienfaits que le capitalisme a apportés à la civilisation. Nous devons faire face à la réalité que les gens utiliseront les forces des pays occidentaux développés pour dénoncer le développement socialiste de notre pays. Nous devons faire preuve ici d'une grande détermination stratégique en rejetant résolument tous les faux arguments selon lesquels nous devrions abandonner le socialisme. Nous devons corriger consciemment les différentes idées qui ne correspondent pas à notre stade actuel. Plus important encore, nous devons concentrer nos efforts sur l'amélioration de nos propres affaires, sur l'élargissement continu de notre puissance nationale globale, sur l'amélioration de la vie de notre peuple, sur la construction d'un socialisme supérieur au capitalisme, et sur l'établissement des bases d'un avenir où nous gagnerons l'initiative et aurons la position dominante. Cette analyse nous permet de mieux apprécier le fait que la voie idéologique que nous choisissons de suivre est le problème central qui déterminera la victoire ou la défaite du travail de notre Parti, le destin même du Parti. Comme le camarade Mao Zedong l'a dit un jour : «Un parti révolutionnaire est le guide des masses. Dans les révolutions, il n'y a jamais eu de parti révolutionnaire qui ait conduit son peuple sur la mauvaise route et dont la révolution n'ait pas échoué » ».
Les faits militent objectivement pour une nouvelle lecture communiste de l'expérience des pays rescapés du camp socialiste débarrassée des lectures droitière ou gauchiste du débat des années 60, 70, 80 qui a divisé le Mouvement Communiste International (MCI) sur les voies de la révolution socialiste, de la transition au socialisme et de la construction du socialisme, première étape du communisme. Division et révisionnisme de droite et de gauche du VIIème et dernier congrès de l’IC qui ont joué un rôle important dans la défaite qui a emporté le camp socialiste d’Europe et l’URSS.


Edité le 09-11-2021 à 21:01:00 par Xuan




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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Xuan
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   Posté le 09-11-2021 à 20:59:31   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Le PCC, le camp socialiste et le Mouvement Communiste International

S i l'on veut, comme le dit Lénine, que « les armées battues soient à bonne école », une réévaluation critique du débat des années 60, 70, 80 dans le MCI est nécessaire au cours de la lutte actuelle pour reconstruire de nouveaux Partis Communistes dignes de ce nom dans les pays capitalistes impérialistes et dans les pays dépendants, néocoloniaux et coloniaux. Cette réévaluation doit se faire dans le processus même de la lutte des classes et de la lutte de libération nationale des peuples tout comme exactement les Révolutions Nationales et les Démocraties Populaires du XXème siècle se sont inspirées de la matrice Soviétique prolétarienne pour faire la révolution et appliquer le socialisme scientifique à leurs réalités nationales.
Dans notre brochure de 2000 sur le maoïsme, nous examinions le rôle du maoïsme dans la défaite du camp socialiste et de la restauration du capitalisme en URSS. Si le PCC s'est opposé à la déstalinisation opportuniste des dirigeants révisionnistes du PCUS, force est de constater que le « 70% versus 30% » de l'apport de Staline est une comptabilité en pourcentage qui s'est révélée centriste dans la lutte idéologique contre les falsifications mensongères de l'histoire de l'édification du socialisme en URSS et de l'Internationale Communiste.
Certes nous devons reconnaître au vu de l'évolution historique que le parallèle avec le titisme comportait une erreur d'appréciation, au delà de l'aspect division du MCI, parce que le titisme est un cheval de Troie de l'impérialisme dans le camp socialiste, ce qui n'est nullement le cas du Maoïsme. Nous avions donc sous-estimé le fait que le maoïsme est aussi en réalité une tentative d'application du marxisme-léninisme, du socialisme scientifique aux réalités nationales de la Chine.
Le fait que les contradictions au sein du Mouvement Communiste International (MCI) aient été traitées par le PCC comme des « contradictions non antagoniques devenant ensuite antagoniques » et que le PCUS révisionniste en ait fait de même, pose la question fondamentale du rapport dialectique, dans un contexte d'encerclement capitaliste, à trouver entre facteur national et international dans les révolutions indépendantistes et/ou prolétariennes en général. La relation dialectique entre défense de la révolution, transition au socialisme et internationalisme est une question qui garde encore aujourd'hui une grande actualité.
Cette réévaluation nécessaire n’est pas un exercice abstrait mais une nécessité liée à nos luttes d’aujourd’hui. Elle doit en conséquence se prémunir de l’approche gauchiste révisionniste consistant à déifier une pensée ou un leader en le considérant sans faille et sans erreur tout autant que de l’approche droitière révisionniste consistant à s’appuyer sur nos erreurs et nos échecs pour renoncer au but communiste.
Marx, Engels comme Lénine, Staline ou Mao, Kim Il Sung, Fidel Castro, Hô Chi Minh, Amilcar Cabral de même que les partis communistes chinois ou soviétique comme tous les autres partis communistes ayant accédé au pouvoir, ne se contentaient pas « d’interpréter le monde » mais de le « transformer » comme disait Marx dans une de ses thèses sur Feuerbach. Dans ce travail concret, ardu, jamais entièrement acquis, toujours menacé par la contre-révolution des erreurs sont inévitablement commises. Nous avons ainsi dans notre brochure antérieure souligné les apports de Mao à la pensée marxiste mais aussi nous avons commis des erreurs idéalistes. La prétention à une analyse sans faille n’est pas matérialiste surtout dans les périodes historiques où nous ne disposons pas d’une Internationale Communiste, c’est-à-dire d’un cerveau collectif international du prolétariat.
La Révolution d'Octobre 1917 a eu le mérite de montrer concrètement non seulement que la dictature du capital pouvait être vaincue, ce qu'avait fait la Commune avant, mais surtout que la société antithèse du capitalisme qu'est le socialisme, première étape du communisme, pouvait être édifiée. Cette expérience qui va durer 70 ans s'était réalisée contre la trahison de la social-démocratie lors de la première guerre mondiale impérialiste. Les communistes révolutionnaires furent regroupés dans l'Internationale Communiste (IC) qui organisa la rupture totale d'avec l'opportunisme social-démocrate, la formation des cadres militants et la lutte de classe à l'échelle internationale jusqu'à sa dissolution dans le contexte de l'assaut général pour écraser la bête immonde fasciste en 1943.
Si l'IC était le cadre des débats et des décisions démocratiques, la transformation des révolutions antifascistes et anticoloniales en Démocraties
Populaires du camp socialiste opposé au camp capitaliste impérialiste divisa le monde en deux pôles. Des expériences minoritaires de mouvements nationaux indépendantistes dirigés par des communistes rejoignirent le camp socialiste après leurs victoires. Parallèlement les peuples se levaient contre le système colonial dans des luttes de libérations indépendantistes dirigées majoritairement par des bourgeoisies nationales prêtes le plus souvent à des compromis voire à des arrangements avec l'impérialisme.
Les situations objectives différentes des communistes – au pouvoir dans des pays où les tâches nationales révolutionnaires étaient de natures différentes, dans des pays capitalistes impérialistes qui faisaient tout pour garder leurs colonies en néo-colonies ou dans des pays dépendants ou des colonies luttant pour l'indépendance – impactaient forcément les stratégies et les tactiques des uns et des autres. C'est d'ailleurs ces situations différentes des communistes qui avaient amené l'IC à adopter par concertation sa dissolution pour faciliter l'assaut général de tous les États alliés, de toutes les classes sociales et tous les partis contre les citadelles fascistes.
Le Kominform n'a été qu'un forum des communistes d'Europe pour lutter contre les premières manifestations des déviations révisionnistes de droite et/ou de gauche.
C'est donc la « déstalinisation » Khrouchtchévienne lors du XXème congrès en 1956 qui a été le facteur décisif de la division idéologique des communistes à l'échelle mondiale. Mais au delà de la question de Staline, le débat va faire apparaître des positions différentes sur les questions du rapport à la social-démocratie, de la lutte des classes et de la révolution dans les différents pays, des formes de la lutte des classes dans les rapports entre camp socialiste et camp impérialiste, du rapport entre le camp socialiste et les luttes de libération nationale et des formes et de la transition et des voies nationales d'édification du socialisme.
Les cadres initiaux mis en place sous la forme des « conférences des partis communistes » de 1957 puis de 1960 adoptèrent des déclarations qui fixaient une ligne générale que chaque parti, État ou/et groupe d’États du camp socialiste interprétaient différemment. En 1963 le PCC (Chine) sous la plume de Mao contre les Révisionnistes Soviétiques publia une « ligne générale » ou « rapport en 25 points » pour défendre Staline à 70%, dénoncer « l'hégémonisme Soviétique », l'abandon de l'internationalisme et de la lutte des classes.
S'installait, alors dans le MCI, la confrontation entre l'URSS et la Chine Populaire soutenue par l'Albanie dirigée par la Parti du Travail d'Albanie. Seuls, à notre connaissance, le PCV (Vietnam) et le PCC (Cuba) tentèrent d'éviter la division en gardant des liens avec les deux parties et en évitant de prendre partie dans les divergences idéologiques tout en développant leur propre position idéologique et politique indépendante.
De la conférence de Bandung en 1955 qui a rassemblé les États du Tiers-Monde indépendamment des classes sociales au pouvoir à la Tricontinentale en 1966 qui a regroupé surtout les luttes de libération nationale en cours, le MCI divisé agissait séparément et parfois même en s'opposant, ce qui contribuait objectivement à discréditer l'internationalisme qu'affichaient les uns et les autres. Le triomphe du révisionnisme a fait que le facteur national devenait ainsi l'élément diviseur principal dans le MCI au point qu'avec Gorbatchev en URSS la contre–révolution bourgeoise montante menait campagne sur « combien coûte au budget la solidarité internationale avec les peuples » pour expliquer la soi-disant « stagnation » et justifier ainsi la « Perestroïka » restauratrice du capitalisme.
Une des formes prises en Chine Populaire alors du repli national produit par la division et la contradiction de plus en plus antagonique avec l'URSS a été le consensus de tous les dirigeants de Mao, Deng Xiaoping, Zhou en Laï sur la « théorie des trois mondes » qui divisait le monde en « superpuissances » (URSS et USA), en « puissances de seconde zone» (Pays impérialistes intermédiaires) et en « Tiers-Monde » (Chine et pays dominés) comme base d'une stratégie devant « unir Tiers-Monde et
puissances capitalistes de seconde zone contre les superpuissances ». L'évolution des contradictions non antagoniques vers les contradictions antagoniques avec l'URSS s'est illustrée par la qualification de la « superpuissance Soviétique d'ennemi principal » par le PCC qui fut suivie d'un rapprochement et d'une coopération avec les États-Unis entamée au milieu des années 70, mais qui fut aussi utilisée par le PCC pour capter les « délocalisations » et les « transferts de technologies » des pays capitalistes impérialistes vers la Chine comme élément de sa stratégie de développement.
Compter avant tout sur ses propres forces, s'acquitter de ses obligations internationalistes sans jamais mettre en danger la survie de la révolution nationale, ne jamais faire plus que ce que la réalité du rapport des forces permet, mais résister à toute agression, toujours défendre la révolution, ne pas confondre compromis et capitulation, toujours faire collectivement l'analyse concrète de la situation concrète pour élaborer une tactique dans le cadre d'une stratégie, rectifier les erreurs sans jamais jeter le bébé et l’eau du bain, savoir séparer l'apparent de l'essence dans le spontanéisme propre aux masses, apprendre à lire correctement où en est l'expérience des masses, lier le mouvement des masses au but et faire vivre la créativité du socialisme scientifique qui n'est la propriété exclusive d'aucun peuple parce que tous les peuples sont égaux, voilà des équations qui ont été posées et n’ont pas été résolues collectivement dans le MCI et qui transparaissent dans la brève visite de l’histoire ci-dessus du PCC dans le MCI des années 1956 jusqu'à la défaite et la restauration du capitalisme en URSS et dans le camp socialiste d'Europe.
Nous n'avons nullement la prétention de donner les réponses à toutes les questions fondamentales qui ont trouvé ici et là dans le MCI des réponses diverses et variées à travers les différentes expériences révolutionnaires nationales. Mais ce qui nous apparaît important ici est que de même que les formes nationales du capitalisme et les particularités nationales à chaque impérialisme existent sans contredire les lois fondamentales du mode de production, de même les formes nationales de la transition au socialisme et du socialisme, première étape du communisme, existent aussi sans contredire les lois fondamentales du mode de production communiste. C'est peut être là le principal enseignement que nous devons apprendre à digérer.
Nous devons ainsi apprendre à analyser scientifiquement le rapport dialectique à établir entre facteur national, forme nationale, réalité nationale, c’est-à-dire considérer, au fond, la question nationale multiforme et protéiforme comme question de classe dans le processus révolutionnaire dans un pays, un groupe de pays et à l’échelle internationale.
Nous devons aussi comprendre le fait que les ruptures tactiques dans une continuité stratégique, même si elles ne sont pas exempts d'erreurs, ne doivent jamais nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C'est souvent l'ennemi de classe capitaliste impérialiste qui qualifie les expériences révolutionnaires socialistes en cours de « capitalisme, d’impérialisme » aidé en cela par la « gauche » social-démocrate du capital, des trotskistes et d'ex-mao-trotskistes.
En fait le capitalisme impérialiste, qui a propagé la « fin de l'histoire », commence à être confronté au fait que son système prédateur, écocide, criminel et barbare en crise, l'impérialisme stade suprême du capitalisme, est décadent, en putréfaction et moribond. La proclamation de son caractère « éternel » relève de la stupidité qui ignore la contradiction fondamentale qui le mine, celle entre la production toujours plus sociale et l’appropriation privée de celle-ci par les actionnaires des grands groupes monopolistes.
Les pays rescapés du camp socialiste – Chine, Cuba, Vietnam, Laos, Corée du Nord – ne sont-ils pas en voie de faire la démonstration que, tout comme le féodalisme et l'esclavage, le capitalisme impérialiste touche à sa fin d'une mort lente mais sûre ?


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NOTE
1. La « grande révolution culturelle prolétarienne », est un appel à la mobilisation de masse initié par le comité central du PCC par la circulaire du 16 mai 1966. Son contexte est celui de la victoire du révisionnisme en URSS. L’objectif explicite de la révolution culturelle est d’épurer le parti pour éviter un tel scénario en Chine :
« Les représentants de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le parti, dans le gouvernement, dans l'armée et dans les différents milieux culturels constituent un ramassis de révisionnistes contre-révolutionnaires. Si l'occasion s'en présentait, ils arracheraient le pouvoir et transformeraient la dictature du prolétariat en dictature de la bourgeoisie. Certains de ces gens-là ont été découverts par nous ; d'autres ne le sont pas encore ; certains autres encore, par exemple les individus du genre Khrouchtchev, bénéficient maintenant de notre confiance, ils sont formés pour être nos successeurs et se trouvent à présent au milieu de nous. Les comités du parti à tous les échelons doivent prêter une attention suffisante à ce point. » (Circulaire du 16 mai).
Il s’agissait donc de soumettre le parti à la critique de ses membres et plus largement encore à la critique des masses. A partir de cet appel des mobilisations contradictoires plus ou moins spontanée se déployèrent.
Des contre-révolutionnaires utilisèrent le prétexte de la révolution culturelle pour faire avancer leurs lignes d’une part et d’authentiques mobilisations de masses révolutionnaires s’attaquèrent aux théories et pratiques révisionnistes au sein des institutions et du parti d’autre part.
Des points de vue révisionnistes remettant en cause la nécessité du rôle dirigeant du parti tentèrent de s’imposer d’une part et des mobilisations pour imposer un contrôle ouvrier réel eurent lieu d’autre part. Mao lui-même en appelle au cours de la révolution culturelle à la mobilisation des ouvriers pour contrecarrer les tendances gauchistes au sein des universités et de certains groupes de « gardes rouges » faisant régner la terreur.

En Europe ce sont ces tendances gauchistes remettant en cause le rôle dirigeant du parti qui ont été le point de ralliement de plusieurs groupes d’extrême-gauche occultant ainsi le coeur de la circulaire du 16 mai. Les attitudes d’idéalisation de la révolution culturelle consistant à la présenter intégralement comme un modèle sans erreur et sans contradiction comme celle consistant à la diaboliser comme étant uniquement gauchiste sont deux dérives réductrices. Le bilan de la révolution culturelle reste encore largement à faire.

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