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 bribes de vie : l'exploitation capitaliste

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Xuan
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   Posté le 04-02-2007 à 19:51:47   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Ces témoignages sont extraits de l’ouvrage « le travail intenable » - résister collectivement à l’intensification du travail – éd. La Découverte,
réalisé sous la direction de Laurence Théry inspectrice du Travail, chargée de la santé au travail à la CFDT

On ne sera pas trop surpris par le ton parfois geignard.
Il faut simplement prendre ces lignes pour des exemples de l’exploitation capitaliste et non pour un appel à la lutte de classe.
Je n’ai pas repris les passages sur les différentes conceptions de la « qualité » ni sur « l’amour du travail bien fait » et j’ai modifié les sous-titres ainsi que l’ordre des témoignages :

1. ouvrière dans une chaîne de conditionnement
2. employés de plateforme téléphonique
3. travailleurs hospitaliers
4. travailleurs sociaux
5. employés du nettoyage
6. femmes – hommes : à travail égal salaire égal


ouvrière dans une chaîne de conditionnement :

Elle court, elle court, Marie-Jo. Elle est passée par ici, elle repassera par là, elle a monté l’escalier, elle est passée sous la ligne. L’environnement est en mouvement constant. Les bouteilles de lait passent à vive allure, devant, à droite, derrière. Les 1 litre, les 1,5 litre, les vitaminés, les au chocolat, ou à la fraise, ça dépend des jours. Dans l’atelier de suremballage, les bouteilles sont rassemblées par six et mises sous film. C’est tout automatique, il n’y a qu’à surveiller. Et intervenir. Si une bouteille bloque quelque part, la ligne s’arrête, le klaxon se déclenche. Une bouteille de perdue par seconde d’arrêt. Marie-Jo vole, retire la bouteille coincée et la suivante. Sur la ligne de gauche, elle voit une série dont les étiquettes sont de travers. Elle les retire sans arrêter la ligne, les pose sur un chariot. Klaxon en haut. L’escalier métallique. Relance la ligne. Elle en profite pour lire les paramètres sur le Panneau. Avant il y avait un pilote par ligne. Maintenant il y en a un pour les trois lignes. Les lignes n’avaient pas été conçues pour cela, les pupitres de commandes sont dispersés, il faut faire le tour complet de l’unité à certains endroits. Pour faire plus court, des passages sous les lignes ont été aménagés.
Avec l’habitude, on peut passer en un seul mouvement, sans s’arrêter ni mettre une main par terre. La sonnerie là, c’est une bobine de film à changer. Il faut faire vite, le stock tampon est bientôt rempli, après, ça arrête la ligne. Les bobines sont très lourdes, avant on les portait à deux. Aujourd’hui elle est seule, pas d’électromécanicien en vue qui pourrait lui donner un coup de main. Non, désolée, le klaxon de la 1, je ne peux pas être partout. Je change une bobine. J’arrive. Quand on l’interroge sur la nouvelle organisation, Marie-Jo est partagée. Elle se sent beaucoup plus fatiguée qu’avant en fin de poste, surtout en équipe du matin quand elle s’est levée à 5 heures. Par ailleurs, elle a le sentiment d’avoir plus de responsabilités, elle aime bien. Certaines fois, ça tourne bien. Mais il y a des jours horribles, quand tous les klaxons résonnent en même temps, elle ne peut pas faire face à tout et le taux de rendement synthétique chute en piqué, ce qu’on ne va pas tarder à lui faire remarquer vertement.
Dans les installations automatisées, le rapport entre le travail humain et la production change.
La quantité produite n’est pas proportionnelle aux opérations réalisées par les hommes et les femmes. En fonctionnement normal, ce sont les automatismes qui assurent la fabrication. Les hommes et les femmes, eux, gèrent les événements. Tout ce qui n’est pas programmé, tout ce qui n’est pas censé arriver, tout ce qui met en défaut les automatismes. Une pièce en travers, ou hors tolérance, un bourrage, un code-barres illisible, la ligne s’arrête, il faut intervenir.
Dans les années 1980, les grands projets d’automatisation ou de robotisation se heurtaient souvent à des difficultés de démarrage les automatismes s’arrêtaient sans arrêt. C’est qu’on avait largement sous-estimé ce que faisaient les ouvriers qui assuraient auparavant le travail à la main : on pensait qu’ils faisaient un travail purement manuel, toujours la même chose. Les automates font cela très bien. On avait oublié que tout travailleur passe son temps à corriger les variabilités de la production, à adapter sa manière de faire pour intégrer ce qui change dans les propriétés des matières premières, des outils, des produits. On n’avait pas automatisé le travail, on avait automatisé l’idée que les concepteurs avaient du travail. Les automates s’arrêtaient au moindre écart.
Une usine d’accessoires pour l’automobile. Paul prend un tube coudé en plastique sur le présentoir: le tube présente des bavures à son extrémité; Paul attrape le cutter à droite sur l’établi, ébavure la section du tube, puis il attrape deux tiges différentes en plastique dans deux bacs jaunes réfrigérés. Le froid est censé faciliter l’insertion des tiges dans le tube, mais une fois sur deux il faut passer une éponge imbibée de savon pour que les tiges rentrent. Paul se déplace à gauche, prend deux colliers, serrage entre 5 et 7 encoches pour l’un, entre 9 et 11 pour 1.,’autre. À chaque vissage, appui, contrôle, appui, contrôle, l’épaule de Paul est douloureuse. Vérification de conformité, une marque de peinture blanche, la pièce est bonne. Temps de cycle, une minute trente. Ce poste, le plus difficile de la ligne, n’existe théoriquement pas : c’est la machine derrière qui est censée faire ces opérations. Mais elle n’y arrive pas : il y a trop de variabilités, trop de reprises manuelles et trop de rebuts. On a mis un établi dans l’allée pour que Paul fasse ce que la machine n’arrive pas à faire correctement.
Évidemment, dans beaucoup d’entreprises, on a fini par comprendre Les taux de fonctionnement des machines automatiques se sont améliorés. Beaucoup de variabilités sont traitées sans problème en automatique. Mais jamais toutes. Il faut toujours un humain quelque part pour gérer les événements imprévus. Et vite, si possible, car vu la productivité des installations automatiques, chaque minute d’arrêt correspond à un manque à gagner important. Cela dit, les intervention humaines n’ont pas toujours été pensées au moment de la conception. Quand c’est censé être tout automatique, prévoir qu’il y aura quand même des interventions humaines, cela ne va pas de soi pour tous les concepteurs. Du coup, pour débloquer la ligne, il faut parfois se faufiler, escalader, ramper. Ou mettre un capuchon de stylobille dans une sécurité pour pouvoir intervenir sans arrêter la ligne. Bien sûr c’est interdit, mais si vous arrêtez la ligne, vous aurez des remarques désobligeantes sur le rendement, si vous ne l’arrêtez pas, personne ne vous dira rien tant que vous n’avez pas d’accident.
À la conception, il y a un conducteur par ligne. Il la connaît bien. Avec l’expérience, il anticipe. Les bouteilles qui commencent légèrement à vibrer, là, ça ne va pas tarder à bloquer. Il intervient avant que ça ne bloque. La surveillance est tournée vers le futur, elle évite les pannes. Le conducteur change l’outil un peu avant qu’il ne casse. Pour les choses plus graves, il discute avec le technicien de maintenance, un changement préventif est programmé pour le prochain arrêt. Du coup, la ligne tourne vraiment bien. Pourquoi faudrait-il payer un conducteur en permanence sur une ligne où il n’a presque rien à faire? Il pourrait conduire deux lignes. Un consultant est appelé en renfort. Comment ça, deux lignes? Le calcul montre qu’il pourrait en conduire deux et demie. Oui, mais bon, on va avoir du mal à mettre un autre demi-opérateur. Pas de problème. Le conducteur prend trois lignes et on lui supprime le remplissage des réservoirs d’huile, qui sera fait par la maintenance, et le relevé des paramètres machine, qui sera fait par l’ordinateur, ça tombe juste. On renforce un peu les automatismes, pour que les lignes s’arrêtent bien en cas de problème, on met des klaxons plus forts pour qu’ils s’entendent de plus loin. Et c’est parti. Au lieu d’aller et venir sur les cinquante mètres de sa ligne, à l’affût du moindre indice, Marie-Jo rebondit de klaxon en klaxon. Elle ne peut plus surveiller, elle récupère la situation. Extrêmement bien d’ailleurs, et fort vite. Il y a globalement un peu plus d’arrêts qu’avant, mais en nombre de bouteilles on s’y retrouve parce qu’on a augmenté légèrement la vitesse linéaire. Et on a supprimé les arrêts de ligne pendant les pauses, l’électromécanicien remplace le conducteur, qui essaie de ne pas s’arrêter trop longtemps. Et puis, un conducteur au lieu de trois, ça fait plusieurs centimes d’euro par bouteille.
Le problème, c’est que Marie-Jo et ses collègues n’ont plus le temps de s’occuper de la santé des machines. Les paramètres mécaniques qui dérivent sont enregistrés dans l’ordinateur mais personne ne les traite plus ; les relevés de pression que les conducteurs interprétaient en permanence sont maintenant juste archivés. Il n’y a plus de maintenance préventive, ça coûte trop cher. Le nettoyage est fait par une personne au lieu de deux, dans le même temps. De temps à autre il y a une bonne panne, la maintenance intervient à chaud. Il paraît que c’est plus rentable. Avant, ils faisaient de la « surqualité ». Maintenait on leur dit qu’on est bien. Peut-être va-t-on passer à un conducteur pour quatre lignes?
Fabrication de moules pour la verrerie, après le passage de Kaizen (méthode japonaise déjà évoquée et sur laquelle reviendra Bernard Dugué) : les machines-outils à commande numérique ont été resserrées et regroupées en îlots. Deux opérateurs pour trois machines. Les machines qui ont été regroupées ont trois langages de programmation différents et pas les mêmes armoires de commande. Les opérateurs essaient de s’organiser: l’un, penché, fait les réglages d’une machine pour une nouvelle série de pièces, tandis que l’autre alimente les deux machines qui sont en cours d’usinage et évacue les pièces finies. Il y a 60 centimètres entre la machine et l’établi:
plus ce serait du muda (gaspillage). Mais toutes les séries sont différentes, et bien sûr il peut y avoir quelques incidents. Donc, à certains moments, les trois machines tournent, ou une attend qu’on puisse s’occuper d’elle. Les opérateurs sont des fraiseurs qualifiés. Ils savent, à l’oreille, détecter une machine qui « broute », un outil qui va bientôt casser. Mais ils ne peuvent pas le faire. Avec deux ou trois machines qui tournent en même temps à cette distance, ils n’entendent rien. Enfin si, ils entendent du bruit : «Au début, on essaie de tendre l’oreille, mais c’est impossible. On laisse aller à la panne, on ne peut pas faire autrement.» D’autant qu’il n’y a pas que ça à faire : le cariste a été supprimé, c’est donc un des deux opérateurs qui doit prendre le chariot à fourche pour aller chercher les palettes de pièces à usiner et évacuer celles qui sont prêtes. Les palettes sont entreposées dans l’allée, Kaizen a supprimé l’espace inutile. Pendant ce temps-là, celui qui est en train de programmer jette aussi un œil aux machines qui tournent. S’il y a un incident sur l’une d’elles, il a le choix : il interrompt son réglage en cours pour intervenir, mais cela signifie qu’il faudra reprendre le réglage depuis le début. Ou bien il laisse l’incident s’aggraver jusqu’à l’arrêt automatique, ce qui provoquera à coup sûr un conflit avec son collègue quand il reviendra. Ils n’ont pas le temps, comme le voudrait le métier, de contrôler régulièrement les cotes des pièces produites. Les rebuts ont augmenté si la machine dérive, avant qu’on s’en aperçoive une quantité de pièces mauvaises est produite. Si c’est de l’usinage en moins, ça peut se reprendre, si c’est de l’usinage en trop, le moule est mort. Il y un tas de cadavres, là, par terre. Pour se parler, il faut crier. « Quand on rentre à la maison, on crie aussi. »


employés de plateforme téléphonique :

8 h 56. Hélène le sait depuis la note de service de la semaine passée : interdiction d’aller glisser un « bonjour » à ses collègues. Pas de temps à perdre sur la plate-forme téléphonique de S., établissement de services bancaires où elle est téléopératrice depuis un an.
8 h 58. Hélène est sur son poste; à droite, à gauche, derrière, devant elle, sont alignées les cellules où chacun doit maintenant répondre aux sollicitations téléphoniques des clients de S., avec comme mot d’ordre: le sourire. Pas facile de sourire pour Hélène ce matin; le manager qui est au bout de la rangée, un casque sur les oreilles, écoutant au hasard les conversations, le visage près de la vitre pour mieux faire voir ses mimiques d’exaspération et de remontrance, lui a encore dit hier soir que son ton était celui d’une mourante, que sa lenteur à enregistrer les comptes rendus dans l’ordinateur après chaque appel la faisait passer largement au-delà de la zone rouge, des trente secondes autorisées de temporisation, qu’elle devait « vivre » son argumentaire, le petit livret censé répondre à toutes les questions possibles et que chacun doit suivre à la lettre, et, par-dessus tout, qu’il lui fallait
impérativement perdre sa fâcheuse tendance à dire « peut- être » au client! Interdit le « peut-être »! Pas d’hésitation à S. Il n’y a jamais de « retard », tout au plus un « délai ». Et surtout pas de « voilà »
8 h 59. Ça sonne dans le casque. Ça y est. Premier appel. « Allô. » Sourire. « Bonjour madame, Jacqueline Simon, je vous appelle à propos du livret de mon mari; il est... » Des sanglots au bout du fil. La voix s’étouffe. Que faire?
9 h 06. Trois minutes de dépassement, trois minutes que le voyant rouge clignote. Est-ce sa faute si monsieur Simon est mort d’un cancer il y a trois semaines, que sa veuve effondrée a craqué, et qu’elle a dû lui parler, trouver des mots qui n’étaient pas dans l’argumentaire, dépasser le temps de communication de trois minutes ? Sans compter que ce n’était vraiment pas le moment de faire une offre commerciale à la cliente. Et voilà. Le chef s’agite derrière la vitre; elle reçoit le message sur son écran : « Tes objectifs ! Réalise tes objectifs ! » Pour rattraper trois minutes, il va falloir faire vite sur les prochains appels. Et essayer de placer une assurance du compte aux prochains clients. C’est moins difficile que de leur conseiller une assurance vie.
9 h 15. Cinquième appel. Sourire. Ce monsieur dit qu’il a posté un chèque et qu’il n’a pas été crédité. Il ne veut pas payer pour le découvert. Pas facile de lui expliquer qu’il aurait mieux fait de déposer le chèque dans une agence. Le ton du client monte. La migraine s’installe. Hélène n’a pas encore placé le moindre produit financier.
Elle voudrait aller vomir mais impossible avant la pause de 10 h 30. Et puis il y a une autre épreuve en vue; une autre comédie à jouer; il y aura aujourd’hui un pot pour Noël à la cantine. Pas possible d’y échapper. Et toujours sourire. Après les clients, sourire aux collègues, aux chefs. Et voir leurs sourires hypocrites. De 9 heures à 17 heures. Ou de 7 heures à 13 heures. Ou de 15 heures à 22 heures...
Une fois sortie de son travail, Hélène ne sourit plus du tout. Les sourires des autres lui paraissent tous suspects, elle n’y croit pas. Elle rentre chez elle. Vite. Pyjama, tout de suite. Plus d’appétit. A rien. Sommeil. Réveil en sursaut, la sonnerie dans le casque, c’était en rêve.

[…]Services financiers, assurances, mutuelles de santé, opérateurs téléphoniques, vente par correspondance, fourniture d’énergie, tous se dotent de plateformes de réponses aux clients, qui peuvent être n’importe où. Certaines sont déjà en Irlande, au Maghreb ou en Afrique subsaharienne, d’autres sont quelque part en France, « juste » menacées de délocalisation. Le client croit souvent appeler près de chez lui, le malheureux. Il est parfois surpris de ne pas retrouver l’accent de sa région.
Le statut des salariés est très variable. Certains ont encore celui de la grande entreprise dont ils offrent le service. De plus en plus ils sont employés par des sous-traitants, qui « répondent » pour le compte d’un grand client ou de plusieurs. Le principe est toujours le même: où qu’il tombe, quel que soit l’agent qui prenne son appel, la réponse doit être absolument standardisée Par ailleurs, il faut profiter au maximum de son appel pour lui vendre quelque chose..Autrefois on plaisantait sur les marchands de chaussures qui voulaient toujours vous fourguer du cirage. Aujourd’hui, vous appelez pour savoir si votre compte est approvisionné et vous risquez de repartir avec une assurance neige sur votre carte de crédit. Vous n’allez jamais à la neige, mais vous avez voulu rester courtois avec la téléopératrice, tant pis pour vous. Vous lui aurez au moins fait gagner une « bûchette » (une barre de plus sur son décompte de produits placés).
On trouve souvent sur ces plateformes plusieurs générations : des salariés avec une ancienneté et une qualification importantes qui ont été mutés d’autres services ; 1es jeunes avec des contrats à temps très partiel, pour qui le centre d’appels constitue une entrée dans l’emploi; d’autres un peu moins jeunes qui souhaitent stabiliser leur emploi et progresser dans leur carrière. Les horaires de travail sont variables d’un jour à l’autre, afin de couvrir une amplitude importante pour le client, genre 7 heures-22 heures, parfois samedi et dimanche compris. On découvre ses horaires quelques jours à l’avance.
Une concurrence effrénée est fréquemment mise en place à tous les niveaux. Ce sont d’abord les établissements, les différents centres qui sont comparés quotidiennement, résultats affichés dans les couloirs; puis les « managers », qui sont responsables d’un groupe de téléopérateurs, qui sont mis en compétition entre eux, charge à eux de motiver leurs troupes. Les formes des « challenges » changent régulièrement pour éviter la routine : une semaine les défis seront individualisés, la suivante ils concerneront l’ensemble de l’équipe, viseront tantôt la rapidité, tantôt les placements, et ainsi de suite. La performance des salariés est évaluée à travers les statistiques accumulées par l’ordinateur et par les écoutes des appels que le manager pratique en permanence, soit explicitement, soit en cachette, suivant les pratiques locales. Qu’est-ce qu’on gagne?
À H., sous-traitant d’opérateurs téléphoniques, une manager a distribué un puzzle représentant un nounours. Chaque fois qu’une opératrice écoutée réalise un sans-faute au cours d’un appel, elle gagne une pièce du puzzle. Le puzzle une fois complet donne droit de remplacer la chef pendant une demi-journée. D’autres « challenges » sont récompensés par une bouteille de champagne, deux entrées à Disneyland, un billet de cinéma, une carte à gratter ou une entrée dans une boîte de nuit. Pour les petits challenges, c’est un « Kinder Surprise » qui est en jeu. L’infantilisation est omniprésente. Le ou la manager se doit d’éduquer ses ouailles. Entre instituteur sévère et parent bienveillant mais ferme, il ou elle est là pour remettre dans le droit chemin de la norme de l’entreprise. Carotte, bâton, conseils, injonctions, menaces, apaisement, émulation, évaluation, récompense, encouragement, chantage, tout y passe. Les salariés maghrébins qui passent leurs vacances au Maroc permettent de suggérer à demi-mot que, si l’on délocalisait, il y aurait des volontaires.
La compétition, tout est là, porte à la fois sur la quantité et sur la qualité. Quand on est bon, on doit être bon sur tous les tableaux. Côté quantité, le principal enjeu est le taux de réponse, le pourcentage des clients qui n’attendent pas plus de quinze ou trente secondes avant qu’on leur réponde. Dans beaucoup de centres, ce taux est affiché en permanence au- dessus des postes, sur de grands bandeaux lumineux. Moins de 95, ce n’est pas bon. 90 c’est la catastrophe. Tout en vous débattant avec un client difficile dans le casque, vous voyez le chiffre qui clignote, vous savez que vous êtes en train de mettre en péril le taux de réponse global du centre... Pour avoir un bon taux de réponse, il faut évidemment que l’effectif soit ajusté au volume d’appels prévisible. Une nouvelle campagne promotionnelle est envoyée par voie postale: il y aura un pic d’appels lorsque les courriers arriveront à destination. Deux ou trois jours avant, les téléopératrices vont apprendre que leurs horaires sont modifiés, que ce jour-là elles doivent faire plus d’heures que ce qui avait été initialement prévu. Pour les enfants, à elle; de prendre leurs dispositions. Bien sûr, le service marketing savait depuis longtemps la date de la campagne publicitaire. Mais s’il avait informé les managers plus tôt, l’ esprit du challenge » n’aurait pas été avec eux.


travailleurs hospitaliers :

«Une personne en fin de vie, qui sait qu’elle va mourir, elle voudrait qu’on reste toute la nuit, qu’on lui tienne la main. Mais ce n’est pas possible, il y a tous les autres du service. Alors, on sort doucement de la chambre, on éteint et on referme bien la porte, avec un pincement au cœur. »
Dans ce service hospitalier de long séjour, les résidents sont de plus en plus dépendants. Toutes les pathologies se trouvent mélangées. Certains patients crient constamment, d’autres agressent ou mordent. Seule solution : les assommer de médicaments pour soulager les autres résidents et le personnel. Mais, du coup, ils ne peuvent plus se lever seuls. L’animation a été supprimée, il n’y a plus aucune activité proposée aux résidents. Le kiné passe de temps en temps pour les faire marcher un peu ou les masser. Les aides-soignantes sont en première ligne, il n’y a qu’une infirmière pour plusieurs étages. Elles font les levers, les toilettes, les mises au fauteuil, la distribution des repas. Pour les personnes qui ne peuvent se lever seules, il faut utiliser un lève-malade, une espèce de palan à roulettes. Mais il n’y a pas la place pour passer le lève-malade quand il y a le fauteuil. Donc on met le fauteuil dans le couloir, on met la personne dans le lève-malade, on la monte, on la roule, en chemise de nuit, accrochée, ballottée, jusqu’au couloir, on la descend dans le fauteuil, on la tire par les bras pour la caler, et on rentre le fauteuil. Avec un brin de toilette, ça prend quinze minutes. Elles ne peuvent pas faire ça chaque jour. Elles essaient au moins de le faire un jour sur deux. Les douches, c’est tous les quinze jours, souvent trois semaines. Les repas, le plus dur, c’est le dimanche, elles sont moins, il faut tenir en quatre minutes par repas. Vraiment pas le temps de faire manger ceux qui n’arrivent pas à le faire tout seuls.
À la syndicaliste venue observer le travail un week-end, elles disent: « Tu nous regardes travailler, on a honte de te montrer ça. » Mais si elle était venue essayer de comprendre, c’est que tous les clignotants étaient au rouge concernant le long séjour : multiples demandes de mutation sans réponse, dépressions, arrêts maladie. Une première enquête a montré que presque toutes les aides-soignantes avaient des douleurs au dos, aux épaules ou aux poignets, que beaucoup se plaignaient d’insomnies, de vertiges. Les cadres, interrogés, ont expliqué qu’il leur était impossible de dégager du temps pour accompagner les équipes, favoriser des discussions, permettre une prise en charge psychologique. L’une d’elles a dit: « On n’a plus le temps de réfléchir. » Et chaque aide-soignante se replie sur soi, avec la honte qu’elle ressent de faire quelque chose qui n’est pas bien.


travailleurs sociaux :

Connaissez-vous les TISF ? Ce sont les techniciennes d’intervention sociale et familiale. Dans le cas de Josiane, elles sont salariées d’une association agréée, qui se voit confier des missions par les services sociaux. Leur rôle est d’intervenir à domicile chez des familles en grande difficulté sociale. Initialement, elles fournissaient principalement un travail ménager, comme une aide à domicile, mais leur rôle a beaucoup évolué et il y a un nouveau diplôme : elles doivent maintenant aider la famille à construire un projet et l’accompagner. Par exemple, une mère seule a plongé dans la toxicomanie, s’est clochardisée. Elle fait vivre sa petite fille au milieu des sacs-poubelle accumulés. Josiane va faire le ménage de fond en comble, sortir la petite en promenade, mais elle doit aussi aider la mère à devenir plus autonome dans son organisation et à construire un projet. Elle vient par période de deux ou trois heures, une ou deux fois par semaine. Mais reprenons au début. C’est la secrétaire de l’association qui a reçu la demande d’intervention, formulée par la puéricultrice du secteur. Josiane est partie à 7 h 30 de chez elle. Elle dispose d’une feuille avec l’adresse et la demande : « Sortir la fille, que sa mère garde confinée à l’appartement. » La fiche complète avec la situation familiale n’est pas encore arrivée. Josiane intervient sur une très grande zone urbaine. Ce quartier, elle ne l’aime pas trop, il est difficile d’accès par les transports en commun. Elle subodore que ce n’est pas juste une histoire de sortir la petite, elle en a vu d’autres, mais il faut voir. Elle repère la boutique ouverte et la cabine téléphonique les plus proches, on ne sait jamais. Le jeune Beur qui tient le petit bar du coin a l’air sympa. L’immeuble est vétuste, humide. L’escalier sent le moisi. Elle fait une pause à l’étage d’en dessous, écoute. Il y a un chien. Plutôt gros. Elle monte, sonne. La jeune femme ouvre, les yeux brillants. L’observe, la mesure. Le chien pointe son nez. Il est moins gros qu’elle pensait. Par contre, l’odeur... Elle se présente, parle de la puéricultrice. La jeune femme tarde à ouvrir franchement, puis s’écarte. La TISF entre, jette un œil. Bon, d’accord : des sacs-poubelle sont empilés dans le couloir. « On peut s’asseoir quelques minutes? » Josiane se présente comme personne, dit qu’elle a deux enfants. Puis explique son travail. «Aujourd’hui je vais faire un peu de ménage et sortir Chloé au square. Non, sans le chien. Je reviendrai mercredi. On reparlera un peu, on essaiera d’avancer. » Quand elle aura fini la matinée, elle repartira à l’autre bout de la ville. Elle mangera son sandwich dans le bus. Il y a trente minutes de payées entre deux mis5iOfl , mais ça ne suffira pas pour la distance. Cet après-midi ce sera plus facile, c’est une famille avec le monsieur qui est hospitalisé à domicile. Un cancer en fin de vie, mais la dame est vraiment très gentille et l’aide beaucoup. Et ce soir, quand ses propres enfants seront couchés, elle écrira son rapport sur la visite de ce matin. Elle est lente pour les rapports, elle trouve difficile d’écrire les mots justes. Ce soir, elle en a bien pour deux heures. Elle va proposer un projet sur quatre mois, essayer d’amener la jeune femme à faire son ménage elle- même. En espérant qu’on lui donne les heures pour quatre mois, parce que, moins, ce ne serait pas possible. Quand elle aura reçu l’accord de sa hiérarchie, il faudra qu’elle fasse signer à la jeune femme un contrat et le signer avec elle. Avec des objectifs sur quatre mois. Et un rapport complet à la fin. Samedi après-midi, il faut aussi qu’elle écrive son rapport mensuel d’activités. La prochaine réunion d’équipe est dans huit jours. Tout à fait à l’autre bout de la ville. Sa responsable d’équipe est ouverte, elle écoute beaucoup, mais elle suit quarante TISF. Il y a aussi un regroupement avec la psychologue une fois par mois, mais on ne parle que des cas vraiment très graves, surtout s’il y a un risque d’inceste ou de grosse maltraitance. On n’a pas le temps de parler de l’écriture des rapports. Les rapports de fin de mission, c’est difficile. Josiane a du mal à trouver le juste milieu, entre essayer d’aider les gens et fournir des informations sur eux aux services sociaux. C’est dur, toute seule.
La société tourne la tête, regarde ailleurs. Les politiques fixent des objectifs sociaux, des budgets. La question de savoir comment on atteint ces objectifs avec ces budgets est une question de détail, qui sera gérée sur le terrain. Ce n’est pas le président du Conseil général qui va réparer le lève-malade en panne. Ni personne, d’ailleurs, puisqu’il n’y a plus d’ouvrier d’entretien. Si des familles se plaignent, on demandera à la responsable locale de les recevoir.


employés du nettoyage :

Annie arrive essoufflée à la porte de l’immeuble gris de treize étages qui abrite le foyer Artrosona. Son RER avait encore un quart d’heure de retard, ça fait deux jours de suite, et Latifa, sa collègue, a dû commencer sans elle. Elle s’engouffre dans l’entrée et se dirige vers les vestiaires du premier sous-sol ; elle jette un œil sur sa montre, il est bien 7 h 15 et elle est vraiment en retard! Elle s’habille : tenue réglementaire, blouse, gants, chaussures de sécurité, et elle prépare son matériel : seau, produits dégraissants, gel W-C et détergents divers. Pourvu que l’ascenseur soit réparé, hier elle a dû monter jusqu’au septième avec tout son matériel pour pouvoir s’occuper ensuite de chacun des sept étages dont elle a la charge. Ouf, au moins si elle est en retard, l’ascenseur, lui, a l’air de fonctionner; la journée ne commence pas si mal! Annie arrive au septième avec son chariot et ses produits; elle entend un brouhaha venant des cuisines : encore du monde! Il va falloir attendre qu’ils terminent pour pouvoir s’occuper de la cuisine; tant pis, elle va commencer par les sanitaires et les couloirs; de toute façon, maintenant, c’est systématique, c’est tous les jours. Le chef a beau dire qu’il faut commencer par la cuisine qui doit être vide, en réalité il y a presque toujours du monde.
Pas étonnant, entre monsieur M. qui est à la retraite depuis quelques mois, sans enfant et plus aucune attache avec son pays d’origine, qui n’a plus que le foyer comme « foyer »; monsieur S. et monsieur R. qui sont tous deux au chômage; monsieur H. qui est en accident de travail; et puis d’autres qui changent au gré du temps, des hébergés temporaires. La cuisine c’est le seul lieu collectif de l’étage.
Annie décide tout de même d’aller à la cuisine malgré son appréhension. Hier, un qu’elle n’avait encore jamais vu lui a tenu des propos plus que limite; mais elle a besoin de savoir quand elle ‘a pouvoir nettoyer la cuisine. Toutes les cuisines, et il yen a deux par étage, doivent être terminées pour midi. Et puis, depuis le début de la semaine, il n’y a eu aucun contrôle, d’ici à ce que le chef d’équipe passe aujourd’hui!
L’entrée d’Annie dans la cuisine, ponctuée par un grand « bonjour », stoppe net les conversations; elle est quand même un peu rassurée, l’homme d’hier n’est pas là et, très rapidement, monsieur M. qui est un ancien et qui connaît bien Annie lui propose un coup de main en échange d’un peu plus de temps dans la cuisine : elle va donc commencer par les couloirs...
10 h 50. Annie arrive au troisième, toujours tendue : les occupants des cuisines des sixième et cinquième se sont prêtés de bonne grâce à l’obligation du nettoyage et ont quitté les lieux temporairement; par contre, ça n’a pas été possible au quatrième, le ton est monté et il faudra qu’elle y retourne tout à l’heure, en espérant que ça se passe mieux...
Tiens, elle aurait dû parier: monsieur C., le nouveau chef d’équipe, est là, papier et crayon à la main; il vient de contrôler quelques-uns des étages supérieurs et lui fait part des « non-conformités » qu’il a constatées. La cuisine du septième, la table est sale. Celle du quatrième, n’en parlons pas. Annie a beau lui expliquer qu’il est difficile de faire mieux quand il y a en permanence du monde dans les étages, qu’aussitôt fait, aussitôt utilisé », qu’au quatrième elle n’a pas réussi à convaincre les résidents de la laisser travailler, il lui rappelle que le contrat de nettoyage prévoit que les cuisines doivent être vides au moment du ménage. Il refuse de modifier sa cotation. Annie a 12/20 et elle a perdu sa prime pour le mois. La prime, c’est au-dessus de 16.

femmes – hommes : à travail égal salaire égal

Sur la même chaîne de découpe, où défilent mille de cents canards à l’heure, Sandra prélève les aiguillettes côté d’elle Philippe arrache la cuisse gauche. Quand la chaîne s’arrêtera, quand ils rentreront chez eux, Sandra passera heure quarante de plus que Philippe à gérer les tâches domestiques. Enfin, statistiquement. Il se peut que Philippe ou conjoint de Sandra partagent vraiment les tâches ménagères
et celles relatives aux enfants. Mais les statistiques sont inflexibles : si les femmes salariées consacrent au travail professionnel en moyenne une heure de moins chaque jour que les hommes, elles passent en tout quotidiennement plus de temps à travailler que les hommes.
Malgré les évolutions du travail, l’augmentation du taux d’activité des femmes, l’évolution des relations entre hommes et femmes, le travail domestique reste toujours très inégalement réparti. La double journée concerne beaucoup plus femmes que les hommes, non seulement dans les situations monoparentales, mais aussi dans les couples. Il en découle une fragilisation de beaucoup de femmes par rapport à l’emploi, dans la mesure où elles sont souvent contraintes d’accepter n’importe quel emploi plus près de chez elles, ou de rechercher des temps partiels, plus ou moins irréguliers, mais plus compatibles avec la gestion du temps des enfants. Par ailleurs, les différences de carrière et les inégalités salariales demeurent massives.
Il est assez difficile de dresser un paysage global des formes différenciées que prend l’intensification du travail pour les femmes et pour les hommes. Les postes majoritairement occupés par des femmes et ceux que tiennent surtout des hommes restent largement séparés, avec des contraintes différentes.
Cependant, à profession égale, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ne pas pouvoir interrompre leur travail, à devoir répondre à une demande immédiate. Les femmes sont sur des postes plus contraints que les hommes. Le travail à la chaîne est une caractéristique des ouvrières non qualifiées. Les femmes sont plus concernées que les hommes par le travail répétitif. Devoir se dépêcher dans son travail ou ne pas avoir assez de temps pour faire correctement son travail concerne davantage les femmes que les hommes.
Ces inégalités s’appuient parfois sur une conception standardisante du travail, qui finit par pénaliser les femmes. La taille des machines et des outils, ainsi, est souvent fondée sur l’idée d’homme moyen. Cette pratique met en difficulté les hommes très grands, mais aussi les hommes petits et surtout les femmes.
Dans cette exploitation viticole, par une légère gelée matinale, les hommes taillent la vigne et les femmes retirent les sarments en tirant pour les dégager des fils de fer sur lesquels ils ont été attachés au cours de l’été précédent. L’effort est important, d’autant que les fils de fer ont été positionnés.., à hauteur d’homme. On pourrait imaginer que les femmes taillent et que les hommes dégagent les sarments, ce qui demande plus d’efforts. Mais, d’une part, ça supposerait que les femmes soient formées à la taille. D’autre part, il faudrait des sécateurs dimensionnés pour des mains de femme. Cela existe, mais pas dans l’exploitation.
Autre caractéristique du travail féminin, la moindre autonomie. La hiérarchie dit plus souvent comment le travail doit être fait. Les femmes appliquent plus souvent les consignes de travail. Elles règlent moins souvent les incidents elles- mêmes. Elles ont moins de responsabilités hiérarchiques. Et quand elles encadrent, elles ont moins de pouvoir. Par exemple, dans un centre d’appels, il est fréquent que les seuls hommes soient les managers. Mais les femmes ont aussi globalement moins de soutien de leur collectif de travail. Et elles sont, plus souvent que les hommes, soumises à des positions agressives des clients ou de la hiérarchie. Enfin, le collectif de travail est moins présent pour les femmes. Il y a moins de coopération possible entre les salariées, car leur univers de travail est plus dépendant de la hiérarchie.
Il s’agit bien là des caractéristiques de l’intensification du travail coûteuses pour la santé des femmes, à savoir: le faible soutien social voire l’isolement, la moindre autonomie, les contraintes et pressions extérieures, le travail répétitif, le sentiment de ne pas bien faire son travail...
Les enquêtes nous indiquent également que la situation des hommes s’améliore après 25 ans. La situation des femmes se détériore, elle, continuellement. Par ailleurs, minoritaires dans le travail répétitif avant 25 ans, elles sont majoritaires après 50 ans.
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Les femmes ne se qualifient pas dans leur parcours professionnel, tandis que les hommes se qualifieraient dans un parcours ouvrier. Les hommes ont peut-être quitté un travail pénible du fait des dispositifs de préretraite. Des enquêtes (comme l’enquête « Emploi » de l’INSEE) montrent aussi que la place des femmes dans le système productif est déterminante dans les atteintes à leur santé. C’est la deuxième explication avancée pour rendre compte de ces atteintes spécifiques.
Les femmes sont concentrées dans six secteurs socioprofessionnels : le secteur de la santé et du travail social, les employés de la fonction publique, le service direct aux particuliers, les instituteurs, les employés de commerce.


[on observe que c’est dans ces secteur que les salaires absolus (et non seulement relatifs) ont baissé au cours des dix dernières années en particulier à cause du travail partiel - Xuan]


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