| | | | | Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 27-06-2013 à 13:27:12
| Les Assises du Communisme 2013 se tiennent cette année à Gémenos. Je l'ai déjà signalé dans ce lien. Je publierai ici quelques textes de ces assises ou des liens pour les retrouver. Le texte de G. Gastaud "COMMENT CONSTRUIRE L’UNITE D’ACTION DES FORCES FRANCHEMENT COMMUNISTES ?" mis en ligne ici en fait partie. Chacun peut donner son avis là-dessus, je ferai aussi des commentaires. Il sera certainement intéressant de voir à cette occasion quels sont les courant de pensée qui se manifestent et les orientations retenues. Le programme comprend : Vendredi : 18h – 20h 30 Lutte pour l’emploi et appropriation sociale : de quelle intervention politique avons-nous besoin ? Olivier Leberquier Fralib – Edmond Mauduy Air France - Charles Hoareau Samedi matin : 9h – 12h La crise du capitalisme aujourd’hui Présidence : Alain Chancogne – Intervenants : Pascal Brula – Jean Claude Delaunay Samedi après-midi : 14h – 17h Quelles ruptures avec l’UE ? Présidence William Roger – Intervenants : Georges Gastaud – Jacques Nikonoff – Pierre Lévy. 17h 30 – 18h 30 : éclairage sur la situation internationale Présentation Francis Arzalier. 18h 30 – 19h 30 :rédaction d’un appel commun sur la base des discussions de la journée 20h 30 : concert spectacle d’Isabelle DESMERO : Tout fout le camp ! Dimanche matin : 9h – 12h Comment continuer ensemble ? Présidence Razika Kerchouni – Intervenants Danielle Trannoy – Charles Hoareau.
Edité le 27-06-2013 à 13:37:48 par Xuan
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| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 27-06-2013 à 13:54:21
| Modeste contribution aux Assise du communisme de juin 2013 à Marseille et à Géménos vendredi 21 juin 2013 par Hervé Fuyet, Peggy Cantave Fuyet Source Introduction Un camarade écrit : Les Assises doivent se conclure par un accord sur une orientation politique commune de l’ensemble des participants. Le texte qui devrait résumer cette prise de position sur les problèmes essentiels n’aurait pas vocation à être un « manifeste » destiné à une publication de masse, mais servirait de contrat d’engagement à l’action commune des groupes et militants présents en direction des objectifs ensemble définis. L’intention est louable, mais cela ne nous semble pas raisonnable. L’unité de la gauche politique ou syndicale est, il nous semble, plus le résultat des luttes et non son objectif. Quand on constate un changement significatif de la conscience de masses des travailleurs et travailleuses, la naissance de mouvements sociaux de gauche puissants, un nouveau rapport de forces, on peut envisager de mettre sur papier de façon formelle une unité dans l’action existante, mais le contraire risque plutôt d’échouer, comme c’est souvent le cas historiquement. Un consensus entre les participants et participantes sur un programme forcément minimum et incomplet aurait du mal à répondre aux problèmes qui se posent actuellement en France. Ce serait plus ou moins un PCF bis ou PG bis un peu plus à gauche peut-être, mais beaucoup moins puissant. Il serait plus proche d’un consensus syndical que d’un programme communiste révolutionnaire dans les faits ! Est-ce que nous pourrions sur une telle base recruter, et il nous semble que c’est essentiel, des ouvrières et des ouvriers, des travailleuses et travailleurs de couleur en particulier, des jeunes, de façon à refléter plus réellement la société française ! Je n’en suis pas sûr ! Or si nous restons « entre nous », nous ne faisons pas le poids, nous ne représentons pas grand chose ! Bâtir une Toile Rouge Vif Nous pourrions plutôt continuer à utiliser Internet comme nous le faisons déjà, et peut-être aussi contribuer à constituer des noyaux de réflexion et d’action dans le PCF, le PG, le Front de Gauche, le PRCF, l’URCF, etc, ou « autonomes », et tester auprès de la classe ouvrière divers éléments de programme maximum et minimum (Concrètement cela peut prendre de multiples formes, de la discussion avec les copains et copines, à des invitations à des réunions de cellules ou à des demandes d’invitation dans divers groupes de jeunes, etc... ou à des échanges par Internet). Un camarade nous dit, à propos des Assises 2013 à Marseille et à Gémenos, que nous pourrions tous tomber d’accord sur certains points comme « la nationalisation des secteurs clés de l’économie ». Cela nous rappelle avec une certaine nostalgie le programme du PCF « Changer de cap » et ensuite le « Programme commun de la Gauche » avec Mitterand ! Les résultats n’ont pourtant pas été si clairs ! Organisation de débats sur la Toile Rouge Vif Nous ne sommes donc pas sûr qu’il y aura consensus sur ce point, et cela ne nous semble pas nécessaire non plus ! En effet, le secteur public de l’économie, sans direction communiste, mais avec une direction politique gaulliste, social-démocrate (et même dans certains pays, comme l’Italie de Mussolini, corporatiste et fascisante), a finalement bénéficié principalement au grand capital monopoliste ! Tandis que, sous la direction du parti communiste, une économie socialiste avec des éléments de marché, comme entre autres en Chine populaire [1] [2], ou ensuite au VietNam et à Cuba [3], semble donner des résultats très positifs. En URSS, Gorbatchev, en contribuant à la liquidation du PCUS, a provoqué la chute de l’URSS, et ensuite de son économie publique planifiée. Donc, loin de faire consensus dans le monde communiste en France (et dans le monde), c’est un sujet qui peut momentanément nous diviser, mais qui est capital, si on veut sérieusement recruter parmi la classe ouvrière ! Nous devrions plutôt, nous semble-t-il, organiser un débat honnête sur ces points, le plus largement possible dans les groupes de réflexion et d’action dont nous parlions plus haut, et faire confiance aux ouvriers et autres travailleurs pour aboutir par eux-mêmes, à des conclusions valables. Même approche pour la question d’une sortie par la gauche de l’euro monnaie unique et de l’Union Européenne, qui est aussi capitale. Il faudrait, par exemple, que les lecteurs de l’Huma, soit informés des divers points de vue de gauche sur cette question. Par les commentaires de la version en ligne de l’Huma, par l’Huma sur Facebook, etc, on peut joindre les camarades du PCF et les lecteurs de l’Huma en général, qui sont souvent très mal informés. Le Front National nous « pénalise » en adoptant une position faussement “patriote” et faussement “anti-bourgeoise” et en préconisant une sortie “floue” de l’Union Européenne. Le FN attire ainsi beaucoup d’électeurs socialistes, communistes et de la Droite ! Il est crédité de beaucoup plus de voix que le PCF et Front de Gauche à divers niveaux électoraux. C’est extrêmement préoccupant et rappelle les années 30 ainsi que Pétain [4]. Sur la question de la sortie de l’Union Européenne par la gauche, l’article de Patrice Cohen-Séat, président d’Espaces Marx, et influent dans le PCF, est fort intéressant, car il marque une nette évolution sur cette question [5] et dans une partie des courants majoritaires de la direction du PCF [6]. Bien entendu, immédiatement des économistes du PCF, Boccara père et fils et al. ont contré [7], mais leurs arguments sont de moins en moins convaincants. Ils procèdent par affirmation, mais ne répondent pas aux arguments de Sapir ou du M’Pep [8]. Une camarade nous disait que Boccara, Sapir, etc, c’était trop compliqué pour “la base” ! Nous ne le pensons pas ! Bien au contraire, nous voulons aider “la base” à s’approprier les débats importants. Si les "états-majors" plus ou moins autoproclamés cessaient de filtrer les infos selon leur désirs, au lieu de faire confiance à une base bien informée (sans pour autant abdiquer leur rôle de "guide"), on irait sans doute plus loin, plus vite ! Des Assises ambitieuses ! Un rêve réalisable, pas une utopie, en un temps raisonnable ! Soit que l’on explique de façon claire divers programmes communistes possibles, qu’on crée de nouveaux groupes de réflexion et d’action, de nouvelles cellules, ou qu’on utilise des cellules existantes, et qu’on recrute des travailleurs et travailleuses de toutes les couleurs (le blanc est une couleur aussi !) de la France métissée d’aujourd’hui dans ces cellules (ou sections dans certains cas) pour continuer le débat théorique tout en militant dans l’unité avec d’autres camarades et d’autres groupes pour les luttes syndicales et autres en cours ! Ce travail d’organisation serait pour les Assises, dans un premier temps, une tâche créatrice, nouvelle et exigeante. Ce serait, mais avec la révolution informationnelle et Internet, un peu comme la façon dont Lénine a créé le Parti Bolchevik. Justement sur la question d’une union européenne, Lénine concluait son article, qui vaut la peine d’être lu et relu, en disant : « C’est pour ces raisons et à la suite de nombreuses discussions sur ce point, pendant et après la Conférence des sections du P.O.S.D.R. à l’étranger, que la rédaction de l’organe central en est venue à considérer comme erroné le mot d’ordre des "États-Unis d’Europe" » [9]. De tous ces débats à la base et de ces luttes dans l’action, avec ces forces nouvelles coordonnées, entre autres, par le biais d’internet, nous pourrions aboutir à des Assises numéro 2, et enfin faire ce que souhaitait, peut-être un peu vite, le camarade en question, soit : « Les Assises doivent se conclure par un accord sur une orientation politique commune de l’ensemble des participants. Le texte qui devrait résumer cette prise de position sur les problèmes essentiels n’aurait pas vocation à être un « manifeste » destiné à une publication de masse, mais servirait de contrat d’engagement à l’action commune des groupes et militants présents en direction des objectifs ensemble définis ». Mais cela viendrait d’une interaction entre les Assises numéro 1 et la nouvelle base ouvrière, et non d’un entre-nous bien sympa, mais un peu maigre. Ce serait du centralisme vraiment démocratique. Il faudrait donc qu’à ces Assises de Marseille/Gemenos 1, nous élisions un comité de coordination qui pourrait coordonner la poursuite (car cela est déjà bien commencé du développement de cette Toile Rouge Vif, de ce réseau Rouge Vif, qui ne se substituerait à aucune organisation en particulier ! Une de ses tâches pourrait être la proposition d’un choix possible de thèmes d’études en préparation des Assises 2. Cela pourrait être aussi la recommandation de sources pertinentes de documentation sur ces thèmes. Cela pourrait être aussi d’indiquer de bonnes sources sur l’étude des fondamentaux du marxisme, du léninisme et pourquoi pas de la pensée de Mao et des théories de Deng (après tout, Deng Xiaoping est un des penseurs marxistes les plus influents qui ait jamais existé !). Il s’agit de contribuer à améliorer la coordination de tout cela, car beaucoup existe déjà, comme par exemple le site lepcf.fr ou legrandsoir, ou des blogs comme socio13 etc... et bien d’autres encore. Pour les anglophones, il y a de plus en plus de bonnes sources qui n’existent pas en français comme mltoday ou 4thmedia. Sans parler de divers journaux, documents et sites de PC étrangers dans diverses langues, français ou anglais inclus (KKE grec, PCChine, PCCuba, PC de la fédération de Russie (en anglais) cprf, etc...). Il y a énormément de bonnes sources pour reconstituer un PC à partir de la base, avec un bon comité de coordination au centre ! Quand on se promène dans tous ces sites, on se rend compte que l’Humanité, malgré la qualité et le courage de nombreux de ses journalistes, ne fait pas très bien son travail au niveau de sa direction ! On peut d’ailleurs enrichir l’Huma en ligne en ajoutant des commentaires avec des liens vers ces sources de façon à aider les lecteurs de l’Huma en ligne qui voudraient avoir des infos plus riches ! En fait, alors que la documentation est abondante et accessibles, il est plus que surprenant de constater que divers partis et journaux plus ou moins communistes préfèrent désinformer en ne proposant que ce qui va dans le sens de leur direction, et en se contentant d’affubler d’épithètes négatives les autres points de vue, sans prendre la peine de véritablement débattre ! On pourrait aussi aider les cellules du PCF, du PG ou autonomes, qui voudraient mieux s’organiser. La brochure “How a communist Club Functions” par Daniel Rubin est excellente. Il doit bien y avoir un équivalent en français. On a remarqué avec surprise que beaucoup de vieux camarades ont oublié et que les jeunes camarades n’ont pas l’expérience ! Or sans cellules, il ne peut y avoir d’organisme ! Ne pas se tromper de cible La grande difficulté de cet exercice des Assises nous semble être de ne pas nuire à nos divers partis socio-démocrates (PCF, PG, PS etc), tous ces jumeaux certes non identiques, même assez différents (mais bien moins qu’ils le disent) qui se concurrencent, ni à divers petits groupes (PCRF, URCF) qui tentent toujours, sans jamais réussir, de rebâtir “par le haut” un Parti communiste. Il s’agirait plutôt, pour nos Assises, de contribuer à bâtir, ou rebâtir, un Parti communiste d’avant-garde, mais de masse aussi. Un tel parti pourra unir les communistes et s’appuyer sur les socio-démocrates, mais en les dirigeant, au lieu que ce soit le contraire comme maintenant, pour réaliser, en un premier temps un programme minimum et dès que possible une transition vers un socialisme aux couleurs de la France que nous aurons défini au cours des luttes syndicales et politiques en interaction avec les divers éléments de notre Toile Rouge Vif. Si nous dérapons, et prenons les soc démo roses ou rouges, ou les petits groupes “révolutionnaires” comme adversaire principal, nous facilitons la tâche des fascisants du Front National. Il y a des précédents dans l’Histoire, comme nous le savons tous. Le résultat des élections législatives dans le Lot-et-Garonne en juin 2013 montre bien aussi l’actualité du problème ! Absences motivées ! En attendant de vous revoir, Hervé va apprendre un peu de Chinois à Beijing pour pouvoir communiquer avec ses futurs petits-enfants ! Peggy, sa fille, se marie à Beijing et on ne peut pas être au four et au moulin à la fois ! Conclusion Tout cela nous permettra sans doute de mieux participer aux luttes syndicales et politiques concrètes dans les usines, dans les bureaux, dans les quartiers, de mieux les relier à notre objectif de socialisme aux caractéristiques de la France, dont la venue est inévitable avec l’approfondissement de la crise générale du capitalisme. La classe ouvrière et les autres travailleurs et travailleuses, avec leur Parti communiste, vaincront sans aucun doute. Les Assises de Marseille et de Gémenos de 2013 auront joué, nous l’espérons, le rôle modeste mais essentiel de catalyseur, d’outil ! Ou plutôt d’un prototype d’outil, dont les contours sont encore flous, mais que nous souhaitons mettre au banc d’essai pour en mesurer l’efficacité le plus rapidement possible ! [10] Tchao, tchao ! [1] Économie socialiste de marché [2] Ce n’est pas la Chine qu’il faut craindre [3] Économie de Cuba [4] Zeev Sternhell, Ni Droite ni gauche, L’idélogie fasciste en France, Gallimard 2012 (Très anticommuniste, mais bien documenté !). [5] Patrice Cohen-Séat, Nous subissons aujourd’hui un ordre eurolibéral-autoritaire, changeons le pouvoir  ! [6] Pierre Kulemann, On commence à sortir de l’impasse [7] Boccara et al, Quelle solidarité en Europe pour les Peuples ? [8] Sapir et le Mpep [9] A propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe (août 1915), Œuvres de Lénine, t. XXI, août 1914-décembre 1915. [10] Un camarade nous rappelait que le peuple peut créer une encyclopédie (EcuRed à Cuba, Baidu en Chine, Cocowikipedia en France -encore embryonnaire-, divers Wikipedia). Ce camarade ajoutait qu’avec la science (marxisme, informatique), le peuple en France pourra développer le parti communiste d’avant-garde et de masse dont il a besoin, décoiffant un peu au passage bien des états-majors plus ou moins auto-proclamés.
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| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 27-06-2013 à 14:01:47
| G. Remond m'adresse la contribution du RCC : Comme Pierre Alain et Marie Christine je trouve ce texte claire et ambitieux. Comme eux je vous remercie toi et les rcc pour cette contribution claire et sérieuse et même si je pense que le chemin sera long demandant que nous sachions continuer sans arrières pensés à avancer, sans aucune autres en tout cas que les propositions par vous posées dans ce textes il n'en demeure pas moins que je partage avec vous la nécéssité de cette tache stratégique majeur qui se pose depuis pulsieurs dixaines d'années maintenant, et qui prend pour résolution celle de reconstruire le parti communiste issu du congrès de Tours c'est a dire celui affilé à la troisième internationnale en fonction de l'accord donnée aux 21 conditions, mais en sachant tout fois éviter ses errements, ses aventures sectaires du débuts, son aveuglement devant un dogme méconnu ou pris a la lettre. De ce point de vu l'outil pour y parvenir passera de toute évidence par cette coordination souple que, comme nous, vous envisagez, a condition bien sur que cette dernière ne prenne le pas sur nos activtés de communites a l'intérieur de la forme qu'est devenue le parti des origines.Cette coordination devrait avoir a mon sens pour fonction de permettre que s'organisent les débats idéologiques et politiques dont les communistes ont besoin , qu'ils soient de l'intérieur ou qu'ils soient de l'extérieure, qu'ils soient organisés ou qu'ils soient isolés, même si cette dernière occurence soit en contradiction avec ce qu'elle postule puisqu'en effet un communiste conséquent ne peut être seul.( je n'irai toute fois pas jusqu'a dire "qu'un communiste seul est un communiste mort", a cause de la contiguïté sémantique de cet aphorisme avec cet autre qu'affectionnent les fascistes" un bon communite est un communites mort" ) Néanmois il nous faut aussi considérer que l'importance de la pratique dans ce processus, puique en effet si un communniste ne peut raisonablement être seul c'est qu''il se détermine avant tout selon des critères collectifs qui proviennent d'une pratiques. Il nous faudra donc le faire en partant du" monde réel" mais aussi au nom du rêve qui fait de chaque homme un artisant de cet autre monde auquel il aspire, en s'appuyant sur les luttes qui s'engagent pour y parvenir et en ne perdant pas de vu que si l'action à besoin d'une perspective historique, cette dernière à aussi besoin de l'action pour établir ses lignes de fuites dans le concret. En effet selon les lois de la dialectique la réflexion n'est rien si elle ne se nourrie pas de la pratique. Le réalisme dont nous avons besoin doit se faire conscience des réalités sociales. Il nous les faut connaitre par l'enquette ainsi que l'avait développé Said Bouamamas dans l'une de ses interventions et a partir de notre liaison avec les masses sans lesquelles rien n'est possible pour aller là ou nous voullons nous rendre c'est a dire, construire le socialisme. En conséquence, celle ci est donc partie intégrante du combat qui modifiera ces réalités. Le parti que nous souhaitons doit pouvoir conduire ces taches sachant qu'il sera aussi le résultat de leur accomplissement.Mais la réalité doit aussi pouvoir s'aborder dans ses dimentions contradictoires et s'exposer entre nous sans concessions. Par exemple plusieurs communiqué des rcc font état de femme voilées victime d'agression fascites.Or s'il est juste de protester contre ces agressions ne devons nous pas aussi rappeler ce qu'une femme sans papier me rapportait . Elle disait ne pas comprendre toutes ces femmes des quatriers qui portaient le voile alors que dans sont pays, l' Algérie de nombreuses femmes avaient été assassinées dans des conditions d'absolue barbarie pour avoir refusé de le mettre au nom de leur identité de femmes libres . Est ce de l'islamophobie de le dire et de le dire au nom du droit des femmes a disposer d'elle-même? Contrairement a ce qu'il est postulé par certains, la liberté de conscience n'a rien a voir avec la haine du religieux et encore moins de son libre exercice. Le racisme procède d'autre chose. Rappelons tout fois que si du temps de Molière et de Montesquieux le Mahométant représentait dans l'éffectivité de sa différence l'ouverture et le progres face a une église inquisitoriale et conservatrice, la tendance s'inverse aujourd'hui, l'islam d'inspiration salaphiste et réactionnaire qui domine actuelement, reprennant à son compte ces pommes de discordes qui existaient autrefois sur les meurs, le sexes et la science, jetant comme il l'exige sur la tête des femmes, un voil d'ombre sur le monde. Mais bien entendu une violence fasciste est une violence qui doit être condannée. Pour autant faire l'un n'empêche pas de rappeler et de défendre l'autre aspect de la contradiction. D'autre camrades que ceux auquels vous vous adressez sont intéressés par ces débats et comptent participer de près ou de loin au assises, je me propose de les en informer . Fraternellement Gilbert
_______________ ASSISES DU COMMUNISME : COMMENT FAIRE POUR ALLER VERS LA RECONSTRUCTION COMMUNISTE ? Après plusieurs rencontres de Marseille entre des communistes organisés dans et hors du PCF, les Assises du Communisme vont se réunir pour entamer une marche vers la reconstruction du parti communiste dont les travailleurs et le peuple de France ont besoin. Selon que l’on soit dans ou hors le PCF, les questions se posent différemment sur comment rassembler les communistes qui ont rompu idéologiquement et/ou organisationnellement avec la social-démocratie au commande du PCF suite à ces décennies de révisionnisme idéologique anti-marxiste-léniniste et de travaux pratiques de la collaboration de classe au gouvernement en 1981 et en 1997 ? Etant entendu qu’un communiste non organisé, donc individualisé, doit absolument sortir de son isolement individualiste pour ne pas être un « communiste mort ». La tâche majeure stratégique posée et à résoudre est de reconstruire le parti communiste section de l’Internationale communiste né au congrès de Tours, en œuvrant à la fusion du mouvement ouvrier et du socialisme scientifique par l’élaboration et le ralliement de l’avant-garde du prolétariat au programme de la révolution socialiste en France. Comment organiser le débat idéologique et politique entre communistes organisés dans et hors du PCF pour élaborer le programme d’émancipation du prolétariat et du peuple ? Comment organiser l’unité d’action de communistes dans et hors du PCF dans les luttes et mouvements des masses contre les politiques antisociales du capital et des ses gouvernements de droite et de gauche ? Comment agir ensemble contre la fascisation politique et la montée politique du fascisme dans le pays, y compris électorale ? Comment aider ensemble, dans le respect de la démocratie interne, les organisations de masses des travailleurs (syndicats, associations) dans lesquelles militent les communistes dans et hors du PCF dans les luttes défensives actuelles ? Comment intervenir ensemble dans les fronts antilibéraux et antifascistes initiés par les représentants politiques de la petite bourgeoisie, de l’aristocratie ouvrière en voie de paupérisation et de plus en plus rejoint par la classe ouvrière ? Les Assises du Communisme peuvent et doivent devenir une étape dans l’entame du travail politique commun pour apporter les réponses à ces questions décisives. Pour faire cela, les « Assises du Communisme », en tant que mouvement organisé des communistes dans et hors du PCF, doivent : - déclarer clairement que son but est la lutte contre la social-démocratie, le trotskisme et pour la reconstruction du Parti Communiste héritier du congrès de Tours ; - devenir un espace commun organisé de lutte à la démarcation, à l’unité idéologique et à l’unité d’action stratégique en vue de la reconstruction communiste et dans le mouvement des masses ; - se doter d’une forme organisée souple adaptée à la réalité politique et organisationnelle des forces parties prenantes dont : ü une assemblée générale annuelle des Assises du Communisme comme instance démocratique de décision, assemblée réunissant des représentants des composantes ; ü une structure nationale collégiale de coordination des activités : - préparer, planifier, organiser les études et les débats idéologiques et politiques qui permettront d’élaborer le programme d’unification des communistes ; - organiser l’unité d’action dans les luttes de classe et les fronts politiques antilibéraux, antifascistes, anti-impérialistes et anti-guerres dans le pays ; Ce cadre collégial doit être composé d’un titulaire et un suppléant de chaque groupes, cellules, sections, fédérations ou réseau organisé dans et hors du PCF qui s’engage dans le mouvement des Assises du communisme ; Chaque composante, seule ou en association avec d’autres, peut recevoir les rendez-vous thématiques décentralisés parallèlement aux actions de visibilité nationale du travailler ensemble. Telles sont les propositions que nous soumettons à la première rencontre nationale des Assises du Communisme de Marseille. Juin 2013 http://cercles.communistes.free.fr/rcc/index.php
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| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 02-07-2013 à 22:05:02
| Dans le prolongement des Assises du Communisme de ce week-end ci-après et ci-joint quelques réflexions et propositions sur un sujet ayant pu apparaître à la marge. Fraternellement Gilbert Rodriguez CGT et FSC ______________________________________________________ Les communistes et le mouvement syndical Aux Assises du communisme des 29 et 30 juin à Gémenos un camarade me faisait remarquer à propos de plusieurs de mes interventions sur les questions syndicales et le rôle des communistes dans les organisations que nous étions aux "Assises du communisme. " Sous-entendu ces interventions étaient quelque peu hors sujet. Pourtant, je pense que dans cette phase d’amorce de rassemblement d’une force communiste sur des objectifs et des principes communs : sortie de l’Union européenne et de l’euro, sortie de l’OTAN et de l’Alliance atlantique, sortie du capitalisme, lutte pour la paix et contre les guerres et interventions impérialistes, la question du rôle des communistes dans les organisations syndicales et dans la CGT en particulier, du rôle des communistes dans l’expression du mouvement social est incontournable ! Pour une raison simple, car ce qui éclaire le positionnement des communistes et leur intervention dans le champ politique c’est un positionnement de classe, c’est le contenu de classe au travers duquel les évènements, les enjeux peuvent se lire et peut s’organiser leur action et leur initiative. Et faudrait-il s’en départir dès lors qu’il s’agit du champ social et du monde syndical ? Et le positionnement de l’organisation syndicale qui comme le remarquait Benoît Frachon est par excellence l’organisation de masse des travailleurs, la plus familière et la plus proche, la plus perçue comme utile ne pèserait nullement dans le rapport de force entre les classes, entre le travail et le capital ? Ce serait ne rien comprendre à l’enjeu dont tout cela est l’objet et à l’intervention permanente sous différentes formes (jusqu’à la corruption) et de l’état et du patronat visant à la paix sociale, à la mise en place d’un dialogue social reposant sur la collaboration de classes et passant dans un pays comme la France marqué par les traditions de lutte de classes par un remodelage du paysage syndical en lien avec l’insertion dans l’Union européenne avec le rôle spécifique de la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Historiquement, dès la naissance du nouveau parti communiste issu du congrès de Tours et ensuite dans des situations historiques pourtant très différentes (paix, guerre, scissions syndicales et processus de réunification …) la question syndicale est totalement intégrée à la stratégie communiste et ce sont des dirigeants politiques de premier plan qui s’y consacrent tels J. Racamond, P. Sémard, B. Frachon, G. Séguy, H. Krasucki… D’ailleurs la bourgeoisie et la social démocratie ne cesseront de s’en prendre à ce lien en visant à interdire aux responsables syndicaux communistes d’exercer en même temps des responsabilités dans leur organisation politique. Même si cet angle d’attaque recouvre d’autres objectifs et d’autres préoccupations (division, isolement …). Quelle est la situation présente ? Au-delà du débat théorique séculaire dans le mouvement communiste sur les rapports entre lutte pour la transformation révolutionnaire et lutte dans les syndicats (lien organique, spécificité et originalité du mouvement syndical français, conditions posées par l’Internationale communiste …) qui ne me paraît pas correspondre aux besoins de la situation présente, une chose demeure : c’est l’importance majeure du positionnement de classe des travailleurs et par conséquent des orientations de classe de la ou des organisations auxquelles les travailleurs adhèrent ou auxquelles ils font confiance. Or, pour l’essentiel les organisations, leur direction sont sur une ligne d’accompagnement de la crise et situent leur action non pas dans une subversion du système mais dans le sens de corrections et d’accommodements à la marge. "On ne nous écoute pas assez", "Le pouvoir est trop à l’écoute du MEDEF" etc. Par ailleurs, les principales confédérations appartiennent TOUTES (CFDT, CGT, FO, FSU en faisant la demande) à la CES et font donc de l’objectif de "L’Europe sociale" un horizon. C’est Thierry Lepaon qui dans La Tribune de ce 1er juillet à la question du journaliste : François Hollande et Angela Merkel ont précisé vouloir ouvrir le dossier de l'Europe sociale, avec notamment le principe d'un smic européen, n'est-ce pas aller dans la bonne direction ? déclare : "Incontestablement. nous avons une Europe économique et monétaire, mais pas d'Europe sociale. Ce n'est plus possible, c'est cela qui éloigne les gens de l'idée européenne. " On est bien là dans l’orientation qui consiste à dénoncer les "excès" de l’Europe libérale, du dumping social mais dans la perspective d’en corriger les excès et dans la défense de l’idée européenne menacée par ces "dérives" ; sans que jamais soit fait le lien avec le sens profond et originel de la construction européenne comme nous le faisons en engageant la bataille pour la sortie de l’euro. Mais quid du positionnement, de l’expression publique, du combat des militants communistes dans les syndicats ; militants convaincus de la nécessité d’une sortie de l’UE pour pouvoir s’engager dans une politique nationalement souveraine en faveur des travailleurs et du peuple ? Quel sens et quelles perspectives pour les revendications portées par le mouvement social et les luttes pour le pouvoir d’achat, contre les fermetures d’entreprise et les délocalisations, contre les contre-réformes engagées et poursuivies par le pouvoir socialiste (politique budgétaire, suppression d’emplois publics, remise en cause de la retraite par répartition, privatisations larvées … ? Comment participer à la construction d’une force communiste forgée sur des bases de classe sans mener le combat dans le champs syndical et dans les organisations (la CGT en particulier compte-tenu de son histoire et de sa composition sociale) pour que l’emporte l’orientation de classe contre les orientations de collaboration ? Les dirigeants réformistes de la CGT sont confrontés à une contradiction majeure : > - l’orientation qu’ils ont fait avaliser dans le milieu des années 90 et l’adhésion à la CES les conduit à l’acceptation du "dialogue social" , à privilégier les compromis avec le patronat et le pouvoir en dehors de tout rapport de forces sur le terrain, à faire prévaloir une unité de sommet avec la CFDT sans ancrage avec les travailleurs dans les entreprises (le "syndicalisme rassemblé" ) et en évitant toute confrontation frontale avec le pouvoir à l’occasion de la mise en œuvre des contre-réformes qui pourtant fédèrent le monde du travail et le peuple et mettent des millions de gens dans la rue ! > - et la nécessité de tenir compte d’une forte persistance à la base, d’une tradition de lutte aiguisée par l’aggravation de la crise et la remise en cause radicale des conquêtes issues de la Libération et du rapport de forces de l’époque. Le réformisme des dirigeants de la CGT est un réformisme honteux et nié. Un double jeu en quelque sorte. Dans la recomposition syndicale souhaitée par la bourgeoisie la CGT étant appelée à jouer le rôle d’un "réformisme dur", pendant d un "réformisme mou" comme l’a avoué à sa manière un Alain Minc (processus déjà engagé avec Sarkosy). D’autant aussi que les orientations ouvertement assumées par les dirigeants de la CFDT (signature de l’ANI, réforme des retraites) viennent également bousculer la stratégie d’alliance proclamée comme garant de l’unité et de l’efficacité de l’action syndicale. C’est la raison pour laquelle le rôle des communistes est de rendre visibles ces enjeux, de débusquer les doubles langages et les positions masquées. Pour que la résistance s’organise et se déploie contre le développement de la "révolution conservatrice" qui se prolonge les travailleurs ont besoin de clarté et de lucidité à propos des pièges qui leurs sont tendus et auxquels participent des dirigeants qui ont tourné le dos aux principes qui ont guidé la Grande dame ! La question qui est donc posée aux militants communistes dans les syndicats et dans la CGT en particulier : c’est celle de leur indépendance de réflexion, d’expression et d’action par rapport aux orientations de collaboration de classes des directions (confédérales, fédérales, locales …) Je sais (par expérience aussi) que les choses ne sont pas simples et qu’en maints endroits tout débat d’orientation est vérouillé et que les interventions répressives ne manquent pas comme on a pu le voir en particulier dans la fédération du commerce. Des dérives de corruption existent également participant à la difficulté. Les dirigeants réformistes n’hésitent pas par ailleurs à écarter tout débat d’orientation en se prévalant des votes de congrès et en désignant ceux qui sont porteurs de ces débats comme des diviseurs, péril pour l’outil auxquels les travailleurs sont légitimement attachés. Il demeure qu’en dépit de ces difficultés, effectuer un travail d’explication et d’intervention pour que prévalent les orientations de classe est une nécessité majeure ! L’appel des assises devraient donc à mon sens refléter ces préoccupations et ne pas se situer dans la foulée de l’orientation confédérale de la CGT pour la rentrée se cantonnant à proposer 4 meetings et une journée nationale interprofessionnelle sans la perspective et la préparation d’une confrontation avec le pouvoir ni préparée, ni même évoquée. L’appel du carrefour des luttes du vendredi 28 juin auquel la direction confédérale de la CGT a participé se situant précisément dans cette ligne . On pourrait par ailleurs –pourquoi pas- prévoir- au stand des assises du communisme un débat portant sur cette question du rôle des communistes dans le mouvement syndical. En conclusion je plaide pour que cette question constitue un volet incontournable du travail de reconstruction d’une force communiste et donc de classe. Gilbert Rodriguez
__________________________________ PS Je souhaite que ces réflexions soient portées à la connaissance des participants aux Assises comme question n’ayant pu être débattues et approfondies au cours de leur déroulement.
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 04-07-2013 à 17:42:15
| Assises du Communisme : L’intervention de Jean-Jacques Karman dirigeant de la « Gauche communiste » source Sans nier la réalité de la mondialisation impérialiste, la lutte des classes reste avant tout sur des bases nationales. Alors, avec la crise du capitalisme, où en sommes nous ? Nous sommes dans sa phase de pourrissement. Mais pourrissement ne veut pas dire fin du capitalisme. Le capitalisme trouvera toujours le moyen de survivre en portant sa crise à un degré supérieur. Pour le supprimer il faut donc le renverser par une révolution socialiste. Nous sommes au moment historique, caractérisé par Rosa Luxemburg par ces deux mots « Socialisme ou Barbarie ? ». La crise du capitalisme n’est pas le résultat de mauvaises prises de positions des capitalistes. Non ce sont les mécanismes internes au capitalisme lui-même qui engendre le développement de sa crise. Au degré de la crise actuelle du capitalisme, il ne peut plus laisser quelques miettes pour calmer le peuple. C’est pour cela que la politique du PS est sur le fonds, la même que celle de la Droite. La question centrale d’aujourd’hui n’est pas de gérer les affaires de la bourgeoisie, mais de rompre avec le capitalisme en transforment cette crise en crise révolutionnaire. Le plus court chemin pour y arriver, n’est pas que les idées révolutionnaires soient majoritaires à gauche, même si cela n’est pas négligeable, non il faut en premier lieu être majoritaire dans la classe ouvrière, car le Parti ou les partis ne peuvent remplacer le rôle historique de la classe ouvrière dans la révolution. La révolution socialiste, ce n’est pas la majorité électorale de la gauche, même si cela peut aider, non, la majorité électorale, c’est quand la classe ouvrière est capable d’exercer sa dictature, au sens où Marx l’entendait. Et Rosa Luxemburg l’a précisé par ces mots « la plus grande liberté pour le peuple, ses partis, associations et syndicats, plus grande liberté individuelle, mais aussi dictature envers les mécanismes du capitalisme pour les détruire ». Cela peut coïncider avec un processus électoral, mais ne peut remplacer la nécessaire « dictature du prolétariat ». Un exemple : la 6ème république n’est pas un mot d’ordre révolutionnaire. Car la 6ème (dans l’ordre » est la 6ème république bourgeoise. Non, il faut une Assemblée constituante, élue à la proportionnelle, qui prenne comme première mesure la nationalisation, sans indemnisation des capitalistes, de toutes les banques et assurances, ainsi que les entreprises dominantes de tous les secteurs d’activité. Et proclame la 1ère république sociale, démocratique et populaire de France, œuvrant pour la création d’une union des républiques sociales d’Europe de l’Ouest et de la Méditerranée. Tout cela ne se fera pas spontanément, il y a nécessité d’un parti révolutionnaire, qui ne peut et ne doit pas remplacer la classe ouvrière dans la nécessaire action de celle-ci. Il doit agir en avant-garde en respectant le pluralisme. Malheureusement, le PCF est dans un triste état. Parti devenu électoraliste, en grande perte de vitesse, où sa direction rêve de le faire disparaître et où les ouvriers sont de moins en moins nombreux. Mais, si on laissait disparaître ce parti, on ferait un beau cadeau à la bourgeoisie. Ce parti a une structure nationale, construite par l’Internationale Communiste et où il y a encore des milliers de cadres syndicaux et associatifs. La direction actuelle du PCF est organisée en tendances. Investir le PCF, sans effacer nos différences, sur la base de tendances organisées et travailler ensemble en direction de la classe ouvrière, redonnerait du sens et de l’utilité à ce parti. Le PCF a toujours été fort dans les autres couches et en particulier chez les intellectuels, quant il était fort dans la classe ouvrière. Pouvons-nous travailler en tendances organisées ? Oui bien sûr ! A la seule condition, que personne ne se prenne pour le nouveau Lénine. Dernière question : les accords avec les socio-démocrates ne sont possibles que sur des bases qui font avancer la cause du peuple, avec un rapport des forces en faveur de la classe ouvrière. 1981 et 1997 furent des erreurs très graves et il faut être conscient qu’idéologiquement la social-démocratie sera l’un des derniers remparts du régime capitaliste. La question centrale, est bien, le rapport des forces dans la classe ouvrière.
Edité le 04-07-2013 à 17:46:46 par Xuan
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| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
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| Posté le 11-07-2013 à 21:55:52
| Ci-dessous la première partie d'une longue et intéressante contribution de Jean Claude Delaunay, économiste, qui a séjourné plusieurs fois en Chine.
__________________ Assises du communisme 2013 Comprendre pour accomplir (1) mardi 9 juillet 2013 par Jean-Claude Delaunay Ce texte a été rédigé pour la préparation des Assises du Communisme (Marseille, 28-30 juin 2013), pour exprimer comment, sur deux ou trois points, on peut percevoir la lutte pour le socialisme et le communisme, en France. C’est une contribution personnelle à la discussion collective. Je ne doute pas que cette dernière sera fructueuse. Voici le plan que j’ai suivi. > Introduction (essai de définition du socialisme et du communisme) > Première Partie : Aspects de la mondialisation capitaliste • Avec la mondialisation capitaliste, les dirigeants socialistes n’ont plus rien à voir avec le socialisme car le capitalisme, leur référence, a changé. Ils n’ont plus d’alibi. • L’Union européenne et la mondialisation capitaliste sont-elles identiques ? • La Chine socialiste et nous. • Le principe « gagnant-gagnant », aspects de l’internationalisme prolétarien aujourd’hui. Deuxième Partie : Les classes sociales en France aujourd’hui • La classe ouvrière française. • Les autres classes sociales. • Grands traits d’une théorie hétérodoxe de la classe ouvrière dans un pays développé comme la France.
________________________________________ Ce texte est indépendant de toute autre forme d’intervention pendant les Assises du Communisme. C’est, je le répète, une contribution personnelle et limitée à la réflexion générale. J’indique, de manière incidente, que le titre de ma contribution « Comprendre pour accomplir » est la reprise du titre d’un ouvrage qu’Henri Jourdain publia en 1982 (dialogue avec Claude Willard). Cet enfant de la Sologne, entré dans le travail à l’âge de 13 ans, devint ajusteur de son métier. Ce fut d’abord un syndicaliste. Il fut notamment dirigeant du syndicat CGT de la Métallurgie, puis de la Fédération syndicale mondiale. Il intervint très activement dans les discussions avec le patronat de l’aéronautique, au moment du Front populaire. Il adhéra au Parti communiste en 1936. Entré dans la clandestinité en juillet 1940, il est arrêté, puis déporté à Mauthausen jusqu’en 1945. Membre du Comité central du PCF, il fut également en charge de la Section économique du Comité central et de la Revue « Economie et Politique, revue marxiste d’économie » , entre 1961 et 1972. Je mentionne son nom car les Assises que nous allons tenir ne sont pas venues du ciel. Elles prennent place dans la continuité de luttes anciennes, rudes, et même meurtrières, menées par des gens de cœur et de conviction. Nous pouvons donc associer à ces Assises la mémoire de celles et de ceux qui nous ont formés. Ce faisant, nous serons peut-être d’autant plus portés à donner, dans les discussions à venir, le meilleur de nous-même. Introduction : socialisme et communisme, essai de définition. Dans un pays comme la France, l’exigence du socialisme prend aujourd’hui place dans l’évidence des contradictions insolubles de ce système. D’un côté, le capitalisme développe toujours plus avant les forces de production. Il étend le nombre de travailleurs impliqués dans la production. Il multiplie les quantités produites, il augmente les périmètres sur lesquels ces productions sont réalisées, il modernise considérablement les moyens de leur transport. Il produit de nouveaux moyens pour les hommes de communiquer entre eux de façon rapide et polyvalente. Il accroît la capacité financière des sociétés humaines et la possibilité de lier entre elles les époques et les générations. Il développe et enrichit le contenu des activités de l’Etat. Son horizon est aujourd’hui mondial. En bref, il accroît le degré de sa complexité tout en socialisant la production et la consommation sur des échelles toujours plus vastes. Il le fait par l’intermédiaire du marché capitaliste mondial. D’un autre côté, en raison des rapports de propriété privée ou privative que ses agents exercent sur les moyens de production, de transport, de commerce, de financement, de communication médiatique, en raison de leur influence sur l’appareil d’État et les institutions, ses limites sociales demeurent infranchissables. Le capitalisme engendre le développement inégal de la richesse des pays et des groupes sociaux. Il condamne des pans entiers de l’humanité à la migration pour la survie. Il fait la guerre aux populations réticentes à ses impulsions. Il détruit les formes existantes de la production, de la consommation individuelle et collective, mais sans apporter d’améliorations autres que celles conquises dans la lutte par les populations concernées, en sorte que, si elles ne luttent pas, elles crèvent. La socialisation que ce système impulse n’apporte aucun mieux être durable aux travailleurs. Au contraire, elle pousse, de manière généralisée, à l’application de politiques salariales restrictives, à la destruction des protections sociales ainsi que des régimes de retraite, au démantèlement du droit du travail, à la réduction des impôts versés par les grandes entreprises, aux transferts de revenus vers les entreprises les plus puissantes, à la privatisation et au pillage des entreprises publiques, à l’austérité accrue dans les dépenses de l’Etat, à la mise en difficulté des hôpitaux et des laboratoires. Les plus pauvres des Français sont durement touchés dans leur vie courante. La population de celles et de ceux que la crise économique affecte, tant au plan économique que moral, est croissante. Alors que la société est de plus en plus complexe, interdépendante, productive, socialisée, porteuse de potentialités, les bénéficiaires de la richesse produite forment le petit nombre des privilégiés de la société moderne. La domination qu’ils exercent sur l’appareil productif et la vie sociale se révèle de plus en plus gaspilleuse et stérilisante. Si les exploités du monde contemporain veulent enrayer la misère, s’ils veulent changer durablement les difficultés et l’état de décadence qu’engendre aujourd’hui l’installation du capitalisme mondialisé, il leur faut chasser les maîtres de cette société. Il leur faut prendre, au plan politique, la direction du mouvement de socialisation économique. Les activités économiques qui, avec la mondialisation capitaliste, ne servent plus au bien être des masses, doivent être investies à nouveau par les classes populaires et travailleuses. La socialisation des forces de production doit rentrer dans le rang, sur les espaces où son contrôle a un sens et une efficacité. Grâce à l’action de la population majoritaire, le processus de socialisation doit être conduit de façon totalement renouvelée et mis au service des masses. Il s’agit, sur la longue durée mais avec détermination et constance, car rien ne se fera en cinq minutes ou même le temps séparant deux élections, de mettre en place le socialisme, c’est-à-dire, de manière progressive, le processus complémentaire de socialisation des techniques et de socialisation des hommes par d’autres voies que le marché capitaliste. Il ne s’agit plus de « faire du social » dans un contexte marchand capitaliste et mondialisé, ce qui est d’ailleurs aujourd’hui quasiment impossible. Il s’agit de socialiser, de manière parallèle mais aussi de manière conjointe et cohérente, les activités de toutes sortes et les hommes, aujourd’hui rangés, distribués et d’une certaine manière pétrifiés dans des catégories de toutes sortes, en premier lieu dans ce qu’on nomme leur classe sociale. Les communistes ont la perspective de construire une société communiste. Une telle société est celle dans laquelle le processus de socialisation par les hommes (le politique) deviendra le processus social dominant de tous les processus de socialisation, sur le fondement d’une économie extrêmement développée (production abondante) au plan national et mondial. Il aura pour effet d’anéantir l’incidence majeure sur chacune et chacun de son rangement dans des classes sociales et de faire évoluer l’incidence éventuelle des autres classements. Première partie : Aspects de la mondialisation capitaliste I - Avec la mondialisation, les dirigeants socialistes n’ont plus rien à voir avec le socialisme car le capitalisme, leur référence, a changé. Ils n’ont plus d’alibi. Peut-être certains se disent-ils aujourd’hui : « Quand j’ai voté pour François Hollande, après tout, je savais ce que je faisais. François Hollande n’est pas pire que Guy Mollet ». C’est vrai. Les élites socialistes françaises ont toujours su se déshonorer à temps et avec continuité, par exemple en laissant tomber le République espagnole, en votant les pleins pouvoirs à Pétain, en faisant la guerre en Algérie, en attirant les Français dans le piège de Maastricht. Mais une chose a changé profondément depuis une quarantaine d’années, c’est le capitalisme. Après 1945, les populations des pays développés avaient réussi à nationaliser leurs nations. Certains ont appelé capitalisme monopoliste d’Etat le système capitaliste alors mis en place. Au cours des années 1970, ce système qui assurait, quoique de manière instable et toujours dans la lutte, un certain équilibre entre Travail et Capital, est entré en crise. Par la suite, la grande bourgeoisie a uni internationalement ses efforts pour desserrer l’étau de la baisse générale de la rentabilité du Capital. Elle s’est engagée avec détermination dans une nouvelle étape de son pouvoir, celui du capitalisme monopoliste financier mondialisé. Elle s’est soudainement découvert une ambition philanthropique originale : contribuer au développement du monde. Ce faisant, elle a réussi, au plan mondial, à dénationaliser et à privatiser les nations dont ses diverses fractions étaient issues. Elle les a dénationalisées car la globalisation économique capitaliste a pris appui sur la dérégulation complète des marchés des marchandises, du travail et de la finance pour instaurer, à l’échelle mondiale, la suprématie de « l’épargne capitaliste ». Ce faisant, elle a privé les populations accrochées et fidèles à leur rocher national, de tout pouvoir sur leur économie. Les politiques nationales ont été déclassées et sont devenues impuissantes. Elle les a privatisées, au sens propre et figuré du terme, car chaque fraction de la classe capitaliste mondiale a besoin d’un État, pour son compte exclusif, pour contrôler son salariat. De la même façon, elle a besoin d’un État pour aider ses plus grandes entreprises à mener le combat des géants dans l’arène mondiale. La fraction localisée en France de la classe capitaliste mondialisée s’est donc employée elle aussi à dénationaliser la nation française et à privatiser son État. François Hollande est certainement un aussi triste sire que Guy Mollet, mais la portée de ses mensonges est infiniment plus grave, le contexte capitaliste ayant profondément changé. Guy Mollet lançait la France dans la guerre en Algérie. Mais les salariés français, dans le cadre national, menaient encore avec succès des luttes économiques. Il était possible de « faire du social » avec les socialistes au pouvoir, à condition, cela va de soi, de les « pousser au cul ». J’espère que personne ne se méprendra sur le sens de mon propos, qui ne dédouane pas ce personnage de ses responsabilités historiques. Aujourd’hui, cependant, l’époque du capital industriel national ou même du CME est révolue. Nombre de salariés raisonnent encore ainsi, dans l’idéologie de ce passé. Ils se disent que les dirigeants socialistes sont certainement des menteurs et des coquins, mais que, bon an mal an, le combat social, avec eux, sera plus facile. Ils se trompent, nous nous trompons. A l’époque du capitalisme monopoliste financier mondialisé, les salariés français font l’expérience qu’ils ne peuvent lutter pour le maintien ou l’amélioration de leur situation économique sans mettre explicitement, radicalement en cause la libre circulation mondiale des capitaux et les institutions qui l’organisent, sans mettre en cause le pouvoir économique, financier, politique des plus puissants. Trois conclusions peuvent être immédiatement tirées de ces observations. a) La première est que les élites socialistes du PS n’ayant aucune volonté de changer le système capitaliste, elles avalisent le capitalisme financier mondialisé et proposent uniquement aux salariés dont elles prétendent défendre les intérêts fondamentaux, un socialisme du benchmarking ou de « la bonne pratique capitaliste », couplé à un socialisme du ramassage des morts et des blessés de la grande guerre économique. Les socialistes ne sont plus en mesure de « faire du social », ce qui, jusqu’à présent, leur avait servi d’alibi pour défendre le système capitaliste contre les assauts des révolutionnaires. De même, les classes populaires ne sont plus en mesure de « faire du social » avec les socialistes au pouvoir. b) La deuxième conclusion est, par conséquent, que le moment est venu, pour les révolutionnaires de ce pays, d’arrêter tout soutien électoral aux élites socialistes et d’intervenir activement pour leur mise hors circuit du champ politique. Sans doute convient-il de distinguer, dans la fraction socialiste de la population française les socialistes d’en haut et les socialistes d’en bas. Les élections communales en préparation illustrent cette exigence. Mais il ne suffira pas de séparer ces deux groupes et de faire alliance avec le deuxième pour bâtir le changement social. Les socialistes d’en bas devront être séparés idéologiquement et politiquement des socialistes d’en haut sur la base d’une politique d’union du peuple de France pour le renouveau de la France, pour le socialisme et le communisme. C’est sur le fondement de cet élan général que les socialistes d’en bas seront entraînés vers le changement. c) La troisième conclusion est qu’il n’y aura pas de projet socialiste, au sens que nous donnons à ce terme, qui n’ait d’abord pour objectif de sortir la nation de l’étranglement que lui inflige la mondialisation capitaliste. La mondialisation capitaliste est la stratégie mise en œuvre par les forces du Capital, à la fin du 20ème siècle, pour privatiser les nations à leur avantage. Les travailleurs et les citoyens de ce pays se doivent donc de renationaliser la France et de rendre l’État aux travailleurs et à la nation s’ils souhaitent : • 1) améliorer le sort de la majorité de la population, • 2) que notre pays reconquière sa dignité et sa souveraineté. Il me semble que nous, communistes, devons aujourd’hui élaborer une politique d’union du peuple de France, pour la France, pour le socialisme et le communisme. II - L’Union européenne et la mondialisation capitaliste sont-elles identiques ? Mais n’est-il pas équivalent de combattre l’Union européenne et la mondialisation capitaliste ? Personnellement, je crois que ce n’est pas exactement pareil, malgré l’étroitesse des liens entre les deux. Je crois que nous avons intérêt à faire cette distinction. Car si ces deux aspects de la réalité sont liés quoique distincts, nous nous appuyons sur leurs différences pour les attaquer et nous utilisons leurs liaisons et leurs effets réciproques pour les détruire ou les transformer. Ce que nous appelons l’Europe est une notion plutôt récente ayant vaguement pris forme au 15ème siècle, en réponse à l’avancée victorieuse des Ottomans. L’Europe politique ne s’est cependant pas constituée à ce moment-là. Elle est née progressivement de l’expérience sanglante des guerres du 19ème et surtout du 20ème siècle et de la prise de conscience que les forces de production techniques tendaient à dépasser largement le cadre des nations telles qu’elles existaient sur ce continent. Il me semble que les dirigeants de la grande bourgeoisie ont alors eu, pendant les années 1950, le projet d’une grande nation, certes dominée par les capitalistes et en parfaite continuité sur ce plan fondamental avec l’Union européenne d’aujourd’hui, mais dont les traits politiques définitifs étaient incertains. Cela dit, de façon immédiate, et après l’échec de la Communauté Charbon-Acier, ils ont retenu la dimension économique d’un grand marché. Il faut se rappeler qu’à cette époque existaient deux géants, le russe et l’américain. Les capitalistes d’Europe se sont dits qu’ils ne « faisaient pas le poids » et que leur marché devait grandir en taille. Je fais abstraction des aspects directement politiques de ce projet, à l’égard notamment, de l’URSS et du système socialiste du moment. Après une période de tâtonnements, surtout monétaires (phase Giscard d’Estaing-Schmidt), la mondialisation capitaliste a rattrapé le projet européen initial. L’idée s’est alors précisée en France, pour les fractions dominantes de la classe bourgeoise, de l’articulation du projet capitaliste européen au processus de mondialisation capitaliste. L’étude des archives éclairera ces aspects. Mais je crois que les socialistes français ont, encore une fois, joué leur rôle historique de facilitateurs du capitalisme mondialisé. Au cours des années 1990, on est passé, dans l’idéologie sur l’Europe, de « la grande nation » à la « la grande nation intégrée au capitalisme mondial ». A mon avis, la faiblesse principale de l’argumentation communiste, en France (l’Europe des Peuples contre l’Europe du Capital), fut alors de s’être située dans le cadre national exclusif des nations existantes, cela 1) sans explorer la dimension « évolution des forces productives », 2) sans bien comprendre ce qu’impliquait le processus de mondialisation capitaliste sur le fonctionnement de l’économie nationale. Les socialistes, de leur côté, se sont ralliés à la droite européenne classique. C’est encore leur stratégie, avec cette différence cependant, que 20 ans se sont écoulés et que l’échec en est patent. Je trouve entièrement justifié que nous nous opposions à l’Union européenne et que, la jugeant non réformable de l’intérieur, nous développions l’idée qu’il faut en sortir, en commençant par son mécanisme central, l’euro. En effet, le choix de la monnaie unique a résulté non seulement de la puissance propre du capitalisme allemand et de sa capacité à imposer son choix aux autres fractions de la bourgeoisie européenne. Elle a aussi été retenue par ces autres fractions, celles-ci ayant estimé que les classes ouvrières seraient matées ou freinées dans leurs revendications par ce mécanisme contraignant, et son couplage à une Banque centrale dégagée de toute contrainte politico-sociale. Cela étant dit, je crois qu’il faut : 1) non seulement mesurer les gains, mais aussi le coût d’une telle sortie, et le dire, pour prévoir d’éventuels amortisseurs du choc, 2) rendre clair les mécanismes institutionnels et politiques proposés en remplacement, pour tenir compte de l’évolution contemporaine des forces de production. Considérons-nous possible le lancement d’une Europe socialiste ? Si oui, quelle étape aujourd’hui ? Quel processus ? 3) Être précis sur le périmètre géographique d’une telle Europe (quid de la Turquie ? du Maghreb ? de la stratégie d’extension à l’infini ?) et sur les minima institutionnels et politiques nécessaires, 4) Faire attention, pour s’en méfier, à la croyance selon laquelle, si l’on sortait de l’euro, on pourrait tout faire tout de suite, sans avoir jamais à rendre de comptes. Je ne crois pas que cela dispense pour autant de s’attaquer explicitement et distinctement à la mondialisation capitaliste. En premier lieu, le mécanisme principal et majeur du capitalisme contemporain est la mondialisation capitaliste, où que l’on se trouve, en Europe, en Amérique latine ou ailleurs. C’est lui que nous devons, en France combattre en priorité alors même que la façon dont les dirigeants communistes interprètent la révolution informationnelle donne du crédit à ce processus, et les conduit à des énoncés politiques incohérents. En second lieu, même si Jacques Delors a eu pour mission de réaliser un marché financier européen, et même si les capitalistes ont avancé dans cette direction, je ne crois pas que l’Union européenne en soit arrivée à ce degré de maturité. Les fractions capitalistes dirigeantes de chaque « grand pays » ayant chacune « leur propre » approche de l’intégration à la mondialisation capitaliste, les mécanismes institutionnels de cette intégration existent tout autant au niveau national qu’au niveau européen. S’attaquer à la mondialisation capitaliste peut donc, me semble-t-il, avoir pour objectif raisonnable de s’attaquer aux institutions de la mondialisation capitaliste au plan national. En troisième, la démarche, déjà ancienne mais aujourd’hui plus rapide, tant par le grand capital européen que par celui de l’Europe, de constitution d’un grand marché atlantique montre que l’union européenne n’est qu’un maillon de la mondialisation capitaliste. Le fait de s’attaquer à la mondialisation capitaliste et à l’Union européenne m’apparaît comme la combinaison de deux luttes qui s’éclairent l’une par l’autre et se complètent. III - La Chine et le socialisme Parmi les sujets devant être évoqués au cours de ces Assises, je crois que figure celui de la Chine contemporaine et de la position que les communistes français doivent raisonnablement exprimer à l’égard de ce pays. J’observe que, malheureusement, un certain nombre de dirigeants communistes ne manquent jamais une occasion d’exprimer publiquement leur méfiance profonde à l’égard du gouvernement de la Chine et de sa référence au socialisme. Ils pensent que la Chine est le contraire d’un pays socialiste. Leur question préférée, quand ils s’adressent à des responsables chinois, est la suivante « Et l’indépendance du Tibet ? ». Est-il donc si difficile d’entretenir avec les dirigeants chinois des rapports de respect mutuel et de confiance réciproque plutôt que des rapports d’hostilité ? Les communistes chinois et le gouvernement de la Chine seraient-ils à ce point « dégoûtants » que nous devrions les combattre comme s’ils étaient les descendants directs d’Attila, le roi des Huns ? Il y a 60 ans, les révolutionnaires chinois ont définitivement gagné l’indépendance de leur pays. Ils ont reçu l’appui solide des masses paysannes. Ils ont libéré les femmes. Ils ont cherché à développer l’économie chinoise, et ont un peu réussi à le faire. Puis ils ont eu l’ambition, et d’une certaine manière la contrainte eu égard à l’augmentation de la population, d’accélérer la cadence de leur développement. Ils ont alors pratiqué un volontarisme sans limite qui conduisit à de dramatiques échecs. C’est pourquoi, autour des années 1980, leur stratégie changea radicalement. Ils passèrent du socialisme de pénurie de Mao Zedong, à dominante politique, au socialisme de Deng Xiaoping, à dominante économique. Comment expliquer cette nouvelle orientation ? Trois points méritent, selon moi, d’être soulignés. Le premier est que la Chine des années 1970 étant demeurée sous-développée et sa population étant grandissante, les communistes chinois ont compris qu’ils ne pouvaient construire le socialisme en distribuant seulement des cailloux. Marx avait imaginé que le socialisme viendrait au terme d’un capitalisme industriel développé, et qu’il serait pris en charge par un prolétariat industriel très éduqué. Au contraire, les Chinois ont été portés par l’histoire à construire le socialisme dans leur pays sur une base économique arriérée, avec une population engluée dans la tradition et la ruralité, tout en prenant place dans un environnement capitaliste dominant. Le deuxième est qu’ils ont d’abord cherché à sortir de cette arriération, mais sur l’impulsion d’une politique volontariste et repliée sur le territoire national. Après avoir subi plusieurs échecs graves, ils ont admis que pour réaliser leur révolution industrielle, car c’est bien de cela qu’il s’agissait, et pour réaliser ultérieurement le socialisme, « l’économie de marché socialiste », à la fois interne et externe, était la voie la plus sûre et la plus rapide. Même si l’on ne peut identifier marché et capitalisme, ils ont consciemment introduit le capitalisme industriel dans leur économie et son ouverture sur le monde comme moyen de son développement accéléré. Tout en réaffirmant leur objectif socialiste, ils se sont centrés dans l’immédiat sur le développement économique. Le troisième aspect à considérer est que, par différence avec le socialisme égalitaire et de pénurie à la Mao Zedong, les communistes chinois ont anticipé que le socialisme à la Deng Xiaoping serait certes plus abondant mais aussi plus inégalitaire. La croissance de l’inégalité des conditions a été conçue comme le prix à payer au développement économique. Mais ils ont fait le pari que l’État pourrait redistribuer partiellement la richesse créée. La société chinoise en est à ce stade. La misère a reculé dans ce pays parce que la salarisation a pris la place du chômage déguisé. La distribution de salaires et la dépense publique ont créé la production marchande et le marché intérieur. Les surplus de production ont alimenté le marché mondial et permis l’accumulation de monnaie mondiale. Ce mouvement d’ensemble a engendré des profits. La sociologie de la Chine a été transformée en profondeur par la diminution forte des paysans (mais ceux-ci font encore la moitié de la population), par l’apparition simultanée d’une classe diversifiée de capitalistes (petits, moyens et grands, voire très grands, chinois continentaux, chinois d’outre-mer, étrangers) et d’une classe ouvrière encore proche de la ruralité. L’urbanisation, très rapide, a nourri l’apparition d’une population travaillant dans les services, appelée hâtivement « classes moyennes ». Telle est l’esquisse du gigantesque bouleversement ayant affecté la société chinoise depuis 30 ans. Le mouvement, c’est la contradiction. Alors que cette société demeura stable et pauvre pendant très longtemps, elle est aujourd’hui aspirée à toute vitesse par la tornade du développement. Les contradictions y prennent de l’ampleur. Que signifie, dans ce contexte, le jugement agressif émis à l’égard de la Chine sous le prétexte que ce pays serait capitaliste ? A mon avis, la signification d’un tel jugement est celle de l’ignorance des situations concrètes. Je crois que, dans le meilleur des cas, ces personnes ignorent ce qu’est le sous-développement et l’énorme contrainte que représente son environnement. Elles ignorent les résultats du développement actuel de la Chine, malgré ses insuffisances et ses injustices. Elles ignorent que l’histoire est histoire de la lutte des classes, en Chine comme ailleurs, et que, en suivant des formes et des modalités que nous connaissons mal, les ouvriers et les salariés chinois, les paysans, les salariés urbains, imposent, tant bien que mal, une direction générale au mouvement de l’ensemble. Les dirigeants communistes de la Chine ne sont pas descendus d’une image pieuse. Ce sont les produits de ce pays. Ils savent que pour faire, tant bien que mal, face aux contradictions que le développement engendre, l’économie chinoise doit, chaque année, créer 15 millions d’emplois, et que l’État central ainsi que les gouvernements locaux doivent redistribuer beaucoup mieux la richesse. Sinon, les communistes qui gèrent ces institutions seront disqualifiés. De la situation chinoise, je tire pour ma part, 4 conclusions, que voici : 1) Il me paraît hasardeux de jouer « le socialisme du 21ème siècle » contre « le socialisme du 20ème siècle ». Le monde actuel est majoritairement sous la domination du capitalisme. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de dédaigner le socialisme chinois, qui est en train de redonner confiance au tiers-monde. 2) Le socialisme chinois est plein de contradictions ? Il y aurait en lui « du bon et du mauvais » ? Eh bien soutenons au moins le bon, mais sans donner de leçons aux dirigeants de ce pays. Nous ne résoudrons pas les problèmes à la place des chinois. Si nous estimons devoir traiter avec les communistes de ce pays de tel ou tel aspect du socialisme, faisons-le en d’autres termes et selon d’autres méthodes que celles privilégiées par les Américains. 3) Je crois que nous pouvons tirer quelques enseignements de l’expérience chinoise. Voici ceux que je retiens. Le premier enseignement pourrait être qu’il n’y aura pas de socialisme en France sans amélioration de la situation économique du plus grand nombre. Les masses populaires ne soutiendront pas le socialisme parce cela mettra en accord les forces productives et les rapports sociaux de production. Elles soutiendront le socialisme lorsqu’elles seront convaincues que leur situation économique sera par lui améliorée, dans son ensemble et dans la diversité des situations concrètes. Le deuxième enseignement est que le socialisme est un choix politique effectué sur la base d’un certain niveau de production et d’un certain niveau de savoir-faire. A mon avis, nous ne construirons pas le socialisme en France sans que les salariés se soient appropriés intimement le savoir-faire des capitalistes. Un certain nombre de capitalistes devra y être associé. Le troisième enseignement est que si le socialisme prend forme en France, cela se fera dans un tourbillon de contradictions de toutes sortes. Le socialisme du grand soir est certainement terminé. Mais ne croyons pas pour autant au socialisme angélique de l’aurore aux doigts de roses. Le quatrième enseignement est que les gouvernements qui auront à gérer les affaires de la France pendant la phase du socialisme, n’apprécieront pas qu’on leur donne des leçons de l’extérieur. Alors pourquoi en donnerions-nous aux communistes chinois ? En réalité, ce qui compte le plus avec le gouvernement de la Chine, parce que cela nous concerne directement, ce sont les positions internationales qu’il prend et non ses décisions de politique intérieure. IV - Le principe « gagnant-gagnant », aspects de l’internationalisme prolétarien aujourd’hui. Je souhaite, avec ce point et dans le contexte de la mondialisation capitaliste, poursuivre ma modeste réflexion sur la Chine et plus exactement sur le principe « gagnant-gagnant » que préconisent nos camarades Chinois. Ce principe est une composante de « l’internationalisme prolétarien » contemporain. Je vais d’abord essayer de situer ces notions les unes par rapport aux autres. L’internationalisme prolétarien est, me semble-t-il, dans le langage communiste, un principe supérieur de définition et d’encadrement des rapports devant prévaloir entre les peuples. Ayant d’abord pris racine au sein des impérialismes dominants, il a été mis en œuvre par les communistes et les gouvernements de différents pays, comme principe de solidarité politique. Aujourd’hui, il revêt une forme non seulement politique mais économique, ce qui en complexifie le fonctionnement. C’est ce que je vais montrer à propos du principe « gagnant-gagnant ». Auparavant, cependant, je dois indiquer deux caractéristiques de la dimension économique de l’internationalisme prolétarien aujourd’hui. La première est que, par rapport au cadre du 20ème siècle, ce principe existe dans un cadre mondial étendu. Il ne prend plus principalement place dans des rapports entre métropoles et colonies (pour une intervention politique en faveur des « colonisés »). Il se déroule entre pays politiquement indépendants dans le contexte du monde entier. La deuxième est que ce principe se déploie à l’intérieur d’habits idéologiques nouveaux. Contrairement aux Américains, qui font prévaloir l’image du rapport de forces dans leurs relations internationales (Hilary Clinton est représentative de cette culture de la gâchette), les Chinois se présentent comme un peuple pacifique, souhaitant faire prévaloir l’équilibre, la justice et le gain réciproque dans ce type de relations. Ils cherchent à promouvoir une certain image de la Chine et dans ce but, semblent s’inspirer de la doctrine des lettrés et de sa référence confucéenne. On entend aujourd’hui une expression, celle du « rêve chinois », de contenu encore vague mais qui est constamment répétée à l’occasion des rencontres officielles. Elle indique que, d’un côté, se trouverait le « rêve américain », mais que ce dernier ne serait plus seul car de l’autre côté s’affirmerait « le rêve chinois ». Le principe « gagnant-gagnant » peut être considéré comme une composante du « rêve chinois ». Telles sont, selon moi, les données que l’on doit prendre en considération pour réfléchir à l’internationalisme prolétarien aujourd’hui. Il est non seulement politique, il est également économique et il est accompagné d’une idéologie reflétant cette évolution. Comme la Chine est le principal « vis-à-vis » des États-Unis, et que son économie, en raison de sa taille, est inévitablement mondiale, il vient que les pratiques et l’idéologie des Chinois s’imposent comme l’élément premier de toute réflexion sur les aspects économiques de l’internationalisme prolétarien. Quelles remarques peut-on faire et se faire à propos de ce principe et de sa pratique actuelle ? J’en vois principalement trois. La première remarque est que, bien que les communistes chinois soient les promoteurs du principe « gagnant-gagnant », sa mise en œuvre et son amélioration éventuelle ne devraient pas seulement relever des Chinois. En effet, l’économie chinoise étant, de facto, une économie de portée mondiale (à ne pas confondre avec une économie capitaliste mondialisée), il découle de cette situation que nombre de pays en sont les partenaires obligés et sont confrontés aux effets de sa dynamique interne. Par exemple, les ressources alimentaires de la Chine étant insuffisantes, le gouvernement chinois cherche à atteindre la sécurité alimentaire de la population en achetant ou en louant des terres hors de Chine. Les contradictions caractéristiques de la dynamique chinoise ne sont pas seulement internes. Elles sont également externes. Dans ces conditions, il est justifié que les autres pays du monde interviennent dans la définition et le déroulement de ces contradictions. Le principe « gagnant-gagnant » ne peut pas être uniquement « un principe chinois », même si la Chine est à l’origine de son application aux relations extérieures. La deuxième remarque est que cette façon d’apporter « une juste et pacifique solution aux contradictions entre les peuples » tranche absolument avec les pratiques impériales des États-Unis. En Irak, par exemple, la puissance américaine a fait prévaloir le principe « écrasement de l’Irak-gagnant américain » de façon à mieux satisfaire sa stratégie d’approvisionnement en pétrole. La stratégie « gagnant-gagnant » semble apporter une tonalité différente et nouvelle dans le champ des relations économiques internationales. Véhiculant avec elle une sorte de petite musique non-impérialiste, elle est perçue de manière positive. « Gagnant-gagnant » tranche également avec le concept de coopération, qui met l’accent sur le qualitatif des relations et ne dit rien sur les quantités. Or, dans les pays africains, par exemple, on considère généralement que la politique de coopération n’a pas produit les résultats quantitatifs et réciproques escomptés sur le développement. Les élites de ces pays sont donc sensibles à la thématique chinoise du « gagnant-gagnant », selon laquelle toutes les parties devraient « gagner », en fonction de stratégies concertées. Le principe « gagnant-gagnant » apparaît comme une façon de reconnaître le rôle bienfaisant de la politique et de la négociation dans l’établissement de relations économiques internationales équilibrées. Ma troisième remarque est que le principe « gagnant-gagnant », aussi intéressant soit-il, est encore loin d’être parfait. Il doit être construit et amélioré. Bien des questions doivent être résolues à son propos. Supposons, par exemple, que des investisseurs chinois se proposent de racheter une entreprise de pétrochimie dans la région de Marseille et qu’ils réussissent cet achat selon le principe auquel ils se réfèrent désormais. A qui s’applique le principe du « gagnant-gagnant », aux propriétaires de l’entreprise, aux salariés de l’entreprise ou à d’autres agents ? Dans un univers traversé par la contradiction sociale et le conflit de classe, qui est gagnant ? Autre question : le principe « gagnant-gagnant » met en rapport deux quantités. Mais comment évaluer ces quantités ? Supposons, par exemple, que d’un côté, une entreprise chinoise ait obtenu des droits de pêche sur un certain nombre de tonnes de sardines pendant un certain temps (ce qui peut être évalué en monnaie) et que, en contrepartie, le gouvernement chinois ait financé un hôpital, dont le coût de construction est lui aussi évaluable en monnaie. Peut-on mettre en équivalence ces deux quantités ? Dans un pays en voie de développement, financer un hôpital sans financer simultanément son entretien ainsi que la formation et le fonctionnement du personnel est la même chose que ne rien financer du tout. Il faut donc savoir précisément ce que recouvrent les termes « gagnant-gagnant ». Que gagne-t-on de part et d’autre ? Accorder un droit de pêche pendant dix ans avec, en contrepartie, la construction des murs d’un hôpital, reviendrait à conclure un accord « gagnant-perdant » et non un accord « gagnant-gagnant ». Ma conclusion sur ce point est la suivante. Je ne pense pas que, en tant que communistes, nous puissions considérer de la même manière les contradictions internes du dynamisme chinois et ses contradictions externes. Sur ces dernières, non seulement nous avons notre mot à dire mais nous pouvons intervenir à leur propos de manière certes appropriée mais active. En agissant ainsi, je crois que les partis communistes dans le monde, celui de la Chine compris, contribueraient à l’amélioration du contenu et des modalités d’application du principe « gagnant-gagnant ». Ainsi s’élaborerait peut-être un principe de remplacement des règles aujourd’hui imposées dans les relations économiques internationales par la brutalité américaine et véhiculées par les organismes internationaux. Ce principe améliorerait, je le crois, celui énoncé aujourd’hui de la coopération et il tendrait à remplacer le libéralisme économique absolu, aujourd’hui imposé par les grands intérêts capitalistes et quand ça les arrange, dans les relations économiques internationales. (à suivre) Jean-Claude Delaunay
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
| Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 13-07-2013 à 13:20:03
| Comprendre pour accomplir (2) jeudi 11 juillet 2013 par Jean-Claude Delaunay
_________________ - Deuxième Partie : Les classes sociales en France aujourd’hui > La classe ouvrière française. > Les autres classes sociales. > Grands traits d’une théorie hétérodoxe de la classe ouvrière dans un pays développé comme la France.
_________________ Deuxième Partie : La classe ouvrière et les classes sociales en France aujourd’hui - I - Classe ouvrière et classe capitaliste en France Ceux pour qui le socialisme est une exigence de notre temps savent aussi que cet objectif sera atteint et concrétisé seulement si les ouvriers se lancent résolument dans la bataille. De très nombreuses questions viennent aussitôt à l’esprit. Je vais procéder en trois temps. En premier lieu, je vais rappeler des chiffres, pour cadrer le sujet. Ensuite, j’énoncerai diverses questions générales relatives à la classe ouvrière. Enfin, à propos des ouvriers, je retiendrai trois caractéristiques de la situation ouvrière aujourd’hui, sur lesquelles je m’exprimerai plus longuement. J’ai intitulé ce point « classe ouvrière et classe capitaliste » dans la mesure où, comme chacun le sait, ouvriers et capitalistes sont les deux pôles d’une même contradiction. A) Éléments statistiques (INSEE, 2011) Je n’ai pas pris le temps de faire une étude précise relative au classement de la population active française. Les chiffres que j’ai retenus sont très sommaires, mais ils peuvent être utiles comme rappels. La population française est d’environ 66 millions d’habitants. Les actifs occupés sont 25,7 millions et en 2010, l’Insee comptabilisait 2,7 millions de chômeurs au sens du BIT. En suivant la nomenclature de Marx et Engels, on peut dire que les dirigeants capitalistes totalisent environ 1% de cette population (en additionnant les chefs d’entreprises et les professions libérales). La petite bourgeoisie au sens de Marx, ou actifs qui sont à la fois propriétaires de leurs moyens de production et qui travaillent (exploitants agricoles, artisans, commerces) représentent environ 8% de la population active. Le rapport capitaliste de production clive donc la société française en deux groupes : les « propriétaires de moyens de production », (9%) et les salariés, 91%. Ce phénomène est bien connu. Depuis Marx et Engels, la société française a perdu sa petite paysannerie et la petite bourgeoisie (ce que ces auteurs appelaient « les classes moyennes » ) a été transformée tout en se réduisant numériquement. Du total de la population active, les ouvriers représentent 21%, les employés 28%, les professions intermédiaires 25%. Le sous-total de ces trois catégories, soit 74%, correspond, en gros, à ce qu’on appelle les classes populaires. La catégorie des cadres supérieurs représente le complément de ce sous-total à 92% soit 17%. Le constat est évident : la catégorie des ouvriers, même en comptant mieux (par exemple en comptabilisant les chômeurs ouvriers) ou en joignant les ingénieurs et techniciens aux ouvriers pour faire « la classe ouvrière » (les producteurs salariés des secteurs de la production matérielle industrielle), est minoritaire dans l’ensemble salarial. Cela dit, les ouvriers représentent un peu plus du double de ceux qui possèdent un capital de production et de commercialisation. Autre clivage très important en France, mais aussi dans les pays modernes et développés, celui entre les secteurs public et privé. En France, la fonction publique d’État comptabilise environ 2,5 millions, la fonction publique territoriale, 1,9 million et la fonction publique hospitalière, 1,1 million. Le sous-total obtenu en totalisant ces trois groupes (5,5 millions de salariés) n’est pas complet. Les salariés du secteur public administratif, en France, pèsent environ 25% de la population active. Le privé et le public marchand font le reste (75%). En abandonnant « la faucille et le marteau » de la carte des adhérents, les dirigeants communistes ont sans doute cherché à tenir compte de l’évolution que ces chiffres suggèrent. Mais il faut faire attention avec la théorie et les symboles et je crois qu’ils ont manqué de discernement. Ils auraient dû consulter scrupuleusement les communistes, pour deux raisons au moins. La première raison est d’ordre théorique. Le fait que les ouvriers soient minoritaires dans l’ensemble salarial implique-t-il que leur représentation politique doive être désormais fondue dans celle d’autres catégories sociales et confondue avec elles ? La seconde est que les symboles ne représentent pas seulement une statistique. Ils représentent une histoire et une affectivité. Or la partie la plus glorieuse de l’histoire du Parti communiste français s’est déroulée lorsque fut réalisée l’alliance entre la classe ouvrière (qui a toujours été minoritaire dans la population active) et la petite paysannerie. Même si la classe ouvrière a diminué en nombre et même si la petite paysannerie est en voie de forte réduction, la conservation d’une symbolique est, au moins, le résumé d’une histoire. Je dirai que, toutes proportions gardées et bien que cela ne me regarde pas, les chrétiens pourraient, de la même façon, considérer que le Pape exagère si, pour des raisons de modernisation symbolique, il remplaçait le symbole de la croix par une chaise électrique sous le prétexte que le pays le plus moderne du monde en fait encore l’usage. B) Questions générales Je ne sais pas sur quoi déboucheront ces Assises. Mais il me paraît clair que si elle débouchait notamment sur la création de commissions de travail, l’une d’elles pourrait s’occuper de traiter des classes sociales en France, car de nombreuses questions peuvent être soulevées. Être ouvrier, c’est, me semble-t-il, participer en tant que salarié, et selon l’acception courante, dans des tâches d’exécution, à la production matérielle industrielle. Cette définition de l’ouvrier étant donnée (je ne dis rien sur le concept de classe, sur le caractère plus ou moins large de cette définition selon que l’on y intègre ou non les techniciens, les ingénieurs, l’encadrement), on peut dégager trois catégories de questions générales relatives aux ouvriers. A ces questions relatives aux ouvriers, j’ajouterai un ensemble de questions relatives aux capitalistes. Je pense que l’assemblée des communistes des Assises, dans laquelle il y aura, je pense, beaucoup d’ouvriers, s’en saisira peut-être et y consacrera le temps jugé nécessaire. En les soulevant, ma préoccupation est la suivante : comment faire pour que les ouvriers interviennent toujours plus dans la lutte pour le socialisme ? a) La première catégorie de questions a trait, selon moi, aux caractéristiques techniques et structurelles de la classe ouvrière française. Je retiens 5 grands domaines d’observation de ces caractéristiques. >1) Ces caractéristiques sont d’abord de nature technique. La production matérielle a radicalement changé au cours des quarante dernières années, avec l’informatisation des processus. >2) Elles ont également trait aux forces de travail, et désignent par exemple le niveau et l’évolution des salaires (avec le très important problème de l’écart entre salaires masculins et féminins), la précarisation des situations, la flexibilité du travail proprement dit, la destruction progressive du droit du travail, la personnalisation des rémunérations, le niveau requis de la formation, la continuité de la formation dans le cours d’une vie professionnelle. >3) Elles ont trait à l’incidence de la gestion sur la condition ouvrière, comme par exemple le développement de la sous-traitance et la segmentation des métiers, la transformation de l’entreprise, centre de production de produits, en centre de gestion de contrats. >4) Elles ont trait, à l’état actuel du chômage, à l’ampleur de ce fléau social selon les classes d’âge, sur la vie des ouvriers. 5) Elles ont trait, enfin, à la composition de cette classe ouvrière selon son origine nationale immédiate ou proche, selon le genre, selon la région d’appartenance. En ce qui concerne les nationalités d’origine, ce n’est pas d’aujourd’hui que la classe ouvrière française est pénétrée par d’importants flux migratoires. Mais les flux nouveaux ont-ils, ou non, une portée différente de l’immigration antérieure (italienne, polonaise, espagnole) ? A mon avis, dans le contexte politique du moment, on ne peut se boucher les yeux sur cet aspect de la situation sous prétexte qu’en l’examinant, on se rabattrait sur les thèses du Front national. b) La deuxième catégorie de questions, compte tenu des divers points ci-dessus évoqués, pourrait rassembler celles relatives à la façon dont la classe ouvrière française reçoit aujourd’hui le message du socialisme ainsi que les conditions devant être remplies pour qu’elle le reçoive positivement. Il me paraît clair que le rôle principal tenu par le Front national est aujourd’hui de stocker une fraction de la classe ouvrière française sur des parkings qui sont des impasses politiques, sans que l’on sache sur quoi ces impasses peuvent déboucher. Cela dit, je ne crois pas que la situation politique en France soit celle du fascisme. Même s’il faut être très vigilant, comme le montre à contrario l’exemple ancien des marxistes austro-hongrois (ils restèrent prisonniers de leur idéologie légaliste), je laisse cette interprétation aux gauchistes, en me méfiant d’ailleurs de leurs provocations. Je pense qu’il faut éviter de sonner le tocsin trop avant l’incendie et que la provocation est contre-productive. Il est encore temps de parler calmement, avec vérité, mais aussi avec compréhension, aux ouvriers que l’extrême-droite est en train de rafler dans son sac à malice. Seulement, pour donner mon avis, ce discours doit être mené sur le terrain de la nation, terrain que les ouvriers connaissent et qui est toujours opérationnel. Il doit être mené en montrant quelles améliorations résulteraient de leurs luttes comme de la réorientation profonde de leurs choix (par rapport à ceux que leur propose l’extrême-droite) et dans quel cadre politique et géographique ces améliorations doivent être conquises. Car le socialisme ou le communisme sont des abstractions s’ils ne sont pas concrets dans les effets et rapportés à la France pour ce qui nous concerne. c) La troisième catégorie de questions est celle relative aux alliances. Les ouvriers, si la majorité d’entre eux estime que son avenir est le socialisme, doit réaliser plusieurs sortes d’alliances, dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise. Ces exigences ne sont pas nouvelles mais elles doivent sans doute être réexaminées dans le contexte contemporain. Je ne mentionne pas ci-dessous les alliances entre syndicats. L’alliance interne à l’entreprise concerne les deux grandes catégories de travailleurs de la production matérielle, salariés d’exécution et salariés d’encadrement. Les savoir-faire des uns et des autres doivent être réunis pour la réalisation du socialisme. Je pense que la démocratie d’entreprise ne deviendra effective et ne produira des effets bénéfiques qu’à cette condition. Compte-tenu des luttes nombreuses actuelles, il serait important de dresser un bilan de cette alliance. Comment « les choses » se passent-elles à ce propos ? Sur ce point, il existe un aspect que je ne fais que mentionner bien que méritant une réflexion particulière approfondie : comment intégrer les ouvriers non nationaux de l’entreprise aux ouvriers nationaux ? L’alliance externe à l’entreprise concerne l’alliance, au plan de la société (la formation sociale) tout entière, entre les travailleurs de la production matérielle (un peu plus large que la production industrielle, car elle inclut non seulement le bâtiment mais l’agriculture) et ceux de la production non matérielle. Je reviendrai sur cet aspect dans le point suivant. Je pense (c’est une opinion personnelle) que le rôle hégémonique de la classe ouvrière est une question pertinente mais abstraite. L’hégémonie s’analyse théoriquement mais ne se décrète pas théoriquement. Ensuite, on peut dire, en parodiant Deng Xiaoping, que peu importe qu’un chat soit ouvrier ou qu’il soit chercheur, pourvu qu’il attrape des souris. Cela dit, ce débat théorique ne doit pas être négligé et rien ne nous oblige à suivre l’empirisme à peu près total des Chinois. Il a notamment une incidence immédiate interne, concernant la structure des organisations ouvrières, leur activité, la désignation de leurs responsables, la conduite des luttes. d) En étudiant la classe ouvrière, il faut étudier son complémentaire, la classe capitaliste. Aucun groupe social n’est homogène à 100%. Avec la mondialisation capitaliste, les capitalistes ont certainement perdu encore de leur homogénéité. Ce qui a fait l’homogénéité de la classe capitaliste fut sa position d’exploiteuse collective sur un même marché, quelles que soient les différences de taille entre capitalistes. La mondialisation capitaliste a certainement mis à mal ce principe d’unité du marché et modifié les fonctions de l’appareil d’Etat. Cela dit, ce degré de tension éventuelle doit être évalué concrètement. Par ailleurs, on peut se demander s’il existe, aujourd’hui, une classe capitaliste mondiale. Celle-ci est-elle ou non en cours de formation ? Quelles en sont les modalités de reproduction ? Quels enseignements tirer de ces analyses pour la lutte pour le socialisme ? C) Trois points en particulier : Après avoir évoqué ces questions générales, je souhaite insister un petit peu plus sur 3 points que je crois particulièrement importants pour réfléchir à la relation entre classe ouvrière française et socialisme aujourd’hui. 1) L’achat et la vente des entreprises dans le cadre de la mondialisation capitaliste est, selon moi, le premier point à considérer. Le fait d’acheter ou de vendre les entreprises ne date pas d’aujourd’hui. On note cependant qu’après les années 1970-1980, avec l’expansion de la mondialisation capitaliste, ces entités sont devenues des marchandises courantes, sur un marché particulièrement actif, celui des « mergers and acquisitions » (fusions et acquisitions). Il en a résulté que les salariés sont devenus eux-aussi des marchandises en continu et à deux niveaux : a) Le niveau classique. Les salariés, ouvriers notamment, sont des marchandises, d’abord sur le marché du travail, en vendant leur force de travail ; b) Ils le sont ensuite lorsque leur entreprise est vendue, car ils sont vendus en même temps. Les équipements et les hommes forment un bloc. Les compétences des salariés (et d’autres caractéristiques de la force de travail) font désormais partie de la valeur comptable des entreprises, que celles-ci soient ou non cotées en bourse. Ce phénomène est a fortiori vrai et accentué lorsque les entreprises concernées sont financées par l’épargne externe. Cette situation, expression des rapports capitalistes mondialisés, pourrait être intégrée dans la réflexion théorique d’ensemble des organisations ouvrières, pour la défense des travailleurs. Je ne propose pas ici de loi « anti-vente ». Ce phénomène, qui me paraît plus large que celui désigné par la notion de « licenciement boursier », doit être encore analysé. Ma remarque rejoint cependant ce que j’ai écrit précédemment concernant la lutte nécessaire contre les effets de la mondialisation capitaliste. Avec la mondialisation capitaliste, les ouvriers (les salariés) sont constamment sur le marché du travail. L’entreprise n’est plus un lieu de production. C’est un lieu de gestion de contrats et un marché du travail permanent. 2) L’élaboration d’une politique planifiée de la production matérielle (agriculture, industrie (bâtiments et travaux publics compris)), est le deuxième point important à considérer. On peut observer combien les ouvriers ont des idées stimulantes concernant ce que leur entreprise pourrait produire. Mais les managers et les actionnaires des lieux où ils travaillent les refusent car ils sont orientés par d’autres motivations que la satisfaction des besoins des populations. Cela étant dit, la distance est encore grande entre une idée et sa réalisation marchande dans un environnement capitaliste mondialisé. Toutes ces idées devraient être rassemblées, examinées sous l’angle de leur faisabilité, enrichies de manière réciproque, débattues, articulées au territoire national et à l’environnement européen ou mondial si c’est possible, mais de toute façon valorisées en fonction d’une stratégie nationale de développement. On ne peut pas confier au système bancaire le soin d’élaborer une politique de ce genre à la seule condition de respecter certains critères d’emploi. 3) Le troisième point est que la classe ouvrière doit se préparer à faire triompher l’idéal du socialisme tout en sachant que le capitalisme n’aura pas disparu et survivra sans doute de nombreuses années. Je ne crois pas que le socialisme soit un système socio-productif sans capitalistes. Mais, en théorie et aussi en pratique, ce devrait être un système où les capitalistes ne seraient plus dominants. Ces derniers accompliraient un certain travail, en retireraient un profit, mais ne feraient plus la loi. Les représentants des ouvriers doivent préparer cette situation. Pour illustrer ma réflexion, rien n’interdit de penser, par exemple, que la démocratie économique doive être approfondie, non seulement pour les ouvriers et les salariés (en particulier leur intervention dans les systèmes locaux d’information et de décision des entreprises), mais également pour les capitalistes ou certains d’entre eux. A priori, je dirai que cette remarque ne concerne pas les agents de la bourgeoisie capitaliste mondialisée. Pour conclure sur ce point, l’idée la plus importante me paraît être la suivante. Les ouvriers sont de plus en plus minoritaires dans la société. Le groupe social qui s’est développé depuis le 19ème siècle n’est pas celui des ouvriers, mais celui des salariés. Les alliés paysans sont progressivement éliminés. Par contraste, si l’on additionne les cadres, les employés et les professions intermédiaires, cela fait 70% des actifs occupés. Que représente politiquement ce « groupe statistique » par rapport aux ouvriers ? - II - Classe ouvrière et autres classes sociales Le capitalisme industriel décrit par Marx et Engels est un système évolué, reposant sur un certain squelette juridique (la propriété privée), technique (les machines-outils industrielles) et mental (la responsabilité et l’initiative individuelles), tout en étant animé par une sociologie simplifiée particulière (ouvriers et capitalistes). Ces traits subsistent aujourd’hui bien que chacun de ces pôles ait changé. Mais l’environnement de classe de ces éléments essentiels a lui aussi changé. Une réflexion collective sur le socialisme et le communisme ne peut se dispenser d’analyser cet environnement. Il convient, d’une part, de s’opposer à ceux pour lesquels les ouvriers ne peuvent avoir de rôle dans le fonctionnement de la cité, et d’autre part de définir ce rôle et les alliances sociales à l’aide desquelles il peut être tenu. En simplifiant de façon peut-être excessive, je dirai que l’on trouve aujourd’hui trois grandes interprétations relatives à l’évolution sociologique des sociétés développées : l’interprétation moderne des « classes moyennes », l’interprétation « illusion d’optique », qui découlerait de la mondialisation capitaliste, l’interprétation « révolution informationnelle ». A) Les « classes moyennes » contemporaines ou l’idéologie du dépassement du capitalisme industriel par suite de son enrichissement. Le problème théorique que j’essaie de poser est le suivant. D’un côté on sait que les ouvriers sont l’un des pivots de la société capitaliste industrielle. Mais ils représentent environ 20% des actifs. Si l’on déduit les capitalistes (environ 10%) du reste, 70% sont à affecter. Ces 70% recouvrent les cadres (17%), les professions intermédiaires (25%), les employés (28%). Comment interpréter leur rôle et leurs aspirations politiques relativement à la classe ouvrière ? Une réponse à cette interrogation consiste à dire que, aux côtés de la classe ouvrière existent des catégories sociales ayant des niveaux comparables de rémunération (les employés, les professions intermédiaires), en sorte que si l’on additionne tout ça (ouvriers, employés, professions intermédiaires), on obtient un sous-ensemble, appelé « classes populaires » et représentant 73% des actifs. La classe ouvrière serait hégémonique dans ce sous-ensemble. Elle jouerait le rôle principal. Elle indiquerait le chemin. Mais les deux autres catégories du sous-groupe en seraient proches. Elles joueraient cependant un rôle subalterne, un rôle d’appoint. De son côté, le poste des cadres (17%) se fragmenterait au fur et à mesure que les luttes politiques contre les capitalistes prendraient de l’ampleur. Je ne discute pas cette interprétation de la société. Je crois que c’est ce que, grosso modo, les communistes ont en tête et, en l’état, je la trouve plutôt insuffisante. Quelle en est la validité théorique ? Je crois qu’elle repose d’avantage sur une intuition (la modestie des revenus et la lutte sociale engendrent une solidarité organique) que sur une analyse des conditions réelles. Contrairement à la théorie des « classes moyennes », que je vais critiquer, elle ne prétend pas que le capitalisme a dépassé ses propres contradictions. Mais son fondement théorique est le même, ce serait le revenu. Or c’est le point à discuter ici. Le revenu peut-il être considéré comme un fondement stable des classes et des relations de classe ? Selon la théorie moderne des « classes moyennes » (pour la distinguer de l’emploi que Marx et Engels faisaient de cette notion pour désigner les petits bourgeois), il existerait une catégorie sociale que les statistiques ne permettraient pas de repérer bien qu’elle soit partout présente, celle des « classes moyennes ». D’après cette théorie, la réalité sociologique du monde moderne serait « la classe moyenne ». Elle prendrait place au centre de toutes les autres classes dont les contours et les conflits disparaitraient en elle. Il ne subsisterait plus que les « classes moyennes ». Le capitalisme aurait réussi, par effet d’enrichissement, à transcender son clivage essentiel. Sans doute y aurait-il toujours des conflits, mais ceux-ci ne porteraient pas sur l’essence de la société. Ils porteraient sur le partage des richesses au sein de la société existante, laquelle serait désormais entrée dans les mœurs et perpétuellement reconduite. Les conflits de répartition auraient remplacé les conflits de production. L’observation montre cependant que non seulement les conflits sociaux n’ont pas disparu, mais qu’ils portent sur des aspects essentiels de la vie. Il ne s’agit pas seulement, pour les ouvriers (ou d’autres salariés), de lutter « à la marge », sur des suppléments salariaux. Il s’agit de lutter sur l’essentiel, « emploi ou pas », et donc sur « pas de salaire du tout » ou, au contraire sur « un salaire ». La notion de « classe moyenne » est donc douteuse. Quel est le problème théorique par elle escamoté ? Les sociologues américains, qui sont des empiristes, utilisent les niveaux de revenu pour catégoriser la société. Ils ont défini « des classes moyennes ». Ils définissent donc les classes par la consommation (le niveau de revenu). Pour eux, la tendance à la diminution de la classe ouvrière aurait pour contrepartie la tendance à l’augmentation des classes moyennes (les 70%). Mais l’intérêt du concept de classe, en tout cas dans la théorie de Marx, est de décrire les hommes vivant en société en fonction de leur place dans la production et non dans la consommation finale, via le revenu. La place dans la consommation finale est un dérivé de la place dans la production, laquelle est ordonnée par des rapports fondamentaux de propriété. Tant que la production ne sera pas « abondante », le travail, et donc le travail de production (pour tendre vers l’abondance) sera le facteur principal qui déterminera la place et le rôle des hommes dans la société. Et comme il n’existe pas de production qui soit faite en dehors de rapports de propriété, le travail devant être pris en considération pour analyser la société est, de toute évidence, le travail de production dans certains rapports de propriété. Tel est, me semble-t-il, le raisonnement que l’on peut tenir pour rejeter la notion de « classe moyenne ». Il faut garder les yeux fixés sur la production et les rapports sociaux qui l’organisent. Quant à la classe ouvrière, elle est celle qui produit les marchandises capitalistes centrales de la production matérielle. Elle est la source de la plus-value et du profit. Elle est donc située au cœur de l’exploitation capitaliste, quel que soit son nombre. Je crois qu’on ne doit pas négliger le facteur consommation finale dans la définition fine des classes sociales du monde moderne et du comportement. J’ai essayé de développer cette idée dans un texte récemment paru sur le site « Faire Vivre le PCF », m’efforçant d’interpréter certains aspects de la vie communiste française. Mais prendre en compte la consommation n’implique pas de la faire passer avant la production comme facteur explicatif. Je n’en dirai pas plus ici, sauf à mentionner, comme on me l’a fait remarquer après diffusion du texte ci-dessus indiqué, que des salariés aisés peuvent être en même temps exploités comme des bêtes. Et le moment venu, ils seront eux-aussi, jetés à la poubelle de leur entreprise. Il faut donc tenir compte des situations vraies tout en les situant dans le devenir que la connaissance des contradictions du Capital permet plus ou moins d’extrapoler. Pour conclure sur ce point particulier, je répète que le « problème des classes moyennes » n’est pas un vrai problème théorique. C’est un problème idéologique quand on veut faire jouer au facteur « enrichissement » plus que son propre rôle. La classe ouvrière se développe avec le capitalisme. Ce système accumule et diffuse, même modestement, de la richesse. C’est ainsi que même si le nombre des ouvriers sans domicile s’accroît, d’autres deviennent propriétaires de leur logement ou reçoivent un logement en héritage. Cela dit, la notion de classe moyenne, centrée sur le revenu et la consommation finale, n’apporte pas d’éléments indiquant que la classe ouvrière aurait perdu son rôle central dans le fonctionnement du capitalisme industriel (production de valeur marchande, de plus-value et de profit) et dans la lutte pour son changement. Cette notion prétend que le capitalisme aurait profondément changé par rapport à ce qu’il fut au 19ème siècle, au point que non seulement ce ne serait plus le capitalisme d’autrefois, mais que ce ne serait plus le capitalisme du tout, du moins en ce qui concerne l’accès aux richesses. Mais alors, comment se fait-il que le système revienne avec autant de rage systématique sur les acquis des années d’après 1945 ? Comment se fait-il qu’il engendre de plus en plus de pauvreté interne ? Comment se fait-il que certaines populations ne sachent plus comment faire pour survivre si ce n’est en quittant massivement leur pays d’origine ? B) La réduction relative du poids des ouvriers dans l’ensemble salarial serait une illusion théorique engendrée par la mondialisation capitaliste. Si la catégorie ouvrière ne peut pas être diluée théoriquement dans l’ensemble mou de classes moyennes qui n’existent pas, comment expliquer la réduction de son poids relatif ? Chez les chercheurs marxistes, on trouve deux types de réponses à cette question. Selon le premier type, la classe ouvrière se développerait « ailleurs ». Puisque la mondialisation capitaliste concerne non seulement la circulation mondiale des flux financiers mais aussi le déplacement mondial des équipements lourds, il viendrait que la réduction des ouvriers, en France par exemple, aurait pour contrepartie le développement du nombre des ouvriers en Tunisie, au Maroc ou ailleurs. Il faudrait considérer « la classe ouvrière » au plan mondial. On verrait alors que la population ouvrière augmente. Sa diminution en France serait une illusion d’optique. Cette approche est raisonnable. Elle n’est cependant pas satisfaisante. Car s’il est vrai que le nombre des ouvriers augmente sensiblement, en Chine par exemple, celui des employés ou des professions intermédiaires et cadres augmente encore plus vite, en nombre et en pourcentages. Ces indications sont confirmées par les statistiques du BIT. Il faudrait donc améliorer l’analyse. C’est ce que vise à faire le deuxième type de réponse. On observerait bien les phénomènes que je viens d’indiquer (réduction du nombre des ouvriers), mais leur explication globale serait différente quoique découlant elle aussi de la mondialisation capitaliste. En effet, ce que la mondialisation développerait, au plan des activités, serait les services. Ces derniers seraient principalement un sous-produit de la mondialisation capitaliste. Les ouvriers diminueraient, en France par exemple, et en contrepartie apparaîtraient des emplois de service, en raison de la mondialisation capitaliste. Dans les pays en développement, on observerait également la croissance du nombre des ouvriers et celle encore plus grande et rapide de salariés du tertiaire, ou des services. Mais ce serait la conséquence de la mondialisation capitaliste. Là encore, on ne peut qu’être d’accord avec les faits. La mondialisation capitaliste se développe en prenant certainement appui sur des activités nouvelles, de service. Ces activités sont, par exemple, celles du transport des personnes ou de l’activité bancaire et financière. Mais il existe bien des activités de service et donc bien des salariés de type employés, professions intermédiaires ou cadres, qui exercent un emploi dont le rapport avec la mondialisation capitaliste semble difficile à établir. En quoi le développement de la fonction publique, par exemple, serait-il un sous-produit de la mondialisation capitaliste ? C’est possible, mais cela devrait être prouvé. Ma conclusion relative à ce point est que la réduction absolue et relative du poids de la classe ouvrière dans l’ensemble salarial ne peut pas être rapportée à la mondialisation capitaliste aussi simplement que le prétendent ces approches ou ces théories. Il faut donc trouver autre chose. C) Autres interprétations centrées sur « la révolution informationnelle » . Je rappelle, pour la commodité de la lecture, le problème dont je recherche la solution théorique. Ce problème découle de l’existence d’autres catégories sociales que les ouvriers, ces derniers pesant de moins en moins lourd dans la société. Ces autres classes sont-elles des substituts des ouvriers ou au contraire des compléments ? Quels rapports politiques peuvent être établis entre ces catégories pour la lutte en faveur du socialisme et du communisme ? La pensée communiste française a été fortement influencée par la lecture du Manifeste et porte la trace d’une idée, selon moi trop simplificatrice, de l’influence quasiment directe des moyens de production techniques sur la structure sociale. Le moulin à eau aurait engendré le système féodal. La machine à vapeur et la machine-outil (industrielle) auraient engendré le capitalisme industriel. L’équipement majeur de la période contemporaine étant l’ordinateur, ce dernier aurait engendré la « révolution informationnelle ». Notre société, travaillée dans la profondeur de son être par la révolution informationnelle, serait à la recherche des rapports sociaux qui lui conviennent. Je pense que chez les communistes, en France aujourd’hui, existe l’idée que l’ordinateur est « l’élément technique nouveau de l’époque » et ils sont prêts à accepter cette autre idée, à savoir qu’à « ce nouveau » doivent être associés de nouveaux rapports sociaux. Mais qu’en est-il des classes sociales générées par ce système ? En effet, je ne souhaite pas engager ici de discussion sur « la révolution informationnelle ». Je l’ai fait par ailleurs. D’autres que moi s’y emploient (comme par exemple Jullien, avec un texte sur le site de FVPCF) ou s’y sont employés. Je souhaite seulement indiquer la façon dont les chercheurs favorables au concept de révolution informationnelle comme concept dominant, en conçoivent l’incidence sur les classes sociales. J’ai repéré deux approches très différentes. Selon J. Lojkine, la révolution informationnelle produirait une nouvelle classe sociale, celle des travailleurs de l’information, distincte de la classe ouvrière. Cette nouvelle classe remplacerait progressivement la classe ouvrière actuelle. Ainsi s’expliquerait le déclin numérique observable de la classe ouvrière. En revanche, les classes moyennes des sociologues américains seraient, pour une grande part, des travailleurs de l’information. Selon P. Boccara, la révolution informationnelle aurait ses effets majeurs au plan de la consommation, finale et productive. Elle se diffuserait dans toutes les activités de manière cohérente en sorte que toutes les classes seraient affectées par elle. Il n’y aurait pas de phénomène de remplacement de la classe ouvrière par la classe des salariés de l’information. Il y aurait, certes, l’apparition de nouvelles catégories sociales en liaison avec l’approfondissement de la division du travail. Mais se mettrait simultanément en œuvre un processus de généralisation des conditions de travail lié à la diffusion elle-même générale de la révolution informationnelle. Cela expliquerait la tendance à l’homogénéisation de la condition salariale en même temps que la convergence des luttes menées par les diverses fractions du salariat. Puisqu’il y aurait tendance à l’homogénéisation du salariat, le seul problème à considérer au sein de cet ensemble serait seulement celui des différences d’identités. Certes, le concept de classe demeurerait opérationnel mais uniquement pour désigner la lutte globale entre les capitalistes et les salariés. La tâche majeure des communistes serait de contribuer à unifier idéologiquement les salariés (à faire disparaître les barrières de l’identité ) pour mener la lutte contre le « 1% », les capitalistes. Après avoir fait sauter, en théorie, le verrou des différences entre les identités, il n’y aurait plus besoin qu’un parti communiste homogénéisât les aspirations et les formes de lutte propres aux différentes composantes du salariat, puisque ces composantes seraient en voie d’homogénéisation. Je ne vais pas développer ces aspects. Cela dit, je pense que la théorie de la révolution informationnelle, dans sa version boccarienne, est située au centre de la pensée des dirigeants communistes actuels. Cette théorie me semble avoir pour effet idéologique et théorique de dévaloriser l’existence et donc le rôle de la classe ouvrière dans le combat révolutionnaire. Mais je n’en dirai pas davantage. Je crois que la théorie de la révolution informationnelle développée par Boccara est non seulement fausse mais nuisible. J’ai exposé plusieurs fois les défauts, selon moi nombreux, de cette théorie. Je renvoie les personnes intéressées aux publications faites sur ce point dans le cadre de la Fondation Gabriel Péri. En revanche, je vais présenter, dans un dernier point les grands traits de la conception que je crois justifiée sur ce point. - III - Grands traits d’une théorie hétérodoxe de la classe ouvrière dans un pays développé comme la France. J’appelle hétérodoxe la théorie que je vais présenter car elle est distincte de la théorie communiste officielle, orthodoxe, ayant cours dans les instances communistes en France. En employant un langage que l’on trouvera peut-être désuet, je dirai que la classe ouvrière n’y est plus déterminante du fonctionnement social, mais qu’elle y demeure dominante. Pour faire comprendre ces deux termes (déterminante et dominante), je donne immédiatement les premières explications suivantes : 1) Elle ne serait plus déterminante signifie que les impulsions les plus fortes viendraient désormais d’autres secteurs, par exemple de la recherche. Ce n’est plus l’industrie qui commanderait la recherche. C’est la recherche qui commanderait l’industrie. Par conséquent les chercheurs, pour parler de manière simplifiée, seraient au moins tout aussi importants socialement que les ouvriers. 2) Elle resterait cependant dominante dans la mesure où elle serait la principale productrice de marchandises capitalistes non financières. Elle serait donc productrice de la plus-value et du profit. C’est dans ce cadre industriel capitaliste que le rôle de la classe ouvrière serait visible. Je peux comparer cette situation à celle de l’agriculture en France au tout début du 20ème siècle. L’agriculture n’était plus déterminante car ce rôle était désormais dévolu à l’industrie. Mais elle demeurait dominante. L’emploi était principalement rural ainsi que les modes de vie et les mentalités. Pourquoi cette évolution ? Que s’est-il passé ? A mon avis, sans le dire, les partisans de la révolution informationnelle développent la thèse de l’existence, au sein du capitalisme industriel développé, « d’un nouveau mode de production ». Le problème historique des "révolutionnaires" serait de « libérer » l’information de la contrainte capitaliste. Si on leur demande : Qu’est-ce que le socialisme ? ils répondront peut-être : « Le socialisme, c’est la révolution informationnelle avec de nouveaux rapports sociaux, fondés sur le partage et la gratuité de l’information ». Je souhaite, pour ma part, ne pas tomber dans la prophétie et parcourir pas à pas le champ de l’observation, en théorisant au fur et à mesure que j’avance. A) La richesse et la complexité Je ne conteste absolument pas le fait que l’industrie se développe dans certaines zones parmi les plus peuplées du globe. Je ne conteste pas davantage le fait que l’industrie, dans les zones développées du globe, ait été détériorée sous l’effet d’orientations désastreuses qu’il convient de modifier. Le besoin de produits matériels de type industriel est loin d’être saturé. C’est la raison pour laquelle l’industrie demeure globalement dominante. Cela étant noté, je crois que l’industrie n’est plus déterminante. Les raisons pour lesquelles elle est en passe de perdre sa suprématie dans le fonctionnement social (ou même l’a déjà perdu) tiennent, selon moi, aux degrés de richesse et de complexité atteints dans les sociétés développées. Le degré atteint par la richesse est le premier facteur explicatif du processus de déclassement relatif de l’industrie. En effet, au-delà d’un certain seuil de satisfaction des besoins en produits matériels (et donc de productivité du travail et du capital) se profilent de nouveaux besoins, comme ceux par exemple, de l’entretien des personnes âgées (activités de services) ou de l’amélioration de l’urbanisation. Le degré atteint par la complexité est le second facteur explicatif de cette évolution et c’est, je le crois, le facteur le plus important. La complexité économique désigne un état défini par le nombre croissant des relations économiques entre les agents et les changements intervenant dans les caractéristiques de ces relations, en particulier leur vitesse d’accomplissement, leur périmètre et son extension continue, leur temporalité et le rôle du crédit dans cette évolution, leur finalité et leur incidence sociale, leur organisation, par la qualité particulièrement élevée des objets, des équipements et des infrastructures utilisés dans cet univers complexe. Ces deux facteurs, richesse et complexité, prennent en effet appui sur des produits nouveaux. Ils sont un stimulant provenant de l’industrie. Mais ils nécessitent également l’apparition de nouvelles activités, souvent qualifiées d’immatérielles. Quelles sont ces activités ? Ce sont notamment des activités de service à finalité collective. Je vais en énumérer quelques-unes. B) Les activités déterminantes Je pense que l’activité de recherche scientifique est la plus importante de toutes, en tout cas la plus visible. Elle figure aujourd’hui dans tous les programmes de régénération de l’industrie, parfois sous une forme limitée et réduite, celle de l’innovation. C’est une perception limitée dans la mesure où l’innovation correspond à la quête de plus-value extra (ou différentielle) sur des marchés où s’affrontent des oligopoles mondiaux. C’est pourquoi les acteurs de l’industrie estiment que tous les deux ou trois ans, et presque en permanence, leurs produits doivent être renouvelés. Innovations de produits et innovations de procès, issus des entreprises bénéficiaires (ou rachetées à d’autres entreprises plus petites), sont combinées pour mener un combat qualifié d’hyperconcurrentiel. Au-delà, cependant, de l’innovation tend à s’affirmer aujourd’hui la prééminence de la recherche scientifique. Ce n’est pas l’activité de production matérielle qui, en tendance, entraînerait l’activité de production scientifique non-matérielle. C’est l’activité de recherche scientifique qui donnerait naissance aux produits. Je vais indiquer trois raisons de ce renversement. La première est que les sociétés ont pris conscience, dans la contradiction, des limites des ressources naturelles. Il faut donc inventer de nouvelles ressources et en perfectionner l’utilisation. La deuxième est que les hommes eux-mêmes deviennent un objet de connaissance. La connaissance qui en résulte entraîne à son tour la production de nouveaux produits. La troisième est que la recherche scientifique ouvre la connaissance « des espaces infinis » comme disait Pascal. Cette branche de la connaissance implique à son tour les effets les plus divers sur la production classique [1]. Sans doute devrait-on ajouter l’art de la guerre à ces trois raisons importantes. Avec la recherche scientifique, d’autres activités collectives de production non matérielle se développent, comme celles de l’enseignement général et de la formation à des connaissances plus spécialisées. La concordance de ces activités non matérielles avec les besoins de la production matérielle est certes difficile à anticiper avec précision. Mais il devrait être tenu pour raisonnable que leur mise en œuvre précède la production matérielle. Il s’ensuit que la planification devrait être une activité de premier plan dans les sociétés modernes, notamment dans les domaines de l’enseignement et de la formation. Elle a été, au contraire, massacrée par les forces économiques favorables à la dérégulation mondiale des économies. Il en est de même de la finance. Nous ne sommes plus à l’époque et au modèle productif décrits par Marx, la production de plus-value précédant alors sa transformation en argent. Nous sommes à une époque où l’anticipation de la production de plus-value engendre et favorise la production de plus-value elle-même [2]. C’est cette anticipation que Keynes appelait le « motif de la finance », motif qui n’apparaît pas dans la Théorie Générale, mais que les postkeynésiens ont mis en lumière (Cf. par exemple, les travaux de Paul Davidson). Il en est de même des lois de la société. Dans un pays comme la France, la construction de logements est en grande partie dépendante de la législation relative au crédit, à l’urbanisme, à la disposition des terrains, à la protection des locataires. Ce sont donc les lois et les règlements qui commandent la production de logements. La production pharmaceutique, la production agro-alimentaire sont de même nature. La société pénètre de plus en plus profondément, à l’aide de règlements et d’institutions, les processus de production des produits matériels. Elle en encadre théoriquement la production. La revendication écologique va dans le même sens. C’est un nouvel aspect du processus que l’on appelle socialisation. Je pense que mon raisonnement pourrait et devrait être approfondi. Mais je crois l’avoir suffisamment étayé pour en conclure que, aujourd’hui, les activités de production matérielle ne sont plus déterminantes de l’activité générale. Ce sont les activités de production non matérielle qui déterminent la production matérielle et tendent à donner à la société ses principaux traits sociologiques et intellectuels. Ma conclusion n’est pas identique à celle exposée par différents chercheurs, Daniel Foray par exemple, selon lesquels notre époque serait celle de la connaissance. Je pense également à l’OCDE, dont les travaux sur le rôle du savoir dans les sociétés modernes font autorité. A mon avis, cette façon condensée de décrire notre époque, même si elle a le mérite de désigner des activités essentielles, la science, le savoir, la connaissance, la formation, fait l’impasse, au niveau même du concept qu’elle souhaite éclairer, des activités industrielles, toujours nécessaires. Ce que je cherche à décrire, pour ma part, ce n’est pas un nouveau mode de production dont l’activité majeure serait tout ce qu’on veut, la révolution informationnelles, la science, la connaissance. Ce que je cherche à décrire est un bloc, un ensemble où la production industrielle (pour être plus précis, je préfère parler de production matérielle) serait en étroit rapport avec la production non matérielle. Dans ce bloc, né de la richesse accumulée et d’un degré nouveau de complexité, la classe ouvrière entretiendrait (ou devrait entretenir) des rapports nouveaux avec les autres classes sociales engendrées par la complexité. C) La production industrielle demeure dominante Bien que l’industrie ne soit plus, selon moi, l’activité déterminante du fonctionnement des sociétés développées, elle demeure cependant l’activité dominante, la plus immédiatement visible des activités. Les activités déterminantes agiraient sur la productivité du travail et la valeur d’usage. Les activités dominantes seraient celles de la PM, obligées de fonctionner selon la loi de la valeur marchande jusqu’au seuil de l’abondance, même si les capitalistes en étaient chassés. Notre société ne serait pas post-industrielle au sens étroit du terme. Elle serait surtout industriellement très développée et fonctionnerait sous la dominance de l’industrie, via la loi de la valeur. Je vais d’abord expliquer les raisons de cette visibilité particulière de l’industrie. J’indiquerai ensuite les conséquences que l’on peut en tirer au plan de l’analyse. Les raisons de la visibilité toujours très grande de l’industrie sont au nombre de quatre. a) La première tient à la relative nouveauté de cette évolution. Elle date de la deuxième moitié du 20ème siècle. En France, par exemple, la période qui s’est déroulée sous la conduite du Général de Gaulle, d’abord après la Deuxième Guerre mondiale, ensuite après 1958, peut être considérée comme une phase de modernisation industrielle et d’industrialisation intensive de l’économie. Cette période fut celle de l’achèvement de la révolution industrielle amorcée au cours du 18ème siècle. C’est au cours des années 1970 que se manifeste, dans tous les grands pays industriels, une crise du Capital et de la rentabilité capitaliste de très grande ampleur. Elle amorça une nouvelle phase du capitalisme. Cette crise fut, en même temps, une crise des systèmes productifs centrés sur les États nationaux. Les activités de service se développèrent très rapidement au point que l’on parle, dès les années 1960, de révolution tertiaire. C’est autour des années 1975, en Europe occidentale et continentale, que la part des services dans l’emploi total dépasse 50%. En retenant 1970 comme date moyenne de la mutation de l’industrie, on en déduit que le rôle déterminant de ces activités a commencé d’évoluer il y a environ 40 ans, ce qui est peu, même au regard de l’histoire humaine. b) La deuxième raison tient à ce que, en même temps que s’affirmait la tendance au déclassement de l’industrie dans les pays développés, commençait de s’affirmer, en particulier en Asie, la tendance contraire de mise en valeur de l’industrie dans des proportions inédites. Ce qui se perdait d’un côté aurait été plus que compensé par ce qui se gagnait de l’autre, au point même que, pour certains observateurs, au plan mondial (ce que j’ai déjà mentionné plus haut), l’industrie n’a pas été déclassée au bénéfice de la production non matérielle. Il se serait simplement produit, pour des raisons économico-politiques et dans l’Hémisphère Nord, un double phénomène de dévalorisation industrielle et de valorisation parasitaire des services marchands et non marchands. Ce processus n’aurait aucune signification quant à la place et au rôle de l’industrie. Il serait lié aux circonstances de la rentabilité capitaliste et non à l’essence de l’industrie. c) La troisième raison résulterait de ce que la production matérielle serait, par définition et le plus souvent, non seulement visible mais tangible. Par contraste, la production non matérielle, bien que les effets en soient visibles si l’on y prête attention, est qualifiée, à tort mais c’est ainsi, d’immatérielle. Cela semble d’ailleurs correspondre à la réalité. Au plan du commerce extérieur, par exemple, 80% des échanges sont des échanges de biens. La matérialité des biens apparaît comme étant toujours la base de la vie sociale mondiale alors que l’information et la communication, plus généralement « l’immatériel », en seraient des éléments certes importants mais de second ordre. d) La quatrième raison tient, selon moi, à ce que les économies des pays développés comparées à celles des pays émergents ont, certes, atteint un niveau de grande aisance, mais qu’elles n’ont pas atteint le seuil de l’abondance [3]. Les activités sont donc toujours soumises aux lois du marché, de la valeur marchande. Contrairement à ce que l’on entend parfois, à savoir que le problème actuel ne serait plus celui de la production mais seulement celui de la répartition et de la consommation finale, il faut toujours produire. Or la production coûte. Je dirai même que, compte tenu des destructions industrielles engendrées par la gestion capitaliste des dernières décennies, produire devrait coûter « encore plus », car d’énormes défaillances ont été accumulées. Au total, la production matérielle (à laquelle on peut ajouter les services individualisables et à finalité individuelle ou d’entreprises) procède toujours de choix alternatifs tout en relevant des structures de propriété privée. Il s’en suit qu’elle est valorisée monétairement. Cette valorisation marchande est prolongée par la distribution de revenus monétaires (salaires et profits) en sorte que toute l’activité (celle aussi bien de la production matérielle que de la production non matérielle à finalité collective) est évaluée de façon marchande. Certes, la production non matérielle à finalité collective est évaluée monétairement de manière très particulière. Les services à finalité collective étant gérée de façon non marchande, leurs résultats ne sont pas vendus sur le marché. Ces derniers n’en donnent pas moins lieu à une évaluation monétaire, non pas en tant que produits vendus mais en tant que coûts de production. L’administration, théoriquement, ne vend pas ses produits. Mais elle achète des moyens de production et du travail ainsi que des forces de travail. La production non marchande est évaluée par convention (puisque cette production n’est pas vendue sur le marché), par la valeur de la consommation de capital fixe et des salaires dépensés pour réaliser cette activité. Elle est, en théorie, financée par l’impôt prélevé sur la valeur marchande de la production matérielle. Si je caricature mon raisonnement, je dirai que, 1) dans la phase actuelle et dans le degré de complexité atteint au cours de cette phase du capitalisme, les activités de services collectifs, ou de production non matérielle collective, par exemple la recherche, l’éducation, sont désormais déterminantes. 2) Comme elles sont collectives elles sont gérées de façon non marchande (État au sens large), sans plus-value et sans profit. 3) Ces activités déterminantes (des valeurs d’usage) sont en rapport avec ce qu’elles déterminent, la production matérielle. Or nous sommes toujours dans un univers de relative rareté, même si la productivité est élevée. Par conséquent la production matérielle est sans doute déterminée mais elle est aussi marchande. 4) Par l’intermédiaire de la production matérielle marchande, c’est toute la société qui fonctionne selon la loi de la valeur marchande. Les dépenses publiques ne sont pas évaluées en valeur d’usage, elles le sont en valeur. Tout cela peut être visualisé par le schéma suivant : En résumé, puisque la sphère de la production matérielle est marchande (« marchande capitaliste »), c’est elle qui fournit la valeur pour tout l’ensemble. Elle finance le capital public et les salaires publics. Les salariés de la PM demeurent au cœur de l’exploitation, comme avant, à l’époque du capitalisme industriel simple, bien que leur activité soit maintenant déterminée par la sphère de la PNM (qui fonctionne selon la loi de la valeur bien que ne produisant pas de marchandises). Les salariés de la PNM sont également exploités, mais d’une autre façon, par contraction de l’activité publique totale, par contraction de la masse salariale publique, par intensification du travail à masse salariale constante. Celles et ceux qui ont déjà travaillé sur des schémas de reproduction peuvent faire la comparaison avec ce qui est présenté ici. Dans les schémas version Marx ou Lénine, l’attention est portée sur les deux secteurs suivants : 1) la production des biens de consommation finale ; 2) la production des biens de production. Cette distinction est toujours opérationnelle, évidemment. Mais dans un résumé simplifié des schémas contemporains de la reproduction, on peut distinguer 1)
-------------------- contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit |
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