| | | | | Xuan | Grand classique (ou très bavard) | 18602 messages postés |
| Posté le 03-11-2015 à 16:54:46
| Quelles avancées et quelles perspectives pour les réformes en Chine ? Sessions du Parlement de la RPC JEUDI, 12 MARS, 2015 L'HUMANITÉ Photo : Jason Lee/Reuters Par Igor Zamichiei, membre du Comité national du PCF, Ding Gang, journaliste au "Quotidien du Peuple" et Michel Aglietta, professeur émérite d’économie à l’université Paris-Ouest et conseiller scientifique au Cepii. • L’État de droit, nouvel horizon du pouvoir par Igor Zamichiei, membre du Comité national du PCF L’année 2015 est une année importante pour la Chine, qui verra Xi Jinping entrer dans la deuxième moitié de son mandat et la fin du 12e plan quinquennal. Pour réaliser «le rêve chinois», selon le mot du président, la Chine doit affronter des défis sans précédent. Sur le plan économique, alors que des commentateurs s’empressent de se saisir de la baisse de l’activité pour alimenter leurs discours sur l’inexorable déclin du pays, force est pourtant de constater que la Chine atteint – et dépasse, même encore cette année – son objectif de croissance fixé à 7 % d’augmentation annuelle du PIB. En 2014, plus de 13 millions d’emplois ont été créés, le revenu disponible moyen a augmenté de 8 % et plus de 12 millions de paysans sont sortis de la pauvreté. L’enjeu de la politique économique est pourtant bien réel mais il se situe davantage dans l’appréciation par les dirigeants chinois des caractéristiques de la crise mondiale et dans la transformation du mode de développement. Or, d’une part en se bornant à déclarer que l’ «économie mondiale traverse une phase de réajustement profonde» , le premier ministre Li Keqiang semble sous-estimer dans son rapport d’activité le caractère systémique de la crise actuelle et la possibilité d’un prochain choc systémique mondial à court terme ; d’autre part, si le pouvoir chinois a su porter une analyse critique de son modèle de croissance quantitative et initier des réformes pour un développement plus qualitatif – notamment par le renforcement de la protection sociale et des services publics – et plus écologique – avec un engagement historique sur un pic d’émissions de CO2 en 2030 –, la démocratisation du mode de production reste un angle mort des réformes qui interroge fortement les communistes français. Un angle mort d’autant plus préoccupant que la censure semble s’être renforcée. Sur le plan politique, les difficultés créées par la corruption grandissante et le développement des «mouvements de masse» sur les questions sociales, écologiques et démocratiques ont conduit le pouvoir à une réaction en deux temps : le lancement d’une vaste campagne anticorruption conduisant pour la première fois à la chute de «tigres» (hauts responsables) suivi de l’affirmation d’une ambition nouvelle pour la construction d’un État de droit, comme en ont témoigné la dernière réunion du comité central du PCC et l’actuelle session de l’APN : c’est le nouvel horizon politique du pouvoir chinois. Les mesures décidées concernent l’amélioration du système judiciaire, le renforcement de l’application de la Constitution, de l’administration par la loi et de la supervision et du contrôle des pouvoirs. «Aucune administration ne doit agir en dehors de la légalité» , a réaffirmé le premier ministre. La capacité du pouvoir à mettre en œuvre ces mesures et à accélérer le renforcement des droits sociaux sera décisive pour créer un nouveau consensus politique. Enfin, sur le plan de la politique extérieure, la continuité est de mise avec la réaffirmation des «principes de coexistence pacifique» , au combien décisifs en ces temps de surenchère guerrière occidentale au nom de la lutte contre le terrorisme. Les principes de respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ainsi que d’égalité des États – et donc la nécessité d’augmenter la représentation et la voix des pays en développement – sont des points d’appui déterminants pour l’instauration d’un nouveau type de relations internationales. Tout comme le projet de «nouvelle route de la soie» , qui peut être une traduction concrète de l’ambition de coopérations mutuellement bénéfiques à l’échelle mondiale et qui pourrait s’accélérer suite à la mise en place d’un fonds dédié. • Beaucoup de défis à relever avant de concrétiser le rêve de prospérité modérée par Ding Gang, journaliste au Quotidien du Peuple A l’heure ou les Deux Sessions se tiennent à Pékin, il est sans doute intéressant de se pencher sur la notion de « société modérément prospère » . C’est un objectif de développement à moyen terme de la Chine, mais aussi un mot du vocabulaire chinois à la riche signification. Ce terme de prospérité modérée figure au sein du « Canon des Poèmes » , un recueil de poésies sur la vie des Chinois des temps anciens, qu’il a recueillis de façon aussi artistique que réaliste. Dans le dictionnaire « Cihai », celui qui fait le plus autorité en Chine, la définition de la « prospérité modérée » est celle d’une « vie de famille relativement aisée, où on peut vivre en paix » . C’est en 1979 que Deng Xiaoping utilisa ce terme pour expliquer ce que devait être la modernisation de la Chine. Le point de départ de la « société modérément prospère » se situe dans les années 1990, et ce parcours doit s’achever en 2020, en étant passé par trois étapes, à savoir « l’entrée dans une période de prospérité modérée » de 1990 à 2000, puis « la construction globale d’une société modérément prospère » de 2002 à 2012, et enfin « l’achèvement de la construction globale d’une société modérément prospère » de 2012 à 2020. Du lancement de la « construction globale d’une prospérité modérée » lors du 16e Congrès national du PCC à la proposition de « construction globale d'une société modérément prospère » lors du 18e Congrès, il y a eu un seul changement de mot dans l’expression de la formule chinoise, mais ce changement est significatif et expose de façon complète et exacte les objectifs de développement de la Chine pendant des périodes de temps différentes. Dans la construction d’une société modérément prospère, il y a beaucoup de buts spécifiques. Par exemple, voir le produit intérieur brut et le revenu par habitant des résidents urbains et ruraux plus que doubler par rapport à 2010. Ce niveau correspond quasiment à une position médiane dans les classements mondiaux actuels en termes de PIB ; la Chine est ainsi entrée dans les critères des pays à revenu intermédiaire, c'est-à-dire à un niveau équivalant à celui d’un certain nombre de pays de l'Europe de l’Est actuelle. La construction d’une société modérément prospère comporte des objectifs économiques, mais aussi des objectifs politiques et des objectifs sociaux. Et cela comprend cinq aspects, à savoir un développement économique, politique, culturel et social, mais aussi celui d’une civilisation écologique. Pierre Curie a dit un jour qu’il fallait faire de la vie un rêve, et faire d’un rêve une réalité. Et une société modérément prospère, c’est précisément un des rêves du peuple chinois. Si on se place d’un point de vue purement quantitatif, le doublement du PIB de la Chine est loin de représenter une petite quantité. Mais ce n’est jamais que le niveau atteint par la France au début des années 1980. Et il y a une autre différence, c’est que, à ce moment-là, la France avait pour l’essentiel déjà mis en place un système de redistribution des revenus et un système de protection sociale relativement complets. La Chine d'aujourd'hui doit d’une part continuer à promouvoir le développement et augmenter ses recettes, mais elle doit aussi commencer à construire un système plus équitable et durable, mais aussi s’assurer que son système écologique le reste effectivement. Pour la Chine, il n’est aujourd’hui plus possible d’agir comme les pays développés le firent autrefois, c'est-à-dire d’envoyer dans d’autres pays les entreprises susceptibles de causer des problèmes environnementaux. La Chine a certes besoin d’assurer un certain rythme de développement, mais elle doit tout autant faire attention à la qualité de ce développement. Aujourd’hui, il ne reste plus que cinq ans pour parvenir à l’objectif affiché d'une société modérément prospère. Le temps est compté et la tâche est difficile. Pour les Deux Sessions en cours, la chose la plus importante consiste à réduire le triple fossé légué par l’histoire, entre les régions, entre les zones urbaines et rurales et entre les riches et les pauvres, et créer des conditions propres à la réalisation finale de la prospérité commune. Mais comme le dit le proverbe, toute rose a des épines... Il y a beaucoup de défis à relever avant de concrétiser ce rêve de prospérité modérée, et il faut les résoudre les uns après les autres. Les Deux Sessions ont lieu chaque année en Chine, et si tant de représentants se réunissent à Pékin, c’est pour chercher à savoir si on se rapproche ou non de cet objectif. Pour chercher à savoir si, lors de l’année passée, le gouvernement en fait assez ou pas, s’il y a encore des problèmes, quelles sont les difficultés à surmonter, et sur quels points il faudra insister lors de l'année en cours. Par exemple, dans son rapport d'activité du gouvernement de cette année, le Premier ministre Li Keqiang a souligné qu’il va falloir résoudre le problème de la sécurité de l'eau potable en milieu rural pour 60 millions de personnes, et que dans le même temps, 200 000 km de routes rurales devront également être construites ou rénovées. De même, il faudra également, au cours de l'année, créer près de 10 millions d’emplois pour la population urbaine de la Chine. Ce chiffre représente presque la population de la Grèce, ou l'équivalent de trois fois le nombre de personnes actuellement au chômage en France. Encore une fois, cette année sera aussi l’occasion promouvoir une législation nationale anti-corruption, et d’établir et maintenir les bases d’un Etat de droit honnête. Aucun de ces objectifs spécifiques ne sera facile à réaliser. Pour cela, il faudra non seulement investir davantage, mais aussi améliorer constamment le niveau de gouvernance, ainsi que les capacités d’action et d'innovation du gouvernement. A l’étranger, certains pensent que pendant toutes ces années, le gouvernement chinois s’est appuyé sur un développement rapide pour assurer la stabilité sociale, et que dès l’instant où le rythme de développement ralentira, passant d’un nombre à deux chiffres à 7%, cela risque de provoquer des problèmes sociaux. Certes, le développement est une base importante de la stabilité sociale. Mais alors, d’où le pays le plus peuplé du monde a-t-il pu tirer sa force pour se développer à un rythme sans précédent depuis 30 ans ? Trouvez la réponse, et vous saurez pourquoi la Chine continuera à maintenir sa stabilité. La réponse à cette question n’est pas si compliquée que cela. Examinez de plus près le processus de réforme et d'ouverture de la Chine, et vous comprendrez alors que la plus grande force vient de l’énorme besoin de réforme de la population chinoise et de la persévérance des communistes chinois en ce domaine. Dans un processus de développement, les demandes et les intérêts de la population se multiplient, et s’agissant de ses politiques, l'Etat doit rester en phase avec son époque et procéder à des ajustements. Les communistes chinois sont hardis, ils n’ont pas peur des difficultés, ils ont l'esprit de réforme chevillé au corps et ils en encouragent constamment le développement. La Chine est un grand marché. Si les gens peuvent avoir une vie stable et aisée, la demande des consommateurs continuera à croître. De même, si les entreprises chinoises ont plus de capitaux, elles seront plus confiantes pour aller voir en dehors de leur pays et chercher des opportunités de développement conjoint. Tout cela est bon pour l'économie française, et l’est davantage encore pour l'économie mondiale. Depuis 2013, les exportations françaises vers la Chine ont enregistré de la croissance dans ces quatre secteurs que sont les villes intelligentes, les soins de santé, la transformation alimentaire et les technologies de la communication. Lors des Deux Sessions est aussi arrivée une bonne nouvelle, celle de l’ouverture du marché chinois de la viande de porc aux entreprises françaises. Ces secteurs sont des points importants du développement de la Chine, et pour les entreprises françaises c’est un marché potentiel énorme. Il n’y a pas si longtemps, le magazine américain « Forbes » estimait qu'au cours des cinq prochaines années, le nombre de touristes chinois allant à l'étranger allait doubler par rapport à 2014, pour atteindre environ 200 millions de personnes. Et la France a dépassé les Etats-Unis pour devenir la destination préférée future à l'étranger des Chinois. Il y a 50 ans, Charles de Gaulle, alors président de la République française a dit : ce qu’on peut dire de la Chine, c’est qu’elle est fondamentalement une civilisation, une « civilisation particulièrement unique et profonde » . Aujourd’hui, cette civilisation profonde qui connut les vicissitudes de l’histoire est entrée dans une phase critique, celle de son grand réveil. • La réforme chinoise sur une voie solide par Michel Aglietta, professeur émérite d’économie à l’université Paris-Ouest et conseiller scientifique au Cepii L’incompréhension de la réforme chinoise en Occident dure depuis trente-cinq ans. Trois raisons majeures l’expliquent. D’abord la taille et la diversité du pays ; ensuite la complexité des liens entre le système politique et la société dont nous faisons une caricature ; enfin le temps, que nous ne sommes capables d’appréhender qu’à court terme, alors que le but du nouveau leadership est une transformation du système de gouvernance sur une génération. Quand on vit l’impuissance de la gouvernance politique de l’Europe, on pourrait avoir une certaine estime pour les performances d’un État fort et d’un gouvernement compétent et pragmatique qui est très attentif aux tensions sociales. La légitimité du régime politique se trouve dans sa capacité à éradiquer la pauvreté, à élever les niveaux de vie et à fournir une gamme élargie de biens publics. D’ailleurs, les résultats après un an d’engagement de la réforme dans la voie de la transformation du régime de croissance sont remarquables. La baisse maîtrisée de la croissance du PIB est un signe de succès, car il s’agit de passer d’une accumulation forcenée à une croissance qualitative. À cet égard, les résultats de 2014 sont encourageants. La croissance de 7,4 % a été réalisée avec une contribution dominante de la consommation (3,8 %) vis-à-vis de l’investissement (3,6 %). La part du secteur tertiaire dans le PIB a augmenté à 48,3 % du PIB au détriment du secteur secondaire (42,6 %). La croissance de la consommation a été tirée par la progression du revenu disponible des ménages (8 %) et par l’amorce d’une inversion des inégalités avec l’augmentation du salaire minimum de 9,5 %. Enfin et surtout, la création d’emplois urbains a atteint 13,2 millions, alors que l’objectif minimal du gouvernement est de 10 millions, ce qui maintient le taux de chômage au voisinage de 5 % de la population active. Les risques majeurs sont l’excès d’endettement et la déflation. Mais les vulnérabilités ne sont pas les mêmes que dans les pays «riches». Les ménages ne sont pas endettés et l’État central peut mobiliser des moyens énormes pour endiguer le risque systémique. En effet, la dette publique externe fait 10 % du PIB et les réserves de change 40 %. Les problèmes sont logés dans les collectivités locales et dans les entreprises publiques de l’industrie lourde en surcapacité, dont la rentabilité a fortement fléchi. C’est dans ce secteur que la déflation des prix à la production est dangereuse. Quelle est la séquence des réformes institutionnelles dans ce contexte ? Le gouvernement a-t-il commencé par les bonnes réformes ? Pour tenir la dette sous contrôle il faut des réformes qui la consolident et qui élèvent la productivité. C’est pourquoi le gouvernement a donné la priorité à deux réformes majeures : la réforme budgétaire et celle des entreprises publiques. La réforme budgétaire est destinée à renforcer les recettes fiscales des gouvernements locaux (extension de la TVA aux services et taxes sur les propriétés immobilières) et à consolider leur endettement (contrainte stricte sur le budget de fonctionnement et autorisation de convertir les prêts des plateformes financières en obligations à long terme). La réforme des entreprises publiques consiste à distinguer les grandes entreprises à contrôle central dans les industries stratégiques et les infrastructures d’une part, les entreprises des secteurs commerciaux d’autre part. Celles-ci sont placées sous le régime de la propriété mixte avec injection de capitaux privés et de compétences managériales pour accroître leur efficacité.
Edité le 03-11-2015 à 16:55:14 par Xuan
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