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 Rhodia, « l’affaire » propre

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Xuan
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   Posté le 12-12-2008 à 00:23:31   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Paru récemment sous la plume de Daniel Lebard, un ex homme de paille de Rhodia / Rhône Poulenc, "l'affaire" déverse toute sa rancune accumulée à l’encontre des dirigeants de ce groupe. En filigrane, le procès du capitalisme « véreux » de la bande à Chirac et l’éloge du capitalisme « refondé » à la sauce Sarkozy.
Cela dit on apprend beaucoup sur les méthodes utilisées par les monopoles ou les oligopoles industriels et sur le fossé qui sépare le maquillage « écologique » de la réalité.

En mars 1999, Jean-Pierre Tirouflet, PDG de la plus importante société chimique française, Rhodia, contacte Daniel Lebard pour diriger de manière temporaire et « indépendante » la société britannique Albright & Wilson qu'il souhaite acquérir, mais un an plus tard seulement.
D’entrée de jeu, on écarquille les yeux.
Mais Lebard convaincu de sa propre honnêteté, de la régularité de l’opération et de son « indépendance » joue le jeu à fond, avant de s’apercevoir qu’il n’a été qu’un pantin.
Scène de la vie courante de nos experts en affaires qui émargent sans sourciller des « avances » de 400 000 €, claquent 1 million de $ en avocats et se font écarter du jeu par des requins aux dents un peu plus longues.

Rhône-Poulenc, qui deviendra Aventis en 1999, puis Sanofi-Aventis, est une société chimique qui a été créée en 1895. Elle a eu son heure de gloire au xxe siècle, avec les plastiques et des produits innovants, en particulier dans les fils textiles. Elle était très célèbre pour le nylon, le tergal, fabriqués à l’usine Rhodiaceta près de Lyon, après 1945.

Rhône-Poulenc, nationalisée par Mitterrand, se porte acquéreur de nombreuses entreprises, y compris certaines activités chimiques d'Union Carbide. Des acquisitions financées par de l'argent public.
En 1986, au lendemain de la victoire de la droite aux législatives, Jean-René Fourtou , PDG de Bossard Consultants, succède à Loïc Le Floch-Prigent . Il doit sa nomination au soutien politique de Valéry Giscard d'Estaing qui appuie sa candidature, après que Fourtou eut rencontré Michel Pinton, polytechnicien et secrétaire général de l'UDF.
On rappelle son parcours :
1972 : directeur général de Bossard Consultants, puis président en 1977.
1986 : PDG du groupe Rhône-Poulenc
1999 : Président du groupe Aventis
Juillet 2002 : PDG du groupe Vivendi Universal (en remplacement de Jean-Marie Messier)
2003 : Président de la Chambre de commerce internationale
Avril 2005 : Président du conseil de surveillance du groupe Vivendi
2005 : Co-Président du Groupe d'Impulsion Economique France Maroc GIEFM (aux côtés de monsieur Mustapha Bakkoury).
Il sera également Administrateur de Rhodia.
Par ailleurs, en 2003 Jean-René Fourtou est vice-président du Conseil de Surveillance d'Axa, dont Claude Bébéar est président.
Bébéar occupe la fonction de censeur au conseil de surveillance de Schneider Electric, présidé par Henri Lachmann.
Dans le conseil de Schneider, on retrouve Fourtou, Breton... Lachmann est également au conseil d'Axa. Bébéar et Lachmann sont au conseil de Vivendi, présidé par Fourtou...
En novembre 2002, alors qu'il est à la tête de Vivendi, il fait, avec le directeur général Jean-Bernard Lévy, une opération personnelle, parallèle à la mise sur le marché d'obligations Vivendi.

La femme de Fourtou, Janelly Fourtou était tête de liste UDF en 2004 pour la circonscription interrégionale Massif central-Centre et réélue au Parlement européen.
membre du conseil municipal de Neuilly-sur-Seine. En janvier 2008, elle quitte le Mouvement démocrate pour rejoindre le mouvement Avenir démocrate et l'Alliance citoyenne pour la démocratie en Europe fondés par le député européen Jean-Marie Cavada, structure d'accueil d'anciens soutiens de François Bayrou en partance vers la majorité présidentielle.
En 2006, elle fait voter à Bruxelles «l'amendement Fourtou», qui étend aux simples usagers les sanctions prévues au départ pour les seules entreprises commerciales. Ce texte, qui est très favorable aux intérêts de Vivendi, mettait l'épouse du patron de Vivendi, elle-même détentrice d'actions de cette société via la fondation Fourtou, en conflit d'intérêt. Mais elle n'a vu aucune incompatibilité entre sa situation personnelle et son rôle de rapporteur du texte au Parlement européen.

On trouve aux côtés de Fourtou notamment :
Igor Landau , Directeur général et membre du bureau exécutif de Rhône-Poulenc. Administrateur de Rhodia.
Patrick Langlois , Directeur financier et membre du comité exécutif de Rhône-Poulenc. Administrateur de Rhodia.
Thierry Breton , Président de Thomson Multimédia. Administrateur de Rhodia. Président du comité d'audit.
Jean-Pierre Tirouflet , Président directeur général de Rhodia, membre du comité exécutif de Rhône-Poulenc qui détient à l’époque 68 % de Rhodia.
A ce titre, il demeure superviseur de la zone Europe centrale et orientale, et du Moyen-Orient pour Rhône-Poulenc.
Yves-René Nanot , Président de Rhodia de 2003 à 2008.
Blaise Halluitte , vice-président pour la Stratégie et le Développement de Rhodia.
Patron de Rhône-Poulenc Animal Nutrition (RPAN), un groupe de sociétés très importantes spécialisées dans la production de produits pharmaceutiques destinés à la santé animale.
Jean-Pierre Clamadieu , Ancien cadre dirigeant de Rhône-Poulenc. Nommé directeur général de Rhodia en 2003 et actuel Président de Rhodia depuis mars 2008, Clamadieu, qui s’est octroyé cette année 29 000 € d’augmentation mensuelle, annonce pour 2009 le blocage des salaires et des embauches.

Après le drame de Bhopal en 1984 (1), les Américains se débarrassent rapidement de leur chimie.
Au milieu des années quatre-vingt-dix, Rhône-Poulenc prend soudainement conscience des dangers et des risques inhérents aux industries chimiques avec des usines classées Seveso , qui utilisent des fluides, des gaz, des liquides toxiques, proches des fluides de combat, et qui se trouvent parfois dans un état de délabrement avancé.


Cf http://www.salindresvillepoubelles.com/

Un grand nombre d'usines de Rhône-Poulenc, qui ont plus de 30 ans, n'ont jamais été dépolluées. Certaines ne sont plus en service, elles sont désaffectées, ce sont des friches industrielles polluées. Une quarantaine de sites sont classés Seveso. Il faudra, tôt ou tard, les remettre en état, ou payer de lourdes amendes.
Rhône-Poulenc réalise qu'elle va donc avoir besoin, pour l'avenir, d'investissements importants, que sa responsabilité civile peut être engagée, en particulier aux États-Unis et au Brésil, pour des dommages causés à l'environnement et à la santé.

Ainsi, en 2004, Rhodia a été condamnée à la deuxième plus grande amende jamais donnée aux États-Unis, en matière environnementale : 18 millions de dollars, pour l'usine de Silverbow dans le Montana, dans laquelle Rhône-Poulenc avait stocké des déchets industriels dangereux. Rhodia l’avait ensuite utilisée comme dépôt pour stocker sans autorisation d'autres déchets toxiques. En 2000, des inspecteurs de l'agence écologique américaine (EPA) ont découvert des fuites de liquides toxiques dans les eaux de ruissellement autour de l'usine et mené une enquête qui va durer jusqu'en 2004. Cette atteinte aux règles environnementales avait commencé en 1999, au moment où Rhône-Poulenc contrôlait Rhodia à 80%
Bonjour Monsieur Nicolas Hulot !

Au lendemain de la privatisation de Rhône-Poulenc, en 1993, Jean-René Fourtou décide donc de se séparer de la chimie pour ne conserver que la partie la plus rentable du groupe : la pharmacie. La chimie et ses canards boiteux sont donc regroupés dans une filiale : Rhodia, qui sera introduite en Bourse en juin 1998 par cession de 32,40% du capital.

Le 26 mai 1998 la société mère Rhône-Poulenc passe un accord avec sa filiale à 100 %, c'est-à-dire avec elle-même, stipulant qu'elle assumera les risques écologiques des usines qu'elle lui transfère. Mais cet accord est dégressif. Chaque année la responsabilité financière de Rhône-Poulenc est réduite de 10 %. Aujourd’hui, Rhône-Poulenc serait donc complètement dégagée.
En fait, en mars 2003, Rhodia « renonce », moyennant 88 millions d'euros, à la garantie de passif environnementale consentie par Rhône-Poulenc en 1998.

Pour mettre en Bourse 40 % de Rhodia dans des conditions avantageuses, Rhône-Poulenc calcule donc le scénario suivant :
Rhodia achète en mars 2000 Albright & Wilson deuxième entreprise chimique anglaise, derrière ICI (Impérial Chemical Industries), à un faux prix. (A&W sera payé un peu moins d'un milliard d'euros par Rhodia en mars 2000.)
A&W est un groupe de 6000 salariés, avec 50 usines, dans 16 pays du monde, dans un métier très spécialisé : les produits de phosphate. De 1970 à 1995, elle a appartenu au conglomérat américain Tenneco, un important producteur de gaz et de produits plastiques. En 1995, Tenneco s'en est séparé en vendant l'ensemble de ses actions sur la Bourse de Londres.
C'est une société en perte de vitesse, qui a eu de nombreux déboires, notamment avec son usine de production d'acide phosphorique de Long Harbour, à Terre-Neuve, qui a, dans le passé, provoqué un véritable désastre écologique. L'action est en chute libre. Tout cela en fait une proie de choix.
Pour ce faire, Rhodia utilise une société britannique, ISPG (International Specialty Phosphates Group, société britannique créée en mars 1999, spécifiquement et exclusivement pour acquérir A&W pour le compte de Donau à la Bourse de Londres en mai 1999), Donau, ancienne filiale de Rhône-Poulenc jusqu'en 1997, sert uniquement d’intermédiaire. Rhodia va financer à 97 %, sous forme de garanties bancaires, et elle recevra, en contre¬partie, une option d'achat sur Albright & Wilson exerçable au premier trimestre 2000.

Donau avait été refilée à Alain de Krassny , ancien cadre de Rhône-Poulenc, là encore pour éviter de payer une remédiation à l'État autrichien en raison des risques environnementaux.
Mais tout cela reste en famille puisque Mme de Krassny est la maîtresse de Tirouflet, le président de Rhodia.

Un trou important apparaît dans le fonds de retraite d'Albright & Wilson : 140 millions d'euros, soit 15% de la valeur d'Albright & Wilson.
Cependant rien ne transpire et Albright & Wilson est acheté non au prix de marché le jour de l'acquisition mais au prix auquel Krassny a acheté en 1999. Le futur prix de 2000 est donc un prix fixé d'avance : Rhodia s'engage à payer à la société de Krassny la somme qu'il a investie pour acheter Albright, plus les intérêts pour la durée de l'opération.

L’action Rhodia dévisse peu après et ne s’en est toujours pas remise

25 février 2005, Breton est nommé « chat perché », c’est-à-dire ministre des Finances.

27 juin 2006 : Tirouflet, ancien PDG de Rhodia, est mis en examen par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons pour « diffusion d'informations fausses ou mensongères sur la situation d'un émetteur coté sur un marché réglementé, délit d'initié et recel de délit d'initié».

En réalité l’AMF a étouffé l’essentiel du scandale, et sauf Tirouflet, Rhodia s’en sort indemne.


(1) - La nuit du 3 décembre 1984, l'explosion d'une usine de pesticides à Bhopal, en Inde, a dégagé 40 tonnes d'isocyanate de méthyle dans l'atmosphère de la ville, tuant entre 16000 et 30000 personnes, dont 8 000 la première nuit. Les installations en cause dans la catastrophe de Bhopal appartenaient à la Union Carbide India Limited (UCIL), filiale indienne de la Union Carbide Corporation (UCC), l'un des premiers groupes chimiques américains.

(2) - Le 10 juillet 1976, à Seveso, en Italie, un accident industriel, dûà la surchauffe d'un réacteur fabricant du 2,4,5-trichlorophénol libère un nuage toxique, provoquant une catastrophe environnementale. Cet accident a donné son nom depuis à tous les sites de production classés à risque en Europe. En 1982, la directive européenne dite Seveso 1, puis, en 1999, la directive Seveso 2 imposent aux industries de déclarer ces sites et de les traiter.

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Xuan
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   Posté le 10-11-2009 à 13:12:26   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

L'AMF déboutée dans l'affaire Rhodia

Le TGI de Paris a prononcé la relaxe concernant la plainte initiée par l'Autorité des marchés financiers à l'encontre des auteurs de "L'Affaire, l'histoire du plus grand scandale financier".

Le 30 octobre 2009, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a prononcé son jugement concernant la plainte initiée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) à l'encontre de Ghislaine Ottenheimer (collaboratrice de Challenges) et Daniel Lebard, les auteurs du livre "L'Affaire, l'histoire du plus grand scandale financier" , publié en octobre 2008, et du directeur du Seuil, Denis Jeambar. Dans ce livre d'entretien, Daniel Lebard raconte la façon dont Rhône-Poulenc et sa filiale Rhodia ont mis sur le marché des actions en diffusant des informations "inexactes et trompeuses" . Il raconte également comment l'AMF s'est livré à une série de "trucages" pour épargner les principaux responsables de ce scandale: Jean-René Fourtou et Thierry Breton, qui étaient à l'époque administrateurs de Rhodia.

Le tribunal a débouté l'AMF et prononcé la relaxe sur l'ensemble des faits et allégations contestées. Le jugement fait notamment référence à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui admet une liberté d'expression d'autant plus grande qu'il s'agit de dénoncer les dysfonctionnements d'une institution publique.


Extrait des principaux passages incriminés:

P.10 et 11
"L'affaire est complexe, ultrasensible, sulfureuse. Elle implique des membres éminents de l'establishment. Ceux qui ont dirigé cette entreprise, mais aussi tous ceux qui ont cautionné ou participé à des agissements frauduleux : les autorités de tutelles, qu'il s'agisse de l'AMF ou de la direction de la Concurrence de la Commission européenne, les banques conseils, les commissaires aux comptes, les membres du conseil d'administration...".


P. 18 et 19

"L'AMF qui s'était autosaisie en 2003, avait de facto reconnu qu'il y avait un problème. Elle a suscité l'espoir que la vérité éclate. Hélas, elle a mené une enquête biaisée, factuellement fausse. Elle a cru pouvoir enterrer cette affaire en 2007. Elle n'a pas rempli son rôle. Elle n'a pas fait son devoir."

P.203
"L'AMF ne dit pas un mot sur Fourtou, Breton, le pillage de Rhodia par Rhône-Poulenc. Pour épargner les acteurs de ce feuilleton, l'AMF s'est livrée à une série de trucages : omissions, mensonges, prescription, autocensure."

P.205
"L'AMF s'est précipité sur cette thèse fausse pour tenter d'exonérer Rhodia et Rhône-Poulenc."

P210

"L'AMF poursuit sa cuisine minable, protégeant les puissants tricheurs. Elle bricole le rapport de ses enquêteurs....La direction des enquêtes et le secrétariat général remanient leur texte."

P.211
"Et cela s'est fait sous la plume d'un régulateur de l'AMF, placé sous la tutelle du ministère des Finances, où siège un commissaire du gouvernement, Xavier Muscat."

p.212
"Comme Yavé, l'AMF écarte la Mer Rouge pour permettre à Breton de passer à sec."

P.214
"L'AMF, le gendarme de la Bourse, proclame que la trahison de sa propre signature, signature destinée par la loi à garantir la sincérité des informations diffusées sur le marché, n' pas pu altérer la perception des investisseurs ! Tout cela pour sauver Breton, Fourtou et Landau..."

[Challenges, mardi 3 novembre 2009]

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