Sujet : supernova revue comuniste n.5 2024 | | Posté le 11-01-2024 à 23:25:20
| https://www.calameo.com/read/0071590168d903a78b7cc (supernova N.5 2024) Éditorial N5 l'indépendance des communistes Nous vous présentons le 5ème numéro de Supernova, revue communiste éditée par un groupe de camarades de la région PACA. La ville où nous agissons politiquement est Marseille, laboratoire particulier par rapport à la France. Marseille a des caractéristiques particulières, mais nous essayons en tant que Supernova de nous efforcer de donner une vision plus générale de la situation en France. Comme pour les autres questions, en commençant par la France, nous utilisons deux axes : le front interne et le front externe. Sur le front intérieur, nous assistons au "lent" déclin de l’imperialisme français, déjà souligné dans les numéros précédents du magazine. Les tentatives de restructuration économique oscillent entre les attaques habituelles contre les secteurs ouvriers et précaires (augmentation en heures de travail, baisse de salaire réel et des allocations, moins d’arrêts-maladie...), et un prétendu néo-protectionnisme économique. Les principaux journaux économiques du MEDEF parlent d'un retour à la production "française", oubliant que les mécanismes financiers, la robotisation, etc. changent sans cesse la donne en matière d'emploi. Du côté des travailleurs, il n'y a pas de réponse générale jusqu'à présent. Cependant, il est intéressant, comme nous le soulignons dans notre dossier sur la restauration et l'hôtellerie, de constater les phénomènes de nouvelle syndicalisation dans des secteurs traditionnellement "non conflictuels". Ou encore les récentes grèves dans le secteur des coursiers dans les grandes villes françaises. Cela montre que la classe ouvrière réagit, produit des conflits et a la capacité de s'organiser. La crise, pour peu qu’elle ne soit pas vécue passivement, représente une "opportunité" pour les communistes et les travailleurs en général, plutôt qu'une infortune.... Le déclin socio-économique français s'accompagne d'un changement du cadre politique. Nous assistons à une intégration de l’ex-Front National dans l’arc citoyen et républicain, dépassant ainsi le dernier tabou « antisémite » ; la participation massive du RN aux manifestations pro-israéliennes et le soutien direct du gouvernement d’Israel à la droite européenne sont désormais des faits publics. Le "parti-manager" au pouvoir ne parvient plus à obtenir le consensus, mais pour l'instant, il n'a pas d'alternative crédible en matière de gouvernance, à l'exception d’ une droite française recomposée. La vieille gauche réformiste est divisée en interne, et se maintient dans un horizon lié à la mécanique keynésienne, qui produit un court-circuit inquiétant en matière de protectionnisme économique, associant protectionnisme national et liberté de circulation des migrants. Seule note positive, la position sur la guerre en Palestine, sans se prononcer directement en faveur des Palestiniens contre le colonialisme sioniste, s'est néanmoins démarquée de la propagande officielle pro-israélienne. Cependant, cela a provoqué de nouvelles fractures en son sein. Du côté de l'extrême gauche, outre l’éternel théatre identitaire des organisations trotskistes, nous avons les secteurs autonomes et alternatifs-libertaires en plein désarroi, la guerre en Palestine rompt le " fil rouge " qui reliait le Rojava à la " résistance ukrainienne ". Le manque absolu d'analyse de classe et d'analyse internationale a conduit ces secteurs à prendre indirectement des positions atlantistes.... Du côté communiste, en revanche, en ce qui concerne la France, nous n'avons pas de bonnes nouvelles. Le mouvement communiste succombe encore aux idéologies réformistes, ou de "survie", espérant le moins pire, fantasmant sur une hypothétique Russie anti-impérialiste et une Chine socialiste "post-maoïste"... Notre position est souvent minoritaire plus souvent encore absente : l'approche qui fait de l'indépendance des communistes l'axe central de leur stratégie1. Indépendance qui se traduit par la promotion d'une ligne politique capable de dépasser et de rompre avec les vieilles approches keynésiennes ou la logique de campisme sur le front international. Indépendance qui, pour les communistes, signifie remettre au centre la question de l'unité de classe et populaire et de la rupture révolutionnaire. L'unité pour les communistes, c'est avoir la capacité de recomposer des secteurs de classe et populaires, sur des positions et des fronts, capables de peser sur la société, du niveau syndical au niveau social et culturel. Par rupture révolutionnaire, nous entendons le problème de l'État bourgeois, qui ne peut être réformé ! Et il est inévitable que le problème politico-militaire pour une formation communiste soit une question centrale. Ce problème n'est pas l'acceptation ou le refus de la violence, quiconque a participé à une manifestation et vu comment les CRS actuels sont habillés comprend ce qu'est la violence. Le problème est de comprendre l'importance du programme politico-militaire des communistes, un programme qui, tout en se basant sur l'expérience historique du mouvement communiste international, est capable de relever les défis et les changements sociaux que la société dans son ensemble présente aujourd'hui. Les communistes sont une force révolutionnaire pour ces simples raisons : "Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité. Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres ; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les partis ouvriers : constitution des prolétaires en classe, renversement de la domination bourgeoise, conquête du pouvoir politique par le prolétariat. Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l'expression générale des conditions réelles d'une lutte de classes existante, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux. "Manifeste du Parti Communiste, 1848, K.Marx F.Engles Sur le plan extérieur, nous assistons au découplage d'une partie des nations africaines de la France. Un phénomène contradictoire, mais qui suppose une réelle nouveauté politique pour le continent africain. L'hystérie avec laquelle le gouvernement a accueilli les manifestations pro-palestiniennes en France, et la répression de certains secteurs syndicaux en solidarité avec la Palestine, sont des signes clairs que les blessures subies par le gouvernement lors des journées d'émeutes de cet été sont encore ouvertes. La capacité de masse des mobilisations pro-palestiniennes a franchi les limites des premières restrictions législatives au droit de manifester. Nous notons également que certains secteurs de travailleurs liés au transport maritime et à la logistique ont directement manifesté leur soutien en faisant grève et en refusant de charger des navires d'armes à destination d'Israël. Un phénomène qui a touché de nombreux travailleurs en Europe et dans le monde. La Palestine a polarisé le débat, mettant en lumière de nombreuses ambiguïtés de la gauche parlementaire et alternative. Nous parlons de polarisation, alors que nous assistons également à des mouvements réactionnaires de masse, qui atteignent des formes extrêmes, comme l'action “para-militaire” de l'extrême droite dans le village de Romans-sur-Isère contre l'immigration. Les masses qui soutiennent la Palestine sont à leur tour opposées aux "masses" réactionnaires anti-immigration et pro-sionistes, dans une "guerre entre les pauvres" brutale mais malheureusement réelle. Il est clair que pour contrer tout cela, il est vain de jouer la carte de la morale, car elle est perçue comme une solution de " privilégiés débonnaires " à des années lumière de la précarité sociale critique que la France et l'Europe connaissent aujourd'hui2. L'internationalisme prolétarien aujourd'hui, s'il veut retrouver un sens central pour les communistes, doit pouvoir combiner un prolétariat «multinational»3 qui traverse les nations, en se débarrassant de nombre de mythes fondateurs chers à la gauche classique: culture localiste artisanale et paysanne, bon colonialisme, eurocentrisme, etc...4 Le mouvement communiste doit être bien conscient de ce qu'est le prolétariat aujourd'hui, de ce que sont ses intérêts de classe, et ne pas les confondre avec les attitudes et les besoins des classes moyennes qui sont aujourd'hui de plus en plus effrayées da le processus de "prolétarisation". La centralité du conflit en Palestine impose une analyse approfondie de notre revue. Le conflit palestinien remet au centre trois questions centrales pour les communistes : 1) La capacité d'action et l'indépendance des forces anticoloniales et anti-impérialistes. La gauche révolutionnaire palestinienne a elle-même réussi, malgré son extrême faiblesse, à jouer un rôle dans l'actuel front armé contre Israël. 2) Le soutien populaire à la lutte armée 3) L'internationalisation du conflit palestinien, remettant au centre les questions panarabes, voir le soutien direct et concret des Yéménites à la cause palestinienne. La dernière partie de la revue est consacrée à la critique du post-modernisme. Une grille de lecture que l'on peut définir comme hégémonique dans la gauche officielle et alternative. Une énième tentative de certains secteurs bourgeois d'imposer leur point de vue aux classes subalternes. Un nouveau "révisionnisme" moderne5. Les vagues "révisionnistes" ont frappé cycliquement le mouvement prolétarien. Celui-ci n'est jamais isolé, mais toujours traversé par ces vagues. Ce mécanisme est inévitable, car les pensées de la société sont les pensées de la classe dominante. La bataille idéologique, même avec nos forces limitées, elle-même est une lutte de classe pour les communistes. Notre critique se veut non superficielle. Nous analyserons donc les présupposés historiques à partir desquels la pensée post-moderne et ses versions "originales", comme dans le cas du courant "operaiste italien", ont vu le jour. Nous nous concentrerons sur l'un de ses penseurs les plus particuliers, le philosophe Toni Negri, récemment décédé. La pensée de Toni Negri a sans aucun doute exercé une fascination directe et indirecte sur les mouvements autonomes et alternatifs d'aujourd'hui. Par conséquent, la critique de ses positions n'est pas une bataille d'idées, mais de positions politiques et sociales, de pratiques, de choix et de stratégies différents, entre nous, communistes, et les soi-disant "autonomes". Trois concepts émergent des philosophies postmodernes: le langage, le pouvoir et le savoir à partir desquels trois thèses sont formulées: 1. Le langage ne représente pas la réalité, le concept d’idéologie est donc inopérant. Chaque époque détermine ses propres jeux de langage. 2. Le pouvoir est intimement lié au savoir et ne peut être réduit à la contradiction que constitue la lutte des classes. Le pouvoir s’infiltre dans tous les champs de l’existence et n’a pas pour seule fonction de reproduire les rapports de production. Il existe différents types de pouvoirs qui ne fonctionnent pas sur le modèle pyramidal (infrastructure et superstructure). La seule lutte possible devenant la lutte contre le pouvoir au quotidien. 3.L’homme postmoderne ne croit plus en la vérité absolue. Il n’existe aucune vérité objective analysable par une méthode scientifique. Le savoir scientifique est une espèce de discours parmi d’autre qui trouve sa légitimation dans des métarécits, comme le serait celui de la société sans classe. La question n’est pas de savoir si un énoncé est vrai mais de comprendre quelles sont ses conséquences en termes de pouvoir et de savoir. Il s’agit d’une pensée de l’indétermination maximale. Nous voyons bien en quoi ce positionnement théorique conduit à un rejet de l’explication systémique, du matérialisme historique et de son moteur, la lutte des classes révolutionnaire. Partant de l’idée que la lutte révolutionnaire ne répond pas à l’ensemble des demandes, le discours politique postmoderne postule une fragmentation des luttes en particularismes, ce qui est souvent qualifié de «lutte pour le droit des minorités». Ce problème des luttes minoritaires de la difficulté à lier des intérêts, des langages profondément différents constitue le cœur du problème. La gauche alternative post-moderne répond par «l’intersectionnalité», la lutte au niveau local. La gauche alternative indique que les marxistes n’auraient aucun intérêt à ce que les luttes locales aboutissent, car elles ne feraient que diminuer le potentiel révolutionnaire d’une société donnée. Le communisme n’est pour le post-moderne qu’une modalité de pouvoir parmi d’autres. Leur pensée du pouvoir oppose le monde entre dictature et démocratie. La dictature du prolétariat est une dictature, on ne saurait le nier. Il s’agit au contraire de l'affirmer. Mais il ne suffit pas de le dire. Nous devons considérer l'expérience de ce que fut l'assaut du ciel au siècle dernier (l'URSS et l'expérience des pays socialistes et des révolutions anti-impérialistes) comme une tentative du mouvement ouvrier révolutionnaire, non pas en paroles mais en actes, de briser concrètement les relations de pouvoir entre les classes. Quiconque s'y oppose, quiconque nie cette tentative, s'oppose à la possibilité de rêver et de réaliser le socialisme, et donc à notre propre classe. Surmonter les mêmes expériences du passé, tâche nécessaire pour les communistes, ne signifie pas abandonner l'assaut du ciel, mais plutôt comprendre quels sont les outils nécessaires aujourd'hui par rapport au passé. Nous regrouperons sous le terme de «philosophie postmoderne» l’ensemble des théories politiques et philosophiques diverses et, dans une certaine mesure, indépendantes les unes des autres. Etudier les théories postmodernes en tant que telles n'a aucun intérêt. Si nous proposons une réponse aux théories postmodernes c'est pour mettre en évidence que ces dernières constituent à la fois le cadre de pensée de la gauche bourgeoisie alternatif. En somme, repérer nos ennemis là où ils sont le mieux caché. La postmodernité se pose comme dépassement de la modernité marxiste, Foucault lui-même se considérant comme «plus matérialiste» que Marx. Nous chercherons à exposer ici en quoi «la postmodernité» n’est qu’une phase de la modernité capitaliste analysable par le prisme de la   critique marxiste. sommaire: -Éditorial: l'indépendance des communistes -La carte de France -Palestine: un nouvel épisode de la guerre de cent ans -Interview avec les camarades du Collectif Palestine Vaincra-Toulouse -Le postmodernisme -Nietzsche, de droite à gauche -Mots clés : conceptions communiste, gauchiste et postmoderniste, Kites ( North America) -Pour une critique de l'opéraïsme italien Toni Negri -Critique du discours post-colonial, Siray (People’s March Inde) -Enquête ouvrier: Restauration et Hôtellerie -Interview avec les travailleurs de SUD Hôtellerie et Restauration-13 Marseille -Interview avec les travailleurs CNT-SO branche Nettoyage, Marseille note 1) Défenseurs de l'indépendance des communistes, mais de manière contradictoire, certains groupes de la Jeunesse Communiste française et certains groupes de jeunes "maoïstes" actifs en France: Nouvelle Epoque et La Cause du People. 2) Prenons l'exemple de l'émeute urbaine anti-immigrés qui s'est déroulée récemment à Dublin. Cette révolte brise le mythe de l'Irlande "heureuse" et "gentille". La lecture du gouvernement irlandais, relayée par toute l'extrême gauche européenne, est faible. Il a présenté la révolte de Dublin comme une manifestation des partisans de l'extrême droite. La manifestation a été massivement suivie par des jeunes et très jeunes Irlandais issus des quartiers populaires. Il est clair que dans ce contexte, les groupes organisés d'extrême droite cherchent des espaces. Mais désigner toute cette masse comme étant organisée par l'extrême droite est une excuse pour ne pas remarquer ce qui se passe aujourd'hui dans les ceintures urbaines populaires irlandaises, à leurs problèmes de logement et de travail. 3) Nous utilisons à dessein ce terme hérité du verbiage économique. Par cela, nous entendons que le caractère international du prolétariat, loin d’être le fruit d’une volonté, est la simple réalité des chaînes de production, que ne sauraient remettre en cause ni les idéologues réactionnaires, ni les faibles leviers des politiques protectionnistes 4) Ces points ont constitué la base du Parti Socialiste français et, d'une certaine manière, du Parti Communiste français lui-même 5) Le mouvement ouvrier révolutionnaire a connu deux grandes vagues révisionnistes dans le passe. Nous parlons de "révisionnisme" par rapport au programme scientifique socialiste vulgairement appelé marxisme. La première vague a eu lieu à la fin des années 1800 et au début des années 1900, par le biais du réformisme social-démocrate allemande: le mouvement est tout, la fin n'est rien. La deuxième vague a eu lieu vers la fin des années 50 du siecle dernier. La soi-disant déstalinisation ou diabolisation de Staline et l'expérience de l'URSS et du mouvement communiste des années 1920 à 1940. Cela s'est concrétisé par le mot d'ordre de la coexistence du monde socialiste et du capitalisme. Aujourd'hui, cette théorie est utilisée par le gouvernement chinois actuel lorsqu'il parle d'"harmonie" dans les relations sociales en Chine et dans les relations internationales. Un élément de cette vague "révisionniste" était également la négation de la lutte des classes dans les pays socialistes. |
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