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Staline et la réforme démocratique Grover Furr

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   Posté le 05-05-2021 à 07:00:46   

HALTE AU TANKISME :
https://centre-maiakovski.fr/wp-content/uploads/2021/05/Staline-et-la-lutte-pour-la-reforme-democratique.pdf

Complémenté par :
Staline a aussi constamment été rejeté quand il a essayé de reformer le système politique, il a réussi à faire passer quelques réformes comme le vote secret et des restrictions sur la cooptation mais il ne pouvait pas toutes les implémenter tant qu’il n’avait pas la majorité.

Sa plus grande défaite est sur la réforme du parti communiste, Staline voulait que le rôle du parti se limite à l’agitation, la propagande et à la participation dans la sélection de cadre, en soi que le parti devait diriger les organisations mais pas les organes législatifs ou exécutifs de l’Etat, Staline mena une grande lutte contre la bureaucratie du parti, une lutte qu’il va perdre. Cette lutte va prendre une grande importance lors de l’écriture de la nouvelle constitution soviétique de 1936.

Staline va vouloir changer les principes du vote comme dit précédemment, il va même proposer que des anciens koulaks, gardes blancs et autres ennemis du gouvernement soviétique puissent se présenter aux élections, cette idée à fait peur à bien nombres de députés, voici ce que Staline va répondre :
« Certains disent que c'est dangereux, parce que des éléments hostiles au pouvoir pourraient occuper les fonctions les plus élevées, comme certains anciens Gardes Blancs, des koulaks, des prêtres, et ainsi de suite. Mais qu'avons-nous à craindre ? - Si vous avez peur des loups, ne marchez pas dans la forêt- D'une part, ce ne sont pas tous les anciens koulaks, Gardes Blancs et prêtres qui sont hostiles au pouvoir soviétique. D'autre part, si les gens ici et là élisent des forces hostiles, cela signifiera que notre travail de propagande est mal organisé et que nous avons entièrement mérité cette disgrâce. »
-Zhukov, Inoy 293 ; Staline, "Projet"



La majorité de la tête du parti communiste ne voulait pas que ces réformes aient lieux mais ils ne pouvaient pas montrer pleinement cette position pour des raisons évidentes, ils se serviront alors du chaos politique des procès de Moscou pour éviter un maximum des débats sur la constitution, la plupart des rapports sur la constitution furent évités.

Même lorsque Staline avait le plus de pouvoir, c'est-à-dire durant la Seconde Guerre mondial via sa place dans le Comité d'état pour la défense, il n’a pas pu mettre en place sa vision du parti.

Vers la fin de la seconde guerre mondiale Staline et ses défenseurs du Politburo ont fait une nouvelle tentative pour soustraire le gouvernement soviétique du contrôle direct du parti Bolchevik. Voici comment Yuri Zhukov décrit cet incident :

« En Janvier 1944 … pour la première fois pendant la guerre il y eut une convocation commune [du Comité central] et d'une session du Soviet suprême de l'URSS. Molotov et Malenkov ont préparé une ébauche d'un décret du Comité central selon lequel le parti serait légalement séparé du pouvoir. Serait maintenu seulement l'agitation et la propagande ; ... Mais elle interdisait simplement que le parti interfère dans l'économie et dans le fonctionnement des organes de l'état. Staline a lu l'ébauche, a changé six mots, et a écrit "approuver". Ce qui s'est passé après reste un mystère.... C'était une nouvelle tentative de séparer le Parti et l'État, ... L'ébauche a cinq signatures : Molotov, Malenkov, Staline, Khrouchtchev, Andreev. Il n'y eut aucun enregistrement de cette séance, et nous pouvons seulement deviner le résultat du vote. Hélas, même le tout-puissant Comité d'état pour la défense, avec quatre membres dans le Politburo du Comité central, ne pourrait pas briser le vieil ordre des choses. »
-Zhukov, Kul'tovaia

Il y a peut-être bien d’autre tentative de ce genre, mais tant que les archives ne seront pas totalement ouvertes sur toute cette période nous ne pourrons pas le savoir et vu l’anticommunisme de plus en plus présent du président Russe et des autres organes institutionnelles des anciennes républiques on pourrait attendre cet événement pour toujours.

Après la guerre Staline a fait tout son possible pour écarter de l’état du Parti Communiste, avant la guerre le politburo se réunissait au moins deux fois par semaine, on sait qu’en 1950 le politburo s’est réuni 6 fois, 5 fois en 1951 et 4 fois en 1952.

« Aucun congrès du parti ne s'est tenu pendant treize ans entre 1939 et 1952. Après la guerre Staline signait les décisions communes du parti et du gouvernement simplement comme Président du Conseil de Ministres, laissant à l'un des deux autres secrétaires du parti, Zhdanov ou Malenkov signer au nom du parti. »
(Pyzhikov 100)

Cette stratégie n’est peut-être pas la bonne mais Staline a réussi à sécuriser l’état via son statut de secrétaire général jusqu’à sa mort, je pense personnellement que ce n’était pas la meilleure des options. Mais on peut le comprendre :

« Les activités de Staline suggèrent qu'il essayait toujours de soustraire l'état du contrôle direct du Parti. Cependant, s'il en était ainsi, il a abordé cela avec précaution. Peut-être nous pouvons avancer quelques raisons de cette prudence : Afficher un manque de confiance dans le parti serait un mauvais exemple pour les autres pays du monde où les partis communistes n'avaient pas encore pris le pouvoir. Le Comité central et la nomenklatura s'y seraient opposés, comme avant la guerre. Par conséquent, ceci devrait être fait en douceur, avec aussi peu de tension que possible. »
(Mukhin, Ubyistvo 611)

L’ébauche d’un programme pour le parti en 1947

On peut maintenant légitiment se poser la question suivante « Comment Staline voulait démocratiser le parti après ses précédents échecs ? », et bien nous avons maintenant une réponse, une réponse qui reste limitée à cause l’accessibilité aux archives.

Alexandre Pyzhikov, un virulent historien anticommuniste, a commenté des extraits d'une ébauche d'un programme de parti de 1947 pour promouvoir davantage de démocratie et d'égalitarisme. Ce fascinant plan et jusqu'ici tout à fait inconnu, n'a jamais été publié et n'est évidemment pas encore à la disposition d'autres chercheurs.

Pyzhikov récapitule d'autres sections de ce document non publié comme suit :

« En particulier [l'ébauche] concerne le développement de la démocratisation de l'ordre soviétique. Ce plan identifié en tant qu'essentiel pour le processus universel d'entraîner les travailleurs dans la gestion de l'état, dans la gestion de l'état comme activité quotidienne et sociale sur la base d'un développement régulier du niveau culturel des masses et d'une simplification maximale des fonctions de la gestion d'état. »

« Cette ébauche propose dans la pratique de procéder à l'unification du travail productif avec la participation à la gestion des affaires de l'état, par la transition successive des fonctions [de la gestion d’état] à tous les travailleurs. Elle dissertait également sur l'idée de l'introduction de l'activité législative directe par le peuple, pour lequel ce qui suit était considéré essentiel :

Mettre en application le vote et la prise de décision au suffrage universel sur la majorité des questions les plus importantes de la vie gouvernementale dans les sphères sociales et économiques, aussi bien que dans des questions des conditions de vie et du développement culturel ;

Développer largement l'initiative législative de base, en accordant aux organismes sociaux les droits de soumettre au soviet suprême des propositions sur de nouvelles lois ;

Confirmer le droit des citoyens et des organisations sociales à soumettre directement des propositions au Soviet suprême sur les plus importantes questions de politique interne et internationale. »

Toujours selon Pyzhikov, Zhdanov a rendu compte du travail de la commission de planification au plénum du Comité central de février 1947. Il a proposé de réunir le 19ème congrès du parti à la fin 1947 ou 1948. Il également présenté un plan pour simplifier les convocations des conférences de parti une fois par an, avec "le renouvellement obligatoire" d'au moins un sixième des membres du Comité central. Si ce renouvellement en un "turn over" des membres de C.C. étant appliqué, ceci aurait signifié que les premiers secrétaires et d'autres chefs de parti dans le C.C. auraient été moins inamovibles, permettant à du sang neuf d'irriguer le principal corps du parti, facilitant la critique des chefs du parti (Pyzhikov 96).

Ce plan fait écho à plusieurs des idées du « dépérissement de l'état » envisagé dans les séminaires de Lénine sur l'état et la révolution, qui à son tour développe des idées avancées par Marx et Engels. En proposant la participation directe à toutes les décisions essentielles de l'état aux soviétiques et à leurs organisations populaires, et le "renouvellement" – avec au moins le remplacement – d'au moins 1/6 du Comité central chaque année par une conférence du parti, ce plan de parti envisageait le développement de la démocratie dans l'état et dans le parti lui-même. Mais ce plan n'a pas été appliqué. Comme avec les propositions précédentes pour la démocratisation de l'état soviétique et du parti, nous ne connaissons pas les détails de la façon dont ceci s'est produit. Il a été rejeté probablement au plénum du Comité central. Le 19ème congrès du parti a été reporté en 1952. Encore une fois, nous ne savons pas pourquoi. La nature de cette ébauche de plan suggère que l'opposition du Comité central - les premiers secrétaires - puisse en avoir été la cause.

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Le Dix-neuvième Congrès du Parti


Il s'avère que la direction de Staline a fait un dernier effort pour détacher le parti du contrôle de l'état au 19ème congrès en 1952 et juste après au plénum du Comité central. En commençant par Khrouchtchev, la nomenklatura du parti a essayé de détruire toute mémoire de ce congrès.

Sous Brejnev les transcriptions de tous les congrès du parti jusqu'au 18ème ont été publiés. Celles du 19ème congrès n'ont jamais été éditées à ce jour. Staline a prononcé seulement un court discours au congrès qui a été publié. Mais il a fait un discours de 90 minutes au plénum du Comité central qui l'a suivi immédiatement. La transcription de ce plénum et du discours n'ont jamais été édité, excepté des extraits très courts.

Staline a demandé au congrès de changer les statuts du parti et sa structure d'organisation. Parmi ces changements :

• Le nom : "parti communiste (bolchevique) de Toute l'Union" a été officiellement changé en "parti communiste de l'Union Soviétique" s'alignant sur les appellations de la plupart des autres partis communistes dans le monde, rattachant le nom du Parti au pays.
• Un « Présidium » a remplacé le Politburo du Comité central. Ce nom est conforme aux appellations des autres organes représentatifs – comme, par exemple, le Présidium du Soviet suprême. L’appellation « politique » a été supprimée – après tout, le parti dans son ensemble était politique, et pas simplement le principal organe.

Staline mettait en place son plan, il préparait le Politburo du Comité Central à ne plus interférer avec l’état. Ce « politburo » comprenait Président du Conseil de Ministres (le chef du corps exécutif de l'état – c'est-à-dire, le chef d'État); le Président du Présidium du Soviet suprême (le chef du corps législatif); le secrétaire Général du parti (Staline); un ou deux secrétaires supplémentaires du Parti; et un ou deux ministres de gouvernement.
Le politburo se plaçait plus que souvent au-dessus des décisions de l’état, alors que ce n’était pas son rôle, le Présidium devait être le principal organisme du parti communiste seulement puisque le chef d'État et le président du Soviet suprême n'avaient pas de sièges réservés en son sein.

D'autres changements ont été réalisés : Le poste de secrétaire Général – occupé par Staline – a été supprimé.

Maintenant Staline étaitL seulement un de 10 secrétaires du parti. Tous appartenaient au nouveau Présidium, qui maintenant comportait 25 membres et 11 candidats-membres. C'était beaucoup plus que les 9-11 membres de l'ancien Politburo.

Sa plus grande taille lui donnait davantage un caractère délibératif qu'un corps ou de nombreuses décisions exécutives pouvaient couramment et rapidement être prises. La plupart des membres de ce Présidium semblent avoir été des membres du Parti, fonctionnaires du gouvernement, et non les principaux chefs du parti. Khrouchtchev et Malenkov plus tard se sont demandés comment Staline pouvait avoir entendu parler des membres qu'il a présenté pour le premier Présidium, puisqu'ils n'étaient pas les chefs bien connus du parti (c.-à-d. pas les premiers secrétaires). Vraisemblablement, Staline les a nommés en raison de leurs positions dans l'état - par opposition au leadership du parti.

Staline a associé sa démission comme Secrétaire Général du parti, présenté au 19ème congrès, avec sa proposition, au plénum du CC qui a suivi, de démissionner du Comité Central, gardant seulement le poste de chef de l'État (Président du Conseil de Ministres). Si Staline ne siégeait pas au sein du Comité central, mais était seulement chef d'État, les fonctionnaires du gouvernement ne se sentiraient plus contraints d'en référer au Présidium, le corps le plus élevé du Parti. L'acte de Staline enlèverait l'autorité des fonctionnaires du Parti, dont l'intervention dans l'état était inutile, en termes de production. Sans Staline à la tête du parti, le leadership du parti, la nomenklatura, aurait eu moins de prestige.
Dans cette perspective la démission de Staline du Comité central aurait pu être un désastre pour la nomenklatura.

L'absence d'une transcription publiée suggère que des événements se soient produits à ce plénum, et que Staline ait dit des choses dans son discours, que la nomenklatura n'a pas souhaité rendre public. Cela indique également – et il est important de le souligner ceci – que Staline n'était pas "tout-puissant ". Par exemple, la sérieuse critique que Staline fait de Molotov et de Mikoyan à ce plénum n'a été éditée que longtemps après sa mort.

Le célèbre écrivain soviétique Konstantin Simonov était présent en tant que membre de C.C. Il a enregistré la réaction choquée et la panique de Malenkov quand Staline a proposé un vote pour qu'il soit libéré du poste de secrétaire du Comité central. (Simonov, 244-5). Confronté à une opposition bruyante, Staline n'a pas insisté.

Dès qu'ils purent le faire, la direction du Parti a pris des mesures pour annuler les décisions du 19ème congrès du parti. Lors de sa réunion du 2 mars, alors que Staline était encore vivant, bien que sans connaissance, un Présidium réduit – essentiellement, les vieux membres de Politburo – se sont rencontré à la datcha de Staline. Là ils ont pris la décision de réduire le Présidium à 10 membres, au lieu de 25. C'était, fondamentalement, le vieux Politburo qui était reformé. Le nombre de secrétaires du Parti a été à nouveau réduit à cinq. Khrouchtchev a été nommé "coordinateur" du secrétariat, et puis, cinq mois plus tard, "premier secrétaire." Enfin en 1966 le Présidium a été changé de nouveau en Politburo.

Pendant le reste de l'histoire de l'URSS le parti a continué à régner sur la société soviétique, ses éléments les plus hauts placés ont formé une strate corrompue, auto-sélectionnée, et auto-expensive d'élites privilégiés. Sous Gorbatchev ce groupe régnant a supprimé l'URSS, s'octroyant la richesse économique et la conduite politique de la nouvelle société capitaliste. En même temps elle a détruit l'épargne, et a volé les prestations sociales de la classe ouvrière et des paysans soviétiques et tout ce que leur travail avait créé, en s'appropriait l'immense richesse publique de l'URSS.


Edité le 05-05-2021 à 07:03:28 par Revanchard_le_Revanchiste


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   Posté le 05-05-2021 à 07:03:07   

Les tankistes prônant la fusion de l'état et du parti sont dans un délire révisionniste.

Il ne valent pas mieux que Khrouchtchev qui a transformé le parti en "La seule mafia du pays."
Membre désinscrit
   Posté le 23-05-2021 à 04:23:16   

Certaines personnes attachées à la révolution (pas au sens de la révolution conservatrice de Macron, mais au sens de la révolution comme sortie du capitalisme), en particulier les membres du mouvement communiste, en sont venues à adhérer à la contre-révolution kroutchévienne, par paresse intellectuelle et manque de rationalisme et d’esprit critique à l’égard de Kroutchev, pourtant criminel de masse qui a terrorisé les populations de la région de Moscou et de l’Ukraine où il a exercé son secrétariat général du parti dans les années 1930, et à l’égard du contenu et de la véritable signification de la politique dictatoriale et anticommuniste de Kroutchev et de son rapport (dit le rapport secret). Ces personnes ont basculé lamentablement sans critique dans des discours fondés sur le mensonge. Ce faisant, elles ont laissé le champ libre à une idéologie et une histoire fondées sur le mensonge et n’ayant presque plus de contestation ou d’opposition, particulièrement en France. Les crimes et la contre-révolution de Kroutchev, ses conséquences, et aussi la méconnaissance ou le silence sur cette contre-révolution bureaucratique et maffieuse, assimilée au communisme ou au socialisme, constituent une raison des échecs et de la confusion du mouvement populaire mondial, corrélatifs des succès de la domination mondiale des capitalistes.

L’histoire du communisme à l’époque stalinienne est fondée sur le rapport secret de Kroutchev. Au regard des archives et des documents qui sont publiés depuis ce rapport (avec le présupposé méthodologique essentiel en histoire que chaque « fait » doit être accompagné de preuves : il est donc permis de douter d’un « fait » qui n’est pas accompagné de preuves et de le considérer comme un « fait » mensonger, un mensonge), Grover Furr démontre que ce rapport apparaît à la fois comme un tissu de mensonges – aucune des 61 « révélations » sur les crimes de Staline et de Beria (les « faits » n’est une vérité –, et aussi, c’est très important, comme une diversion vers le passé pour cacher le coup d’Etat, c’est-à-dire la prise de pouvoir illégale et de contenu dictatorial et bureaucratique de Kroutchev et du parti communiste soviétique sur le législatif et l’exécutif soviétiques dans la bataille au sein de la direction du parti pour des réformes démocratiques initiée en 1937 par Staline et ses fidèles.

Pour comprendre la raison des mensonges du rapport Kroutchev de la part d’un chef d’État apparemment respectable, particulièrement adulé par les chefs des partis communistes occidentaux, il faut connaître la véritable activité de Kroutchev et de ses complices actifs ou passifs, une minimum de connaissance que ces chefs des partis communistes occidentaux auraient dû acquérir, pour comprendre les significations de ce rapport secret.

En 1920, Kroutchev vote pour la position trotskiste. Il en craint les conséquences pour sa carrière et lui-même se bat avec d’autant plus de zèle contre la « négligence », contre la « perte de vigilance politique », contre l’ »aveuglement politique », etc, comme le font de nombreux hommes politiques de l’époque quand ils veulent dissimuler la virulence de leur opposition à Staline tout en voulant montrer leur grande distance à l’égard de l’opposition terroriste.

Kroutchev, en tant que premier secrétaire de la région de Moscou jusqu’à fin 1937, puis premier secrétaire de l’Ukraine jusqu’en 1946, en complicité avec d’autres premiers secrétaires et avec les membres du NKVD — interprétant faussement un décret de décembre 1934 essayant de régler la multiplication des sabotages, des assassinats politiques, souvent en relation avec l’espionnage allemand et japonais et/ou avec des forces d’opposition, aussi bien dans le gouvernement que dans le parti , même au plus haut niveau — assassine illégalement des dizaines de milliers de communistes innocents à partir de preuves fabriquées d’activités antisoviétiques et d’aveux obtenus sous la torture, laissant une animosité durable à son égard et à l’égard du parti communiste là où il a exercé ses crimes de masse (par exemple en Ukraine entre 1938 et en 1940, 160 565 communistes sont arrêtés, et 54 000 exécutés ; l’augmentation du nombre d’arrestations avec l’arrivée de Kroutchev est justifiée par « l’augmentation de l’activité contre-révolutionnaire des trotskistes droitiers clandestins »). Le souvenir des massacres illégaux de Kroutchev dans la région de Moscou et en Ukraine persiste même après la guerre et après la mort de Staline : il suffit d’interroger les habitants. Kroutchev essaye de se disculper en disant qu’il a commis ces crimes sur ordre de Staline, ce qui est faux, puisque ces crimes étaient illégaux.

Kroutchev, ses fidèles et ses continuateurs affirment qu’il n’y avait pas de complot nazi en URSS, que les trois procès de Moscou étaient fabriqués par Staline, que les aveux étaient obtenus grâce à la torture (ce qui est sûr, ce sont Kroutchev, ses complices secrétaires généraux et membres du NKVD qui ont pratiqué la torture dans les années 1930 et qui ont exécuté les condamnés sans passage devant les tribunaux), Kroutchev donnant une image d’inculpés ayant perdu tout courage et toute honnêteté, cédant à la supposée torture, dénonçant leurs amis et leurs complices pendant tout le déroulement du procès public (vraisemblablement Kroutchev ne peut concevoir ces amis et complices, et les hommes en général, qu’à sa propre image, l’image d’un homme corrompu, sans dignité). Cette absence d’espionnage allemand en URSS affirmée par Kroutchev, cette passivité nazie quasi-bienveillante supposée par Kroutchev, contraste avec l’efficacité de l’action nazie en France par l’intermédiaire de la Synarchie et de la Cagoule pour préparer l’agression contre la France, une Synarchie et une Cagoule constituant des complots dont les complices français anticommunistes et antisémites des nazis nient eux aussi l’existence.
Il est à noter qu’il est maintenant prouvé que Trotsky a participé à des conspirations antisoviétiques en lien avec les nazis. En Espagne, un officier de la Luftwaffe, Harro Schulze-Boysen, membre de l’Orchestre Rouge, apprend dans son travail officiel qu’une rébellion organisée par le POUM (notoirement lié à Trotsky) et des anarchistes antisoviétiques contre le gouvernement espagnol, qualifié par eux de « bourgeois démocratique » et « complice du traître Staline, de sa bureaucratie et de sa dictature », était en préparation pour mai 1937 avec la coopération de la Gestapo et de Franco, et il transmet cette information à une jeune recrue de l’Orchestre Rouge, la journaliste Gisella von Pöllnitz, qui transmet l’information à l’ambassade soviétique à Berlin. En URSS, Toukachevski et Boukharine recevaient des instructions de Trotsky. Trotsky n’a en définitive pas réussi à cacher sa participation à plusieurs complots à l’intérieur de l’URSS ni ses liens avec les nazis.

En 1937 et 1938 la direction de Staline essaye de freiner les répressions illégales initiées par le NKVD et certains premiers secrétaires du parti. Soupçonnant le chef du NKVD, Eizov, le Politburo remplace son secrétaire, Frinovski, par Beria, en août 1938. Le 8 décembre 1938, le chef du NKVD démissionne, remplacé par Beria, qui rétablit la légalité dès novembre 1938. Les rapports sur les répressions illégales et les exécutions en relation avec les directions locales du NKVD et les premiers secrétaires affluent. Eizov est arrêté le 10 avril 1939. Frinovski fait des aveux le 11 avril 1939 : la conspiration d’Eijov pour les assassinats de masse des communistes loyaux est dans la continuité des conspirations révélées par les trois procès de Moscou et l’affaire Toukatchevski. Beria libère les prisonniers innocents, rétablit les droits des prisonniers, en particulier dans les goulags (les goulags dépendent du NKVD). Les membres du NKVD et de nombreux premiers secrétaires auteurs de répressions illégales sont ainsi arrêtés et exécutés avec l’accusation de tortures et de crimes de masse. Kroutchev échappe bizarrement aux arrestations, ce qui prouve que la répression contre les criminels de masse comme Kroutchev a été insuffisante. Jusque très haut dans la hiérarchie du parti communiste, il subsiste des criminels, vraisemblablement membres d’un ou plusieurs complots.

Pendant la guerre, Kroutchev sera un des trois responsables de la défaite militaire de Kharkov qui a eu pour résultat terrible de livrer à l’ennemi 18 divisions.

La plupart du temps les condamnés pour crimes de masse avouent, en plus de leurs tortures et de leurs assassinats, faire partie d’une conspiration. Il y avait plusieurs conspirations menant des actions terroristes (meurtre de Kirov, sabotages, assassinats, etc.), souvent en relation avec l’Allemagne, la Pologne ou le Japon (Trotsky est souvent impliqué), avec l’objectif de prendre le pouvoir. Ces conspirations sont dans la continuité de la guerre civilo-étrangère de 1918 à 1921 qui avait fait 7 millions de morts (Annie Lacroix-Riz nomme cette guerre civile une « guerre civile extérieure », c’est-à-dire importée de l’extérieur, sans déclaration de guerre, sous prétexte d’ingérence humanitaire, comme le sera la guerre d’Espagne, où l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie soutiennent le complot franquiste contre le gouvernement de l’Espagne républicaine, un gouvernement à qui Franco reproche de comporter des communistes, intervention nazie et fasciste en complicité avec Léon Blum et Chamberlain, qui ne pratiquent donc pas une « politique de non-intervention » mais une politique de blocus et d’étranglement de l’Espagne républicaine, seule l’URSS apportant une aide en avions et en tanks). Selon les membres de ces conspirations, pour couvrir leurs activités, il s’agissait non seulement d’aduler Staline de manière spectaculaire, mais de faire du zèle, d’en rajouter dans la poursuite des soi-disant comploteurs antistaliniens ou antisoviétiques du parti, de faire du chiffre en nombre d’arrestations, de montrer sa vigilance en exagérant le danger complotiste, ce qui en même temps permettait d’affaiblir le parti communiste en excluant du parti les communistes honnêtes, pour préparer la prise du pouvoir ou l’intervention étrangère. Dans certaines régions, presque tous les communistes sont exclus et parfois exécutés, toujours sur des preuves fabriquées.

Kroutchev faisait vraisemblablement partie d’une de ces conspirations (cette hypothèse expliquerait bien des choses), peut-être la conspiration de Boukharine. Boukharine a avoué être à la tête d’une conspiration, mais il n’a dénoncé aucun de ses co-conspirateurs, sauf Toukachevski, une fois que celui-ci a été arrêté.

Kroutchev est inquiet. Chtcherbakov, son successeur à Moscou, qui a réintégré dans le parti presque tous les communistes qu’il avait exclus (évidemment les communistes que Kroutchev n’avait pas exécutés), peut le compromettre : bizarrement, il meurt, les médecins l’ayant mal soigné. Cela arrange bien Kroutchev.
Jdanov sera lui aussi mal soigné (un médecin avouant l’avoir fait volontairement), et il en est de même de Staline, laissé sans soins pendant un ou deux jours après un AVC, absence de soins dans lequel serait impliqué Kroutchev (c’est le véritable complot des blouses blanches, pas celui qui a permis de suggérer faussement l’antisémitisme de Staline, sauf à identifier de manière raciste antisionisme et antisémitisme).

Déjà avant la mort de Staline, comme s’il était habitué aux complots, Kroutchev organise plusieurs complots. Pendant l’agonie de Staline, Kroutchev participe en 1953 à un complot, exactement un coup d’État au sein du parti, abolissant la présidence élargie qui venait d’être approuvée au Congrès précédent, une abolition sans vote, sans discussion.

La même année, juste après la mort de Staline, c’est le coup d’Etat, où Kroutchev est l’élément moteur derrière le complot qui assassine Beria et les fidèles de Staline, sans aucun procès public, sans même aucune justification publique. Kroutchev est un habitué des exécutions sans procès, les dizaines de milliers d’exécutions sans procès et de tortures de communistes dans les années 1930 dans la région de Moscou et en Ukraine. Ce coup d’État sanglant de 1953 est reçu comme une transition politique normale par les anticommunistes, mais aussi par une partie majoritaire du mouvement communiste !

Tout ensanglanté de sa prise de pouvoir, Kroutchev interdit aux autres membres du Politburo d’accéder aux documents étudiés par les commissions de réhabilitation constituées par les fidèles de Kroutchev (sont réhabilités essentiellement les complices de Kroutchev dans les crimes de masse des années 1930), détruit avec ces fidèles les documents concernant son rôle dans les répressions massives de la fin des années 1930 ainsi que les documents qui pourraient mettre en doute le nouveau discours et les nouvelles pratiques, et le rapport secret qui en constitue un aspect : il s’agit bien encore d’un complot organisé par Kroutchev.

Le rapport secret a pour premier objectif de faire porter la responsabilité des crimes de masse commis par Kroutchev et ses semblables sur Staline et Beria (alors que Staline recommandait de traiter les opposants de manière non brutale et au cas par cas, particulièrement en développant les écoles du parti, et que l’arrivée de Beria à la tête du NKVD a mis fin à cette Grande Terreur développée par le NKVD et certains premiers secrétaires) et comme deuxième objectif de détourner l’attention vers le passé pour cacher la prise du pouvoir par le parti, avec le soutien des premiers secrétaires du parti qui veulent garder leurs privilèges et leurs indemnités, face aux réformes démocratiques que commençaient à mettre en place Staline et ses fidèles.
Staline venait en effet de réduire de moitié les indemnités des membres du parti : Kroutchev rétablit les indemnités d’autrefois, en payant en plus le manque à gagner de la période de diminution des indemnités. Il s’agissait pour Staline de réduire le pouvoir du parti au profit du législatif – le Soviet – et de l’exécutif – le gouvernement (revenir à la demande bolchevique de 1917 « tout le pouvoir aux soviets »). Déjà en décembre 1936, Staline proposait au Politburo — contre la bureaucratie, contre la cooptation familiale ou amicale, contre le contrôle d’un parti incompétent sur le gouvernement et les élections, contre des politiques gouvernementales mauvaises — des élections législatives avec scrutin secret, universel, égal, direct et trois candidats par poste (dont des candidats issus de groupes citoyens basés sur la résidence, l’affiliation religieuse ou idéologique, ou la profession, y compris les anciens groupes d’opposition dans la guerre civilo-étrangère de 1918 à 1921, y compris les anciens criminels), en bref plus de démocratie dans la gouvernance de l’État, dans le parti et dans les syndicats. Ces propositions de Staline et de ses proches pour diminuer le rôle du parti n’avaient pas abouti à cause de l’opposition des premiers secrétaires et des anciens communistes, incapables de se remettre en question (« Staline viole la dictature du prolétariat et adopte les conceptions bourgeoises de la démocratie »), et à cause aussi de la panique entraînée par la découverte de complots au plus haut niveau du parti et de l’armée (même si Staline disait que les complots étaient déjoués), poussant certains secrétaires généraux et les membres du NKVD à prendre eux-mêmes l’initiative, sans consulter le Politburo, de répressions illégales contre les soi-disant ennemis de l’intérieur, avec des exécutions de militants communistes sans procès, après des aveux inventés ou obtenus sous la torture. Tout ceci constituait pour les propositions de démocratisation de Staline et de ses proches une défaite, et d’ailleurs la situation devenait hors contrôle (ce n’était pas la première fois que Staline était contesté, lui qui avait proposé sa démission au Politburo trois ou quatre fois, des démissions à chaque fois refusées, mais c’est la première fois que la situation était hors contrôle, Staline recevant du Mexique un télégramme de Trotsky lui disant que c’était la fin de son règne).

La contre-révolution de Kroutchev ne concerne pas seulement la démocratie : Kroutchev va introduire le marché noir, l’agriculture intensive, des privilèges pour les membres de l’aristocratie du parti, la répression sanglante des manifestations ouvrières et étudiantes, les pressions sur les partis communistes pour qu’ils respectent les mensonges du régime et le silence sur ses corruptions, avec la rupture avec la Yougoslavie et la Chine, avec l’agression militaire contre la Hongrie, la construction du mur de Berlin, l’installation de fusées à Cuba sans en informer les dirigeants cubains, etc, ce qui donne une image impérialiste de l’URSS.
Insistons sur l’introduction par Kroutchev d’une agriculture intensive, c’est-à-dire d’une agriculture utilisant les pesticides, les engrais chimiques, la monoculture et la délocalisation, une agriculture sur le court terme qui détruit les sols en utilisant l’agrochimie. Kroutchev prend modèle sur l’agriculture des États-Unis, pour une agriculture « normale ». Il lance la campagne des terres vierges en 1956, avec comme résultat par exemple la catastrophe de la mer d’Aral. Il met en cause les réserves naturelles mises en place par Lénine et Staline. Il s’agit d’une rupture par rapport à l’agroécologie pratiquée par Lénine puis Staline et leurs fidèles, une agriculture de long terme destinée à arrêter les famines, une agriculture assurant la souveraineté nationale, une agriculture alimentant le marché local, n’utilisant pas de pesticides et d’engrais chimiques, utilisant les arbres comme écran, une agriculture coûteuse dans la mesure où elle développe la polyculture, c’est-à-dire la nécessité de nombreuses machines et l’existence de collectifs de travailleurs formés à l’agronomie, à la pédologie, à la génétique des plantes (ces collectifs sont surtout ce qu’on appelle les kolkhozes à qui l’État donne en usufruit la propriété privée des terres qu’ils exploitent). Le sol est considéré comme une usine qui doit satisfaire les besoins des plantes. Il s’agit d’améliorer la qualité des sols et de trouver les meilleures plantes. Il s’agit d’assurer non la décroissance mais un développement écologique pour satisfaire les besoins humains, ce qui n’a rien à voir avec le productivisme. Un des maîtres à penser de cette agriculture stalinienne est Vladimir Vernadsky, un scientifique et politicien du parti cadet (Parti constitutionnel démocratique), revenu d’exil en 1926, qui n’a jamais adhéré au parti communiste (comme Pavlov et beaucoup d’autres savants soviétiques) et qui a eu des obsèques nationales à sa mort en 1945. On est loin des écologistes non humanistes qui se contentent de parler de la défense de l’environnement, sans aborder les problèmes du développement de l’agriculture pour assurer la nourriture et la santé des populations, sinon en prônant la « décroissance ».

Insistons aussi sur l’introduction par Kroutchev d’une économie privée parallèle de type capitaliste consistant en une production et un échange ayant pour but de générer des profits privés, une seconde économie qui va prendre jusqu’à 25 pour cent de l’économie totale de l’URSS. Cette seconde économie faite de transactions privées, de productions privées, de propriétés privées illégales se fait dans un contexte où la propriété privée lucrative est interdite (évidemment la propriété privée individuelle est légale puisque par exemple 25 pour cent de la terre cultivée appartient en toute légalité socialiste au privé). Environ 15 pour cent de la population soviétique va se faire beaucoup d’argent avec ces transactions privées illégales. Les millionnaires de cette petite bourgeoisie ont intérêt à étendre le secteur capitaliste illégal et font pression pour cela sur les administrations et sur le parti. C’est alors le développement d’une corruption généralisée au sein du parti avec la connivence des cadres, les pots-de-vin, les enveloppes brunes. Pour cette mafia, ce qu’on va appeler la nomenklatura, cette économie illégale de type capitaliste a un effet stabilisateur et n’est pas contraire au socialisme, et il n’est pas nécessaire de la contrôler ni de sanctionner les illégalités, de même qu’il n’y a pas d’ennemi du socialisme à l’extérieur ou à l’intérieur, que l’anticommunisme n’existe pas. Ce sont les mêmes qui sont fascinés par les pays capitalistes et qui, d’un point de vue historique, considèrent Staline et les staliniens comme des monstres, des criminels et des bureaucrates, et eux-mêmes comme les véritables marxistes, révolutionnaires et démocrates, qui considèrent qu’il n’y a pas eu l’intervention de 14 puissances étrangères sur le territoire de l’URSS entre 1918 et 1921, qui considèrent qu’il n’y a jamais eu de complot antisoviétique dans les années 1930, ni de complot nazi, ni de complot de droite, ni de complot trotskyste, et que par conséquent les procès de Moscou ne sont pas à prendre en considération par les historiens, etc. Avec l’arrivée sanglante et contre-révolutionnaire de Kroutchev et de ses fidèles au pouvoir de l’État soviétique et à la tête du mouvement communiste, l’anticommunisme, le mensonge, la bureaucratie, la nouvelle orthodoxie et ce qui constituait le contenu des complots antisoviétiques des années 1930 deviennent, au-delà des discours révolutionnaristes, la structure idéologique et pratique véritable du régime soviétique et du mouvement communiste. Les communistes qui refusent la corruption tout en ne comprenant pas la nature contre-révolutionnaire des pouvoirs de Kroutchev et de ses fidèles à l’intérieur comme à l’extérieur s’excluent petit à petit d’un parti communiste soviétique de moins en moins communiste et qui contient de moins en moins de véritables communistes. Pendant ce temps, les membres de la nomenklatura se cooptent entre eux : ils sont prêts pour un passage en douceur au capitalisme.
Une fois au pouvoir, Kroutchev continue les mêmes méthodes qu’il pratiquait dans les années 1930 et après : par exemple, il demande à deux généraux de faire des faux témoignages, et comme ces généraux refusent, Kroutchev les fait condamner à mort (pour échapper à la mort, le premier simule la folie et le deuxième se suicide) ; Kroutchev fait condamner à mort un juge qui était susceptible d’enquêter sur les crimes de masse des années 1930.

Il est intéressant de savoir que les chefs des partis communistes occidentaux auraient pu avoir une connaissance de ce qu’avait fait et ce que faisait Kroutchev : par exemple, l’élimination de Beria et des fidèles de Staline s’est faite sans procès, mais la mort de ces communistes, dont Beria, le successeur désigné de Staline, a été annoncée dans la presse soviétique, ce qui, curieusement, n’a pas intrigué ces dirigeants communistes occidentaux. Grover Furr note le manque d’énergie, la passivité relative des opposants à Staline au Politburo (il y avait peut-être aussi la peur d’être assassiné par Kroutchev et sa bande, un manque de courage et d’honnêteté qui n’est pas glorieux pour un communiste), ce manque d’énergie, cette passivité, ce manque de sérieux et d’attitude critique élémentaire, cette paresse intellectuelle, peut aussi qualifier ces chefs des partis communistes et ces intellectuels occidentaux qui ont été incapables d’analyser la très curieuse arrivée sanglante de Kroutchev au pouvoir, ni de discerner les mensonges du rapport Kroutchev, ni de mettre à jour la politique anticommuniste et maffieuse de Kroutchev et de ses continuateurs complices, jusqu’à trouver normales et habituelles les corruptions répétées et même les crimes, pour ne pas parler des autres hommes politiques et intellectuels occidentaux soi-disant attachés à l’honnêteté intellectuelle, aux droits de l’homme et à la rigueur méthodologique en histoire (il existe heureusement des historiens communistes, non communistes et même anticommunistes attachés avant tout à la rigueur méthodologique de leur discipline, particulièrement dans le monde anglo-saxon).

Le mensonge et le silence sur les corruptions, puisqu’ils sont acceptés même par un mouvement communiste très crédule, devient en Occident, particulièrement en France, une méthode efficace pour gouverner et abuser les populations, et même cette méthode du mensonge et du secret, propre à de nombreuses activités capitalistes, par exemple courante et pratiquement non sanctionnée en publicité, peut devenir sans problème une seconde nature en politique et en histoire, puisqu’il n’y a plus d’opposition communiste suffisante.

Dans le mouvement communiste, les intellectuels et les dirigeants se mettent à chercher une explication aux « faits » inventés par Kroutchev et développés par l’anticommunisme, ces « faits » sans preuve des crimes de Staline et de Beria, des « faits » dont ces intellectuels et dirigeants ne doutent pas, qu’ils considèrent comme réels, d’où une prolifération d’études « marxistes théoriques » opportunistes, basée sur des « faits » non réels. On découvre brusquement que Staline n’avait pas été fidèle à Lénine en reprenant la fable inventée autrefois par Trotsky du testament de Lénine, si besoin en falsifiant les textes. On découvre, toujours à la suite de Trotsky, que la pensée théorique de Staline était faible et que « son » régime n’était pas communiste, mais bureaucratique et sanguinaire. On discerne et on stigmatise tout à coup et un peu partout des « staliniens », des penseurs « staliniens », des méthodes « staliniennes », on affirme haut et fort n’être pas « stalinien » ou on avoue l’avoir été et ne plus l’être. Parallèlement on cache avec pudeur la faiblesse consternante de la pensée de Kroutchev, le véritable « stalinisme » des méthodes et des discours de Kroutchev et de ses fidèles, et par là même son propre « stalinisme » (bizarrement, le stalinisme, tel qu’il est défini par les rénovateurs et les anticommunistes, ne s’applique pas à Staline et à ses fidèles, si on se réfère aux sources). Désormais, il est hors de question d’étudier la théorie et la pratique de Staline : il faut faire un retour à Lénine. Bientôt, il ne sera plus question d’étudier Lénine qui ne satisfait pas aux critères du purisme révolutionnariste : ce sera le retour à Marx et Engels, puis, comme il y a des traces de « stalinisme » chez Engels (Engels est une préfiguration du stalinisme, et même Hegel et Descartes !), le retour au seul Marx, et pas tout Marx, et un Marx lu selon le contre-modèle stalinien, et la mise au pilori sans discernement, par rapport à Marx, de tout ce qui a été développé théoriquement et pratiquement, de toutes les expériences révolutionnaires qui ont essayé plus ou moins bien d’actualiser et parfois de corriger. On refonde le marxisme jusqu’à supprimer les écoles du parti et les revues théoriques indépendantes. On rejette les expériences de sortie du capitalisme dans la mesure où elles ne satisfont pas au nouveau credo théorique révolutionnaire ou à la « visée communiste ». On fait l’éloge de la complexité tout en refusant de voir la complexité d’une gestion de sortie du capitalisme pour n’en retenir qu’une caricature, des à-peu-près, des on-dit, au mépris de toute rigueur de pensée, de tout rationalisme, et on est heureux, conforté et gratifié d’être en phase avec la pensée dominante, d’y rencontrer une reconnaissance.

Tout cela constitue un amoncellement de demi-fictions pour rendre compte des fictions imaginées par Kroutchev et les anticommunistes (la littérature anticommuniste commence dès 1918 ; elle est constituée par les textes des agresseurs de 1918 à 1921 et des responsables du cordon sanitaire, en relation avec les opposants politiques russes à l’URSS de Lénine puis de Staline, les textes des « historiens » nazis et fascistes, les textes des responsables occidentaux de la Guerre Froide : il suffit de consulter les bibliographies; Kroutchev et ses fidèles et successeurs à l’intérieur et à l’extérieur ne font que reprendre et alimenter ces textes, avec le même manque de rigueur dans l’établissement des faits). On a donc toute une littérature fondée sur des mensonges, une littérature qui doit être cohérente avec les mensonges supposés vrais, une littérature qui, elle, est à jeter à la poubelle. Il faut tout revoir. Se remettre entièrement en question, sortir de ce piège, on comprend que cela soit difficile ! Ce qu’on considérait depuis toujours comme des faits indubitables, évidents, et des faits qui fondaient toute une philosophie et une pratique politiques, se révèlent être des faits mensongers, des mensonges, une immense mythologie qui sert de support, de qu’en-dira-t-on et de toile de fond à la pratique politique, artistique et médiatique, et à la formation de la jeunesse.

En ce qui concerne la France, il serait intéressant de réexaminer à partir des archives du mouvement ouvrier la perception plus ou moins schématique que pouvaient avoir les militants de ce qui se passait en URSS et dans le monde, plus spécifiquement leurs positions par rapport aux conflits politiques en URSS puis dans les pays communistes (si ces conflits étaient perçus). Par exemple, les militants percevaient-ils le débat sur la démocratie en URSS, et s’ils le percevaient, quelles étaient leurs positions ? En 1953, ont-ils perçu le coup d’Etat en URSS et comment ont-ils réagi ?

Il s’agit maintenant d’être le plus rigoureux possible, d’abandonner les à peu près, d’être au plus près de la vérité, y compris sur ses propres erreurs et sa propre histoire, si la gauche veut retrouver un contact avec la population, une population dont il ne faut pas sous-estimer l’intelligence et la perception de la réalité.

Pour terminer, faisons deux remarques, pour éviter les amalgames. Premièrement, l’accusation de « stalinisme »de certains modes de pensée et de raisonnement doit tenir compte d’abord de la mise en minorité au Politburo de Staline à partir des années 1934 sur de nombreux sujets, mise en minorité accompagnée par les désordres générés par les complots droitiers ou trotskistes, complots souvent financés par les nazis, ensuite, à partir de 1953, de la dictature explicite de la bande à Kroutchev (celle qui mettait en minorité Staline depuis 1934), une dictature à l’origine d’un marxisme-léninisme complètement instrumental et dégénéré. Deuxièmement, les liens de Trotsky avec les nazis et la véritable histoire de l’URSS ne sont connus historiquement sérieusement que très récemment, si bien que les soutiens à Trotsky, les partisans du trotskisme, les antistaliniens, les dénonciateurs des régimes et des fonctionnements des pays socialistes sont à considérer en relation avec leurs connaissances historiques.

Le paradigme anti-Staline de l’histoire soviétique, c’est-à-dire toute l’historiographie de l’époque stalinienne basée sur le rapport Kroutchev et ses suites, ne fait que continuer les interprétations de la réalité soviétique des trotskistes, des menchevik et des immigrés soviétiques, mais comme il est accepté par le mouvement communiste, il devient le paradigme dominant de l’histoire soviétique.



Pas une seule déclaration des « révélations » de Kroutchev sur Staline ou sur Beria ne s’est avérée exacte. Toutes celles qui sont vérifiables se révèlent fausses. Il apparaît que Kroutchev n’a pas seulement menti sur Staline et Beria, il n’a pratiquement fait que cela. L’ensemble du rapport secret est un tissu de mensonges.

Réfuter l’ensemble du rapport de Kroutchev veut dire en même temps remettre en question tout le paradigme historique de l’histoire soviétique de la période stalinienne. La logique voudrait une révision complète de l’histoire soviétique et même de l’histoire du monde. Il serait plus facile de croire que ce livre a été fabriqué, qu’il cache la vérité, qu’il travestit les choses, exactement comme Kroutchev l’a fait, et ce travail pourrait être ignoré et le problème s’évanouirait.

Le paradigme anti-Staline de l’histoire soviétique continue les interprétations de la réalité soviétique des trotskistes, des mencheviks et des immigrés soviétiques, mais comme il a été accepté par le mouvement communiste, il devient le paradigme dominant de l’histoire soviétique.

Le rapport secret n’est pas seulement le document fondateur du paradigme, mais sa métonymie : démontrer que les déclarations de Kroutchev sont fausses est interprété comme une démonstration que toutes les autres composantes de ce paradigme sont fausses.

Kroutchev remplace le très bon Staline du culte par le mythe trotskiste du très mauvais Staline, meurtrier de masse.



Certains admettent quelques erreurs dans le rapport Kroutchev, mais reconnaître que tout, absolument tout le rapport n’est qu’un tissu de mensonges, c’est discréditer « l’homme courageux qui a écrit un rapport révolutionnaire », c’est remettre en question toute l’histoire récente, c’est remettre en question la légende noire de Staline, c’est sortir du mythe.


Dire que toutes les révélations de Kroutchev sont fausses, c’est ne pas entrer dans le paradigme dominant pour qui Kroutchev conserve une humanité, une grandeur humaine, un courage, une générosité, une lucidité marxiste, avec un rapport Kroutchev qui constitue une grande action, une action courageuse et innovante dans l’histoire du communisme, une révolution (pour ne pas dire une contre-révolution).

Avec le rapport secret, Kroutchev veut empêcher quiconque de découvrir son rôle dans les répressions de masse en portant l’accusation sur Staline. Avec les réhabilitations, Kroutchev veut atténuer l’animosité à son égard à Moscou et en Ukraine, et ces réhabilitations permettent à Kroutchev de dire faussement que les personnes qu’il cite dans son rapport sont des victimes innocentes de Staline et de Beria.

Kroutchev veut changer de politique (réformes orientées vers le marché, orientation vers les biens de consommation, abandon de la marche au communisme, théorie que le capitalisme peut être dépassé pacifiquement). Kroutchev utilise ses accusations contre Staline et Beria comme une arme contre les autres membres de la direction collective. Kroutchev veut fermer la porte à toutes les réformes démocratiques que commençait à mettre en place Staline, et il est soutenu par les premiers secrétaires qui veulent garder leurs privilèges. Le rapport secret permet de détourner l’attention vers le passé pour cacher la prise du pouvoir par le parti.

Kroutchev est l’auteur de crimes de masse dans les années 1930, dans le cadre d’une troïka composée de lui-même, secrétaire général du parti, d’un dirigeant local du NKVD et d’un juge.

Kroutchev est un des premiers secrétaires qui a assassiné des dizaines de milliers de communistes dans la région de Moscou et en Ukraine, et il est un des seuls à ne pas avoir été arrêté et exécuté pour ses répressions illégales. Par ailleurs, Kroutchev a dû faire partie de la conspiration de Boukharine, ce qui expliquerait tous les faits le concernant. Les répressions massives des communistes permettent d’apparaître plus fidèle que les fidèles, de couvrir les activités conspiratrices, de propager le mécontentement à l’égard du système soviétique afin de faciliter des rébellions en cas d’invasion étrangère.

Kroutchev est un habitué des complots.

Kroutchev participe en 1953 à un complot, exactement un coup d’État au sein du parti abolissant la présidence élargie qui venait d’être approuvée au congrès précédent, sans vote, sans discussion.

La même année, Kroutchev est l’élément moteur derrière le complot visant à assassiner Beria et les fidèles de Staline.

Une fois au pouvoir, Kroutchev interdit aux autres membres du Politburo d’accéder aux documents étudiés par les commissions de réhabilitation constituées par ses fidèles, détruit avec ses fidèles les documents concernant son rôle dans les répressions massives de la fin des années 1930 ainsi que les documents qui mettent en doute le rapport secret.

Le mouvement communiste ne peut pas se corriger sur des mensonges, c’est-à-dire sur quelque chose qui n’existe pas.

Tous les documents et les études de l’époque de Kroutchev sont à revoir.

Le mouvement communiste intègre les mensonges de Kroutchev et de Trotsky sur les crimes de Staline comme des vérités, et entreprend ensuite de se corriger, mais on ne peut pas se corriger sur des mensonges, sur le saccage de la vérité.

Kroutchev non seulement cherche des avantages personnels comme tout dirigeant des pays capitalistes, mais c’est un criminel, un voyou qui attribue à Staline les crimes qu’il a lui-même commis avec ses complices, secrétaires généraux du parti et membres du NKVD.

Les succès et les échecs de Staline n’ont pas encore été découverts : ils sont à étudier.

Les propos de Trotsky apparaissent du même niveau que ceux de Kroutchev : ils ne sont pas « confirmés » par Kroutchev, puisque tout est mensonge chez Kroutchev. On peut seulement dire que Kroutchev a adopté certains mots, certaines expressions, certaines positions et certains thèmes de Trotsky, et tout reste à travailler avec des preuves.




[...]

61 affirmations de Kroutchev sur Staline sont des mensonges.


J’ai (Grover Furr) fait la découverte que pas une seule déclaration des « révélations » de Kroutchev sur Staline ou sur Beria ne s’est avérée exacte. Toutes celles qui sont vérifiables se révèlent fausses. Il apparaît que Kroutchev n’a pas seulement menti sur Staline et Beria, il n’a pratiquement fait que cela. L’ensemble du rapport secret est un tissu de mensonges.

Réfuter l’ensemble du rapport de Kroutchev veut dire en même temps remettre en question tout le paradigme historique de l’histoire soviétique de la période stalinienne. La logique voudrait une révision complète de l’histoire soviétique et même du monde. Il serait plus facile de croire que j’avais fabriqué le livre, caché la vérité, que je travestissais les choses, exactement comme j’accuse Kroutchev de l’avoir fait. Puis mon travail pourrait être ignoré et le problème s’évanouirait.


1 Staline s’est toujours opposé à un culte à son égard (par exemple des éloges excessifs), un culte qui couvrait souvent des activités d’opposition. Certains disent que Staline était hypocrite, que s’il avait voulu mettre un terme au culte, il aurait pu le faire, argument qui suppose Staline autocrate, tout-puissant, ce que le culte devait faire de Staline. Le culte a été initié par des opposants pour couvrir leurs activités.

Kroutchev : il est intolérable d’exalter une personne et d’en faire un surhomme. Ce sentiment à l’égard d’un homme, et singulièrement l’égard de Staline, a été entretenu parmi nous pendant de nombreuses années. Le culte de la personnalité de Staline n’a cessé de croître, devenant la source de toute une série de perversions.

Kroutchev ne précise pas clairement que Staline a promu le culte en question. Il sous-entend ou plutôt il tient pour acquis ce qu’il aurait dû prouver, que Staline aurait lui-même favorisé ce culte. Kroutchev se montre incapable de citer un seul exemple de la façon dont Staline aurait encouragé ce culte. Le discours de Kroutchev est construit sur ce mensonge. Il faut dès maintenant mentionner que le cadre explicatif de Kroutchev (la notion d’un culte construit par Staline et à la suite duquel l’ensemble de ses prétendus crimes aurait pu être commis en toute impunité est lui-même faux. Les faits démontrent que non seulement Staline n’a pas construit de culte autour de sa personne, mais qu’il n’a pas commis les crimes et les méfaits que Kroutchev lui impute. Staline s’est opposé au culte « dégoûtant » développé autour de sa personne. Certains font valoir que l’opposition affichée par Staline à son propre culte pouvait n’être qu’hypocrisie. Après tout, Staline était si puissant que s’il avait vraiment voulu mettre un terme au culte, il eût pu le faire. Mais cet argument suppose ce qu’il doit prouver. Supposer que Staline était si puissant, c’est également supposer qu’il était en fait ce que ce culte voulait en faire : un autocrate avec le pouvoir suprême sur tout et tout le monde en URSS.

Par exemple, l’ancien premier secrétaire du parti communiste géorgien, puni et marginalisé par Kroutchev, fait de fréquents commentaires sur l’aversion de Staline pour le culte.

Il est un fait que les opposants à Staline ont initié le culte ou y ont participé pour couvrir leurs activités d’opposition. Boukharine admet qu’il avait exhorté les anciens opposants à faire référence à Staline avec des éloges excessifs. L’ancien trotskiste Radek est l’auteur en 1934 du premier exemple du culte (Staline le modèle du parti, les os de ses os, le sang de son sang, aussi clairvoyant que Lénine). En 1932, 1936 et 1137, Kroutchev parle de Staline comme le Führer, le phare qui guide toute l’humanité.


2 Kroutchev invente une dissension entre Lénine et Staline, reprenant une accusation de Trotsky sur la base de ce que Trotsky appelle le « testament de Lénine ».

Kroutchev écrit que Lénine jugea qu’il était nécessaire d’envisager d’enlever à Staline son poste de secrétaire général parce qu’il abusait de son pouvoir. En réalité Lénine écrivait qu’il n’était pas certain que Staline serait toujours en mesure d’utiliser ce pouvoir avec les précautions requises.

En 1925, Trotsky affirme que Lénine n’avait pas laissé de testament ni des volontés. Dans les années 1930, Trotsky change d’avis et parle du « testament de Lénine ».

Kroutchev cite une lettre de la femme de Lénine à Staline du 23 décembre 1922 et d’une lettre de Lénine à Staline du 5 mars 1923 (vraisemblablement un faux). Dans cette dernière lettre, Lénine reproche à Staline d’avoir réprimandé sa femme. Deux semaines plus tard, la femme de Lénine dit à Staline que Lénine demande à Staline de lui procurer des capsules de cyanure. Staline accepte, mais le 23 mars indique au Politburo qu’il ne peut se résoudre à le faire « aussi humain que ce soit ». Lénine a toujours fait confiance et compté sur Staline : il n’y a eu aucune rupture entre eux.

Lénine subit des lésions graves le 25 mai 1922, les 22 et 23 décembre 1922 et la nuit du 17 mars 1923. Le 18 décembre 1922 le Politburo confie à Staline à responsabilité de la santé de Lénine et interdit à quiconque de discuter politique avec lui. La femme de Lénine viole cette règle le 22 décembre et est réprimandée par Staline le 22 décembre. Le 5 mars 1923, la femme de Lénine indique à Lénine que Staline lui a parlé rudement en décembre. Deuxième violation de la part de la femme de Lénine. Lénine écrit à Staline, Staline s’excuse, mais il ne pardonne pas à la femme de Lénine. Lorsque la femme de Staline se suicide en 1932, la femme de Lénine écrit à Staline qu’elle se souvient des discussions avec lui dans le bureau de Lénine pendant sa maladie, des discussions qui lui ont donné du courage à l’époque : la femme de Lénine se réconcilie avec Staline. La secrétaire de Lénine parle de l’importance énorme de Staline. La sœur de Lénine lui disait que Staline était la personne la plus intelligence du parti, une autorité pour nous. Nous avons adoré Staline. Il était un grand homme. Pourtant, il disait souvent : je ne suis qu’un élève de Lénine.

Kroutchev essaye simplement de donner de Staline une mauvaise image et non de transmettre une compréhension de ce qui s’était passé. Il prend la lettre de Lénine à Staline hors de son contexte et ce faisant, il déforme la réalité. Il omet que le comité central avait demandé à Staline de s’assurer du fait que Lénine restât isolé de toute question politique pour raisons de santé, une interdiction qui mentionnait la famille et les proches. Kroutchev ne mentionne pas la réponse de Staline ni la demande de Lénine à Staline concernant le poison. Kroutchev déforme le contexte de la note de Lénine à Staline, et fausse l’apparence de la relation de Lénine avec Staline, en omettant les comptes-rendus de la sœur de Lénine, des secrétaires de Lénine et de la femme de Lénine..

3 Kroutchev accuse faussement Staline d’abandonner la collégialité dans les décisions.


Kroutchev dit que Staline ne tolérait absolument pas la direction et le travail collectifs, qu’il pratiquait la violence brutale, non seulement contre tout ce qui s’opposait à lui, mais aussi contre tout ce qui paraissait, à son esprit capricieux et despotique, contraire à ses conceptions, qu’il agissait non par la persuasion, l’explication et de la patiente coopération avec les gens, mais en imposant ses concepts et exigeant la soumission absolue à son opinion. Quiconque s’opposait à cette notion ou tentait de prouver son point de vue et la justesse de sa position était voué à l’élimination de la direction collective et à l’anéantissement moral et physique ultérieur.

Pour Joukov, Staline ne prenait pas les décisions stratégiques et militaires unilatéralement : il tenait compte des remarques, renonçant à sa propre opinion. Son style de travail était pragmatique, chacun pouvant exprimer son opinion sans être nerveux. Staline traitait tout le monde de la même façon. Il savait écouter attentivement. Lui-même était laconique et n’aimait pas la verbosité chez les autres. Chacun avait la pleine capacité de s’exprimer et de défendre son opinion. Nous avons rencontré de la part de Staline une compréhension, une attitude raisonnée et patiente, même quand nos déclarations lui étaient manifestement désagréables. Il a également été attentif aux propositions faites par les généraux, écoutant avec intérêt les désaccords, extrayant intelligemment cette part de vérité qui l’a aidée plus tard à formuler ses décisions finales. Toutes les questions ont été décidées de manière collégiale au Politburo, où il n’y avait pas une unanimité tranquille : Staline et ses collègues n’auraient pas pu l’accepter

Staline avait l’air très bon et était très gai. Il plaisantait, riait, et il était très démocratique.

Le 19 août 1924, Staline déclare ne plus pouvoir travailler avec Kamenev et Zinoviev, demande un congé de maladie de deux mois et d’être envoyé quelque part. Le 27 décembre 1926 Staline demande à être déchargé de la fonction de secrétaire général du comité central, n’ayant plus la force d’y travailler. Le 19 décembre 1927 de Staline demande à nouveau qu’on le libère de ses obligations de secrétaire général du comité central, d’autant plus que l’opposition est détruite. Le 16 octobre 1952, Staline pose la question d’être libéré soit du poste de secrétaire général du comité central soit de celui de président du conseil des ministres, du fait de son âge, du surmenage et de l’existence de nouveaux cadres.

4 Staline n’a jamais démis de la direction collective pour désaccord, ce qui n’est pas le cas de Kroutchev.


Pour Kroutchev, Staline n’agissait pas par persuasion au moyen d’explications et de patiente collaboration avec des gens, mais en imposant ses conceptions et en exigeant une soumission absolue à son opinion. Quiconque s’opposait à sa conception ou essayait d’expliquer son point de vue et l’exactitude de sa position était destiné à être retranchée de la collectivité dirigeante et voué par la suite à l’annihilation morale et physique.

Il n’y a pas un seul exemple, au cours de toute la vie de Staline, montrant qu’il ait démis quelqu’un de la direction collective pour désaccord. Contrairement à Staline, Kroutchev a démis des gens de la direction. Le 26 juin 1953 il arrête Beria et ses partisans et les assassine. En juillet 1957, Kroutchev convoque le comité central pour faire démettre Malenkov, Molotov, Kaganovitch et Chepilov, pour la seule raison qu’ils n’étaient pas d’accord avec sa politique et avaient tenté d’obtenir un vote l’écartant de la direction du parti.

Kroutchev et ceux qui l’ont soutenu trouvent une justification ou une expérience pour ne pas être opposé à Staline dans tous les crimes présumés : la menace de l’anéantissement est devenue leur alibi. Ils disent que s’ils avaient tenté de rétablir les normes léninistes du parti ou de demander à Staline de se retirer, ils auraient été anéantis. Un dirigeant chinois demande à Mikoyan, en 1956, pourquoi le parti ne critiquait Staline que maintenant, et le dirigeant soviétique répond que les membres du parti ne l’ont pas fait auparavant, car le faire aurait signifié la mort. À quoi le dirigeant chinois rétorque : « quel est le genre de communiste qui craint la mort ? »


5 A la suite du décret sur la lutte contre la terreur du premier décembre 1934, Staline n’est pas à l’origine d’une répression massive et injustifiée contre les bolcheviques de haut rang, mais les dirigeants du NKVD et des chefs militaires de haut rang, et vraisemblablement Kroutchev, sont impliqués dans une série de complots antigouvernementaux droitiers ou trotskistes, tandis que Kroutchev et les chefs du NKVD sont responsables de répressions massives illégales à Moscou puis en Ukraine contre de nombreux communistes honnêtes : il s’agit, pour couvrir les activités complotistes, de faire du zèle, d’en rajouter contre ce que les comploteurs appellent la négligence, la perte de vigilance politique, l’aveuglement politique.


Pour Kroutchev, c’est exactement pendant cette période (1936-1937-1938) qu’est née la pratique de la répression massive au moyen de l’appareil gouvernemental, d’abord contre les ennemis du léninisme – trotskistes, zinoviévistes, boukhariniens – depuis longtemps vaincus politiquement par le Parti, et également ensuite contre de nombreux communistes honnêtes, contre les cadres du parti qui avaient porté le lourd fardeau de la guerre civile et des premières et très difficiles années de l’industrialisation et de la collectivisation, qui avaient activement lutté contre les trotskistes et les droitiers pour le triomphe de la ligne du parti léniniste. Pour Kroutchev, Staline est l’instigateur de la répression massive et injustifiée contre les bolcheviques de haut rang, à la suite du décret sur la lutte contre la terreur du premier décembre 1934.

Avec Ejov, chef du NKVD de 1936 à la fin de 1938, Kroutchev, qui avait voté en 1920 pour la position trotskiste, est responsable de répressions massives illégales à Moscou puis en Ukraine, malgré les tentatives de Staline et du Politburo de limiter ces répressions. Du fait de son vote pour la position trotskiste, Kroutchev craignait les conséquences et il s’est battu avec d’autant plus de zèle contre la négligence, la perte de vigilance politique, l’aveuglement politique. Tout le monde autour de Kroutchev s’avère être des ennemis du peuple, sauf Kroutchev lui-même. Quand Kroutchev est remplacé à Moscou, il n’y a plus de répression, et quand il arrive en Ukraine, les répressions deviennent massives.

Kroutchev affirme, juste avant de rédiger le rapport secret, qu’aucun complot n’avait eu lieu : tout ceux qui avaient subi la répression étaient innocents. Kroutchev a réhabilité de nombreux dirigeants du parti exécutés, au mépris des preuves que nous avons aujourd’hui, avant même l’examen de la justice. Les indices que nous avons actuellement tendent à montrer l’existence d’une série de complots antigouvernementaux droitiers-trotskistes impliquant de nombreux dirigeants du parti, dont vraisemblablement Kroutchev, les chefs du NKVD (Ejov, Iagoda, Frinovski, Redens) et des chefs militaires de haut rang.



[....]


10 Un nombre important de délégués au congrès de 1937 ont été arrêtés, mais certains n’étaient pas coupables, avec des accusations reposant sur des aveux ou des dénonciations obtenus sous les coups et la torture. Kroutchev attribue implicitement à Staline la responsabilité des arrestations, des tortures et des exécutions des personnes qu’il considère à tort comme toutes innocentes, et bien sûr il ne parle pas d’Ejov, le chef du NKVD qui fabriquait les preuves, et qui a été arrêté et exécuté pour cela.


Kroutchev écrit qu’il y a eu 1937 et 1938 des fabrications de procès, des fausses accusations, des abus contre la légalité, avec comme résultat la mort d’innocents. De nombreux communistes qui avaient été traités d’ennemis se sont révélés être ni des ennemis, ni des espions, ni des saboteurs. Incapable de supporter des tortures barbares, ces communistes s’accusaient eux-mêmes sur l’ordre des juges d’instruction de toutes sortes de crimes. Sur 139 membres suppléants du Comité central du parti élus au dix-septième congrès, 98 ont été arrêtés et fusillés, c’est-à-dire 70 pour cent. Sur 1970 délégués au dix-septième congrès, 1800 ont été arrêtés sous l’accusation de crime contre-révolutionnaire. Kroutchev a certainement pour but d’impliquer Staline, mais Staline n’est pas ici explicitement accusé.

Un nombre important de membres du parti dont la répression est citée par Kroutchev semblent avoir été coupables. Ejov était responsable de la fabrication des accusations : il a avoué et a été jugé et exécuté pour cette raison. Les charges de fabrication d’aveux et de tortures contre les personnes arrêtées ont été menées par Beria quand il a remplacé Ejov à la tête du NKVD. Le rapport de Pospelov (un proche de Kroutchev, qui pratiquait le culte sous Staline) reconnaît il y avait des coupables et que certains ont été faussement impliqués par d’autres sous les coups ou la torture. Les aveux et les comptes-rendus d’interrogatoires ont été envoyés à Staline.


11 Kroutchev attribue faussement à Staline l’initiative d’un décret.


Le décret du premier décembre 1934 sur la façon correcte de traiter des cas de manipulation concernant la préparation ou la commission d’actes de terrorisme n’a pas été prise à l’initiative de Staline, contrairement à ce qu’affirme Kroutchev. Le projet a été soumis à Staline pour lui demander s’il était d’accord pour la publication, et Staline n’a pas soumit le décret au Politburo : c’était un moment où Staline essayait d’éloigner le Parti de la gouvernance de la société et du fonctionnement de l’économie.


Edité le 23-05-2021 à 04:26:44 par Camarade_en_Kevlar


Membre désinscrit
   Posté le 23-05-2021 à 04:27:49   

Conclusion les tankies qui refusent la séparation de l'état et du parti sont des traitres et futur apparatchiks en puissance
Xuan
   Posté le 31-05-2021 à 09:13:34   

La conclusion de Plaristes est particulièrement imbécile.

Sur ce sujet comme sur d'autres Plaristes ramasse tous les arguments qui traînent, sans égard pour la position qu'il défend.

Je signale que la dénonciation du tankisme relève de la ligne anti autoritaire qu'on retrouve ici. https://mars-infos.org/est-ce-que-la-negation-de-genocide-4698, soit dit en passant.
'L’appélation de "Tankiste" désigne ces communistes qui en apprenant la répression de l’insurrection hongroise de 1956 par l’envoi de tanks de l’armée rouge, s’étaient dépéché.e.s de la justifier'
Précisément les marxistes-léninistes n'ont jamais soutenu l'insurrection contre-révolutionnaire de Hongrie en 1956, alors que le camp socialiste existait encore, et l'accusation de "tankiste" relève des tentatives de restauration du capitalisme.
Khrouchtchev n'était pas encore au pouvoir en 1956.
Cette insurrection était d'origine étudiante et visait ouvertement tous les symboles communistes.
La manière dont cette révolte a été réprimée pourrait faire l'objet de débats pour les communistes hongrois ou russes, afin de corriger ce qui peut l'être dans l'avenir.
La Chine de son côté avait connu des manifestations d'étudiants ou d'intellectuels sans conséquences, qui ont donné lieu au texte de Mao Zedong " de la juste solution des contradictions au sein du peuple".
Les troubles de 1981 à Pékin n'ont jamais occasionné les milliers de morts annoncés dans la presse bourgeoise. Le PCC y avait mis fin et c'est une juste application de la dictature du prolétariat. Affirmer le contraire c'est défendre la restauration du capitalisme, le "partage" du pouvoir entre les classes, en fait l'éviction du parti communiste du pouvoir pour le remettre entre les mains de la bourgeoisie.

Confusion sur les liens entre le parti communiste et l'Etat socialiste

Plaristes écrit :
"Les tankistes prônant la fusion de l'état et du parti sont dans un délire révisionniste."
"les tankies qui refusent la séparation de l'état et du parti"


Entre fusion de l'Etat et du parti et séparation de l'état et du parti il y a plus qu'une marge, dont Plaristes ne tient absolument aucun compte.
Mais en toute logique la fusion et la séparation ne sont pas l'inverse l'une de l'autre. L'inverse de la séparation c'est la liaison et non la fusion.

La fusion signifie que l'Etat et le parti sont une seule et même chose.
Pour ce qui nous concerne nous n'avons jamais préconisé la "fusion" de l'Etat et du parti, ce qui signifierait que l'un et l'autre se confondent.
Et aucun ml n'a jamais défendu une telle théorie.
Pour informé le PCC ne l'a jamais fait non plus et il existe plusieurs partis qui acceptent la direction du PCC, et dont les représentants peuvent être élus.
Il y a même au sein du PCC des capitalistes qui acceptent cette direction.

Mais ce n'est qu'un aspect du sujet parce que les âneries de Plaristes ne se limitent pas à ceci.


Edité le 31-05-2021 à 12:09:48 par Xuan


Xuan
   Posté le 31-05-2021 à 14:16:20   

Conception métaphysique de la transition au socialisme

La question du lien entre le parti communiste et l'Etat socialiste relève évidemment de la dictature démocratique du prolétariat, c'est-à-dire du rapport entre dictature et démocratie.
Le prolétariat lui-même dirige cette dictature démocratique à l'aide de son parti, en se donnant les institutions adéquates.
Celles-ci peuvent comprendre des membres du parti communiste ou pas, mais c'est le parti qui dirige car c'est lui qui doit conduire la société du capitalisme au socialisme, puis au communisme, société sans Etat.
On devine, bien que cette situation ne se soit encore jamais présentée historiquement, que l'extinction de l'Etat ne peut pas être menée par l'Etat lui-même mais par le parti communiste, dont la mission outrepasse l'étape du socialisme.

Pour l'heure ce ne sont que des spéculations.
Par contre l'histoire du PCUS et celle du PCC montrent que la dictature démocratique du prolétariat s'exerce différemment selon la situation historique et les caractéristiques de la lutte des classes. Définir des principes intangibles sur ce rapport relève de la métaphysique.

La lutte des classes en URSS et les positions de Staline

Sans reprendre l'histoire de l'URSS dans ses grandes longueurs, deux ou trois textes de Staline montrent que la dictature du prolétariat s'exerce différemment selon la situation de la lutte ces classes.

Dans la brochure "contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit" en ligne sur le site des Editions Prolétariennes, le chapitre VIII - l'antagonisme dans la contradiction comprend une partie consacrée à "la poursuite de la lutte des classes dans la société socialiste" - p 169.
La contre-révolution en Hongrie y est évoquée, puis les contradictions de classe dans la société socialiste :


......Mais les contradictions au sein du peuple ne sont pas les seules contradictions dans la société socialiste. L'expérience des premiers états socialistes démontre que si la bourgeoisie a disparu en tant que classe, ses résidus ne cessent pas pour autant d'exister durant la période transitoire du socialisme et tentent de le renverser avec l'appui des puissances impérialistes, et que dans le parti communiste lui-même l'ancienne société trouve également son reflet, notamment à travers la corruption.

Au tout début de la seconde expérience de dictature du prolétariat (après celle de la Commune de Paris), Staline expose les caractéristiques de la transition du capitalisme au socialisme dans « Des principes du léninisme » (Conférences faites à l'université Sverdlov au début d'avril 1924 [Staline : les questions du léninisme - des principes du léninisme IV - la dictature du prolétariat) :

« La transition du capitalisme au communisme, dit Lénine, c'est toute une époque historique. Tant qu'elle n'est pas terminée, les exploiteurs gardent inéluctablement l'espoir d'une restauration, espoir qui se transforme en tentatives de restauration. A la suite d'une première défaite sérieuse, les exploiteurs qui ne s'attendaient point à être renversés, qui n'en croyaient rien et n'en admettaient pas l'idée, se lancent dans la bataille avec une énergie décuplée, avec une passion furieuse, avec une haine centuplée implacable à la bataille pour reconquérir le « paradis » perdu, pour leurs familles qui menaient une si douce existence et que, maintenant, la « vile populace » condamne maintenant à la ruine et à la misère (ou au « vil » labeur...). Et derrière les capitalistes exploiteurs se traîne la masse de la petite-bourgeoisie qui - des dizaines d'années d'expérience historique dans tous les pays en font foi - hésite et balance, qui aujourd'hui suit le prolétariat et demain, effrayée des difficultés de la révolution, est prise de panique à la première défaite ou demi-défaite des ouvriers, s’affole, s’agite, court d’un camp à l’autre
[Lénine - La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky - t . XXIII, p335].

La bourgeoisie a ses raisons de faire des tentatives de restauration, car après son renversement, elle reste longtemps encore plus forte que le prolétariat qui l’a renversée. Si les exploiteurs, dit Lénine, ne sont battus que dans un seul pays - et c’est là bien entendu le cas typique, la révolution simultanée dans plusieurs pays étant une rare exception - ils restent toutefois plus forts que les exploités [ibidem, p354]

En quoi réside la force de la bourgeoisie renversée ?

Premièrement, « dans la force du capital international, dans les forces et la solidité des liaisons internationales de la bourgeoisie » [Lénine - La maladie infantile du communisme (« le gauchisme »), t. XXV, p.173].

Deuxièmement, dans le fait que « longtemps après la révolution, les exploiteurs conservent nécessairement une série de réels et notables avantages : il leur reste l’argent (impossible de le supprimer d’un coup), quelques biens mobiliers, souvent considérables ; il leur reste des relations, des habitudes d’organisation et de gestion, la connaissance de tous les « secrets » de l’administration (coutumes, procédés, moyens, possibilités) ; il leur reste une instruction plus poussée, des affinités avec le haut personnel technique (bourgeois par sa vie et son idéologie) ; il leur reste une expérience infiniment supérieure de l’art militaire (ce qui est très important), etc., etc. [Lénine - La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky - t . XXIII, p354].

Troisièmement, « dans la force de l’habitude, dans la force de la petite production, car, malheureusement, il reste encore au monde une très, très grande quantité de petite production ; or, la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions » …car « supprimer les classes, ce n’est pas seulement chasser les grands propriétaires fonciers et les capitalistes - ce qui nous a été relativement facile - c’est aussi supprimer les petits producteurs de marchandises ; or, ceux-ci on ne peut pas les chasser, on ne peut pas les écraser, il faut faire bon ménage avec eux. On peut (et on doit) les transformer, les rééduquer - mais seulement par un très long travail d’organisation, très lent et très prudent [Lénine - La maladie infantile du communisme (« le gauchisme »), t. XXV, p.173 et 189]. »

Quelques années plus tard en 1929, par suite de l’aggravation des rapports de classe en URSS et dans les pays capitalistes, Staline insistait ainsi :

« A quoi tient cette aggravation? A deux causes. D'abord, à notre progression, à notre offensive, à la croissance des formes socialistes de l'économie et dans l'industrie et dans l'agriculture, croissance qu'accompagne une éviction correspondante des catégories correspondantes de capitalistes de la ville et des campagnes.
La situation est telle que nous vivons selon la formule de Lénine: «Qui l'emportera?»
Ou bien nous ferons toucher les épaules à terre aux capitalistes et leur livrerons, comme disait Lénine, le dernier combat décisif, ou bien ce sont eux qui nous feront toucher les épaules à terre. En second lieu, cela tient à ce que les éléments capitalistes ne veulent pas quitter la scène de bon gré: ils résistent et continueront de résister au socialisme, car ils voient arriver leurs derniers jours.
Or, pour le moment, ils peuvent encore résister; malgré la baisse de leur importance, ils n'en croissent pas moins en chiffres absolus: la petite bourgeoisie urbaine et rurale, comme l'a dit Lénine, engendre dans son sein chaque jour et à chaque heure, capitalistes et tout petits capitalistes, et ceux-ci - ces éléments capitalistes - prennent toutes les mesures pour sauvegarder leur existence. On n'a encore jamais vu dans l'histoire que des classes agonisantes aient quitté la scène de bon gré. On n'a encore jamais vu dans l'histoire que la bourgeoisie agonisante n'ait pas mis en oeuvre tout ce qui lui restait de force pour essayer de sauvegarder son existence. Que notre appareil soviétique de base soit bon ou mauvais, notre progression, notre offensive réduiront le nombre des éléments capitalistes et les évinceront; et les classes agonisantes, elles, résisteront envers et contre tout. Telle est la base sociale de l'aggravation de la lutte de classes. »

[J. Staline "les questions du léninisme" de la déviation de droite dans le PC(b) de l’URSS]


Or ces positions correspondent à des périodes particulières de l'URSS, celles qui ont précédé la deuxième guerre mondiale, la liquidation des koulaks et l'élaboration de la constitution.
Après la « liquidation des débris boukhariniens et trotskistes » et l'élection des députés au suffrage universel, Staline écrivait :

« Ce qu'il y a de particulier dans la société soviétique de notre époque, à la différence de toute société capitaliste, c'est qu'elle n'a plus dans son sein de classes antagonistes, ennemies; que les classes exploiteuses ont été liquidées et que les ouvriers, les paysans et les intellectuels formant la société soviétique, vivent et travaillent en collaboration fraternelle.
Alors que la société capitaliste est déchirée par des antagonismes irréconciliables entre ouvriers et capitalistes, entre paysans et grands propriétaires fonciers, ce qui conduit à l'instabilité de sa situation intérieure, - la société soviétique, libérée du joug de l'exploitation, ignore ces antagonismes; elle est affranchie des collisions de classes et offre l'image d'une collaboration fraternelle entre ouvriers, paysans, intellectuels.

C'est sur la base de cette communauté d'intérêts que se sont développées des forces motrices comme l'unité politique et morale de la société soviétique, l'amitié des peuples de l'U.R.S.S., le patriotisme soviétique.
C'est cette même base qui a donné naissance à la Constitution de l'U.R.S.S. adoptée en novembre 1936, et à la démocratisation totale des élections aux organismes suprêmes du pays ». […] « La fonction de répression militaire à l'intérieur du pays est devenue superflue, elle a disparu, puisque l'exploitation a été supprimée, les exploiteurs n'existent plus et il n'y a plus personne à réprimer. La fonction de répression a fait place à la fonction de protection de la propriété socialiste contre les voleurs et les dilapidateurs du bien public. La fonction de défense militaire du pays contre l'agression du dehors s'est conservée intégralement. Par conséquent, on a conservé aussi l'Armée rouge, la Marine militaire ainsi que les organismes punitifs et les services de renseignements, nécessaires pour capturer et châtier les espions, les assassins, les saboteurs dépêchés dans notre pays par les services d'espionnage étrangers. »
[Staline - les questions du léninisme - Rapport au XVIIIe congrès du PC(b) de l’URSS]


On trouve une formulation très proche dans "le projet de Constitution"
"...le projet de la nouvelle Constitution de l'URSS part du fait que dans la société il n'existe plus de classes antagonistes..."

Il est clair ici que pour Staline le caractère antagonique de la lutte des classes a disparu dans la société soviétique. Il ne parle pas de la lutte des classes en elle-même, et il justifie alors le maintien de l'Etat principalement à cause de l'encerclement capitaliste.

Ceci est lié à des conditions historiques précises, à la transformation des rapports de classe dans la société soviétique dans une période donnée.
Il est hors de question d'exporter de telles conclusions dans n'importe quelle autre société socialiste, sans rapport avec le lieu et le temps.
Et il n'est pas dit non plus que cette situation soit irréversible, que dans des conditions données la lutte des classes ne puisse redevenir antagonique.

Le 14 juillet 1964, le Renmin Ribao et le Hongqi publient un texte critique sur la restauration du capitalisme par Khrouchtchev, qui comprenait aussi des appréciations critiques sur Staline à propos de la lutte des classes sous le socialisme.
On verra que ce sujet, tournant autour du rôle des résidus des anciennes classes dominantes, de l'attitude qu'elles adoptent envers le socialisme et qu'il de celle qu'il faut adopter envers elles, fut au centre de la révolution culturelle et de sa critique ultérieure :

« Du fait que l'Union soviétique était le premier pays, et à l'époque le seul, à édifier le socialisme et qu'elle ne disposait d'aucune expérience étrangère à laquelle se référer, du fait également que Staline s'était éloigné de la dialectique du marxisme-léninisme par son interprétation des lois de la lutte de classe dans la société socialiste, il proclama prématurément, après la réalisation essentielle de la collectivisation de l'agriculture, qu'en Union soviétique, "il n'existe plus de classes antagonistes" ("Sur le projet de Constitution de l'U.R.S.S." in Les Questions du léninisme) et qu'"elle [la société soviétique] est affranchie des collisions de classes" ('Rapport au XVIIIe Congrès du P.C. (b) de l'U.R.S.S.", Les Questions du léninisme). Mettant l'accent uniquement sur l'unité de la société socialiste, il négligeait les contradictions au sein de celle-ci, il ne s'appuyait pas sur la classe ouvrière et les larges masses dans la lutte contre les forces capitalistes et considérait que la possibilité de restauration du capitalisme provenait uniquement de l'attaque armée de l'impérialisme international. Cela est faux, tant en théorie qu'en pratique. Cependant, Staline n'en demeure pas moins un grand marxiste-léniniste » .

Cependant les contradictions de classe et les antagonismes de classes sont deux choses différentes. Mao Zedong les distinguait très clairement dans le chapitre "du caractère antagoniste de la contradiction" dans "De la contradiction".

L'autocritique du PCC en 1981 écrit ceci à propos de la révolution culturelle :

« A la 10e session plénière du C.C. issu du 8e congrès du Parti tenue en septembre 1962, le camarade Mao Zedong donna à la lutte de classes, qui existe en société socialiste dans un cadre déterminé, une ampleur exagérée et lui attribua un rôle absolu, développant ainsi le point de vue qu'il avait avancé en 1957 à la suite de la lutte contre les droitiers, selon lequel la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie demeurerait la contradiction principale de notre société; il affirma même que, durant toute la période historique du socialisme, la bourgeoisie existerait et tenterait de restaurer son pouvoir, et que cela constituait l'origine du révisionnisme au sein du Parti. »

La lutte des classes n'est pas niée, c'est son caractère de contradiction principale qui l'est, de même que la bourgeoisie en tant que classe antagoniste .

Dans d'autres documents on trouve :
"Avec la mise en place du système de base du socialisme, la lutte des classes à grande échelle est terminée, la plupart des contradictions de la société socialiste relèvent de contradictions au sein du peuple » .
A ce titre sont dénoncés par Xi Jinping et le PCC : « le formalisme, le bureaucratisme, l'hédonisme et l'extravagance dans le style de travail » .

On pourrait encore pinailler sur la différence entre contradictions antagonistes et lutte de classe à grande échelle . Le juge de paix en l'occurrence ce sont les rapports de classe réels dans la société chinoise.
Ainsi les différends avec Jack Ma, mais aussi avec tous les magnats de la high tech, ont été réglés sans effusion de sang. Les capitalistes se sont pliés à la loi socialiste. Ils n'ont fomenté ni soulèvement, ni complot, ni révolte. Cela signifie que les capitalistes ont été liquidés en tant que classe et qu'ils ne peuvent mener une lutte à grande échelle.
Bien entendu ils se plient parce qu'il existe un organisme chargé de traquer les corrompus, ou de surveiller les mouvements de fonds, une police, une justice et des prisons.

Naturellement cette situation n'est pas immuable et pourrait se transformer dans des conditions différentes mais la Chine n'en est pas là.
En tout état de cause l'histoire a montré que la lutte des classes se poursuit, qu'elle peut redevenir antagonique, voire aboutir à une restauration temporaire de l'ordre ancien.

Ces positions différentes de Staline, justifiées par des situations différentes, ne sont pas comparables avec celle de Khrouchtchev qui prétendait construire un Etat du peuple entier et l'imminence du communisme.
Je reprends le texte de "contrairement à une opinion répandue..." p 172 :

Cette position était dans tous les cas aux antipodes de la position révisionniste qui fut défendue ensuite au XXIIe congrès du PCUS par Khrouchtchev, selon qui la dictature du prolétariat n'était plus nécessaire en Union Soviétique, où l'Etat serait devenu un ' "Etat du peuple tout entier" et le parti communiste un "parti du peuple tout entier' '. Il proclamait alors l'entrée de l'Union soviétique dans la phase de l'édification en grand de la société communiste. " ...nous construirons la société communiste pour l'essentiel en 20 ans" . [Rapport sur le programme présenté par Khrouchtchev au XXIIe Congrès du PCUS]. Dans ce cas l'Etat aurait cessé de constituer un instrument de domination d'une classe sur une autre et aurait perdu sa raison d'être. De toute évidence la contre-révolution khrouchtchévienne et la restauration du capitalisme qui s'en est suivie en URSS prouve que l'observation de Lénine et de Staline était fondée.

Lors des 8èmes rencontres internationalistes 2017 de Vénissieux, Tatiana Desiatova représentante du KPFR, critiqua dans ses réponses aux questions du public l'abandon par Khrouchtchev de la dictature du prolétariat et la négation de la lutte des classes. « Quand on oublie des concepts comme la dictature du prolétariat dans l'histoire de mon pays malheureusement cela a joué un rôle destructeur après la mort de Staline. Khrouchtchev a commencé à renoncer à la dictature du prolétariat, à nier le concept de lutte des classes » . [25'45 de l'enregistrement]



Edité le 31-05-2021 à 20:26:48 par Xuan


Xuan
   Posté le 31-05-2021 à 16:36:17   

Sur la critique de Grover Furr contre Khrouchtchev

C'est naturellement une bonne chose que Khrouchtchev soit critiqué et Staline réhabilité. Le PCC et les ml l'ont fait dès les années 60. Le livre de Furr a été stigmatisé par les trotskistes, jusque sur la page wikipedia.

Selon le premier texte mis en ligne par Plaristes, Staline aurait voulu "détacher" le parti de l'Etat et n'en faire qu'un organe d'agit'prop. Mais les preuves à l'appui ne sont pas des textes de Staline, plutôt des déclarations d'épigones ou de contemporains.
Et Staline, comme tous les dirigeants communistes, n'était pas non plus omniscient.

Quoi qu'il en soit il ne s'agit pas d'une réponse définitive sur la voie à suivre d'un état prolétarien. Comme les dirigeants chinois, les dirigeants soviétiques expérimentaient le socialisme, "traversant la rivière en tâtant les pierres" avec des méthodes adaptées à leur propre situation et à leurs propres difficultés.
Les essais, les erreurs et les succès constituent des indications. D'après Furr la constitution soviétique n'a jamais été appliquée.
Que peut-on en conclure par conséquent ?
La politique des cent fleurs en Chine, les dérives et l'échec de la révolution culturelle (celle-ci n'opposait pas le parti à l'Etat mais un pouvoir parallèle au parti), la lutte contre la corruption aujourd'hui, ou encore le rôle dévolu à l'expression sur les réseaux sociaux, constituent autant de réponses à ces questions. Elles n'épuisent pas le sujet.

Beaucoup plus prudent que les spéculations de Plaristes, Grover Furr écrit ceci dans sa conclusion :


"Quelle forme peut prendre la "démocratie" dans une société socialiste avec le but d'aller vers une société sans classes ?

Est-ce que la mise en oeuvre de la constitution de 1936 envisagée par Staline aurait servi à la fois pour démocratiser l'Union soviétique et pour redonner au Parti bolchevique son rôle original, en tant qu'organisation de véritables révolutionnaires dont le travail principal était de mener le pays vers le communisme ?

Ou alors, ce modèle comportait-il déjà de nombreux concepts bourgeois de la démocratie capitaliste qui aurait pu accélérer, plutôt qu'empêcher, l'évolution de l'URSS vers le capitalisme ? Quel est le rôle approprié d'un parti communiste dans une telle société ? Quelles sont les formes spécifiques de direction politique qui sont compatibles avec la responsabilisation démocratique de la classe ouvrière ?
Quelle forme de direction politique (et économique) est en contradiction avec ces buts ? Une fois que nous avançons l'idée que des élections et un gouvernement "représentatif" sont suffisants pour que l'État exprime les intérêts des ouvriers et des paysans, il s'ensuit que la constitution 1936, même si elle avait été mise en application, n'aurait pas mieux réalisé cette tâche.

Ceci pourrait suggérer que la "solution" ne soit pas de rendre l'État plus fort et le parti plus faible – comme semblent le penser Staline et Béria. Les marxistes pensent que l'État est dominé par une classe ou par une autre. Ainsi, si une nouvelle classe émerge de la strate supérieure du parti, ou de n'importe quelle autre partie de la société, elle régnera, et changera l'essence de l'État pour rendre sa domination plus efficace.

Ceci suggère en fait que la distinction entre parti et état est artificielle et trompeuse, et devrait être éliminée". Le terme "bureaucratisme /bureaucratie," pose un autre genre de problème et en cache d'autres.

Je propose que les deux questions ci-dessus – démocratie et rôle du parti – nous engagent d'une manière plus fructueuse et plus matérialiste, à réfléchir au problème du rapport entre la partie organisée et politiquement consciente et la partie moins organisée et moins politiquement consciente, mais économiquement productive de la population d'une société socialiste ou communiste.
Les bolcheviks en général et Staline ont spécifiquement fait une grande distinction entre la politique et les compétences techniques ou l'éducation. Mais ils n'ont jamais traité de manière adéquate la contradiction entre «rouge» et «expert», comme ce dilemme a été appelé pendant la révolution culturelle chinoise. L'idée partagée par pratiquement tous les socialistes selon laquelle le «contrôle» ou la «supervision» politique pouvait être séparé de la connaissance et de la production techniques reflétait, en partie, l'idée erronée selon laquelle la «technique» - la science - était politiquement neutre, et que si elle était effectuée efficacement, la production économique elle-même était politiquement «de gauche» ou «communiste».

Le dilemme de la contradiction État-parti en découle. Que signifie "démocratie à l'intérieur du Parti" dans le contexte d'un parti communiste ? En URSS, nombre des forces d'opposition dont les positions ont été défaites aux conférences et aux congrès du parti durant les années 20 ont dérivées vers la conspiration, visant finalement l'assassinat des dirigeants du parti, les coups d'état, la collaboration avec l'ennemi et l'espionnage pour des puissances capitalistes hostiles. En même temps, les chefs locaux du parti ont développé des habitudes autoritaires, qui les ont coupés des adhérents de base du parti (et bien sûr de la population non-communiste beaucoup plus nombreuse), tout en se s'octroyant des privilèges matériels.

Les avantages matériels des plus hauts responsables du parti doivent avoir joué un rôle important, et même décisif, dans le développement de la strate appelée la nomenklatura. De même, le but évident de Staline d'enlever le contrôle au Parti et de le cantonner à l'agitation et à la propagande pourrait suggérer une certaine conscience de cette contradiction par Staline lui-même, et peut-être aussi par d'autres.

Dans quelle mesure les grands différentiels de salaire étaient-ils essentiels pour stimuler l'industrialisation en URSS ? S'ils étaient essentiels, était-ce une erreur de permettre l'accès aux privilèges matériels aux membres du parti - salaire élevé, meilleur logement, magasins spéciaux, etc. ? Le contexte politique dans lequel ces décisions ont été prises, vers la fin des années 20 et au début des années 30, doit être exploré plus profondément.
Les discussions, actuellement indisponibles, autour du salaire maximum quelque part au début des années 30 doivent être découvertes et étudiées. Zhukov et Mukhin semblent croire que la tactique qu'ils perçoivent, et qu'ils attribuent à Staline et Béria – celle de couper les dirigeants du parti de la direction de l'État – était en effet la meilleure chance d'empêcher le parti de dégénérer. Comme je le suggère plus haut, peut-être la vraie cause de leur dégénérescence est la défense de leurs propres privilèges, plutôt que la contradiction "rouge contre expert".

Naturellement, les incitations matérielles avaient été jugées nécessaires, pour recruter les intellectuels bourgeois compétents mais anticommunistes et anti-prolétarien afin de participer à la construction de la base industrielle de l'URSS. Partant de là on peut argumenter qu'un salaire plus élevé était nécessaire pour encourager les personnes techniquement habiles (ouvriers habiles y compris) à rejoindre le parti bolchevique ou pour travailler dur dans des conditions de travail défavorables souvent mettant en danger leur santé et au risque d'y sacrifier sa vie de famille. En cela l'utilisation de la panoplie des inégalités capitalistes était justifiée.

Peut-être que Staline et Béria ont cru que cantonner le Parti à une fonction "purement politique" pourrait empêcher sa dégénérescence. Comme ce plan - s'il était d'eux - n'a été jamais mis en oeuvre, nous ne pouvons pas vraiment le savoir. Mais je suspecte que la question "des incitations matérielles," c'est-à-dire des inégalités économiques, en soit la cause fondamentale. Dans les conversations avec Felix Chuev, Molotov âgé, réfléchit au sujet de la nécessité d'avoir encore et toujours plus «d’égalité» et s'inquiète du futur du socialisme en URSS alors qu'il voit croître les inégalités. Molotov ne fait pas remonter ce développement des inégalités à l'époque de Staline ou de Lénine.

En fait Molotov, comme Staline, ne pouvait envisager le legs de Lénine en critique. Cependant la nécessité de préserver et augmenter des inégalités afin de stimuler la production doit remonter au moins à Lénine, voir au Marx de La Critique du programme de Gotha. Les questions que l'on se pose reflètent et exposent inévitablement nos propres préoccupations politiques, et les miennes ne font pas exception. Je crois que l'histoire du parti bolchevique pendant les années de Staline - une histoire obscurcie par des mensonges anticommunistes et encore à écrire - a beaucoup à apprendre aux générations futures. Les militants politiques qui se tournent vers le passé pour obtenir des conseils et les chercheurs politiquement conscients qui veulent apporter leur contribution à l'édification d'un monde meilleur peuvent le faire par l'étude des luttes du passé et peuvent apprendre beaucoup des legs laissés par l'Union soviétique.

Comme les marins médiévaux dont les cartes étaient plus imaginaires qu'exactes, nous avons été trompés par des histoires canoniques sur l'URSS qui sont principalement fausses. Le processus pour découvrir la vraie histoire de la première expérience socialiste du monde vient à peine de commencer. Comme le lecteur de cet essai a pu s'en apercevoir, cela a une immense importance pour notre futur.



Edité le 31-05-2021 à 18:26:53 par Xuan


Xuan
   Posté le 31-05-2021 à 20:02:10   

En annexe, et puisque Plaristes s'était découvert une vocation hoxaïste, le sommaire du rapport présenté au VIIe congrès du PTA comporte un chapitre 1- Le rôle dirigeant du Parti dans toute la vie du pays, garantie de l'édification intégrale de la société socialiste

On lit :
"Le rôle dirigeant du Parti à tous les niveaux s'est constamment renforcé en lutte contre toute influence bureaucratique et technocratique des organismes étatiques, économiques ou militaires, sur les organisations de base. Une telle influence s'est fortement fait sentir sur certaines organisations de base des institutions centrales, come par exemple la Commission du Plan d'Etat, le ministère de l'Industrie et des Mines, le ministère du Commerce et le ministère de l'Agriculture, les entreprises du pétrole, l'Armée et certains établissements éducatifs et culturels. Cette influence a conduit à l'affaiblissement du rôle de ces organisations, à la tendance à mettre la technique au-dessus de la politique, le rôle du spécialiste au-dessus de celui du Parti. Ici on a vu aussi se manifester des conceptions non marxistes selon lesquelles ce sont des cadres qui dirigent et orientent et non pas le Parti avec ses organes et ses organisations...

Le Parti bolchévik a été étouffé par les "apparatchiks" de triste renom.

En même temps que les autres cadres bureaucratisés de l'appareil d'Etat qui s'étaient écartés de la voie de la classe ouvrière, des enseignements de Lénine et de Staline, ils sont devenus le principal appui de Khrouchtchev et de Brejnev et des autres usurpateurs, qui ont fait la contre-révolution et ont ravi la direction à la classe ouvrière et à son Parti."

[rapport d'activité du CC du PTA présenté au VIIe congrès du PTA le 1er novembre 1976 - nouveau bureau d'édition - p74]

D'où il ressort que la "séparation" de l'Etat et du Parti n'existe que sur les plans administratifs et institutionnel et non politique, et que le danger qui menace la démocratie et la défense des intérêts du peuple peut apparaître tout autant dans les strates de l'Etat que dans l'encadrement du parti communiste.
Accroître leur séparation n'apporte donc aucune garantie.

Rappelons comment a été restauré le capitalisme en Albanie, suivant wikipedia :

Après la mort de Enver Hoxha en 1985, le communiste Ramiz Alia prend la tête du pays mais le régime s'ouvre au multipartisme en suivant le mouvement amorcé dans d'autres pays post-staliniens européens. En 1992, le Parti démocrate albanais domine le Parti de travailleurs de l'ancien dictateur et Sali Berisha devient le premier président démocratiquement élu. Une nouvelle constitution ratifiée en 1998 pose les bases d'un État de droit garantissant les libertés individuelles. Depuis, la majorité a déjà changé plusieurs fois de camp.

En d'autres termes, c'est en renonçant au rôle dirigeant du parti communiste que la porte a été ouverte à la contre-révolution.

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On trouvera une présentation et des extraits de "Khrouchtchev a menti" de Grover Furr sur le site https://www.legrandsoir.info/khrouchtchev-a-menti.html
Et sur le site des Editions Delga https://editionsdelga.fr/portfolio/grover-furr/


Edité le 31-05-2021 à 22:55:18 par Xuan