Sujet :

Les SCOP une solution réformiste

Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 16:51:05   

Sur l'ancien FML1 j'avais suite à un débat et des questions de jameul sur les SCOP, mis quelques articles concernant ce sujet.

Je vais donc re-postés le dossier SCOP disponible avec les photos et images sur le site des EP

--Tu MANU... avec ta SCOP ! (Partisan n°1 - mai 1985 )

--SCOP - Le rafiot et l'impasse ( Partisan n°2- juin-juillet 1985)

--Créer des SCOP ou détruire le capitalisme (Partisan n°3- septembre 1985)

--a propos de SCOP ( Partisan n°4- octobre 1985)

--non, nous n'avons pas à impulser des SCOP ( Partisan n°5- novembre 1985)

Message édité le 15-07-2006 à 16:52:32 par Finimore
Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 16:57:00   

--Tu MANU... avec ta SCOP ! (Partisan n°1 - mai 1985 )

Nous débutons, dans ce N°1 de PARTISAN, un dossier sur les SCOP ( Société Coopérative Ouvrière de Production ). Il se prolongera sur plusieurs mois par une série d'articles. Le Comité de Rédaction invite les lecteurs du journal à lui fournir toutes sortes de matériaux pouvant compléter ce dossier, aider à sa réalisation.

Nous avons jugé important d'intervenir sur cette question qui apparaît pour certains comme une réponse au chômage: " Les patrons nous licencient, alors essayons quelque chose nous-mêmes ".

Ce mois-ci nous replacerons la SCOP dans son histoire. Retourner au passé pour mieux comprendre le présent. D'où vient cette idée de SCOP ? Prochainement nous décortiquerons les aspirations que contiennent les SCOP aujourd'hui : solution contre le chômage pour les uns, lutte contre la division du travail pour les autres. Nous regarderons dans les SCOP pour voir comment ça marche !

Enfin, nous critiquerons la ligne politique qui guide la création de coopératives : issue dans le cadre du capitalisme, changer une parcelle pour ne pas changer la société, exploitation d'accord, mais par les ouvriers eux-mêmes.

Pour réaliser ce dossier, le Comité de Rédaction s'est appuyé sur les matériaux suivants ( citations et exemples en sont donc issus):
-" Les coopératives de production ", D. Demoustier ( Editions La Découverte);
-" L'économie sociale ", dossier de la revue " l'Economie en question ", n° 21;
-" Et si chacun créait son emploi ", " 10 heures par jour avec passion " de la Revue Autrement n° 20 et n°34.

Julien Bréau

Manufrance a déposé son bilan. Et cela malgré les efforts du PCF et de la CGT, qui depuis huit ans,
mettent en pratique leurs " nouveaux critères de gestion ", GERENT EUX- MEMES les affaires de Manufrance. En deux mots " produisent français " ! Les réformistes s'y sont cassé les dents. Ceci après avoir perdu la mairie de Saint Etienne, au profit de la droite ( en 83 ). On ne peut tromper indéfiniment sans payer l'addition. Combien de luttes détournées, brisées lamentablement, au prix d'écoeurement chez les ouvriers. Des mineurs aux sidérurgistes, de la Chapelle-Darbley à Montupet, de Talbot à Dufour... Aujourd'hui Ducellier. On baptise à grands cris une nouvelle lutte, exemplaire, et on enterre en silence dix années de tromperies réformistes, d'illusions, d'échecs, à la " Manu ".

Rappelez-vous : 1977, 4000 travailleurs chez Manufrance, qui vacille sous les effets de la crise.
PCF/CGT conquièrent la mairie de Saint-Etienne avec des mots d'ordre comme " pas un seul licenciement à Manufrance ". 1978, reste 2400 travailleurs. PCF/CGT approuvent le plan Gadot-Clet qui décide de 374 licenciements pour" mieux rentabiliser et organiser" la production. Sans oublier le millier de licenciements, sous différentes formes, qui en un an, rajeunit " la vieille dame ". Juin 81, reste 500 rescapés de la purge. Mais la gauche c'était l'espoir ! Sous l'impulsion du PCF et de la CGT, une SCOPD est créée (1). Krasucki déclare: " Bien gérée, ambitieuse, entreprenante, la SCOP Manufrance créera progressivement de nouveaux emplois pour atteindre les mille dans les trois mois ". C'est le temps de l'union de la gauche, d'accéder aux promesses. 25 milliards sont fournis par l'Etat, du baptême à l'enterrement. " On va voir ce qu'on va voir" affirme la CGT. On a vu. Les ouvriers de Manufrance ont vu. Le gouvernement PS lâche la SCOPD. Le Conseil d'Administration PCF/CGT également.. Il a " constaté l'impossibilité pour la coopérative de poursuivre ses activités ". Krasucki n'a rien déclaré... L'Huma reste silencieuse. 396 salariés sont à la rue. Et non des moindres: ( voir encart ).
Nous proposons dans cet article, d'aborder la solution retenue chez Manufrance pour parer aux diffi-
cultés économiques de l'heure." Sauver l'emploi " sans trop de remise en cause. Créer une SCOP " pour s'en sortir ". Avec l'aggravation de la crise, cette idée fait du chemin. Creusons-là.

HISTOIRE ANCIENNE

Les premières SCOP apparaissent au début du XIXème siècle (1830). Leur création n'est donc pas
nouvelle. Elles sont alors un des moyens associatifs, collectifs, que se donnent les " ouvriers de métiers " (2) (typographes, horlogers, menuisiers, charpentiers, bijoutiers, etc... ), pour résister au développement du capitalisme. Celui-ci étend à toute l'Europe concurrence, échanges marchands, manufactures et salariat. Les artisans sont poussés à la faillite. Les " ouvriers de métiers " sont jetés au chômage.

Ils traversent l'époque où le capitalisme les fait passer de l'atelier à la grosse fabrique, les dépossède de
LEUR travail. Les habitudes sont laminées. Aussi s'associent-ils en coopératives, " opposant la libre association des personnes à celle du regroupement des capitaux ", pour faire face aux lois du marché, ne pas disparaître. Pour refuser un autre mode de vie et de travail que le capitalisme leur impose.

Bien entendu, cette réaction pratique au capitalisme est liée aux idées politiques du moment, dans l'état
de développement de la société. C'est-à-dire, début du capitalisme, dominance de la petite production.

Le mouvement ouvrier se constitue. Le socialisme en tant que perspective, fait ses premiers pas. Les
tendances communautaires, anarchistes, sont dominantes (3). La classe ouvrière, si l'on peut dire, se compose de deux couches distinctes. D'abord les " ouvriers de métiers ", " instruits ", sensibles et influents sur les idées socialistes naissantes. Puis une armée de " sans-métier ", chassée des campagnes, qui vient s'embaucher dans les fabriques des villes. Traditions et histoire différentes. Conditions de travail et rapports au travail différents.
Différences donnant à ces couches ouvrières des aspirations autres que celles des " ouvriers de métiers ".

Aussi, si le mouvement coopératif et le mouvement syndical sont très proches à leur origine, le divorce
ne se fera pas attendre. La masse d'ouvriers brassée par le capitalisme ne se retrouvant pas unie sur les moyens et les buts de la lutte contre les exploiteurs. La création de coopératives d'abord reprise par le mouvement ouvrier et inscrite dans le manifeste de la 1ère Internationale créée en 1864, fut par la suite rejetée, " accusée de favoriser seulement un petit nombre de privilégiés " ( Congrès ouvrier de Marseille de 1879 ).

Les ouvriers des manufactures sont face à un industriel exploiteur. Ils veulent améliorer leurs conditions
de travail. Gagner sur les salaires. Faire l'unité de tous les ouvriers contre tous les exploiteurs.

Les " ouvriers de métiers ", eux, se considèrent " libres " ( car ils ont un métier) face aux industriels.
Cette considération divise plutôt que d'unir. Développe le corporatisme. Ils opposent l'atelier à la manufacture. Par les coopératives, ils veulent " faire disparaître les intermédiaires et introduire le mode de travail par association (...), l'association dans le travail est le véritable moyen d'affranchir les classes salariées, en faisant disparaître l'hostilité qui existe aujourd'hui entre les chefs d'industrie et les ouvriers " ( Société Coopérative des Bijoutiers Parisiens, 1834 ). Nous reviendrons dans la suite de cet article sur le contenu de cette association, en analysant les " SCOP d'aujourd'hui ", dont les principes généraux restent les mêmes.

Ce qui marque l'idéologie de ces " ouvriers de métiers " tout comme leurs théoriciens, c'est la lutte pour
la survie de la petite production," la petite affaire ". Etre un maçon de l'artisanat défendant le passé et non un fossoyeur du capitalisme porteur de l'avenir. "L'association dans le travail" remplace l'abolition du salariat comme chemin à prendre pour se libérer de l'exploitation. Raccourci qui réduit celle-ci au non-respect de la libre entreprise, à la mort du petit capitaliste face au gros. Ces petits producteurs réclament le respect de la démocratie bourgeoise, celle de 1789, de la Marseillaise et des Droits de l'Homme.

Ils ne perçoivent pas plus loin, que les fenêtres de leur atelier. Sentez l'odeur de sapin sous la scie,
écoutez la chanson du marteau sur l'enclume, disent-ils aux ouvriers des manufactures. Il faut se battre pour cela. Joignez-vous à nous !

Mais dans les manufactures, une classe ouvrière se constitue, grossit, se syndicalise. Elle voit se dessi-
ner des intérêts et des objectifs de classe, internationaux. Le mouvement ouvrier vit des moments importants: la révolution de la 1ère Internationale en 1874, la parution du Manifeste du Parti Communiste de Marx et d'Engels. Autant d'évènements qui aident le socialisme scientifique ( le marxisme) à pénétrer le mouvement ouvrier, à lui montrer qu'en finir avec les exploiteurs ce n'est pas retourner vers l'atelier de l'artisan, mais commencer à entrouvrir les portes du socialisme.

(1) SCOPD : Société Coopérative Ouvrière de Production et de Distribution.
SCOT: Société Coopérative Ouvrière de Travailleurs, concerne uniquement les services ( bureaux d'études, cabinet-conseils, théâtre, entreprises de nettoyage... ).
La Confédération Générale des SCOP s'est crée en 1937. Elle est issue de la Chambre Consultative des Associations Ouvrières née en 1884. Elle regroupe la majorité des SCOP et a pour fonction de les représenter auprès des pouvoirs publics. Cette Confédération est divisée en Unions Régionales. Un Congrès tranche les orientations et élit les représentants. Les SCOP d'une même branche sont également regroupées en Fédérations Professionnelles.

(2) Par " ouvriers de métiers ", nous entendons les ouvriers qualifiés travaillant avec des apprentis, pour un maître-artisan.

(3) Sur les premiers pas du socialisme, retenons quelques noms: Fourrier en France et Owen en Angleterre. Ils furent proches du mouvement coopératif, dont ils reprenaient les thèmes principaux, qu'ils opposaient à la révolution violente, dirigée par un prolétariat organisé. Marx les appelait des socialistes utopistes (contraire de scientifiques). Buchez qui fut un des apôtres de l'association ouvrière en coopérative. Proudhon, un des précurseurs de l'anarchisme. Il était un fidèle défenseur de la petite production contre la grande, espérait un capitalisme sans contradictions, donc sans révolution. Les grands événements de la fin du XIXème siècle ( 1840-1900 ) forgèrent la conscience ouvrière, aidèrent le mouvement ouvrier naissant à rompre relativement avec des courants utopistes. Notamment la Commune de Paris, qui montra au monde entier que la classe ouvrière ne pouvait s'accommoder ne serait-ce que d'une seule parcelle de capitalisme. Mais construire un autre Etat, une autre société. Pour cela, se doter d'une armée ouvrière internationaliste, dirigé par un Parti Communiste. Conséquence de cette avancée, la 1ére Internationale fut dissoute en 1864. Les courants utopistes y étaient largement représentés.

LES SCOP AUJOURD'HUI

Avec l'aggravation du chômage, les SCOP se multiplient. Cela n'est pas nouveau non plus. Durant la
crise de 1929, l'Etat bourgeois relança ce type de création d'emplois. Aussi depuis le début du tunnel en 73 les SCOP sont en ascension. Et surtout depuis que la gauche est au gouvernement. Mai 81 a vu s'établir une reconnaissance." officielle " du mouvement coopératif avec la création du secteur dit d' " économie sociale ", regroupant les mutuelles, les entreprises d'intérêt collectif ( tout ce qui est association pour créer quelque chose loin des courbes du chômage) et les SCOP, le tout sous la responsabilité d'un Secrétaire d'Etat, chargé de promouvoir. Pourtant depuis 84, le gouvernement socialiste freine ses aides financières. Les SCOP connaissent elles aussi les difficultés de la crise et les canards boiteux ne recevront plus rien. Ainsi en ont décidé les Ministères.

Le mouvement coopératif a connu ces cinq dernières années les chiffres record, depuis sa création:
1300 SCOP adhérentes à la Confédération Générale des SCOP ( 40000 travailleurs 10 milliards de francs de chiffre d'affaires, 9 500 emplois créés en cinq ans ).

Création d'emplois, mais aussi suppression. Car il ne suffit pas de vouloir " travailler autrement ", sous
le capitalisme, pour se mettre à l'abri de ses côtés néfastes. Le capital est un rapport social de production. Cela signifie produire une marchandise, avec un coût le plus bas possible, car il y a concurrence. Et il faut gagner les marchés, obtenir des prêts des banques, etc... Tout ceci conditionne, dicte les rapports qu'échangent les hommes dans une SCOP, ou dans une usine quelconque. L'exemple de Manufrance le prouve. Des ouvriers licencient d'autres ouvriers. Mais ne traitons pas ici de ce qui le sera dans les prochains numéros de Partisan. Arrêtons-nous ici sur les conséquences.
Depuis 81, une centaine de SCOP disparaissent chaque année. 40% ont cessé d'exister au bout de 4
à 5 ans. Les SCOP les plus importantes résistent mieux à la crise. Pourquoi ? Parce qu'elles se sont mises à la page. Elles ont été contraintes d'investir, de dégraisser les effectifs, pour être concurrentielles. Comme la SCOP Association des Ouvriers en Instrument de Précision, dont le nombre de salariés est passé de 4 665 à 1 215 entre 78 et 81. Un sondage de 83, cité dans l'Expansion, faisait ressortir que 5 SCOP figuraient parmi les mille premières entreprises françaises. Pour obtenir un tel résultat, nul doute qu'il faille faire, non différemment des autres capitalistes, mais la même chose: exploiter les ouvriers.

1947-1950:
un bon cru

Les années 1947-1950, après la seconde guerre mondiale, virent un essor important des SCOP. Bien souvent sur des bases issues de la Résistance. Après avoir tenu les fusils tant d'années, pas question de repartir comme avant, pensaient certains ouvriers et artisans. Mais cette aspiration était limitée, à un village, au copinage, à l'artisanat : comme l'horlogerie, la menuiserie. Ces coopérateurs voulaient " lutter contre l'emprise de l'argent par le partage de la vie de travail et participer à la libération ouvrière (...), ils cherchaient à promouvoir la formation des travailleurs, par des cours du soir, des groupes de travail (...) ".

Peu de SCOP réussirent à tenir la route. Mises à part celles qui ont su justement " faire de l'argent ", grossir leur capital. Inévitablement. Une façon de s'en libérer ! Cela reste tout de même une illustration des aspirations que contenait la Résistance.

encart
Le PC à la MANU : t'a ta carte !

" Ce n'est pas le gouvernement qui nous licencie, mais le parti communiste et la CGT " disaient 77 ouvriers licenciés de la SCOPD Manufrance en Septembre 83, alors regroupés en comité d'autodéfense, pour refuser la nouvelle vague de licenciements. " J'ai donné l'argent ( primes de licenciement + ASSEDIC de Juin 81 ) et on m'a dit, toi, tu es à l'emballage armes et on a repris nos manettes pour faire tourner la boite. Et dès qu'on a ouvert la gueule, ils nous ont claqué la porte ". Pas question de récupérer quoi que ce soit, car de toute façon, le PC et la CGT leur avaient fait savoir " qu'on déduirait les pertes de la société de (leur) avoir ".

D'après les ouvriers licenciés à cette époque, " les effectifs qui devaient rester stables se sont gonflés de 496 à 819 en mai 83 ". Mais c'est très bien pourrait-on dire ! Krasu l'avait promis et il avait raison. Ah les " nouveaux critères de gestion " du PCF ! C'est pas du toc comme les T.U.C. Dommage que ça ait foiré tout de même. " Tous les postes administratifs ont été doublés " révèle le comité d'autodéfense des ouvriers licenciés. " Avant c'était le chef du personnel qui nous envoyait dans tel ou tel atelier, maintenant cinq personnes font ce travail ". Bonjour la promotion pour les camarades du PC et de la CG T. " (...) d'anciens collègues qui ont multiplié leur salaire par trois ". Le secrétaire du syndicat CGT est aussi directeur de la fabrication. Le chef du personnel est au PC. D'après les ouvriers licenciés, on a fait appel " à l'extérieur ". On a pas réembaucher des gars de Manufrance, mais fait venir des camarades du Parti. En veux-tu, en voilà ! Quelques personnalités parisiennes et la SCOPD Manufrance se retrouve avec 240 " non productifs " sur l'effectif de 407 salariés. Nos oiseaux réformistes quand ils peuvent se nicher ! Voilà le socialisme auquel ils aspirent. Remplacer les exploiteurs et nous laisser " les manettes ".
Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 17:00:05   

SCOP - Le rafiot et l'impasse ( Partisan n°2- juin-juillet 1985)

Les SCOP c'est pas nouveau, mais ça repart très fort. Un révélateur de la situation du mouvement ouvrier aujourd'hui.

Dans PARTISAN no 1, nous avions ouvert le dossier ( et le débat ) sur les SCOP ( Société Coopérative Ouvrière de Production ). Nous y avions montré que la naissance et la mort de la SCOP Manufrance n'étaient qu'une petite étape d'une très longue histoire. La création de SCOP datant en effet de 1830. Les tentatives de " faire autrement " ! dans le cadre du capitalisme, sont donc très anciennes.

Si l'aspiration à se libérer de l'exploitation capitaliste ( en finir du chômage, du travail abrutissant... ) imprègne le mouvement ouvrier dès sa naissance, l'orientation choisie de créer des SCOP pour la réaliser est essentiellement à l'origine portée et à l'initiative des couches ouvrières que le capitalisme " industriel " tend à faire disparaître ( menuisiers, horlogers, bijoutiers... ). Celles-ci sont marquées d'une volonté de rester à un capitalisme " primitif ", où chacun devrait pouvoir vivre de sa petite affaire, de son métier. Cela sans concurrence ni monopole.

Où en est le mouvement de SCOP aujourd'hui ? Qu'est-ce qui favorise son renouveau ? Que veut-il construire, changer ? Comment fonctionne une SCOP ? C'est ce que nous allons aborder ce mois-ci.

Julien Bréau

QUATRE ASPECTS DU RENOUVEAU DES SCOP

Quatre aspects importants sont à saisir pour comprendre le développement du mouvement SCOP aujourd'hui. Les trois premiers illustrent ce qui le nourrit. Le dernier, les couches qu'il concerne principalement.


1

La " crise en face ", c'est des millions de chômeurs. Les usines ferment. Les régions se désertifient. Les ruines s'accumulent, y'a plus de boulot pour tous, tel que la société fonctionne actuellement. Après nous avoir garanti que les restructurations socialistes allaient développer l'emploi, c'est exactement le contraire qui se passe. Les " temps modernes " sont de plus en plus durs pour la classe ouvrière.

Face à cette situation, certains restructurés et jetés sur le pavé, enfourchent le cheval SCOP. " Faut bien tenter de s'en sortir " : Bien drivés en cela par la propagande quotidienne de la TV et des journaux. Soyez votre propre patron, groupez-vous, innovez: Patrons ou ouvriers, affrontons la concurrence, la compétitivité. Y'a toujours une issue sous le capitalisme. Ne faites pas de politique, faites votre entreprise dit la bourgeoisie aux ouvriers.


2

Aborder le phénomène SCOP c'est nécessairement faire le lien avec la SITUATION POLITIQUE du mouvement ouvrier. La période d'après la 2ème guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui, caractérise la débandade bourgeoise du PCF. Du " retroussez vos manches " de Thorez après la boucherie de 39-45, jusqu'au gouvernement PC-PS de 81-83, en passant par le

Programme Commun. Autant de couteaux réformistes qui ont poignardé la classe ouvrière en tant qu'issue COLLECTIVE pour se débarrasser du capitalisme. Egalement, la politique de gestion de la crise, des appareils syndicaux, qui ont vendu la lutte ouvrière pour une poignée de strapontins ( de même les échecs dans les pays dits " socialistes " ).

La politique des réformistes est en grande partie responsable de la floraison des solutions individuelles dans les rangs ouvriers, face à la crise. Elle cultive les illusions, quant à la possibilité de faire autrement, autre chose, sous le capitalisme. Une SCOP par exemple. Toute la propagande réformiste y conduit: " Halte aux gâchis ", " Ducellier peut vivre ", " mauvaise gestion ", " Halte à la casse ", " Halte à la spéculation ", " maintien de la production " etc... Autant de mots d'ordre qui loin d'élever la conscience des ouvriers sur la nécessité de détruire l'organisation actuelle de la société, confortent leurs idées réformistes sur la possibilité de s'en sortir sous le capitalisme, à moindre coût, de faire tourner une usine actuellement sans licencier, sans gâchis, sans excès, au moyen " d'une gestion saine, démocratique ", par " intervention des Pouvoirs Publics ".

3

Le reflux du mouvement ouvrier a mis sur la touche de la révolution nombre de militants et syndicalistes, qui face au chemin sinueux du communisme, aux multiples embuscades idéologiques et politiques, ont préféré reprendre les sentiers battus de l'autogestion ( on se souvient de LIP, coopérative de montres créée en 73. Nous reviendrons sur cette expérience dans un prochain article de notre dossier SCOP ) ou concentrer leur force dans le mouvement dit " Alternatif ". C'est-à-dire tout autrement et tout de suite ( nous illustrerons ultérieurement le mouvement alternatif avec l'exemple de l'Allemagne ). Ce courant anarcho-syndicaliste, autogestionnaire, entraîne pratiquement des ouvriers vers les SCOP, comme solution au chômage.


4

Enfin le secteur où il se crée le plus de SCOP est le bâtiment. Secteur particulier dans la mesure où les ouvriers sont sans cesse en mouvement, changent de chantier, se sentent proches du chef-maçon qui "bosse comme tout le monde". L'intérim y est fortement employé. Ce qui en fait un secteur plus en retrait du point de vue de la conscience ouvrière collective. Vient ensuite le secteur: travail intellectuel et culturel ( bureaux d'études, théâtres... ), 22% des créations de SCOP en 1982. Il s'agit donc ici de couches petites-bourgeoises. Si l'on ajoute à cela les secteurs du cuir et du livre en 3ème et 4ème position, on constate que les bastions de l'organisation et de la tradition ouvrières, comme la métallurgie, sont moins sensibles à l'initiative SCOP. Quoique l'on note une progression des industries transformatrices de métaux depuis 1982.

Ces précisions étaient importantes avant d'aller voir dans ces SCOP ce qu'on y dit, ce qu'on y fait, ce qu'on y change. Ou ce qui ne change pas. L'écart entre la volonté et la réalité situe la galère à laquelle s'affronte " l'alternative " SCOP.


LA VOLONTÉ... OU UNE GALÈRE, MAIS LA NOTRE !

" Des bateaux j'en ai vu beaucoup, mais le seul qui ait tenu le coup... c'est celui des copains d'abord " chantait Brassens. Ceux qui tentent l'aventure SCOP embarquent en quelque sorte sur ce même rafiot. Il vaut mieux être entre copains dans la tempête ( voir encart ). y'en a marre des patrons qui licencient, qui cassent, qui spéculent. On va mener nos affaires nous-mêmes. On finance, mais on choisit le cap. Et pas question de ramer comme à l'usine. Chefaillons, cadences infernales, gâchis, pointeuses par dessus bord. Cette ironie caractérise les principes de navigation des " nouveaux entrepreneurs ", qui sont ceux de la tradition du mouvement coopératif dès sa naissance. Revus et corrigés 73-85. Quels sont-ils ?

1- PROPRIETE COMMUNE de l'entreprise. Capital avancé et bénéfice réalisé sont capital collectif.

2- LIBERTE D'ADHESION ET DE RETRAIT. Il existe trois statuts de coopérateurs, qui relativisent la règle de propriété commune. On peut être soit :

-sociétaire: celui qui apporte financièrement, participe à l'Assemblée Générale de la SCOP, élit le Conseil d'Administration. Le propriétaire en quelque sorte pour le matériel et les décisions.

-Auxiliaire: celui qui travaille dans une SCOP, n'apporte rien d'autre que ses bras, ne décide pas, touche le salaire que lui paye le " patron SCOP ", ni plus ni moins.

-sociétaire extérieur: celui qui apporte un capital sans travailler dans la SCOP. Manufrance par exemple, disposait de 1 500 sociétaires extérieurs.

Ce type de sociétaire ne peut occuper plus d'un tiers des sièges au Conseil d'Administration.
3 -GESTION DEMOCRATIQUE. C'est l'Assemblée Générale des sociétaires qui est souveraine. Elle élit un Conseil d'Administration chargé d'appliquer les orientations définies par l'Assemblée. Un homme égale une voix, indépendamment du capital que chacun met dans l'affaire.

4- PRIMAUTE DE L'HOMME par rapport au capital, DU SERVICE sur la marchandise. C'est-à-dire que les SCOP entendent que leurs membres " maîtrisent " leur travail, que celui-ci ne soit pas soumis à produire d'abord des marchandises, mais " des biens socialement utiles ".

A ces quatre principes historiques, on peut en ajouter un plus actuel, issu de la crise du capitalisme :

5 -VIVRE ET TRAVAILLER AU PAYS. Face aux régions qui se meurent économiquement, aux ANPE débordantes, de chômeurs, des licenciés n'acceptent pas que tant de bras, tant de machines soient inutilisées. Aussi choisissent-ils de faire repartir tout cela. " Faut bien faire quelque chose ". Appuyés par les élus locaux avides de gains électoraux, empêtrés dans leur décentralisation et leur pelote de promesses bidon. Qu'en est-il de ces principes dans la réalité ?

Les SCOP créent moins
d'emplois
Ils sont 36 108 salariés à travailler dans les 1 308 SCOP (Société coopérative ouvrière de production) recensés par la confédération générale des SCOP. Ces entreprises, dont 60 % des salariés sont actionnaires, restent encore modestes puisque 10% seulement d'entre elles emploient plus de 50 salariés et 46 % moins de 10. Leur chiffre d'affaires est passé de 4,2 mil- liards en 1978 à 11 milliards en 1984.
Mais si l'année 1982 a vu se créer 311 SCOP au lieu de 159 en 1980, ce chiffre est retombé à 230 en 1984, année où le nombre de " décès " a culminé à 229.

LA RÉALITÉ,..
OU LA GALÈRE DU CAPITALISME

Produire autrement ou produire comme avant
-
Quand une SCOP se crée et notamment à la suite d'un conflit amenant des grévistes " à s'approprier collectivement l'outil de travail " comme ultime solution, les aspirations à travailler autrement se font plus présentes. Ce sont celles de la classe ouvrière en général. Je les résument ainsi : un aspect dominant qui est travailler "autrement " dans le cadre du capitalisme, de ses lois économiques, c'est-à-dire avec moins d'abus, moins de gâchis moins de cadences, moins d'intermédiaires et de parasites. Plus de participation de producteurs au décisions. Un aspect dominé, porté par une fraction d'ouvriers qui eux veulent se sortir des règle du capital, mais se sentent trop isolés, tout en ne discernant que faiblement les possibilités de le réaliser. D'où une soumission à ce qui apparaît pour l'ensemble des ouvriers comme inévitable : la loi du marché. Fabriquer un produit compétitif ou disparaître.

Cela se traduit par la création de son entreprise. Une SCOP. Pensant s'en sortir mieux que le patron " incapable ". Ainsi les coopérateurs vont essayer de concilier nécessités économiques et leur critique immédiate du capitalisme.

Avec des règles de fonctionnement plus démocratiques, comme la gestion collective. Dans leur expérience, les coopérateurs ouvriers ont vécu la séparation entre ceux qui se tuent à la tâche, coupés de toute compréhension globale du produit fabriqué et les cols blancs qui déambulent dans les ateliers où ils étalent leurs connaissances générales de l'usine. La gestion collective contient une tentative des coopérateurs de remettre les pendules à l'heure pour tous.

Par des mesures pratiques dans l'organisation du travail comme la rotation des postes pour " toucher à tout " la formation auprès des ouvriers qualifiés pour " apprendre ", la collectivisation des idées, l'utilisation des machines à des tâches non prévues, pour " améliorer les poste de travail ", le réglage des machines par les utilisateurs eux-mêmes Régler sa machine pour un ouvrier c'est stimulant. On le fait parfois, on se sait pas plus con que le régleur et ça repose du travail répétitif. Mais souvent on laisse tomber car une machine déréglée, c'est l'occasion d'un temps de repos. Les coopérateurs au départ entrevoient de rompre avec cette attitude contradictoire. Dorénavant tout va se faire ouvertement, en collaboration, en équipe, sans chefaillon.

Puis l'expérience allant, on s'aperçoit que dans sa propre SCOP la boîte à idées sert surtout à augmenter les cadences plutôt qu'à libérer du temps pour apprendre. Car la formation auprès des qualifiés reste au niveau de quelques combines et n'est pas accompagnée d'un complément théorique. On touche à tout, v'là ma machine, je prends la tienne, mais la table à dessin reste propriété du col blanc.

Même les critiques les plus immédiates des ouvriers au capitalisme, la SCOP ne peut les réaliser. Et ce n'est pas les 230 SCOP coulées en 84 qui le contrediront. La concurrence extérieure gangrène la SCOP et balaie la volonté de départ des coopérateurs de changer les habitudes dans leur entreprise. On a beau se fixer de produire " des biens socialement utiles ", dans la société actuelle, il s'agit de les VENDRE. Et pour cela, ils doivent être COMPETITIFS. Personne n'achètera une cuisinière SCOP mille francs plus cher qu'une cuisinière Conforama. Une seule réponse à cela: celle que les SCOP dans leur totalité ont été contraintes d'appliquer: une organisation " classique " du travail capitaliste après avoir cru poser les bases d'une lutte contre.

-Appel à des dirigeants chevronnés, ou à des cadres sortis des écoles pour la gestion, les comptes, s'occuper de gagner les marchés.

-Séparation accrue entre les producteurs aux manivelles et les experts en gestion à la direction. Chacun à sa place.

-Appel de plus en plus fréquent à des travailleurs non qualifiés pour les boulots d'OS, avec salaires correspondants.

-Les ouvriers professionnels, bien souvent à l'origine de création de SCOP, voient leur déqualification se perpétuer.

-Confrontés à des problèmes d'absentéisme et de qualité de production des dirigeants de SCOP inaugurent les " cercles de qualités " pour intéresser les coopérateurs à la " gestion démocratique ".

-Retour de la pointeuse et des chronos pour chasser les temps morts.

-Etablissement de primes au rendement et même les 2 x 8 comme la SCOP de meubles des Vosges Manuest.

-Licenciements. Nous avions cité dans l'article précédent l'exemple de la SCOP Association des ouvriers en instrument de précision qui avait dégraissé ses effectifs de 4665 à 1215, de 78 à 81.
Après avoir voulu atténuer les différences entre les manuels et les intellectuels, s'attaquer à la division du travail dans une entreprise " donner à tous les possibilités de promotion, de formation, substituer à une discipline de production imposée, une organisation de travail délibérée (...), adaptée aux aspirations et besoins du groupe " ( Confédération Générale des Scop ), les coopérateurs sont contraints de s'auto-exploiter pour naviguer dans la compétitivité. Le mariage entre besoins des coopérateurs et nécessité du capitalisme n'aura duré qu'une lune de miel.

Bien entendu, une SCOP n'est pas un bloc uni ou plutôt elle ne l'est plus. Le rafiot des copains a sombré et depuis les marins rament pour les officiers. Une couche de gestionnaires qui a restauré ce qui avait été abandonné sur le port le temps d'un départ. Ceci nous amène au point suivant.

Démocratie: compétition d'abord

Nous avons vu que dans les SCOP, il y avait des sociétaires ( les gestionnaires) et les auxiliaires ( les simples salariés ). Ces dernières années, des mesures ont été prises pour susciter le sociétariat qui n'atteignait que 32% des travailleurs coopérateurs en 76. Le congrès de 81 vota pour que l'obligation au sociétariat figure sur le contrat de travail de tout nouvel embauché. Afin qu'éventuellement l'Assemblée Générale des sociétaires l'impose ultérieurement à l'embauché. Ca ressemble assez au travail en équipes qui figure sur nos contrats de travail. Vous trouvez pas ?

Actuellement 60 % des coopérateurs sont sociétaires. Pourquoi pas 100% ? L'explication est simple. Il se passe que les SCOP où le sociétariat est faible maintiennent leur activité, sont compétitives. A l'inverse, là où le sociétariat est important les SCOP connaissent des difficultés. Quand c'est pas le plouf carrément.

Les 40% d'auxiliaires sont en quelque sorte la main-d'oeuvre corvéable à merci. Les OS et sous-payés des SCOP. Ceux que les " nouveaux entrepreneurs " soumettent le plus aux contraintes économiques, baladés selon les besoins de la production " des biens socialement utiles ". Ceux qui aident à équilibrer les comptes. Ils sont les intérimaires, les précaires, les immigrés des entreprises " normales ". C'est une condition d'une bonne santé économique, d'une meilleure rentabilité.

Bref, tout en se donnant les moyens de favoriser le sociétariat qui est tout de même la base importante du financement des SCOP ( retenue mensuelle sur le salaire ), les coopérateurs sont obligés de le limiter pour réajuster les taux de profit. Egalement, les auxiliaires

quand ils goûtent à l'expérience SCOP, au " travail autrement ", ne sont pas du tout tentés par le patronat collectif. Ils pensent plutôt à mettre en avant des revendications salariales et de conditions de travail. Ce qui correspond directement à leur situation réelle. Plutôt que de s'embarquer dans une galère avec une rame de gestionnaire et une rame d'exploité. Situation difficile que de revendiquer pour son salaire, tout en acceptant chaque mois une ponction obligatoire.

Aussi les SCOP sont obligées de faire avec et être souple quant à l'obligation au sociétariat inscrite sur le contrat de travail.

Une caste de gestionnaires dirige les SCOP. Son mot d'ordre: compétition d'abord, coopération ensuite. La pression extérieure l'oblige, comme le rapport aux banques, l'évolution du marché, des produits. Le capital " collectif " reste capital et donc division du travail. Cet " extérieur " ne s'embarrasse pas de lenteur démocratique et les partenaires des SCOP veulent avoir affaire à des experts. La loi du marché c'est une guerre où il faut tailler sa part, être compétent. Aussi il est de règle que l'Assemblée Générale des sociétaires réunie une fois par an, sommet de la démocratie SCOP, confie les tâches de gestion aux experts, en élisant un Conseil d'Administration pour diriger et un Conseil de surveillance pour surveiller. De façon purement formelle car bien vite se crée " une hiérarchie tranquille qui calquée sur celle des entreprises patronales, sécurise (l'extérieur !) en respectant la division du travail traditionnelle (...). Rares sont les SCOP où tous les niveaux de la hiérarchie du travail sont représentés dans les organes élus. La maîtrise et les cadres se retrouvent plus aisément administrateurs que les ouvriers et les employés. Quand le Conseil d'Administration ne reproduit pas lui-même le conseil de direction composé exclusivement des différents directeurs de services " ( Cité dans " Les coopératives de production ". O. Demoustier. Edition La Découverte).

Nous avons vu avec l'exemple de Manufrance dans le précédent article ( Partisan n° 1 ) l'imbrication , des syndicats dans l'appareil de gestion des SCOP. Bien souvent à l'origine de leur création, ils en viennent rapidement à limiter l'action syndicale à l'extinction démocratique de toute revendication. Dans le cas des auxiliaires, à canaliser les mécontentements vers " attention vous allez couler notre entreprise ". Il ne peut en être autrement. La réalité des SCOP est la conclusion pratique de ce qu'ils proposent. Etre les nouveaux gestionnaires du capitalisme. Ce que le PS fait, au gouvernement depuis 4 ans en disant aux déçus du " socialisme " : " attention vous allez favoriser le retour de la droite ".

Cherche banquier sympa !

Les SCOP ne peuvent vivre uniquement de l'apport des sociétaires, ou mal. Donc disparaître ( 1 à 5 % de retenues sur le salaire mensuel ) sans oublier l'apport au départ, remboursable au démissionnaire dans un délai de 5 ans. Si tout va bien.

L'Etat aide les SCOP ( qui marchent ! ) à travers le Fonds de Développement Economique et Social ( prêts bonifiés ). Autour des SCOP se créent des courants de souscription comme l'Association des Amis de Lip par exemple. Mais tout ceci est insuffisant. D'où les banques. Mais une banque reste une banque. Pour qu'elle accorde un prêt, il lui faut des garanties. C'est-à-dire un bon capital de départ, et des garanties pour l'avenir rassurantes. Comme des conditions d'exploitation des ouvriers saines et rentables. Une affaire moins démocratique, mais où les experts ont la direction bien en main. Des sociétaires prêts à tous les sacrifices. Une politique salariale musclée. " Primauté " au profit avant l'homme.

Les créateurs de coopératives dans leur histoire se sont toujours élevés contre les intermédiaires, les désignant comme responsables de tous les malheurs. Les banques s'avèrent

un intermédiaire bien difficile à " supprimer ", même quand on s'approprie collectivement l'outil de travail.


EN CONCLUSION

Dans un prochain article de notre dossier SCOP, nous reviendrons sur deux idées abordées ici et non développées. La première: l'appropriation collective d'une entreprise. L'expérience SCOP nous montre qu'il ne suffit pas à des ouvriers de posséder le Capital ( machines, argent, force de travail) pour réussir autrement. Lutter efficacement contre le chômage. Le capital est un rapport de production qui s'impose et qui impose une façon de produire, qui impose des dirigeants, des dirigés, qui méprise les besoins des producteurs, les façonne selon son seul souci : le profit. Qui impose des classes. Deuxième idée. L'article de ce mois-ci a montré que les SCOP ne pouvaient que recréer des couches aux intérêts différents. Ceux qui exécutent et ceux qui dirigent. Des capitalistes et des prolétaires.

Enfin, nous montrerons que l'aspiration à travailler autrement ne peut trouver de réelle solution que dans une transformation de toute la société contre le capitalisme. Qu'une lutte efficace contre le chômage aujourd'hui est celle qui se fixe cette transformation. Et combat les issues microscopiques qui sont les SCOP dans un univers en bouleversement.
Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 17:07:41   

Créer des SCOP ou détruire le capitalisme (Partisan n°3- septembre 1985)

Le mouvement SCOP a son histoire ( voir Partisan n° 1 ). Il a sa pratique quotidienne ( voir Partisan n° 2 ). Il a donc une ligne politique. Elle est représentative d'un courant à combattre pour élever la conscience et les objectifs de la lutte ouvrière.

En gros, ce courant politique propose aux ouvriers une issue libératrice dans la société capitaliste. Une accumulation de petits pouvoirs ici ou là, faisant basculer le cours des choses: créer son entreprise pour lutter efficacement contre le chômage, produire " utile" pour calmer les excès du capitalisme, " s'associer" pour supprimer les antagonismes de classes.

Je partirai de l'extrait d'article de la Revue RESISTER n° 15 reproduit ci-dessous pour critiquer cette orientation politique, lui en opposer une autre.


RESISTER N°15 a écrit :

(...) Si, en France, nous ne connaissons pas d'applications des plans, par contre nous connaissons l'expérience des "scops" (Sociétés coopératives ouvrières de production). Celles-ci, lancées sous Barre, développées depuis 1981, relèvent de l'idéologie de la nécessité "d'entreprendre" et, en ce qui concerne les travailleurs, de l'idée qu'ils peuvent produire autrement, gérer autrement et sans pouvoir patronal, dictatorial, dans leur entreprise, ceci dans le cadre du régime tel qu'il existe.

Depuis plus de 3 ans que les expériences se sont faites, permettez-moi de citer quelques exemples de ma région (mais qui sont les mêmes partout, les camarades qui se battent "sur le terrain" sans avoir la tête dans les nuages alternatifs, les connaissent bien !!).

La SCOP JAPY (St-Dizier, 52) fabrique des ustensiles de cuisine émaillés; en 2 ans, elle a conquis 13% de l'ensemble du marché français. Les autres fabricants privés, trouvant la concurrence saumâtre, font pression sur les banques nationalisées. Celles-ci, au service des intérêts privés, imposent des taux et des délais contraires aux promesses gouvernementales faites. Toutes les promesses (ah ! la comédie des députés godillots, accompagnant des délégations aux ministères, et ressortant avec les promesses futiles comme les vents !)

... jamais tenues. Bref, c'est l'étranglement voulu, organisé, lent, d'une usine qui marchait bien ! Le tribunal de Commerce, heureux enfin, prononce la liquidation (...).


Tiré de la Revue RESISTER n°15


D'après le camarade de Résister, les SCOP périssent car elles sont victimes " d'un étranglement
voulu " par les banques " au service des intérêts privés ". C'est une conclusion totalement opposée à l'analyse de la réalité que nous avons faite dans Partisan n° 2. A savoir : les SCOP, comme toute entreprise, sont soumises à la concurrence, à la loi du profit. C'est ce qui détermine leur vie ou leur mort. Analyse fondamentale qui secondarise absolument tout calcul politique. Les capitalistes ont-ils boycotté la France " socialiste " depuis 5 ans: Certainement pas. Les avantages sont bien trop intéressants. AVANT TOUT AUTRE CHOSE, le capital s'investit où ça en vaut la chandelle du point de vue du profit maximum. Le thème de " l'étranglement voulu " fait partie de la famille des thèmes réformistes chers au PCF et à la CGT : " spéculation "," un coup des multinationales ","la casse organisée "... Ils reviennent à nier que le capital est UN RAPPORT SOCIAL DE PRODUCTION. L'objectif politique n'est alors pas de détruire le capitalisme, mais de le réformer, pour que petits bourgeois, bureaucrates syndicaux et politiques jouissent de responsabilités, soient eux-mêmes les fonctionnaires du capital.

SUFFIT-IL DE S'APPROPRIER LE CAPITAL ?

Quand les réformistes avancent leurs solutions politiques, avec la langue, tout paraît simple. Y'a qu'à !
Halte à la casse, halte à la spéculation. Et tout baignera dans l'huile. Mais quand ils se mettent au boulot, rien ne marche. A.R.C.T. Roanne échec. SCOP Manufrance, échec. Gouvernement de gauche, échec. Gouvernement entièrement " communiste " dans les pays de l'Est, échec. La simplicité, c'est-à-dire arrondir les angles du capitalisme pour qu'il soit bienfaiteur, changer les têtes pour le réaliser, est une voie de garage. Le mouvement SCOP CONFIRME CELA. La classe ouvrière ne sortira pas de la crise en contournant les vrais problèmes, et c'est compliqué, mais en les attaquant ELLE-MEME de front.

Voilà des ouvriers qui regroupent économies, indemnités de licenciement, créent ou redémarrent une
entreprise, élisent leurs dirigeants. Ils chamboulent quelques habitudes au niveau de la production, projettent d'atténuer les différences entre ceux qui usinent sur leur bécane et ceux qui conçoivent dans les bureaux. Devenus coopérateurs, ces ouvriers-patrons sont bien décidés à ne pas reproduire les " erreurs de gestion" passées. Et pourtant la plupart des SCOP créées CASSENT. Il a fallu d'abord abandonner les idéaux premiers de" produire utile ", " autrement ". Puis licencier ses propres copains. Enfin fermer la boutique. S'approprier l'outil de travail n'a pas suffi. Pourquoi cela ?

Indépendamment de l'étiquette du propriétaire, le capital reste capital. Qu'il soit " propriété du peuple
tout entier" comme en URSS ou " propriété collective " pour les coopératives ouvrières. Nous avons dit qu'il est avant tout un rapport social. Cela signifie que le Capital ce n'est pas simplement de l'argent, des usines, qu'on peut utiliser à bon escient, pour " nos besoins ", mais qu'il est un ENSEMBLE de lois, de règles,; d'idéologie, de politique, dont le fondement commun est L'EXPLOITATION DES OUVRIERS. Le capital y puise son énergie, son développement, sa vie donc. Traqué sans cesse par la concurrence du marché, il riposte en aggravant l'intensification du travail. Demande toujours plus aux ouvriers, augmente la part qu'il soutire de leur exploitation. S'il ne peut faire cela, le capital d'un secteur, d'une usine, est contraint de disparaître, laisse ruines et chômage, car il ne peut se renouveler ( il doit toujours investir en machines plus compétitives pour produire plus vite et moins cher ).

Les lois qui animent le Capital :

1/ Lui font produire des marchandises à vendre.

Et l'on voit bien que marchandise et " nos besoins " se marient plutôt mal. Nous avons besoin de lait et
le capital tue la marchandise vache, car il y en a trop du point de vue de ses règles. Nous avons besoins de logements pas chers et le capital construit la marchandise résidence ou pavillon.
Nous avons besoin de crèches, d'écoles, de transports, et le capital produit la marchandise guerre ( Euréka ). Et si c'était vraiment nos besoins, pourquoi tant de pub pour les vendre :
2/ Lui font produire des relations de concurrence entre les producteurs.

Quand on produit des marchandises pour le marché, on produit nécessairement des relations de
CONCURRENCE entre les producteurs. Une usine, une coopérative, n'est pas seule à fabriquer telle marchandise. Sur le marché, il y a de multiples produits communs, le consommateur achète le moins cher possible. Aussi pour vendre pas cher, il faut fabriquer pas cher. Cela veut dire réduire au maximum le coût de production. Chacun sait comment: restructurer, augmenter les cadences, baisser les salaires, précariser les ouvriers, employer des auxiliaires dans les SCOP.
Relations de concurrence entre les ouvriers d'une même boîte : augmentations individuelles, division
entre OS et OP. Entre les ouvriers de différentes boîtes: il faut vendre contre l'autre. Entre les chômeurs et les actifs: accepter les licenciements pour que les autres travaillent. Entre hommes et femmes, entre femmes et vieux. Entre français et immigrés: " qu'ils rentrent chez eux ! ".
3/ Lui font produire des dirigeants, des dirigés.

Quand l'objet de la production s'inscrit dans la logique du profit, l'organisation du travail ne peut être
que celle que nous connaissons : une armée de manuels aux ordres d'une élite intellectuelle qui a tout le pouvoir de décision. Ce sont les pistons du moteur capitaliste. Sans remettre en cause la logique du profit, donc la rivalité de marché, on ne peut échapper à l'organisation capitaliste " classique " du travail. Comme il faut aller toujours plus vite, passer le moins de temps possible pour fabriquer un produit, les ouvriers sont cantonnés à assumer exclusivement cette course au temps. Rivés sur leur machine. Temps durant lequel les intellectuels des méthodes, de l'encadrement, sélectionnent dans la boîte à idées ce qui permet d'augmenter les cadences. Le commercial se chargeant de trouver les marchés. Tout est ainsi découpé, morcelé, pour gagner en compétitivité.

Nous voulons de " nouveaux critères de gestion" disent PCF et CGT. Espérant faire tourner autre-
ment le moteur Capital. Mais le squelette de ces critères restant concurrence, profit, loi de la jungle, cela ne peut conduire qu'aux expériences Manufrance ou Menzer ( voir encart ) : casse et licenciements. Des capitalistes de gauche ont simplement remplacé ceux de droite, mais l'Ensemble Capital laisse socialement chacun à sa place: l'ouvrier aux manivelles. Et quand ça rapporte plus, à l'ANPE.
4/ Lui font produire une façon de vivre

Produire des marchandises, fournir l'énergie nécessaire au moteur Capital, c'est produire et reproduire
pour les ouvriers une vie de producteurs soumis, consommateurs de besoins façonnés par le capitalisme, ballottés par les crises interminables. Tu travailleras à la sueur de ton front dit le bourgeois à l'ouvrier. C'est la sanction pour avoir été paresseux à l'école ! Derrière cette leçon de morale se cachent des rapports de classes où violemment la bourgeoisie assure aux siens les bases du pouvoir sur la société. La seule perspective qu'elle laisse à l'ouvrier c'est de s'en sortir en écrasant les autres, de trouver sa vraie liberté dans la production et l'accumulation de biens matériels. Pendant ce temps sa tête se vide. C'est l'aboutissement organisé de la société de consommation, bagne à perpétuité pour les OS presse-boutons et les professionnels routiniers.

Encart
L'effondrement de Menzer, coopérative exemplaire

Reprise en 1982 sous forme de SCOP à l'initiative de la CGT, l'entreprise alsacienne de maroquinerie devait être le symbole du "changement". Elle vient d'être mise en liquidation.
Strasbourg (de notre correspondant)

Cela devait être le symbole du changement. Malheureusement la SCOP Menzer à Sélestat (Bas-Rhin) lancée en 1982 par la CGT a été mise en liquidation mercredi 31 juillet par le tribunal de Colmar (Haut-Rhin. Les 132 salariés, actuellement en vacances, perdront pour la seconde fois en quatre ans leur emplois le 31 octobre prochain, délai accordé pour terminer les commandes en cours. "Nous n'avons pas changé de gouvernement pour poursuivre la même politique". En février 82, la CGT d'Alsace s'empare à bras le corps de Menzer. Cette affaire de maroquinerie presque centenaire qui a employé jusqu'a un millier de personnes bat de l'aile depuis de nombreuses années. Alors qu'elle emploie encore plus de 730 personnes en 1978, ses effectifs avaient fondu à 460 salariés quand intervient la liquidation et le licenciement collectif prononcé le 18 juin 1981. Contre deux projets de reprise avancés par les anciens patrons, les frères Milo et Daniel Menzer, et par des cadres de l'entreprise, la CGT annonce son intention de reprendre Menzer sous forme de coopérative.
Le syndicat et le parti communiste se réjouissent. " La victoire du 10 mai, la situation nouvelle qui s'en est suivie, la construction du changement, doivent bénéficier également aux travailleurs de Sélestat", proclame le PCF, "la relance du pouvoir d'achat et de la consommation entraînera une amélioration des ventes, y compris en maroquinerie... La loi du profit ne peut plus être le moteur de notre économie..., Le mot d'ordre "produisons français" n'est pas nouveau pour les communistes. Il faut maintenant lui donner une réalité." Accepté
par la justice, le projet de SCOP permet le redémarrage au cours de l'été 82. Le député communiste européen Francis Wurtz, puis en novembre Henri Krasuki témoignent par leur présence de la sollicitude de la CGT et du PCF pour le projet. Sur les 460 licenciés, 176 sont repris, et apportent en moyenne 15 000 francs d'indemnité.
Guy Clément, secrétaire de l'union régionale CGT, s'installe à la présidence du directoire de la nouvelle société et annonce la couleur : 176 emploi immédiatement, 238 dès 1983; et 6nalement 341 au bout de deux ans. En fait la SCOP n'atteindra jamais ces effectifs, et tourne dès la reprise à faible régime. Car le commerce de la maroquinerie bas de gamme, le créneau de Menzer , se détourne de la production alsacienne. Les produits bon marché d'Extrême-Orient ou des pays de l'Est inondent le marché. Les centrales d'achat désertent la SCOP privée de son infrastructure commerciale, les vendeurs ayant refusé de suivre la CGT dans l'aventure. En deux ans, la SCOP accumule 14 millions de perte d'exploitation.
Début 85 c'est l'effondrement. Les salariés manifestent contre les retards de versement des salaires. Des licenciements interviennent. Au printemps des inconnus saccagent le siège de l'union régionale CGT à Strasbourg. Le syndicat, d'habitude prompt à dénoncer toute agression contre l'organisation de la classe ouvrière, tait l'incident. Bien que non revendiquée, cette mise à sac est mise sur le compte des difficultés de Menzer. Le 31 juillet, la justice met un terme à l'expérience. La CGT adopte un profil bas. Toute solution permettant de sauvegarder les emplois sera bienvenue. " Notre seul souci était les emplois ", assure le syndicat, oubliant ses ambitions de 1981.

Michel SOUSSE


CHANGER LES LOIS POUR CHANGER LA VIE

Changer les lois, c'est détruire le capitalisme: donc pour les ouvriers se donner les moyens politiques
et organisationnels d'atteindre ce but. Notre expérience de la gauche, des SCOP, des propositions gestionnaires des syndicats, montre que c'est la seule perspective réaliste face au chômage, au travail inintéressant, à la vie routinière.
L'heure n'est pas à créer son entreprise, à " s'associer " pour " produire utile ", mais à construire le camp des exploités en se divisant, en se séparant des porteurs de contre-plan, en se démarquant de leurs soi-disant issues sous le capitalisme.

Le mouvement SCOP donne une réponse fausse à des questions réelles: produire quoi, désertification
des régions, formation des manuels, lutte contre le chômage, etc... Questions réelles car toutes apparaissent de plus en plus aiguës face à la crise du capitalisme. Réponses fausses car elles nient le seul moyen de leur solution : LE POUVOIR POLITIQUE sur toute la société. La classe qui a le pouvoir ( ou les bourgeois ou les ouvriers) décide et impose par son Etat quelle production, quelle industrialisation des régions, quelle formation. Croire à une cohabitation pacifique ou possible entre deux façons de produire, de vivre, en fait deux pouvoirs, est simplement illusoire. Les SCOP en sont l'éclatante démonstration.

La bourgeoisie vit du capital qui la reproduit sans cesse. Ce sont les deux mains d'un même corps.
Ainsi, elle veille à sa reproduction. La bourgeoisie met tout en oeuvre pour qu'à travers les crises, le Capital trouve l'oxygène nécessaire à sa vie. C'est aujourd'hui la flexibilité, les TUC et les TIG, la formation bidon, l'arrêt de telle production, le financement de telle autre, la propagande pour que chacun fasse sa petite entreprise.

Construire le camp des exploités, c'est lutter contre toutes ces mesures, cette propagande, qui en fait
d'oxygène pour tous, comme disent les bourgeois, n'est que gaz carbonique pour les ouvriers, les essoufflant davantage, les soumettant toujours plus au capitalisme, retardant toute véritable solution, en l'occurrence révolutionnaire, à la crise.

Construire le camp des exploités, c'est montrer que les créateurs des SCOP ne font que contourner le
problème de fond inévitable à savoir que le capitalisme développe le chômage et le développera davantage encore. Le choix est alors : s'embarquer à quelques uns sur le rafiot de l'impasse pour naviguer sur l'océan de concurrence capitaliste, ou engager le combat classe contre classe pour détruire le capitalisme. Pour cela rassembler toutes les forces ouvrières disponibles : actifs et chômeurs, français et immigrés, hommes et femmes, avec comme objectif la prise du pouvoir d'Etat. Condition indispensable pour imposer les règles, les lois d'une autre vie où chacun est utile et utilisé.

Construire le camp des exploités c'est, en s'appuyant sur l'expérience SCOP, montrer que même créée
par des ouvriers, une entreprise sous le capitalisme ne peut: 1/ satisfaire durablement leur première exigence de conserver un emploi; 2/ que concurrence, marchandise, profit enterrent totalement les aspirations ouvrières à faire autrement, autre chose.

Cet objectif fixé trace les exigences du seul combat d'aujourd'hui pour rassembler et unir tous les ouvriers :
-réduction du temps de travail : 30 heures immédiatement sans perte de salaire, sans augmentation de la charge de travail, avec embauche correspondante, sans distinction de sexe, de nationalité.
-salaire entier aux chômeurs.
-retraite pleine et entière à 55 ans.
-TUC/TIG = mascarade et exploitation.
Certains diront qu'aujourd'hui il faut mieux faire une SCOP que d'aller à l'ANPE et que la position poli-
tique ci-dessus est générale, superficielle. La position de l'article s'appuie sur le bilan de l'expérience que je connais. Que les camarades qui ont fait une expérience différente ou pense qu'une " utilisation " des SCOP autre est possible, fassent part de leur point de vue. Ecrit. Partisan se veut un journal ouvert. Justifions-le.


Julien Bréau
Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 17:09:49   

a propos de SCOP ( Partisan n°4- octobre 1985)

Bien qu'ayant eu tardivement PARTISAN N° 3, je tiens à apporter ma contribution au dossier sur les
SCOP. A la fois parce que PARTISAN se veut un journal ouvert, en transformation et aussi parce que je pense que l'on ne peut fermer le dossier SCOP avec ce qui est dit dans le dernier article : " créer des SCOP ou détruire le capitalisme ".

SUR QUOI PORTE MA CRITIQUE

Je ne suis pas en désaccord sur le raisonnement de fond qui est fait pour expliquer qu'il n'existe pas
d'issue durable pour une SCOP avec les règles du jeu capitaliste. La SCOP, quelle que soit l'expérience qu'elle veut mettre en pratique, ne peut éviter les contraintes capitalistes: rentabilité, compétitivité. De ce point de vue, il est juste de le dire ou de le redire et d'être clair dessus lorsqu'on aborde pratiquement ou théoriquement le problème SCOP. D'autre part, l'enquête menée par Julien Bréau pour rédiger son dossier nous apporte une richesse d'informations: fonctionnement d'une SCOP, qui sont-elles ? etc.

Là où je porte mon désaccord, c'est que Julien Bréau estime toute expérience de SCOP comme un
échec total pour la simple raison qu'elles ne résolvent pas le chômage. Et que la seule richesse à en tirer, c'est de prendre le pouvoir, de renverser le capitalisme. Julien Bréau se croit au matin du grand soir. A la fois, il croit que la seule explication par les idées peut convaincre les ouvriers et d'autre part, il évacue la prise de conscience par l'expérience que peut apporter la tentative SCOP.

FAUT-IL CRÉER DES SCOP ?

Aujourd'hui, dans la situation concrète, il n'y a pas une position de principe sur cette question.
Il apparaît par exemple peu probable que nous impulsions l'expérience SCOP dans une entreprise comme MANUFRANCE, vue l'importance de l'usine et ce que cela nécessite pour la faire fonctionner. Cela supposerait aussi que nous soyons fortement implanté, ce qui est rarement le cas aujourd'hui. Nous nous contenterions dans cet exemple de faire l'expérience avec les ouvriers.

Mais dans d'autres cas, des entreprises plus petites par exemple, où nous sommes présents, où nous
avons un lien au masse conséquent, nous pouvons impulser l'expérience SCOP afin d'une plus grande prise de conscience à partir de l'expérience par les ouvriers eux-mêmes. Il serait stupide bien que ce soit le point de vue de Julien Bréau dans l'article de se séparer pour aller à l'ANPE, alors que les ouvriers peuvent par leur expérience enrichir leur conscience, tout en percevant un salaire même momentané. Enrichissement, je le répète, possible si cette expérience est réalisée avec des communistes à l'intérieur. Il y a d'autre part des considérations tactiques à tenir compte. Une SCOP qui est l'aboutissement généralement d'une longue lutte peut se fixer comme objectif d'être rachetée par un patron le plus rapidement possible et donc de poursuivre la lutte dans ce sens et de créer la SCOP pour subvenir aux besoins que crée une longue bataille.

Pour convaincre de la justesse de ses positions, on peut adopter différentes orientations: par exemple
si on veut convaincre un ouvrier de ne pas construire son pavillon, que ce n'est pas dans son intérêt, qu'il va rencontrer des problèmes, fatigue, dettes, rapport avec sa famille, ses amis, etc. on peut essayer de le faire par les idées, en lui expliquant et en rester là. Mais la plupart du temps, l'ouvrier n'est pas convaincu. Ou bien on peut après avoir expliqué aller construire les fondations de son pavillon avec lui et montrer au travers de la pratique que son pavillon n'est pas une solution à sa vie, et dans quel sens il doit aller pour résoudre les problèmes de sa vie misérable.

EN QUOI L'EXPÉRIENCE SCOP
PEUT ÉLEVER
LE NIVEAU DE CONSCIENCE ?

Au moment de création de la SCOP, la situation concrète est différente de celle où on travaille dans
une usine classique. Du fait que cette création surgit après une longue lutte avec l'ancien patron, les ouvriers voudront mettre en pratique leur façon de produire autrement. Je n'ai pas d'expérience directe pour argumenter, mais Julien Bréau le dit dans son article: " le rafiot et l'impasse " : " Et pas question de ramer comme à l'usine. Chefaillons, cadences infernales, gâchis, pointeuses par dessus bord ".
Les aspirations, les ouvriers tenteront de les mettre en place, tout comme les ouvrières de CIP en 76, qui fabriquaient des chemises, décidèrent de produire à chacune sa chemise. Ce qui était pour elle mais inconsciemment une lutte contre la division du travail.

D'autre part, l'expérience SCOP c'est que les ouvriers prennent souvent des responsabilités. Ils dé-
montrent à eux-même d'abord qu'ils sont capables de faire beaucoup de choses, d'élargir leur horizon de connaissance. Et cela bien souvent après avoir été des robots pendant des années. Du point de vue de l'épanouissement, des ouvertures que cela offre aux révolutionnaires, c'est extrêmement positif. Une ouvrière de la CIP raconte: " Elles ( les ouvrières ) avaient l'habitude de parler aux délégués mais pas au patron. Ensuite, il n'y avait plus de patron ( occupation avec relance de la production ), on avait l'habitude de se parler entre nous. Ensuite, elles ont été reprises ( par un autre patron ) et elles se sont retrouvées toutes seules sans délégués. Il a fallu remettre tout en place ( des délégués ), mais l'acquit, c'est que les filles n'ont plus peur. Plus peur de parler au patron et je crois que c'est grâce au conflit qu'elles l'ont appris, enfin je pense ".
Le problème qui se pose alors, et où je suis en désaccord avec Julien Bréau, c'est: pouvons-nous éle-
ver la conscience des ouvriers en sachant que leur expérience de SCOP va couler ?
Très vite, en effet, comme l'explique Julien Bréau, le" rafiot" SCOP se trouve confronté à la réalité capitaliste : compétitivité et concurrence. C'est là que l'intervention des communistes est déterminante pour transformer l'échec pratique en conscience positive qui a son tour permettra de mener de nouveau une lutte concrète plus avancée. Pour reprendre l'expérience des ouvrières de la CIP, une autre ouvrière raconte: " On voulait essayer de faire des vêtements entiers. Des chemises, des pyjamas entiers. Et puis elles ( les ouvriers en AG) ont demandé à revenir à la chaîne. Elles n'ont pas voulu faire la chemise entière. Elles ont dit qu'on irait plus vite et c'est vrai, il nous fallait produire. Il n'y avait plus de cadences, plus de rendement, mais elles ont voulu retravailler comme avant. Là j'ai réalisé combien le système était bien ancré. Nous, on croyait qu'on pourrait apprendre à faire le vêtement en entier, on n'était pas bousculées, on faisait ce qu'on voulait. Et bien non, ça n'a pas passé ! Malgré tout, il y a du positif, certaines savaient, après, qu'elles pouvaient le faire et ça nous a aidé par la suite ".

De cette expérience, Julien Bréau tirera l'échec du retour en. arrière, de la chemise entière au travail à
la chaîne. Mais quel contenu donner à cette expression: " Elles savaient qu'après elles pouvaient le faire ". Là est concentré tout le positif de cette expérience. Ce n'est pas la façon de produire ( la leur) qui a coulé l'expérience mais la volonté d'être compétitif dans le système. Notre action à nous, communistes, à ce moment-là, c'est de montrer quelles sont les conditions nécessaires pour que le travail à chacun sa chemise continue. Conditions posant concrètement la nécessité de la transformation non pas seulement du rafiot mais de la société par la prise du pouvoir.

Le fait que les ouvrières aient fait marche arrière ne veut pas dire qu'elles jugent négatifs leur expérience
précédente. Mais seulement elles ne voient pas quelle autre orientation suivre sans qu'elles coulent. De leur expérience locale, se sont posées les contraintes du pouvoir central. A nous de nous en emparer dans notre travail. Julien Bréau ne traite pas la question de cette façon, il dit :
Notre expérience de la gauche, des SCOP, des propositions gestionnaires des syndicats, montre que c'est la seule perspective réaliste au chômage ( détruire le capitalisme ) ".

Le problème lorsque nous engageons une lutte tactique n'est pas de savoir si ça résout le chômage,
nous savons qu'il faut changer la société entière pour cela. Mais ce qu'il faut savoir, c'est si cette bataille tactique, locale, contribue à la seule perspective réaliste au chômage. Et une SCOP dans certaines conditions y contribue. Pour détruire le capitalisme, il faut les masses avec nous. Et elles engageront cette lutte lorsqu'elles seront convaincues que c'est la SEULE ISSUE possible.
Ne pas avoir cette démarche lorsqu'on dirige un mouvement ne peut qu'aboutir a une propagande d'idée d'un côté et à une lutte économiste ( Salaires, 35 h... ) de l'autre. Sans aucun lien entre les deux.

Il est faux de dire comme Julien Bréau " que l'expérience SCOP enterre totalement les aspirations ou-
vrières à faire autrement, autre chose ". Les SCOP permettent par la pratique de responsabiliser, d'intéresser les ouvriers devant de grandes questions. Ils seront comme dit justement Julien Bréau confrontés à la contradiction de leurs aspirations d'un côté et de faire survivre le rafiot de l'autre. Seront alors en débats de grandes questions pour trouver des solutions : si la compétitivité est la cause, comment lutter contre ? Si la concurrence étrangle, comment l'étrangler ? Que faire de notre production ? Faut-il diminuer la qualité du produit ? Les salariés, etc., etc. Voilà les questions auxquelles les communistes devront trouver des réponses pour diriger le mouvement non plus sur le colmatage du rafiot ou une marche en arrière, mais d'engager des luttes plus grandes, plus conscientes, plus politiques contre les causes de l'exploitation.

Il n'y a peut-être pas de solution en termes d'entreprise, de travail ( et encore, il faut se battre, il y a des
reculs partiels. ) mais il faut justement ELARGIR le point de vue des coopérateurs pour élargir leur ambition, leur vision du monde et permettre qu'ils prennent en mains, en conscience, le problème de la prise centrale des problèmes. Sinon, on se met sur le trottoir et on discerne des bons points. La plus grande expérience de " SCOP " en France nous l'avons impulsée, c'est celle de faire avec les ouvriers l'expérience de la gauche au pouvoir. Est-ce négatif ?

F. Gaccioni
Finimore
   Posté le 15-07-2006 à 17:12:44   

non, nous n'avons pas à impulser des SCOP ( Partisan n°5- novembre 1985)

A nouveau sur les SCOP... Mais cela me semble important de répondre à la correspondance de F.G. { François Gaccioni, Partisan n° 4 ) à propos. du dossier SCOP. ( Partisan n° 1.2.3 ). Et notamment éclairer, par une position politique sans ambiguïté, l'axe " créer des SCOP ou détruire le capitalisme ", mis en avant par J.B. ( Julien Bréau ), dans le dossier en question. Pour ma part, je trouve cet axe juste, alors que F.G. le prétend " stupide ".

JE SUIS CONTRE... MAIS !

Il est temps, grand temps, de savoir ce qu'on fait. Ce qu'on met en avant. La lutte de ligne d'accord, si elle aboutit à une ligne directrice, commune à toute l'organisation. Sinon c'est le noir pour les ouvriers qui nous sont attentifs. Certains sont pour les SCOP, d'autres contre. F.G., lui, réussit le tour de force d'être " d'accord avec le raisonnement de fond " de J.B., tout en soutenant la création de SCOP !! " Dans la situation concrète, il n'y a pas de position de principe sur cette question " dit-il ! On ne sait d'ailleurs pas de quelle situation concrète le camarade veut parler, mise à part la lutte des ouvrières de la CIP en 76, qui de mon point de vue renforce l'analyse de J.B. Le dossier SCOP de Partisan a le mérite de faire un bilan concret de la situation concrète jusqu'à aujourd'hui. En s'appuyant sur un bilan historique général et ce ne sont pas simplement " des idées ", mais l'analyse de l'expérience passée au tamis du marxisme-léninisme. Bilan politique et non... "d'information" ...

Ce courant du " je suis contre, mais... je suis pour " existe fortement dans Voie Prolétarienne. Il est significatif du reflux qui caractérise le mouvement ouvrier. Quel ouvrier connaît par exemple notre position politique sur les TIG ! ( Travaux d'Intérêts Généraux ). Dans le journal PARTISAN nous les dénonçons alors que par ailleurs une camarade à Radio PARTISAN déclare: " Je ne suis pas contre car sous le socialisme il y aura des Travaux d'Intérêts Généraux ". On peut retrouver ce raisonnement politique sur la formation, sur la flexibilité, voire sur " Produire français ".

Bref, sur chaque mesure que prend la bourgeoisie pour se sortir de la crise, on se retrouve avec " je suis contre, mais... ". Pourtant on voit bien comment la bourgeoisie nous mijote aujourd'hui à la sauce " on est tous sur le même bateau " : stages pour les nouveaux embauchés, cours économiques... Elle nous compresse idéologiquement. Allons-nous crier bravo à cette initiative des cours économiques sous prétexte que, comme le constatent, certains camarades d'usine, les ouvriers politisés " s'intéressent davantage aux questions économiques" ! Je dis NON et nous devons dénoncer toute tentative de la bourgeoisie de nous associer à notre exploitation. On connaît déjà les cercles de qualité, les groupes d'expression, que les ouvriers délaissent. Les ouvriers avancés refusent de jouer le jeu, quant à la masse elle s'y désintéresse complètement.

Cette attitude différente des ouvriers avancés et des masses fonde la tactique que Voie Prolétarienne s'est donnée. DISTINCTION entre éléments avancés et masses. Organisation de ces éléments avancés pour diriger leur classe vers la prise du pouvoir politique. Ce qui est la condition indispensable pour que les masses ouvrières aient les moyens idéologiques, politiques et organisationnels de surmonter l'état d'appauvrissement intellectuel dans lequel le capitalisme les cantonne.

Je citerais d'ailleurs, pour illustrer et renforcer mon point de vue l'expérience qu'a réalisée la cellule de F.G. dans sa boîte, et que l'on peut trouver dans la brochure " un dernier mot avant de quitter l'usine... " ( disponible à notre Boîte Postale ). Les camarades ont essayé à travers le comité d'entreprise, de remplacer les chocolats de fin d'année par des livres de lecture en menant une activité dans ce sens, bien entendu. Noble initiative. Toutefois, leur bilan montre que cela a été un échec. Les ouvriers préférant les chocolats. Je dirai cela est logique. Le capitalisme a fait des ouvriers des bosseurs du profit. Pas des passionnés de lecture. Penser que l'on peut inverser cette situation sans mettre à bas le pouvoir de la bourgeoisie est tout simplement illusoire. Toutefois, et je l'ai dit, ceci fonde notre tactique et notre activité, une fraction d'ouvriers recherche les moyens théoriques et pratiques de lutte contre le capital. Ils sont la cible prioritaire. Et pour rester dans l'exemple " lecture ", je m'appuierai pour illustrer mon point de vue sur l'interview de Partisan n° 4, réalisé par un camarade d'usine, auprès d'un ouvrier, avec la lecture du Manifeste.

Deux exemples d'activité. Renforcement du travail politique auprès des ouvriers avancés en vue des les organiser pour la prise du pouvoir d'Etat. Ce que F.G. appelle " se croire au matin du grand soir et distribuer des bons points ". Ou développer une activité de masses pour qu'elles prennent elles-mêmes et dès aujourd'hui, leurs affaires en mains. Ce que moi j'appelle prendre ses désirs pour la réalité. Tel est à mon sens le débat dans Voie Prolétarienne. Mais revenons au sujet qui nous intéresse ici.


FAUT-IL IMPULSER DES SCOP ?

Il est clair que oui pour F.G., tout en étant d'accord avec " le raisonnement de fond " de J.B. qui est: les SCOP sont une impasse. Mais dit-il : " il n'existe pas d'issue DURABLE " " et ENCORE, il faut se battre, il y a des reculs partiels "... " Il apparaît peu profitable que... MAIS où nous avons un lien aux masses conséquent ". Et puis il y a tellement " de richesses " dans une SCOP qu'on aurait tort de s'en priver. Il n'a donc " pas de position de principe sur cette question ". Je dis SI il a une position. Elle est: impulsons des SCOP ! Sachons, même si c'est une impasse, tirer la richesse de l'expérience. Il concrétise cette richesse ainsi: " parler au patron ", " faire des vêtements entiers ", " prendre des responsabilités ", " les ouvriers démontrent qu'ils sont capables de faire autre chose ".

Je pense que nous DEVONS avoir, en tant qu'organisation, une position de principe sur cette question. Elle ne peut être que: NON A L'IMPULSION DE SCOP. L'heure n'est pas à renforcer l'impasse, mais à construire la destruction du capitalisme.


Rappelons quelques points

1. La rédaction du dossier SCOP a été la conséquence d'une demande de camarades de VP pour aider leur activité. la propagande bourgeoise mettant tellement en avant l'idée d'être " son propre patron " et grand dieu on la comprend, que la création de SCOP parcourait nos secteurs d'intervention. Rappelons que cette activité se situe dans des grandes concentrations ouvrières, des zones prolétaires importantes. Ce besoin d'approfondissement du phénomène SCOP apparaissait comme un élément nécessaire pour les ouvriers avancés dans leur débat auprès des autres ouvriers. On ne nous a jamais dit que les ouvriers quittaient en masse les usines pour aller faire des SCOP. Aussi ce dossier n'a pas été rédigé pour faire avancer politiquement les ouvriers d'une SCOP de 10 personnes dans l'Hérault, cela dit sans mépris. Mais bien en rapport avec les besoins concrets d'une organisation bien concrète.

2. Il est clair ( voir Partisan n° 2 ) que le phénomène SCOP n'est pas une grande " expérience ouvrière ". Il concerne vraiment peu les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière, mais pour l'essentiel des secteurs non ouvriers et le bâtiment. Quant aux coopératives industrielles, plutôt que de rappeler ce que J.B. a présenté dans son dossier, je vais citer l'extrait d'une correspondance d'un camarade proche de Voie Prolétarienne et qui a lui vécu l'expérience d'une SCOP : " II est indubitable que pour les coopératives de production qui travaillent en concurrence avec la grosse production industrielle capitaliste, l'échec est assuré et peu de résultats positifs sont à attendre surtout si la taille est grande ou moyenne. Dans ce cadre, l'entreprise est très liée au marché, à la rentabilité et à l'investissement. Elle est obligée d'adapter une division du travail poussée et ne laisse aucun moyen ni temps pour modifier quoique ce soit, sous peine de disparition. Dans ce domaine donc, rien à attendre. Pire même, les travailleurs se trouvent dominés par les idéologues syndicaux qui les font tomber dans le piège de la surexploitation : auto-licenciements, salaires détériorés, augmentation des horaires, pas de temps pour réfléchir. Avec l'inconvénient supplémentaire par rapport à une entreprise " classique " de ne pas pouvoir ou plus difficilement mener la lutte de classe. Lorsqu'une telle coopérative est menacée de faillite, elle rencontre peu de soutien de l'extérieur . Les gens disent " c'était leur entreprise, ils n'ont pas réussi, donc elle n'est pas viable " " ( Gaston Aginor ).

3. Concernant " la stupidité " d'envoyer les ouvriers à l'ANPE plutôt que de faire une SCOP. Qu pourrait prétendre imposer ce choix: Lors de la rédaction du dossier SCOP, la position majoritaire du Comité de Rédaction était celle-ci. Si des ouvriers veulent créer une SCOP et que nous y soyons mêlés, nous leurs disons : vous choisissez une impasse, vous ne réussirez pas à conserver votre emploi définitivement et avec quels sacrifices. Quant à " travailler autrement " n'y pensez pas, d'autres ont essayé et s'y sont cassé les dents. Le seul point positif que nous y voyons et sur lequel nous sommes prêts à vous suivre, c'est : avoir un emploi et un salaire temporairement. Ceci n'a pas été dit dans le dossier de J.B. C'est d'ailleurs pour moi secondaire. Pour ma part, compte tenu des tâches de l'organisation, de ses priorités, je refuserais toute participation à une SCOP. Ceci en l'expliquant aux ouvriers à l'aide du bilan politique des SCOP. Je pense avoir mieux à faire dans les grandes concentrations ouvrières, que de faire à une poignée l'expérience de l'impasse. Cette attitude concrète fait pour moi avancer plus les ouvriers que nous voulons toucher que toute création de SCOP nouvelle.

Arrêtons-nous sur la " richesse " que F.G. épingle pour justifier l'impulsion de SCOP. Elle me paraît bien simpliste. Les ouvriers n'ont pas besoin de faire une SCOP pour savoir " qu'ils sont capables de faire autre chose ". Rappelons la perruque, la boîte à idées, les multiples combines pour alléger leur poste de travail, le boulot au noir . " Epauler le patron ", bof ! " Prendre des responsabilités ". Le dossier de J.B. m'avait paru clair sur cette inexactitude. G. Aginor le rappelle. Mais ce qui est merveilleux, c'est " faire des vêtements entiers " : Quelle étonnante conception du socialisme. Je pensais qu'à Voie Prolétarienne nous étions plus avancés. Nous nous attachons à rechercher dans les conflits de la classe ouvrière ce qui est aspiration à travailler autrement, mais jamais on ne cite l'aspiration à ne plus travailler du tout. Le Lundi et le Vendredi, c'est quelque chose pour un ouvrier. Et beaucoup sont là pour là paye uniquement. Ils préfèreraient y faire autre chose. Aussi quand F.G. prétend que " faire un vêtement entier " c'est l'exemple de lutte contre la division du travail, je dis halte-là !. Ce socialisme, je n'en veux pas. Vive les robots qui nous débarrasseront de la basse besogne. Contentant. les ouvriers qui aspirent à vivre autre chose. Le socialisme, ce n'est pas faire chacun sa voiture. Quand on parle lutte contre la division sociale du travail, ce n'est pas recomposer le travail de A à Z, mais c'est recomposer la vie au niveau de l'ensemble de la société: éducation, direction des affaires, communication, culture, sport, etc...

Pour moi, " faire un vêtement entier " n'est absolument pas " une richesse " qui tire au socialisme. Alors que le développement des moyens de produire permettent un formidable développement de la production matérielle, alors que ces moyens de produire actuellement aux mains des bourgeois mettent quatre à cinq millions de personnes au chômage, il faudrait revenir cent ans en arrière à fabriquer " des pyjamas entiers ", à dire faisons notre petite entreprise ! Les ouvriers avancés attendent D'AUTRES VOIES. Sachons les impulser.


80 et 20 %

Cette formule résume le débat qui nous intéresse ici. En l'écrivant autrement on pourrait dire : à quoi servent les communistes ?

A TIRER LES LECONS DE L'EXPERIENCE DIT FG. Sa correspondance précise à 80 %. L'expérience SCOP est riche, nous avons tout à y gagner, créons des SCOP. 20% étant consacré à dire aux ouvriers que les SCOP c'est pas le pouvoir, que pour en finir du chômage il faut détruire le capitalisme, etc... Mais... dit-il, pour cela " il faut les masses avec nous ". Sinon... matin du grand soir ! Alors il faut attendre les masses, les laisser faire leur expérience, les envoyer à l'impasse, on sait que c'est pas bon mais...

A mon avis les communistes servent A FAIRE PASSER L'EXPERIENCE ACQUISE., la théorie. Et je précise à 80 %. C'est-à- dire les SCOP sont une voie de garage, destruction du capitalisme. 20 % étant consacrés à tamiser " la richesse " des masses. Moi je dis que pour détruire le capitalisme, il faut une AVANT GARDE que DIRIGENT les masses. Et cette avant-garde a besoin de réponses claires. Pas de oui,... mais. Elle voit bien que 4 millions de chômeurs se tuent d'ennui alors que 8 millions d'ouvriers se tuent à la tâche. Elle voit bien que la droite et gauche c'est pareil. Elle voit bien qu'à l'heure de la micro-informatique, le problème n'est pas le " pyjama entier ". Ce qu'elle ne comprend pas, n'admet pas, c'est l'organisation, la révolution, le pouvoir. C'est-à-dire les conditions politiques pour en finir des tares du capitalisme. La est l'essentiel de l'activité des communistes. Là sont nos principes tactiques. Prévenir de l'impasse et non faire marcher les ouvriers sur un fil pour qu'ils se cassent la gueule.

Ne trouvez-vous pas instructif la comparaison suivante: " la plus grande expérience de SCOP en France, nous l'avons impulsé , c'est celle de faire avec les ouvriers l'expérience de la gauche au pouvoir. Est-ce négatif ? ". Toute notre activité pour 81 a consisté à dire gauche = droite. C'est une impasse. Toutefois puisque nous sommes minoritaires, faisons ensemble l'expérience de la gauche. Donc :

-loin d'avoir "impulsé" la gauche au pouvoir, nous avons dénoncé l'impasse de la gauche. L'appel au vote étant dit clairement: pour mieux combattre la gauche en faisant l'expérience, puisque nous sommes minoritaires.

-loin d'avoir parlé des " richesses " de la gauche, on a clairement dit que ce serait la merde.
Comme pour les SCOP on a donc dit qu'on ETAIT CONTRE. On a pas attendu le moment où les masses s'en apercevaient pour le dire. F.G. montre qu'il a une autre position: appeler à voter à gauche parce que, comme pour les SCOP, c'est mieux pour les ouvriers. Pour reprendre son exemple de " richesse ", on pourrait dire: grâce à la gauche et aux lois Auroux, les ouvriers " parlent aux patrons " !!

Je pense que F.G. ne maîtrise pas l'articulation ligne de masse, ligne politique ou plutôt il remplace l'une par l'autre. La ligne de masse ( approche et connaissance du mouvement spontané) devient la ligne politique ( guide issu de l'expérience acquise ). La ligne politique directrice a disparu et nous avons tout à apprendre de l'expérience des masses. La théorie est toute à construire, au nom de la lutte contre le dogmatisme.

On ne peut que rejeter cette conception spontanéiste qui nous fait sauter d'un arbre à l'autre pour découvrir que les forêts existent. Ce que les ouvriers avancés savent depuis longtemps. Cette conception nous amène à devoir aller à la messe avec les masses pour leur expliquer que dieu n'existe pas. Il est temps de remettre à l'étude " notre tactique et nos tâches dans le mouvement ouvrier ".

Jules Michault