Sujet :

police "républicaine" ou corps de répression

Xuan
   Posté le 23-06-2016 à 16:25:55   

Depuis longtemps la ligne révisionniste a répandu la thèse d'une "police républicaine".
Elle est associée à la stratégie révisionniste du "parti de gouvernement" dans le cadre du capitalisme.
La lutte contre la loi travail a démontré que la thèse de la "police républicaine" - relancée à l'occasion des attentats terroristes par le PS et les "bobos de gauche" embrassant un flic - est une pure illusion. Les exemples ne manquent pas.




INFO DE CAMARADES DU NORD : Ce matin lors du blocage du port de Santes (le plus gros site portuaire de Lille) quelques flics ont piqué un des drapeaux qui était fixé pas loin du barrage, ils l'ont emmené dans leur fourgon, l'ont lacéré au cutter et sont venus le remettre.

Voilà un fait apparemment insignifiant, on pourrait parler d'un comportement enfantin et isolé. En réalité il est significatif de la fonction première de la police.

"Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux"

Sarkozy à Toulouse en 2003...
Après une discussion avec les associations du quartier sensible de Bagatelle et une démonstration de hip-hop, M. Sarkozy a tenu le même discours aux policiers du commissariat du quartier de Bellefontaine. "Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux" , a-t-il lancé à un îlotier qui lui présentait un tournoi de football organisé avec les jeunes du quartier. "Les citoyens attendent d'abord de vous que vous arrêtiez les délinquants" .


Edité le 23-06-2016 à 19:34:36 par Xuan


Xuan
   Posté le 24-06-2016 à 00:06:48   

Un échange symptomatique de la lutte idéologique dans le pcf :


Le site "faire vivre" publie l'article Interdiction de manifester : “Les déclarations de Valls et Hollande marquent une rupture avec le droit".
On y lit en introduction à l'interview de D. Tartakovsky:

Toute la journée les communiqués se sont succédé pour nous mettre en haleine autour de la futur manif du 23 dont le gouvernement décidément ne supporte pas la perspective.
Ces beaux messieurs découvrent que leur police est sur les genoux qu’il lui manque du monde a l’effectif c’est a dire que la politique de réduction des dépenses et donc les suppressions de postes ça a des conséquences sur les conditions de travail et sur le service rendu.
C’est a s’en fendre le cœur. Les pandores sont exsangues. Ils ont tellement couru et donné du bâton la semaine dernière, qu’ils demandent par la voix de leur syndicat alliance de siffler une mi- temps exceptionnelle pour souffler. Cette demande inhabituelle dans les habitus du ministère de la cogne a émue notre exécutif qui ne l’oublions pas a la fibre sociale et se préoccupe du sort des travailleurs surtout de ces blues la qu’il habille, soigne et entraine toute l’année pour des performance de plus en plus sanglantes.
Alors du premier ministre a son collègue de l’intérieure ils se sont démené sur les antennes pour nous supplier de comprendre leur attachement aux libertés démocratiques surtout quand elles concernent celles de la propriété et de la circulation des marchandises. Les forces de l’ordre ont trop de travail.

Entre l’euro, les terroristes, les manifestations il faut se faire une raison, les manifestations sont de trop !
Elles représentent un surcroit de travail inutile.
Elles sont un luxe qu’un pays comme le notre ne peut supporter surtout quand les organisateurs ne savent pas gérer les débordements d’une partie de la jeunesse qui ne pense qu’a tout casser.

Mais rassurez vous " Le parisien" en fin de journée, nous apprenait sous le ton de la confidence qu’une solution allait être trouvé. Nous pourrons donc manifester a Paris et peut être faire un retour case départ pour gommer les mauvais souvenirs puisque cette fois le cortège prendra fin place d’Italie.
En attendant, nous on a vu rouge , et puis dans la manif elle même on n’a pas vu la même chose que tous ces grands spécialistes de l’information qui n’y mettent jamais les pieds en compagnie des prolos.


Parce que oui grande nouvelle, il y a de nouveau des ouvriers en France et des ouvriers qui cognent les pauvre cognes qui n’en reviennent pas de trouver en face d’eux des adultes qui revendiquent la légitime défense. C’est que les dockers c’est pas aussi facile a démonter que tous ces petits jeunes qui n’ont pas appris le collectif.
Sans compter qu’eux ils n’ont pas besoin de fréquenter plusieurs fois par semaine des salles de gym pour se faire du muscle. Du poids ils en soulève toute la semaine pendant de longues heures, du muscle ils en ont a revendre, c’est même ce truc que les marxistes appellent la force de travail alors comprenez, quand ils se mettent au boulot ça déménage.


Gibert Rémond

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Réponse d'un lecteur :

"Adhérent au Parti, , fonctionnaire de police à la retraite, membre de la CGT Police. Je me demande avec de telle déclaration comment pourras tu faire pour organiser "des forces de Gardien de la Paix" quand nous serons au pouvoir. Car nous sommes un parti à vocation à gouverner. Avec cette sémantique évangélique, je te souhaite bien du courage. alternatif N° 3 UNIR LES COMUNISTES"

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Réponse de l'auteur :

" L'humour et l'ironie sont des moyens qui nous permettent d'extérioriser les trop pleins de souffrance, de lever les poussées d'angoisse, de dédramatiser les situations difficiles et potentiellement porteuses de violence, bref de prendre de la distance avec la colère et la rage.

J'étais présent le 14 juin à Paris . Nous distribuions des tracts pour notre réseau . Nous sommes resté plus d'une heure au même point de diffusion où nous avons vu passer l'immense marée de ceux qui étaient venu exprimer pacifiquement leur volonté du retrait d' un texte liberticide qui annule deux siècles de luttes et de conquêtes ouvrières

Ces luttes n'ont pas toujours été faciles. Elles ont même le plus souvent été durement réprimé par la police, institution d'état qui n'a pas toujours été républicaine. Puis nous avons remonté cette manifestation pour retrouver nos cars. Lorsque nous sommes arrivé vers les invalides nous avons vu opéré certains de vos collègues gardien de la paix ( les casques qui portent des bandes blues ne sont ni les CRS ni les gardes mobiles mais bien des agents de la police nationale) Ils sont tombé sur un jeune qui était dans le cortège . Ils ont même littéralement fondu sur lui comme je les avais vu faire déjà devant le lycée de ma fille [...] Je ne vois pas dans ces façons d'intervenir quelque chose de commun avec la conception que nous aurions d'une police au service de la nation et du peuple mais bien plutôt des méthodes de brutes ou de milices fascisantes.

Nous avons fini par retrouvé nos bus. Nous étions plusieurs centaines venu de toute la France sur le point du départ . Nous avons pour nombre d’entre nous entrepris de nous restaurer avant de reprendre la route que nous savions longue . Nous étions calmes, fatigués après une journée de marche . Nous étions aussi heureux et fières d'avoir participé à cette grande journée de mobilisation qui fera date .

C'est alors que les forces de l'ordre nous ont bombardé de lacrymo. Nous avions de nombreux jeunes avec nous dont certains très jeunes. Nous les avons fait monter dans les cars d'autorité pour les protéger de leur colère car ils étaient près a en découdre après ce qu'ils avaient vu toute la journée. (1)

Il y avait aussi les dockers. L'un d'entre eux a été blessé par les tires. C'est dans ces conditions qu'ils ont fait face et qu'ils ont chargé les" forces de l'ordre" de la manière que je rapporte dans le texte que vous incriminé. (2)

Comme l'a réaffirmer Martinez à la télé, ils étaient en état de légitime défense . Policiers en active ou pas, votre travail ne vous donne pas obligation de vous comporter comme des brutes .(3)
En tant que communiste, il faut revenir aux classiques et accepter la réalité, cesser de se raconter des histoires. La police fait partie dans un état, des forces de répression qu'il a à sa disposition.
Il les utilise pour défendre les intérêts de classe qu'il représente. La police républicaine des années 80 90 dont on nous parle aujourd'hui est une vaste blague que Sarkozy s'est empressé de liquider pour lui redonner ses fonctions "régalienne".

Les communistes ont vocation a gouverner me dites vous. Je ne suis pas d'accord avec cette formule. Nous avons vu comment sont application conduit a des impasses pour le peuple. Si en effet des communistes ont gouverné ces dernières années ils l'on fait dans des gouvernements qui sont restés dans les normes imposée par le capital et ses institutions. faut-il rappeler que pour les communistes Il ne s'agit pas de gouverner mais de prendre le pouvoir et de créer les conditions du socialisme par l'appropriation collective des moyens de productions et d'échanges c'est en tout cas cette notion dont notre texte était porteur

Un parti communiste n'est pas un parti comme les autres et nous devons lui permettre de retrouver son utilité telle qu'elle a été invoqué par le congrès de Tours son congrès fondateur. Enfin pour en revenir à mon texte et à ceux qui le suivent , j'y ai mis en cause la politique du PS, celle des baisses de moyens et d'effectifs, son autoritarisme, et le partenariat évident que ce parti entretient dans le conflit actuel avec le syndicat alliance qui n'est pas le syndicat de tous mais une fraction aux orientations très droitière. Le gouvernement choisie de s'attaquer au droit de manifestation et de privilégié la répression au lieu du dialogue et de la négociation.

je vous conseille d'aller plus loin dans la lecture et de reprendre l'ensemble des articles que j'ai mis dans mon mail , y compris celui qui donne la parole a certains policiers proches justement de la CGT police

Gilbert Rémond



Notes Xuan :


(1) Sur les grenades lancées contre les cars CGT, cette vidéo tournée par une UL CGT au retour devant les Invalides est éloquente. On entend les voix des très jeunes dans le car.

(2) Concernant la charge des dockers, très efficace d'ailleurs, voir la vidéo de RT. C'est à propos de cette vidéo que P. Cohen a demandé à Martinez de se justifier, ce dernier répliquant "ils se sont défendus !" . A noter qu'un des dockers a été attaqué en justice pour avoir envoyé un projectile sur la police, alors que les flics venaient de bombarder les manifestants pacifiques à coups de lacrymos !

(3) A propos des brutes, de nombreux exemples, dont celui-ci :
Xuan
   Posté le 24-06-2016 à 00:31:48   

Un rappel sur le texte de Lénine "l'Etat et la révolution", dont la lutte contre la loi travail montre toute l'actualité.
Quel est le rôle de la police ? Secourir la veuve et l'orphelin ou assurer la domination de la classe bourgeoise ?
Deux slogans illustrent cette dualité : " j'ai embrassé un flic " et " tout le monde déteste la police ".
Dans la société divisée en classe " L'armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d'Etat ", c'est-à-dire de la classe dirigeante.
Et ceci est l'aspect principal de la contradiction.

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Chapitre 1 - la société de classe et l'Etat - § 2. DETACHEMENTS SPECIAUX D'HOMMES ARMES, PRISONS, ETC.

2. DETACHEMENTS SPECIAUX D'HOMMES ARMES, PRISONS, ETC.


" Par rapport à l'ancienne organisation gentilice [tribale ou clanale], poursuit Engels, l'Etat se caractérise en premier lieu par la répartition de ses ressortissants d'après le territoire. "

Cette répartition nous paraît "naturelle", mais elle a nécessité une lutte de longue haleine contre l'ancienne organisation par tribus ou par clans.
"En second lieu vient l'institution d'une force publique qui ne coïncide plus directement avec la population s'organisant elle-même en force armée. Cette force publique particulière est nécessaire, parce qu'une organisation armée autonome de la population est devenue impossible depuis la scission en classes... Cette force publique existe dans chaque Etat; elle ne se compose pas seulement d'hommes armés, mais aussi d'annexes matérielles, de prisons et d'établissements pénitentiaires de toutes sortes, qu'ignorait la société gentilice [clanale]."

Engels développe la notion de ce "pouvoir" qui s'appelle l'Etat, pouvoir issu de la société, mais se plaçant au-dessus d'elle et lui devenant de plus en plus étranger. Ce pouvoir, en quoi consiste-t-il principalement ? En des détachements spéciaux d'hommes armés, disposant de prisons, etc.

Nous avons le droit de parler de détachements spéciaux d'hommes armés, parce que la force publique propre à tout Etat "ne coïncide plus directement" avec la population armée, avec l'"organisation armée autonome de la population".

Comme tous les grands penseurs révolutionnaires, Engels a soin d'attirer l'attention des ouvriers conscients précisément sur ce qui apparaît au philistinisme dominant, comme la chose la moins digne de retenir l'attention, la plus coutumière et consacrée par des préjugés non seulement tenaces, mais, pourrait-on dire, pétrifiés. L'armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d'Etat ; mais comment pourrait-il en être autrement ?

Pour l'immense majorité des Européens de la fin du XIXe siècle, auxquels s'adressait Engels et qui n'avaient ni vécu ni observé de près une seule grande révolution, il ne pouvait en être autrement. Ils ne comprenaient pas du tout ce qu'est l'"organisation armée autonome de la population". A la question de savoir pourquoi est apparue la nécessité de détachements spéciaux d'hommes armés (police, armée permanente), placés au-dessus de la société et lui devenant étrangers, les philistins des pays d'Europe occidentale et de Russie sont enclins à répondre par deux-trois phrases empruntées a Spencer ou à Mikhaïlovski, en rappelant la complication croissante de la vie sociale, la différenciation des fonctions, etc.
Ce rappel a une apparence "scientifique" ; il endort admirablement le vulgaire en estompant le principal, l'essentiel : la division de la société en classes irrémédiablement hostiles.

Sans cette division, l'"organisation armée autonome de la population" se distinguerait par sa complexité, le niveau élevé de sa technique, etc., de l'organisation primitive d'une troupe de singes s'armant de bâtons, ou de celle d'hommes primitifs ou associés en clans, mais elle serait possible.

Elle est impossible parce que la société civilisée est scindée en classes hostiles et, qui plus est, irrémédiablement hostiles, dont l'armement "autonome" entraînerait une lutte armée entre elles. L'Etat se forme ; il se crée une force spéciale, des détachements spéciaux d'hommes armés, et chaque révolution, en détruisant l'appareil d'Etat, nous montre de la façon la plus évidente comment la classe dominante s'efforce de reconstituer les détachements spéciaux d'hommes armés qui la servaient, et comment la classe opprimée s'efforce de créer une nouvelle organisation de ce genre, capable de servir non les exploiteurs, mais les exploités.

Dans le passage cité, Engels pose théoriquement le problème que toute grande révolution nous pose pratiquement, concrètement et à l'échelle d'une action de masse, à savoir : le problème des rapports entre les détachements "spéciaux" d'homme armés et l"organisation armée autonome de la population". Nous verrons comment ce problème est illustré concrètement par l'expérience des révolutions européennes et russes.
Mais revenons à l'exposé d'Engels.

Il montre que parfois, dans certaines régions de l'Amérique du Nord, par exemple, cette force publique est faible (il s'agit — exception bien rare dans la société capitaliste — de ces régions de l'Amérique du Nord où, dans la période préimpérialiste, prédominait le colon libre), mais que, d'une façon générale, elle se renforce :
"Elle se renforce à mesure que les contradictions de classes s'accentuent à l'intérieur de l'Etat et que les Etats limitrophes deviennent plus grands et plus peuplés; considérons plutôt notre Europe actuelle, où la lutte des classes et la rivalité de conquêtes ont fait croître à tel point la force publique qu'elle menace de dévorer la société entière, et même l'Etat."

Ces lignes furent écrites, au plus tard, au début des années 90. La dernière préface d'Engels est datée du 16 juin 1891. A cette époque, le tournant opéré vers l'impérialisme, — domination absolue des trusts, toute-puissance des grosses banques, grande politique coloniale, etc., — ne faisait que s'amorcer en France; il s'annonçait à peine en Amérique du Nord et en Allemagne. Depuis, la "rivalité de conquêtes" a fait un pas de géant, d'autant plus que peu après 1910 le globe s'est trouvé définitivement partagé entre ces "conquérants rivaux", c'est-à-dire entre les grandes puissances spoliatrices. Les armements militaires et navals se sont depuis lors démesurément accrus, et pendant la guerre de rapine de 1914-1917 pour la domination de l'Angleterre ou de l'Allemagne sur le monde, pour le partage du butin un pouvoir d'Etat rapace a "dévoré" toutes les forces de la société à un tel point qu'on se trouve au seuil d'une catastrophe totale.

Engels a su montrer dès 1891 que la "rivalité de conquêtes" était un des principaux traits distinctifs de la politique extérieure des grandes puissances, tandis qu'en 1914-1917, à un moment où cette même rivalité, énormément aggravée, a engendré la guerre impérialiste, les gredins du social-chauvinisme camouflent la défense des intérêts spoliateurs de "leur" bourgeoisie par des phrases sur la "défense de la patrie", "la défense de la république et de la révolution", etc. !
Xuan
   Posté le 24-06-2016 à 23:05:39   

A verser au dossier l'opération "des fleurs pour les CRS" organisée par la CGT Val de Marne : offrir de fleurs aux flics pour démontrer que la CGT c'est pas les casseurs, "pas des voyous terroristes", pas des violents.

On notera outre les badges CGT et PCF le tee shirt "révolution" écrit r ê volution : la révolution c'est le rêve. Retour aux années 70, [i]power flower/i], etc.
Cette opération stupide accrédite l'idée que la police pourrait avoir une autre fonction non répressive. elle va à l'encontre du droit du peuple à l'insurrection et confond violence des masses et violence gratuite terroriste ou gauchiste.
De ce point de vue la riposte légitime des dockers contre les flics ne devrait pas être défendue puisqu'elle est violente, et Valls a raison de la condamner.
Ici la ligne révisionniste se confond avec le catéchisme et le pacifisme bêlant. La finalité c'est que le peuple se fait massacrer.
Mais en attendant le message oblitère les importantes leçons politiques tirées par des milliers de manifestants sur la violence de l'Etat bourgeois.







Edité le 24-06-2016 à 23:44:51 par Xuan


Xuan
   Posté le 01-07-2016 à 21:21:38   

Le rôle de la violence dans l’histoire

[extrait de l'Anti - Dühring]

Le rôle que joue la violence dans l’histoire vis-à-vis de l’évolution économique est donc clair.
D’abord, toute violence politique repose primitivement sur une fonction économique de caractère social et s’accroît dans la mesure où la dissolution des communautés primitives métamorphose les membres de la société en producteurs privés, les rend donc plus étrangers encore aux administrateurs des fonctions sociales communes.

Deuxièmement, après s’être rendue indépendante vis-à-vis de la société, après être devenue, de servante, maîtresse, la violence politique peut agir dans deux directions.

Ou bien, elle agit dans le sens et dans la direction de l’évolution économique normale. Dans ce cas, il n’y a pas de conflit entre les deux, l’évolution économique est accélérée.

Ou bien, la violence agit contre l’évolution économique, et dans ce cas, à quelques exceptions près, elle succombe régulièrement au développement économique.

Ces quelques exceptions sont des cas isolés de conquêtes, où les conquérants plus barbares ont exterminé ou chassé la population d’un pays et dévasté ou laissé perdre les forces productives dont ils ne savaient que faire.
Ainsi firent les chrétiens dans l’Espagne mauresque pour la majeure partie des ouvrages d’irrigation, sur lesquels avaient reposé l’agriculture et l’horticulture hautement développées des Maures.
Toute conquête par un peuple plus grossier trouble évidemment le développement économique et anéantit de nombreuses forces productives.

Mais dans l’énorme majorité des cas de conquête durable, le conquérant plus grossier est forcé de s’adapter à l’ « état économique » plus élevé tel qu’il ressort de la conquête ; il est assimilé par le peuple conquis et obligé même, la plupart du temps, d’adopter sa langue.
Mais là où dans un pays, – abstraction faite des cas de conquête, – la violence intérieure de l’État entre en opposition avec son évolution économique, comme cela s’est produit jusqu’ici à un certain stade pour presque tout pouvoir politique, la lutte s’est chaque fois terminée par le renversement du pouvoir politique.

Sans exception et sans pitié, l’évolution économique s’est ouvert la voie, – nous avons déjà mentionné le dernier exemple des plus frappants : la grande Révolution française.


Friedrich Engels, Anti-Dühring ,
Éditions sociales, Paris, 1973, p. 210
Traduction d’Émile Bottigelli
Xuan
   Posté le 01-07-2016 à 21:23:54   

On explique souvent le cours de l’histoire en accordant un rôle central aux guerres, batailles et autres conflits armés. C’est donc de la violence, en particulier celle des États, dont il faudrait partir pour éclairer une époque. N’est-ce pas là s’en tenir aux apparences ? Le fracas des armes, les victoires et les défaites, en attirant le regard, ne font-ils pas oublier d’autres facteurs, autrement plus déterminants ? Engels cherche ici à développer une approche matérialiste en montrant que la violence politique est un phénomène dérivé, qui reste incompréhensible tant qu’on ne se réfère pas aux facteurs économiques qui la sous-tendent.

La violence politique comme fonction économique

La violence politique occupe le devant de la scène. Elle est, pour ses contemporains, le facteur le plus visible, celui qui s’impose avec le plus de force à la conscience. La démarche d’Engels va pourtant consister à remonter en deçà du fait même de la violence pour en faire la généalogie.
Il va ainsi remonter de la violence politique à l’évolution économique et faire de celle-là une fonction de celle-ci. Autrement dit, les guerres et les répressions ne s’expliquent pas tant par l’arbitraire des tyrans que par les besoins de la production.
Ceux-ci peuvent être de nature très différente au cours de l’histoire et aujourd’hui encore les exemples ne manquent pas : acquérir des terres agricoles exploitables ou des ressources naturelles, offrir des débouchés à l’industrie de l’armement…

Néanmoins, cette définition de la violence politique comme simple fonction économique ne fait pas pour Engels figure de loi universelle. Elle admet aussi des variations.

D’une part, la place de la violence politique paraît s’accroître à mesure que disparaissent les communautés primitives et que s’impose au monde entier la production marchande. Marx et Engels avaient en effet pris appui sur différents travaux ethnographiques pour affirmer qu’existait, notamment dans les anciennes tribus germaniques ou encore dans les communautés paysannes russes, une forme de communisme des origines dans laquelle la propriété privée de la terre n’existait pas.
La dissolution de ces communautés primitives va ainsi de pair avec un développement de la violence, l’administration des fonctions sociales communes prenant souvent la forme d’un État répressif et sans lien réel avec ses administrés. D’autre part, la violence politique peut s’autonomiser. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a plus de cause économique, mais bien plutôt qu’il existe une pesanteur des conflits politiques. Un conflit dont le point de départ aura été un enjeu économique – l’accès à des ressources naturelles par exemple – peut très bien s’enliser et revêtir une forme culturelle ou religieuse.

La violence politique ne peut presque rien contre l’évolution économique

La violence politique n’est pas non plus le facteur historique le plus déterminant. Engels va le montrer à propos des conquêtes et de la violence d’État : elles n’infléchissent presque jamais le cours du développement économique. Pour la plupart des conquêtes, le caractère déterminant de l’évolution économique est évident. Le plus fort militairement est presque toujours le plus développé économiquement, la puissance militaire découlant de la puissance économique. « La victoire de la violence, écrit Engels, repose sur la production d’armes, et celle-ci à son tour sur la production en général » . Ce qui est vrai par exemple de la domination britannique de l’Inde, largement fondée sur la puissance industrielle de l’Angleterre.

Mais il est d’autres conquêtes où l’on voit le moins développé économiquement s’imposer par la violence au plus développé. C’est le cas des Barbares envahissant l’Empire romain aux IVe et Ve siècles. Une telle conquête ne prouve-t-elle pas que l’économie n’a pas l’importance qu’on lui prête ? Que c’est la violence qui décide en dernière instance du sens de l’évolution historique ? Pour Engels, il n’en est rien. En effet, peu après sa victoire, « le conquérant plus grossier [...] est assimilé par le peuple conquis et obligé même, la plupart du temps, d’adopter sa langue » . Certaines tribus germaniques, les Burgondes, les Wisigoths et les Francs, par exemple, adopteront peu à peu le latin. La première cause d’assimilation linguistique demeure l’adaptation à l’état économique plus élevé du peuple conquis. Ainsi, et malgré la victoire militaire, la culture des conquérants moins développés commence à s’éteindre. La violence, finalement, a succombé au développement économique. Il existe quelques contre-exemples. C’est le cas des souverains chrétiens lors de la Reconquista, qui n’ont pas su tirer parti des forces productives développées par les Arabes en Andalousie. Mais pour Engels, les situations où le développement économique cède le pas devant la violence demeurent exceptionnelles dans l’histoire.

La violence d’État obéit à la même règle. Elle peut certes beaucoup de choses ; il serait naïf de nier son efficacité. Néanmoins, il n’est pas en son pouvoir de s’opposer à l’évolution économique. Engels prend l’exemple de « la grande Révolution française ». Il la conçoit comme « le renversement du pouvoir politique » de l’aristocratie au profit de la bourgeoisie. Mais cet événement décisif est le résultat du long processus au cours duquel la bourgeoisie est devenue dominante économiquement. Une fois établie, la domination économique de cette classe, la partie est perdue pour l’aristocratie. Elle peut utiliser la violence d’État pour se maintenir au pouvoir, elle peut même y parvenir un temps, mais sa dépendance économique finira par avoir raison de sa suprématie politique. La violence d’État qui se déchaîne est toujours pour Engels l’aveu de faiblesse d’une classe sociale aux abois.

« Monsieur Dühring bouleverse la science »

Au milieu des années 1870, l’influence d’Eugen Dühring, enseignant à l’université de Berlin se proclamant socialiste, prend de l’ampleur dans les rangs du Parti ouvrier socialiste allemand. C’est notamment parce que Dühring prétend offrir une vision du monde globale, touchant tous les domaines, de la physique à l’économie en passant par la philosophie, que ses travaux sont en vogue. Engels, tout comme Marx, voit néanmoins en lui un imposteur et profite de l’occasion que lui offre le journal du parti pour répondre à Dühring point par point.

Par Florian Gulli et Jean Quétier
La Revue du projet, n° 51, Novembre 2015