Sujet : Naxalisme urbain | | Posté le 27-03-2023 à 13:27:13
| Naxalisme urbain En Europe, le terme Naxalist ne dit pas grand-chose, si ce n'est une chanson du groupe de musique électronique londonien Asian Dub Foundation dans les années 1990 : Naxalite de 1997. En Asie, le terme Naxalite est immédiatement reconnu, craint, détesté ou soutenu. Le parti qui incarne le naxalisme est le PCIm (Communist Party of India-Maoist). Le PCIm s'est développé en décembre 2004. Le PCIm est né de la convergence de deux formations : le Centre communiste maoïste et le Parti communiste marxiste-léniniste de l'Inde-Guerre du peuple, qui, après un long processus de rapprochement, ont décidé de s'unir. Ces deux partis, l'un formé à la fin des années 1960, le second au début des années 1980, représentent l'histoire de la gauche révolutionnaire indienne, ils ont été les partis qui ont toujours essayé de démanteler le pouvoir de la bourgeoisie en Inde. Ils ont toujours été traités par la gauche révisionniste et opportuniste comme des groupes anarchistes, des terroristes fous, des rêveurs, etc. Ils ont été réprimés (tués et emprisonnés par la police et les forces militaires indiennes), mais ils ont réussi à résister et à se développer. Ces deux formations ont été les meilleurs héritiers de la tradition naxalite. Le mouvement naxalite a débuté à la fin des années 1960 comme un mouvement révolutionnaire indien influencé par les révolutionnaires chinois. La principale zone d'influence était le Bengale, où une grande partie des masses paysannes pauvres (le Bengale était l'une des régions les plus pauvres de l'Inde) ont lancé une vaste action révolutionnaire avec de nombreux étudiants. Cette action s'est rapidement transformée en un mouvement maoïste radical (en Inde, les termes "guérilla maoïste" et "naxalite" ont une signification quasi identique). Aujourd'hui, il existe plusieurs partis qui se réfèrent à la tradition naxalite, mais certains ont depuis longtemps abandonné la stratégie révolutionnaire ou sont devenus de véritables partis de la bourgeoisie progressiste. Le PCIm veut être un parti maoïste moderne dans le contexte de la société indienne1. Le parti dirige une armée populaire (People's Liberation Army) et contrôle des zones rouges en Inde, où la Nouvelle Démocratie est expérimentée. Ces zones, en plus d'être des bases de soutien pour l'armée populaire, sont des espaces où le nouveau pouvoir populaire est expérimenté. Dans les zones rouges, la confiscation des domaines des propriétaires terriens est mise en œuvre, selon le principe "la terre à ceux qui travaillent" ; les relations de caste et de classe sont abolies et la terre est donnée aux paysans. Des formes d'économie coopérative parmi les paysans se développent sur la base de leur propriété individuelle. Parallèlement a la construction des processus révolutionnaires sur le plan économico-politique, on assiste à une développement idéologique sur le plan culturel. Une culture anti-impérialiste et anti-caste sont en cours d'élaboration. Des écoles sont créées, où l'on s'efforce de lutter contre l'asservissement des femmes. Outre l'armée populaire, elle dispose d'organisations de masse dans certains secteurs sociaux (syndicats de travailleurs, associations d'étudiants et de femmes). La composition sociale prédominante du parti est la paysannerie pauvre, et sa principale zone d'intervention est la campagne et les zones forestières. La composition sociale du parti n'invalide pas son rôle léniniste dans la société indienne : un parti d'avant-garde de la classe ouvrière, et non l'expression fortuite d'un secteur de celle-ci. Le PCIm est un parti d'avant-garde, poursuivant une stratégie qui considère la lutte armée comme centrale dans son action, en se référant à Mao : "La tâche centrale et la forme suprême de la révolution sont la conquête du pouvoir politique par la lutte armée, la solution du problème par la guerre". La guerre à long terme est mise en œuvre par une armée populaire dirigée par le parti, qui en assure la direction politique. La relation entre la guerre et la politique est caractéristique du parti. De nombreuses formations de la gauche indiennes critiquent son prétendu excès de "militarisme", mais on oublie trop souvent que la guerre et la politique s'identifient au stade le plus élevé de la contradiction, et que seuls les gens qui ont manié le fusil peuvent mener la révolution. Bien qu'il ait un programme révolutionnaire, il n'est pas une secte ni un parti doctrinaire, il est comme toutes les formations révolutionnaires, pragmatiques dans ses tactiques. Le mouvement révolutionnaire en Inde ne se réduit pas au seul PCIm, nous considérons qu'il s'agit de la formation la plus attentive aux dynamiques de classe et disposant d'un cadre révolutionnaire plus robuste, mais cela ne nie pas qu'il existe en Inde une multitude de positions et de formations liées au mouvement communiste. Récemment, le parti a abordé plus directement la question de l'intervention urbaine, en produisant des matériaux spécifiques pour le travail militant urbain2. L'Inde n'est pas une nation, mais un "continent". À côté des vastes zones agricoles et de la jungle, on assiste à un processus tourbillonnant d'urbanisation et de centralisation humaine. Parallèlement à ces phénomènes, il existe une industrie moderne et un secteur tertiaire avancé (lié à l'information et à la microélectronique) en plein essor. Ces facteurs représentent les tendances qui traversent l'Inde, et plus généralement les grandes nations du continent asiatique. La majorité de la population commence à se concentrer dans les zones urbaines. La jungle n'est plus seulement un enchevêtrement d'arbres et de rivières, la jungle est devenue également métropolitaine, de vastes zones urbaines composées d'immeubles, de cabanes, d'industries et de bureaux... dans un labyrinthe de rues et de moyens de communication et de locomotion. Comme c'est souvent le cas, c'est la contre-révolution qui montre à la révolution son fil rouge. La défaite de la classe ouvrière lors des révolutions de 1848 a permis au mouvement ouvrier d'acquérir une maturité politique, ainsi qu'une conscience de classe, sans lesquelles il aurait été impossible de gagner sa bataille historique et de s'organiser dans les termes d'une révolution européenne3. La fameuse phrase les masses ne peuvent être dirigées que sur la base de leur expérience sera reprise comme une thèse par Lénine. La difficulté des organisations révolutionnaires indiennes historiques à s'attaquer aux villes, leurs défaites, ont néanmoins développé des mouvements souterrains de contestation et d'organisation, qui rendent les villes indiennes de plus en plus explosives. C'est le gouvernement nationaliste de Narendra Modi4 qui a utilisé le terme de naxalisme urbain pour désigner la nature dangereuse de l'environnement urbain indien actuel, traversé par de nouvelles contradictions et polarisations qui rendent les villes indiennes de plus en plus incendiaires. Le naxalisme est indiqué comme la principale menace pour la sécurité intérieure de l'Inde. Le naxalisme urbain est le véritable spectre qui traverse la société indienne d'aujourd'hui. Il est important de soutenir la résistance anti-impérialiste et la lutte révolutionnaire, c'est un acte de solidarité avec les peuples et les communistes révolutionnaires du monde entier, mais s'intéresser au naxalisme urbain aujourd'hui, ce n'est pas seulement faire de la solidarité et de la contre-information, c'est analyser un phénomène, celui de la dimension métropolitaine urbaine qui caractérise les principales zones de la planète. Calcutta n'est pas Paris, tout comme Hyderabad n'est pas Marseille. La question paysanne (et indigène) joue encore un rôle important pour une partie de la population indienne, mais même sur le continent indien, la dimension métropolitaine occupe une place centrale. Aujourd'hui, être un naxalite urbain ne signifie pas nécessairement être Indien, mais être un camarade au sein de la métropole impérialiste, et intervenir dans un contexte urbain, en essayant de développer une perspective révolutionnaire adaptée au contexte actuel. supernova revue communiste n.3 note 1 "Pourquoi un parti révolutionnaire est-il nécessaire ? Parce que dans le monde, les peuples sont opprimés par leurs ennemis et veulent se libérer de leur oppression. À l'ère du capitalisme et de l'impérialisme, un parti révolutionnaire tel que le parti communiste est nécessaire. Sans un tel parti, le peuple ne peut pas renverser les ennemis qui l'oppriment". Dans cet écrit de 1942, Rectifier le style de travail, Mao réaffirme la centralité du parti dans la conception marxiste, en tant qu'appareil politique nécessaire à la classe ouvrière pour obtenir le pouvoir politique. 2 Perspective urbaine : notre travail dans les zones urbaines, Parti Communiste d'Inde (Maoïste) Ce travail est intéressant même s'il souffre encore d'une approche maoïste rigide qui considère la campagne comme centrale, et la ville comme une simple base de recrutement des militants. Au-delà de ses limites, il représente cependant une tentative concrète d'établir un fer de lance dans le contexte urbain indien. 3 Les luttes de classes en France, Karl Marx 4 Premier ministre de l'Inde depuis 2014, il est le principal dirigeant du parti nationaliste indien BJP (Parti du peuple indien). |
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