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![]() La troisième guerre mondiale a-t-elle commencé au Kosovo, par Danielle Bleitrach* et Jacques Jedwab** http://histoireetsociete.com/2020/04/15/la-troisieme-guerre-mondiale-a-t-elle-commence-au-kosovo-par-danielle-bleitrach-et-jacques-jedwab/?fbclid=IwAR1hF7PCjlmd7Zq3v8v7Y-fxo1xXbwBlOQBb7hn3p71hsUOljw1PPsQ56Pw 15 AVRIL 2020 Cet article a été publié en décembre 1999 dans la Revue la Pensée. Il a suscité de grandes critiques de la part de la direction du secteur international du PCF, en l’occurrence Jacques Fath. Ce fut d’ailleurs le dernier article de moi publié dans la presse communiste. Je dénonçais en effet l’intervention de l’OTAN et j’annonçais la fin d’une Europe autonome des Etats-Unis, toutes choses qui déjà n’étaient pas bonnes à dire. Mais le lecteur jugera sur quelles bases a débuté mon interdit et ma censure dans la presse communiste, l’interdiction faite désormais aux communistes d’avoir connaissance de mes opinions, les diffamations sur la personne. S’il se trouve un jour des historiens aptes à juger de ce que fut le massacre des communistes au nom de “l’anti-stalinisme”, en fait le ralliement au capital, je pense que cet article dans lequel je n’ai pas changé une virgule pourra servir de pièce au dossier. Cet article a été écrit avec mon cousin Jacques Jedwab, un psychanalyste. Merci à Stephen Chalk qui a réussi à le retrouver dans les archives de la revue dont je suis toujours membre du pléthorique conseil de rédaction, mais où mes livres, mes écrits subissent la même censure (note de Danielle Bleitrach). Un texte de Noam Chomsky (publié dans le Monde diplomatique de mai 1999) sur « la rhétorique des bombardements » dit des choses qui comptent parmi les plus fortes qu’il nous ait été données de lire sur la guerre menée par l’OTAN en Yougoslavie : il n’existe aucun fondement légal international à l’intervention de l’OTAN et l’hypothèse qu’une intervention militaire à but humanitaire puisse avoir une quelconque légalité est également à écarter. Il ne s’agit pas de nier ou même de minimiser d’aucune manière les responsabilités politiques du gouvernement serbe. La grande responsabilité de Milosevic est d’avoir remis en cause en 1989 le statut d’autonomie du Kosovo de 1974. Devant l’effondrement du camp socialiste, il s’agissait pour lui d’asseoir son pouvoir politique sur des bases nationalistes. Les Kosovars ont résisté. La répression très dure a suivi, elle n’a aucune justification, surtout pas dans les mythes identitaires. La Yougoslavie a été probablement la meilleure solution qu’ait connue cette zone des Balkans. Elle n’est pas née avec Tito mais, dès le XIXe siècle, des esprits éclairés ont choisi une unification et ont créé une langue, le serbo-croate. Fallait-il favoriser le dépeçage de la première tentative de paix et d’autonomie des hommes dans cette zone de déchirure séculaire ? Pourtant voilà un des actes fondateurs de l’Europe politique : favoriser la partition régionale de l’ex-Yougoslavie, réactiver la poudrière des Balkans. Car il ne faut pas non plus minimiser la part de responsabilité des Européens, des Allemands en particulier, qui ont appuyé la partition de la Yougoslavie (Slovénie et Croatie) en créant la base du développement des identités nationales toujours problématiques dans les Balkans. La guerre civile avec son cortège d’abominations a suivi. Car nous sommes bien désormais en Yougoslavie, et peut-être plus tard dans tous les Balkans, dans une guerre civile. La question est alors : en quoi l’intervention militaire de l’OTAN, celle des États-Unis mais aussi la nôtre à nous Français, permet-elle d’amender cette situation de guerre civile pour maintenant et pour l’avenir ? LA POUDRIÈRE Quand nous posons la question des responsabilités politiques à l’origine de la guerre civile nous sommes encore dans une logique ancienne, presque archaïque, celle d’une histoire d’empires, de guerres civiles et de vendettas. Quand nous abordons la responsabilité de l’OTAN, nous sommes déjà dans une autre logique, celle où s’est opérée la conversion du savoir, du progrès technologique, de la rationalité occidentale en un pouvoir d’extermination total de l’humanité, dont le nazisme n’a été qu’un des exemples. La logique archaïque est celle de la « poudrière ». Bismarck affirmait qu’il y avait deux personnes qui avaient compris le problème des Balkans, lui-même et un autre qui était devenu fou. Peut-être y a-t-il une idée essentielle à dégager de cet imbroglio historique et de cet enchevêtrement de peuples en proie à d’obscures vendettas ? Les Balkans ont constitué la zone de contact historique et guerrier entre deux empires, les Habsbourg ou la chrétienté et l’Empire ottoman ou la zone musulmane, avec des haines réveillées de siècle en siècle. Il y a aussi la manière dont chaque empire a imposé sa domination, comment ils ont entretenu par leur despotisme de véritables poches de misère et de sous-développement, empêchant partout l’unification des particularismes locaux dans un État-nation. Il suffit de relire ce que Chateaubriand écrit dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem sur la domination turque : non seulement elle réprimait mais, par son pillage constant elle empêchait tout développement économique, plus personne n’osait accumuler le fruit de son travail de peur qu’il lui soit enlevé et les gens se terraient dans des zones dévastées, dans les ruines d’anciens palais, sous des haillons. Le problème des Balkans est donc celui de peuples subissant les répressions économiques et politiques d’empires autocrates constamment en guerre et qui surtout, par la terreur et le sous-développement, ont empêché l’émergence de nations. Il en est résulté la difficulté à trouver aujourd’hui des bases d’identité qui ne soient pas ethniques ou religieuses; c’est là aussi que s’est enracinée l’impossibilité des territoires nationaux ayant leur langue, leur histoire. Ce n’est pas en surajoutant à cette histoire despotique une nouvelle logique d’empire (celle des USA avec nous comme vassaux) et en multipliant les destructions que l’on désamorcera la poudrière. Quand nous revendiquons l’autonomie, l’autodétermination, ne nous-sommes nous pas, pour une part, plus ou moins condamnés à approuver tacitement, malgré l’horreur qu’elle nous procure, la « purification ethnique »? Il y a en effet sous ce terme révoltant deux idées : la première est insoutenable parce qu’elle renvoie à notre propre passé occidental, la manière dont ont été développé le massacre des Indiens, l’esclavage, le colonialisme et le nazisme, toutes choses auxquelles les peuples des Balkans n’ont pas participé sinon pour s’en défendre. Comme l’ont montré tous ceux qui connaissent l’histoire des Balkans avant 1945 et depuis jusqu’en 1990 : la péninsule a connu de multiples violences et déplacements forcés (Allemands de Banat, Albanais de l’Epire, Grecs d’Istanbul, Grec et Turcs de Chypre, Turcs de Bulgarie, etc.). Il ne faut pas chercher les précédents historiques du « nettoyage ethnique » à Auschwitz mais bien dans leur passé commun. Ce passé commun dont nous ignorons tout a été sans cesse recomposé. Il est celui de sociétés balkaniques intégrées dans des unités nécessairement autoritaires, comme la Grande Serbie puis à nouveau émiettées. C’est pourquoi la seconde idée qu’il faut dégager sous le terme de « purification ethnique » renvoie à une interrogation : à savoir sur quelles bases pourra se créer l’identité nationale de peuples entrelacés géographiquement ? (1) Si les Serbes veulent recréer la Grande Serbie, certains membres de l’UCK ne font pas mystère de leur préférence pour la Grande Albanie. Un des héritages de l’Histoire étant bien évidemment que chacun revendique la mémoire du moment le plus favorable au cours des invasions, migrations et royaumes successifs pour établir des frontières. D’ailleurs il serait peut-être temps d’en finir avec l’hypocrisie de la bonne conscience, la solution des Occidentaux en Bosnie et même plus généralement dans toute l’ex-Yougoslavie est déjà passée par « la purification ethnique ». Ainsi cent cinquante mille Serbes ont été déplacés dans le silence général et on a laissé au hasard des déplacements de population face à la guerre se créer des morceaux de territoire « homogènes ». Pourtant le résultat en est si morcelé, si imbriqué qu’il ne tiendra que par une présence constante d’armées pour les surveiller. Nous revoilà dans cette logique d’empire qui ne peut qu’aggraver la situation initiale de guerre civile. Il n’est même pas sûr que cette partition ethnique contenue dans le thème de l’autodétermination ait une quelconque validité sur le terrain. Les Albanais du Kosovo et ceux d’Albanie parlent la même langue, ont beaucoup de pratiques communes mais ils sont séparés depuis près de quatre-vingt-dix ans et ils ont vécu dans des État ayant des niveaux de développement très différents, la Grande Albanie est sans doute un rêve comme la Grande Serbie est sans doute un rêve, des rêves meurtriers. Autre constat : ces peuples des Balkans toujours envahis par des empires ont dû déployer une telle énergie pour leur survie, et pour leur mouvement perpétuel de construction et décomposition, qu’ils n’ont jamais menacé personne, pas plus l’Europe d’hier que les pays de l’OTAN aujourd’hui. Ils n’ont fait que se défendre avec un courage qui force le respect. Car s’il y a quelque chose de commun dans ces sociétés balkaniques c’est le sens de l’honneur méditerranéen, avec au positif un courage indomptable ; et au négatif le sentiment que la guerre peut tout résoudre et que la défense de cet honneur se transmet comme un héritage. Donc nous avons une zone des Balkans dépecée par des empires et où l’unité nationale a eu du mal à se réaliser sur des bases autres qu’ethniques ou religieuses. Les frappes de l’OTAN, l’intervention militaire en général aident-elles à dépasser cette situation ? Ou au contraire ont-elles pour résultat de rendre la paix impossible entre ces fragments de peuples imbriqués, déchirés par des vendettas séculaires ? Non seulement elles n’obtiendront pas la paix dans l’immédiat mais elles risquent de la rendre impossible dans l’avenir. AVENIR DE LA MÉDITERRANÉE EN EUROPE En quoi la zone des Balkans, ces peuples si pauvres, intéresse-t-elle l’empire nord-américain ? La surveillance de l’ex-URSS, qui demeure une puissance nucléaire de grande instabilité sociale, est vraisemblablement l’un des objectifs des États-Unis. Il y a probablement aussi un enjeu pétrolier. Un oléoduc et un gazoduc partiront du port de Bakou et traverseront le Kurdistan. Il est prévu d’y construire l’un des plus grands complexes industriels du monde. L’oléoduc et le gazoduc devraient passer par la Turquie, selon les plans qui sont déjà très avancés, par la Bulgarie et à partir de là se diriger vers le Kosovo avec une bifurcation vers le centre de l’Europe et une autre vers l’Italie pour desservir les pays européens de la Méditerranée. A travers le cas des Balkans se pose aussi la question du contrôle de la Méditerranée considérée comme une zone de grande turbulence politique. Le problème albanais ne saurait être détaché de celui des pays musulmans. Si une intervention militaire est la mise en acte de la logique d’empire appliquée aux Balkans et plus largement à la zone méditerranéenne, faut-il voir le salut dans l’Europe ? Nous ne pouvons ignorer que de la manière dont on terminera cette guerre dépendra la paix future dans toute la zone méditerranéenne qui devient de plus en plus explosive au fur et à mesure que s’accroît son sous-développement. En raison, il n’y a pas d’autre voie que la négociation et la reconstruction des liens entre ces peuples dont l’histoire ne cesse d’exaspérer les tensions. Nous nous y sommes mollement attelés et nous nous sommes laissés manœuvrer. Non sans savoir que cette guerre et la stratégie des USA (cette puissance « autistique » selon l’expression d’Alain Joxe) dont les Européens se sont faits les supplétifs aura pour résultat la « libanisation » des Balkans, l’impossibilité de fermer les plaies et la scission à l’infini de peuples qui devraient s’unir. Je partage entièrement ce qu’écrivait Dominique Vidal, sur le site internet du Monde diplomatique le 13 avril 1999 : « Malgré les terribles affrontements actuels, la coexistence entre les peuples des Balkans n’est pas une utopie : elle a résisté, tant bien que mal, dans la Yougoslavie, pourtant bien peu démocratique, du maréchal Tito. Et c’est le démantèlement de celle-ci qui a replongé les Balkans dans l’horreur. Se lancer dans une recomposition généralisée de la région sur une base ethnique serait sans aucun doute la meilleure manière d’ouvrir grandes les portes à la barbarie. Pour autant, le retour à la paix dans les frontières établies ne va pas de soi. Il importe de recréer les conditions indispensables pour que les populations vivent à nouveau en bonne intelligence : développement économique, démocratie politique, garantie des droits de chaque communauté en sont les principaux piliers. » Les bombardements, l’intervention militaire vont à l’encontre de cette démarche. Pendant combien de temps l’Europe portera-t-elle désormais sur son flanc cette plaie ouverte ? Ne sommes-nous pas aussi irresponsables que les passagers de première d’un avion qui diraient : « nous ne craignons rien la bombe est en seconde classe » ? On ne peut aussi s’empêcher de songer qu’avec les sommes fantastiques déversées sur la Yougoslavie sous forme d’armes (un bombardier furtif étant l’équivalent du PNB de l’Albanie, une bombe guidée au laser 200 000 F), il y aurait de quoi reconstruire économiquement ces pays, dépasser la logique de sous-développement, de destruction massive qui ne peut qu’engendrer les haines, laisser les peuples exsangues et prêts à en découdre à la prochaine génération. Quand la guerre règne, le politique semble pris de folie, il ignore les évidences les plus élémentaires et notamment le fait qu’aujourd’hui le Kosovo isolé de la Yougoslavie n’est pas viable, comme d’ailleurs le fait que la Yougoslavie doit retrouver des liens avec ses voisins. Or la destruction massive des ponts de Belgrade démontre bien la logique de cette guerre : l’asphyxie et l’isolement, l’exaspération des antagonismes. Quant à l’Europe, la manière dont elle gère cette zone, plus encore que dans l’existence d’institutions spécifiquement européennes, sera-t-elle celle de la manifestation de sa dépendance ou celle de sa liberté ? Va-t-elle accepter ou non de devenir une marche de l’empire américain, d’y défendre ses intérêts économiques et politiques ? Pour faire court l’AMI et l’OTAN n’avancent-ils pas d’un même pas ? En quoi la construction européenne s’en distingue-t-elle ? Aujourd’hui malgré certaines analyses optimistes qui font songer à celles qu’on entendait sur la nécessité de créer l’euro pour marquer l’indépendance à l’égard des États-Unis, le fait est que l’affaire du Kosovo marque un recul en matière d’autonomie de l’Europe à l’égard des stratégies nord-américaines. Pour rééquilibrer l’alliance atlantique suffirait-il, comme l’affirment certains, de renforcer l’intégration européenne par la création d’une véritable défense européenne ? Même si la création d’institutions européennes politiques, militaires, peut être considérée comme nécessaires à l’indépendance face aux États-Unis, leur mise en place est loin d’être suffisante pour garantir cette indépendance tant que la politique économique, culturelle, militaire sera simplement calquée sur celle des États-Unis. Dans cette crise, l’Europe paraît s’être placée plus derrière les États-Unis que d’avoir travaillé à recouvrer son indépendance d’action. Les Allemands se rapprochent des Anglais. Les Anglais ont toujours été plus proches des États-Unis que de l’Europe. Chomsky a sur le Royaume-Uni une phrase définitive quand il affirme que celui-ci est à peu près aussi indépendant que l’Ukraine avant Gorbatchev. Nous Français avons toujours été déchirés entre la dépendance et l’indépendance, chaque événement nous permettant de marquer notre différence dans le cadre général de la dépendance. De même nous hésitons constamment entre dépeçage de l’Europe en régions sur des bases ethnico-linguistiques et maintien des États avec une forte préférence pour cette dernière solution. Aujourd’hui les Allemands ont choisi, c’est le dépeçage en régions comme base de l’intégration européenne (pour les autres et pas pour eux, bien sûr, qui au contraire ont enfin reconstitué la Grande Allemagne). Alors que la participation de Mitterrand à la guerre du Golfe avait déjà pour justification cynique le fait que « puisque les Américains feront de toute façon la guerre, autant la faire du côté des vainqueurs », cette fois notre participation semble avoir pour objectif notre volonté de constituer une Europe politique. Il y aurait eu front uni des Européens pour convaincre Milosevic, pour se réunir à Rambouillet et, l’échec constaté, ils auraient poussé à l’intervention militaire. Celle-ci donnant, comme chacun sait, d’excellents résultats, ils auraient poussé simultanément à la reprise des négociations et multiplié les initiatives diplomatiques pour donner toute leur place à la Russie, au Conseil de Sécurité de l’ONU (2). Il y a là une vision pour le moins idéalisée de la manière dont l’Europe s’est trouvée entraînée par les États-Unis, en particulier lors de la conférence de Rambouillet. En dehors de ces quelques euro-optimistes assez isolés, la plupart des commentateurs s’entendent pour reconnaître la difficulté pour l’Europe de marquer son indépendance dans l’Alliance atlantique par temps de guerre. Le plus souvent en France, en provenance du camp du refus de l’agression et même de l’autre, il est suggéré que notre soumission aux États-Unis marquerait la faiblesse de la construction européenne et la nécessité donc de la parachever (3). L’argument n’est qu’à moitié pertinent. Nous avons vécu le temps où la France, tout en respectant ses alliances, était capable par la voix du général de Gaulle de refuser de se laisser engager dans des aventures guerrières. Nous avons alors su quitter le commandement militaire de l’OTAN après l’affaire des fusées de Cuba. Dans l’affaire actuelle des Balkans, ce qui manque n’est pas tant une défense européenne qu’une nouvelle conception de la politique de défense de l’Europe en Méditerranée. Faut-il rappeler que la zone méditerranéenne appartient à l’Europe, mais pas seulement, et que pourtant la politique européenne vise à la domination plus qu’à la coopération ? Aujourd’hui, l’Union européenne accélère le pas et propose l’instauration d’une zone de libre échange d’ici l’an 2010 par la conclusion de nouveaux accords, en lien avec le plan Matutes qui vise la promotion de la coopération Union européenne/P.T.M. (Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Yougoslavie), accords contenant des calendriers pour la libéralisation des échanges et des listes de secteurs publics à démanteler. C’est-à-dire une réduction de l’emploi public, une perte de recettes fiscales et une réduction des dépenses publiques dont la population ne pourra que souffrir dans son accès à la santé, à l’éducation, etc. Si ces projets se concrétisent certains prédisent qu’il faudra 50 ans pour absorber le choc économique qui en résultera (4). D’où les tensions sociales escomptées. La catastrophe humanitaire que constitue l’extension de la pauvreté menace les côtes de l’Europe. L’arrivée des réfugiés kosovars épuisés, anéantis de douleur, ne peut que nous rappeler celle de ces bateaux vétustes surchargés d’Albanais aux prunelles fiévreuses et à la maigreur impressionnante. Il en résulte une question essentielle, celle du gendarme capable de tenir tout ce monde-là et de continuer à tenir ouverts les marchés. Il existe effectivement une force méditerranéenne de l’Europe, initiée en décembre 1993 par l’Italie, la France et l’Espagne rejoints par le Portugal en mai 1995, cette force est l’EUROFOR. Celle-ci est accusée par maints pays musulmans du bassin méditerranéen d’être l’instrument d’une domination des pays de l’autre côté de la Méditerranée. Elle se bâtit de plus en plus sur le modèle américain comme une force d’intervention. L’existence d’une force spécifique de l’Europe qui ne se contente pas de son domaine européen stricto sensu n’empêche aucunement que l’OTAN continue à renforcer sa politique en Méditerranée. Ainsi à Madrid en juillet 1997, l’OTAN, considérant que « la région méditerranéenne mérite une grande attention, car la sécurité dans l’ensemble de l’Europe est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité en Méditerranée », a créé un Groupe de Coopération Méditerranéenne ( GCM). Cette structure réunit les membres de l’OTAN, l’Egypte, le Maroc, la Tunisie, la Jordanie, la Mauritanie mais aussi Israël avec Benjamin Netanyaou. Un certain nombre de ces pays et de leurs dirigeants sont devenus de véritables protectorats des Occidentaux et des États-Unis en particulier. Une des solutions d’issue à la crise envisagée par le président de la République française est d’ailleurs d’établir un protectorat sur la Yougoslavie ; le terme est clairement prononcé pour le Kosovo, nul doute que les contradictions entre la Serbie et la Macédoine ne soient exploitées en ce sens. On le voit à travers cet exemple, l’existence d’institutions européennes n’est pas en elle-même la garantie de l’indépendance de la politique européenne. C’est sans doute une condition nécessaire mais elle n’est pas suffisante si les stratégies et les buts demeurent les mêmes. Les institutions européennes peuvent être au contraire l’instrument d’une vassalisation économique comme militaire, une vassalisation qui, à partir de l’emprise des États-Unis sur les pays européens, leur donne les moyens d’accroître sa suzeraineté sur les marches du bassin méditerranéen. Il y a déjà un vaincu dans l’expédition de l’OTAN en Yougoslavie, c’est l’Europe. Non seulement elle est soumise à l’OTAN et aux États-Unis mais elle l’est parce qu’elle est incapable de dégager un projet politique qui soit autre que celui du néo-libéralisme et donc de la répression des peuples. C’est la fin de l’idée qu’il y aurait une solution de rechange avec la montée en puissance de la social-démocratie européenne et la chute de l’euro ne fait sans doute que traduire l’absence d’une telle alternative. Il y a quelque chose de tragiquement risible dans le fait que les prochaines élections européennes se préparent dans un tel contexte de vassalisation et d’impossibilité pour les gouvernements européens d’imposer la seule voie raisonnable à cette folie. Quelle paix cherche-t-on ? A quelle condition sera-t-elle viable ? celle qu’on nous propose ne pourra perdurer qu’avec des armées installées de manière permanente, ce qui déjà nous dessine l’avenir que l’on cherche pour ces régions si proches de la France méridionale. Car la France est pour une part essentielle méditerranéenne et elle risque de payer plus chèrement que d’autres les effets d’une telle stratégie. POURQUOI LES AMÉRICAINS ONT-ILS PRIVILÉGIÉ L’UCK ? Il reste donc à comprendre la stratégie à laquelle nous avons accepté plus ou moins de nous soumettre. Les États-Unis ne souffrent qu’avec peine l’existence de l’ONU et en aucun cas ils n’acceptent d’y voir autre chose qu’un instrument de leur volonté d’empire, dans ce conflit comme dans d’autres. Mais cette fois ils sont allés si loin dans leur négation d’une instance universelle que cela revient à nier toute parole, tout espace public international. Car les États-Unis nous ont imposé la guerre. Et parce que nous l’acceptons, il ne peut même plus exister chez nous de débat comparable à celui qui a lieu aux États-Unis. Jamais nous n’avons la possibilité de nous interroger sur la manière dont le déroulement de cette guerre et donc son issue ont été complètement dominés par la stratégie des USA à l’égard de l’Europe avec des conséquences dont nous Européens risquons de faire durablement les frais. Le président de la République et son challenger, Premier ministre, ont pris la décision, quitte en sous-main à jouer cavalier seul (ou avec l’Italie) dans les discussions de l’OTAN, et c’est l’union sacrée : nos intellectuels dans leur grande masse s’alignent sur le prétexte humanitaire. Que s’est-il passé ? Comme le souligne Alain Joxe « la modalité caractéristique du pouvoir américain, comme de la plupart des pouvoirs impériaux, c’est le malentendu, c’est-à-dire la non-intelligence des informations surgissant sans cesse des situations et des sociétés soumises. La compensation de cette mésintelligence est sans cesse opérée par la force matérielle économique ou militaire. Cette dernière doit en permanence racheter cette déficience logicielle. Ce gaspillage est la preuve du leadership » (5). L’attaque contre la Yougoslavie part d’un double malentendu : les dirigeants des États-Unis, au départ, sont comme les Français des médiateurs dans une guerre civile, et ils se choisissent l’allié le plus belliciste, celui qui a les positions les plus extrêmes, l’UCK, tout en affirmant défendre des accords modérés dans leur esprit. Ils pensent qu’au bout de deux jours de bombardement les Serbes s’inclineront. Les Européens sont enrôlés sous bannière de l’OTAN et les Français devront fournir après les États-Unis le principal effort de guerre. Pourquoi y a-t-il malentendu ? Pour pouvoir faire la guerre. Ramsay Clark, ancien Attorney général des États-Unis (garde des sceaux), en visite à Belgrade au début des frappes, déclarait à la revue Politika « l’accord qui a été préparé et qui vous a été soumis quelques jours avant les bombardements était un ultimatum. En fait ils avaient décidé d’occuper votre pays, ils savaient d’avance qu’ils allaient effectuer des bombardements. Il s’agissait d’une offre inacceptable qu’aucun pays souverain au monde, tenant à son intégrité territoriale, n’aurait accepté ». Le 18 mars 1999, le Département d’État américain annonçait que Washington voulait transformer l’UCK en organisation politique. Donc, l’opposer à Rugova, le leader pacifiste aux négociations de Rambouillet. Rugova a fait la preuve de son sérieux et de son audience dans la population albanaise du Kosovo tout autant que de son pacifisme. Il est vrai qu’en 1995, quand les accords de Dayton ont ignoré le Kosovo, la stratégie d’Ibrahim Rugova qui espérait que ces accords influeraient le retour à l’autonomie du Kosovo, a été mise à mal. Une autre stratégie s’est imposé, celle de l’UCK; elle tablait sur l’exaspération du conflit, avec l’alternance attentats répression, jusqu’à ce que l’OTAN intervienne. Comme la communauté internationale, l’ONU et les États européens semblaient pencher pour le refus de l’indépendance du Kosovo et menaient un jeu de balancier entre l’hostilité à la politique répressive de Milosevic et la tolérance à cette même politique, l’UCK s’est tournée vers les seuls États-Unis. Rien pourtant ne prédisposait l’UCK à être un allié privilégié des États-Unis, puisque ses dirigeants sont un mélange de marxistes-léninistes héritiers de la période Enver Hodja et de gens d’extrême-droite (6). Rien sinon leur bellicisme et leur dépendance de sources de financement extérieures. Regroupant les nationalistes durs, l’UCK a multiplié les attentats et gagné des soutiens dans une population excédée par la répression du gouvernement de Milosevic. Pourtant en mars 1998, la LDK de Rugova a remporté une fois encore les législatives clandestines dans la population albanaise du Kosovo. Et Rugova a été réélu président avec un taux de participation de 84,5 %, ce qui prouvait que les Kosovars d’origine albanaise préféraient une solution pacifique au terrorisme de l’UCK. Si le 18 mars est prise la décision de donner un statut privilégié à l’UCK c’est le 20 mars que les 1 381 membres de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été retirés du Kosovo vers la Macédoine. Pierre Briand de l’AFP écrivait dans Marianne (semaine du 5 avril 1999) que « de nombreux observateurs civils et militaires de cette organisation ont sous couvert de l’anonymat fait part à l’AFP de leur “amertume” devant une évolution de la situation dans cette région qui, selon eux, aurait pu être différente s’ils avaient pu faire leur travail. Certains ont même mis en cause les États-Unis, les accusant d’avoir utilisé l’OSCE à des fins qu’ils avaient préalablement définies. La mission était dirigée par un diplomate américain, William Walker. « On n’était absolument pas menacés » ont affirmé plusieurs observateurs dès leur arrivée à Skopje, en Macédoine. Or le retrait a été décidé en raison notamment des « violences » et de l’impossibilité pour la mission de travailler. Toujours selon Pierre Briand de l’AFP, un officier supérieur accuse les Américains « d’avoir planifié leur coup » et il dénonce « une confusion entre l’OSCE et le Département d’État américain ». Il affirme : « Ça c’est mal passé parce qu’on voulait que ça se passe mal ». Il ajoute : « certains étaient boutefeux. L’armée de libération du Kosovo (l’UCK) a été incitée à tenter de couper les communications de la province avec Belgrade, ce que les Yougoslaves ne pouvaient accepter. Les sources qui les ont poussés à faire ça savaient ce qu’elles déclenchaient. Toute la partie “renseignement” appelée pudiquement “fusion” pour une mission théoriquement civile mais qui employait deux tiers de militaires était entre les mains des Américains ». « A la fin, poursuit-il, William Walker a prédit une catastrophe humanitaire, on s’est mis à la recherche de réfugiés hypothétiques, on a eu du mal à les trouver pour justifier sa position. » Pourquoi avoir ainsi retiré les missions humanitaires alors même que la question était de se donner les moyens politiques d’une intervention ? Maintenant on n’a plus à les chercher: les réfugiés sont là. Et c’est une abomination ; mais on peut se poser encore un certain nombre de questions. Cet afflux de réfugiés, nous dit-on, faisait partie d’un plan mûrement pensé par Milosevic, tout était en place et on retrouve l’analyse de William Walker. La question est alors la suivante : si un tel afflux de réfugiés était prévisible pourquoi ne pas l’avoir prévu ? Pourquoi ne pas avoir mis en place aux frontières de quoi les accueillir décemment pour éviter d’avoir à les déporter ? Le 26 mars 1999, la représentante au Congrès Helen Chenoweth a déclaré : « l’UCK est un conglomérat de maoïstes et de terroristes, trafiquants de drogue, armés par l’Iran et par le financier terroriste international Oussama Ben Laden, qui est aujourd’hui le sponsor du terrorisme international. C’est là ceux que soutient l’administration de Clinton qui cherche la partition de la Yougoslavie et crée dans les Balkans un avant-poste pour le terrorisme de Ben Laden. » Cette collusion a d’autres implications. Chacun sait bien en effet que l’UCK ne se bat pas pour l’autonomie mais bien pour l’indépendance. A Rambouillet les États Unis ont contraint les Kosovars à signer (et singulièrement l’UCK) en les menaçant de suspendre leur aide (y compris militaire) et en les persuadant que si les Kosovars signaient et si les Serbes refusaient il y aurait enfin là le prétexte à l’intervention militaire de l’OTAN que l’UCK appelait de ses vœux. Ce qui fut fait. En clair cela signifie que le gouvernement français, le président de la République mentent sciemment aux Français quand ils leur affirment qu’ils sont pour le maintien du Kosovo dans la république de Yougoslavie. Ce maintien c’est celui de la stratégie d’Ibrahim Rugova, sinon celle des durs de l’UCK et des Américains qui prétendent leur offrir la victoire sur un plateau. Comme le dit Ramsay Clark, les États-Unis ont sorti un ultimatum que les Serbes ne pouvaient pas signer ; les Kosovars ne l’ont signé que comme la garantie de l’intervention de l’OTAN. Il y a diverses interprétations (qui ne sont pas d’ailleurs exclusives les unes des autres) de cette incroyable rencontre entre un terrorisme conglomérat de tenants d’un marxisme-léninisme tendance Enver Hodja, de l’extrême droite et de l’intégrisme d’un financier saoudien (sans parler des accusations de trafics de drogue et d’armes) et l’administration des États-Unis. Une des interprétations est la profonde incompétence, presque la naïveté de l’administration Clinton et singulièrement de Madeleine Albright. C’est la thèse que défendait déjà le Washington Post à propos des frappes. Selon ce journal, Madeleine Albright croyait que deux journées suffiraient à faire céder Milosevic. Au bout de huit jours de frappe, le département d’État n’aurait plus su quoi faire, repoussant sans cesse une intervention au sol dont tout le monde pense que ce serait un nouveau Vietnam. De surcroît continuer les bombardements c’est nécessairement élargir leur impact à la population civile, à des hôpitaux, des écoles, c’est en finir avec la fameuse guerre propre qui n’en n’a jamais été une, comme on l’a déjà vu en Irak. Donc, parce que la Yougoslavie résiste, l’administration Clinton qui a fait une erreur dans laquelle elle nous a entraînés, ne sait plus quoi faire. Il s’agit d’une possibilité forte mais il y en a une autre (non exclusive de la précédente). L’administration démocrate Clinton aurait été piégée par la CIA et les militaires. Mais si l’administration du président Clinton est si aisément piégée c’est qu’il y a unité profonde du système, les contradictions entre la présidence, la CIA, l’armée ne sont qu’apparentes, le système tient son pouvoir de l’état de guerre qui lui-même sert les intérêts commerciaux des États-Unis. Nous ne parlons pas du peuple des États-Unis et des grandes voix qui sont aujourd’hui encore capables de s’élever, de nous donner une leçon de démocratie mais bien d’un système politico-industriel-financier-militaire. Le premier objectif commun est la recherche d’une stratégie qui puisse maintenir le système guerrier : après avoir perdu l’adversaire historique, l’URSS, après avoir renoncé à concilier l’inconciliable, le monopole du recours à la guerre et le respect de l’appartenance à l’ONU instance universelle, les États-Unis sont toujours à la recherche d’une politique qui leur permette de réactualiser les alliances devenues système de vassalisation sous couvert « du partage du fardeau de la défense » (burden sharing) : « le partage du fardeau est aussi un partage de pouvoir et que, dans la mesure où les alliés prendraient plus de responsabilités dans leur propre défense, les États-Unis devraient être disposés à leur céder quelques pouvoirs de décision et de contrôle » (7). Quand, à la fin des années quatre-vingt, l’ennemi s’estompe à l’Est déjà s’esquisse la probabilité croissante d’actions concertées d’urgence à l’égard du Sud. C’est-à-dire que le pouvoir d’intervention des États-Unis, y compris sous la forme de « guerre de basse intensité », qui ne sont souvent que des interventions de police aux côtés de gouvernements réprimant leurs conflits internes, s’accroît. Il y a également les intérêts de l’armée qui ne souhaite pas voir réduits ses crédits militaires. L’US Navy développe l’idée que faire face « aux conflits de basse intensité » exige autant de forces que de faire face à l’URSS, il s’agit en fait de rentabiliser l’effort de guerre et de tester les instruments de frappe (8). Il y a les commandements opérationnels qui (comme on l’a vu avec le CENTCOM et Schwartzkopf) définissent les grandes stratégies à partir de scénarios opérationnels et quand une stratégie existe cela aide, pour ne pas dire plus, la décision finale d’intervention. Quel scénario a été choisi pour le Kosovo ? Un article de l’Observer (17 avril 1999) faisait état d’un plan d’action militaire au sol limité, sans doute pour qu’il y ait le moins de victimes « otanesques ». Cela supposait au préalable un écrasement total de la Serbie sous les bombes, une rage de détruire inouïe, d’autant que les politiques presseraient les militaires d’en finir en trois mois. Les militaires sont donc couverts dans leur violence. Le plan s’appuyait sur l’UCK, la séparation chirurgicale du Kosovo et de la Serbie par le bombardement systématique de toutes les communications, l’isolement des forces serbes. Malgré tout l’état-major parle d’une action dans un contexte moyennement hostile et prend acte du fait que les options ont radicalement changé depuis le début des bombardements (9), c’est à dire depuis que joue à plein la manipulation médiatico-guerrière que nous analysons plus avant. Les raisons de la stratégie sont d’abord politiques mais elles sont également commerciales, le système de vassalisation s’accompagne de l’obligation d’acheter des armes. Les ventes d’armes sont considérées comme la première manifestation du « partage du fardeau » donc d’une partie du pouvoir de guerre des États-Unis, elles sont indispensables selon les militaires à l’existence d’une ouverture et d’un maintien fonctionnel de contact entre les forces armées des États-Unis et celles d’autres pays qui sont des « hôtes » virtuels de l’armada américaine. Alors le président est-il en danger d’être piégé par ce pouvoir industrialo-militaire ? Madeleine Albright, le Département d’État seraient pris dans le « malentendu » ? Les choses ne sont pas si simples, outre le fait que le président partage la même conscience du primat des intérêts commerciaux, l’autorité présidentielle n’a cessé de grandir durant la guerre froide à cause de son droit régalien sur la force nucléaire. Il se peut donc qu’il faille une guerre pour maintenir voire restaurer l’autorité présidentielle. Dans ce type de conflits à buts humanitaires, opérations de simple police internationale, la guerre n’a jamais besoin d’être officiellement déclarée par le Congrès comme l’exige la Constitution. L’autorité présidentielle s’affirme par l’usage des task force ad hoc, avec des alliés potentiels formant une coalition de circonstance et préparées seulement autour de réunions militaires. Il y a dans cet exercice solitaire autant que dans le caractère imprévisible de l’attaque sur tel ou tel pays quelque chose de tellement incompréhensible que cela renforce le caractère irrésistible de la puissance qui l’exerce, puisque seuls Dieu et la nature peuvent se conduire avec un tel arbitraire, il n’y a d’homme que dans le respect de la Loi. C’est pourquoi le malentendu dont parle Joxe à propos des États-Unis et la démonstration de force économique et militaire, le « gâchis » qui s’ensuit font partie de la terreur sur laquelle repose un tel pouvoir. Il est à noter que nous sommes nous en France désormais contaminés par cet exercice de l’autorité qui ne déclare plus la guerre puisque de toute manière elle a le privilège de la force nucléaire, avec notre intéressante variante de la cohabitation et du numéro de duettistes qui s’y rattache. Fondamentalement il y a une sorte d’affinité élective entre le système politico-militaire et l’idéologie capitaliste « libérale », une affinité élective entre le puritanisme et le capitalisme déjà mise en lumière par Max Weber. Quand Madeleine Albright dit à propos des cinq mille morts d’enfants par mois en Irak à cause de l’embargo « c’est le prix à payer ! », son raisonnement paraît dans ses fondements psychologiques héritier de la pensée de Hayek (10): ne rien vouloir savoir de ce qui est complexe et être sûr que ce qui arrive était mérité et s’arrangera en fin de compte très bien, les victimes ayant simplement mal joué. Elles joueront mieux la prochaine fois, si elles survivent, et sinon tant pis pour elles. Il est question chez Hayek de la loi du marché bien sûr. et des victimes du chômage. [à suivre] Edité le 15-04-2020 à 20:32:51 par Xuan |