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![]() Les 70 Ans de l’Otan: De Guerre en Guerre. https://www.alterinfo.net/Les-70-Ans-de-l-Otan-De-Guerre-en-Guerre_a146727.html DOCUMENTATION PRÉSENTÉE PAR LE CNGNN À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE 70 ANS DE L’OTAN, FLORENCE, LE 7 AVRIL 2O19 Comité NO GUERRA NO NATO Samedi 20 Avril 2019 1 L’Otan naît de la Bombe 2 Dans l’après-guerre froide l’Otan se rénove 3 L’Otan démolit la Yougoslavie 4 L’Otan s’étend à l’Est vers la Russie 5 USA et Otan attaquent l’Afghanistan et l’Irak 6 L’Otan démolit l’État libyen 7 La guerre USA/Otan pour démolir la Syrie 8 Israël et émirs dans l’Otan 9 La gestion USA/Otan dans le coup d’état en Ukraine 10 L’escalade USA/Otan en Europe 11 Le porte-avions Italie sur le front de guerre 12 USA et Otan rejettent le Traité ONU et déploient en Europe de nouvelles armes nucléaires 13 USA et Otan enterrent le Traité FNI 14 L’empire Américain d’Occident joue la carte de la guerre 15 Le système planétaire USA/Otan Pour sortir du système de guerre sortir de l’Otan L’Otan naît de la Bombe Les événements qui préparent la naissance de l’Otan commencent avec le bombardement atomique d’Hiroshima et Nagasaki, effectué par les États-Unis en août 1945 non pas pour battre le Japon, désormais à genoux, mais pour sortir de la Deuxième guerre mondiale avec le plus grand avantage possible surtout sur l’Union Soviétique. Cela est rendu possible par le fait que, à ce moment-là, les États-Unis sont les seuls à posséder l’arme nucléaire. Un mois seulement après le bombardement d’Hiroshima et Nagasaki, en septembre 1945, on calcule déjà au Pentagone qu’il faudrait environ 200 bombes nucléaires contre un ennemi des dimensions de l’URSS. Le 5 mars 1946, le discours de Winston Churchill sur le “rideau de fer” ouvre officiellement la guerre froide. Immédiatement après, en juillet 1946, les USA effectuent les premiers essais nucléaires dans l’atoll de Bikini (Îles Marshall, Océan Pacifique) pour en vérifier les effets sur un groupe de navires en désarmement et des milliers de cobayes. Participent à l’opération plus de 40 mille militaires et civils étasuniens, avec plus de 250 navires, 150 avions et 25 mille détecteurs de radiations. En 1949 l’arsenal étasunien passe à environ 170 bombes nucléaires. Les États-Unis sont alors sûrs de pouvoir, en peu de temps, avoir assez de bombes pour attaquer l’Union Soviétique. En cette même année, cependant, échoue le plan étasunien de garder le monopole des armes nucléaires. Le 29 août 1949, l’Union Soviétique effectue sa première explosion expérimentale. Quelques mois avant, le 4 avril 1949, quand à Washington on sait désormais que l’Union Soviétique aussi est sur le point d’avoir la Bombe et que la course aux armements nucléaires va donc commencer, les États-Unis créent l’Otan. L’Alliance sous commandement étasunien comprend pendant la guerre froide seize pays : États-Unis, Canada, Belgique, Danemark, France, République Fédérale Allemande, Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Turquie. À travers cette alliance, les États-Unis gardent leur domination sur les alliés européens, en utilisant l’Europe comme première ligne contre l’Union Soviétique. Six ans après l’Otan, le 14 mai 1955, naît le Pacte de Varsovie, comprenant Union Soviétique, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Pologne, République Démocratique Allemande, Roumanie, Hongrie et Albanie (cette dernière de 1955 à 1968). Tandis que commence la confrontation nucléaire entre USA et URSS, la Grande-Bretagne et la France, toutes deux membres de l’Otan, oeuvrent pour se doter elles aussi d’armes nucléaires. La première à y arriver est la Grande-Bretagne qui en 1952 effectue en Australie une explosion expérimentale. L’avantage de l’Otan augmente ensuite quand, le 1er novembre de la même année, les États-Unis font exploser leur première bombe H (à l’hydrogène). En 1960 les pays Otan en possession d’armes nucléaires passent à trois, quand la France fait exploser en février, dans le Sahara, sa première bombe nucléaire. Tandis que la course aux armements nucléaires est en plein développement, éclate en octobre 1962 la crise des missiles à Cuba : après l’invasion armée ratée de l’île en avril 1961, opérée par des réfugiés cubains soutenus par la CIA étasunienne, l’URSS décide de fournir à Cuba des missiles balistiques à portée moyenne et intermédiaire. Les États-Unis effectuent le blocus naval de l’île et mettent en alerte leurs forces nucléaires : plus de 130 missiles balistiques intercontinentaux sont prêts au lancement ; 54 bombardiers ayant à bord des armes nucléaires viennent s’ajouter aux 12 que le Commandement aérien stratégique garde toujours en vol, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, prêts à l’attaque nucléaire. Les Etats-Unis disposent à ce moment-là de plus de 25.500 armes nucléaires, auxquelles s’ajoutent environ 210 britanniques, tandis que l’URSS en possède environ 3.350. La crise, qui conduit le monde au seuil de la guerre nucléaire, va être désamorcée par la décision soviétique de ne pas installer les missiles, en échange de l’engagement étasunien de lever le blocus et de respecter l’indépendance de Cuba. Dans la même période, la Chine se dirige vers l’acquisition d’armes nucléaires et, en octobre 1964, fait exploser sa première bombe à l’uranium et, moins de trois ans après, sa première bombe H. Parallèlement à la croissance de son propre arsenal, le Pentagone met au point des plans opérationnels détaillés de guerre nucléaire contre l’URSS et la Chine. Un dossier de 800 pages -rendu public en 2015 par les archives du gouvernement étasunien- contient une liste (jusque là top secret) de milliers d’objectifs en URSS, Europe Orientale et Chine que les USA se préparaient à détruire avec des armes nucléaires pendant la guerre froide. En 1959, l’année à laquelle fait référence la “target list”, les USA disposent de plus de 12.000 têtes nucléaires plus environ 80 britanniques, alors que l’URSS en possède environ mille et la Chine n’en a pas encore. Étant supérieur aussi en vecteurs (bombardiers et missiles), le Pentagone juge faisable une attaque nucléaire. Chez les stratèges de Washington -racontera ensuite Paul Johnstone, qui fut pendant deux décennies (1949-1969) analyste du Pentagone pour la planification de la guerre nucléaire- il y a dans cette période une conviction que les États-Unis, bien que subissant dans un échange nucléaire de graves dégâts et de nombreux millions de morts, continueraient à exister comme nation organisée et vitale, et l’emporteraient enfin, tandis que l’Union Soviétique ne serait pas en mesure de le faire. Entre la fin des années Soixante et le début des années Soixante-Dix, les USA ont environ 9.000 armes nucléaires déployées hors de leur propre territoire : environ 7.000 dans les pays européens de l’Otan, 2.000 dans des pays asiatiques (Corée du Sud, Philippines, Japon). En plus de celles-ci, ils ont 3.000 armes à bord de sous-marins et autres unités navales, qu’ils peuvent à tout moment lancer, depuis leurs positions avancées, contre l’Union Soviétique et d’autres pays. L’URSS, qui n’a pas de bases avancées hors de son propre territoire à proximité des États-Unis (dont elle peut cependant s’approcher avec ses sous-marins nucléaires), essaie de démontrer que, si elle était attaquée, elle pourrait lancer des représailles dévastatrices. Pour preuve elle fait exploser, dans un essai effectué le 20 octobre 1961, la plus puissante bombe à hydrogène jamais expérimentée, la “Zar” de 58 mégatonnes, équivalente à presque 4.500 bombes d’Hiroshima. L’Union Soviétique prépare en même temps une arme spatiale : un missile qui, s’il était mis en orbite autour de la Terre, pourrait atteindre à tout moment les États-Unis avec une tête nucléaire. À ce moment-là, les États-Unis, mis en difficulté, proposent à l’Union Soviétique un traité sur l’usage pacifique de l’espace. Ainsi est signé, en janvier 1967, le Traité sur l’espace externe, qui interdit la mise en place d’armes nucléaires dans l’orbite terrestre, sur la Lune ou sur d’autres corps célestes, ou, en tous cas, leur mise en place dans l’espace extra-atmosphérique. Immédiatement après, en juillet 1968, est stipulé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Il est promu par États-Unis, Grande-Bretagne et Union Soviétique, préoccupés par le fait que d’autres pays veulent entrer dans le cercle des puissances nucléaire. L’Article 1 stipule : “Tout État doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires”. L’Article 2 stipule : “Tout État non doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à n’accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d’armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires ou du contrôle de telles armes”. Les puissances nucléaires s’engagent à poursuivre des négociations sur un Traité de désarmement général et complet sous contrôle international (Art. 6). L’Italie signe le TNP en 1969 et le ratifie en 1975. Pendant qu’États-Unis, Grande-Bretagne et Union Soviétique essaient d’empêcher par le Traité de non-prolifération que d’autres pays n’entrent dans le club nucléaire, dont font partie cinq membres en 1968, un sixième pays s’infiltre dans le cercle des puissances nucléaires en réussissant non seulement à y entrer mais, une fois dedans, à se rendre officiellement invisible : l’invité de pierre est Israël. Au moment même où, en 1968, est ouvert à la signature le Traité de non-prolifération, Israël est déjà en train de déployer en secret ses premières armes nucléaires. Dans les années Soixante et Soixante-Dix l’Afrique du Sud, l’Inde et le Pakistan commencent aussi à construire des armes nucléaires. En 1986 l’arsenal mondial grimpe à son plus haut niveau : environ 65. 000 armes nucléaires. C’est dans cette phase que l’Europe est transformée en première ligne de la confrontation nucléaire entre les deux super-puissances. Entre 1976 et 1980 l’URSS déploie sur son territoire des missiles balistiques de portée intermédiaire. Se fondant sur le fait que depuis le territoire soviétique ils peuvent frapper l’Europe occidentale, l’Otan décide de déployer en Europe, à partir de 1983, des missiles nucléaires étasuniens à portée intermédiaire : 108 missiles balistiques Pershing 2 en Allemagne et 464 missiles de croisière (Cruise) lancés du sol, distribués entre Grande-Bretagne, Italie, Allemagne occidentale, Belgique et Pays-Bas. En moins de 10 minutes du lancement, les Pershing 2 étasuniens stockés en Allemagne peuvent frapper les bases et villes soviétiques, Moscou comprise, avec leurs têtes nucléaires. En même temps, les missiles de croisière étasuniens stockés à Comiso et dans d’autres bases européennes, volant à vitesse subsonique à une altitude de quelques dizaines de mètres le long du relief du sol, peuvent échapper aux radars et atteindre les villes soviétiques. À leur tour, les SS-20 stockés en territoire soviétique peuvent atteindre, en à peine plus de 10 minutes du lancement, les bases et villes de l’Europe occidentale. En Italie, au milieu des années 80, en plus de 112 têtes nucléaires sur les missiles de croisière stockés à Comiso, se trouvent d’autres armes nucléaires étasuniennes pour un total estimé à environ 700. Elles sont constituées en majorité de mines de démolition atomique, projectiles nucléaires d’artillerie et missiles nucléaires à courte portée, destinés à êtres utilisés sur le territoire italien. Ceci indique que l’Italie est considérée par les États-Unis comme un simple pion à sacrifier, un terrain de bataille nucléaire transformer en désert radioactif. Pendant la guerre froide, de 1945 à 1991, on accumule dans le monde un arsenal nucléaire qui, dans les années Quatre-Vingt, atteint probablement les 15.000 mégatonnes, équivalant à plus d’un million de bombes d’Hiroshima. C’est comme si chaque habitant de la planète était assis sur 3 tonnes de tritium. La puissance de l’arsenal nucléaire dépasse de 5.000 fois celle de tous les engins explosifs utilisés dans la Seconde guerre mondiale. On crée, pour la première fois dans l’histoire, une force destructrice qui peut effacer de la surface de la Terre, non pas une mais plusieurs fois, l’espèce humaine et presque toute autre forme de vie. Dans l’après-guerre froide l’Otan se rénove Dans la seconde moitié des années Quatre-Vingt le climat de la guerre froide commence à changer. Le premier signal de dégel est le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (INF), signé à Washington le 8 décembre 1987 par les présidents Reagan et Gorbachev : sur la base de celui-ci les États-Unis et l’Union Soviétique s’engagent à éliminer tous les missiles de cette catégorie, y compris les Pershing 2 et les Cruise basés par les USA dans des pays européens de l’Otan et les SS-20 basés par l’URSS sur son propre territoire. Jusqu’en mai 1991, ce sont, au total, 2.692 missiles de cette catégorie qui seront éliminés. Cet important résultat est dû substantiellement à l’”offensive du désarmement” lancée par l’Union Soviétique de Gorbachev ; le 15 janvier 1986, elle propose non seulement d’éliminer les missiles soviétiques et étasuniens à portée intermédiaire, mais de réaliser un programme d’ensemble, en trois phases, pour la mise au ban des armes nucléaires pour l’an 2000. On sait à Washington que Gorbachev veut vraiment la complète élimination de ces armes. Mais on sait aussi que dans le Pacte de Varsovie et dans l’Union Soviétique-même est en marche un processus de désagrégation, processus que les États-Unis et leurs alliés favorisent par tous les moyens possibles. Après l’écroulement du Mur de Berlin en novembre 1989, c’est en juillet 1991, la dissolution du Pacte de Varsovie : les six pays de l’Europe centre-orientale qui en faisaient partie ne sont alors plus alliés de l’URSS. En décembre 1991 c’est l’Union Soviétique qui se dissout : à la place d’un État unique s’en forment quinze. La disparition de l’Union Soviétique et de son bloc d’alliances crée, dans la région européenne et centre-asiatique, une situation géopolitique entièrement nouvelle. Simultanément, la désagrégation de l’URSS et la profonde crise politique et économique qui investit la Fédération Russe marquent la fin de la super-puissance qui était en mesure de rivaliser avec celle des USA. Les États-Unis profitent immédiatement de la “détente” en Europe pour concentrer leurs forces dans l’aire stratégique du Golfe Persique où, par une habile manoeuvre, ils préparent les conditions pour déclencher ce que le Pentagone définit comme “le premier conflit de l’après-guerre froide, un événement déterminant dans le leadership mondial des États-Unis”. Le 17 janvier 1991 est lancée contre l’Irak “la plus intense campagne de bombardement de l’histoire” : en 43 jours l’aviation étasunienne et alliée (dont celle de l’Italie) largue, avec 2.800 avions, environ 250.000 bombes, dont celles à fragmentation qui diffusent au total plus de 10 millions de sous-munitions, tandis que les canonnières volantes, les hélicoptères et les chars d’assaut tirent plus d’un million de projectiles à l’uranium appauvri. Le 23 février les troupes de la coalition, comprenant plus d’un demi-million de soldats, lancent l’offensive terrestre qui, après cent heures de carnage, prend fin le 28 février avec un “cessez-le-feu temporaire” proclamé par le président Bush. L’Otan, bien que ne participant pas en tant que telle à la guerre du Golfe, fournit l’appui de toute son infrastructure aux forces de la coalition. Participent aux bombardements, aux côtés des Étasuniens, des forces aériennes et navales britanniques, françaises, italiennes, grecques, espagnoles, portugaises, belges, hollandaises, danoises, norvégiennes et canadiennes, et que des forces britanniques et françaises participent à l’offensive terrestre avec les Étasuniens. La nouvelle stratégie va être officiellement énoncée, six mois après la fin de la guerre du Golfe, dans la National Security Strategy of the United States (Stratégie de la sécurité nationale des États-Unis), publiée par la Maison Blanche en août 1991. Le Concept central est que “les États-Unis demeurent le seul État avec une force, une portée et une influence en toute dimension -politique, économique et militaire- réellement mondiales : […] il n’existe aucun substitut au leadership américain. Notre responsabilité, dans la nouvelle ère aussi, est d’importance centrale et inéluctable”. Un document du Pentagone, rédigé en février 1992 précise que “notre objectif premier est d’empêcher la ré-émergence d’un nouveau rival, sur le territoire de l’ex-Union Soviétique soviétique ou ailleurs, qui puisse être une menace de l’ordre de celle posée précédemment par l’Union Soviétique. La nouvelle stratégie requiert que nous opérions pour empêcher que toute puissance hostile ne domine une région dont les ressources, si elles étaient étroitement contrôlées, suffiraient suffisantes pour engendrer une puissance mondiale”. Cette stratégie sera adoptée dans les “régions critiques pour la sécurité des États-Unis, lesquelles comprennent l’Europe, l’Asie orientale, le Moyen-Orient, l’Asie sud-occidentale et le territoire de l’ex-Union Soviétique. Nous avons en jeu d’importants intérêts aussi en Amérique Latine, Océanie et Afrique subsaharienne”. “Une question clé -souligne la Maison Blanche dans la National Security Strategy 1991- est [de savoir] comment le rôle de l’Amérique de leader de l’Alliance, et en réalité nos alliances mêmes, seront influencés, spécialement en Europe, par la réduction de la menace soviétique. […] Les différences entre les alliés deviendront probablement plus évidentes au fur et à mesure que décroîtra la traditionnelle préoccupation sur la sécurité qui les a fait s’unir au départ”. En d’autres termes : les alliés européens pourraient faire des choix divergents de ceux des États-Unis, en mettant en question le leadership étasunien ou même en sortant de l’Otan, désormais dépassée par la nouvelle situation géopolitique. Il est donc de la plus grande urgence pour les États-Unis de redéfinir non seulement la stratégie, mais le rôle même de l’Otan. Le 7 novembre 1991, les chefs d’état et de gouvernement des seize pays de l’Otan, réunis à Rome dans le Conseil Atlantique-Nord, lancent “Le nouveau concept stratégique de l’Alliance”. Même si d’une part “a disparu la monolithique, massive, et potentiellement immédiate menace qui a été la principale préoccupation de l’Alliance dans ses quarante premières années, -affirme le document- les risques qui perdurent pour la sécurité de l’Alliance sont de nature multiforme et multidirectionnels. La dimension militaire de notre Alliance reste de ce fait un facteur essentiel, mais le fait nouveau est qu’elle sera plus que jamais au service d’un vaste concept de sécurité”. De cette façon l’Alliance redéfinit son rôle, fondamentalement le long des lignes tracées par les USA. L’Otan démolit la Yougoslavie Le “nouveau concept stratégique” de l’Otan va être mis en pratique dans les Balkans, où la crise de la Fédération Yougoslave, due aux oppositions entre les groupes de pouvoir et aux poussées centrifuges des républiques, a atteint le point de rupture. En novembre 1990, le Congrès des États-Unis approuve le financement direct de toutes les nouvelles formations “démocratiques” de la Yougoslavie, encourageant ainsi les tendances sécessionnistes. En décembre, le parlement de la République Croate, contrôlé par le parti de Franjo Tudjman, émane une nouvelle Constitution sur la base de laquelle la Croatie n’est que “patrie des Croates” et est souveraine sur son territoire. Six mois plus tard, en juin 1991, en plus de la Croatie, la Slovénie proclame aussi sa propre indépendance. Immédiatement après, éclatent des affrontements entre l’armée fédérale et les indépendantistes. En octobre, en Croatie, le gouvernement Tudjman expulse plus de 25 mille Serbes, pendant que ses milices occupent Vukovar. L’armée fédérale répond, en reprenant la ville. La guerre civile commence à s’étendre, mais pourrait encore être arrêtée. La voie qui va être prise est au contraire diamétralement opposée : l’Allemagne, engagée à étendre son influence économique et politique dans la région des Balkans, en décembre 1991 reconnaît unilatéralement Croatie et Slovénie comme États indépendants. En conséquence, le jour suivant les Serbes de Croatie proclament à leur tour l’autodétermination, en constituant la République Serbe de la Krajina. En janvier 1992, d’abord le Vatican puis l’Europe des douze reconnaissent aussi, outre la Croatie, la Slovénie. Alors s’enflamme aussi la Bosnie-Herzégovine qui, à petite échelle, représente toute la gamme des problèmes ethniques et religieux de la Fédération Yougoslave . Les casques bleus de l’ONU, envoyés en Bosnie comme force d’interposition entre les factions en lutte, sont volontairement laissés en nombre insuffisant, sans moyens adaptés et sans directives précises ; ils finissent par se retrouver otages au milieu des combats. Tout concourt à démontrer la “faillite de l’ONU” et la nécessité que ce soit l’Otan qui prenne la situation en main. En juillet 1992 l’Otan lance la première opération de “réponse à la crise”, pour imposer l’embargo à la Yougoslavie . En février 1994, des avions Otan abattent des avions serbo-bosniaques qui volent sur la Bosnie. C’est la première action de guerre depuis la fondation de l’Alliance. Par elle l’Otan viole l’article 5 de sa propre charte constitutive, puisque l’action guerrière n’est pas motivée par l’attaque contre un membre de l’Alliance et est effectuée en dehors de son aire géographique . Quand l’incendie est éteint en Bosnie (où le feu couve sous la cendre de la division en États ethniques), l’Otan jette de l’huile sur le foyer du Kosovo, où court depuis des années une revendication d’indépendance de la part de la majorité albanaise. À travers des canaux souterrains en grande partie gérés par la CIA, un fleuve d’armes et de financements, entre la fin de 1998 et le début de 1999, va alimenter l’UCK (Armée de libération du Kosovo), bras armé du mouvement séparatiste kosovar-albanais. Des agents de la CIA déclareront ensuite être entrés au Kosovo en 1998 et 1999, en habits d’observateurs de l’OSCE chargés de vérifier le “cessez-le-feu” : ils fournissent à l’UCK des manuels étasuniens d’entraînement militaire et des téléphones satellites, afin que les commandants de la guérilla puissent être en contact avec l’Otan et Washington. L’UCK peut ainsi déclencher une offensive contre les troupes fédérales et les civils serbes, avec des centaines d’attentats et d’enlèvements. Alors que les affrontements entre les forces yougoslaves et celles de l’UCK provoquent des victimes des deux côtés, une puissante campagne politico-médiatique prépare l’opinion publique internationale à l’intervention de l’Otan, présentée comme seule façon d’arrêter l’”épuration ethnique” serbe au Kosovo . La cible prioritaire est le président de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, accusé d’”épuration ethnique”. La guerre, appelée “Opération Force Alliée”, commence le 24 mars 1999. Le rôle de l’Italie est déterminant : le gouvernement D’Alema met le territoire italien, en particulier les aéroports, à la totale disposition des forces armées des États-Unis et d’autres pays, pour opérer ce que le président du Conseil définit comme “le droit d’ingérence humanitaire”. Pendant 78 jours, décollant surtout des bases italiennes, 1.100 avions effectuent 38 mille sorties, larguant 23 mille bombes et missiles. 75% des avions et 90% des bombes et missiles sont fournis par les États-Unis. Étasunien aussi le réseau de communication, commandement, contrôle et renseignement à travers lesquels sont menées les opérations : “Des 2000 objectifs touchés en Serbie par les avions Otan -documente ensuite le Pentagone- 1999 ont été choisis par le renseignement étasunien et un seul par les Européens”. Systématiquement, les bombardements démantèlent les structures et infrastructures de la Serbie, provoquant des victimes surtout chez les civils. Les dégâts qui en dérivent pour la santé et l’environnement ne sont pas quantifiables. Rien que de la raffinerie de Pancevo vont s’échapper, à cause des bombardements, des milliers de tonnes de substances chimiques hautement toxiques (notamment dioxine et mercure). D’autres dégâts vont être provoqués par l’emploi massif de la part de l’Otan, en Serbie et au Kosovo, de projectiles à l’uranium appauvri, déjà utilisés dans la guerre du Golfe. Aux bombardements participent aussi 54 avions italiens, qui attaquent les objectifs indiqués par le commandement étasunien. “Pour le nombre d’avions nous n’avons été seconds que derrière les USA. L’Italie est un grand pays et il n’y a pas à s’étonner de l’engagement démontré dans cette guerre”, déclare avec orgueil le président du Conseil D’Alema au cours d’une visite faite le 10 juin 1999 à la base d’Amendola (Pouilles), en soulignant que, pour les pilotes qui y ont participé, cela avait été “une grande expérience humaine et professionnelle”. Le 10 juin 1999 les troupes de la Fédération Yougoslave commencent à se retirer du Kosovo et l’Otan met fin aux bombardements. La résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU indique que la présence internationale doit avoir une “substantielle participation de l’Otan”. “Aujourd’hui l’Otan affronte sa nouvelle mission : celle de gouverner”, commente The Washington Post. La guerre finie, plus de 60 agents du FBI sont envoyés par les USA au Kosovo, sans trouver de traces de massacres justifiant l’accusation, faite aux Serbes, de “nettoyage ethnique”. Slobodan Milosevic, condamné à 40 ans de réclusion par la Cour Pénale Internationale de La Haye, meurt après cinq années de prison. Cette même Cour, en 2016, le disculpe de l’accusation de “nettoyage ethnique”. Le Kosovo, où les USA installent une grande base militaire (Camp Bondsteel), devient une sorte de protectorat de l’Otan. Simultanément, sous la couverture “Force de paix”, l’ex-UCK au pouvoir terrorise et expulse plus de 250 mille Serbes, roms, juifs et Albanais “collaborationnistes”. En 2008, avec l’autoproclamation du Kosovo comme État indépendant, se termine la démolition de la Fédération Yougoslave. Alors que la guerre contre la Yougoslavie est en cours, est convoqué à Washington, les 23-25 avril 1999, le sommet qui officialise la transformation de l’Otan” . D’alliance qui, sur la base de l’article 5 du Traité du 4 avril 1949, engage les pays membres à assister y compris par la force armée le pays membre qui serait attaqué dans l’aire nord-atlantique, l’Otan se trouve transformée en alliance qui, sur la base du “nouveau concept stratégique”, engage aussi les pays membres à “conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance”. En d’autres termes, l’Otan se prépare à projeter sa force militaire en-dehors de ses propres frontières non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde. Ce qui ne change pas, dans la mutation de l’Otan, c’est sa hiérarchie interne. C’est toujours le Président des États-Unis qui nomme le Commandant Suprême Allié en Europe, qui est toujours un général étasunien, tandis que les alliés se bornent à ratifier le choix. La même chose se passe pour les autres commandements clé. Le document qui engage les pays membres à opérer en-dehors du territoire de l’Alliance, souscrit par les leaders européens le 24 avril 1999 à Washington, confirme que l’Otan “soutient pleinement le développement de l’identité européenne de la défense, à l’intérieur de l’Alliance”. Le concept est clair : l’Europe Occidentale peut avoir son “identité de la défense”, mais celle-ci doit rester à l’intérieur de l’Alliance, à savoir sous commandement USA. Ainsi se trouve confirmée et consolidée la subordination de l’Union Européenne à l’Otan. Subordination prévue par le Traité de Maastricht de 1992, qui reconnaît le droit des États UE de faire partie de l’Otan, définie comme fondement de la défense de l’Union Européenne. L’Italie -en participant à la guerre contre la Yougoslavie, pays qui n’avait accompli aucune action agressive ni contre l’Italie ni contre d’autres pays membres de l’Otan- confirme qu’elle a adopté une nouvelle politique militaire et, simultanément, une nouvelle politique étrangère. Celle-ci, en utilisant comme instrument la force militaire, viole le principe constitutionnel, affirmé par l’Article 11 : “L’Italie répudie la guerre comme instrument d’offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de résolution des conflits internationaux”. L’Otan s’étend à l’Est vers la Russie En 1990, à la veille de la dissolution du Pacte de Varsovie, le Secrétaire d’état USA James Baker assurait le Président de l’URSS Mikhail Gorbachev que “l’Otan ne s’étendra pas d’un seul pouce à l’Est”. Mais en vingt années, après avoir démoli la Fédération Yougoslave, l’Otan s’étend de 16 à 30 pays, en avançant toujours plus à l’Est vers la Russie. En 1999 elle englobe les trois premiers pays de l’ex-Pacte de Varsovie : Pologne, République Tchèque et Hongrie. Puis, en 2004, elle s’étend à sept autres : Estonie, Lettonie, Lituanie, (auparavant faisant partie de l’URSS) ; Bulgarie, Roumanie, Slovaquie (auparavant parties du Pacte de Varsovie) ; Slovénie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave). En 2009, elle englobe l’Albanie (autrefois membre du Pacte de Varsovie) et la Croatie (ex-partie de la Fédération Yougoslave) et, en 2017, le Montenegro ; en 2019, elle signe le protocole d’adhésion de la Macédoine du Nord en tant que 30ème membre. Trois autres pays -Bosnie Herzégovine (ex-partie de la Fédération Yougoslave), Géorgie et Ukraine (ex-parties de l’URSS)- sont candidats à l’entrée dans l’Otan. Ce faisant Washington lie ces pays non tant à l’Alliance que directement aux États-Unis, en renforçant son influence à l’intérieur de l’Union Européenne. Sur les dix pays d’Europe centre-orientale qui entrent dans l’Otan entre 1999 et 2004, sept entrent dans l’Union européenne entre 2004 et 2007 : à l’Union européenne qui s’élargit à l’Est, les États-Unis superposent l’Otan qui s’élargit à l’Est sur l’Europe. Ainsi se révèle clairement le dessein stratégique de Washington : utiliser comme levier les nouveaux membres de l’Est, pour établir dans l’Otan des rapports de force encore plus favorables aux États-Unis, afin d’isoler la “vieille Europe” qui pourrait un jour prendre son autonomie. L’expansion de l’Otan à l’Est a, outre celles-ci, d’autres implications. En englobant non seulement les pays de l’ex-Pacte de Varsovie mais aussi les trois républiques baltes faisant autrefois partie de l’URSS, l’Otan arrive jusqu’aux frontières de la Fédération Russe. Malgré les assurances de Washington sur ses intentions pacifiques, cela constitue une menace, y compris nucléaire, envers la Russie. USA et Otan attaquent l’Afghanistan et l’Irak Les États-Unis attaquent et envahissent l’Afghanistan, en 2001, sous le motif officiel d’y poursuivre Oussama ben Laden, donné comme mandant de l’attaque terroriste du 11 septembre. Une figure bien connue à Washington : ingénieur et homme d’affaires appartenant à une riche famille saoudienne, précédemment liée par des rapports d’affaire avec la famille Bush, Oussama ben Laden collabore activement avec la CIA quand, de 1979 à 1989, celle-ci entraîne et arme par l’intermédiaire de l’ISI (le service secret pakistanais) plus de 100 mille moudjahidines pour la guerre contre les troupes soviétiques tombées dans le “piège afghan” (comme le qualifie Zbigniew Brzezinski, en précisant que l’entraînement et l’armement des moudjahidines avaient commencé en juillet 1979, cinq mois avant l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan). Ainsi s’ouvre une nouvelle phase de la situation internationale : le président des États-Unis se trouve autorisé à conduire la “guerre globale au terrorisme”, où il n’y a pas de frontières géographiques, contre un ennemi qui peut être identifié tour à tour non seulement en un terroriste ou présumé tel, mais en quiconque s’oppose à la politique et aux intérêts étasuniens. L’image parfaite d’ennemi, interchangeable et durable. Le président Bush le définit comme “un ennemi obscur, qui se cache dans les coins sombres de la Terre”. Le but réel de l’intervention militaire USA/Otan en Afghanistan est l’occupation de cette aire de première importance stratégique. L’Afghanistan est au carrefour entre Moyen-Orient, Asie Centrale, Méridionale et Orientale. Dans cette aire (dans le Golfe et dans la Caspienne) se trouvent de grandes réserves pétrolifères. S’y trouvent aussi trois grandes puissances -Chine, Russie et Inde- dont la force est en train de croître et d’influencer les linéaments mondiaux. Comme avait prévenu le Pentagone dans son rapport du 30 septembre 2001, “la possibilité existe qu’émerge en Asie un rival militaire avec une formidable base de ressources” . Dans la période précédant le 11 septembre 2001, il y a en Asie de forts signaux d’un rapprochement entre Chine et Russie. Washington considère ce fait comme un défi aux intérêts étasuniens, au moment critique où les États-Unis essaient d’occuper le vide que la désagrégation de l’URSS a laissé en Asie Centrale. Une position géostratégique clé pour le contrôle de cette aire est celle de l’Afghanistan. La guerre commence le 7 octobre 2001 avec le bombardement de l’Afghanistan effectué par l’aviation étasunienne et britannique. Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise alors la constitution de l’ISAF (Force internationale d’assistance à la sécurité ![]() Après l’Afghanistan c’est le tour de l’Irak, soumis depuis 1991 à un embargo extrêmement dur qui a provoqué en dix ans un million de morts environ, dont environ un demi-million d’enfants. Le président Bush place l’Irak, en 2002, au premier rang des pays faisant partie de l’”axe du mal”. Après la première guerre du Golfe en 1991, l’Irak a été soumis à un embargo extrêmement dur qui a provoqué en dix ans un million de morts environ, dont un demi million d’enfants. Le secrétaire d’État Colin Powell présente au Conseil de sécurité de l’ONU une série de “preuves” recueillies par la CIA, qui ensuite s’avèreront fausses, sur la présumée existence d’un gros arsenal d’armes chimiques et bactériologiques possédées par l’Irak, et sur sa présumée capacité à construire en peu de temps des armes nucléaires. Comme le Conseil de sécurité se refuse à autoriser la guerre, l’administration Bush va tout simplement le contourner. La guerre commence en mars 2003 avec le bombardement aérien de Bagdad et autres centres par l’aviation étasunienne et britannique et par l’attaque terrestre effectuée par les marines entrés en Irak par le Koweit. En avril des troupes USA occupent Bagdad. L’opération, appelée “Iraqi Freedom”, est présentée comme “guerre préventive” et “exportation de la démocratie”. Les forces d’occupation étasuniennes et alliées -y compris italiennes engagées dans l’opération “Antique Babylone”- rencontrent une résistance qu’ils ne s’attendaient pas à trouver. Pour la briser, l’Irak va être mis à feu et à sang par plus d’un million et demi de soldats, que le Pentagone déploie par rotations avec des centaines de milliers de contractors militaires, en usant de tous les moyens : des bombes au phosphore contre la population de Fallujah aux tortures dans la prison d’Abu Ghraib. L’Otan participe de fait à la guerre avec ses propres structures et forces. En 2004 est instituée la “Mission Otan d’entraînement”, dans le but déclaré d’”aider l’Irak à créer des forces armées efficientes”. De 2004 à 2011 vont être entraînés, dans 2.000 cours spéciaux tenus dans des pays de l’Alliance, des milliers de militaires et policiers irakiens. Simultanément l’Otan envoie des instructeurs et conseillers, y compris italiens, pour “aider l’Irak à créer son propre secteur de sécurité sous conduite démocratique et durable” et pour “établir un partenariat à long terme de l’Otan avec l’Irak”. L’Otan démolit l’État libyen De multiples facteurs rendent la Libye importante aux yeux des États-Unis et des puissances européennes. Elle possède les plus grandes réserves pétrolifères d’Afrique, précieuses par leur haute qualité et le bas coût d’extraction- et de grosses réserves de gaz naturel. L’État libyen conserve sur elles un fort contrôlée, en laissant aux compagnies étasuniennes et européennes des marges de profit limitées. En plus de l’or noir, la Libye possède l’or blanc : l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne qui s’étend sous Libye, Egypte, Soudan et Tchad. Énormes aussi les fonds souverains, les capitaux que l’État libyen a investi à l’étranger, notamment pour doter l’Afrique de ses propres organismes financiers et de sa propre monnaie. À la veille de la guerre de 2011, les États-Unis et les puissances européennes “gèlent”, c’est-à-dire séquestrent, les fonds souverains libyens, assénant un coup mortel à l’ensemble du projet. Les emails de Hillary Clinton (secrétaire d’état de l’administration Obama en 2011), découverts ensuite, confirment ce qu’était le véritable but de la guerre : bloquer le plan de Kadhafi d’utiliser les fonds souverains libyens pour créer des organismes financiers autonomes dans l’Union africaine et une monnaie africaine alternative au dollar et au franc CFA (la monnaie que sont obligés d’employer 14 pays africains, ex-colonies françaises). C’est H. Clinton -documentera ensuite le New York Times- qui fait signer au président Obama “un document qui autorise une opération secrète en Libye et la fourniture d’armes aux rebelles”. On va financer et armer les secteurs tribaux hostiles au gouvernement de Tripoli et des groupes islamistes qui, quelques mois auparavant, étaient encore définis comme terroristes. En même temps sont infiltrées en Libye des forces spéciales, dont des milliers de commandos qataris facilement camouflables. Toute l’opération est dirigée par les États-Unis, d’abord via le Commandement Africa, puis par l’intermédiaire de l’Otan sous commandement USA . Le 19 mars 2011 commence le bombardement aéronaval de la Libye . En sept mois, l’aviation USA/Otan effectue 30 mille missions, dont 10 mille d’attaque, avec utilisation de plus de 40 mille bombes et missiles. À cette guerre participe l’Italie avec ses bases et forces militaires, en foulant aux pieds le Traité d’amitié, partenariat et coopération entre les deux pays. Pour la guerre contre la Libye l’Italie met à disposition des forces USA/Otan 7 bases aériennes (Trapani, Gioia del Colle, Sigonella, Decimomannu, Aviano, Amendola et Pantelleria), en assurant assistance technique et approvisionnements. L’Aéronautique italienne participe à la guerre en effectuant plus de 1 000 missions, et la mMarine militaire italienne va être engagée sur plusieurs fronts. Avec la guerre USA/Otan de 2011, l’État libyen est démoli et Kadhafi assassiné. On a démoli cet État qui, sur la rive sud de la Méditerranée face à l’Italie, gardait “des niveaux élevés de croissance économique” (comme documentait en 2010 la Banque mondiale elle-même), enregistrant “des indicateurs élevés de développement humain” parmi lesquels l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et, pour 46%, à celle de niveau universitaire. Malgré les disparités, le niveau de vie de la population libyenne était largement plus haut que celui des autres pays africains. Pour preuve, plus de deux millions d’immigrés, le plus souvent africains, trouvaient du travail en Libye. Sont aussi être frappés par la guerre les immigrés de l’Afrique sub-saharienne qui, persécutés sous l’accusation d’avoir collaboré avec Kadhafi, sont emprisonnés ou obligés de fuir. Beaucoup, poussés par le désespoir, tentent la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Ceux qui y perdent la vie sont eux aussi victimes de la guerre par laquelle l’Otan a démoli l’État libyen. La guerre USA/Otan pour démolir la Syrie Après avoir démoli l’État libyen commence, dans cette même année 2011, l’opération USA/Otan pour démolir l’État syrien . Une des raisons est le fait que Syrie, Iran et Irak signent en juillet 2011 un accord pour un gazoduc qui devrait relier le gisement iranien de South Pars, le plus grand du monde, à la Syrie et donc à la Méditerranée. La Syrie, où a été découvert un autre gros gisement près de Homs, pourrait devenir de cette façon un hub de couloirs énergétiques alternatifs à ceux qui traversent la Turquie et à d’autres parcours, contrôlés par les compagnies étasuniennes et européennes. La guerre secrète commence avec une série d’attentats terroristes, effectués surtout à Damas et Alep. Les images des édifices dévastés par de très puissants explosifs sont éloquentes : il ne s’agit pas de l’oeuvre de simples rebelles, mais de professionnels de la guerre infiltrés. Des centaines de spécialistes des forces d’élite britanniques Sas et Sbs -rapporte le Daily Star- opèrent en Syrie, à côté d’unités étasuniennes et françaises. La force de choc est constituée d’un ramassis armé de groupes islamistes (jusque peu de temps auparavant classés par Washington comme terroristes) provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Libye et autres pays. Dans le groupe d’Abu Omar al-Chechen -d’après l’envoyé du Guardian à Alep- les ordres sont donnés en arabe, mais doivent être traduits en tchétchène, tadjik, turc, dialecte saoudien, urdu, français et autres langues. Munis de faux passeports (spécialité CIA), les combattants affluent dans les provinces turques de Adana et Hatay, à la frontière de la Syrie, où la CIA a ouvert des centres de formation militaire. Les armes arrivent surtout via l’Arabie Saoudite et le Qatar qui, comme en Libye, fournit aussi des forces spéciales. Le commandement des opérations se trouve à bord des navires Otan dans le port d’Iskenderun. À Istanbul est ouvert un centre de propagande où des dissidents syriens, formés et financés par le Département d’état étasunien, confectionnent les nouvelles et les vidéos qui sont diffusées par des réseaux satellites. Depuis des centres opérationnels spécifiques, des agents de la CIA pourvoient à l’achat des armes avec de gros financements concédés par l’Arabie Saoudite, le Qatar et autres monarchies du Golfe. Ils organisent le transport des armes en Turquie et Jordanie à travers un pont aérien et les font parvenir, à travers la frontière, aux groupes en Syrie, déjà entraînés dans des camps spéciaux installés en territoire turc et jordanien. La stratégie de ces opérations émerge de documents découverts par la suite. La secrétaire d’état Hillary Clinton, dans un email de 2012 (déclassifié comme “case number F-2014-20439, Doc No. C05794498”), écrit que, étant donnée la “relation stratégique” Iran-Syrie, “le renversement d’Assad constituerait un immense bénéfice pour Israël, et ferait aussi diminuer la compréhensible crainte israélienne de perdre le monopole nucléaire” . Un document officiel du Pentagone , daté du 12 août 2012 (déclassifié le 18 mai 2015 à l’initiative du groupe Judicial Watch), affirme que “les pays occidentaux, les États du Golfe et la Turquie soutiennent en Syrie les forces d’opposition qui tentent de contrôler les aires orientales, adjacentes aux provinces irakiennes occidentales” , en les aidant à “créer des refuges sûrs sous protection internationale” . Il y a “la possibilité d’établir un émirat salafite en Syrie orientale, et ceci est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, pour isoler le régime syrien, arrière stratégique de l’expansion chiite (Irak et Iran)” . C’est dans ce contexte qu’en 2013 se forme l’ISIS (ou DAESH), l’ “État islamique de l’Irak et de la Syrie” , qui s’auto-proclame “État du califat islamique”. En mai 2013, un mois après avoir fondé l’ISIS, Ibrahim al-Badri -le “calife” connu sous le nom de guerre d’Abu Bakr al-Bagdhadi- rencontre en Syrie le sénateur étasunien John McCain, chef de file des républicains chargé par le démocrate Obama de mener des opérations secrètes pour le compte du gouvernement. La rencontre est documentée photographiquement. DAESH reçoit des financements, armes et voies de transit des plus proches alliés des États-Unis : Arabie Saoudite, Qatar, Koweit, Turquie et Jordanie, sur la base d’un plan certainement coordonné par la CIA. Après avoir conquis avec ses milices une grande partie du territoire syrien, DAESH lance l’offensive en Irak, non fortuitement au moment où le gouvernement présidé par le chiite Nouri al-Maliki prend ses distances de Washington, en se rapprochant de plus en plus de la Chine et de la Russie. L’offensive, qui embrase l’Irak, trouve un matériau inflammable dans la rivalité chiites-sunnites. Les milices de DAESH occupent Ramadi, la deuxième ville d’Irak, et immédiatement après Palmyre en Syrie centrale, en tuant des milliers de civils et contraignant d’autres dizaines de milliers à la fuite. DAESH joue de fait un rôle servant la stratégie USA/Otan de démolition des États. Ceci ne signifie pas que la masse de ses miliciens, provenant de divers pays, en soit consciente. Elle est très composite : en font partie aussi bien des combattants islamistes, qui se sont formés dans le drame de la guerre, que des ex-militaires de l’époque de Saddam Hussein qui ont combattu contre les envahisseurs, que de nombreux autres dont les histoires sont toujours reliées aux situations sociales tragiques provoquées par la première guerre du Golfe et par les suivantes sur un cycle de plus de vingt ans. En font partie aussi divers foreign fighters provenant d’Europe et des États-Unis, dont les masques cachent certainement des agents secrets formés spécialement pour de telles opérations. Très suspect aussi est l’accès illimité que DAESH a, au plus fort de son développement, dans les réseaux médiatiques mondiaux, dominés par les colosses étasuniens et européens, à travers lesquels il diffuse les films des décapitations qui, en suscitant l’horreur, créent une vaste opinion publique favorable à l’intervention en Irak et Syrie. La campagne militaire “Inherent Resolve”, formellement dirigée contre l’État islamique, est lancée en Irak et Syrie en août 2014 par les USA et leurs alliés : France, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Bahrein et autres. Si États-Unis, France et Grande-Bretagne utilisaient leurs chasseurs-bombardiers comme ils l’avaient fait contre la Libye en 2011, les forces de DAESH, se déplaçant dans des espaces ouverts, auraient été une cible facile. Celles-ci peuvent au contraire avancer imperturbablement avec des colonnes de blindés chargées d’hommes et d’explosifs. Si DAESH avance en Syrie et en Irak, c’est parce qu’à Washington c’est justement cela qu’on veut. L’objectif stratégique de Washington est la démolition de la Syrie et la ré-occupation de l’Irak. L’intervention militaire russe en Syrie en 2015, en soutien des forces gouvernementales, renverse le destin du conflit. Les chasseurs-bombardiers russes détruisent l’une après l’autre les forteresses de Daesh, ouvrant la voie aux forces de Damas. Les États-Unis, décontenancés, jouent la carte de la fragmentation de la Syrie, en soutenant les indépendantistes kurdes et d’autres. Pendant cinq ans on a essayé de démolir l’État syrien, en le minant de l’intérieur avec des groupes terroristes armés et infiltrés de l’extérieur et en provoquant plus de 250 mille morts. Au moment où l’opération est en train d’échouer du fait de l’intervention militaire russe les appareils politico-médiatiques de tout l’Occident renforcent leur colossale psy-op (opération psychologique) faisant apparaître comme agresseurs le gouvernement et tous les Syriens qui résistent à l’agression. Le fer de lance de la psy-op est la diabolisation, commencée en 2011, du président Assad (comme il avait déjà été fait avec Milosevic et Kadhafi), présenté comme un dictateur sadique qui se délecte à bombarder des hôpitaux et à exterminer des enfants, avec l’aide de son ami Poutine (dépeint comme néo-tsar de l’empire russe ressuscité). Au moment où tombent les dernières forteresses de Daesh, ces mêmes appareils politico-médiatiques diffusent la fake news que DAESH a été battu par les États-Unis et par les “Forces démocratiques syriennes” (une milice de kurdes et d’arabes armée et soutenue par le Pentagone). Israël et émirs dans l’Otan Le jour même (4 mai 2016) où s’est installé à l’Otan le nouveau Commandant Suprême Allié en Europe -le général étasunien Curtis Scaparrotti, nommé comme ses 17 prédécesseurs par le Président des États-Unis- le Conseil de l’Atlantique-Nord annonce qu’au quartier général de l’Otan à Bruxelles est instituée une Mission officielle israélienne, dirigée par l’ambassadeur d’Israël auprès de l’Union Européenne. Israël se trouve ainsi intégré encore plus dans l’Otan, à laquelle il est déjà étroitement lié à travers le « Programme de coopération individuelle », qui avait été ratifié par l’Otan le 2 décembre 2008, trois semaines avant l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza. Il comprend notamment la collaboration entre les services de renseignement et la connexion des forces israéliennes, y compris nucléaires, au système électronique Otan. Israël -l’unique puissance nucléaire au Moyen-Orient, non adhérent au Traité de non-prolifération, souscrit par contre par l’Iran qui n’a pas d’armes nucléaires- possède (bien que sans l’admettre) un arsenal estimé à 100-400 armes nucléaires, dont des mini-nukes et bombes à neutrons de nouvelle génération ; il produit du plutonium et du tritium en quantité suffisante pour en construire des centaines d’autres. Les têtes nucléaires israéliennes sont prêtes au lancement sur des missiles balistiques et sur des chasseurs-bombardiers fournis par les USA, auxquels s’ajoutent maintenant les F-35. Les principaux pays européens de l’Otan, qui formellement soutiennent l’accord sur le nucléaire iranien stipulé en 2015 (dont les USA sont sortis en 2018), sont en réalité aux côtés d’Israël. L’Allemagne lui a fourni six sous-marins Dolphin, modifiés pour pouvoir lancer des missiles de croisière à tête nucléaire. Allemagne, France, Italie, Grèce et Pologne ont participé, avec les USA, au plus grand exercice international de guerre aérienne de l’histoire d’Israël, le Blue Flag 2017. L’Italie, liée à Israël par un accord de coopération militaire (Loi n° 94, 2005), y a participé avec des chasseurs Tornado du 6° Stormo de Ghedi (Brescia), affecté au transport des bombes nucléaires étasuniennes. Selon le plan testé dans l’exercice USA-Israël Juniper Cobra 2018, des forces étasuniennes et Otan arriveraient d’Europe (surtout des bases en Italie) pour soutenir Israël dans une guerre contre l’Iran. Celle-ci pourrait commencer par une attaque israélienne contre les sites nucléaires iraniens, comme celle effectuée en 1981 à Osiraq en Irak. En cas de représailles iraniennes, Israël pourrait employer une arme nucléaire mettant en mouvement une réaction en chaîne aux issues imprévisibles. À côté de la Mission officielle israélienne auprès de l’Otan se trouvent celles du royaume de Jordanie et des émirats du Qatar et du Koweit, « partenaires très actifs » qui sont intégrés encore plus dans l’Otan pour mérites acquis. La Jordanie héberge des bases secrètes de la CIA dans lesquelles —documentent le New York Times et Der Spiegel — ont été entraînés des militants islamistes d’Al-Qaeda et de Isis (Daesh) pour la guerre secrète en Syrie et en Irak. Le Qatar a participé à la guerre Otan contre la Libye, en infiltrant en 2011 environ 5 000 commandos sur son territoire (comme l’a déclaré au Guardian le chef d’état-major qatari même), et à celle contre la Syrie : c’est ce qu’admet dans une interview au Financial Times l’ex-Premier ministre qatari, Hamad bin Jassim Al Thani, qui parle d’opérations qataris et saoudiennes d’«interférences» en Syrie, coordonnées par les États-Unis. Le Koweit, à travers l’ « Accord sur le transit », permet à l’Otan de créer sa première escale aéroportuaire dans le Golfe, non seulement pour l’envoi de forces et de matériels militaires en Afghanistan, mais aussi pour la « coopération pratique de l’Otan avec le Koweit et d’autres partenaires, comme l’Arabie Saoudite ». Partenaires soutenus par les USA dans la guerre qui massacre des civils au Yémen. Y participe aussi avec une quinzaine de chasseurs-bombardiers le Koweit à qui l’Italie fournit 28 chasseurs Eurofighter Typhoon de nouvelle génération, après avoir fourni à Israël 30 chasseurs M-346 d’entraînement avancé. Les Eurofighter Typhoon, que le Koweït utilise pour perpétrer des massacres au Yémen et ailleurs, peuvent être armés aussi de bombes nucléaires. L’entraînement des équipages est assuré par l’Aéronautique italienne. Edité le 07-07-2019 à 16:32:05 par Xuan |