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![]() LES EXPERIENCES FRANÇAISES D'APRES GUERRE La grève politique de masse n'est pas quelque de tout à fait nouveau pour les prolétaires de France. Le 26 août 1922 (8) quatre ouvriers grévistes étaient assassinés au Havre. Une grande émotion s'empara de toute la France prolétarienne. Sans délai; les anarchisants de la Fédération Unitaire du Bâtiment poussèrent la direction communiste ou sympathisante de la CGT unitaire à déclencher une grève générale de 24 heures. Cette grève fut fixée au 28 août. Elle connut un succès très limité. La grève fut évoquée devant le Comité exécutif de l’Internationale communiste qui en fit ne critique sérieuse. Mais quel fut le sens de cette critique ? Contre la grève de protestation ? Nullement. Contre la hâte invraisemblable et, par suite, contre l’impréparation désastreuse du mouvement, qui reflétaient toute la vieille mentalité anarcho-syndicaliste. Les ouvriers de plusieurs centres ne connurent l’ordre de grève que le jour même, sinon le lendemain. La grève politique de protestation était un mot d’ordre juste, mais il fallait la préparer et ne pas compter seulement avec la spontanéité . Il fallait aussi que le Parti communiste soit appelé à organiser et à diriger conjointement avec les syndicats unitaires cette action politique. Or la grève fut décidée sans même l'avis du Parti. On exigea simplement de pouvoir disposer de l'Humanité , organe central du Parti. Cette attitude hostile au Parti, et contraire à l'intérêt du mouvement ouvrier, de la part des anarcho-syndicalistes qui dirigeaient alors la Fédération du Bâtiment, n'avait rien qui pût surprendre. Mais le pire, c'est qu'elle était soutenue par les éléments se disant communistes et même adhérents du Parti. Au congrès de Paris, un délégué niait au Parti le droit d'intervenir dans le mouvement autrement que comme auxiliaire relégué aux besognes subalternes dont on voudrait bien le charger. La grève du 12 octobre 1925 (9) contre la guerre du Maroc fut un mouvement plus considérable. L’idée de la grève de 24 heures fut lancée dans les congrès ouvriers qui se tinrent à Paris et dans les grands centres du pays en juillet et en août. La préparation du mouvement fut confiée à un Comité central d'action, qui réalisa en cette période l'unité de lutte ente le Parti, la CGTU et les autres grandes organisations du prolétariat révolutionnaire. Mais cette fois le Parti apparaissait clairement dans la bataille. C'est lui qui lança et fit adopter les mots d'ordre essentiels, tels que l'évacuation du Maroc et la fraternisation (on commit même à l'époque la faute d'imposer les mots d'ordre intégraux du Parti comme condition de la participation aux comités d’action). Les congrès ouvriers lancèrent aussi le mot d’ordre d’organisation des comités d’unité prolétarienne qui devaient unir la lutte pour les revendications immédiates de l’entreprise à la lutte générale contre la guerre du Maroc. Le congrès de la CGTU ratifia le mot d'ordre de grève de 24 heures. L’exécution en fut décidée pour le 12 octobre. Près d’un million d’ouvriers chômèrent complètement. La banlieue parisienne fut soumise à un véritable état de siège. Dans la matinée, un jeune prolétaire de 25 ans, Sabatier, fut assassiné aux portes d’une usine de Suresnes par un employé patronal que les tribunaux bourgeois acquittèrent. A Saint Denis il y eut de violentes collisions avec la police municipale et la garde républicaine ; la circulation fut interrompue pendant plusieurs heures. A Paris de nombreuses bagarres éclatèrent, au cours desquelles l’acharnement policier se manifesta contre les militants. La grève du 12 octobre fut une grande bataille politique. Elle plaça le prolétariat de la métropole aux côtés des esclaves coloniaux pour une lutte commune contre l’impérialisme. Pour la première fois le prolétariat français, guidé par un Parti communiste, menait la guerre, pendant la guerre , à sa propre bourgeoisie et faisait sienne la doctrine léniniste du défaitisme révolutionnaire . Du point de vue politique, la grève du 12 octobre montra plus nettement qu’auparavant la politique impérialiste de la social-démocratie, dont les cadres s’unirent à la bourgeoisie pour tenter d’empêcher la grève et essayer, le lendemain, d’en diminuer l’étendue et la portée. Elle provoqua aussi une différenciation dans les organisations révolutionnaires et une élimination, salutaire de social-impérialistes des rangs du Parti communiste. Du point de vue de l’organisation, la grève du 12 octobre révéla de grandes faiblesses : campagne insuffisante, quoique longue, pour la réalisation de la grève, puis précipitation du mouvement ; travail insuffisant pour la création des comités d’unité prolétarienne ; absence de travail des fractions syndicales, sinon inexistence de ces fractions. Au contraire, à l’actif, on put mettre la grève totale dans les entreprises où avaient travaillé une cellule et fonctionné un comité d’unité prolétarienne et surtout dans les corporations où l’on avait su lier intelligemment les revendications économiques aux mots d’ordre généraux du Comité d’action. Enfin, du point de vue de la tactique révolutionnaire, la journée du 12 octobre montra l’efficacité des actions combinées allant de la grève à la manifestation de rue avec ou sans interdiction gouvernementale. _________________ notes : (8) Sur les grèves du Havre : La grève du Havre Le Havre 1922. La grande grève de la métallurgie CGT du Havre - commémoration de l’assassinat des 4 métallos lors des grèves de 1922 (JJ) (9) Pour la campagne menée contre la guerre du Rif P. Semard est appelé à comparaître avec 12 autres camarades pour appel à la désobéissance de militaires ; nous le retrouvons là encore avec Marcel Cachin, Gaston Monmousseau, et Lucien Midol. Il sera condamné à 8 mois de prison qu’il effectuera de mai 1927 à janvier 1928. (JJ) |
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![]() LA GREVE POLITIQUE Jusqu’ici nous avons eu uniquement en vue les grèves déclenchées pour la satisfaction de revendications corporatives. Leur caractère politique, plus ou moins apparent selon le cas, n'est pas toujours clair dans l’esprit des grévistes eux-mêmes. Avec le développement de la conscience de classe, avec la création des organisations ouvrières (syndicats et Parti), nous commençons à trouver des grèves politiques . C'est-à-dire des grèves dont les ouvriers eux-mêmes ont souligné consciemment le caractère politique en ajoutant des mots d’ordre politiques aux revendications économiques, et même en mettant au premier plan la revendication politique. De nombreux exemples illustrent cette notion de la grève politisée. En septembre 1893 les mineurs du Pas-de-Calais et d'Aniche se mettaient en grève. La grève dura 45 jours et entraîna au début l'unanimité des 30 000 mineurs des puits touchés. Elle se déroula dans une atmosphère de violence et de provocations policières. Il y eut un tué, des dizaines de blessés, des centaines de condamnations. Toute l'équipe des députés et avocats socialistes était mobilisée dans le Pas-de-Calais y compris le fameux Millerand, qui défendait les mineurs poursuivis. Aux revendications corporatives les mineurs avaient ajouté en sixième point : « Interdiction de renvoi pour condamnation » . Il s'agissait de mettre un terme à l'odieux congédiement comme conséquence de la moindre condamnation correctionnelle encourue pour des faits étrangers à la mine. Les patrons et les ministres d'alors ne manquèrent point de parler de grève extra-corporative et de protester contre l'intervention des élus et militants socialistes appartenant aux différents groupements de l’époque. A quoi Basly et Millerand(4) répondaient en soulignant dans les corons que le socialisme devenait ainsi l'enjeu de la bataille . Cet été les terrassiers et les cimentiers de Paris ont développé leur agitation pour les revendications corporatives. A la suite de l'arrestation des deux secrétaires, Le Gall(5) et de Guillemin, les ouvriers firent grève en ajoutant aux mots d'ordre : « Libération de Le Gall et de Guillemin.» (6) Les travailleurs du bâtiment intéressés dans le conflit ont admirablement compris le problème de la lutte politique contre l'Etat bourgeois et contre ses prisons, inséparable de la revendication économique. Des grèves ont été réalisées essentiellement et parfois même exclusivement sur des mots d'ordre politiques. En général ces grèves touchent presque toutes les corporations, sont de courte durée et la plupart constituent une manifestation de solidarité. En premier lieu nous placerons le 1er Mai. Chaque année, à la revendication fondamentale des 8 heures, les ouvriers ont ajouté les mots d’ordre politiques du moment. C’est ainsi que depuis quelques années nous avons constamment manifesté le 1er Mai pour la défense de la Révolution soviétique . Avant la guerre la CGT déclencha plusieurs mouvements de solidarité avec des corporations en lutte, avec des militants traqués, ou encore comme protestation contre les assassinats de militants ouvriers au cours des grèves. Depuis la guerre il y eut ainsi plusieurs grèves politiques, telles celle du 28 août 1922 contre l’assassinat des ouvriers havrais et surtout celle du 12 octobre 1925 contre la guerre du Maroc, ainsi que les mouvements multiples du 1er août pour la défense de l’Union soviétique. __________________ notes : (4) Emile Basly secrétaire du syndicat des mineurs d'Anzin à sa création en 1882, à une époque où le syndicalisme n'est pas encadré par la loi, puis président en 1891. Il s'illustre pendant la grande grève des mineurs d'Anzin de 1884 et est surnommé « le Mineur indomptable » un des pionniers du syndicalisme réformiste. Il devient député du Pas-de-Calais. Alexandre Millerand, ministre de la guerre en 1914 et 1915, président du Conseil en 1920, président de la République de 1920 à 1924 sous Poincaré, évolua du socialisme au bloc national. (JJ) (5) Le Gall fut plus tard conseiller municipal communiste de Paris. Fusillé par les Allemands le 7 mars 1942 à Clairvaux (NR) (6) L’Humanité du 24 juin 1929 sur Gallica : « terrassiers et cimentiers à 13 heures désertez les chantiers ! » . Sur la même page : « Evacuez le Maroc ! Dans la région d’Ait-Yacoub c’est toujours la guerre – Tandis que socialistes et radicaux palabrent sur la pénétration pacifique avions et chars d’assaut opèrent de concert dans la région insoumise » (JJ) |
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![]() LA GREVE POLITIQUE DE MASSE ![]() Le mouvement ouvrier se développe actuellement sur une courbe ascendante. Les conditions générales de la crise du régime, l’approfondissement des contradictions essentielles du système capitaliste, leur évolution certaine vers de prochaines et formidables explosions, sont à la base du nouvel essor révolutionnaire . Le nombre des grèves qui éclatent, leur caractère plus politique, indiquent que nous sommes entrés dans cette phase « d'essor révolutionnaire des masses ». C'est ainsi que se trouve mis à l'ordre du jour du mouvement ouvrier, comme forme supérieure de la lutte, dans cette étape décisive : la grève politique de masse. LA GREVE, ARME DU PROLETAIRE La grève a toujours été l'arme principale du prolétaire. La grève est une manifestation consciente de la lutte des classes. Mais les grèves sont très diverses quant à leurs causes, à leur durée. La majeure partie des grèves se déclenche pour des revendications strictement professionnelles, pour des questions de salaires et de drée du travail. Elles se limitent fréquemment aux ouvriers d’une entreprise, et ne s’étendent que peu aux ouvriers d'une même industrie, et à l'échelle régionale ou nationale. Parfois la grève corporative, longue ou courte, se déroule dans un calme relatif ; le plus souvent elle connaît des épisodes violents et même sanglants. Pour un communiste toute manifestation de la lutte des classes porte un caractère politique. C’est vrai pour la grève corporative la plus élémentaire. Nous réfutons à ce sujet les bobards anarcho-réformistes des jaunes confédérés et de leurs amis les minoritaires de la CGTU(1). Toute grève, même peu importante, même provoquée uniquement pour des motifs économiques et professionnels, comporte toujours un aspect social et politique. C’est ce dont se convainquent rapidement les ouvriers eux-mêmes en présence de l’intervention, aux côtés de leur patron et contre leurs revendications, de l’appareil d’Etat bourgeois. Le caractère politique de toute grève - même si les objectifs des grévistes sont purement professionnels - apparaît plus nettement dans les périodes de grandes difficultés pour la bourgeoisie, dans les moments de crise économique et d’instabilité politique. Alors la revendication corporatiste ajoute aux embarras des capitalistes, et peut se répercuter sur toutes ou presque toutes les branches de la production capitaliste, aggravant la crise économique. Mais la grève en elle-même, la manifestation de lutte prolétarienne, si elle entraîne un grand nombre de prolétaires, accroît l’instabilité politique et porte un rude coup à tout l’appareil de domination bourgeoise. C’est ce qui se produit actuellement. Chaque grande grève de ces dernières années a bien éclaté pour la satisfaction des revendications corporatives. Mais comme elle se produisait dans une époque où la bourgeoisie impérialiste doit, à tout prix , rationaliser, surexploiter, et, en vue de la guerre impérialiste, briser la capacité de résistance et de contre-offensive de la classe ouvrière, chacune de ces grèves a été une grande bataille politique. L’efficacité de la grève est toujours conditionnée par la combativité des grévistes. De ce point de vue la grève est une incomparable école de la lutte des classes, et elle forme les meilleurs combattants du prolétariat. Aussi devons-nous accorder une attention toute spéciale aux méthodes politiques et d'organisation qui assurent la manifestation maximum de la force prolétarienne : préparation et direction de la grève, liaisons entre la masse, ses comités de grève, les syndicats, le Parti ; constitution des organismes de protection, etc. Il faut, en particulier, envisager l'application résolue de la violence prolétarienne. Cela nous a conduit à une nouvelle dénonciation du réformisme dont le rôle « pacificateur » et « légaliste » tend à l’affaiblissement du prolétariat en lutte et provoque la défaite. Les « souvenirs émus » d'un Marty-Rollan sur Clemenceau(2) ne ressusciteront pas les ouvriers de vingt villes ou centres industriels de France assassinés par le Tigre et ses pareils. La violence dans la grève n'est pas le fait des ouvriers « ignorants obéissant à leurs instincts primaires » (style Peuple (3)). La violence, c'est le fait social qui résulte de la division en classes et qui ne disparaîtra qu'avec l'extinction des classes. Dès lors tous les appels hypocrites à des « méthodes plus civilisées » (la civilisation des tanks et des gardes mobiles !) ne font que désarmer la classe ouvrière devant son ennemie, la bourgeoisie armée jusqu'aux dents. Les ouvriers en grève ne peuvent renoncer à la violence collective sans se condamner eux-mêmes à l’impuissance et à la défaite. La grève « des bras croisés » est une bêtise et une faute . Les grévistes, lorsqu' ils groupent la majorité du personnel, ont raison d'assurer, au besoin par la violence, l'arrêt total de l'entreprise et ne doivent pas permettre à une équipe de jaunes racolés tant bien que mal de briser le mouvement. Les grévistes ont raison de se protéger et de protéger leurs militants contre les arrestations en faisant front courageusement à l'attaque policière. Cette violence organisée et collective du prolétariat en lutte ne peut même pas s'arrêter devant le fétiche du légalisme . La loi est l’expression de la domination capitaliste, et le prolétariat est en rébellion légitime et permanente contre le capitalisme et ses lois. Au contraire les grévistes parviennent plus facilement et plus rapidement à leurs fins lorsqu’ils usent de tous les moyens en leur pouvoir, sans s'arrêter aux dommages qui peuvent en résulter pour l'entreprise. L’Humanité (3 décembre 1929) a publié un article suggestif de la revue patronale le Nord Industriel sur la grève victorieuse de Trith-Saint-Léger, dont nous extrayons le passage suivant : La grève devint générale, 3000 ouvriers quittèrent hauts fourneaux, aciéries et autres ateliers. Les dirigeants communistes [c'est-à-dire le Comité de grève M.T.] empêchèrent une équipe d’alimenter les hauts fourneaux en marche. En présence du grave préjudice que ce conflit allait occasionner à la société, la direction dut s'imposer un sacrifice en augmentant les salaires de tout son personnel ouvrier. ___________________ notes : (1) Les anarcho-réformistes sont les dirigeants de la CGT ralliant l’Union Sacrée en 1914 et proches de la SFIO. Les minoritaires de la CGTU sont les libertaires du courant anarcho-syndicaliste, opposés à Gaston Monmousseau, à l’ISR et à la SFIC qu’ils jugent incompatibles avec la Charte d'Amiens. Ils considèrent aussi que les conditions révolutionnaires ne sont pas réunies et qu'il faut donc abandonner le mot d'ordre de grève insurrectionnelle. (JJ) (2) Eugène Marty-Rollan, toulousain d’origine ouvrière, serrurier, puis employé de commerce avant d’entrer à la compagnie du Gaz de Toulouse, milita dès 1897 dans les organisations socialistes et syndicales. Pacifiste il hésita à rejoindre la IIIe internationale mais resta à la SFIO et dans la CGT. Dirigeant l’Union interdépartementale réformiste de sa région, il entre au bureau confédéral en 1920, devient « délégué permanent à la propagande » aux côtés de Jouhaux au 19e congrès en 1927. Il collabore au Peuple et à la Voix du peuple . Clémenceau, radical-socialiste devenu premier flic de France et dit Le Tigre , était farouchement hostile à la lutte de classe du prolétariat. Il révoqua les fonctionnaires qui réclamaient le droit de grève, compromet et diffame Marcellin Albert lors de la révolte des vignerons, envoie la troupe à Courrières en 1907, fait massacrer les grévistes en 1908 et arrêter massivement les syndicalistes, envoie un agent provocateur dans la CGT pour essayer de la dissoudre, pourchasse, censure la presse et exécute les pacifistes et les mutins, envoie les troupes coloniales au front, et échoue finalement dans la mer noire face au pouvoir bolchévique et aux Mutins, pour ne citer que quelques exemples illustrant son passage du républicanisme « social» au social-fascisme et au social-chauvinisme. Il meurt le 24 novembre 1929. (JJ) (3) Le Peuple , journal quotidien, était alors l’organe de la direction réformiste de la Confédération Générale du Travail (NR) Edité le 06-07-2016 à 00:10:20 par Xuan |
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![]() Le texte de Thorez sur la "grève politique de masse" avait déjà été mis en ligne par le ROCML, semble-t-il en janvier 2015, sous sa forme originale et en format pdf. L'URCF en cite un extrait en 2010. L'accentuation de la lutte des classes le rend encore plus actuel. On peut le lire en ligne également sur le site "réveil communiste" de Gilles Questiaux. ___________________ Présentation « La grève politique de masse » numérisé ici est extrait du livre 2 du tome premier des œuvres de Maurice Thorez éditées en 1950. Le texte avait été publié en janvier 1930 dans le premier numéro des Cahiers du bolchévisme. En février, le n° 2 en reprend les thèmes sous le titre « la préparation de la grève politique de masse, centre de la discussion de la conférence nationale » . Thorez fut arrêté le 9 juin 1929, d’autres communistes peu après, pour atteinte à la sûreté de l’état. Il fut libéré le 23 avril contre paiement d’une amende, et l’Humanité du 27 avril 1930 publia le troisième texte de ce recueil : « L’action de masse doit briser le complot » , qui définit le lien dialectique entre l’action légale et illégale. Le même livre comprend entre autres textes significatifs « la Tactique du front unique » , portant notamment sur les sujets « chefs et ouvriers socialistes » . Et les « Discours à la Conférence nationale des 28 février et 1er mars 1931 » : - la caractéristique de la crise économique - le travail des communistes dans les syndicats J’ai ajouté aux notes d’origine des notes complémentaires (JJ) destinées à éclaircir des faits et des noms alors familiers mais aujourd’hui peut-être oubliés. ____________________________ Le document « La grève politique de masse » se situe dans une période qui présente des similarités avec celle que nous vivons, et quelques différences sous d’autres aspects. Thorez écrit ce texte en prison, dans la tourmente d’une crise inégalée du capitalisme, dix ans après la boucherie de 14, qui n’a résolu en rien les contradictions européennes, sauf en donnant naissance au premier Etat socialiste et aux partis communistes, et au moment où les impérialismes cherchent à exploiter davantage le prolétariat et préparent un nouveau conflit. Aujourd’hui la crise de 2008 se prolonge et s’aggrave. L’essor des pays émergents menace la domination impérialiste occidentale, tandis que la superpuissance américaine essaie de répercuter ses propres difficultés sur ses propres alliés. L’Europe est ainsi prise en étau, constituant pour ainsi dire le maillon faible de l’impérialisme, et se fissure suivant ses propres contradictions : luttes de classes, rejet populaire de l’Europe, domination et oppression en son sein, concurrence pour le leadership, comme l’illustrent les événements de ces derniers mois. En 1930 le parti socialiste était qualifié d’ allié de la bourgeoisie . Pendant des décennies il a été gratifié de parti de gauche par le PCF. On ne peut plus en dire autant aujourd’hui. Car il a exercé durablement le pouvoir d’Etat sans partage. Le parti socialiste ne se distingue plus fondamentalement des autres partis bourgeois, avec lesquels il pratique une alternance qui ne modifie en rien la politique nationale et internationale, et qui ne préoccupe ni ne surprend les milieux financiers. Il fait désormais intégralement partie de la grande bourgeoisie monopoliste qui l’applaudit dans ses réunions. Par ailleurs les « ouvriers socialistes » ont été remplacés par des « bobos, diplômés, urbains et fonctionnaires ouverts sur la mondialisation » voire des grands bourgeois, de sorte qu’il n’est « plus du tout un parti des milieux populaires » [Rémi Lefebvre]. Dans la lutte contre la loi Travail, en l’espace de trois mois, les masses populaires ont reconnu dans le Parti Socialiste un ennemi à part entière et non plus un allié inconséquent. C’est un fait historique nouveau, expérimenté par les larges masses, y compris dans les classes intermédiaires, et qui en ont rapidement tiré la leçon. Elle raye des décennies de mauvais calculs électoraux et remet en cause la théorie du passage pacifique au socialisme. ____________________________ Le second fait historique est le retour fracassant de la classe ouvrière sur le devant de la scène, après bientôt quarante ans d’humiliation et de dénigrement, renouant avec de légitimes actions violentes de masse et n’hésitant plus à bloquer le pays. Elle s’impose de nouveau comme seule classe pouvant diriger la révolution prolétarienne. Ainsi et différemment de mai 68, la jeunesse instruite dont l’avenir est assombri par le capitalisme manifeste en brandissant les drapeaux de la CGT. Le texte de Thorez analyse longuement le rôle dirigeant et révolutionnaire de la classe ouvrière, de la grève de masse et politique et de ses perspectives insurrectionnelles. Il n’hésite pas non plus à préconiser l’autodéfense ouvrière face à la répression policière. Là encore le sujet redevient d’actualité, après les agressions délibérées de manifestants pacifiques par les CRS, impliquant la protection des cortèges et l’abandon des promenades et déambulations débonnaires pour les remplacer par des rangs organisés et disciplinés. ____________________________ Un troisième tournant est la soumission totale et définitive des dirigeants cédétistes au grand capital, appelant le gouvernement à défendre la loi Travail contre vents et marées. La CFDT qui fait front commun avec Valls et Gattaz contre les salariés est devenue la courroie de transmission du PS et de la grande bourgeoisie, brisant de fait la stratégie unitaire de la CGT à son endroit. Il apparaît qu’une réunification syndicale ne pourrait pas se réaliser dans les mêmes conditions que celle de la CGTU et de la CGT. Sur le terrain syndical, le texte de Thorez nous invite aussi à une réflexion sur la direction révolutionnaire de l’action syndicale et sur la conception communiste de la Charte d’Amiens. Celle-ci garantit la liberté d’opinion et de croyance, et par là même l’indispensable caractère de masse du syndicat, qui dépasse nécessairement de loin les adhésions du parti communiste. D’autre part elle proclame regrouper « tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat » et affirme que le syndicalisme « prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ». Thorez insiste longuement sur le lien indispensable entre les revendications économiques et corporatives les plus ordinaires et l’objectif final. Il signale aussi que le Parti communiste ne doit pas se substituer au syndicat ni lui imposer ses mots d’ordre. ____________________________ Il existe évidemment une différence majeure entre le parti de Maurice Thorez et celui de Pierre Laurent, lequel ne saurait être inquiété aujourd’hui pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Chose qu’on ne lui souhaite nullement bien entendu. Toutefois, la classe ouvrière a impérativement besoin de son parti communiste, mais d’un parti révolutionnaire, qui se soit réapproprié les principes marxistes-léninistes. Ce texte peut contribuer au nécessaire retour aux sources. ____________________________ Edité le 14-07-2016 à 15:52:44 par Xuan |