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Xuan
TÉMOIGNAGE D'UN ANCIEN MILITANT DU P"C"F


COMMENT LE P"C"F A-T -I L EXPLIQUE LE VOTE DES POUVOIRS SPÉCIAUX ?


En 56, il y a eu la "grande victoire électorale". La gauche avait déjà plus de 11 millions de voix. Le P"C"F en avait plus de 5 millions 600.000. En Algérie, après le soulèvement des Aurès, la lutte armée prenait une très grande ampleur. Guy Mollet demandait les pouvoirs spéciaux qui entraînaient l'envoi du contingent en Algérie. La position du P"C"F c'était qu'il fallait un gouvernement de "gauche" et qu'on ne pouvait le faire qu'avec les socialistes; puisque Mollet demandait les pouvoirs spéciaux on devait les voter, sinon ce serait rompre le Front Républicain, l'alliance avec les socialistes et faire le jeu de la droite, en causant un renversement du gouvernement Mollet, ce qui annulerait la victoire électorale, en permettant le retour d'un gouvernement de droite. Si on ne votait pas les pouvoirs spéciaux, le contingent partirait quand même, et le Front Républicain serait rompu. C'est pourquoi le P"C"F a permis d'envoyer le contingent en Algérie alors qu'il s'y était toujours fermement opposé pour l'Indochine.

QUELLE RÉACTION A SUSCITÉ CETTE POSITION ?


Le comité de section a été chaud. Il a failli y avoir de la bagarre. Les JC disaient: "c'est ce que vous faites de notre peau". Le secrétaire fédérale a dit: "écoutez camarades, 500.000 hommes en Algérie en comparaison de l'alliance avec les socialistes, ce n'est pas l'essentiel".

QUELLE ETAIT L'ACTIVITÉ DU PARTI CONTRE LA GUERRE D'ALGÉRIE ?

On en discutait un peu à chaque réunion. Les directives, c'était de faire signer les motions du mouvement de la paix, et une manifestation pour la paix de temps en temps.

AUCUNE AUTRE ACTIVITÉ CONTRE L'ENVOI DES TROUPES, CONTRE LE QUADRILLAGE EN ALGÉRIE ?


Ecoute, lorsque je suis arrivé à Paris en 1959, dans une cellule, il y avait un jeune qui venait d'Algérie.
Il critique le parti "lorsque j'étais en Algérie, j'ai demandé en vain des directives de travail dans l'armée. On a systématiquement refusé de me renseigner". Les camarades
ont répondu "Faire du travail dans l'armée, ça ne sert à rien. Ce serait une provocation, De Gaulle est prêt à nous réprimer, il en profiterait". L'essentiel était de lutter pour la "paix en Algérie" et l'autodétermination.
Pire en 1960, j'étais dans le 15e. Cinq jeunes avaient refusé de partir en Algérie. Plusieurs camarades les avaient approuvés. Mais le secrétaire de la section du 15e Javel leur a dit: "Il faut qu'ils aillent en Algérie, pour faire leur devoir de communiste". C'était quoi ? quand on savait que le parti n'avait pas d'activité dans l'armé.

QUEL ETAIT LE SOUTIEN APPORTE AU FNL ?


Aucun, sauf à titre individuel de la part de militants. Le P"C"F n'a jamais soutenu le FNL. Il demandait la paix et l'autodétermination. Tout en critiquant la politique gaulliste, il l'appuyait: pas de travail dans l'armée, refus de réclamer l'indépendance. En 1960, le FNL a fait une série d'attaques en France contre la police, l'armée. Il avait recommandé de ne pas toucher la population et la population n'a pas été touchée. Dans une cellule la plupart condamnèrent: "c'est de l'aventurisme". Une camarade, jeune algérienne, s'est révoltée "Alors le peuple algérien a tort". Ils répondirent "Non, on ne dit pas ça, mais il ne doit pas faire la guerre en France".
La majorité des camarades pensaient d'après la ligne du parti que le FNL n'avait qu'à se battre chez lui, qu'un soulèvement était une mauvaise chose car les fils étaient dans l'armée coloniale, et risquaient de se faire tuer. Que les Algériens se fassent tuer, ce n'était pas gênant. Cette attitude n'avait rien de communiste !

POURTANT IL Y A EU LA MANIFESTATION DE CHARONNE ?


Oui à Charonne il y a eu 5 morts. Mais le P"C"F a fait une véritable mystification, en prétendant que c'était pas les flics qui avaient matraqué que c'était des fascistes déguisés en flics: c'est les CRS qui ont fait ça. La manifestation a été matraquée parce qu'on n'avait pas pris de dispositions nécessaires. C'était juste de faire une manifestation de masse contre l'OAS qui, avait fait plus de 20 plasticages. Mais organiser une manifestation pacifique ne pouvait se faire en cette période (en plein dans la fin de la guerre d'Algérie, quand de Gaulle était décidé à réprimer) que si on s'organisait pour les risques d'affrontement. En refusant par pacifisme d'envisager ces mesures, le P"C"F a envoyé les manifestants à la boucherie.

A QUELLE PRISE DE CONSCIENCE A CONDUIT LA TRAHISON DU PEUPLE ALGERIEN PAR LE P"C"F ?


J'ai pris conscience à cette époque de la trahison du parti. J'ai rendu ma carte en 1961, un peu avant la manifestation du 17 Octobre. D'autres camarades ont compris que lutter à l'intérieur de ce parti n'était plus possible, que ce n'était plus un parti communiste. Ils relevaient peu de temps après le drapeau du marxisme-léninisme en jetant les bases de la construction d'un nouveau Parti Communiste: c'est à cette époque il y a 10 ans, que sont réapparues les premières forces marxistes-léninistes dans notre pays.
Xuan
CARRAT publié dans FRONT ROUGE organe central du PCR (m.l) n°130 du 31 octobre 1974

Il y a 20 ans, le 1er novembre 1954 éclatait
LA LUTTE DE LIBERATION NATIONALE DU PEUPLE ALGERIEN


l'essor de la révolution

Depuis le début de l'agression coloniale de l'Algérie par les troupes françaises en 1830, le peuple algérien n'a jamais cessé de lutter contre l'oppression coloniale, contre l'armée d'occupation et les milliers de colons. Plus de 200.000 morts, tel est le prix qu'a payé le colonialisme français sous les coups du peuple algérien qui, bien avant 54, luttait déjà contre l'exploitation féroce et la répression. La volonté du peuple algérien de combattre pour son indépendance nationale s'est scellée dans le sang des massacres comme celui de Sétif, le 8 mai 1945. Ce jour-là, plus de 50.000 paysans, ouvriers et artisans manifestaient pour l'application des promesses de l'impérialisme français qui avait utilisé le peuple algérien comme chair à canon pendant la guerre. Ils réclamaient plus de justice et de démocratie. La répression est sanglante: pendant toute une semaine, l'armée coloniale et les bandes de colons armés massacrent plus de 45.000 Algériens.
Les massacres de Sétif ont prouvé une fois de plus la nature du colonialisme, et permis à de nombreux militants de voir que seule la lutte armée pourrait arracher l'Indépendance. C'était aussi la leçon qu'ils tiraient des combats héroïques du peuple vietnamien contre le même ennemi, de sa victoire de Dien Bien Phu. C'était la seule voie juste pour tous les peuples opprimés par l'impérialisme français.

le déclenchement de l'insurrection armée

Le 1er novembre 1954, à une heure du matin, les attaques armées sont déclenchées en 310 points du territoire algérien: Alger, Oran, Constantinois, Biskra, Batna, Tlemcen... Des casernes, des édifices coloniaux, des voies ferrées, des dépôts d'armes sautent. Une proclamation annonce la création du Front de Libération Nationale et de l'Armée de Libération Nationale. Les maquisards du 1er novembre sont encore peu nombreux, mal équipés. Mais le succès des attaques de guerilla, surtout dans les Aurès et la Kabylie, la persévérance des combattants dans la voie de la lutte armée, amèneront à l'A.L.N. des milliers de patriotes algériens, qui battront finalement à plate couture l'armée coloniale française.
La masse du peuple algérien répond à l'appel du F.L.N. La classe des paysans pauvres, les fellagha, classe la plus nombreuse, rejoindra massivement l'armée: le 25 août 1955, des dizaines de milliers de paysans, armés de pelles, de faux et de serpes marchent sur
Philippeville. Le mouvement touche tout le nord-Constantinois. Soustelle, gouverneur général de l'Algérie, dirige la répression sur place, arme les colons. Dans cette seule région, en moins d'une semaine, 12.000Algériens seront assassinés ou portés disparus.
La population des villes entre aussi dans la lutte massivement. Le 1er anniversaire de l'insurrection est marqué par une grève générale largement suivie, et le 1er novembre 56, la grève générale a encore plus d'ampleur. La Kasbah d'Alger, dont la population est faite surtout de chômeurs de petits artisans et commerçants, s'est rapidement transformée en base du F.L.N., qui y délivre les papiers officiels pour les mariages ou les naissances. Le F.L.N. y crée une organisation militaire d'autodéfense pour mettre la population à l'abri des attentats fascistes. Chaque homme assure son tour de garde sur les terrasses des immeubles après le couvre-feu de 20h. Ce sont ces liens vivants avec le peuple algérien, tant à la Kasbah d'Alger qu'à la campagne, qui ont permis au F.L.N. d'échapper longtemps aux quadrillages de l'armée coloniale et de reconstituer très vite ses réseaux après chaque démantèlement.
Les notables algériens, qui, jusqu'en 55, collaboraient ouvertement avec les autorités coloniales en participant aux conseils municipaux, au Parlement et à l'Assemblée Algérienne, sont contraints par la pression de la lutte des masses à démissionner de toutes leurs fonctions et amenés à rejoindre en bloc le F.L.N.

Le Congrès de la Soummam, en août 1956, consacre l'unité nationale du peuple algérien rassemblé dans le F.L.N. Cette unité nationale s'est forgé progressivement, dans la lutte. Mais dès cette époque, la classe ouvrière algérienne n'a pu exercer sa direction, car elle n'avait pas de parti communiste. Le seul parti qui s'affublait du titre de parti marxiste-léniniste, c'était le P"C"A, officine locale du P"C"F qui avait pris ouvertement fait et cause pour l'impérialisme français, défendant depuis le début toutes les solutions de type néo-colonial, qui avait ouvertement condamné l'insurrection du 1er novembre 1954 et les "nationalistes". Ce parti a servi de repoussoir au communisme, il n'a fait que dégoûter de nombreux militants du marxisme-léninisme. En France, les travailleurs algériens immigrés voyaient chaque jour la trahison du P"C"F, le sabotage du soutien qu'il organisait consciemment. Le chauvinisme du P"C"F et la ligne de collaboration du P"C"A sont grandement responsables de l'absence d'un parti véritablement marxiste-léniniste qui aurait empêché les couches non prolétariennes d'usurper la direction du Front. Les militant du P"C"A qui voudront mener réellement la lutte seront amenés à quitter le P"C"A, comme Fernand Yveton, fusillé plus tard sur l'ordre du "socialiste" Mitterrand. Non content de collaborer, le P"C"A fournira un contingent important de membres de l'OAS. Les travailleurs algériens tourneront aussi le dos à la CGT qui n'organisera plus que des pieds noirs, et s'organiseront massivement dans l'UGTA, syndicat clandestin. C'est l'UGTA qui mènera les luttes des mineurs et des dockers. En France, rejetant les " mises en garde" des révisionnistes, les ouvriers algériens s'organiseront dans le F.L.N., organiseront des manifestations contre la terreur policière et pour l' indépendance, s'acquitteront régulièrement de leurs cotisations, entreront dans les rangs de l'Armée de Libération Nationale. Ils organiseront au coeur même de la métropole impérialiste des opérations de sabotage comme à Maurepiane, où des réserves de pétrole seront incendiées.

la défaite de l'impérialisme français

L'échec de la pacification En 1956, face au développement de la lutte armée, Guy Mollet, "socialiste", demande les pleins pouvoirs. Les députés révisionnistes du P"C"F lui
accordent leurs voix, et Guy Mollet obtient carte blanche pour envoyer 600.000 hommes en Algérie à la disposition du gouverneur "socialiste" Lacoste et du tortionnaire Massu.
L'objectif, c'est de briser le moral du peuple algérien afin d'isoler le F.L.N. et de le détruire. L'impérialisme français inaugure les méthodes des yankees au Vietnam: villages détruits, hommes fusillés, populations parquées dans des camps de concentration, bombardement au napalm dans les Aurès... A Alger, Massu et ses acolytes ont recours à la torture systématique. Mais cette répression barbare obtient le résultat inverse du but poursuivi. La haine de l'occupant ne fait que renforcer la détermination du peuple algérien, la lutte armée prend encore plus d'ampleur et en 58, l'A.L.N. rassemble 130.000 hommes en Algérie. Ces combattants, connaissant parfaitement le terrain et se déplaçant sans cesse, attaquent l'ennemi à l'improviste: à la bataille de Bouze Gzeb, trois compagnies de l'A.L.N. anéantissent complètement une forte unité de légionnaires, à seulement 50 km d'Alger. En juin 1959, l'A.L.N. qui utilise l'artillerie pour la première fois, occupe la région d'Annaba (anc. Bône).
-l'échec des manoeuvres
Dans cette situation catastrophique pour l'armée impérialiste française, de Gaulle est amené au pouvoir par le coup d'Etat du 13 mai 58. Le but est toujours de trouver la solution la moins dommageable aux intérêts de l'impérialisme français, et de Gaulle pourrait être le personnage capable de sortir "la France" de cette mauvaise posture. Malgré la propagande bourgeoise qui tente de faire croire que de Gaulle après "la liquidation de l'A.L.N. par l'armée coloniale aurait octroyé l'indépendance", dans un accès de générosité. En fait, quand il arrive au pouvoir, de Gaulle continue à clamer "vive l'Algérie française" (discours du 7 juin 58 à Mostaganem) après avoir déclaré trois jours avant à Alger: "Je déclare qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants. Il n'y a que des Français à part entière. Des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs". Il n'est donc pas question d'indépendance, mais de poursuivre la tentative de "pacification" avec, fait nouveau, l'utilisation massive de l'aviation. C'est le plan "Challe".
L'échec de cette dernière tentative l'amène à une première modification de tactique: il reconnaît le droit à l'autodétermination du peuple algérien en septembre 59, et accepte de négocier avec le F.L.N. en juin 1960. Il n'est toujours pas question d'indépendance, mais d'une vague autonomie préservant l'intégralité de la possession française sur les richesses de l'Algérie. Cette manoeuvre suscite la riposte immédiate de dizaines de milliers d'Algériens qui, à l'appel du F.L.N., réclament l'ouverture de véritables négociations avec le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne et arborent sans crainte le drapeau national. Les paras, une fois de plus, tirent sur la foule.
Après l'échec de cette manoeuvre, de Gaulle tente une autre solution au début de 1961, la "partition" de l'Algérie, laissant à la France le Sahara et donc le pétrole, les villes et les plaines de la Mitidja, très fertile. Les Algériens devaient se contenter de plateaux arides. Nouvelle riposte foudroyante du F.L.N. : le 5 juillet 61, journée nationale de manifestations à son appel, massivement suivie en Algérie. En France, des dizaines de milliers d'Algériens manifestent le 17 octobre à Paris, malgré la féroce répression: plus de 25.000 arrestations, des centaines de tués jetés à la Seine. C'est quand l'indépendance de l'Algérie devient l'issue inévitable de la guerre, que l'OAS, dont un grand nombre de membres étaient d'anciens, gaullistes comme Soustelle, entre en contradiction violente avec le gouvernement français, car ils ne sont pas résignés à abandonner les avantages énormes de la colonisation. Les attentats odieux auxquels ils se livrent soulèvent la colère des peuples algériens et français.
Cette fois, la défaite est consommée, l'impérialisme français doit accepter un compromis qui accorde l'indépendance: les accords d'Evian sont signés en mars 62. L'Algérie proclame son indépendance le 5 juillet 1962.
Xuan
FRONT ROUGE n°33 / juillet 1972 p 5 journal de combat marxiste-léniniste

LA POLITIOUE DE TRAHISON DU P"C"F : ACTIF SOUTIEN DE L'IMPERIALISME FRANCAIS


L'histoire de la lutte du peuple algérien, l'histoire de la lutte des classes en France durant les 50 dernières années, illustre les crimes monstrueux auxquels mène la trahison du marxisme-léninisme, la politique révisionniste.
Quand le parti communiste est créé en France en 1920, il s'engage à suivre les enseignements de Lénine et notamment à unir, en un seul combat pour abattre l'impérialisme français, la lutte de la classe ouvrière, en métropole, pour la révolution prolétarienne armée, et la lutte des peuples dominés, colonisés, pour leur libération nationale. Il s'engage à matérialiser dans toute son activité la 8e condition d'adhésion à l'Internationale Communiste.
Mais le jeune parti communiste se constitue à partir du vieux parti socialiste (SFIO) profondément pourri par le colonialisme, le chauvinisme. Il se constitue au sein d'une métropole impérialiste où la bourgeoisie dispose de puissants moyens pour corrompre, acheter des couches de la classe ouvrière, pour lui inculquer des idées chauvines, colonialistes, racistes.
Dans les premières années du parti, la lutte contre la vieille attitude colonialiste sera menée, quoique de façon intermittente et inégale. C'est vers le parti que se tourneront beaucoup de patriotes et les révolutionnaires des pays colonisés. La première organisation de patriotes algériens à base populaire, "l'Etoile Nord Africaine" qui naît en France, vers 1924, entretient des relations étroites avec le parti.

Mais dès 1929, commence le divorce entre le mouvement des patriotes algériens qui envisagent de plus en plus clairement comme but l'indépendance, d'une part, et le parti qui, lui, abandonne progressivement cet objectif à son 7e congrès. Le parti en 1932 recommandait de former des syndicats d'ouvriers coloniaux " base pour le recrutement dans les syndicats " et "moyen pour élever la conscience de classe chez les ouvriers coloniaux" . Mais en soulignant qu'ils ne devaient surtout pas "se transformer en organisations nationalistes" . Dès 1933, la "Glorieuse Etoile Nord-Africaine" réclame clairement dans son programme l'indépendance totale de l'Algérie.

Les années du Front Populaire (1935-1937) creusent encore davantage le fossé. Le PCF (qui transforme en 1935 la section algérienne en PCA) s'engage plus avant dans l'opportunisme et s'allie à la SFIO pourrie pour prôner ouvertement une politique d'assimilation (le projet de loi Blum-Violette). Le Parti Populaire Algérien (issu de "l'Etoile Nord-Africaine " s'oppose fermement au projet. Dès lors la rupture est définitive entre les patriotes algériens et le parti gangrené par le chauvinisme: le parti communiste algérien dès ce moment n'hésite pas à traiter le PPA de fasciste et d'allié des colons !

Thorez en personne se charge, en 1939, de consacrer irréversiblement le chauvinisme du PCF (et du PCA) vis-à-vis du peuple algérien: " il y a la nation algérienne qui se constitue historiquement et dont l'évolution peut-être facilitée, aidée par l'effort de la République Française " . Thorez se fait donc désormais le défenseur du colonialisme !
1. la nation algérienne "se constitue", donc ne peut, ne doit pas aspirer à l'indépendance !
2. seule l'oppression coloniale française peut "l'aider" à devenir indépendante !
A la libération, la ligne révisionniste de trahison s'impose à l'ensemble du parti, dans tous les domaines: Thorez refuse ouvertement la voie de la révolution prolétarienne armée et propose " le passage pacifique au socialisme "
D'une part en métropole, le P"C"F a presque aussitôt désarmé la classe ouvrière (qui sortait de la résistance avec des détachements armés), pour appeler " à retrousser les manches " c'est-à-dire à se faire exploiter pour redresser l'impérialisme français.

D'autre part le P"C"F prêche aux peuples colonisés " l'Union Française comme une union libre de peuples libres " . Or l'Union Française c'est tout simplement la consolidation de l'empire colonial ébranlé.
Désormais le P"C"F qui, de 44 à 47, collabore activement, au gouvernement, avec la bourgeoisie au redressement de l'impérialisme français s'oppose sans vergogne aux mouvements de libération nationale.
Lors de l'insurrection algérienne de Sétif le 8 mai 45 (voir FR n° 24), le P"C" F et le P"C"A appèleront et approuveront les troupes coloniales et les colons français qui massacreront 45 000 Algériens en quelques jours.
" La répression des actes criminels qui ont été commis est inéluctable et nécessaire " (Alger Républicain, quotidien du P"C"A no 158). Il calomnie ignoblement les patriotes algériens, les traitant d"agents hitlériens": tout simplement !
En quelques années, le Parti, dominé par le révisionnisme se transforme en un parti contre-révolutionnaire. De 1954 à 1962, le P"C"F soutient la bourgeoisie française et l'aide à poursuivre et à intensifier la guerre coloniale contre le peuple algérien.

-C'est le P"C"F qui se charge, tout en prétendant la soutenir, de calomnier, de discréditer dans la classe ouvrière, en France, la lutte héroïque du peuple algérien.
-C'est le P"C"F qui se charge de désamorcer, de désorganiser, de paralyser tous les mouvements spontanés, en particulier dans la classe ouvrière, d'opposition à la guerre coloniale et de solidarité concrète avec le peuple algérien.
lors du déclenchement, le 1er novembre 1954, des premières opérations militaires des patriotes algériens, après une semaine de réflexion, le P"C"F les désavoue clairement et les calomnie : " le PCF... ne saurait approuver le recours à des actes individuels susceptibles de faire le jeu des colonialistes, si même ils n'étaient pas fomentés par eux. "
le P"C" F, chien de garde de la bourgeoisie, se dresse, dès juillet 55, contre les ouvriers algériens: "Il appartient aux communistes de mettre en garde les travailleurs algériens en France sur le danger que représenterait pour nos intérêts communs toute action isolée ou aventuriste".
En France, le P"C"F ne riposte pas à la répression fasciste de la police qui s'abat sur les travailleurs algériens (juillet 55) pas plus qu'il n'essaie de diriger et d'élever à un niveau supérieur les manifestations massives de rappelés, à Rouen et dans les gares parisiennes, qui refusent de partir en Algérie (sept. oct. 55) et plus tard celles du contingent (mai-juin 56).
C'est que le P"C"F est résolument opposé à l'indépendance du peuple algérien.
Tant que la bourgeoisie se croira en mesure de mater la lutte du peuple algérien, le P"C"F prêchera une " véritable Union française ", des rapports nouveaux ", c'est-à-dire le maintien sous une autre forme, de l'oppression coloniale. Tel était le sens de son mot d'ordre: " Paix en Algérie ! Négociations ! "

S'abritant derrière ces mots d'ordre pacifistes, et au nom de "l'unité de la classe ouvrière" le P"C"F vote les "pouvoirs spéciaux" au criminel de guerre SFIO Mollet:
fort de ce soutien, Mollet envoie directement et massivement le contingent en Algérie, intercepte l'avion de Ben Bella, agresse l'Egypte et donne carte blanche au tortionnaire Massu à Alger .
A partir du moment où la guerre coloniale paraît perdue et où la bourgeoisie charge De Gaulle de trouver l'issue la moins désavantageuse le P"C" F accorde, de fait, son soutien à De Gaulle. Thorez attendra que De Gaulle soit contraint de lancer l'idée d"'autodétermination", pour aussitôt emboîter le pas et réclamer une négociation immédiate sur la base de "l'autodétermination" (26 oct. 59) ou une "application loyale" de l'autodétermination (1er fév. 60).

Ce soutien de fait à De Gaulle sera justifié à chaque fois par " la gravité du danger fasciste " : Au nom du danger fasciste, le P"C"F appelle, le 18 mai 58, l'armée française qui massacre le peuple algérien, non pas à se mutiner contre les généraux fascistes et à briser le putsch gaulliste mais au contraire à " rester dans le devoir, sous l'autorité du gouvernement de la République " , et de crier:
" Vive l'armée française, armée de la Nation et de la République ! "
Durant la guerre coloniale, le P"C"F ne mobilisera réellement les masses qu'il influençait que pour soutenir De Gaulle contre les fractions de la bourgeoisie qui s'opposaient à sa politique: lors des deux putschs militaires, le 1er février 60 et le 24 avril 61 et contre les attentats de l'OAS en France, le 8 février 62.

Mais, jusqu'au bout, le P"C"F s'opposera à tout mouvement de solidarité, en métropole, condamnant en particulier les " divers intellectuels de gauche " qui aidaient le FLN en France
et, de façon générale, le mouvement de la jeunesse étudiante contre la guerre coloniale, qui réclamait clairement l'indépendance.

Jusqu'au bout le P"C"F s'efforcera d'isoler les travailleurs algériens. Quand la Fédération de France du FLN, fin 1958 s'attaqua courageusement à des dépôts de carburant et à des objectifs militaires en métropole même, pour affaiblir le potentiel de l'impérialisme français, Thorez protesta aussitôt violemment: " les méthodes employées par le FLN en France, n'ont pas servi, il faut le dire très nettement, la juste cause du peuple algérien " (4 octobre 58).
Et après le massacre en plein Paris par la police à la mitraillette, le 17 octobre 61, des grandes manifestations algériennes, le P"C"F se garda bien d'appeler à la solidarité active de la classe ouvrière.

A présent le P"C"F tripote les textes, ment effrontément pour prouver que, dès 54, il aurait réclamé l'indépendance de l'Algérie, pour faire croire qu'il aurait organisé la résistance de masse du contingent. Ce sont des mensonges et ils n'arriveront pas à cacher leurs crimes.
Crimes contre le peuple algérien: en ne proposant pas dès le début à la classe ouvrière en France le mot d'ordre clair: "Algérie indépendante" , le P"C"F a paralysé l'action de la classe ouvrière, il a permis à la bourgeoisie française d'avoir les mains libres pour prolonger et intensifier le massacre du peuple algérien.
En n'organisant aucun travail parmi les soldats du contingent pour qu'ils se révoltent, qu'ils retournent leurs fusils contre les officiers français, qu'ils fraternisent avec les patriotes algériens et rejoignent leurs rangs, le P"C"'F a permis à la bourgeoisie de transformer des milliers de jeunes ouvriers et paysans en chair à canon, en massacreurs et tortionnaires du peuple algérien.
Crime aussi contre le prolétariat de France: en s'efforçant de briser toute solidarité avec le peuple algérien en lutte, il a empêché le prolétariat en France, de coordonner ses coups avec le peuple algérien pour abattre l'impérialisme français. En s'efforçant d'isoler au maximum, en métropole même, les ouvriers algériens des ouvriers français, il a dévoyé, divisé le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière.
Ces traîtres, aujourd'hui qu'ils se croient en mesure d'obtenir la gestion directe de l'impérialisme français, poursuivent de plus belle leur besogne: pour eux pas question d'indépendance pour les peuples colonisés (DOM TOM). Il faut renforcer la "coopération" avec les anciennes colonies c'est-à-dire renforcer leur exploitation ! Et, tout en prenant un visage hypocrite de curé apitoyé, ils continuent à entretenir la division de la classe ouvrière, à propager le chauvinisme et le racisme dans la classe ouvrière réclamant à grands cris "le contrôle de l'immigration" et attaquant furieusement les ouvriers immigrés qui entrent en lutte contre le capital.

Mais ils n'ont pu empêcher que se tissent des liens de solidarité entre prolétaires français et immigrés. Ils n'ont pu empêcher que, dès 1963 se dressent contre eux des communistes, que se crée et s'édifie en France le parti communiste marxiste-léniniste : le prolétariat de France, de toutes nationalités, fera la révolution et balaiera ces traîtres.

Huitième conditions d'admission des partis Communistes dans l'Internationale Communiste:

Dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou oppriment des nations doivent avoir une ligne de conduite particulièrement claire et nette.
Tout Parti appartenant à la 3é Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les "prouesses" de ses impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles, mais en fait tout mouvement d'émancipation dans les colonies, d'exiger l'expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au coeur des travailleurs des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées et d'entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux.
Xuan
[suite]


Le peuple algérien a fait justice des théories para-colonialistes du révisionniste moderne Maurice Thorez

Le peuple algérien dans sa quasi unanimité, sous la direction reconnue de son Front de libération nationale, a abordé, par la seule voie possible, l'unique et véritable question historique qui se posait à lui: par la guerre révolutionnaire il a chassé le colonialisme et recouvré glorieusement l'indépendance nationale de sa patrie. C'est là ce qu'a exprimé, mieux que nous ne saurions le faire nous-mêmes, la Charte d'Alger qui conclut ainsi son premier chapitre consacré au mouvement national jusqu'en 1954 :

" La tendance erronée à subordonner l'existence d'une nation algérienne à l'intégration d'une minorité étrangère qui (malgré certaines exceptions) se comportait comme occupant le pays, et à taire de la renonciation à la lutte armée une condition de l'unité du Mouvement de Libération Nationale, a obscurci les méthodes d'action et visé à l'alignement politique des masses populaires sur les positions des couches privilégiées.
Seule la puissance de la volonté populaire, sa conviction dans l'impossibilité de déboucher sur une solution par la voie pacifique a permis de sécréter progressivement des dirigeants nouveaux et de remettre le mouvement de libération sur une voie nouvelle "
.

La victoire du peuple algérien en 1962 a fourni une réponse cinglante, décisive et définitive aux théories para-colonialistes de Maurice Thorez, du P.C.F .et du P.C.A..

L'Algérie n'a jamais été et n'était pas une " nation en formation dans le mélange de vingt races " .
L'Algérie était une nation opprimée par le colonialisme français; grâce à son peuple, elle est redevenue une nation indépendante et souveraine, la République Algérienne Démocratique et Populaire.


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Ce texte était suivi d'une série d'article extraits notamment de Front Rouge. Ce sera l'objet des posts suivants.


Edité le 10-12-2011 à 22:07:46 par Xuan


Xuan
[suite]

La fausse autocritique du parti communiste algérien sur la question nationale (juillet 1958)

Les dirigeants du Parti communiste français ont-ils abandonné la conception thorézienne de l'Algérie " nation en formation dans le mélange de vingt races " ? On pourrait en douter dans la mesure où ils n'ont jamais publié la moindre autocritique à ce sujet, ni avant, ni après la victoire, en 1962, de la révolution nationale anti-colonialiste du peuple algérien. Un membre du Bureau politique du Parti communiste algérien confia à l'auteur de cet ouvrage, en 1963 qu'une délégation de la direction du Parti communiste français comprenant Jeannette Thorez-Vermeersch se rendait à Alger auprès des dirigeants du Front de Libération Nationale ayant à l'époque à leur tête Ahmed Ben Bella. Cette prise de contact, aurait eu pour objet d'informer les militants algériens que " Maurice Thorez préparait une autocritique sur la question de l'Algérie " .
Comme dit le proverbe : " Mieux vaut tard que jamais ! " et, dans le cas particulier, cette prétendue autocritique n'aurait nullement permis d'oublier les très graves erreurs du passé ! Mais tant du côté algérien que du côté français, aucune confirmation n'a jamais été rendue publique sur ce point, s'il est par contre certain qu'eut lieu la rencontre en question.
De toute façon, une autocritique sérieuse et valable était exclue des possibilités idéologiques et politiques des dirigeants communistes français après la fin de la guerre d'Algérie, car à cette époque ils étaient déjà définitivement passés sous la domination pernicieuse et bourgeoise du révisionnisme moderne. Il est possible qu'ils aient baptisé " autocritique " une manoeuvre démagogique destinée à rétablir leurs relations avec les patriotes algériens. Mais ils sont restés fort discrets à cette occasion et chaque Français qui a soutenu concrètement la juste guerre de libération nationale du peuple algérien comprend facilement pourquoi. Après 1945, les professeurs et instructeurs des Ecoles du Parti communiste français enseignèrent les théorie de Thorez sur l'Algérie à des centaines de milliers d'élèves, adhérents anciens ou nouveaux. Les manuels des écoles élémentaires en font foi: dans 1e cours n° 2 de janvier 1949 portant sur " la Nation française et les classes sociales " , on peut lire en bas de la page 5 que " la réunion sur un même territoire de peuples d'origines diverses (Berbères, Arabes, Israélites, Européens) est un des éléments constitutifs de la Nation algérienne en formation " . On retrouve la même formulation en page 4 en haut du cours n° 1 de janvier 1955 sur le même sujet, alors que la guerre de libération nationale du peuple algérien était déjà commencée.

L'actuel directeur politique de " L'Humanité ", Etienne Fajon, développa largement les innovations théoriques de Thorez dans une conférence sur " les problèmes de l'Union française " présentée à la Mutualité le 17 février 1947, mais nous aurons l'occasion d'y revenir Notons enfin que Marcel Egretaud publia aux Editions sociales, au cours du 3e trimestre de 1957 une étude préfacée par François Billoux, membre du Bureau politique du Parti communiste français, sous le titre " Réalité de la nation algérienne " . Ce document avait pour objet d'adapter la théorie de Thorez sur " la nation algérienne en formation " à la situation nouvelle créée par la généralisation de la guerre de libération nationale menée par le peuple algérien contre le colonialisme. Mais, en dépit de quelques tronquages des discours, du Secrétaire général du Parti, c'était toujours ses idées fondamentales et para-colonialistes qui prévalaient dans cet ouvrage destiné à apaiser les critiques qui se multipliaient alors à la base du Parti.
Au demeurant, rappelons aussi le célèbre article dans lequel Laurent Casanova, natif de Souk-Ahras, développait la théorie de Thorez. sur la " nation en formation " dans le numéro de mars 1939 des Cahiers du communisme (N° 3) (voir Document annexe n° 20) et n'omettons pas que, pendant la guerre, le Parti communiste algérien publia à Alger une série de cours élémentaires dans l'un desquels figurait en bonne place tout ce développement falsificateur.
Mais le glorieux combat patriotique déclenché par le peuple algérien le 1e Novembre 1954 ne pouvait rester sans conséquence dans les rangs des communistes d'Algérie.
Aussi, en août 1958 parut un " Essai sur la nation algérienne " qui fut diffusé comme supplément aux Cahiers du communisme N° 8. Il s'agissait d'une étude publiée le mois précédent (juillet 1958) dans un numéro spécial de la revue théorique du Parti communiste algérien " Réalités algériennes et marxisme " . Il est probable que ce document était dû à la plume d'un des secrétaires du Comité central du Parti communiste algérien, Bachir Hadj Ali. Le secrétaire général Larbi Bouhali faisait alors la guerre... selon une tradition bien établie... à Moscou ! Il est aussi possible que ce texte ait été élaboré collectivement par quelques autres dirigeants du Parti communiste algérien, Algériens d'origine bien entendu.

Ce " supplément " fut distribué au compte-goutte, au niveau des directions fédérales (départementales), mais n'atteint pratiquement jamais la base du Parti français. Il était présenté comme une autocritique... des camarades algériens ! Voyons donc ce qu'il en était en réalité, en limitant, pour l'instant, notre examen aux passages portant sur la ligne élaborée par Thorez.
Le Parti communiste algérien abandonnait sa négation antérieure de la réalité vivante de la nation algérienne. Près de quatre années après le déclenchement de la lutte armée de libération nationale dans les Aurès, rapidement suivie de l'embrasement révolutionnaire de l'Algérie entière, comment donc les communistes algériens auraient-ils pu s'accrocher encore aux élucubrations para-colonialistes de Thorez ?
Nombre de leurs militants de base et plusieurs membres de leur comité central avaient rejeté la discipline de leur Parti dès les premiers mois des combats, pour rejoindre leurs frères patriotes dans les montagnes, comme dans les villes.

Voici donc ce qu'écrivaient les dirigeants communistes algériens sous le titre " Formation et réalité de la nation algérienne " : " Dans une ,étude approfondie, le camarade Joseph Staline a défini la nation comme une " communauté stable, historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique, de formation psychique, se traduisant par une communauté de culture ". L'Algérie réunit AUJOURD'HUI (souligné par nous) l'ensemble des indices de la nation. C'est une communauté stable, historiquement constituée, de langue (l'arabe), de territoire (l'Algérie dans ses limites actuelles, y compris la partie algérienne du Sahara), de vie économique (indice dont la formation a été accélérée par les relations économiques capitalistes introduites par le système colonial), de formation psychique (dont la plus indiscutable est l'aspiration profonde à l'indépendance) se traduisant par une communauté de culture (arabo-islamique ouverte à l'apport de la culture occidentale, française en particulier) "

Suivait un long développement destiné à dégager la responsabilité du Parti communiste algérien pour ses positions antérieures. Le texte évoquait " des défauts d'enfance du mouvement national, en particulier sur le problème de la nation " et, parmi ces défauts, citait " le courant assimilationniste... au sein du congrès musulman dont la position fondamentalement erronée sur le plan national, défendue pourtant par des anti-colonialistes véritables acquis à l'idée d'une personnalité algérienne -Oulémas, P.C.A. -, reflétait surtout la faiblesse du mouvement des masses à l'époque " .

Le lecteur qui a suivi de près l'activité des communistes au sein du " congrès musulman " à l'époque du Front populaire, époque d'intense développement du courant anti-impérialiste parmi les masses algériennes, jugera avec sévérité l'attitude consistant à se décharger d'une culpabilité historique en la rejetant fallacieusement sur les masses ! C'est là une pratique typique de l'idéologie, bourgeoise du révisionnisme, c'est le refus évident d'une autocritique sincère et approfondie.
L'autre défaut cité, outre le réformisme, était " l'étroitesse nationale " : " la conception de la nation. . . . du P.P.A., qui a joué un rôle dynamique dans l'éveil des masses, était empreinte d'étroitesse nationale et de chauvinisme. Elle était loin de correspondre à la conception juste, moderne et politique de la nation. "

Tiens donc ! Les militants qui avaient commencé de s'organiser dans les années 20 et qui avaient revendiqué l'indépendance nationale sans la moindre ambiguïté dès 1933 étaient des chauvins ! Sans doute suffit-il de poser la question de savoir contre qui s'exerçait ce fameux « chauvinisme " ... pour discerner qu'il s'agissait tout simplement du courant national contre le colonialisme, contre l'impérialisme français et l'on peut dès lors apprécier avec la sévérité qui convient la tentative mystificatrice que constitue véritablement la fausse autocritique du P.C.A. en 1958.
D'ailleurs, les militants algériens suivistes du Parti-père français, en écrivant ces contre-vérités n'avaient d'autre objectif que de justifier et préserver les militants, responsables, non: coupables de la théorisation de la ligne assimilationniste antérieure de leur Parti. Qu'on en juge: « C'est dans le cadre de ce contexte historique et politique, écrivaient-ils, avec un mouvement national encore faible et tiraillé par le courant assimilationniste, d'une part, et le chauvinisme, de l'autre, que le camarade Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français, en tournée en Algérie, devait déclarer à Alger en 1939... " Suivait le passage sur " la nation algérienne en formation dans le mélange de vingt races " (!), non sans que soit réaffirmé qu'il s'agissait là de « l'orientation nationale des communistes algériens " constituant " une voie originale à la solution du problème posé par la minorité européenne " et une " contribution positive à la cause algérienne " .
Ensuite l' " Essai sur la nation algérienne " se lançait dans des considérations confuses, souvent basées sur des faits rapportés de façon inexacte et tendancieuse, entre lesquelles on peut relever plusieurs contradictions.

Par exemple, la naissance de " la nation algérienne " était fixée à la période 1942-1946 " grâce en particulier à l'influence des positions du P.C.A. " (!) Une remarque surprenante soulignait involontairement la carence des communiste dans le déclenchement de la lutte armée: " La bataille électorale de février 1948 a confirmé aux yeux des Algériens que d'autres moyens de lutte que le bulletin de vote et les moyens " légaux " étaient nécessaires pour libérer le pays. " Alors ?

Dans la troisième et dernière partie ( quelques problèmes de la nation algérienne), le P.C.A., obligé de " lâcher du lest " par les événements, c'est-à-dire par le combat héroïque des patriotes algériens, lançait quelques vérités historiques en contradiction évidente avec les affirmations antérieures de Thorez et des deux partis communistes français et algérien.

" La nation est formée d'Algériens autochtones. Elle ne comprend pas les Européens d'Algérie (souligné par nous). Seuls, les indices économiques et de territoire existent pour les deux éléments ethniques. Par contre, il faut noter l'absence entre ces derniers d'une " communauté stable, historiquement constituée, de langue et de formation psychique ". Pour ce dernier indice, il faut même ajouter que sur le plan décisif de l'heure, l'indépendance, l'immense majorité des Européens se dresse contre l'aspiration des Musulmans. Le mouvement du 13 mai en apporte une preuve supplémentaire. "

Mais cette constatation n'était concédée qu'avec beaucoup de réticences. Au paragraphe qui la contenait succédaient onze paragraphes portant sur les possibilités et perspectives d'intégration d'Européens ou de Juifs dans la future nation algérienne indépendante ! Enfin venait le corps même d'une autocritique (absolument fausse, comme on va pouvoir en juger) par rapport à la définition de la nation algérienne donnée par Maurice Thorez en 1939 -pour apprécier la situation en Algérie - " Mais comment (le Parti communiste algérien) a-t-il interprété cette définition ? " questionnaient les rédacteurs de ce texte.
" 1e Au lien d'en dégager les aspects fondamentalement justes: formation de la nation (aspect principal) et voie ouverte à l'intégration d'Européens (aspect secondaire), il l'a interprété d'une façon dogmatique, de telle sorte qu'il apparaissait que la nation ne pouvait se former avant la fusion de tous les éléments ethniques, y compris des Européens. Or, le processus de prise de conscience de la nation algérienne, déjà développé chez les Musulmans, ne pouvait pas avoir le même contenu pour l'immense majorité des Européens, et ce malgré les efforts courageux du Parti communiste algérien qui a réussi à former des patriotes d'origine européenne ou israélite. La fusion ou le mélange des deux principaux éléments ethniques actuels est impossible dans le cadre colonial. Raisonner autrement, c'est faire preuve d'idéalisme, c'est penser que la mentalité des Européens pourra se modifier sans que soit brisé le régime économique de type colonial qui engendre (sans que cela soit schématique) cette mentalité: la libération nationale sera l'oeuvre des masses musulmanes qui subissent l'oppression coloniale et constituent de ce fait les forces révolutionnaires. Ainsi, l'expression " nation en formation " qui implique l'idée de mouvement, de progrès, était interprétée de telle façon qu'elle risquait de freiner le mouvement lui-même. "

Il y avait incontestablement dans ce passage une prise de conscience anti-assimilationniste. L'heure avait enfin sonné où des Algériens du Parti communiste algérien, sous les coups impitoyables portés aux théories de Thorez par l'Histoire et plus précisément par le peuple algérien lui-même, découvraient que la nation algérienne et son indépendance nationale ne pouvaient s'accommoder de la situation coloniale. Les phrases soulignés (par nos soins) attestent de cette prise de conscience malheureusement beaucoup trop tardive.

Mais les aspects négatifs l'emportaient encore dans la pensée de ces militants et c'était là non la moindre des conséquences néfastes et décisives de leur complet assujettissement, depuis 22 années, au Parti communiste français.

On trouve encore ici le désir de justifier la ligne erronée antérieure, par la " formation de patriotes algériens d'origine européenne ou israélite " . Nous verrons plus loin ce qu'il en fut très exactement, et si nous exprimons notre respect devant la détermination et les sacrifices de quelques adhérents, européens ou israélites du P.C.A., nous n'en découvrirons pas moins qu'on peut les compter sur les doigts de nos deux mains d'une part, que leurs actions héroïques se sont inscrites pour la plupart contre la discipline et contre les directives de leur Parti d'autre part.

Là n'est pas cependant le plus grave dans la fausse autocritique du Parti communiste algérien.
En effet comment tenir pour une autocritique sérieuse cette auto-flagellation volontaire dont le but est de sauvegarder le plus haut responsable de la ligne remise en question par le développement historique des luttes anti-colonialistes, ligne que pour notre part nous assimilons à une véritable trahison des intérêts révolutionnaires à la fois du peuple algérien et du peuple français lui-même ? Pour ces dirigeants algériens, Thorez restait blanc comme neige ! Mais c'était eux et leur Parti qui avaient fait preuve d'interprétation dogmatique ! Cette attitude est d'une extrême gravité, parce qu'elle va au-delà du simple et néfaste " suivisme ", elle vise à dissimuler l'origine du mal; elle constitue objectivement une manoeuvre pour cacher la réalité, combien éclatante pourtant, de ce mal; elle hypothèque (en 1958) tout redressement, toute rectification; elle bouche définitivement tout l'avenir du Parti communiste algérien. Et l'histoire a tranché et jugé: la poursuite de la soumission des Algériens communistes aux dirigeants révisionnistes de Paris et de Moscou (précisons avec soin qu'il ne s'agit ici que des dirigeants rapidement délaissés par leurs adhérents de base) a conduit leur Parti à sa faillite irréversible, à sa dégénérescence, à sa désagrégation.
Dans un second paragraphe, le texte en cause proclamait encore :

" 2e Interprétant à la lettre la formule " mélange de vingt races ", le Parti communiste algérien affirmait que " l'Algérie n'est ni française ni arabe "... Mais, par ses caractéristiques profonde, elle est de civilisation arabe, incontestablement. Et cela ira en s'accentuant..... L'intégration d'Européens et d'Israélites à la nation algérienne, tout en l'enrichissant d'apports nouveaux, ne changera pas fondamentalement ses caractéristiques principales et originales. "

A quelle dépersonnalisation nationale de leurs homologues algériens n'étaient pas parvenus les dirigeants communistes français en les dominant !

Même en découvrant que l'Algérie, leur nation était " incontestablement arabe " , les dirigeants algériens inventaient qu'elle allait le devenir de plus en plus..... Mais n'omettaient surtout pas de réserver une place importante à " l'intégration d'Européens " , à une époque où se développait une guerre totale entre colonisateurs et colonisés !

Et toute cette dérision pour ne pas avoir à contredire Maurice Thorez, qui n'avait pas encore approuvé l'attitude du jeune soldat communiste Alban Liechti refusant d'aller tirer sur les patriotes algériens !

" A quoi sont dues ces deux interprétations dogmatiques ? " poursuivait " l'Essai sur la nation algérienne " .
" 1) A une certaine sous-estimation persistante de la puissance des facteurs nationaux algériens... " qu'il expliquait de manière juste, non sans essayer ensuite d'amoindrir la portée de leur aveu.
" Cette sous-estimation de la puissance du mouvement de libération nationale a des causes dont l'origine remonte à la façon même dont les idées communistes ont pénétré en Algérie. Les premières organisations communistes, rattachées au Parti communiste français, étaient formées d'abord de travailleurs européens, lutteurs courageux à la conscience de classe élevée, mais qui, ne subissant pas l'oppression coloniale, ne pouvaient appliquer correctement la doctrine marxiste-léniniste à la réalité nationale de l'Algérie... "

C'est là précisément l'un des aspects de notre critique, à cette précision près que nous n'avons pas assimilé à des " lutteurs courageux à la conscience. de classe élevée " les bourgeois sociaux-démocrates, colonialistes et racistes, qui prétendirent fonder le Parti communiste français en Algérie.

Le P.C.A. poursuivait ensuite sa réponse attribuant son " dogmatisme " :
" 2) A une certaine surestimation des sentiments anti-colonialistes parmi les travailleurs européens, alors que le régime colonial a rendu ces derniers plus perméables à l'idéologie raciste et colonialiste, grâce à une entreprise de corruption sociale qui en fit des privilégiés par rapport à la grande masse de musulmans. "

Cette explication, également juste, était directement liée à la première, elle constituait la seconde facette du même phénomène. Mais dans leur désir de justifier à tout prix leur ligne antérieure, les auteurs invoquaient alors leurs succès électoraux (!) ayant amené leur Parti ( c'est encore un aveu important) à ne " pas abandonner le travail parmi les Européens, contrairement aux partis nationalistes " , comme quoi le virus électoraliste avait été transmis à ces militants algériens tout comme une maladie contagieuse traversant la Méditerranée ! Et comme " risque " de ce travail politique (en direction des Européens), les auteurs algériens de ce document signalaient leur " retard à percevoir les profonds changements dans les masses musulmanes et à adapter la définition de Maurice Thorez à l'évolution des événements " .
Ces hommes étaient-ils aveugles, malhonnêtes ou masochistes ? lorsqu'ils concluaient: " ...l'interprétation et l'application schématique de l'idée originale et juste donnée par Maurice Thorez pour ouvrir la voie à l'intégration des Européens d'Algérie a amené à accorder une importance exagérée à la place des Européens dans la nation et l'a empêché de mener avec plus de fermeté la lutte contre la pression de l'idéologie colonialiste. "

[à suivre]


Edité le 10-12-2011 à 22:03:53 par Xuan


Xuan
[suite]


Réalité historique de la nation algérienne

Dans un texte de présentation du précieux numéro spécial de la revue Le Mouvement Social consacré au Mouvement français et l'Afrique du Nord, René Galissot, sous le titre " Question coloniale, question nationale " écrit :
" ...La définition et l'explication historique de ce qu'est une nation ne cessent de faire problème, et la formation nationale au Maghreb en particulier, et plus largement même dans le monde arabe et hors d'Europe, renouvelle les interrogations à l'adresse d'une histoire qui se veut science des faits collectifs... "

L'auteur de ces lignes ignore-t-il la définition de la " nation " la plus complète formulée jusqu'ici, dûe à Staline et approuvée par Lénine, en son temps, c'est-à-dire en 1913 ? Selon la théorie alors élaborée (nous l'avons déjà exposé dans son texte original), " la nation est une communauté humaine stable qui s'est constituée historiquement, née sur la base de la communauté de quatre caractères fondamentaux, à savoir: sur la base de la communauté de langue, de la communauté de territoire, de la communauté de vie économique et de la communauté de conformation psychique, manifestée par la communauté des propriétés spécifiques de la culture nationale. " ( définition reformulée par Staline le 18 mars 1929 -publiée ensuite sous le titre " La question nationale et le léninisme -Réponse aux camarades Mechtov, Kovaltchouk et autres " (119)

Pourquoi donc l'universitaire français méconnait-il, ou du moins feint-il de méconnaître, cette définition effectivement scientifique et pourquoi donc, s'il la connaît, la considère-t-il implicitement comme soulevant problème dans son application aux pays du Maghreb, à l'Algérie pour ce qui concerne notre propos ?

En posant ces questions, nous n'entendons nullement rechercher quelque querelle personnelle à un auteur dont nous apprécions les apports sur l'Algérie comme principalement positifs. Nous voulons simplement souligner qu'à partir du moment où, Thorez ayant bafoué à sa manière le juste contenu de la définition stalinienne de la nation et les révisionnistes modernes ayant, ensuite, incinéré la dépouille du continuateur de Lénine, aucun auteur, aucun universitaire français n'ose plus se référer à la seule théorie scientifique de la " nation " dont on dispose à ce jour. Et pourtant, là se trouve exclusivement toute juste solution de la " question nationale et coloniale " , où qu'elle se trouve posée de par le monde et à quelque époque que ce soit.
On prétend que cette dernière question s'est développée, depuis 1913, dans des conditions telles que les problèmes soulevés ne peuvent plus être résolus sur la base de la définition fournie à l'époque. En réalité, la subversion du révisionnisme moderne s'est accompagnée d'autodafés des ouvrages de Staline, et de la sorte on ignore les textes qu'il produisit, bien après 1913, sur la " question nationale et coloniale " , précisant et élargissant la portée du texte d'origine.
Par exemple, en 1929, dans la " Réponse à des camarades " que nous venons de mentionner, Staline fit un développement nouveau tenant compte des interrogations soulevées par la situation des colonies. II traita ainsi de " la notion de nation " :
" ...A ce qui ressort de vos lettres, vous jugez cette théorie.(celle de 1913 -précisé par nous) insuffisante. C'est pourquoi vous proposez d'ajouter aux quatre caractères de la nation un cinquième caractère: l'existence d'un Etat national propre distinct. Vous considérez que sans ce cinquième caractère il n'y a pas et il peut pas y avoir de nation.
Je pense que le schéma que vous proposez avec ce nouveau et cinquième caractère de la notion de nation est profondément erroné, et ne peut être justifié ni théoriquement, ni pratiquement - politiquement. Avec votre schéma, il faudrait ne reconnaître comme nations que celles qui ont leur Etat propre distinct des autres ; et toutes les nations opprimées, privées du caractère d'Etat indépendant, il faudrait les rayer de la liste des nations; cependant que la lutte des nations opprimées contre l'oppresseur national, la lutte des peuples coloniaux contre l'impérialisme, il faudrait l'exclure de la notion de " mouvement national " ou de " mouvement de libération nationale ". Bien plus, avec votre schéma, il faudrait affirmer: a) que les Irlandais ne sont devenus une nation qu'après la fondation de " l'Etat libre d'Irlande ",
et que, jusque-là, ils ne constituaient pas une nation;. . . .
On pourrait citer une multitude de tels exemples. . . .
Pratiquement, politiquement, votre schéma conduit inévitablement à justifier l'oppression nationale, l'oppression impérialiste, dont les tenants refusent résolument de considérer comme de véritables nations les nations opprimées et les nations qui ne jouissent pas de tous leurs droits, les nations qui ne possèdent pas leur Etat distinct, et jugent que cette circonstance leur donne le droit d'opprimer ces nations... "


Revenons à la théorie de Thorez sur l'Algérie. Elle comporte deux éléments: c'est une nation
1) " en formation "
2) [ i]" dans le mélange de vingt races "[/i] .

Arrêtons-nous d'abord sur le premier point. Le secrétaire général du Parti communiste français ne se comportait-il pas exactement comme les contradicteurs de Staline ? En 1939, en effet, il n'y avait pas d'Etat algérien, parce que l'impérialisme français maintenait sous son oppression colonialiste le peuple algérien.

Or affirmer que la nation algérienne n'était alors qu'en formation, n'était-ce pas faire preuve de la même cécité que Mechtov et Kovaltchouk, ou tout simplement, de mauvaise foi.

Voyons donc cette affaire d'un peu plus près.
Y avait-il " nation " en Algérie en 1830 au moment de l'agression et de la conquête française ?
D'après les indications de Staline, la " nation " apparaît dans la période ascendante du capitalisme; A partir d'une société féodale encore morcelée, elle naît à travers un processus d'unification auquel contribue la classe montante, la bourgeoisie.
Avant le stade de la nation existent un ou plusieurs Etats féodaux.
Or, justement, dans le cas qui nous intéresse, quand le colonialisme français intervint en Algérie, ce pays se trouvait engagé dans le processus historique conduisant, sous intervention des forces économiques et sociales en plein développement, du féodalisme au capitalisme, de l'Etat féodal à la nation capitaliste.
Une polémique intéressante a opposé sur ce point et quelques autres s'y rapportant l'universitaire algérien Mohamed Chérif Sahli à l'auteur français (et révisionniste) André Prenant.
Sans employer la formule de Thorez gravement infirmée par les événements, pendant la guerre, ce dernier tenta d'en perpétuer le sens et la portée en invoquant le fait qu'en 1830 la nation algérienne était " inachevée " .
Il s'attira ainsi la riposte légitime et explicite que voici :
" ...Cette thèse appelle une série d'observations :
1. -Bien que la plupart des dirigeants fussent encore d'origine turque, le régime n'avait plus que des liens moraux avec la Turquie, l'Algérie étant, en fait et en droit, un pays indépendant depuis 1710.
Il est vrai que le régime était " féodal ", mais ne convient-il pas de tenir compte des forces populaires qui bouillonnaient derrière cette façade traditionnelle ? Cette " féodalité " paraissait assez solide dans le Sud-Constantinois, mais elle commençait à se désagréger ailleurs, puisqu'en quelques années la résistance nationale animée par l'émir Abd-el-Kader parvint à la balayer en Oranie et dans l'Algérois. Le ralliement aux Français de certains féodaux s'expliquait par leur espoir de rétablir leur autorité sur les tribus qui s'en étaient affranchies.
(voir l'échange de lettres entre Saïd Ourabah et le commandant français -Robin: Histoire de Bougie).

2. -Les tribus makhzen, les azeliers, les Turcs et autres soutiens ou bénéficiaires du régime oligarchique d'avant 1830 ne constituaient qu'une minorité de la population algérienne. A titre indicatif, on relève chez Venture de Paradis, le chiffre de sept à huit mille Turcs établis dans toute l'Algérie en 1789. Transformer une opposition classique entre majorité et minorité en un conflit de " groupes " revient à mettre entre parenthèses le poids spécifique des choses et leur importance relative.

3. -Entre cette majorité et cette minorité, il y avait des différences portant sur la condition sociale, mais non sur la langue ni la culture puisque, abstraction faite des dialectes berbères, la langue nationale, la langue officielle était l'arabe que les Turcs eux-mêmes utilisaient, depuis le simple janissaire jusqu'au dey.
Liées par une communauté de religion, de langue et de culture, la majorité et la minorité étaient également d'accord sur le maintien de l'indépendance du pays et de son intégrité territoriale. Leur opposition portait sur la nature sociale et politique du régime et aurait pu être résorbée soit par une évolution démocratique, soit par une révolution comme celle que l'Emir Abd-el-Kader avait menée avec succès pendant une courte période. De tels conflits se retrouvent encore, à des degrés divers, dans tous les pays et sous toutes les latitudes, tant il est vrai que la nation homogène n'est qu'un cas idéal, inconciliable avec le mouvement dialectique de la vie tirant sa force de la complexité, de la diversité et de la contradiction.

D'une autre nature et d'une autre gravité était le conflit qui devait plus tard opposer la minorité européenne au peuple algérien dans le cadre de la domination coloniale. L'un aspirait à l'indépendance nationale, l'autre, bénéficiaire et soutien du régime, voulait le maintien des liens de dépendance à l'égard de la France. L'un et l'autre différaient considérablement tant par leurs intérêts, leur position sociale et politique que par leurs origines ethniques, leur langue, leur culture et leur religion. L'issue de leur conflit a prouvé combien était chimérique et inattentive au devenir historique la conception qui voulait, un certain temps, voir en eux les éléments d'une " nation en formation ".

4. -Il nous semble peu conforme à la vérité historique et au rôle de l'Islam dans la société algérienne d'affirmer que " l'unification " avait pu être facilitée par " la conscience de l'appartenance commune à l'Islam et la volonté de le défendre contre les infidèles ".
Voir en quelque sorte dans la solidarité nationale un résultat de la lutte contre les " infidèles ", n'est-ce pas en faire un épiphénomène, quelque chose de négatif et de précaire ? Si ce lien de cause à effet était exact, il aurait da se vérifier plus tôt, dans les siècles antérieurs, alors que l'offensive chrétienne contre le Maghreb avait pris les allures d'une nouvelle croisade, notamment au XVIe siècle, après l'occupation par les Espagnols de quelques points de la côte algérienne. L'évolution des rapports de l'Algérie avec les Etats chrétiens depuis le XVIe siècle montrait un souci de distinguer dans le bloc de la chrétienté des puissances amies et des puissances ennemies. L'opposition de l'opinion publique à la politique étrangère des Deys, au début du XIXe siècle, ne visait pas l'existence de relations correctes ou amicales avec des Etats chrétiens, mais l'ingérence de certaines puissances occidentales dans les affaires intérieures de l'Algérie.
Aucun contemporain de la conquête n'a à notre connaissance, attribué un caractère fondamentalement ou principalement religieux à la résistance algérienne. Les textes déjà cités de Bugeaud et du rapporteur du senatus-consulte de 1865 sont, à cet égard, suffisamment explicites et significatifs. Bien plus, il convient de rappeler que certains chefs religieux s'étaient ralliés à la France, notamment le cheikh Tidjani dont Abd-el-Kader dut, en 1838, détruire la résidence fortifiée à Ain-Madhi, près de Laghouat. Par contre, au lendemain du traité de la Tafna qui reconnaissait l'existence d'un Etat algérien souverain et abolissait, ipso facto, la capitulation de 1830, d'autres chefs religieux reprochaient à Abd- el-Kader d'avoir, par cet accord, trahi l'idéal de la guerre sainte. Ce fut le cas du chef derquaoui Hadj Moussa qui, brandissant le drapeau vert, s'attaqua à l'armée d'Abd-el- Kader en assurant ses propres fidèles que sa " baraka " les mettait à l'abri des balles. Si sa " baraka " a un tel pouvoir, je suis prêt à me rallier à lui, disait Abd-el-Kader avant de les faire disperser à coups de canon. Abd-el-Kader se montra très magnanime avec les révoltés et libéra tous les prisonniers, tandis que Hadj Moussa, s'enfuyant au Sahara, disparut définitivement de la scène politique.
Guerre nationale, non pas guerre de religion. Mais l'Islam ne pouvait pas ne pas jouer un rôle important, parce qu'il était une composante essentielle de la personnalité algérienne. Dans cette lutte contre les conquérants, inégale au départ, il devait mobiliser les énergies et les forces morales. Mais on se méprendrait à vouloir l'enfermer dans l'alternative de la théocratie ou de la laïcité. Chez les patriotes algériens, le sentiment national était inséparable de la foi islamique sans s'identifier à elle. Enfin, il convient de remarquer que l'Algérie moderne s'était définie non seulement contre les interventions chrétiennes, mais aussi par rapport aux pays voisins, liés à elle par la communauté des origines ethniques, de l'histoire, de ta langue et de la religion.

5. -Dire que 1830 constituait une étape vers" l'achèvement d'une nation algérienne ", c'est simplifier de façon excessive la courbe de l'histoire. C'est faire abstraction des efforts du régime colonial, sur les plans culturel, social et économique pour détruire la nationalité algérienne, ce dont nous avons déjà parlé. La domination coloniale ne fut pas, pour la nation algérienne, une période d'ascension continue vers l'unité; elle connut des bas et des hauts, des épreuves terribles qui faillirent la rayer de la carte, la priver de sa personnalité, de son identité, pour la rejeter dans le néant et l'anonymat de la préhistoire, si chers à certains de ses historiens.

6. -La " nation inachevée " de 1830 rappelle curieusement la théorie de la nation " en formation " mise en avant par les amis d'André Prenant entre 1939 et 1954. Il semble que Prenant, voyant cette théorie démentie et dépassée par l'évolution récente a voulu la rectifier en la transposant dans le passé...
En effet, considérer le peuple algérien comme " nation en formation " à un moment de l'histoire où il luttait pour sa libération, c'était poser un préalable à l'indépendance, subordonner celle-ci à une unité nationale irréalisable dans la conjoncture et dans les termes où elle était posée, à savoir: la fusion morale de la minorité européenne et de la majorité algérienne... "


Nous l'avons déjà dit et nous ne cesserons de le répéter : c'est le peuple algérien qui écrira lui-même son histoire passée la plus authentique.
En tout état de cause, pour nous, que la " nation " algérienne existe en tant que telle dès 1830 ou non, ne constitue pas le critère décisif pour condamner la théorie de Thorez application dogmatique et fausse de la définition de Staline.
Parce qu'une réalité historique indélébile nous paraît indiscutable: en 1939, quand le secrétaire général du Parti communiste français fit son fameux discours d'Alger, il y avait beau temps que la situation de l'Algérie n'était autre que celle d'une " nation " opprimée par un impérialisme étranger.
En 1939, l'étape de l'unification nationale et de la centralisation de l'Etat algérien auraient été largement dépassée si les patriotes algériens, de l'Emir Abd-el-Kader à l'Emir Khaled en passant 'par El Moqrani, étaient parvenus militairement ou politiquement selon les uns ou l'autre, à triompher des agresseurs et des occupants illégitimes de leur patrie, de leur " nation " .

Le 10 avril 1968, le quotidien algérien El Moudjahid , sous le titre " Cet homme exceptionnel " rappelait ce que proclama, en avril 1936, dans la revue Ach Chihab , le cheikh Abdelhamid Ben Badis, animateur du mouvement des Oulémas :

" Nous avons cherché dans l'Histoire et dans le présent aussi et nous avons constaté que la nation algérienne musulmane s'est formée et qu'elle existe, comme se sont formées et existent toutes les nations de la terre.
Cette nation a son histoire illustrée par les plus hauts faits, elle a son unité religieuse et linguistique; elle a sa culture, ses traditions et ses caractéristiques, bonnes ou mauvaises, c'est le cas de toute nation sur terre.
Nous disons que cette nation algérienne n'est pas la France, ne veut pas être la France, ne peut pas être la France. "


Venons-en maintenant à la seconde partie de la théorie thorézienne sur la nation algérienne: " dans le mélange de vingt races " .
Concrètement cette idée visait à dénier aux Algériens authentiques (Arabes, Kabyles et autres autochtones) leur personnalité nationale, ou, tout au moins, à en conditionner la reconnaissance par son extension à la communauté européenne. Autrement dit, il s'agissait de " mélanger " colonisés et représentants de la colonisation. Il ne s'agissait de rien d'autre que d'une forme nouvelle du vieil assimilationnisme, et, à la limite, de l'intégrationnisme qu'avaient déjà si ardemment, défendus les politiciens socialistes. Jaurès n'aurait pas
fait mieux, ni plus mal. . . .
Avec la pondération et la sagesse qui font partie des qualités nationales du peuple algérien, l'a " Proclamation " adressée le 1e novembre 1954 " Au peuple algérien, aux militants de la cause nationale ! " par ceux qui déclenchèrent la guerre patriotique, mit un point final décisif à cette seconde présentation de la théorie élaborée par Maurice Thorez.
Après avoir fixé comme objectif du " Front de Libération Nationale " " la reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l'Algérie une terre française en dépit de l'histoire, de la géographie, de la tangue, de la religion et des moeurs du peuple algérien " , cette Proclamation indiquait :

" Tous les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité d'origine et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité algérienne et dans ce cas seront considérés comme tels en droits et en devoirs. "
De là " nation en formation dans le mélange de vingt races " à la " nation algérienne " ainsi annoncée dans sa réalité historique comme dans sa générosité et son hospitalité traditionnelles, il y avait la voie héroïque dans laquelle seuls de véritables révolutionnaires algériens pouvaient entraîner leur peuple, la voie difficile, douloureuse et glorieuse de la guerre de libération nationale dont s'était délibérément détourné la ligne des Partis communistes français et algérien.

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119) Le Marxisme et la question nationale et coloniale par J. Staline ES 1949 - Réédition Norman Bethune 1974
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prochainement la suite :
-La fausse autocritique du parti communiste algérien sur la question nationale {juillet 1958)
-Le peuple algérien a fait justice des théories para-colonialistes du révisionniste moderne Maurice Thorez

[à suivre]
Xuan
[suite]


Une falsification de l'histoire :
la théorie de l'Algérie, nation en formation dans le creuset de vingt races (février 1939)


Le 11 février 1939 à Alger, Thorez 'acheva l'élaboration théorique, de la ligne contre-révolutionnaire des Partis communistes français et algérien sur la question nationale. Dans un discours prononcé devant les communistes d'origine européenne et quelques militants d'origine algérienne, assemblés avec un certain nombre de notables algériens, le secrétaire général du Parti communiste français se fit le plus rusé complice du colonialisme français. Osant encore vanter le Front populaire alors qu'en France sa rupture était consommée et qu'en Algérie sa duplicité était dévoilée, il se plaça dès ses premières paroles, sur le terrain exclusivement assimilationniste qu'il allait défendre :

" ...Il s'agit bien, n'est-il pas vrai, de lutter pour le salut de la démocratie et de la paix dans l'honneur et la dignité de NOTRE FRANCE A TOUS. (Souligné par nous). "

Après " le Front populaire au service du peuple " , il exalta " le Front des Français " :
" Nous avons dit et nous répétons :
" Unir tous les hommes qui veulent vivre libres, sans distinction de races ni de religions, tous les Français de France et tous les Français d'Algérie. Quand je dis Français d'Algérie, je vous entends tous ici présents, vous les Français d'origine, les Français naturalisés, les israélites, et vous aussi les musulmans arabes et berbères, tous les fils, sinon par le sang, du moins par le coeur de la Grande Révolution française qui ne faisait aucune distinction entre les races et les religions quand elle affirmait que la République française était une et indivisible.
Unir enfin autour du peuple de France continuant sa marche historique vers le progrès et réalisant sa grande mission de liberté et de paix dans le monde, tous les peuples de bonne volonté "


Ces références à la révolution démocratique bourgeoise de 1789 n'étaient pas seulement grotesques, mais également indécentes: la classe qui avait assuré sa domination politique, économique et idéologique en France un siècle et demi, avant ce discours d'Alger n'était autre que la classe bourgeoise, entre-temps devenue impérialiste et colonialiste. C'était précisément la classe exploiteuse et conquérante, qui de 1830 à 1848, avait réalisé dans un bain de sang comparable au véritable génocide d'un peuple la conquête coloniale de l'Algérie ! Mais voici le morceau de choix du discours de Thorez :

" ...Où est maintenant dans votre pays la race élue, celle qui pourrait prétendre à la domination exclusive, celle qui pourrait dire: cette terre a été la terre de mes seuls ancêtres et elle doit être la mienne ? "

Cette question ignoble visait à nier le caractère national du peuple algérien, et laissait implicitement aux colonialistes la libre faculté d'enseigner aux enfants arabes et berbères la fameuse et méprisable contre-vérité suivant laquelle leurs ancêtres n'étaient autres que les gaulois !

La réponse était tout aussi odieuse; en quelques phrases elle contenait la théorie assimilationniste, et donc colonialiste, de Maurice Thorez sur l'Algérie :
" Il y a la nation algérienne qui se constitue historiquement et dont l'évolution peut être facilitée, aidée par l'effort de la République française (souligné dans tous les textes édités par le Parti communiste français ). Ne trouverait-on pas ici parmi vous, peut-être, les descendants de ces anciennes peuplades numides civilisées déjà, au point d'avoir fait de leurs terres, le grenier de la Rome antique, les descendants de ces Berbères qui ont donné à l'Eglise catholique Saint-Augustin, l'évêque d'Hippone, en même temps que le schismatique Donat; les descendants de ces Carthaginois, de ces Romains, de tous ceux qui, pendant plusieurs siècles, ont contribué à l'épanouissement d'une civilisation attestée encore aujourd'hui par tant de vestiges comme ces ruines de Tébessa et de Madaure que nous visitions il y a quelques jours. Sont ici maintenant les fils des Arabes venus derrière l'étendard du prophète, les fils aussi des Turcs convertis à l'Islam venus après eux en conquérants nouveaux, des Juifs installés nombreux sur ce sol depuis des siècles. Tous ceux- là sont mêlés sur votre terre d'Algérie, auxquels se sont ajoutés des Grecs, des Maltais, des Espagnols, des Italiens et des
Français, et quels Français ! Les Français de toutes nos provinces, mais en particulier les Français des terres françaises de Corse et de Savoie, ceux de la terre française d'Alsace venus en 1871 pour ne pas être Prussiens.
Il y a une nation algérienne qui se constitue, elle aussi, dans le mélange de vingt races.
(Souligné par nous). "

La péroraison de l'orateur mérite d'être rapportée:

" Nous devons nous unir, musulmans, pour avoir le droit d'aller dans vos mosquées, juifs pour avoir celui d'aller dans vos synagogues, catholiques et protestants pour pouvoir aller dans vos temples et vos églises, francs-maçons pour pouvoir discuter librement dans vos loges, communistes enfin pour proclamer notre foi dans le noble idéal de libération humaine qui nous anime.
Unis pour la défense des libertés de chacun et des libertés de tous.
Unis pour défendre notre pain, sauvegarder et étendre nos droits de liberté, pour maintenir la paix, ce bien le plus précieux des hommes, dans l'honneur et l'intégrité de la plus grande France.
(Souligné par nous).

A cette noble tâche, le Parti communiste, avec tous les militants et groupements du Front populaire, vous appelle tous. Soyez persuadés, chers camarades algériens, que nous sommes sensibles à la chaleur de votre accueil. Soyez persuadés que nous mesurons en même temps l'honneur qui nous est fait, toutes les responsabilités qui nous incombent devant vous et devant notre peuple.
Allons de l'avant, calmes, tranquilles. Notre cause, la cause de la liberté, la cause de la paix et de la France.
(Souligné par nous) triomphera par l'unité. Vive l'unité! "

Avec ce discours triomphait l'opportunisme de droite et l'idéologie bourgeoise. Les militants communistes étaient battus, qui s'en étaient tenus jusque-là à l'idéologie prolétarienne, au léninisme, à l'anti-colonialisme. La huitième des vingt-et-une conditions d'admission à l'Internationale communiste, approuvée par la majorité des délégués du Congrès de Tours, était délibérément violée. Les décisions du VIIe Congrès de l'Internationale étaient abandonnées. A l'analyse de classes établissant la contradiction fondamentale entre le peuple algérien dans sa masse et ses oppresseurs colonialistes était substituée une thèse conciliatrice de collaboration entre colonisés et colonisateurs.
Le jauressisme triomphait du léninisme ! La définition théorique de la " nation " fournie par Staline était bafouée (voir Document N° 15).
Aussi, désormais, pour les plus clairvoyants des patriotes algériens il n'y avait vraiment plus aucune illusion à nourrir sur l'aide éventuelle des communistes: pour vaincre le colonialisme il allait falloir compter exclusivement sur ses propres forces, sur les forces du peuple algérien, qui paraissaient encore si faibles, mais que l'Histoire allait consacrer comme seules décisives.

[à suivre]
Xuan
[suite]

L'impossible plaidoyer de l'Institut Maurice Thorez

Nous avons eu l'occasion d'en faire la surprenante constatation à l'occasion d'une polémique ouverte en 1970 entre l'Institut Maurice-Thorez et l'Institut de Recherches de la Fondation Ebert à propos de la ligne suivie par le Parti communiste français dans les questions coloniales.
Jean Suret-Canale, président de l'aéropage français, a riposté, dans le numéro 18 des Cahier de l'Institut Maurice Thorez (2e trimestre 1970) à l'étude publiée, sous les auspices de l'aéropage social-démocrate allemand, par Jacob Moneta sous le titre " Le P.C.F. et la question coloniale " . Traduit en français, ce livre venait de paraître sous parrainage troskyste.
Il présentait de nombreux textes extraits des Cahiers du bolchevisme et des Cahier du communisme, assortis de commentaires quelquefois fondés, mais souvent subjectivistes, tendancieux et erronés. L'auteur s'efforçait en particulier d'accréditer la thèse de la responsabilité de Staline et de l'Internationale communiste dans les abandons et reniements des principes de Marx et Lénine, dont s'est rendu coupable le Parti communiste français envers certains peuples colonisés en lutte pour leur indépendance nationale. Sur ce point précis, notons au passage le silence complet de Suret-Canale. Il est clair que l'Institut Maurice Thorez n'entend pas défendre Staline et ne risque pas d'entrer en contradiction, à son sujet, avec quelque social-démocrate ou trotskyste que ce soit.
Mais la réfutation de l'ouvrage de Moneta par le président de l'Institut Maurice Thorez comporta essentiellement :

1. L'étalage des brevets d'anti-colonialisme délivrés, outre celui de Le Duc-Tho, membre du Bureau politique du Parti des Travailleurs du Vietnam, par des dirigeants de Partis africains non prolétariens, au Parti communiste français.
2. La mise en avant d'un texte émanant du respecté président Ho Chi-minh.
3. L'emploi d'une polémique plus alimentée d'insinuations et d'injures que d'arguments convaincants, notamment par rapport à la nationalité " allemande " de Moneta. ( " l'anticommunisme pathologique qui l'imprègne, se situe dans le prolongement direct de l'idéologie enracinée par le nazisme et nous fait invinciblement penser au mot de Brecht " Le ventre est encore fécond qui engendra la bête immonde "" .
Traiter, ou à peu près, de " nazi " un autre intellectuel, parce qu'il avance une série de critiques justes ou erronées portant sur la politique du Parti communiste français, voilà qui peut surprendre, venant d'un universitaire que le révisionnisme moderne incite aux plus larges ouvertures !
L'argument de Suret-Canale qui nous semble justement le plus digne de réfutation se trouve dans les lignes suivantes :
" ...La position de certains dirigeants nationalistes des colonies, qui n'hésitaient pas à envisager " L'ALLIANCE " avec les fascismes hitlérien, mussolinien ou japonais contre l'impérialisme oppresseur, pour explicable qu'elle fût, n'en était pas moins erronée... " .

Dans le cas précis de l'Algérie, nous l'avons vu, cette allégation ne résiste pas à la recherche historique objective : aucun dirigeant nationaliste-révolutionnaire algérien n'a sérieusement " envisagé " de s'allier avec quelque fascisme que ce soit. " L'attitude du fascisme dans les territoires occupés et ses principes " racistes " pouvaient aisément laisser prévoir de quelle sorte " d'indépendance " pourraient bénéficier les naïfs qui se laisseraient tenter par une telle option... " Ici Suret-Canale imite Saint-Jean-Bouche-d'Or. De plus, il enfonce des portes ouvertes. " C'est pourquoi, poursuit-il, en dépit des difficultés et des incompréhensions momentanées que pouvait comporter la renonciation à proposer l'indépendance comme objectif immédiat, les dirigeants les plus clairvoyants du mouvement de libération nationale, parmi lesquels les communistes, en particulier ceux d'Indochine, mirent au premier plan de leurs objectifs la lutte et le rassemblement anti-fascistes. " Dont acte.

En effet, DES 1936, certains dirigeants de Partis communistes des colonies soumis au contrôle du Parti-père français, (tels le Parti communiste algérien, le Parti communiste tunisien ou le Parti communiste syrien) abandonnèrent la ligne fondamentale définie par Lénine dans les 21 conditions et nullement remise en cause par le VIle Congrès de l'Internationale communiste. Mais en fut-il vraiment ainsi pour le Parti frère vietnamien ? L'Institut Maurice Thorez, riche d'archives nationales et internationales, pourrait-il apporter un seul témoignage datant des années 1936, 1937 ou 1938 et prouvant le renoncement du Parti communiste indochinois au mot d'ordre d'indépendance nationale ?
Suret.Canale, non sans savantes précautions, tente d'abuser son lecteur qui, songeant à la période du Front populaire, la prend spontanément en considération dans sa période ascendante, c'est-à-dire en 1936. Et notre académicien d'avancer l'argument qu'il veut et croit décisif, mais qui va se retourner contre lui: " A l'heure actuelle, écrivait alors le président Ho Chi-minh dans les directives envoyées de Chine (où il était réfugié), le Parti (le Parti communiste indochinois), doit 's'abstenir de viser trop haut dans ses revendications (indépendance, parlement, etc.), pour ne pas donner dans le piège des fascistes japonais. Qu'il se borne à réclamer les droits démocratiques, les libertés d'association, de réunion, de presse et d'opinion, l'amnistie générale pour les condamnés politiques, qu'il lutte pour le droit à l'activité légale.
En vue de ces objectifs, le Parti doit s'employer à créer un large Front national démocratique, qui comprendrait non seulement les Indochinois, mais aussi des Français progressistes, non seulement des couches laborieuses, mais aussi la bourgeoisie nationale. "

Comme sa démonstration vise à justifier la ligne thorézienne mise en application dès 1936, Suret-Canale, fournit à cette citation un contexte habilement orienté dans ce sens :
" Le Front populaire, écrit-il, s'il ne modifia pas fondamentalement le régime colonial, rendit possible pendant quelque temps une activité légale ou semi-légale, améliora la législation du travail, et surtout donna l'AMNISTIE aux condamnés politique. "
C'est en effet à ces avantages ( que le gouvernement du Front populaire allait promptement annuler, après les avoir cédés sous la pression des masses), que fut consacrée une partie de la Résolution de la commission coloniale du Congrès d'Arles. Il fallait bien justifier le soutien actif au gouvernement Blum, pour mettre en application la ligne de dis- solution du Parti dans le Front populaire, et il fallait avancer quelques arguments en direction des peuples des colonies !
Mais n'avait-on donc rien appris du fait que le gouvernement du camarade Léon Blum avait décrété l'interdiction de l'Etoile Nord-Africaine le 27 janvier 1937 ? Et le camarade Daladier n'allait-il pas décréter celle du Parti Populaire Algérien le 29 septembre 1939 ? Qu'à cela ne tienne, la générosité du Front populaire est allée, pour Suret-Canale, jusqu'à permettre une activité " semi-légale " ! Sans doute les camarades vietnamiens surent-ils profiter, et tant mieux, dans leur situation spécifique, d'un certain relâchement temporaire du terrorisme colonial, de 1936 à 1939, mais les conditions de la lutte nationale dans les pays d'Afrique du Nord ne bénéficièrent pas de circonstances comparables.
Toujours est-il, et c'est le point essentiel que nous désirons mettre en valeur, que le texte de Ho Chi-minh invoqué par Suret-Canale comme figurant dans " des directives envoyées de Chine " (à qui ?) ne date absolument pas de 1936 ou des années suivantes, disons des années de gouvernement du Front populaire. Il ne constitue pas davantage une " directive " à qui que ce soit.
Il s'agit d'un rapport adressé par le dirigeant vietnamien à, l'Internationale communiste en juillet 1939, c'est-à-dire à une date où la politique du gouvernement français n'a déjà plus rien à voir avec le programme du Rassemblement populaire de 1936. Ce rapport concerne essentiellement la ligne du Parti frère durant la période du Front démocratique , front national organisé avec toutes les couches patriotiques d'Indochine, y compris la bourgeoisie nationale, contre l'impérialisme français.
Ce qu'omet de révéler Suret-Canale, trop préoccupé de démontrer la " justesse " de la ligne thorézienne inaugurée par le Parti communiste français, en 1936, c'est que moins de deux ans plus tard, le 6 juin 1941, Nguyen Aï Quoc adressa une " lettre de l'étranger " à ses compatriotes, dans laquelle on peut lire: " Depuis que les Français ont été battus par les Allemands, leurs forces se sont désagrégées. Mais envers notre peuple, ils continuent leurs abominables procédés de pillage, sucent notre sang et appliquent ouvertement une politique de massacre et de terreur... (Ils ont) livré lâchement notre pays aux Japonais. Notre peuple gémit sous un double joug... Non ! Plus de 20 millions de descendants des Lac et des Hong sont décidés à ne pas supporter plus longtemps cette vie d'esclaves. Depuis quatre-vingt ans, sous le talon de fer des pirates français, jamais nous n'avons cessé de combattre pour la liberté et l'indépendance nationale quoi qu'il en coutât " (souligné par nous). Aujourd'hui, l'heure de la libération a sonné. La France s'est révélée incapable d'exercer par elle-même sa domination sur notre pays. Quant aux Japonais, enlisés en Chine... ils ne peuvent engager toutes leurs forces contre nous... Chers compatriotes dans tout le pays ! Levons-nous ! Suivons le glorieux exemple du peuple chinois ! Organisons sans tarder la ligne pour le salut national contre les Français et les Japonais !... A cette heure, la libération nationale prime tout... Unissons-nous, réalisons l'unité d'action pour renverser les Français et les Japonais !

La révolution vietnamienne vaincra !
La révolution mondiale vaincra ! "


S'agissait-il là d'une rectification par rapport à la ligne du rapport de 1939 ? Cet appel patriotique comportait-il une autocritique implicite ? C'est là l'affaire de nos camarades vietnamiens et nous nous garderons bien de nous en mêler. Nous indiquons simplement qu'il eut été plus honnête de la part de Suret-Canale de faire état de cette " lettre de loin " du président Ho Chi-minh. Mais un académicien révisionniste peut-il faire preuve d'honnêteté ?
Cette lettre ardente constitue d'ailleurs une réponse objective de l'Histoire à l'invocation par Thorez de la menace du fascisme sur les colonies françaises: en lui répondant le peuple vietnamien s'est levé à la fois contre les impérialistes français et les impérialistes japonais. Pourquoi, dans une situation similaire, en cas d'agression fasciste allemande ou italienne contre leurs pays, les peuples d'Afrique du Nord ou du Proche-Orient, jusque-là écrasés par le talon de fer du colonialisme français, pourquoi plus particulièrement le peuple algérien n'auraient-ils pas choisi la même voie patriotique que leurs frères d'Indochine ?

Suret-Canale et l'Institut Maurice Thorez ont exhibé différents brevets d'anti-colonialisme, délivrés au P.C.F. par certains patriotes africains en raison de circonstances historiques données. Nous avons nous-mêmes souligné les mérites inconstants du Parti communiste français vis-à-vis des luttes des peuples coloniaux de 1924 à 1934, et nous ne sommes pas de ceux qui prétendent qu'il n'a pas soutenu le peuple vietnamien dans sa guerre de libération nationale contre l'impérialisme français. Même si, au cours de cette période, nous pouvons relever certaines attitudes fort criticables, nous pensons que le bilan de ce soutien est resté positif.
Nous n'en sommes que plus à l'aise pour dénoncer les positions imposées par Thorez sur la question coloniale de l'Algérie, dans la pratique dès 1935-1936, sur le plan théorique à partir de juin 1937. Pour en terminer avec sa première innovation de décembre 1937 sur " le droit au divorce et la non-obligation de divorcer " , nous avancerons tout simplement le juste témoignage des patriotes algériens, extrait de " La charte d'Alger " rédigée par la commission centrale d'orientation du 1e Congrès du Front de Libération nationale tenu à Alger du 16 au 21 avril 1964 :
" ..Pendant des années, la propagande de certains milieux français a voulu faire accréditer l'idée que ce sont les positions étroitement nationalistes de l'Etoile Nord-Africaine et du Parti du Peuple algérien qui les ont isolés du mouvement ouvrier international et de la classe ouvrière française. Cette campagne est mensongère et vise à cacher aux masses " les positions colonialistes du Front populaire sur la question coloniale " , sa tendance à subordonner l'action du Mouvement de Libération Algérien à une coalition entre partis français et à imposer en Algérie l'aile réformiste, assimilationniste révélant clairement de quel côté se trouvaient les défenseurs véritables des intérêts du peuple algérien. Le nationalisme, dans les pays colonisés, est la réponse que la population finit par donner à l'oppression coloniale. Il s'oppose au chauvinisme qui est plutôt le propre des pays impérialistes oppresseurs. "
Quelle leçon a dministrée en termes mesurés, aux dirigeants " communistes " français et algériens ayant à leur tête Maurice Thorez !
Quelle leçon nullement contredite, mais au contraire confirmée par l'expérience des luttes nationales dirigées par le Parti communiste indochinois, à la tête d'un " Front national démocratique, le " Vietminh " " !
Quelle leçon offerte par les représentants de ces militants nationaux-révolutionnaires algériens accusés naguère d'être des " provocateurs " , des " complices du fascisme " ou des " agents hitlériens " !
Quelle irréfutable leçon que cette leçon d'un peuple entier, que cette leçon impitoyable de l'Histoire !

[à suivre]
Xuan
[suite]


L'utilisation fallacieuse de la menace du fascisme !

Mais, il est vrai, Thorez fournit à sa position la justification de la menace du fascisme et du juste principe, pour le mouvement révolutionnaire international, de la prédominance de l'intérêt général sur les intérêts particuliers.

Nous avons déjà démontré que la ligne de l'Internationale communiste issue de son VIle Congrès pour s'opposer à la montée du fascisme et à la menace grandissante d'une guerre d'agression contre le premier pays du socialisme, dont étaient solidaires les peuples opprimés et révolutionnaires du monde, ne comportait nullement l'abandon des luttes pour leur indépendance nationale par les peuples des colonies et semi-colonies.

En ce sens, la position de Thorez s'écartait délibérément de la ligne alors suivie, conformément aux décisions de l'Internationale, par certains autres Partis communistes, notamment en Asie.
Mais que représentait concrètement la menace du fascisme pour les peuples des colonies, pour le peuple algérien en particulier ?
Elle représentait essentiellement la possibilité d'un changement de nationalité de l'oppresseur impérialiste. Une telle perspective s'était réalisée dans le passé pour certains peuples, du fait des violentes luttes entre impérialistes pour le partage du monde. Après la fin de la première guerre mondiale, par exemple, les peuples jusque-là dominés par les Allemands étaient passés sous la coupe des Français et des Britanniques. Mais la condition du peuple colonisé ne s'en était pas trouvée modifiée pour autant. Pour le peuple du Cameroun, par exemple, le colonialisme français remplaçant le colonialisme allemand, n'avait pas changé sa situation fondamentale.
En 1937, le fascisme allemand, italien ou espagnol, se substituant au colonialisme français, aurait-il modifié la position coloniale du peuple algérien ? Dans le cas concret du peuple marocain, pouvait-on assurer que les Rifains dominés par les Espagnols étaient plus, ou moins, opprimés que leurs frères arabes dominés par les Français ?
Du point de vue des peuples des colonies, la subtile nuance implicitée par Thorez sur la différence du colonialisme pratiqué par un régime impérialiste de " démocratie bourgeoise " et celui pratiqué par un régime " fasciste " n'était qu'une falsification.

Que pouvaient en penser les intéressés eux-mêmes face à l'exacerbation des luttes et à la répression violente et sanglante dont ils étaient victimes, en 1936 et 1937 précisément ?

Quel adoucissement à leur sort de colonisés apportait le gouvernement de Front populaire, dont les forces de répression firent un mort et de nombreux blessés à Oran, fin juin 1936, cinq morts et des dizaines de blessés chez les mineurs du Kouif en grève, le 10 mars 1937, dix-sept morts et plus de cent blessés parmi les ouvriers de Metlaoui dans le Sud tunisien ? La nature fondamentale du colonialisme changerait-elle en fonction des nationalités différentes des impérialismes ?
En tout état de cause, dans le cas que concerne notre propos, nous pouvons affirmer que le fascisme, s'il menaçait de l'extérieur l'Algérie et les autres pays colonisés d'Afrique du Nord n'en était pas moins, déjà, une réalité quotidienne à l'intérieur même de ces pays, du fait du comportement des colonialistes français, baptisés d'ailleurs à juste titre par les autochtones " européens " .

Le " Code de l'Indigénat " était-il démocratique ou fasciste ?

Le prétexte invoqué par Thorez pour inviter le peuple algérien à " refuser le divorce " , c'est-à-dire à abandonner sa juste lutte pour l'indépendance nationale, n'était donc qu'une duperie et rien d'autre.

Mais Lénine avait stigmatisé par avance une telle attitude. Dans ses Thèses de janvier-février 1916 sur " la révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles- mêmes " , il précisa à la fin du point 4, publié sous le titre : " Comment le prolétariat révolutionnaire doit poser le problème du droit des nations à disposer d'elles-mêmes ? " :
" ...Le fait que la lutte contre une puissance impérialiste pour la liberté nationale peut, dans certaines conditions, être exploitée par une autre " grande " puissance dans ses propres buts également impérialistes, ne peut pas plus obliger la social-démocratie à renoncer au droit des nations à disposer d'elles-mêmes, que les nombreux exemples d'utilisation par la bourgeoisie des mots d'ordre républicains dans un but de duperie politique et de pillage financier, par exemple dans les pays latins, ne peuvent obliger les social-démocrates à renier leur républicanisme. "


Et dans une note annexe, il affirmait sans ambiguité :
" Inutile de dire que repousser le droit d'autodétermination pour la raison qu'il en découlerait la nécessité " de défendre la patrie " serait tout à fait ridicule... "

Au surplus, avec son innovation théorique de 1937, Thorez ne reniait-il pas expressément les indications fournies par Lénine au point 6 des mêmes thèses de 1916 ? (118).

Aujourd'hui, au cours de la décennie des années 70, les dirigeants révisionnistes modernes du Parti communiste français recourent toujours à la même argumentation pour expliquer la position décidée par le Congrès d'Arles. L'abandon du soutien aux luttes anti-impérialistes des peuples des colonies françaises contre leur oppresseur reste justifié par la menace du fascisme !
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113 ) Lénine « Du droit des nations à disposer d'elles-mêmes » 1914 Editions sociales tome XX page 467

114) en 1896, la « social-démocratie internationale » représentait le mouvement ouvrier international.

115) Lénine : tome XX page 479

116) Lénine : tome XXIV page 300

117) Lénine : tome XXIV page 305

118) Tome 1 du présent ouvrage, page 166 et 167

[à suivre]
Xuan
[suite]

La position de classe de Lénine sur la question du " divorce "

Rétablissons donc la vérité.
La question nationale a fait l'objet de longs et passionnés débats au cours du XIXe et au début du XXe siècles.
Marx, le premier, l'a abordée à propos de l'Irlande et les événements actuels prouvent que la situation de cette nation n'a pas trouvé, depuis lors, une solution satisfaisante dans ses rapports avec la Grande-Bretagne.
A ce sujet, Lénine a souligné que " La politique de Marx et d'Engels dans la question irlandaise a fourni le plus grand exemple, qui conservent jusqu'à présent une énorme importance PRATIQUE, de la façon dont le prolétariat des nations qui en oppriment d'autres doit se comporter envers les mouvements nationaux ... Si le prolétariat d'Irlande et celui d'Angleterre n'adoptaient pas la politique de Marx et ne faisaient pas de la séparation de l'Irlande leur mot d'ordre, ce serait de leur part le pire opportunisme... une concession à la réaction et à la bourgeoisie ANGLAISE " (113).
Comme nous l'avons démontré dans le premier tome du présent ouvrage, Lénine étudia le principe marxiste ainsi défini, en l'appliquant aux situations concrètes des relations entre les nations et minorités nationales d'Europe. Il élabora l'enrichissement du point de vue de Marx à partir de la décision du Congrès international de Londres de 1896, qui disposait: " Le Congrès proclame qu'il s'affirme pour le droit complet de libre disposition (Selbstbestimmungsrecht) de toutes les nations; et il exprime sa sympathie aux ouvriers de tout pays qui souffre à l'heure actuelle sous le joug de l'absolutisme militaire, national ou autre; le Congrès appelle les ouvriers de tous ces pays à rejoindre les rangs des ouvriers conscients (Klassenbewusste = conscients des intérêts de leur classe) du monde entier, afin de lutter avec eux pour vaincre le capitalisme international et réaliser les objectifs de la social-démocratie " (114).
Lénine parvint à 1a conception la plus achevée du principe de l'internationalisme prolétarien dès les années 1915 - 1916, eut le mérite d'en étendre l'application aux peuples des colonies, rédigea lui-même à Moscou en 1920 les 21 conditions d'admission à l'Internationale communiste, dont la huitième synthétisait le haut niveau théorique alors atteint dans les questions coloniales en fixant la ligne d'application concrète.
Le principe marxiste-léniniste du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est indissociable de la prise en considération des oppositions de classes. Lénine considère que le monde est partagé entre nations oppresseuses et nations opprimées.
Quelques mois avant le déclenchement de la guerre de 1914-1918, il employa la fameuse formule invoquée par Thorez à propos des rapports existant entre l'Etat tsariste grand- russe et sa minorité nationale polonaise, à l'occasion d'une vive polémique avec Rosa Luxembourg, Semkovski et Trotsky.

La Russie d'alors dominait plusieurs peuples, plusieurs minorités nationales parmi lesquelles les Finlandais, les Polonais, les Ukrainiens, les juifs. Les bolcheviks russes proclamaient le droit de séparation de tous ces peuples opprimés, y compris bien entendu les Polonais.
Mais les Polonais, membres du Parti social-démocrate de Russie, rejetaient ce libre droit de séparation pour éviter de tomber sous le joug des aristocrates polonais, plus féroce que celui du pouvoir grand-russe relativement libéral et prétendu " démocratique bourgeois ". Et du coup, sous des formes et avec des arguments différents, Rosa Luxemburg et Trotsky s'opposaient au libre droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au nom des intérêts de la révolution !
Lénine, dans une note particulière, écrivit alors :

" On concevra aisément que la reconnaissance par les marxistes de TOUTE LA RUSSIE, et au premier chef par les marxistes grand-russes, du droit des nations de se séparer, n'exclut nullement pour les marxistes de telle ou telle nation OPPRIMEE L'AGITATION contre la séparation, de même que la reconnaissance du droit au divorce n'exclut pas, dans tel ou tel cas, l'agitation contre le divorce... " (115).

Revenant sur cette question, lors de la 7e Conférence de Russie du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (bolchevique) le 15 mai 1917, Lénine prit le soin extrême de laisser au peuple intéressé et à lui seul le libre choix de sa position nationale par rapport à ses oppresseurs :

" Les social-démocrates polonais disent: Nous sommes contre la séparation de la Pologne précisément parce que nous trouvons avantageuse l'alliance avec les ouvriers russes. C'est leur droit absolu. "
Il souligna ensuite: " Mais ils ne veulent pas comprendre qu'il faut, pour affermir l'internationalisme, mettre l'accent en Russie sur le droit de séparation des nations opprimées et en Pologne sur la liberté de rattachement, et non répéter indéfiniment les mêmes mots. La liberté de rattachement suppose la liberté de séparation " (116)

Dans la résolution sur la question nationale qui fut alors rédigée par Lénine, on peut lire: " Il n'est pas permis de confondre le droit des nations à se séparer librement avec l'utilité de se séparer pour telle ou telle nation, à tel ou tel moment " (117).

Ainsi, dans le cas de l'Algérie de 1937, Maurice Thorez, invoquant l'exemple des " camarades tunisiens " (d'ailleurs nullement représentatifs de la masse du peuple tunisien) qui avaient reconnu le " bien-fondé " de sa position, suggérait-il (d'une manière équivalant à une directive) que les " camarades algériens " refusent le libre droit de leur peuple à la séparation d'avec le colonialisme français, baptisé pour la circonstance " France démocratique " !

Le lecteur jugera du caractère dogmatique et mystificateur de la transposition de considérations rattachées à une situation spécifique -celle de la minorité nationale polonaise dans l'empire de la grande Russie -, à la situation du peuple algérien opprimé par le colonialisme français.
La juste appréciation de Lénine sur la non-obligation de divorcer trouva par contre sa pleine application lorsqu'à l'Etat autocratique russe se substitua l'Etat PROLETARIEN soviétique. Mais alors, mettant en concordance ses actes et ses principes, Lénine accorda sans aucune réserve le libre droit de séparation à tous les peuples, à toutes les minorités nationales jusque-là opprimés par le chauvinisme grand-russe. Par exemple, la Finlande obtint l'indépendance nationale que les tsars lui avaient refusée...
D'autres Etats, notamment des colonies de l'ancien Etat tsariste, de populations musulmanes, choisirent librement l'établissement de liens étatiques étroits et directs avec le jeune pouvoir bolchevique, dans le cadre de l'Union des Républiques socialistes soviétiques.

Comme on peut en juger, le cas de la situation en 1937 du peuple algérien par rapport à la France était totalement différent.
D'ailleurs, par-delà sa totale soumission à la ligne du Parti communiste français, le discours prononcé devant le 9e Congrès national par l'Algérien Kaddour Belkaïm attesta, dans sa conclusion, de la mystification opérée sur ce point par Thorez. Cette intervention est révélatrice par ses aspects négatifs, aussi la publions-nous à titre d'exemple " PAR LA NEGATIVE " dans nos Documents annexes (n° 19).
Après avoir proclamé au passage " que les 6 millions de Musulmans ne ( voulaient) pas, avec les réalisations qu'ils (avaient) obtenues, divorcer avec la France du Front populaire " , le secrétaire du Parti communiste d'Algérie concluait :
" Camarades, j'en ai terminé et je tiendrai à vous dire ceci: comme l'a dit le camarade Thorez, le droit de divorce ne veut pas dire l'obligation de divorcer. Nous savons qu'à l'heure actuelle, l'union du peuple d'Algérie et du peuple de France est nécessaire et qu'elle le sera toujours. En Russie, lorsque le peuple a fait sa révolution et que le gouvernement soviétique a donné aux anciens peuples coloniaux du régime tsariste, le droit de disposer d'eux-mêmes, ces anciens peuples coloniaux sont restés membres de l'URSS en déclarant: Nous, nous ne voulons pas nous séparer du gouvernement soviétique, nous ne voulons pas nous séparer du peuple russe, nous voulons travailler avec lui, et c'est par notre collaboration que nous pourrons arriver à créer le socialisme.
En Afrique, nous disons: " Ce n'est que par l'union de plus en plus fraternelle entre le peuple de France et le peuple d' Algérie, que nous pourrons réaliser une Algérie libre, forte et heureuse, fraternellement unie. "


Pour convaincre Kaddour Belkaïm, il est clair que Thorez avait dû recourir à l'argument ainsi ressorti à la tribune du Congrès d'Arles. C'était là une odieuse tromperie, car la situation de la France capitaliste du Front populaire n'avait absolument rien de comparable avec le jeune pouvoir soviétique. En vérité si le dirigeant algérien avait été perspicace, il aurait discerné sans hésitation, que l'exemple soviétique invoqué témoignait exactement à l'inverse de la démonstration thorézienne.

Et si nous ne pouvons pardonner à ce militant algérien de s'être laissé abuser et soumis à la baguette du parti-père, si nous condamnons son suivisme aveugle et funeste, il n'en reste pas moins, à nos yeux de communiste français qu'en la circonstance la responsabilité première de l'imposture historique incomba au Parti communiste français et, tout particulièrement, à son secrétaire général. De toutes façons, c'est au peuple algérien, de juger devant l'Histoire, l'attitude de son propre représentant, Kaddour Belkaim.
Qu'il nous soit permis toutefois de dire la colère qui jaillit dans notre coeur de militant, quand nous évoquons ici la figure de cet ouvrier du bâtiment, authentique fils du peuple algérien, qui marcha, chargé de l'imposture qui le trompait, jusqu'à la mort, le 31 juillet 1940, dans le cachot où l'avaient jeté les colonialistes.

[à suivre]


Edité le 10-12-2011 à 21:01:59 par Xuan


 
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