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Xuan
mon commentaire :

Merci de montrer du doigt les théoriciens prétendus “de gauche” mais en réalité supports théoriques de la liquidation de toute forme d’organisation de la classe ouvrière en parti indépendant de la bourgeoisie.
Il est ainsi parfaitement clair que l’osmose entre la clique des liquidateurs et le social-démocrate Mélenchon s’épanouit sur le terreau du “parti gazeux”, opposé au parti de type léniniste.

Prétendu « nouveau théoricien de la dialectique” avec son compère Zizek, Badiou étale sa fausse modestie et sa vanité bien réelle le 16 novembre 2022, dans une conférence à l’université de Namur.

“Une aventure du trois. En même temps que s’inventait la philosophie moderne dialectique, puisque la dialectique c’est la résolution de la contradiction, c’est-à-dire du deux dans le trois, c’est-à-dire comment la contradiction génère un terme nouveau tel que le deux s’y incorpore.
[…]
Premièrement rendre justice au multiple par une méfiance systématique à toute transcendance de l’un, non seulement naturellement la transcendance religieuse, mais aussi, les exemples fourmillent, en politique la transcendance du parti au regard des militants. C’est ça qui a ravagé les politiques communistes. En réalité, c’est-à-dire la souveraineté du parti.
Le dirigeant chinois actuel Xi Jinping a récemment tenu à proclamer publiquement, en tant qu’il est le dirigeant d’un parti qui s’appelle de façon tout-à fait étrange parti communiste, parce que je ne vois pas l’ombre d’un communisme dans cette affaire, il a déclaré « le parti décide de tout ». Et donc il a constitué l’un sous l’épithète communiste absolument déplacée et inintelligible, du côté de l’un. Le parti décide de tout. Donc le tout c’est l’un du parti, et ce faisant, il a évidemment fermé complètement toute dimension événementielle possible. Ce qui se passe est sous la loi du parti communiste avec beaucoup de guillemets et cette loi du parti communiste fait que le dirigeant du parti qui est aussi évidemment le dirigeant de l’Etat, c’est la même chose peut dire que lui, c’est-à-dire le parti, décide de tout. Et dans ma logique à moi, ça veut dire que premièrement il n’y a pas d’ontologie du multiple mais uniquement une ontologie de l’un, ce qui en fait quand même un apparentement à la tradition religieuse, et que deuxièmement il n’y a pas de diversité effective événementielle de la pratique puisque l’un le parti décide de tout.”


Badiou éreinte la phrase de Xi Jinping « le parti décide de tout » , qu’il assimile à une métaphysique religieuse, en feignant d’abord d’ignorer qu’en Chine comme dans n’importe quel pays il ne peut exister qu’un centre de décision (ce qui n’a rien à voir avec la religion mais ressort de la simple efficacité sinon de la survie), qu’ensuite la décision de Xi Jinping est le résultat d’un collectif, et que finalement le PCC est lui-même le reflet majoritaire de la multiplicité de ses 90 millions de membres.
Mais qu’il doit encore répondre aux aspirations de toute la population chinoise et de ses 55 ethnies, à travers les assemblées populaires, les conférences consultatives, ses manifestations parfois, et jusqu’aux avis et aux critiques d’un milliard d’internautes.

Et en retour la multiplicité de la Chine implique que la décision unique doit s’appliquer différemment et spécifiquement aux particularités des provinces et des localités, différemment en fonction des classes sociales et des minorités nationales, de la ville et de la campagne, etc.

Il en ressort que l’un et le multiple sont dialectiquement liés, comme chaque élément unique de la matière est constitué d’une combinaison d’atomes divers et innombrables.
Inversement, Badiou peut toujours se réclamer de la dialectique et compter jusqu’à trois. Mais sous prétexte d’échapper à la transcendance religieuse, il refuse de considérer l’existence de l’unité et son rapport dialectique avec le multiple, et sa philosophie reste clouée au sol, les godasses collées dans la boue de sa métaphysique moderne.

On a dit qu’il aurait tourné sa veste, mais au fond il n’a jamais changé. Son adhésion passée à la révolution culturelle s’inspirait du slogan « feu sur le quartier général » et de la Commune de Shanghai dite “maoïste”, à laquelle Mao Zedong a mis fin lui-même parce qu’elle instaurait un double pouvoir et visait le PCC tout entier comme parti dirigeant.

L’enjeu, philosophique mais aussi pratique, est de savoir si le parti communiste est un parti comme les autres, associé électoralement à d’autres dans la NUPES, ou s’il est le parti de la révolution prolétarienne, si la révolution peut être menée par un club de discussion façon nuits debout, ou si elle nécessite une direction unique, mais étroitement liée à la masse du peuple suivant le principe parler c’est semer, écouter c’est récolter, et capable de l’organiser pour renverser l’Etat bourgeois.


Edité le 04-01-2023 à 12:27:48 par Xuan


Xuan
[suite]
Le travail des marxistes”, écrivait V.I. Lénine dans un passage qui anticipait les tendances libérales des lacaniens-althussériens, “est toujours “difficile”, mais ce qui les différencie des libéraux, c’est qu’ils ne déclarent pas impossible ce qui est difficile. Le libéral appelle le travail difficile impossible afin de dissimuler le fait qu’il y renonce” [98] Marx a également décrit de manière prémonitoire ces accommodements capitalistes avant la lettre lorsqu’il a diagnostiqué l’essence du sophisme petit-bourgeois dans sa critique de l’anarchisme, qui se confond avec l’idéologie libérale sur des points essentiels. Il a retracé ses racines matérielles jusqu’au carriérisme opportuniste au sein du noyau capitaliste. Ce qu’il dit ici de Proudhon décrit la casuistique idéaliste de Badiou et les contradictions ostentatoires de Žižek avec une précision remarquable :

Proudhon avait un penchant naturel pour la dialectique. Mais comme il n’a jamais saisi la dialectique réellement scientifique, il n’est jamais allé plus loin que le sophisme. Ceci est en fait lié à son point de vue petit-bourgeois. Comme l’historien Raumer, le petit-bourgeois est fait d’un côté et de l’autre. Il en est ainsi dans ses intérêts économiques et, par conséquent, dans ses opinions politiques, religieuses, scientifiques et artistiques. Et de même dans ses mśurs, dans TOUT. Il est une contradiction vivante. Si, comme Proudhon, il est en plus un homme ingénieux, il apprendra vite à jouer avec ses propres contradictions et à les développer selon les circonstances en paradoxes frappants, ostentatoires, tantôt scandaleux tantôt brillants. Le charlatanisme dans la science et la complaisance dans la politique sont inséparables d’un tel point de vue. Il ne reste qu’un seul motif directeur, la vanité du sujet, et la seule question pour lui, comme pour tous les vaniteux, est le succès du moment, l’éclat du jour. Ainsi, le simple sens moral, qui a toujours préservé un Rousseau, par exemple, de toute apparence de compromis avec les pouvoirs en place, est appelé à disparaître[99].

Radical Recuperator

L’effondrement de la biosphère, la montée du fascisme et la menace de voir la “nouvelle” guerre froide se transformer en une troisième guerre mondiale signifient que les enjeux de la lutte des classes contemporaine ne pourraient être plus élevés. Le bouffon du capitalisme, comme d’autres intellectuels de son acabit, est applaudi par l’élite des managers de la classe dirigeante et fait l’objet d’une promotion internationale pour nous encourager à nous lancer sans crainte dans l’apocalypse du “Réel”, tout en nous abreuvant de ses prises de position provocantes et en regardant les films à succès et les émissions de télévision dont il fait la promotion.

Il cultive et commercialise l’apparence de radicalité afin de récupérer les éléments potentiellement radicaux de la société, en particulier les jeunes et les étudiants, dans le giron pro-impérialiste et anticommuniste. C’est précisément la raison pour laquelle il est le “marxiste” le plus célèbre du monde capitaliste, soutenu par une revue liée au moteur de l’impérialisme américain. Son mantra n’est rien d’autre qu’une perversion opportuniste des dernières lignes du Manifeste communiste : “Consommateurs culturels du monde pro-occidental, unissez-vous et achetez mon prochain livre, ou film, ou produit croisé, ou autre, et ainsi de suite, et ainsi de suite !”

Notes.

[1] Je tiens à exprimer ma gratitude à Jennifer Ponce de León, Eduardo Rodríguez et Marcela Romero Rivera qui m’ont encouragé à rédiger cet article et m’ont fait part de leurs commentaires, ainsi qu’à Helmut-Harry Loewen et Julian Sempill. J’assume toutefois l’entière responsabilité de toute erreur ou infidélité.

[2] See Foreign Policy (December 2012): <https://web.archive.org/web/20121201034713/http://www.foreignpolicy.com/articles/2012/11/26/the_fp_100_global_thinkers?page=0,55#thinker92> (accessed on November 22, 2022).

[3] See his interview on the British BBC show “HARDtalk” on November 4, 2009: <https://www.youtube.com/watch?v=ThTJBKYPiNo&t=153s> (accessed on November 22, 2022).

[4] Ibid. Also see Slavoj Žižek. Did Somebody Say Totalitarianism? Five Interventions in the (Mis)use of a Notion (London: Verso, 2001), 127-129.

[5] Slavoj Žižek, In Defense of Lost Causes (London: Verso, 2009), 151 (Žižek’s emphasis).

[6] Ibid. 169.

[7] See Domenico Losurdo’s insightful critique of Žižek in Western Marxism. Trans. Steven Colatrella (New York: 1804 Books, forthcoming).

[8] See, for instance, Slavoj Žižek. “A Leftist Plea for ‘Eurocentrism.’” Critical Inquiry 24:4 (Summer 1998): 998-1009; Slavoj Žižek. “Nous pouvons encore être fiers de l’Europe!” Le Figaro (October 31, 2022); and his oral comments on the future of Europe available here: <https://www.youtube.com/watch?v=8pA35HuhEYY> (accessed on November 22, 2022).

[9] Quoted in Thomas Moller-Nielsen. “What Is Žižek For?” Current Affairs (Sept/Oct 2019): <https://www.currentaffairs.org/2019/10/what-is-zizek-for> (accessed on November 22, 2022).

[10] See, for instance, his statements during a 2016 Channel 4 interview archived here: <https://www.facebook.com/watch/?v=10154211377601939> (accessed on November 22, 2022).

[11] Voir Slavoj Žižek. « Le pacifisme est la mauvaise réponse à la guerre en Ukraine. » The Guardian (21 juin 2022): <https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/jun/21/pacificsm-is-the-wrong-response-to-the-war-in-ukraine> (consulté le 22 novembre 2022).

[12] Huntington a été coordinateur de la planification de la sécurité à la Maison-Blanche pour le Conseil de sécurité nationale. Il a également travaillé comme conseiller auprès des services de sécurité de P.W. Botha dans l’Afrique du Sud de l’apartheid (Botha était un opposant déclaré au pouvoir politique noir et au communisme international, ainsi qu’un défenseur impénitent de l’apartheid).

[13] Reena Flores. Donald Trump : je pourrais ‘tirer sur quelqu’un et je ne perdrais aucun électeur’. » CBS News (23 janvier 2016): <https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-i-could-shoot-somebody-and-i-wouldn’t-lose-any-voters/> (consulté le 22 novembre 2022).

[14] Voir, par exemple, Noam Chomsky. 9/11: Y avait-il une alternative? (New York: Seven Stories Press, 2001) et Michael Parenti. The Terrorism Trap: September 11 and Beyond (San Francisco: City Lights Books, 2002).

[15] Des problèmes de plagiat et d’auto-plagiat ont été soulevés si souvent concernant le travail de Žižek qu’il y a même une section de sa page Wikipédia avec des liens vers plusieurs articles sur le sujet. Voir, en particulier, Jay Pinho. « Une année d’écriture dangereuse: l’auto-plagiat en série de Žižek. » The First Casualty (22 septembre 2012): <http://archives.jaypinho.com/2012/09/22/the-year-of-writing-dangerously-slavoj-zizeks-serial-self-plagiarism/> (consulté le 22 novembre 2022).

[16] Voir leur description de la série de livres « Phronesis » dans Slavoj Žižek. The Sublime Object of Ideology (Londres: Verso, 1989). Pour une critique perspicace de la démocratie radicale, voir Larry Alan Busk. La démocratie malgré les démos : d’Arendt à l’école de Francfort (Londres : Rowman & Littlefield International, 2020).

[17] Žižek, The Sublime Object of Ideology, 6 (sur l’adoption par Žižek de leur matrice théorique, voir ses remerciements à la page xvi). Je renvoie également le lecteur au livre que Žižek et Laclau ont écrit avec sa collègue démocrate radicale « anti-totalitaire » Judith Butler pour la série « Phronesis ». Dans leur introduction co-écrite, ils présentent le livre comme étant fondé sur l’hégémonie et la stratégie socialiste dans la mesure où il « représentait un tournant vers la théorie poststructuraliste au sein du marxisme, une théorie qui considérait le problème du langage comme essentiel à la formulation d’un projet démocratique radical antitotalitaire » (Contingency, Hegemony, Universality: Contemporary Dialogues on the Left. Londres: Verso, 2000, 1, souligné par mes soins).

[18] Žižek a décrit son deuxième livre pour la série « Phronesis » comme étant basé sur une série de conférences en Slovénie « destinées au public « bienveillant » neutre « des intellectuels qui étaient la force motrice de la poussée pour la démocratie » (Car They Know Not What They Do: Pleasure as a Political Factor. Londres: Verso, 1991, 3). En plus de Laclau et Mouffe, la Lacanienne Joan Copjec a contribué à faciliter l’ascension de Žižek dans le monde anglophone en promouvant son travail dans les cercles de la revue artistique new-yorkaise October axée sur la théorie Français. Comme il le souligne dans les remerciements à son livre de 1991 Looking Awry, publié en octobre avec MIT Press, Copjec « était présent dès la conception » du projet, l’a encouragé à l’écrire et a passé du temps à l’aider avec le manuscrit (Looking Awry: An Introduction to Jacques Lacan through Popular Culture. Cambridge, Massachusetts: The MIT Press, 1991, xi).

[19] Jodi Dean. Žižek’s Politics (New York: Routledge, 2006), xi.

[20] Benoit Denezit-Lewis. « L’homme derrière Abercrombie et Fitch. » Salon (24 janvier 2006): <https://www.salon.com/2006/01/24/jeffries/> (consulté le 22 novembre 2022).

[21] Slavoj Žižek. « Le désir communiste. » Los Angeles Review of Books. « The Philosophical Salon » (25 juillet 2022): <https://thephilosophicalsalon.com/the-communist-desire/#_ednref1> (consulté le 22 novembre 2022).

[22] Michael Parenti. To Kill a Nation: The Attack on Yugoslavia (Londres: Verso, 2000), 17. S’appuyant sur les données de la Banque mondiale, qui ne pouvaient être soupçonnées de sympathies pro-socialistes, Michel Chossudovsky dresse un portrait similaire de la Yougoslavie d’avant 1980 dans The Globalization of Poverty and the New World Order (Pincourt, Canada: Global Research, 2003), 259.

[23] Tony Myers. Slavoj Žižek (New York: Routledge, 2003), 10.

[24] Ibid. 7.

[25] Sur l’opposition heideggérienne et le premier livre de Žižek, voir Christopher Hanlon et Slavoj Žižek. « La psychanalyse et le post-politique: un entretien avec Slavoj Žižek. » New Literary History 32:1 (Hiver, 2001): 1-21.

[26] Voir, par exemple, Barbara Day. The Velvet Philosophers (Londres: The Claridge Press, 1999).

[27] Sur la NED, voir William Blum. Rogue State: A Guide to the World’s Only Superpower (Londres: Zed Books, 2014), 238-243. Allen Weinstein, qui a aidé à rédiger la loi établissant la NED, a ouvertement reconnu qu'[traduction] « une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui a été faite secrètement il y a 25 ans par la CIA » (ibid. 239).

[28] Voir, par exemple, Ian Parker. Slavoj Žižek: A Critical Introduction (Londres: Pluto Press, 2004). Sur le soutien de la CIA à la théorie Français et à l’anticommunisme intellectuel en général, voir Gabriel Rockhill. « La CIA lit Français théorie : sur le travail intellectuel de démantèlement de la gauche culturelle. » Los Angeles Review of Books. « The Philosophical Salon » (28 février 2017): <https://thephilosophicalsalon.com/the-cia-reads-french-theory-on-the-intellectual-labor-of-dismantling-the-cultural-left/> (consulté le 22 novembre 2022).

[29] Thomas Moller Nielsen. « Charlatanisme impénitent (avec une réponse de Slavoj Žižek). » Los Angeles Review of Books. « The Philosophical Salon » (25 novembre 2019): <https://thephilosophicalsalon.com/unrepentant-charlatanism-with-a-response-by-slavoj-zizek/> (consulté le 22 novembre 2022).

[30] Ernesto Laclau. « Préface. » Žižek, L’objet sublime de l’idéologie, xi.

[31] Voir le documentaire de la BBC « The Death of Yugoslavia » : <https://www.youtube.com/watch?v=H3VyGPu6PKc> (consulté le 22 novembre 2022). Sur la chronique hebdomadaire de Žižek, voir l’entrée de l’Encyclopedia Britannica sur lui: <https://www.britannica.com/biography/Slavoj-Zizek> (consulté le 22 novembre 2022).

[32] Entre autres sources, voir son interview dans l’émission britannique de la BBC « HARDtalk » le 4 novembre 2009 : <https://www.youtube.com/watch?v=ThTJBKYPiNo&t=153s> (consulté le 22 novembre 2022).

[33] Žižek, « A Leftist Plea for ‘Eurocentrism’ », p. 990.

[34] Cité dans F. William Engdahl. Destinée manifeste: la démocratie comme dissonance cognitive (Wiesbaden: mine. Livres, 2018), 101.

[35] Matthew Sharpe affirme que Žižek était le cofondateur de l’Église dans son article sur le philosophe slovène dans l’Internet Encyclopedia of Philosophy: <https://iep.utm.edu/zizek/> (consulté le 22 novembre 2022). Bien que je n’aie pas trouvé cette information confirmée par d’autres sources, il est très clair que Žižek était, au minimum, un porte-parole public majeur de la SDJ.

[36] Voir, par exemple, « Lacan in Slovenia: An Interview with Slavoj Žižek and Renata Salecl ». Radical Philosophy 58 (été 1991). Il serait intéressant d’explorer l’histoire du financement de ce parti, à l’instar de l’analyse du grand Michael Pareti sur le démantèlement de la Yougoslavie : « Les dirigeants américains – en utilisant le National Endowment for Democracy, divers fronts de la CIA et d’autres agences – ont canalisé l’argent de campagne et les conseils aux groupes politiques séparatistes conservateurs, décrits dans les médias américains comme « pro-occidentaux » et « l’opposition démocratique » » (To Kill a Nation, 26).

[37] Voir le débat télévisé sur les élections de 1990 archivé ici : <https://www.youtube.com/watch?v=942h8enHCZs> (consulté le 22 novembre 2022).

[38] « Lacan en Slovénie », p. 30.

[39] Voir un autre segment du même débat télévisé sur les élections de 1990, archivé ici : <https://www.youtube.com/watch?v=rGfNeIRQ350> (consulté le 22 novembre 2022).

[40] Voir les archives numériques de la NSDD-133 disponibles ici : <https://irp.fas.org/offdocs/nsdd/nsdd-133.htm> (consulté le 22 novembre 2022).

[41] Geert Lovink. « Société civile, fanatisme et réalité numérique: une conversation avec Slavoj Žižek. » Ctheory (21 février 1996): <https://journals.uvic.ca/index.php/ctheory/article/view/14649/5529> (consulté le 22 novembre 2022).

[42] Neil Clark. « Profil NS – George Soros. » New Statesman (2 juin 2003): <http://www.slobodan-milosevic.org/news/ns062203.htm> (consulté le 22 novembre 2022). « À partir de 1979 », précise Clark dans cet article, « il [Soros] a distribué 3 millions de dollars par an à des dissidents, dont le mouvement polonais Solidarnosc, Charter 77 en Tchécoslovaquie et Andrei Sakharov en Union soviétique. En 1984, il a fondé son premier Open Society Institute en Hongrie et a injecté des millions de dollars dans les mouvements d’opposition et les médias indépendants. Visant ostensiblement à construire une « société civile », ces initiatives ont été conçues pour affaiblir les structures politiques existantes et ouvrir la voie à la colonisation éventuelle de l’Europe de l’Est par le capital mondial.

[43] Cité dans Néstor Kohan. Hegemonía y cultura en tiempos de contrainsurgencia « soft » (Ocean Sur, 2021), 63.

[44] Voir Myers, Slavoj Žižek, p. 9.

[45] Lovink, « Civil Society, Fanaticism, and Digital Reality ».

[46] Voir, par exemple, Chossudovsky, The Globalization of Poverty, p. 267 : « La Croatie, la Slovénie et la Macédoine avaient accepté des paquets de prêts pour rembourser leurs parts de la dette yougoslave […]. Le schéma trop familier de fermetures d’usines, de faillites bancaires induites et d’appauvrissement s’est poursuivi sans relâche depuis 1996 [c’est-à-dire à la suite des Accords de Dayton de novembre 1995]. Et qui devait appliquer les diktats du FMI ? Les dirigeants des États nouvellement souverains ont pleinement collaboré avec les créanciers. »

[47] « La chute du mur de Berlin », écrit Minqi Li, « a été suivie d’une baisse massive du niveau de vie de larges couches de la population mondiale. La désintégration des économies socialistes a contribué à l’affaiblissement des classes ouvrières mondiales. Le revenu national a été redistribué du travail au capital dans presque toutes les parties du monde » (« Le 21e siècle : y a-t-il une alternative (au socialisme) ? » Science & Société 77:1 (janvier 2013): 11). Voir aussi Božo Repe. « Slovénie » dans Günther Heydemann et Karel Vodicka. From Eastern Bloc to European Union: Comparative Processes of Transformation since 1990 (New York: Berhahn Books, 2017) et Leopoldina Plut-Pregelj et Carole Rogel. The A to Z of Slovenia (Lanham, Maryland: Scarecrow Press. 2010), 241. Sur le démantèlement impérialiste de la Yougoslavie, dont les conséquences horribles pour la majorité de la population locale étaient inversement proportionnelles à l’augmentation des profits pour la classe dirigeante capitaliste, voir également le film documentaire de Boris Malagurski The Weight of Chains (2010) et la conférence de Michael Pareti de 1999 « The U.S. War on Yugoslavia »: <https://www.youtube.com/watch?v=waEYQ46gH08> and <https://www.youtube.com/watch?v=GEzOgpMWnVs> (consulté le 22 novembre, 2022).

[48] Voir Matjaž Klemen&#269;i&#269; et Mitja Žagar. The Former Yugoslavia’s Diverse Peoples (Santa Barbara, Californie: ABC-CLIO, Inc., 2004), 300-301.

[49] Voir, par exemple, Lovink, « Civil Society, Fanaticism, and Digital Reality ».

[50] Voir le deuxième segment du débat présidentiel de 1990 mentionné ci-dessus : <https://www.youtube.com/watch?v=rGfNeIRQ350> (consulté le 22 novembre 2022).

[51] Ibid.

[52] Lovink, « Civil Society, Fanaticism, and Digital Reality ».

[53] Slavoj Žižek. « L’OTAN, la main gauche de Dieu. » Nettime (29 juin 1999): <https://www.lacan.com/zizek-nato.htm> (consulté le 22 novembre 2022).

[54] Parenti, To Kill a Nation, p. 81.

[55] Cité dans ibid. 92.

[56] Slavoj Žižek. « Les républiques de Galaad d’Europe de l’Est. » Nouvelle revue de gauche I/183 (sept/oct 1990): 58.

[57] Žižek, « Lacan en Slovénie », p. 29. Miloševi&#263; aurait lancé sa campagne de « nettoyage ethnique » contre le Kosovo dans un discours qu’il a prononcé en 1989. Comme l’a rapporté Michael Parenti, qui fournit une contextualisation essentielle qui contredit, sur de nombreux points, les prises chaudes de Žižek, voici une partie de ce que Miloševi&#263; a dit: « Les citoyens de différentes nationalités, religions et races ont vécu ensemble de plus en plus fréquemment et de plus en plus de succès. Le socialisme en particulier, étant une société démocratique progressiste et juste, ne devrait pas permettre que les gens soient divisés dans le respect national et religieux » (To Kill a Nation, 188).

[58] Žižek, « L’OTAN, la main gauche de Dieu ».

[59] Cité dans Parker, Slavoj Žižek, p. 35.

[60] Lovink, « Civil Society, Fanaticism, and Digital Reality ».

[61] « Slavoj Žižek on Cuba and Yugoslavia » (1er décembre 2016) : <https://zizek.uk/slavoj-zizek-on-cuba-and-yugoslavia/> (consulté le 22 novembre 2022). Voir aussi Žižek, « Le désir communiste ».

[62] Žižek, « Nous pouvons encore être fiers de l’Europe! »

[63] Voir son interview dans l’émission britannique de la BBC « HARDtalk », citée ci-dessus, et Lovink, « Civil Society, Fanaticism, and Digital Reality ».

[64] Ce segment du débat télévisé a été archivé ici : <https://www.youtube.com/watch?v=rGfNeIRQ350> (consulté le 22 novembre 2022). Pour un bref résumé de certaines des contributions de Churchill aux atrocités impériales, y compris la famine du Bengale de 1943 qui a coûté la vie à trois millions de personnes, voir Johann Hari. « Pas son heure de gloire: le côté obscur de Winston Churchill. » Independent (28 octobre 2010).

[65] Sur l’Europe, voir, par exemple, Steve Weissman, Phil Kelly et Mark Hosenball. « La CIA soutient le marché commun. » Sale boulot : la CIA en Europe occidentale. Philip Agee et Louis Wolf (New York: Dorset Press, 1978). Il est également important de noter que l’Union européenne a été une force anticommuniste importante. En 2019, le Parlement européen a adopté une résolution qui assimilait largement le communisme au fascisme et condamnait « toutes les manifestations et la propagation d’idéologies totalitaires telles que le nazisme ou le communisme » <https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2019-0021_EN.html> (consulté le 22 novembre 2022).

[66] Žižek, « Nous pouvons encore être fiers de l’Europe ! »

[67] Slavoj Žižek. D’abord comme Tragédie, puis comme Farce (Londres: Verso, 2009), 115.

[68] Žižek, « Nous pouvons encore être fiers de l’Europe ! »

[69] Slavoj Žižek. « New Statesman Interview, avec Jonathan Derbyshire. » New Statesman (29 octobre 2009): <https://zizek.uk/new-statesman-interview-with-jonathan-derbyshire/> (consulté le 22 novembre 2022).

[70] Voir, par exemple, les critiques perspicaces de Domenico Losurdo sur Croce dans Antonio Gramsci: Del liberalismo al comunismo crítico (Madrid: disenso, 1997).

[71] Ronald Radosh. « Steve Bannon, le meilleur gars de Trump, m’a dit qu’il était ‘léniniste’. » Daily Beast (13 avril 2017): <https://www.thedailybeast.com/steve-bannon-trumps-top-guy-told-me-he-was-a-leninist> (consulté le 22 novembre 2022).

[72] Le tweet de Spencer a été archivé ici : <https://archive.ph/qT5Xu> (consulté le 22 novembre 2022).

[73] Slavoj Žižek. « Interview du New Statesman. »

[74] Michael B Kelley. « L’année dernière, le président Obama aurait dit à ses assistants qu’il était « vraiment doué pour tuer des gens ». Business Insider (2 novembre 2013): <https://www.businessinsider.com/obama-said-hes-really-good-at-killing-people-2013-11?op=1> (consulté le 22 novembre 2022).

[75] Žižek, « New Statesman Interview ».

[76] « Doug Henwood interviewe Slavoj Žižek ». No Subject – Encyclopedia of Psychoanalysis (27 février 2002): <https://nosubject.com/I_am_a_fighting_atheist> (consulté le 22 novembre 2022).

[77] Ibid.

[78] Slavoj Žižek. Répéter Lénine (Zagreb: livres bâtards, 2001), 137.

[79] Žižek, « Le désir communiste ».

[80] Pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres, Žižek a l’audace d’affirmer que la lutte des classes ne fait pas partie de la « réalité sociale objective » mais est plutôt le Réel « au sens strictement lacanien », ce qui signifie que la lutte des classes « n’est autre que le nom de la limite insondable qui ne peut être objectivée, située dans la totalité sociale » (Slavoj Žižek, Éd. Cartographie de l’idéologie. Londres: Verso, 2000, 25, 22).

[81] Karl Marx et Friedrich Engels. Śuvres collectées. Vol. 5 (Moscou: Progress Publishers, 1976), 49.

[82] Badiou attire particulièrement l’attention sur les livres du dissident de droite Alexandre Soljenitsyne, qui a été accueilli à bras ouverts par Hienrich Böll et les réseaux de la CIA avec lesquels il était impliqué en Allemagne (voir le documentaire de Hans-Rüdiger Minow de 2006 pour ARTE, Quand la CIA infiltrait la culture: <https://www.youtube.com/watch?v=58QTcf_mFag>, consulté le 22 novembre, 2022). Le métaphysicien se réfère également au « travail remarquable et incontestable » sur la terreur stalinienne et positionne « au premier rang » le « grand livre » de J. Arch Getty, The Road to Terror: Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks 1932-1939 (Slavoj Žižek, Ed. L’idée du communisme. Vol. 2. Londres : Verso, 2013, p. 6). Badiou refuse de mentionner que ce travail a été financé par le Département d’État américain, le National Endowment for the Humanities et l’Open Society Fund. Il omet également le fait que le livre a été publié dans une série dont le conseil consultatif comprend des membres puissants de l’élite impériale américaine, y compris l’agent du département d’État américain Strobe Talbott et le conseiller anticommuniste à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski. Ce dernier a été impliqué, entre autres, dans les opérations secrètes de la CIA en Afghanistan qui ont financé et soutenu les moudjahidines – y compris Oussama ben Laden – pour combattre l’Union soviétique (voir Chomsky, 9/11, 82).

[83] Pour une excellente critique de Badiou dans ce sens, voir Losurdo, Western Marxism.

[84] Costas Douzinas et Slavoj Žižek, eds. The Idea of Communism (Londres: Verso Books, 2010), viii.

[85] Voir Gabriel Rockhill et Jennifer Ponce de León. « Vers un modèle compositionnel de l’idéologie: matérialisme, esthétique et imaginaires sociaux. » Philosophy Today 64:1 (hiver 2020).

[86] Žižek, Looking Awry, p. 39; Slavoj Žižek. Metastases of Enjoyment: Six Essays on Woman and Causality (Londres: Verso, 1994), 30. « Le Réel », écrit Žižek, « est précisément ce qui résiste et échappe à l’emprise du Symbolique et, par conséquent, ce qui n’est détectable dans le Symbolique que sous le couvert de ses perturbations » (Métastases de jouissance, 30).

[87] Ibid. 76.

[88] Žižek, Looking Awry, p. 12. Je ne me fais aucune illusion sur la stabilité des positions politiques de Žižek ni, d’ailleurs, sur son interprétation de Lacan ou d’autres questions. En tant qu’opportuniste, il a, bien sûr, pris de nombreuses positions différentes, dont certaines montrent des signes évidents d’auto-contradiction. Ce que je souligne ici est donc simplement l’une des lignes directrices les plus cohérentes de son travail, à savoir le thème de l’acte éthique, tel qu’il suit la théorie du sujet de Badiou.

[89] Alain Badiou. L’hypothèse communiste, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2009, 189. À de nombreuses reprises, Žižek embrasse explicitement l’idée du communisme de Badiou, qui chevauche les nombreux écrits du premier sur l’acte éthique. Voici un exemple : « L’idée communiste persiste ainsi : elle survit aux échecs de sa réalisation comme un spectre qui revient encore et encore, dans une persistance sans fin mieux résumée par les mots déjà cités de Beckett : « Essayez encore. Échouez à nouveau. Échouez mieux’ » (Douzinas et Žižek, Eds., L’idée du communisme, 217).

[90] Badiou, L’hypothèse communiste, 188.

[91] Ibid. 189.

[92] Ibid. 202. Jamais en reste dans le domaine de l’hyperbole, Žižek double la position de Badiou et la pousse encore plus loin : « Si elle veut survivre, la gauche radicale doit donc repenser les prémisses de base de son activité. Nous devrions rejeter non seulement les deux formes principales du socialisme d’État du XXe siècle (l’État-providence social-démocrate et la dictature du parti stalinien), mais aussi la norme même au moyen de laquelle la gauche radicale mesure habituellement l’échec des deux premières : la vision libertaire du communisme en tant qu’association, multitude, conseils, démocratie directe anti-représentationniste basée sur l’engagement permanent des citoyens » (Taek-Gwang Lee et Slavoj Žižek. L’idée du communisme. Vol. 3. La Conférence de Séoul. Londres: Verso, 2016).

[93] Badiou, L’hypothèse communiste, 190. Badiou cite de manière révélatrice les exemples suivants : « le

Le mouvement Solidarnosc en Pologne dans les années 1980-81, la première séquence de la révolution iranienne, l’Organisation politique en France [groupe politique de Badiou], le mouvement zapatiste au Mexique, les maoïstes au Népal » (ibid. 203). Dans le troisième volume de The Idea of Communism, qui était basé sur une conférence en Corée du Sud – un État capitaliste et une colonie américaine de facto occupée par l’armée – Badiou insiste dans ses commentaires d’ouverture sur le fait que les participants à la conférence « n’ont rien à voir avec l’État nationaliste et militaire de la Corée du Nord », ajoutant pour faire bonne mesure : « Nous n’avons, plus généralement, rien à voir avec les partis communistes qui, ici et là, continuent l’ancienne mode du siècle dernier [c’est-à-dire le socialisme réellement existant]. »

[94] « Slavoj Žižek : « L’humanité va bien, mais 99 % des gens sont des idiots ennuyeux. » The Guardian (10 juin 2012): <https://www.theguardian.com/culture/2012/jun/10/slavoj-zizek-humanity-ok-people-boring> (consulté le 22 novembre 2022).

[95] Žižek a beaucoup écrit sur Antigone comme quelqu’un qui a accompli un tel acte en se rebellant contre l’État et en rejetant le règne du « principe de réalité » en faveur d’un dévouement intransigeant à son désir (enterrer son frère et ainsi honorer la loi supérieure des dieux). « Un acte n’est pas seulement un geste qui « fait l’impossible », affirme-t-il dans sa glorification du désir individuel à la Antigone, « mais une intervention dans la réalité sociale qui change les coordonnées mêmes de ce qui est perçu comme « possible » » (Did Someone Said Totalitarianism ?, 167).

[96] Badiou et Žižek ont parfois pris des positions politiques en faveur de la classe ouvrière, et ce n’est pas l’objet de ma critique. C’est plutôt leur opposition farouche – à quelques exceptions mineures et explicables – au mouvement socialiste international de 1917 à nos jours, qui a pris la forme de projets de construction d’État anti-impérialistes de l’URSS au Vietnam, en passant par la Chine, Cuba et au-delà.

[97] Voir Radhika Desai. « Les nouveaux communistes des Communs : les proudhoniens du XXIe siècle ». International Critical Thought1:2 (1er août 2011): 204-223.

[98] V.I. Lénine. Śuvres collectées. Vol. 19 (Moscou: Progress Publishers, 1977), 396.

[99] Karl Marx et Friedrich Engels. Śuvres collectées. Vol. 20 (Moscou: Progress Publishers, 1976), 33.

Gabriel Rockhill est un philosophe, critique culturel et activiste franco-américain. Il est le directeur fondateur de l’atelier de théorie critique et professeur de philosophie à l’Université Villanova. Ses livres incluent Counter-History of the Present: Untimely Interrogations into Globalization, Technology, Democracy (2017), Interventions in Contemporary Thought: History, Politics, Aesthetics (2016), Radical History & the Politics of Art (2014) et Logique de l’histoire (2010). En plus de son travail universitaire, il a été activement engagé dans des activités extra-académiques dans le monde de l’art et de l’activisme, ainsi qu’un contributeur régulier au débat intellectuel public. Suivez-nous sur twitter : @GabrielRockhill


Edité le 04-01-2023 à 07:02:39 par Xuan


Xuan
Le bouffon de Cour du capitalisme : Slavoj Žižek

3 JANVIER 2023

https://histoireetsociete.com/2023/01/03/le-bouffon-de-cour-du-capitalisme-slavoj-zizek/
Que voilà un texte réjouissant, un cri de révolte qui méritait d’être poussé et qui j’espère inaugure des temps nouveaux, ceux du retour au matérialisme… même si le gars Gabriel Rockhill n’y va pas avec le dos de la cuillère, quel soulagement à le lire et à travers Slavoj Zizek c’est non seulement la gauche social démocrate, les pseudos nouveaux philosophes mais aussi tous ceux qui ont prétendu au nom d’une gauche radicale voire d’un renouveau du marxisme, défendre en fait l’allégeance totale au capital, les tenants du ‘communisme maintenant’ à la Vasseur, comme les Chantal Mouffe de la FI, tous ceux dont l’Humanité a assuré la promotion sont ici dénoncés en montrant comment tout en se parant y compris du communisme, ils n’ont cessé d’en affirmer l’impossibilité et même le caractère criminel. Cela tombe bien non seulement dans le 39e congrès mais dans un contexte beaucoup plus large, celui d’un monde nouveau en train de naitre et face aux soutiens avérés à l’OTAN qui parfois osent se présenter masqués de communisme. Ces penseurs-là sont du niveau du minable Hollande et de ses vśux pour 2023, ce paltoquet, cette illustration de la bouffonnerie du “politique” a dit espérer que les démocraties triompheraient cette année, son pendant est bien le pitre décrit ici … (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
PAR GABRIEL ROCKHILL

Le bouffon de cour du capitalisme : Slavoj Žižek

Capitalism’s Court Jester: Slavoj Žižek



Source de la photographie : Universidade de Brasília – CC BY 2.0

L’un des intellectuels les plus éminents du monde contemporain a été nommé sur la liste des « 100 meilleurs penseurs mondiaux » par le magazine Foreign Policy en 2012. [1] Il partage cette distinction avec Dick Cheney, Recep Tayyip Erdo&#287;an, Benjamin Netanyahu et l’ancien directeur du Mossad Meir Dagan. La meilleure idée du dit théoricien – selon cette publication bien connue qui est une branche virtuelle du Département d’État américain – est que « la grande révolution que la gauche attend ne viendra jamais ». [2]

D’autres idées du même étaient sûrement de solides prétendants à la même distinction, et nous pourrions en ajouter quelques unes en reprenant la liste des postes plus récents. Pour ne citer que quelques exemples, ce penseur mondial de premier plan a décrit le communisme du 20e siècle, et plus particulièrement le stalinisme, comme « peut-être la pire catastrophe idéologique, politique, éthique, sociale (et ainsi de suite) de l’histoire de l’humanité ». [3] En fait, ajoute-t-il pour argumente « si vous mesurez à un certain niveau abstrait de souffrance, le stalinisme était pire que le nazisme », en regrettant apparemment que l’Armée rouge sous Staline ait vaincu la machine de guerre nazie. [4] Le Troisième Reich n’était pas aussi « radical » dans sa violence que le communisme, insiste-t-il, et « le problème avec Hitler était qu’il n’était pas assez violent ». [5] Peut-être aurait-il pu prendre quelques conseils de Mao Zedong qui, selon ce grand théoricien, a pris la « décision impitoyable d’affamer des dizaines de millions de personnes à mort ». [6] Cette affirmation non documentée place son auteur à l’extrême droite du Livre noir anticommuniste du communisme, qui reconnaît que Mao n’avait pas l’intention de tuer ses compatriotes. [7] Une telle information n’a cependant aucune importance pour ce théoricien puisqu’il part de l’hypothèse que le pire « crime contre l’humanité » dans le monde moderne n’était pas le nazisme ou le fascisme, mais plutôt le communisme.

Le penseur en question est aussi un eurocentriste autoproclamé qui laisse entendre que l’Europe est politiquement, moralement et intellectuellement supérieure à toutes les autres régions de la planète Terre. [8] Lorsque la crise des réfugiés européens s’est intensifiée en raison des interventions militaires occidentales brutales dans la région méditerranéenne, il a répété comme un perroquet le credo du « choc des civilisations » de Samuel Huntington en déclarant que « c’est un simple fait évident que la plupart des réfugiés viennent d’une culture incompatible avec les notions de droits de l’homme de l’Europe occidentale ». [9] Cet expert de premier plan a également soutenu Donald Trump pour la présidence lors de l’élection de 2016. [10] Plus récemment, il s’est explicitement positionné à la droite du célèbre belliciste Henry Kissinger en accusant ce dernier de « pacifisme » et en exprimant son « plein soutien » à la guerre par procuration des États-Unis en Ukraine, affirmant que « nous avons besoin d’une OTAN plus forte » pour défendre « l’unité européenne ». [11]

Être ainsi célébré par l’éminent journal cofondé par l’agent archi-conservateur de sécurité nationale Huntington n’est que la pointe de l’iceberg pour cette superstar mondiale, qui a atteint un niveau de renommée internationale rarement accordé aux intellectuels professionnels. [12] En plus d’être une célébrité académique avec des nominations prestigieuses dans des institutions de premier plan dans le monde capitaliste et d’innombrables colloques internationaux, il a occupé une surface énorme de plate-forme médiatique. Cela comprend la publication de livres et d’articles à une vitesse vertigineuse pour certains des médias les plus importants, le sujet de plusieurs films et l’apparition régulière à la télévision et dans les grands spectacles médiatiques.

Compte tenu de la nature de ces positions politiques et de leur amplification par l’appareil culturel bourgeois, on pourrait supposer que le penseur en question est un idéologue de droite promu par les groupes de réflexion impérialistes et l’État de sécurité nationale des États-Unis. C’est tout le contraire, cependant, c’est un commentateur tel que quiconque prétend parcourir en ligne la théorie radicale ou même le marxisme est susceptible de le rencontrer presque immédiatement, parce qu’il est l’un des intellectuels les plus visibles sensés représenter la gauche: Slavoj Žižek.

Donald Trump a exprimé sa croyance dans le pouvoir de la machine de propagande américaine en affirmant le fait tristement célèbre qu’il pouvait « se tenir au milieu de la Cinquième Avenue et tirer sur quelqu’un » sans perdre un seul électeur. [13] Dans notre société perverse et décadente du spectacle au sein du noyau impérialiste, il en va de même pour l’enfant modèle de l’industrie théorique mondiale. Žižek pouvait prendre les positions politiques les plus réactionnaires imaginables, les faire diffuser dans le monde entier par l’appareil culturel capitaliste, et toujours être présenté comme un intellectuel dominant de la gauche. C’est précisément ce qu’il a fait.

Soupe discursive pour les non-éduqués

En tant que jeune étudiant en philosophie aux États-Unis au début des années 1990, je dois admettre que j’ai été trompé par ce bonimenteur et le système qui l’a promu. Il a fait irruption sur la scène comme l’Evel Knievel de l’industrie théorique quand j’étais étudiant de premier cycle. Plutôt que des discussions sans fin sur une histoire philosophique européenne dont je ne connaissais rien, voici quelqu’un qui pouvait parler à un intellectuel en herbe peu éduqué de 19 ans de tout cela : films hollywoodiens, histoires de science-fiction, société de consommation, culture en ligne, théories cool d’Europe, pornographie, sexe et, enfin, plus encore de sexe. Il était enivrant à lire, en particulier pour quelqu’un qui était mal nourri par l’appareil idéologique capitaliste et qui avait faim de quelque chose de différent.

J’ai dévoré chaque livre quand il sortait dans les années 1990 et au début du 21ème siècle. J’ai également marché sur ses talons en poursuivant un doctorat sous la direction de sa figure paternelle intellectuelle à Paris: Alain Badiou. Cependant, alors que je continuais à m’instruire, j’ai commencé à me lasser de ses répétitions, de sa superficialité théorique et de ses mouvements rhétoriques automatiques. Je voyais de plus en plus ses pitreries provocatrices comme un pauvre ersatz d’analyse historique et matérialiste. Cela a atteint son paroxysme en 2001 lorsqu’il s’est efforcé d’expliquer les événements du 11septembre à travers une interprétation lacanienne effrontée de The Matrix. Ses prises de position à chaud, alors qu’elles se vendaient comme des petits pains, pâlissaient en comparaison des analyses matérialistes rigoureuses de l’histoire de l’impérialisme américain et des machinations de son État de sécurité nationale, telles qu’on les trouvait dans l’śuvre de Noam Chomsky, ou bien mieux, celle de Michael Parenti. [14]

J’ai ensuite eu une occasion unique de voir comment était fabriquée la soupe discursive de Žižek lorsque j’ai traduit un livre de Jacques Rancière alors que je passais un diplôme en tant qu’étudiant. Comme Rancière était largement inconnu dans le monde anglophone à l’époque, tous les éditeurs ont refusé le projet. Lorsque j’ai finalement pu convaincre l’un d’entre eux de l’envisager, après un rejet initial hâtif, l’éditeur des acquisitions de la maison d’édition – qui est maintenant disparue – a imposé une condition : pour garantir des ventes lucratives, j’avais besoin d’obtenir une préface d’une force marketing majeure dans la théorie radicale comme Žižek. Ce dernier accepta et m’envoya plus tard un texte confus qui était une resucée sur Rancière de son livre The Ticklish Subject. [15] Il y avait ajouté quelques ruminations et commentaires préfectifs associatifs libres pour l’un des livres de Rancière sur le cinéma, qui démontrait peu ou pas de connaissance du travail de ce dernier sur l’esthétique ou du livre en question (j’avais traduit Le Partage du sensible : Esthétique et politique). Dégoûté par ce mépris éhonté de la rigueur scientifique, mais dépourvu de tout pouvoir institutionnel ou d’une analyse politique plus approfondie à l’époque, j’ai su que mes mains étaient liées parce que je devais accepter l’utilisation par l’industrie théorique de ce charlatan, promouvoir ses produits si je voulais que ma traduction voie le jour. J’ai cherché à enterrer la préface en la transformant en postface et en l’entourant d’élucidations savantes sur l’śuvre de Rancière. Rétrospectivement, cependant, j’aurais dû simplement arrêter le projet.

En repensant à mes expériences avec le soi-disant Elvis de la théorie culturelle, je vois maintenant que, dans le cadre de la couche ascendante et mal éduquée de la classe dirigeante professionnelle dans le noyau impérialiste, j’étais le public cible de ses singeries. En 1989, le mur de Berlin est tombé et le premier livre majeur de Žižek est sorti en anglais avec Verso: The Sublime Object of Ideology. Préfacé par le démocrate radical post-marxiste – c’est-à-dire le chichi antimarxiste – Ernesto Laclau, il a été présenté comme une publication phare de sa nouvelle série avec Chantal Mouffe. La série cherchait à s’inspirer des courants théoriques « anti-essentialistes », comme ceux de la France inspirés par Martin Heidegger, afin de fournir « une nouvelle vision de la gauche conçue en termes de démocratie radicale et plurielle » plutôt que de soutien au socialisme. [16] Ces deux démocrates radicaux – dont l’orientation politique résonnait avec les mouvements anticommunistes présentés comme « pro-démocratie » et utilisés pour démanteler les pays socialistes – ont joué un rôle central dans la promotion de Žižek. Ils l’ont invité à présenter son travail dans le monde anglophone et lui ont ouvert des plateformes de publication prestigieuses. Il a rendu la pareille en utilisant explicitement leur pronunciamento post-marxiste, Hegemony and Socialist Strategy (1985), pour encadrer son premier livre, basé sur leur opposition commune à « la solution-révolution mondiale » du « marxisme traditionnel ». [17] En 1991, l’URSS a été démantelée, et l’aspirant théoricien post-marxiste au service de l’Occident a publié deux autres livres : un autre dans la série de Laclau et Mouffe, et un en octobre. [18] Il a ainsi définitivement surfé sur la vague théorique montante de la démocratie radicale au moment même où les mouvements « pro-démocratie » dissidents soutenus par les États impérialistes et leurs services de renseignement faisaient reculer agressivement les acquis de la classe ouvrière afin de redistribuer la richesse vers le haut.

Alors que le socialisme de style soviétique était démantelé, cet informateur originaire d’Europe de l’Est présentait de plus en plus son post-marxisme comme rien de moins que la forme la plus radicale du marxisme. À l’instar d’Elvis, qui a notoirement accédé à la célébrité dans l’industrie musicale en s’appropriant, en domestiquant et en généralisant la musique des communautés noires, souvent enracinée dans des luttes très réelles, Žižek est devenu un homme de paille dans l’industrie mondiale de la théorie en empruntant ses idées les plus importantes à la tradition marxiste, mais en les soumettant à un mélange culturel postmoderne ludique pour en écraser la substance, les transformant ainsi en produits de consommation de masse dans l’ère néolibérale du revanchisme anticommuniste. Il est essentiel de noter à cet égard que, tandis que l’establishment capitaliste célébrait la prétendue fin de l’histoire dans les années 1990, il a également promu, pour la strate sociale plutôt nichée de l’intelligentsia radlib, le symbole du marxisme, prétendument libéré de sa substance, comme un ballon rouge flottant dans toutes les directions où soufflait le vent impulsé par le capitalisme. C’était Žižek : il allait devenir le “marxiste” le plus connu de l’ère néolibérale de l’anticommunisme accéléré. L’homme mystérieux venu de l’Est – une caricature littérale du “marxiste fou”, mieux connu sous le sobriquet de “Borat de la philosophie” – s’est élevé comme un phénix pervers se masturbant publiquement sur les flammes qui avaient détruit le socialisme de style soviétique.

Sophistique dialectique

Comme beaucoup d’autres penseurs radicaux autoproclamés, dont l’huile de serpent se vend si bien parce qu’elle est toujours aussi glissante, Žižek est fier de sa prose insaisissable et de son comportement erratique. En le lisant, on en vient à anticiper, au détour de chaque page, un énième moment “d’accroche” où l’on apprend que c’est en fait le contraire (de ce qu’il nous avait fait croire à la page précédente) ! Comme un enfant qui ne se lasse pas de jouer à cache-cache, malgré son incapacité à se cacher, le prodige slovène se dérobe constamment et échappe à tout contrôle discursif pour dire tout et son contraire dans l’espoir de brouiller les pistes et de rester insaisissable. Il semble ignorer le fait qu’il existe une idéologie évidente et cohérente qui opère dans le caractère caméléon des intellectuels de son acabit. Elle s’appelle l’opportunisme.

Lorsque M. Žižek a été interviewé pour le catalogue Abercrombie and Fitch, son intervieweuse lui a dit qu’elle renverrait le texte avant sa publication. Il a rétorqué : “Oh, ce n’est pas nécessaire. Quoi que je dise, vous pouvez me faire dire le contraire !”[19] Dire quelque chose est tout aussi bien que dire son contraire pour un opportuniste dont l’objectif principal est d’avoir son nom en lumière. En fait, si vous dites les deux à la fois – tout en attribuant de manière fallacieuse ce mouvement rhétorique fatigant à la “dialectique” afin de fournir une couverture pseudo-intellectuelle pour rien de plus qu’une chicanerie auto-promotionnelle grossière – vous occupez plus d’espace et prenez encore plus de temps, évinçant tous ceux qui pourraient avoir quelque chose à dire. Le fait que l’appareil culturel bourgeois lui offre une si grande tribune révèle sa propension à promouvoir de telles pitreries plutôt que des formes d’analyse véritablement radicales. Il convient de rappeler, à cet égard, que sa dialectique dada connaît des limites très précises. On ne l’a jamais entendu dire, à ma connaissance, quelque chose comme : L’idéologie dominante ne cesse de dire que le socialisme existant était absolument horrible… mais c’est précisément le contraire !

On peut se demander pourquoi un marxiste auto-stylisé embrasse sans critique les éléments les plus grossiers de l’industrie culturelle qui le promeut, en se prostituant volontairement à une ligne de vêtements de méga-entreprise qui a été placée sur le “Sweatshop Hall of Shame” par le Forum international des droits du travail en 2010. Ce n’est toutefois qu’un exemple parmi tant d’autres de la relation intime entre l’industrie mondiale de la théorie et l’industrie générale du capitalisme de consommation. Žižek ne vend pas seulement des livres ; il colporte aussi des films, de l’art, de la littérature, des magazines, des journaux, des spectacles publics et, enfin, des vêtements de style américain pour “les gens cool et beaux”, selon les mots choisis du PDG de A&F[20].

Dissident pro-occidental et anticommuniste

Comme cet escroc dit et redit à peu près tout et son contraire, il est utile de se concentrer sur ce qu’il a réellement fait et sur la nature de sa pratique théorique. Pour bien comprendre cette dernière, il est nécessaire de le situer, lui et son activité spécifique, dans les relations sociales de la production intellectuelle. En d’autres termes, par pratique théorique, j’entends non seulement ses activités subjectives en tant qu’intellectuel, mais aussi la totalité sociale objective dans laquelle il opère et qui l’a promu au rang de superstar internationale. Une partie de mon argument est que Žižek doit être compris comme un produit culturel de l’industrie mondiale de la théorie plutôt que d’être fétichisé comme un sujet sui generis.

L’auteur de In Defense of Lost Causes est né en 1949 et a grandi dans la République fédérale socialiste de Yougoslavie (RFSY). Il affirmera plus tard, sans autre preuve que des anecdotes à l’appui, que “la vie dans un État communiste était la plupart du temps pire que la vie dans de nombreux États capitalistes” [21], mais son pays d’origine offrait aux masses une qualité de vie qui mérite d’être brièvement rappelée :

Entre 1960 et 1980, elle [la Yougoslavie] a connu l’un des taux de croissance les plus vigoureux, ainsi que la gratuité des soins médicaux et de l’enseignement, le droit garanti à un revenu, un mois de vacances payé, un taux d’alphabétisation de plus de 90 % et une espérance de vie de soixante-douze ans. La Yougoslavie offrait également à ses citoyens multiethniques des transports publics, des logements et des services publics abordables, dans une économie socialiste de marché essentiellement publique [22].

Selon son biographe Tony Myers, Žižek n’aimait pas la culture communiste de son pays natal. Sûrement conscient des opportunités potentielles d’avancement socio-économique personnel dans le monde capitaliste, ce jeune intellectuel vénal s’est consacré à l’imprégnation de la culture pop occidentale. “En tant qu’étudiant, écrit Myers, il s’est intéressé à la philosophie française et a écrit sur ce sujet plutôt que sur les paradigmes officiels de la pensée communiste”[23] Sa thèse de maîtrise sur la théorie française “a été jugée politiquement suspecte” car, selon son collègue philosophe slovène Mladen Dolar, “les autorités craignaient que l’enseignement charismatique de Žižek n’influence indûment les étudiants par sa pensée dissidente”[24].

Il a fini par écrire son premier livre sur le nazi impénitent Martin Heidegger, la principale référence de l’opposition anticommuniste slovène selon Žižek lui-même. Il a également publié la première traduction slovène du philosophe français qui a énormément contribué à réhabiliter la réputation de Heidegger après la Seconde Guerre mondiale : Jacques Derrida[25] Le magus français de la déconstruction était lui-même directement impliqué dans l’activisme politique anticommuniste dissident contre le gouvernement en Tchécoslovaquie[26]. [Il a cofondé la section française de la Fondation éducative Jan Hus, qui a été financée par un nombre impressionnant de sociétés et de gouvernements occidentaux connus pour leur soutien à la subversion anticommuniste, notamment la Fondation Margaret Thatcher, l’Open Society Fund (Soros), la Fondation Ford, l’Agence d’information des États-Unis et la National Endowment for Democracy (NED), qui est une émanation de la CIA[27].

Après un séjour à Paris pour compléter un second doctorat, Žižek est retourné en RSFY en 1985 et s’est d’abord fait connaître du public en tant que dissident anticommuniste faisant partie de l'”opposition” orientée vers l’Occident et influencée par la théorie française[28] ” À la fin des années 1980, explique-t-il, je me suis personnellement engagé à saper l’ordre socialiste yougoslave[29]. “[29] Il était “le principal chroniqueur politique” de Mladina, un hebdomadaire de premier plan qui faisait partie du mouvement dissident contre le gouvernement communiste[30] Le magazine, pour lequel il écrivait une chronique hebdomadaire, a été accusé d’être soutenu par la CIA dans un rapport long et détaillé du Parti communiste yougoslave, qui soulignait également la prolifération de contre-révolutionnaires qui menaçaient la survie même de la RSFY. [Il a participé, entre autres, au Comité pour la protection des droits de l’homme des quatre accusés en 1988, qui exigeait, selon ses propres termes, “l’abolition du système socialiste existant” et “le renversement global du régime socialiste”[33]. Cela était parfaitement conforme à la National Security Decision Directive 133 (NSDD) du président Ronald Reagan, qui préconisait en 1984 “des efforts accrus pour promouvoir une “révolution tranquille” visant à renverser les gouvernements et les partis communistes” en Yougoslavie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est[34].

Žižek a cofondé le Parti libéral démocrate (LDS), dont il a été l’un des principaux porte-parole publics[35]. Le LDS, ancré dans la tradition libérale de promotion du “pluralisme”, a dominé la Slovénie au cours de la première décennie qui a suivi la fin du socialisme[36]. Žižek a été le candidat du parti à la présidence à quatre de la toute première république séparatiste, qui a servi de levier pour le démantèlement de la RSFY. Il a fait la promesse de campagne suivante lors d’un débat télévisé en 1990 : “Je peux, en tant que membre de la présidence, contribuer de manière substantielle à la décomposition de l’appareil idéologique réaliste-socialiste de l’État”[37] Il a exprimé sa volonté de mettre en śuvre des politiques de restructuration économique libérale, qui avaient déjà eu des conséquences catastrophiques pour les travailleurs, affirmant qu’il est un “pragmatique” dans ce domaine : “Si ça marche, pourquoi ne pas en essayer une dose ? “[38] En effet, il a ouvertement plaidé pour des “privatisations planifiées” et a carrément affirmé, en bon idéologue capitaliste : “plus de capitalisme dans notre cas signifierait plus de sécurité sociale “[39] Ce qui, une fois de plus, était en parfaite adéquation avec le NSDD 133 de Reagan, qui appelait explicitement à “la libéralisation interne à long terme de la Yougoslavie” et à la promotion d’une “structure économique yougoslave orientée vers le marché”[40].

Le libéral de l’Est a également affirmé son soutien, au moins à court terme de la démolition socialiste, à ce que le philosophe anticommuniste Karl Popper appelait la « société ouverte ». Il a affirmé que George Soros, le fondateur anticommuniste de l’Open Society Fund (et ancien élève de Popper), « faisait du bon travail dans le domaine de l’éducation, des réfugiés et maintenait l’esprit théorique et social vivant ». [41] Popper a soutenu l’intervention de l’OTAN en RSFY, et son travail avait été promu par le Congrès pour la liberté culturelle, la tristement célèbre organisation de façade de la CIA. Soros a été profondément investi dans des opérations antisocialistes de changement de régime en Europe de l’Est. En Yougoslavie, « son Open Society Institute a canalisé plus de 100 millions de dollars dans les coffres de l’opposition anti-Milosevic, finançant des partis politiques, des maisons d’édition et des médias « indépendants » ». [42] De plus, Soros a ouvertement admis qu’il était – par le financement somptueux d’organisations et d’activités anticommunistes par sa fondation – « profondément impliqué dans la désintégration du système soviétique ». [43]

Bien que Žižek ait été battu de justesse dans sa course présidentielle, il a été ambassadeur pour la science dans la république post-socialiste émergente et continue apparemment à fournir des conseils informels au gouvernement. [44] En effet, il a exprimé son « soutien ouvert à l’État slovène après la restauration du capitalisme dans les années 1990 », et il est resté fidèle à son libéralisme anticommuniste : « J’ai fait une chose pour laquelle j’ai perdu presque tous mes amis, ce qu’aucun bon gauchiste ne fait jamais : j’ai pleinement soutenu le parti au pouvoir en Slovénie. » [45] Le SDJ, en tant que parti du capital, a poursuivi la dénationalisation et la privatisation. C’était dans un contexte où le FMI et la Banque mondiale faisaient adopter des contre-réformes économiques brutales qui avaient détruit le secteur industriel, démantelé l’État-providence, favorisé l’effondrement des salaires réels et licencié des travailleurs à un rythme effrayant (614 000 sur une main-d’śuvre industrielle totale de quelque 2,7 millions avaient été licenciées en 1989-90). [46] Le parti pro-privatisation que Žižek soutenait ouvertement, à une époque de « déclin massif du niveau de vie de larges couches de la population mondiale », était également désireux de devenir un partenaire junior dans le camp impérialiste. Il était « le principal promoteur de l’adhésion à l’Union européenne (UE) et à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ». [47] Ce processus a commencé dans les années 1990, et la Slovénie a officiellement rejoint l’UE en 2003 et l’OTAN l’année suivante. [48]

Il ne faut donc pas nous perdre de vue que cet intellectuel entrepreneur avait été pour la société civile pro-occidentale et contre l’État lorsque ce dernier était socialiste, alors qu’il était fièrement contre la société civile et pour l’État lorsque ce dernier est devenu capitaliste (et a cherché à adhérer aux organisations transnationales capitalistes et impérialistes). [49] En fait, dans sa campagne présidentielle, il a plaidé pour une purge antisocialiste de l’appareil d’État, ajoutant qu’il serait très strict et « repartirait de zéro » en ce qui concerne « l’administration des affaires intérieures, la police politique et ainsi de suite ». [50] Il a explicitement plaidé pour le développement d’un service de renseignement qui serait complètement liquidé de tous les éléments socialistes, annonçant ce qui ne pouvait être interprété que comme le rêve humide de la CIA dans la première république séparatiste (ce qui soulève de sérieuses questions sur sa relation précise avec l’agence qui a joué un rôle si central dans le renversement des gouvernements socialistes dans le monde entier, souvent en travaillant main dans la main avec les partis politiques antisocialistes locaux, les agences de renseignement, les publications et les intellectuels) : « Là-bas [en ce qui concerne l’administration des affaires intérieures et la police politique], je ferais une coupe. Maintenant, je vais dire quelque chose de pécheur. Je pense qu’en ces temps troublés, la Slovénie aura besoin d’un service de renseignement parce que pendant cette bataille pour la souveraineté, il y aura des actions pour la déstabiliser. Mais pour ce service, il est particulièrement important qu’il ne partage aucune continuité avec l’administration actuelle des affaires intérieures [c’est-à-dire la direction socialiste]. Ici, je préconise une réduction. » [51] Les communistes, selon ce jouet de l’Occident, le haïssent. Ils reconnaissent sans aucun doute qu’il est un opportuniste jouant un jeu très dangereux pour faire avancer sa carrière – ainsi que des plans de privatisation brutaux et d’expansion impérialiste – aux dépens des masses de travailleurs. « Je suis plutôt perçu comme un manipulateur politique sombre, inquiétant, comploteur », écrit le joker lacanien à propos de la façon dont il est vu en Slovénie, « un rôle que j’aime énormément et que j’aime beaucoup. » [52]

Bien qu’il ait légèrement repoussé le récit de la propagande occidentale selon lequel la haine ethnique était la principale cause de la dissolution de la RSFY, son raisonnement pour cette position s’aligne parfaitement – comme tant de ses autres positions politiques – avec la propagande promue par des sociétés de relations publiques pro-capitalistes comme Ruder & Finn et les actifs médiatiques de la CIA. Dans un texte intitulé « L’OTAN, la main gauche de Dieu », il affirmait catégoriquement : « C’est l’agression serbe seule, et non le conflit ethnique, qui a déclenché la guerre. » [53] Les Serbes, il convient de le rappeler, avaient « un pourcentage proportionnellement plus élevé d’adhésion au parti communiste que les autres nationalités ». [54] Žižek répétait ainsi comme un perroquet la position mise en avant par le directeur de Ruder & Finn, James Harff, qui se vantait que ses spin doctors avaient été capables de construire pour la RSFY une « histoire simple de bons et de méchants ». [55] Le libéral de l’Est a même tenté de blâmer les communistes, qui avaient supervisé un État multiethnique fonctionnant pendant des décennies, pour avoir produit le nationalisme et « l’attachement compulsif à la cause nationale ». [56] Il a également embrassé la diabolisation occidentale du président socialiste Slobodan Miloševi&#263; en se livrant à la théorie libérale du fer à cheval, affirmant qu’« il a réussi à synthétiser une combinaison impensable de fascisme et de stalinisme ». [57] Cependant, quelles que soient les erreurs ou les méfaits commis par les socialistes, le fait est que, comme Michael Parenti l’a expliqué dans un livre factuel sur le sujet : « il n’y a pas eu de guerre civile, pas de meurtres généralisés, et pas de nettoyage ethnique jusqu’à ce que les puissances occidentales commencent à s’immiscer dans les affaires intérieures de la Yougoslavie, en finançant les organisations sécessionnistes et en créant la crise politico-économique qui a déclenché le conflit politique ». [58]

Quelle était la position pro-capitaliste sur les bombardements humanitaires autoproclamés de l’OTAN contre des populations civiles sans défense et des infrastructures socialistes, dont le véritable objectif était la « tiers-mondisation » et la colonisation effective de la seule nation de la région qui avait refusé de se débarrasser de ce qui restait de son socialisme ? Il a affirmé effrontément, avec son enthousiasme caractéristique pour la provocation puérile : « Donc, précisément en tant que gauchiste, ma réponse au dilemme ‘Bombe ou pas ?’ est : pas encore assez de bombes, et elles sont TROP TARD. » [59] Puisqu’il a fait cette approbation retentissante pour intensifier le meurtre illégal de masse de civils dans un brouillon qui a circulé en ligne, et que cette déclaration particulière a été retirée du texte lorsqu’elle a été publiée, nous devrions noter qu’il est clair comme de l’eau de roche dans d’autres interviews, comme lorsqu’il affirme catégoriquement : « J’ai toujours été en faveur d’une intervention militaire de l’Occident. » [60]

Au cours de sa carrière ultérieure en tant que l’un des intellectuels publics les plus visibles au monde, il a pris à plusieurs reprises des positions fortes contre le socialisme réellement existant. Cuba, pour lui, n’est rien d’autre qu’un « reste nostalgique et inerte du passé » qui ne donne aucun espoir pour l’avenir et ne mérite même pas un soutien circonspect. [61] En parfaite ligne avec la propagande capitaliste, il présente la Chine comme une menace existentielle, et il décrit sans broncher le dirigeant communiste chinois Xi Jinping comme un capitaliste autoritaire qui dirige le même gang corrompu que Trump, Poutine, Modi et Erdo&#287;an. [62] Il est tout à fait évident en le lisant, malgré sa momie radicale, qu’il respecte le tristement célèbre mantra néolibéral de Margaret Thatcher : TINA – Il n’y a pas d’alternative. En fait, il le dit régulièrement lui-même : « Je ne suis au courant d’aucune alternative convaincante de gauche radicale » et « Je n’ai aucun espoir fondamental dans une révolution socialiste ou quoi que ce soit d’autre ». [63] Dans le débat présidentiel de 1990 mentionné ci-dessus, il a expressément embrassé les vues de Winston Churchill – dont le plaidoyer obstiné pour la boucherie coloniale l’a placé « à l’extrémité la plus brutale et la plus brutale du spectre impérialiste britannique » – en affirmant que le capitalisme « est le pire de tous les systèmes » mais « nous n’en avons pas un autre qui serait meilleur ». [64]

Dans le même temps, il est régulièrement intervenu dans les débats publics pour exprimer son soutien à l’Union européenne (un projet capitaliste de longue date promu par l’État de sécurité nationale des États-Unis comme rempart contre le communisme) et certains actes de l’impérialisme occidental, y compris certaines des interventions militaires brutales de l’OTAN, en particulier celles en Europe ou à proximité. [65] Sa grande idée pour l’avenir de l’humanité ne se trouve pas dans les États socialistes du Sud qui ont mené avec succès des luttes anticoloniales contre l’impérialisme. Il est plutôt situé dans l’épicentre historique du colonialisme et de l’impérialisme. « Dans le monde capitaliste global d’aujourd’hui », écrit-il, « elle [l’idée d’Europe] offre le seul modèle d’organisation transnationale ayant l’autorité pour limiter la souveraineté nationale et la tâche de garantir un minimum de normes pour le bien-être écologique et social. Quelque chose subsiste dans cette idée qui descend directement des meilleures traditions des Lumières européennes. » [66] En fait, selon son récit historique euro-diffusionniste, les luttes anticoloniales du tiers monde dépendent elles-mêmes de concepts prétendument importés de l’Occident, y compris ce que Žižek décrit comme « l’examen autocritique » de ce dernier de sa propre « violence et exploitation » dans le tiers monde. [67] En tant que chauvin social qui croit profondément que l’Europe est le leader naturel du développement mondial, il est même d’accord avec l’affirmation réactionnaire de Bruno Latour selon laquelle « seule l’Europe peut nous sauver ». [68]

Cosplay communiste

En dépit de l’orientation politique claire de Žižek dans la pratique en tant qu’anticommuniste pro-occidental, qui a agressivement soutenu le renversement du socialisme en faveur du capitalisme, cet excentrique autoproclamé ne se lasse jamais de prétendre qu’il est communiste. Il tente même d’habiller le rôle, pour ainsi dire, en se présentant comme le « sale communiste » de l’Est. En plus de la barbe obligatoire et de l’apparence échevelée, il parle de manière belliqueuse à ses interlocuteurs, crachant une provocation sans fin comme si la logorrhée pseudo-intellectuelle était passée de mode. Une vraie performance pour épater les bourgeois.

Žižek est le bouffon de Cour du capitalisme néolibéral. Assumant la figure du marxiste-qua-antisocial-fanatique, il encourage le mépris pour le projet réel du socialisme, tout en colportant les marchandises de la société de consommation occidentale à travers son mélange de culture pop. Le spectacle histrionesque de cet enfant terrible est coutumier – il ne faut jamais l’oublier – sur la scène capitaliste. Le filou n’est qu’un mercenaire et un symptôme révélateur de l’appareil culturel du néolibéralisme. C’est la Cour capitaliste qui a fait du joker une superstar, précisément parce qu’il a si bien joué son rôle. Comme tous les bons bouffons, il repousse les limites du décorum courtois et dit les choses les plus scandaleuses dans un spectacle hystérique de critique, tout en suivant finalement la ligne dominante qui revient à démontrer sa fidélité au marionnettiste (le capital-roi).

Pour jouer de manière convaincante son rôle provocateur, ce clown dit non seulement qu’il est marxiste, mais il insiste pour n’être rien de moins qu’un léniniste. Écoutons une de ses diatribes ridicules, qui, bien sûr, fait partie de sa routine et est donc répétée dans de nombreux textes : « Je suis léniniste. Lénine n’avait pas peur de se salir les mains. […] Lorsque vous voulez de l’électricité, si vous le pouvez, saisissez-la. Faites tout ce qui est possible. » [69] Cette représentation revient à dire que le léninisme consiste à n’avoir ni foi ni loi et à poursuivre impitoyablement le pouvoir. Une représentation aussi fallacieuse de Lénine, et du marxisme-léninisme plus généralement, s’inscrit parfaitement dans une longue histoire idéologique. Benedetto Croce, le sympathisant libéral et fasciste italien, a dit exactement la même chose de Marx : il était le Machiavel du prolétariat parce qu’il mettait la force en premier et cherchait impitoyablement à s’emparer du pouvoir. [70] Steve Bannon, s’appuyant sur un amalgame similaire du léninisme avec la politique de puissance brute, est également un « léniniste » autoproclamé à la Žižek. [71] C’est probablement l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le leader néo-nazi Richard Spencer a déclaré : « Slavoj Žižek est mon gauchiste préféré. Il a plus à enseigner à l’extrême droite qu’un million de douches conservatrices américaines. » [72]

Puisque le bouffon a toujours plus à dire sur tous les sujets, écoutons-le sur ce que signifie être léniniste en 2009, lorsqu’il a fait la déclaration citée ci-dessus: « Je suis léniniste. […] C’est pourquoi j’ai soutenu Obama. » [73] C’est l’une de ses meilleures blagues. Cette affirmation impassible est criminelle parce qu’il le pense vraiment. Il assimile littéralement le léninisme au soutien au leader en chef néolibéral dont la diversité a fourni une mince couverture pour faire tourner le moteur de la machine impériale américaine dans le monde entier, ce qui a conduit à la déclaration tristement célèbre d’Obama sur son programme d’assassinats, à savoir qu’il était « vraiment bon pour tuer des gens ». [74] Žižek, cependant, s’appuie essentiellement sur l’approche prétendument révolutionnaire de l’ancien président en matière de soins de santé, en fait un mandat imposé pour l’assurance privée calqué sur le plan du républicain de Mitt Romney : « Je pense que la bataille qu’il mène maintenant pour les soins de santé est extrêmement importante, car elle atteint le cśur même de l’idéologie dominante. » [75] Obama, nous nous en souvenons peut-être, a rejeté toute discussion sur les soins de santé à payeur unique, un système de couverture universelle avec des racines socialistes.

Quand vous êtes un idéaliste comme Žižek, le léninisme n’est qu’un mot, un signifiant flottant, avec lequel vous pouvez jouer, en l’utilisant comme un accessoire ou un gadget de plus. C’est douloureusement évident dans sa bande dessinée Répéter Lénine. En dépit de ce que le titre pourrait suggérer simplement aux naïfs et aux non-initiés, il proclame : « Je prends soin d’affirmer qu’il ne s’agit pas de répéter Lénine. Je ne suis pas idiot. Cela ne signifierait rien de retourner au parti ouvrier léniniste aujourd’hui. » [76] Ce qu’il aime chez Lénine « est précisément ce qui effraie les gens à son sujet – la volonté impitoyable de rejeter tous les préjugés. Pourquoi pas la violence ? Aussi horrible que cela puisse paraître, je pense que c’est un antidote utile à tout le pacifisme aseptique, frustrant et politiquement correct. » [77] C’est cette pulsion de mort débridée que le Lacanian slovène se sent obligé de répéter. « Répéter Lénine », écrit-il avec une typographie clownesque, « ne signifie PAS un RETOUR à Lénine – répéter Lénine, c’est accepter que « Lénine soit mort », que sa solution particulière a échoué, voire échoué monstrueusement, mais qu’il y avait une étincelle utopique qui valait la peine d’être sauvée. […] Répéter Lénine, c’est répéter non pas ce que Lénine a fait, mais ce qu’il n’a pas fait, ses occasions manquées. [78] Comme le « léniniste » le plus proclamé ne se lasse jamais de le répéter, le communisme a été et est un échec cataclysmique. Sa compulsion à le redire est donc mieux comprise si l’on reprend un thème de Beckett qu’il cite régulièrement dans des contextes tels que ceux-ci : « Essayez encore. Échouez à nouveau. Échouez mieux. Ce que l’avenir nous réserve, selon ce rebelle à la cause perdue, n’est donc rien d’autre qu’un échec renforcé : « nous devons accepter le fait qu’il est impossible pour le communisme de gagner […], c’est-à-dire que, en ce sens, le communisme est une cause perdue ». [79]

Le gain final pour le bouffon est que les super-riches le diluent dans leurs martinis et l’invitent à écrire une copie pour leurs publicités. Pendant ce temps, certains étudiants et membres de la classe managériale professionnelle achètent sa philosophie pop en pensant peut-être qu’ils apprendront quelque chose sur le marxisme. Au lieu de cela, ils sont emmenés dans un tapis magique théorique qui démontre à quel point le marxisme est ridicule tout en faisant la publicité des films à succès, des émissions de télévision, des romans de science-fiction et des produits de consommation assortis de l’industrie théorique mondiale d’Hollywood.

Le charme discret de la petite-bourgeoisie

Žižek, comme Badiou, n’est pas un matérialiste historique. [80] Aucun de ces philosophes ne s’engage dans une analyse rigoureuse de l’histoire concrète et matérielle du capitalisme et du mouvement socialiste mondial, et ils évitent l’économie politique sérieuse en faveur de la discussion des éléments et des produits superstructurels de l’appareil culturel bourgeois. Tous deux se livrent ouvertement à une approche philosophique idéaliste qui privilégie les idées et les discours, et ce sont des métaphysiciens qui défendent une croyance anti-scientifique en la superstition.

Si nous mettons entre parenthèses leurs vocabulaires idiosyncrasiques et examinons leurs pratiques théoriques en dehors des limites idéologiques du fétichisme de la marchandise culturelle, leur version spécifique de l’idéalisme pourrait être décrite comme un idéalisme transcendantal. Ils présentent leur cadre conceptuel géré par la marque (largement basé sur des interprétations personnelles de discours non marxistes comme ceux de Jacques Lacan et G.W.F. Hegel) comme la structure transcendantale de la réalité. Ils choisissent ensuite des éléments empiriques spécifiques – un événement d’actualité, un texte, un film hollywoodien, un emballage de bonbons, le dos d’une boîte de céréales, une tasse de Starbucks, un site pornographique ou littéralement n’importe quoi d’autre, en particulier dans le cas de Žižek – qui, selon eux, confirment ce modèle théorique préétabli, produisant ainsi l’illusion qu’ainsi a été apportée la preuve de sa véracité. Une telle affirmation, cependant, ne peut jamais être testée collectivement de manière rigoureuse, car il appartient aux caprices de chaque prestidigitateur spéculatif de décider quelles données empiriques corroborent leurs hypothèses théoriques (et donc quelles informations peuvent être ignorées).

Cela peut être clairement vu dans leur approche du communisme. Contrairement à Karl Marx et Friedrich Engels, qui soutenaient que « le communisme est le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses », ils affirment que le communisme est une « idée » et un « désir ». [81] Dans le même temps, ils suivent régulièrement la ligne de propagande capitaliste en condamnant le mouvement réel du communisme pour s’être prétendument livré au terrorisme sanguinaire, à la dictature violente et au génocide (ignorant allègrement la nécessité de fournir des documents pour de telles affirmations, ou invoquant simplement comme « preuve » le travail d’anticommunistes réactionnaires ou de sources financées par le Département d’État américain et l’Open Society Fund). [82] Les exceptions possibles qu’ils mentionnent parfois seraient souvent mieux décrites comme anarchistes, du moins telles qu’elles les interprètent, car elles ont tendance à célébrer des moments d’insurrection anti-étatique et anti-parti, y compris contre les États socialistes (comme dans l’interprétation de Badiou de la Révolution culturelle chinoise). [83] Pendant ce temps, ceux qui soutiennent le socialisme réellement existant sont présentés comme des dupes idéologiques ou des vestiges d’une époque révolue, piégés dans un monde imaginaire qui n’est pas sans rappeler ceux pris au piège de l’idéologie capitaliste. « La gauche qui s’est alignée sur le « socialisme réellement existant » a disparu ou s’est transformée en curiosité historique », c’est ce que nous dit l’introduction de leur ouvrage largement acclamé L’idée du communisme. [84]

Lorsque ce livre a été publié par Verso en 2010, le Parti communiste chinois comptait quelque 80 millions de membres, ce qui dépassait d’environ 16 millions la population totale de la France et de la Slovénie. Où alors nous pourrions nous demander si ces social-chauvins obtiennent leurs informations sur l’état actuel du monde. La réponse est d’une simplicité embarrassante pour ces philosophes idéalistes : Jacques Lacan et les éléments lacaniens dans l’śuvre de Louis Althusser. Ce dernier s’est inspiré de la scène miroir de Lacan et de la conceptualisation de l’imaginaire pour créer une représentation trompeuse de l’idéologie dans sa célèbre scène d’interpellation. [85] Comme Althusser l’affirme dans un passage qui contredit son analyse antérieure, un individu devient un sujet idéologique lorsqu’il se reconnaît comme celui qui est salué (interpellé par un policier dans la rue, ce qui signifie que l’individu s’identifie à l’image mise en avant par l’autre, assumant sa place dans l’ordre symbolique existant.

Il existe cependant une autre possibilité, à laquelle Lacan a fait référence dans son septième séminaire comme suivant l’impératif de ne pas compromettre son désir (ne pas céder sur son désir), que Žižek a théorisé en termes d’« acte éthique ». Plutôt que de rester un sujet idéologique piégé dans un rapport imaginaire aux rapports sociaux de production au sein de l’ordre symbolique, on peut devenir Sujet à la Badiou en poursuivant sans crainte le Réel, qui est ce je ne sais quoi qui résiste à l’ordre symbolique (tout en étant « contenu dans la forme symbolique » dans la mesure où le Réel est « la Cause absente du Symbolique »). [86] L’objet-cause du désir, ce que Lacan appelait l’objet petit a, est dans les mots de Žižek « le vide [du réel] rempli par la fiction symbolique créative ». [87] Elle motive notre jouissance dans le sens où nous la désirons précisément à cause de son impossibilité : le Réel ne peut jamais être intégré de manière transparente dans l’ordre symbolique ou simplement traduit dans ce que Lacan appelle la « réalité ». [88]

Puisque Badiou est plus systématique et rigoureux que le dispersé Žižek, et que ce dernier emprunte abondamment à l’idéaliste qu’il qualifie de Platon vivant, il convient de rappeler la structure lacanienne de base de « l’Idée du communisme » de Badiou : « l’Idée communiste est l’opération imaginaire par laquelle une subjectivation individuelle projette un fragment du réel politique dans la narration symbolique d’une Histoire ». [89] Dans un langage un peu plus direct, cela signifie que l’idée de communisme est une opération par laquelle un individu s’engage idéologiquement (l’imaginaire) dans un événement politique inexplicable (le réel) – comme Mai 68 pour Badiou – dont ils tentent de retracer les conséquences dans une situation historique donnée (le symbolique). Cela ne peut pas réellement être fait, selon le métaphysicien français, parce que l’Événement en tant que réel est récalcitrant au domaine symbolique de « l’Histoire » et de « l’État »; cela ne peut être fait qu’imaginairement par le Sujet individuel. [90] C’est l’une des raisons pour lesquelles Badiou proclame péremptoirement que « communiste » ne peut être utilisé comme adjectif pour décrire un parti ou un État réel. [91] Un siècle d’aspirations collectives et d’horreurs a apparemment démontré que « la forme du Parti, comme celle de l’État-socialiste, est désormais insuffisante pour assurer le soutien réel de l’Idée ». [92] En fait, l’Idée communiste ne peut soutenir que la politique qu’« il serait définitivement absurde de dire qu’ils sont communistes ». [93] Anarchiste serait le terme commun, et plus spécifiquement l’anarchisme insurgé, fusionné avec une dose malsaine de métaphysique et de socialisme utopique. Après tout, il s’agit d’une politique dans laquelle un individu devient un sujet en étant fidèle à un événement inexplicable qui interrompt l’histoire, agissant sur ses conséquences comme les disciples du Christ.

Le « communisme réel » est donc un communisme métaphysique du réel lacanien. En conséquence, nous dit-on, le projet collectif de transformation matérielle du monde est en fait voué à l’échec s’il prend la forme de partis ou d’États puisque ceux-ci donneraient une forme concrète ou une « symbolisation » au Réel d’un autre monde. Le communisme est ainsi déplacé du domaine de l’action collective visant les projets de construction d’un État socialiste – comme première étape nécessaire pour briser les chaînes de l’impérialisme – à celui de la conscience individuelle et de l’expérience subjective de quelques privilégiés que Nietzsche appelait les « esprits libres ». Contrairement à ce petit groupe de grands penseurs et artistes du monde, Žižek explique avec son dédain caractéristique pour la classe ouvrière, que 99% des « gens concrets » sont des « idiots ennuyeux ». [94] Ces malheureux prolétaires et paysans n’ont pas étudié à Paris avec les sommités petites-bourgeoises de l’industrie de la théorie globale, ils n’ont donc pas compris ce qui est le plus essentiel : le communisme est un processus subjectif de résistance à l’ordre symbolique des sociétés existantes et de désir de l’impossible, même individuellement « agissant » sur ce désir. [95]

L’une des raisons pour lesquelles les idéalistes aiment mépriser les matérialistes comme étant en quelque sorte des réductionnistes grossiers et « non philosophiques », c’est précisément parce que ces derniers sont capables de révéler les structures matérielles qui sous-tendent et déterminent les jeux conceptuels auxquels ils jouent. Si nous soumettons le communisme idéaliste du Réel à une analyse de classe, il devient évident qu’il rejette, sous le titre de « socialisme réellement existant », le projet des masses, des Untermenschen (sous-hommes) mondiaux qui ont imaginé qu’ils pourraient faire du Réel de leur désir une réalité historique. C’est ici que l’orientation nietzschéenne de ces aristocrates radicaux apparaît clairement parce qu’ils tournent en dérision la prétendue ignorance du prolétariat. Au-delà et contre leur matérialisme grossier, les vrais communistes aspirent à beaucoup plus que la poursuite modeste de l’accès collectif à l’eau potable, à la nourriture, au logement, aux soins de santé, etc. via des projets concrets de construction d’État anti-impérialistes (tous ces éléments sont dans le domaine de ce que Lacan appelait le « besoin » par opposition au « désir »). Les vrais communistes, au sens lacanien, ont la dignité subjective suprême d’exiger individuellement l’impossible – pas quelque chose qui pourrait matériellement aider à améliorer la vie des masses mondiales ici et maintenant. [96]

Une telle posture signifie littéralement que ces penseurs radicaux auto-stylisés exigent quelque chose qui ne peut pas être fait, ce qui est l’épitomé du radicalisme petit-bourgeois. Ce qu’ils désirent vraiment, si nous traduisons leur auto-indulgence narcissique pseudo-intellectuelle en termes matérialistes, c’est l’apparence de faire les demandes les plus radicales imaginables tout en évitant, dans le même temps, toute menace pour le système matériel des hiérarchies sociales qui les a élevés au rang d’intellectuels de premier plan dans le noyau impérialiste. Ils désirent l’impossible, et agissent même sur ce désir, précisément parce qu’ils ne veulent pas que quelque chose change substantiellement. Voilà donc leur grande idée du communisme, à savoir qu’il est impossible[97].


Edité le 04-01-2023 à 06:57:19 par Xuan


 
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