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Xuan
source vive la revolution !

APOLOGIE DU TERRORISME





Pression militaire et succès diplomatique pour les rebelles syriens
LE MONDE - 13.12.2012

Extrait :
« En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra , un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que « tous les Arabes étaient vent debout » contre la position américaine, « parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot ». « C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne », a ajouté le ministre. »


________________


LE MONDE - 13.12.2012 Par Isabelle Mandraud (avec Gilles Paris)




Le ministre tunisien des affaires étrangères, Rafik Abdessalem, le vice-secrétaire d’Etat américain, William Burns et le chef du Foreign Office britannique William Hague à la conférence des Amis de la Syrie, le 12 décembre 2012 à Marrakech, au Maroc. | Abderrahmane Mokhtari/REUTERS


Les opposants au régime de Bachar Al-Assad ne cessent de marquer des points. Sur le terrain, alors qu’un attentat a frappé, mercredi 12 décembre, le ministère de l’intérieur, à Damas, leur pression semble contraindre l’armée loyaliste à recourir pour la première fois depuis le début du soulèvement, en mars 2011, à des missiles balistiques.

Le ministre tunisien des affaires étrangères, Rafik Abdessalem, le vice-secrétaire d’Etat américain, William Burns et le chef du Foreign Office britannique William Hague à la conférence des Amis de la Syrie, le 12 décembre 2012 à Marrakech, au Maroc.

C’est en tout cas ce qu’a déclaré, mercredi, le département d’Etat américain. « Je ne suis pas en mesure de confirmer quel type de missile, mais dis simplement que nous voyons actuellement que des missiles sont employés » , a déclaré la porte-parole de la diplomatie américaine, interrogée à propos d’une information du New York Times, affirmant que le régime de Damas avait tiré des missiles Scud sur les forces de l’opposition syrienne.

A Bruxelles, un responsable de l’OTAN, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a confirmé le recours à ces armes : « Les renseignements alliés, les équipements de surveillance et de reconnaissance ont détecté le tir d’un certain nombre de missiles balistiques sans guidage et de courte portée cette semaine à l’intérieur de la Syrie. » Plus précis, il a assuré que « les trajectoires et les distances parcourues indiquent qu’il s’agissait de missiles Scud » .

TOUTE UNE SÉRIE DE DÉCISIONS SUR LE PLAN HUMANITAIRE

C’est cependant sur le terrain diplomatique que l’opposition syrienne a engrangé cette semaine les résultats les plus probants. Réunis à Marrakech, mercredi, le groupe des « Amis de la Syrie » , qui rassemble plus d’une centaine de pays occidentaux et arabes, organisations internationales et représentants de l’opposition syrienne, a formellement reconnu la Coalition nationale de l’opposition syrienne comme « seule représentante » des Syriens, à la suite de la France, du Royaume-Uni, et des Etats-Unis.

Présent à Marrakech, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est félicité de cette décision : « Créée il y a un mois, la Coalition nationale syrienne, qui réunit l’opposition et que la France a été la première à reconnaître, est aujourd’hui reconnue par plus de cent pays comme la seule représentante légitime du peuple syrien. C’est très important pour le peuple syrien. » « En plus, il y a toute une série de décisions qui ont été prises sur le plan humanitaire avec des apports de fonds importants, notamment de l’Arabie saoudite, qui a offert 100 millions de dollars pour aider la population syrienne » , a précisé le ministre.

« Nous avons eu le témoignage du nouveau président de la Coalition nationale syrienne, qui a beaucoup insisté sur le fait que, dans le futur gouvernement, toutes les communautés syriennes, majoritaires ou minoritaires, seront respectées, a ajouté M. Fabius. C’est un jour important. Il reste encore beaucoup de souffrance et beaucoup de travail pour que M. Bachar Al-Assad « dégage », comme on dit maintenant. Je pense que c’est un jour d’espoir pour le peuple syrien. »

« EMBARGO MILITAIRE POUR TROIS MOIS, ET NON PLUS UN AN »

En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que « tous les Arabes étaient vent debout » contre la position américaine, « parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot ». « C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne » , a ajouté le ministre.

La reconnaissance de l’opposition va-t-elle s’accompagner d’un soutien militaire, comme cette dernière le demande depuis le basculement du régime dans une répression tous azimuts ? « La décision a été prise de l’embargo militaire pour trois mois et non plus pour un an, comme c’était le cas jusqu’à présent » , a précisé M. Fabius. Une réflexion va être engagée « en concertation avec les Britanniques (…), mais nous allons regarder ça de près, car il ne s’agirait pas non plus que ces armes se retrouvent ensuite au nord du Mali. Tout cela sera discuté avec le futur ministre de la défense, qui sera notre référent » , mais qui n’a pas encore été désigné.

La double pression armée et diplomatique va-t-elle précipiter la chute de Bachar Al-Assad ? « Certains disent qu’il n’a plus d’argent, mais moi je n’en sais rien » , a indiqué Laurent Fabius.


Edité le 23-01-2015 à 19:48:30 par Xuan


Xuan
Les premiers fruits amers de l’unité nationale : Guerres, peurs, humiliation, mises sous surveillance


Publié le 22 janvier 2015 par
Saïd Bouamama


La grande manifestation « Je suis Charlie » a été célébrée par l’ensemble de nos médias, par le gouvernement et par la quasi-majorité de la classe politique comme symbole d’une « unité nationale » présentée comme nécessaire face à la menace « terroriste ». Elle a également été mise en scène comme exemple d’une unité internationale contre ce même « terrorisme ». Les quelques voix discordantes appelant à s’intéresser aux causes, aux enjeux et aux conséquences prévisibles de cette injonction à l’unanimisme émotif ont été réduites à un soutien aux « terroristes » dans un raisonnement binaire martelé à longueur de journée : si tu n’es pas Charlie, tu soutiens les attentats. Les graines semées par cette « unité nationale » commencent à donner leurs fruits amers et empoisonnés. Le temps du premier bilan est arrivé.
« A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis ».
Martin Luther King





Une légitimation renforcée des guerres

Toutes les puissances de l’OTAN ainsi que leurs alliés étaient représentés dans la manifestation « Je suis Charlie » du 11 janvier 2015. Comprendre la signification et la fonction de cette photo de famille suppose de prendre en compte le contexte mondial et ses rapports de force.
Les guerres impérialistes pour le pétrole, pour les minerais stratégiques et l’affaiblissement des puissances émergentes se multiplient depuis plusieurs décennies. Guerres de pillages dont le seul but est le surprofit, les aventures militaires ne peuvent pas se présenter comme telles. Elles nécessitent pour se déployer sans résistance d’êtres fardées en « guerres justes » : contre l’obscurantisme et le terrorisme, pour l’émancipation des femmes, pour la défense d’une minorité opprimée, contre le génocide, etc. L’islamophobie est un des ingrédients idéologiques diffusés au moins depuis les attentats du 11 septembre 2001 pour préparer un « arôme idéologique immédiat (1) » favorable à la guerre.
La négrophobie (2) est un autre ingrédient correspondant aux nouvelles découvertes de pétrole, de gaz et de minerais qui se sont multipliées ces dernières années en Afrique s’ajoutant aux gisements déjà connus de ce continent surnommé « le scandale géologique (3) ».
La France est particulièrement engagée dans toutes les agressions impérialistes de ces dernières années. De l’Afghanistan à la Syrie en passant par l’Irak, du Mali à la Centrafrique en passant par la Lybie, l’armée française semble ne vouloir rater aucune guerre d’agression. La pression idéologique islamophobe et négrophobe y est d’autant plus forte qu’est important le besoin de légitimation d’interventions militaires dans des pays africains et/ou « musulmans ».

Le site de la Direction de l’information légale et administrative donne lui-même les données quantitatives suivantes :

La France est intervenue militairement à près de quarante reprises sur le sol africain dans les cinquante dernières années et une vingtaine de fois entre 1981 et 1995 sous les deux septennats de François Mitterrand. Certaines de ces opérations n’ont duré que quelques jours, d’autres ont donné lieu à des déploiements beaucoup plus longs (opérations Manta et Epervier au Tchad, par exemple). (4)



A ces chiffres ne concernant que l’Afrique il faut ajouter le Liban (1983), l’Irak (1990), la Bosnie (1992), le Kossovo (1999), l’Afghanistan (2001), la Syrie (2014), etc. Les interventions militaires françaises à l’étranger s’inscrivent elles-mêmes dans une stratégie globale de l’OTAN. Cette stratégie est définie dans un document intitulé « concept stratégique ». La dernière version de ce concept en 2010 comprend la capacité à intervenir sur plusieurs terrains simultanément, l’inclusion de l’Europe de l’Est dans les zones à surveiller, la possibilité d’une guerre nucléaire « limitée » et le « partage du fardeau stratégique » : « C’est l’esprit même du nouveau concept stratégique de l’OTAN que de sommer en quelque sorte les Européens de définir la nature et l’ampleur des obligations qu’ils sont prêts à assumer dans son cadre (5) ».

La multiplication des interventions militaires européennes en général et française en particulier s’inscrit dans le cadre nouvelle stratégie de l’OTAN.

Mais la séquence historique que nous vivons au niveau mondial est aussi celle des obstacles à la prise de contrôle états-unienne du monde. Ces obstacles sont certes de natures très différentes mais convergent pour mettre en difficulté le « nouvel ordre mondial » que « l’Occident » tente d’imposer au reste du monde et même à ses propres peuples. Partout les agressions militaires et les chantages à la guerre ou à la sanction économique piétinent. L’ALBA en Amérique du Sud expérimente de nouvelles solidarités et cohérence régionale permettant de desserrer l’étau du système capitaliste mondial. La Russie et la Chine freinent par leurs positions à l’ONU les tentatives de couvrir les agressions militaires d’une légitimité internationale. Les guerres menées font apparaître de plus en plus nettement leur seul résultat : le chaos.

L’instrumentalisation de l’émotion par le discours de « l’unité nationale » pour l’interne et de la « guerre mondiale contre le terrorisme » pour l’externe ont dans ce contexte un double objectif : Annoncer de nouvelles guerres impérialistes d’une part et légitimer celles-ci aux yeux des peuples et du peuple français en particulier. Il s’agit de remobiliser et de ressouder un camp, de lui donner une légitimité populaire, de le rassembler pour de nouvelles guerres.

C’est ainsi par 488 voix contre 1 que l’assemblée nationale approuve la prolongation des frappes aériennes françaises en Irak le 13 janvier. Le Sénat va dans le même sens le même jour par 327 voix et 19 abstentions. Le premier fruit amer de l’unité nationale c’est la guerre. Hier comme aujourd’hui, en 1914 ou en 2015, l’Union sacrée a toujours le même goût de guerre.

Réhabiliter des alliés assassins

Mais la grande instrumentalisation de l’émotion a aussi été l’occasion de renforcer les liens avec les « amis de l’Occident » et de réhabiliter ceux qui ont été discrédités aux yeux de l’opinion publique par leurs crimes. Citons les deux exemples démentant les discours d’une mobilisation pour la liberté d’expression et contre le terrorisme.

L’Etat d’Israël est représenté par trois ministres : le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le ministre des affaires étrangère Avigdor Lieberman et le ministre de l’économie Naftali Bennett. Après les massacres de palestiniens par un terrorisme d’Etat cet été, cette présence sonne comme une provocation pour les dizaines de milliers de manifestants français qui ont apporté leur soutien au peuple palestinien dans des manifestations quasi-quotidiennes. « La présence de ces ministres, résume le journaliste Alain Gresh, est une insulte à toutes les valeurs dont prétendent se parer les organisateurs de la manifestation, un hold-up qu’il est important de dénoncer (6) ».
Faut-il encore rappeler que 17 journalistes ont été tués cet été dans les bombardements sionistes sur la bande de Gaza ? Rappelons encore l’expulsion d’Israël du journaliste français Maximilien Le Roy, alors qu’il se rendait à un festival de Bandes Dessinées, en raison de ses dessins jugés pro-palestiniens :

« Ils m’ont expliqué, pour conclure, que si je pouvais critiquer Israël dans mon pays, je n’aurais plus le droit de le faire sur leur territoire. Je savais dès les premières minutes qu’ils allaient m’expulser, mais je ne m’attendais pas à une interdiction de séjour de dix ans. Ils m’ont traité comme si j’étais un terroriste » (7).



La « démocratique » Arabie Saoudite était également Charlie le 11 janvier dernier par la présence à la manifestation de son ministre des affaires étrangères Nizar al-Madani. Deux jours plus tôt, le bloggeur saoudien Raïf Badawi recevait ses 50 premiers coups de fouets. Il est en effet condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouets (50 tous les vendredis) pour avoir critiqué les dignitaires religieux du royaume. Les alliés du nouvel ordre mondial sont trop importants pour sa sauvegarde. Ils peuvent continuer à bafouer sans aucune crainte la liberté d’expression et financer des groupes qui déstabilisent les Etats voisins en couvrant leur agression du nom de l’Islam. Ces deux exemples suffisent pour démasquer l’hypocrisie en matière de liberté d’expression. Celle-ci n’est défendue que quand elle sert les intérêts des dominants et elle est oubliée dès qu’elle les remet en cause.

La réhabilitation des assassins et des financeurs de la mort, tel est le second fruit empoisonné de l’union sacrée qu’a tentée de construire l’instrumentalisation étatique de l’émotion.

La peur

Abordons maintenant les effets de « l’unité nationale » sur le territoire français. Le premier est évident : l’instauration d’un climat de peur porteur de tous les dangers. La couverture médiatique sous la forme d’une « information haletante, sommaire et invérifiée » fondée sur le « principe d’une amnésie récidivante (8) » pose les bases d’un climat anxiogène.
La prégnance du vocabulaire de guerre (du « Oui nous sommes en guerre (9) » de Valls au « la guerre a été déclarée à la France » de Sarkozy ) (10) dans les prises de positions politiques relayées par les journalistes, experts et chroniqueurs divers, renforce ce climat.

Le déploiement de 10 000 soldats à grand renfort de publicité médiatique enracine l’idée d’un danger permanent et omniprésent. La thèse d’une absence de frontière entre le terrain extérieur d’opération et le terrain intérieur développée par le ministre de la défense parachève la surenchère verbale guerrière productrice d’une peur sociale généralisée :

« C’est une véritable opération intérieure. Il y a les opérations extérieures qui se poursuivent, et c’est une opération intérieure qui va mobiliser 10.000 hommes, c’est-à-dire à peu près autant que ce qui mobilise aujourd’hui nos opérations extérieures » (11).
Or que produit le discours de guerre que nos politiques n’ont pas hésité à utiliser aussi fortement : « Une mise en guerre déclenche un discours simplifié ami-ennemi – ennemi de l’extérieur et ennemi de l’intérieur – la menace engendre la peur, la peur la haine, la haine pousse à l’action préventive. Les solidarités se resserrent : union et exclusion » (12).

Il n’est dès lors pas étonnant que le discours de guerre débouche logiquement sur la multiplication des actes islamophobes qui se sont rapidement comptés par dizaines en quelques jours. « Quelque 116 actes anti-musulmans ont été recensés en quinze jours (13) » évalue le journal Libération. Le chiffre réel est, bien entendu, beaucoup plus important. De nombreux actes ne sont en effet pas signalés dans le contexte délétère actuel. Il ne faut pas s’étonner dès lors qu’un climat de peur s’empare des populations issues de l’immigration postcoloniale. Cette peur n’est pas irrationnelle mais s’explique par la multitude des petits actes d’agressivité subis dans la quotidienneté qui s’ajoutent aux agressions ouvertes recensées ci-dessus : propos racistes, silence et atmosphère tendus dans les transports en commun, etc.
Les femmes portant un foulard sont encore plus touchées par cette peur envahissante. Ayant le 15 janvier une journée de travail avec un groupe de femmes maghrébines et noires de Blancs Mesnil, nous avons, nous mêmes, été effarés par le nombre de témoignages des agressions verbales et des comportements de rejet qu’exposaient ces trente femmes. Si les réactions sont diverses, une part importante de celles-ci sont d’ores et déjà lourdes de conséquences : « je ne sors plus de chez moi ou juste pour faire les courses », « pour la première fois je pense à enlever mon foulard car j’ai peur », « je ne laisse plus sortir ma fille, j’ai peur pour elle » , etc.

A l’origine de cette hausse des actes islamophobes et de la peur qu’elle suscite se trouve un certain nombre de thématiques récurrentes des médias et des discours politiques. Dans une France qui connaissait déjà une montée régulière de l’islamophobie depuis près de deux décennies, il est irresponsable de multiplier les propos : sur l’islam et « son lien ou non avec le terrorisme » , sur « la moindre présence de certains aux manifestions du « Je suis Charlie » » , sur « le soi-disant silence de certaines populations à l’égard des attentats » , etc.

La montée importante des violences islamophobes directes ou indirectes est le troisième fruit pourri de l’instrumentalisation politique et médiatique de l’émotion.

L’humiliation

Cette peur s’accompagne souvent d’un sentiment d’humiliation c’est-à-dire de « la perception d’un décalage entre la place revendiquée au nom de la qualité d’égal et la place à laquelle l’on est rabaissé (14) ». L’humiliation en tant que rabaissement de l’être humain attentant à sa dignité est lourde de conséquences. Le terme arabe de « Hoggra » est quotidiennement utilisé dans les conversations familiales et amicales. Nous l’avons également fréquemment rencontré dans les réunions que nous avons eues cette semaine avec plusieurs collectifs dans des quartiers populaires. Voici la définition que nous en donnions déjà en 2000 pour restituer le vécu de nombreux jeunes des classes populaires : « Ce terme employé par les jeunes exprime un mélange de négation de la réalité vécue, une impression d’être méprisé et rabaissé volontairement et une discrimination vécue comme permanente (15) ».
Exagérons nous ?

Humiliation lorsqu’on envisage de retirer un foulard uniquement par la peur suscitée par la multiplication rapide des actes islamophobes ?

? Humiliation lorsque l’on reçoit une injonction permanente à se « démarquer des attentats » ?

Humiliation lorsqu’un élève se fait exclure d’une classe parce qu’il ne veut pas être Charlie ?

Humiliation lorsqu’on refuse même d’écouter les raisons qu’invoque cet élève pour justifier son opinion ?

Humiliation lorsqu’on se fait arracher son foulard dans la rue devant des passants indifférents ?

Bien sûr, certains pourront toujours crier à la victimisation. Bien entendu, des « experts » pourront débattre à longueur d’antenne pour présenter ces humiliations comme anodines et secondaires. A l’évidence d’autres chroniqueurs y verront le signe d’une paranoïa sans aucune base objective. Il reste que, quand un sentiment subjectif est autant partagé, il mérite au moins une interrogation critique c’est-à-dire exactement l’inverse de ce que propose notre ministre de l’éducation nationale. Celle-ci considère comme « insupportable » les réactions d’une partie des élèves à l’injonction étatique à s’émouvoir :

« Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les « Oui je soutiens Charlie mais », les « deux poids, deux mesures », les « pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? » Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs « (16).
Et nous qui pensions que l’école apprenait à nos enfants le débat contradictoire, la pensée critique, l’argumentation et le libre arbitre. Non, la réponse s’oriente vers la répression plutôt que la réfutation, vers le silence imposé plutôt que l’argumentation, vers l’exclusion plutôt que le débat contradictoire. Exprimant explicitement le sous-entendu de cette logique répressive, la journaliste Nathalie Saint-Cricq déclare sur France 2 : « il faut repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie (17) ».

Mais à quoi mènent donc la peur, l’humiliation et le déni de parole ? D’abord à de la violence contre soi, ensuite tôt ou tard à une externalisation de cette violence. Tous les silences qui se font sur ce traitement des conduites des élèves renforcent les sentiments d’isolement et d’injustice sur lesquels peuvent émerger des conduites nihilistes allant de la destruction de soi ou des proches, aux révoltes collectives de quartiers en passant pour une infime minorité par le basculement vers les attentats.

La création des conditions d’une hausse des conduites nihilistes, tel est un autre fruit dangereux du contexte actuel.

Une répression « Hystérisée »

Nous empruntons le terme « hystérisé » au syndicat de la magistrature qui tire le bilan suivant des deux dernières semaines :
« C’est ainsi que depuis quelques jours s’enchaînent les procédures expédiées, où l’on a examiné et jugé le contexte, à peine les circonstances des faits, si peu l’homme, poursuivi pour avoir fait l’apologie du terrorisme. Non pas pour avoir organisé une manifestation de soutien aux auteurs des attentats, élaboré et diffusé à grande échelle des argumentaires, pris part à des réseaux, mais pour des vociférations, lancées sous le coup de l’ivresse ou de l’emportement : en fait, des formes tristement actualisées de l’outrage. Les lourdes condamnations pleuvent, assorties d’incarcérations à l’audience. Telle est la désastreuse justice produite par le recours à la comparution immédiate dont la loi du 13 novembre 2014 a fait une nouvelle arme de lutte contre le terrorisme. Comme si la justice pénale, devenue l’exutoire de la condamnation morale, pouvait faire l’économie d’un discernement plus que jamais nécessaire en ces temps troublés. Comme si certains de ses acteurs avaient brutalement oublié qu’elle doit être rendue avec recul, sur la base d’enquêtes approfondies, en se gardant des amalgames – entretenus jusque dans cette circulaire, qui englobe violences urbaines et apologie du terrorisme – et, surtout, des réactions hystérisées qui la délégitiment et la société avec elle » (18).



Les chiffres officiels de la chancellerie communiqués le 20 janvier nous donne ainsi les informations suivantes : 251 procédures depuis le 7 janvier, dont 117 pour « apologie de terrorisme, 77 jugements en comparution immédiate, 39 condamnations dont 28 à des peines de prison ferme dont 20 avec mandat de dépôt à l’audience, 22 autres convocations devant le tribunal correctionnel (19).
Le syndicat de la magistrature a raison de parler de la dérive d’une « justice de l’urgence ». Nous habituer, nous acclimater, nous accoutumer à un recul des libertés démocratiques au prétexte d’assurer notre sécurité, tel est le seul résultat possible de telles pratiques.

Déjà l’on nous annonce de nouvelles lois prises au nom de notre sécurité alors qu’une loi dite de « lutte contre le terrorisme » était déjà adoptée à l’automne dernier. Depuis 1986, ce sont ainsi 14 lois visant à nous protéger qui ont été votées. Nous y reviendrons ultérieurement mais nous pouvons d’ores et déjà goûter à un autre fruit amer de l’unité nationale : la création des conditions d’un consentement majoritaire à la remise en cause des libertés démocratiques .
Ce n’est pas par la guerre impérialiste, la peur, l’humiliation, la répression hystérisée et la remise en cause des droits démocratiques que fera reculer le « terrorisme ».

Les mesures annoncées par le gouvernement ne s’attaquent à aucune des causes structurelles de l’émergence de postures nihilistes dans notre société : les inégalités sociales massives, les discriminations racistes systémiques, l’islamophobie humiliante, les contrôles policiers au faciès, les guerres pour le pétrole et les minerais stratégiques. Pourtant, Il n’y a aucune autre solution sérieuse que celle de s’attaquer aux causes réelles car sans justice, il ne peut jamais y avoir de paix.

Notes :

1. Le concept d’arôme idéologique immédiat est proposé par Gramsci dans ses Cahiers de Prison au sein de son approche de l’idéologie. Voir dans notre Dictionnaire des dominations de sexe, de race, de classe, Syllepse, Paris, 2012, pp. 46-49.
2. Sous la forme d’une présentation essentialiste des cultures africaines comme marquées par la non historicité, le tribalisme, l’ethinicisme et une « culture de la violence ».
3. Hubert Deschamps, L’héritage de Léopold, dans Jean Ganiage et Hubert Deschamps, L’Afrique au XXe siècle, Syrey, Paris, 1966, p. 453.
4.http://www.vie-publique.fr/chronologie/chronos-thematiques/du-tchad-au-mali-interventions-armee-francaise-depuis-1981.html, consulté le 18/01/2015 à 18 h 40.
5. Zaki Laïdi, Le Monde selon Obama, Stock, Paris, 2010.
6. Alain Gresh, D’étranges défenseurs de la liberté de la presse à la manifestation pour « Charlie Hebdo », Les blogs du diplo, http://blog.mondediplo.net/2015-01-12-D-etranges-defenseurs-de-la-liberte-de-la-presse, consulté le 18/01/2015 à 20 h 48.
7. Maximilien Le Roy, dessinateur, interdit de séjour en Israël, Interview de Lucie Servin, l’Humanité du 28 octobre 2014.
8. Jean François Tétu, Les médias et le temps, figures, techniques, mémoires, énonciation, in les Cahiers du journalisme, n° 7, juin 2000, p. 84.
9. Manuel Valls à l’assemblée nationale le 13 janvier 2015.
10. Le Figaro du 9 janvier 2015
11. Défense Jean-Yves Le Drian, déclaration du 12 janvier 2015.
12. Yves Ternon, Guerres et génocides au XXe siècle, Odile Jacob, Paris, 2007, p. 315.
13. Libération du 19 janvier 2015.
14. Dominique Vidal, Sentiment, moralité et relation d’enquête. Un regard sur les femmes domestiques, in Vincent Caradec et Danilo Martuccelli (dir.), Matériaux pour une sociologie de l’individu : perspectives et débats, Septentrion, Lille, 2004, p. 216.
15. Said Bouamama, Le sentiment de « Hoggra » : discrimination, négation du sujet et violence, in Les classes et quartiers populaires, Editions du Cygne, Paris, 2009, p. 51.
16. Najat Vallaud Belkacem, le 14 janvier 2015, cité dans Médiapart du 20 janvier.
17.http://www.youtube.com/watch?v=qc03SlaK_KA, consulté le 21 janvier à 22 h.
18. Communiqué du Syndicat de la magistrature du 20 janvier 2015, http://www.syndicat-magistrature.org/Apologie-du-terrorisme-Resister-a.html, consulté le 21 janvier à 23h 20.
19. Communiqué de l’AFP.
Xuan
Une interview de Samir Amin.
Source :
contropiano.org
Mediapart


Samir Amin : "un acte odieux, mais la faute est à la France et aux Etats Unis"


9.01.15 - Nous avons rejoint Samir Amin par téléphone à Paris. Philosophe et économiste, directeur du Forum du Tiers Monde, basé à Dakar, il commente l'attaque à la rédaction deCharlie Hebdo.



propos recueillis par Giuseppe Acconcia

Pourquoi les terroristes ont frappé si durement au coeur de l'Europe ?

C'est une conséquence directe de la politique occidentale en Libye. En particulier le Sud du pays est devenu une base d'approvisionnement gigantesque. Cette région a été stratégique pour la France, sans elle l'armée française n'aurait pas pu intervenir au Sahel. Je dirai même plus. Je crois que l'exécution des attaques ait une relation avec l'avancée de l'armée française au Tchad ces derniers jours. Les jihadistes ont voulu réaffirmer que le Sud de la Libye doit rester leur base et une terre de personne. Evidemment tout ceci est ensuite la conséquence directe des attaques de l'Otan contre le colonel Muammar Khadafi en 2011.

Qui est donc le vrai responsable de ces actions. Est-ce peut-être le cas de mettre en discussion la politique occidentale au Moyen Orient ?

Il s'agit d'un odieux acte de terrorisme de soi-disant islamistes qui ont une compréhension très particulière de l'Islam et de la religion. Mais la responsabilité de ces attentats est de la France et des Etats Unis. Les puissances occidentales continuent à soutenir l'Arabie Saoudite, le Qatar et les pays du Golfe. Ils accordent tout à ces pays, qui donnent un soutien gigantesque au terrorisme. Pour être plus clair, les puissances occidentales considèrent l'alliance avec les pays du Golfe comme un fondement de la politique néo-libérale. La deuxième erreur occidentale est d'avoir combattu les autocrates qui ont cherché à mettre un frein à l'Islam politique, depuis Saddam Hussein à Muammar Khadafi . Par exemple en Iraq Saddam Hussein bien qu'il réussissait à assurer la coexistence entre chiites et sunnites a été brutalement destitué. Et Khadafi avait clairement contenu les dérives islamistes en Libye.

Y a-t-il des responsabilités spécifiques de la France ?

La France a une responsabilité de plus : avoir soutenu les islamistes en Algérie, en les présentant comme des victimes de la dictature de l'armée. Une partie de ces islamistes s'est réfugiée en Arabie Saoudite mais aussi en Europe : en Grande Bretagne encore plus qu'en France.

Pourquoi les puissances occidentales ont-elles intérêt à continuer de fomenter le terrorisme international ?

Le seul objectif des puissances occidentales est de faire avancer leur politique néo-libérale. Pour ceci, pour elles, le monde se divise en deux : les pays qui soutiennent inconditionnellement le néo-libéralisme sont les seuls amis de l'Occident, même s'il s'agit d'odieux islamistes ; les pays récalcitrants sont par contre des ennemis de la dictature du capital international. Dit autrement, les puissances occidentales ont un seul critère : le libéralisme absolu. A ceux qui le soutiennent on pardonne tout. Et la démocratie n'a rien à voir avec cela.

Parmi les terroristes certains auraient fait référence à Al Qaeda au Yemen pendant les attaques.

Ça ne m'étonne pas, au Yemen pendant des années les islamistes ont été soutenus par les Etats Unis en fonction anti-communiste, ensemble avec l'Arabie Saoudite . Dans ce cas la bataille était contre le "danger" national populaire de l'ex Yemen du Sud.


Une interview de Samir Amin


Est-ce plausible qu'il s'agisse de jihadistes avec des passeports européens, comment cela s'explique-t-il ?

Les puissances occidentales ont toléré que des citoyens européens partissent pour la Syrie pour combattre Bachar Al Assad. Ce mécanisme a été soutenu par la Turquie et par d'autres gouvernements occidentaux . Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans l'islamophobie. La majorité écrasante des immigrés qui vivent en France, croyants ou pas, ne sont pas du tout fanatiques de l'Islam réactionnaire. Par contre il ne faut pas sousestimer que soient impliqués beaucoup d'athées et des convertis à ces mouvements radicaux. Les terroristes, comme d'habitude, sont bien préparés. La même chose advint avec les Talibans en Afghanistan qui avaient été entraînés par la Cia au Pakistan . Et ainsi ces "jihadistes européens" ne sont pas des amateurs, probablement ils se sont formés en Syrie et en Iraq. C'est pour cela qu'ils sont extrêmement efficaces.

Pourquoi c'est la presse qui a été choisie comme objectif ?

Les terroristes ont choisi un objectif "intelligent". Leur but est de diffuser la terreur dans les médias. L'objectif, en dernière analyse, est celui d'obliger l'Occident à renoncer à la laïcité et à la liberté d'expression.


ilmanifesto.it

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Sur Romandie.com

"Des centaines de militaires américains pour entraîner l'opposition syrienne modérée"


A noter : les USA prévoient de former et entraîner des membres de l'opposition syrienne "modérée".
Théoriquement ils doivent combattre les djihadistes, en fait déstabiliser la Syrie et renverser Assad.
Les formateurs au nombre de plusieurs centaines, issus pour l'essentiel des force spéciales, seraient déployés dans 4 à 6 semaines.

D'autres formateurs proviendraient de l'Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie, c'est-à-dire de pays qui ont déjà armé et financé les terroristes et qui continuent de le faire.
On aura donc compris que la chasse au terroriste n'est qu'un paravent destiné à dissimuler les ambitions expansionnistes des USA - et d'autres - en Syrie.



Edité le 17-01-2015 à 23:54:07 par Xuan


marquetalia
il faut savoir quye la république tchèque est,avec le Panama,le Canada et evidemment les Etats Unis,l un des derniers pays à s opposer à la reconnaissance de l Etat Palestinien.
marquetalia
les sionistes ont aussi recours au terrorisme en Europe Occidentale www.lemonde.fr/europe/article/2014/01/01/republique-tcheque-l-ambassadeur-palestinien-blesse-a-prague-dans-une-explosion_4341855_3214.html
Xuan
Le droit au blasphème " appliqué à tous " vaudrait dans une société sans classe et dans un monde sans impérialisme ni oppression.

On pourrait se poser une question sur le droit de se foutre du peuple :

Charlie / Dieudonné même combat ?



Edité le 17-01-2015 à 09:34:18 par Xuan


Finimore
Voici deux déclarations publiées dans LE MONDE du 15 janvier 2015

L’une intitulée « Non à l'union sacrée ! » émane d’un collectif (les noms sont indiqués plus loin)
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/non-a-l-union-sacree_4557288_3232.html

et l’autre de Rony Brauman ancien président de MSF) « Ce qu’il y a de non Charlie en moi »

http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/ce-qu-il-y-a-de-non-charlie-en-moi_4557224_3232.html

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Cette tribune publiée dans Le Monde (quotidien) est l’oeuvre d’un collectif: Ludivine Bantigny, historienne; Emmanuel Burdeau, critique de cinéma; François Cusset, historien des idées; Cédric Durand, économiste; Eric Hazan, éditeur; Razmig Keucheyan, sociologue; Thierry Labica, historien; Marwan Mohammed, sociologue; Olivier Neveux, historien de l’art; Willy Pelletier, sociologue; Eugenio Renzi, critique de cinéma; Guillaume Sibertin-Blanc, philosophe; Julien Théry, historien; Rémy Toulouse, éditeur; Enzo Traverso, historien.

Non à l'union sacrée !

La sidération, la tristesse, la colère face à l’attentat odieux contre Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier, puis la tuerie ouvertement antisémite, vendredi 9 janvier, nous les ressentons encore. Voir des artistes abattus en raison de leur liberté d’expression, au nom d’une idéologie réactionnaire, nous a révulsés. Mais la nausée nous vient devant l’injonction à l’unanimisme et la récupération de ces horribles assassinats.

Nous partageons les sentiments de celles et ceux qui sont descendus dans la rue. Mais ces manifestations ont été confisquées par des pompiers pyromanes qui n’ont aucune vergogne à s’y refaire une santé sur le cadavre des victimes. Manuel Valls, François Hollande, Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Jean-François Copé, Angela Merkel, David Cameron, Jean-Claude Juncker, Viktor Orban, Benyamin Nétanyahou, Avigdor Lieberman, Naftali Bennett, Petro Porochenko, les représentants de Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine, Omar Bongo… : quel défilé d’abjecte hypocrisie.

Cette mascarade indécente masque mal les 5 000 bombes que l’OTAN a larguées sur l’Irak depuis cinq jours sur décision de ce carré de tête ; les milliers de morts à Gaza, où Avigdor Lieberman, le ministre israélien des affaires étrangères, imaginait employer la bombe atomique quand Naftali Bennett (économie et diaspora) se rengorgeait d’avoir tué beaucoup d’Arabes ; le million de victimes que le blocus en Irak a provoquées. Ceux qu’on a vus manifester en tête de cortège à Paris ordonnent ailleurs de tels carnages.

« Tout le monde doit venir à la manifestation », a déclaré M. Valls en poussant des hauts cris sur la « liberté » et la « tolérance ». Le même qui a interdit les manifestations contre les massacres en Palestine, fait gazer des cheminots en grève et matraquer des lycéens solidaires de leurs camarades sans-papiers expulsés nous donne des leçons de liberté d’expression. Celui qui déplorait à Evry, lorsqu’il était maire PS, de ne voir pas assez de « Blancos » nous jure son amour de la tolérance. Le même qui fanfaronne de battre des records dans l’expulsion des Roms se gargarise de « civilisation ».

En France, la liberté d’expression serait sacrée, on y aurait le droit de blasphémer : blasphème à géométrie variable, puisque l’« offense au drapeau et à l’hymne national » est punie de lourdes amendes et de peines de prison. Que le PS et l’UMP nous expliquent la compatibilité entre leur condamnation officielle du fondamentalisme et la vente d’armes à l’Arabie saoudite, où les femmes n’ont aucun droit, où l’apostasie est punie de mort et où les immigrés subissent un sort proche de l’esclavage.

Chantage

Nous ne participerons pas à l’union sacrée. On a déjà vu à quelle boucherie elle peut mener. En attendant, le chantage à l’unité nationale sert à désamorcer les colères sociales et la révolte contre les politiques conduites depuis des années.
Manuel Valls nous a asséné que « Nous sommes tous Charlie » et « Nous sommes tous des policiers ». D’abord, non, nous ne sommes pas Charlie. Car si nous sommes bouleversés par la mort de ses dessinateurs et journalistes, nous ne pouvons reprendre à notre compte l’obsession qui s’était enracinée dans le journal contre les musulmans, toujours assimilés à des terroristes, des « cons » ou des assistés. On n’y voyait plus l’anticonformisme, sinon celui, conforme à la norme, qui stigmatise les plus stigmatisés.

Nous ne sommes pas des policiers. La mort de trois d’entre eux est un événement tragique. Mais elle ne nous fera pas entonner l’hymne à l’institution policière. Les contrôles au faciès, les rafles de sans-papiers, les humiliations quotidiennes, les tabassages parfois mortels dans les commissariats, les Flash-Ball qui mutilent, les grenades offensives qui assassinent, nous l’interdisent à jamais.

Et, s’il faut mettre une bougie à sa fenêtre pour pleurer les victimes, nous en ferons briller aussi pour Eric, Loïc, Abou Bakari, Zied, Bouna, Wissam, Rémi, victimes d’une violence perpétrée en toute impunité. Dans un système où les inégalités se creusent de manière vertigineuse, où des richesses éhontées côtoient la plus écrasante misère, sans que nous soyons encore capables massivement de nous en indigner, nous en allumerons aussi pour les six SDF morts en France la semaine de Noël 2014.

Nous sommes solidaires de celles et ceux qui se sentent en danger, depuis que se multiplient les appels à la haine, les « Mort aux Arabes », les incendies de mosquées. Nous nous indignons des incantations faites aux musulmans de se démarquer ; demande-t-on aux chrétiens de se désolidariser des crimes, en 2011, d’Anders Behring Breivik perpétrés au nom de l’Occident chrétien et blanc ? Nous sommes aussi aux côtés de celles et ceux qui subissent le regain d’antisémitisme, dramatiquement exprimé par l’attaque de vendredi 9.

Notre émotion face à l’horreur ne nous fera pas oublier combien les indignations sont sélectives. Non, aucune union sacrée. Faisons en sorte, ensemble, que l’immense mobilisation se poursuive en toute indépendance de ces gouvernements entretenant des choix géopolitiques criminels en Afrique et au Moyen-Orient et ici chômage, précarité, désespoir. Que cet élan collectif débouche sur une volonté subversive, contestataire, révoltée, inentamée, d’imaginer une autre société, comme Charlie l’a longtemps souhaité.
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Ludivine Bantigny, historienne; Emmanuel Burdeau, critique de cinéma; François Cusset, historien des idées; Cédric Durand, économiste; Eric Hazan, éditeur; Razmig Keucheyan, sociologue; Thierry Labica, historien; Marwan Mohammed, sociologue; Olivier Neveux, historien de l’art; Willy Pelletier, sociologue; Eugenio Renzi, critique de cinéma; Guillaume Sibertin-Blanc, philosophe; Julien Théry, historien; Rémy Toulouse, éditeur; Enzo Traverso, historien.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/ce-qu-il-y-a-de-non-charlie-en-moi_4557224_3232.html

Ce qu’il y a de non Charlie en moi

LE MONDE | 15.01.2015 Par Rony Brauman (Ancien président de Médecins sans frontières et professeur de relations internationales à Sciences Po Paris)

Je suis Charlie, je ne suis pas Charlie. Le Charlie en moi est accablé par l’assassinat de figures familières, chantres de la grivoiserie et de la dérision, il est bouleversé par la mort de ces bouffeurs de religion dont l’outrance et le mauvais goût rigolards étaient la marque de fabrique.

J’ai grandi avec eux depuis l’époque d’Hara Kiri et l’horreur de leur disparition me laisse un goût de cendres. Une horreur qu’amplifient encore la froide exécution des otages de l’épicerie casher et celle des policiers. Mais nous sommes ainsi faits que des sentiments distincts et même contradictoires coexistent en nous, se partageant notre esprit, et c’est de ceux-là que je veux parler ici.

Si l’exaspération que je ressens au vu de certaines des réactions n’éteint pas mon émotion, elle m’a retenu de rejoindre les défilés républicains de ces derniers jours, bien que je me reconnaisse sans la moindre hésitation dans nombre de marcheurs qui manifestent leur solidarité avec les victimes.


Le non-Charlie en moi se souvient que le dessinateur Siné en fut expulsé sans ménagement, sur une accusation infamante car injuste d’antisémitisme. C’est à ce moment, d’ailleurs, que j’ai cessé d’en être lecteur. Rappeler cet épisode en un moment si tragique n’est en rien fournir une excuse oblique aux tueurs mais inviter à quelques réflexions sur les « valeurs » que les terroristes veulent détruire.

Droit au blasphème

Je rejoins volontiers tous ceux qui considèrent le droit à l’outrance et au mauvais goût comme des marqueurs de liberté ; mais sous la condition expresse qu’ils soient appliqués à tous, faute de quoi se profilent des hiérarchies dans la satire qui en pervertissent le sens. En attaquant Charlie pour « venger le Prophète », ces impitoyables « justiciers » ne s’en prenaient pas à la liberté, que bien d’autres cibles pouvaient incarner, mais au droit au blasphème, ce qui n’est pas la même chose. Pas la même chose, vraiment ? Si, certainement, dans l’imaginaire républicain moderne à la française, comme l’attestent de nombreuses réactions qualifiant de « lâches » ou « hypocrites » les journaux anglo-saxons qui ont flouté les couvertures de Charlie brandies par des manifestants français.

Ceux qui tiennent ces propos font de l’insistance à republier les caricatures de Mahomet un acte de résistance, un geste de liberté. L’abolition du délit de blasphème, disent-ils en substance et avec raison, implique le droit à être de mauvaise foi, blessant. C’est également mon avis et c’est notamment pourquoi je suis opposé à toutes les lois mémorielles, lesquelles ne peuvent instituer qu’une hiérarchie de la souffrance, irrecevable par ceux qui s’en trouvent abaissés.

Comme d’autres, je me sens blessé par les faussaires de l’Histoire, mais je ne peux tenir ce sentiment pour le fondement d’un délit, qu’il s’agisse du génocide des juifs ou d’autres tragédies du passé. Or la loi Gayssot, en pénalisant la mise en doute et même l’irrévérence à l’égard de la Shoah, réintroduisait de fait un délit de blessure symbolique et de blasphème. Sûrs de leur bon droit à punir une catégorie de profanateurs et une seule, les voltairiens évoqués plus haut n’en semblent guère indisposés.

Ce qui apparaît comme un impératif moral ici est, bien entendu, perçu ailleurs comme une restriction de liberté, tant il est vrai que les contours de l’intolérable, loin d’être un absolu, varient selon les lieux et les moments et qu’il ne suffit pas de les proclamer universels pour qu’ils le deviennent. C’est aussi sous cette lumière-là que l’on peut examiner, avant de le condamner pour collaboration avec l’ennemi, le refus de publier à nouveau les fameuses caricatures initialement parues dans un journal d’extrême droite danois ou d’autres du même tonneau.

Rhétorique d’intimidation morale

Constatons en tout cas, pour ce qui concerne notre pays, que la rhétorique d’intimidation morale dont l’ « affaire Siné » fut une illustration parmi bien d’autres contraste singulièrement avec le droit largement utilisé de mettre à mal d’autres sacrés, comme en témoigne notamment l’omniprésence médiatique d’Eric Zemmour et de Michel Houellebecq. Si d’authentiques défenseurs de la liberté se regroupent sous le drapeau « Je suis Charlie », sous ce même drapeau « Je suis Charlie » (mais non du fait des journalistes de Charlie, je le précise) surgit la figure basanée d’un ennemi intérieur, résonnent des discours martiaux sur la « guerre au terrorisme » et la nécessité d’un Patriot Act.


Ce n’est pas manquer de respect aux victimes et à leurs proches, ni contester l’existence d’une menace terroriste que de s’en inquiéter. Et pas uniquement pour des raisons morales mais aussi et surtout parce qu’ils obscurcissent la réalité plutôt qu’ils ne l’éclairent, comme on l’a vu aux Etats-Unis et au Moyen-Orient sous la calamiteuse présidence George W. Bush.

Olivier Roy a indiqué dans ces colonnes (Le Monde daté du 10 janvier) pourquoi les appels lancés à la « communauté musulmane » à condamner le terrorisme islamiste étaient déplacés, contradictoires dans les termes et contre-productifs dans leurs effets.

Demandons-nous avec lui s’il faut inclure dans ces appels Lassana Bathily, l’homme qui a mis à l’abri les otages de l’épicerie casher de Vincennes et remis les clés du rideau de fer à la police, ou encore Ahmed Merabet, le policier abattu devant le siège de Charlie. Leur patronyme signale leur origine religieuse. Ils ne sont ni moins ni plus musulmans que les frères Kouachi, ils se sont comportés héroïquement. Saluer leur courage est aussi une façon de rendre hommage aux victimes de la terreur islamiste.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/15/ce-qu-il-y-a-de-non-charlie-en-moi_4557224_3232.html#SqhvgcdPIlDWLIGc.99

http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/15/ceux-qui-ne-sont-pas-charlie_4557331_3224.html
Xuan
Un article intéressant dans Vox, malheureusement en anglais.
Mais certaines images n'ont pas besoin de traduction :







Un sous-titre :
"CHARLIE HEBDO OFTEN FIGHTS ON BEHALF OF THE POWERFUL AGAINST THE WEAK"
Charlie Hebdo se bat souvent du côté des puissants contre les faibles.

"People of color are routinely portrayed with stereotypical features — Arabs given big noses, Africans given big lips — that are widely and correctly considered racist."
Les gens de couleur sont représentés avec des traits stéréotypés - les Arabes avec un gros nez, les Africains avec des grosses lèvres - qui sont largement et logiquement considérés comme racistes.

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Voir l'Express Non, tout le monde n'est pas Charlie
Finimore
Xuan a écrit :

Pas d'accord avec Zarka. Ceci n'ôte rien à la nature raciste de la dernière couverture de Charlie. "tout est pardonné" ... à qui ?
La symbolique de mai 68 était une auberge espagnole où le pire côtoyait le meilleur, mais la ligne éditoriale de Charlie a dérivé bien loin de mai 68.
Que signifie ethnicisant le prolétariat pour renouer avec les « classes dangereuses » ?
Le prolétariat n'est pas ethnicisé , il est multiculturel.
Après que l'esprit de Charlie se fasse bouffer par le PS, c'est inéluctable si ce n'est déjà fait.


Le texte de Zarka qui est plutôt une première réaction au lendemain du 7 (j'ai eu depuis l'occasion d'en discuter longuement avec lui et sa femme) est important (évidemment que j'ai des désaccords...) car il montre que le consensus et l'union nationale est loin d'être une réalité.
Xuan
Pas d'accord avec Zarka. Ceci n'ôte rien à la nature raciste de la dernière couverture de Charlie. "tout est pardonné" ... à qui ?
La symbolique de mai 68 était une auberge espagnole où le pire côtoyait le meilleur, mais la ligne éditoriale de Charlie a dérivé bien loin de mai 68.
Que signifie ethnicisant le prolétariat pour renouer avec les « classes dangereuses » ?
Le prolétariat n'est pas ethnicisé , il est multiculturel.
Après que l'esprit de Charlie se fasse bouffer par le PS, c'est inéluctable si ce n'est déjà fait.
 
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