| immigration choisie : le « surplus » du profit l' immigration choisie fait florès aujourd'hui auprès des candidats de la bourgeoisie, et la télé nous rebat les oreilles avec les "bons" immigrés étudiants ou entrepreneurs, à ne pas confondre avec les squatteurs évidemment. Royal y est allé de son couplet « Tiers-Mondiste » : "On irait piller la matière grise de ces pays après avoir pillé pendant des années et des années leurs matières premières", a-t-elle commenté en guise d'analyse du projet du ministre de l'Intérieur. "C'est insupportable"."L'utopie réalisable de notre siècle, c'est que les pays pauvres et notamment l'Afrique, sortent de la misère grâce au co-développement", "Il faut cesser de piller ces pays" , a considéré Ségolène Royal en ajoutant que la France pourrait alors "sereinement négocier avec eux la politique de migration internationale". Oui au pillage négocié sereinement, donc… Mais ces palinodies sur une affaire entendue méritent qu'on s'y penche davantage. Revenons un peu en arrière car si le pillage du Tiers Monde a provoqué la colère de certains pays émergents, d'autres aspects de ce projet n'ont guère suscité d'émotion. Or il n'y a pas de petits profits, jugez-en : Le Ministère des Finances publie le 14 janvier 2006 un rapport intitulé « Immigration sélective et besoins de l’économie française » Ce rapport préconise l’immigration de travailleurs très qualifiés pour compenser la rareté de la main d’œuvre qualifiée, rareté aggravée prochainement par les départs à la retraite des baby-boomers et qui provoque des « tensions dans le recrutement ». « D’ici deux ou trois ans, certains secteurs vont devoir embaucher massivement pour remplacer les départs à la retraite des baby-boomers. L’immigration de travailleurs qualifiés est-elle une piste à envisager pour éviter que les entreprises ne rencontrent des difficultés de recrutement. Si oui, quels sont les secteurs et les métiers concernés ?» Le rapport détaille ces métiers dont il fournit plusieurs listes dont celle-ci : Métiers pour lesquels l’immigration pourrait atténuer les difficultés de recrutement dans les deux ou trois prochaines années Ouvriers qualifiés des travaux publics Représentants Employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie Infirmiers, sage-femmes Techniciens et agents de maîtrise de la mécanique Cuisiniers Bouchers, boulangers, charcutiers Ouvriers qualifiés du gros oeuvre Techniciens du bâtiment Ouvriers qualifiés de la mécanique Maîtrises et intermédiaires de commerce L’intérêt pour les capitalistes est multiple : La rareté de la main d’œuvre qualifiée exerce une pression sur le capital puisque l’offre est inférieure à la demande. Les travailleurs qualifiés ont une productivité supérieure à la moyenne . Les salaires pour cette main d’œuvre sont flexibles car ils sont supérieurs au SMIC. Le rapport cite les « effets positifs » de cette immigration en matière de revenus : « Les effets positifs précédemment mis en lumière concernent l’économie dans son ensemble qui, après immigration, comprend les nouveaux immigrés. La question se pose de la répartition de ces effets entre les immigrés et les autochtones. Il n’y a pas de doute que l’effet pour les immigrés est positif, sinon ceux-ci ne viendraient pas.» ce qui est faux manifestement : si les immigrés voient leur niveau de vie augmenter par rapport à celui de leur pays d’origine, leur salaire doit être comparé à celui d’un travailleur de qualification équivalente en France. Or le rapport se tait là-dessus. Mais pourquoi alors parler de salaires flexibles ? « Le degré de flexibilité n'est pas le même selon qu'il s'agit d'un marché des travailleurs qualifiés ou d'un marché des travailleurs non qualifiés. Il est probable que l’arrivée de migrants non qualifiés a moins d’effets sur les salaires et augmente davantage le chômage que l’arrivée d’immigrants qualifiés. » « Cas où les salaires sont flexibles, tel le marché des travailleurs qualifiés Les salaires s'ajustent parfaitement aux variations de l'offre de travail sur un marché flexible. Toute augmentation de l'offre de travail se traduit donc par une baisse de salaire sans augmentation du chômage » « … l’immigration de travailleurs qualifiés pourrait réduire légèrement le coût du travail qualifié. La distinction « substituabilité-complémentarité » des immigrants et des autochtones joue ici un rôle primordial. Le mécanisme décrit ci-dessus s'applique d’autant plus aux travailleurs qualifiés que l’effet sur les salaires se manifeste lorsque le marché du travail est flexible. Avec un taux de chômage des plus qualifiés inférieurs à 6%, on peut considérer que tel est le cas. Dès lors, un choc d'offre de travailleurs qualifiés entraîne un baisse des salaires des qualifiés autochtones alors que les travailleurs non qualifiés devraient tirer parti du surplus de l'immigration. » « Aux Etats-Unis, pour lesquels des études sont disponibles, une augmentation de 1% de la population active suite à l'arrivée de migrants entraînerait une baisse des salaires de natifs non qualifiés comprise entre 0,2% et 1% sans effet sur le chômage. En extrapolant ces chiffres à la France, une augmentation de 50 000 migrants (+0.18% de population active)entraînerait une baisse des salaires comprise entre 0,04% et 0,18%. » « Globalement, les résidents du pays d’accueil bénéficient de l’arrivée d’une main d’œuvre immigrée. La théorie économique nomme « surplus de l’immigration » le gain des autochtones à l’immigration. Ce surplus est en partie lié à la baisse du coût du travail qui se répercute au niveau du consommateur via des baisses de prix, et à la hausse des profits des entreprises qui bénéficient de la baisse du coût du travail. » Où l’on remarque que les « autochtones » qui bénéficient de ce « surplus de l’immigration » sont d’abord les capitalistes. Comme on s’en doute ceux-ci ne manqueraient pas de partager leurs surprofits en baissant les prix bien évidemment… Chacun a remarqué combien l’exploitation de la main d’œuvre enfantine a provoqué l’effondrement du prix des baskets !!! Le rapport n’en fait d’ailleurs pas mystère : « La théorie économique aboutit à la conclusion selon laquelle l'immigration accroît les inégalités entre autochtones, ceci en réduisant les salaires des travailleurs qui entrent en concurrence avec la main d’œuvre immigrée, et en augmentant la rémunération des facteurs avec lesquels elle est complémentaire. On s’attend donc à ce que les revenus du capital progressent et les salaires baissent » Au cas où l’on n’aurait pas bien compris le rapport insiste : « Toutefois, au-delà des chiffres cités ci-dessus qui dépendent d’un grand nombre de paramètres, on retiendra que les revenus sont loin d’être tous touchés de la même façon par l’immigration et qu’une partie significative des effets positifs de l’immigration pour les autochtones peut passer par les revenus du capital. » On y trouve à l’occasion quelques perles remarquables : « Par ailleurs, une partie non négligeable des immigrés retournent dans leur pays d'origine après la cessation d'activité, évitant ainsi des dépenses de santé pour le régime de protection sociale. » « Cependant, le recours à l'immigration ne peut constituer une réponse pérenne à l'allongement de la durée de vie : les immigrants voient également leur espérance de vie augmenter et acquièrent des droits à la retraite. Il faudrait donc encore accélérer le flux d'immigration pour compenser ce surcroît de population âgée, et ainsi de suite. » « Finalement, les études en France peuvent être facturées aux étudiants et représentent donc un moindre coût pour l'Etat. » Enfin, touché par un scrupule tardif, notre rapporteur se rappelle que : "Par ailleurs, pour les pays d’origine des immigrés, un problème de « fuite des cerveaux » risque de se poser, même si des observations récentes sur l’effet des flux migratoires tendent à relativiser ce risque. Si les pays développés se concurrencent pour attirer les travailleurs les plus qualifiés des pays émergents ou en voie de développement, le résultat risque d’être désastreux pour ces pays qui ont crucialement besoin d’une main d’œuvre qualifiée pour poursuivre leur expansion économique. Certes, on ne peut exclure que la chance donnée aux ressortissants qualifiés de ces pays de rejoindre un pays au niveau de vie supérieur crée une incitation pour un plus grand nombre à se former et le pays d’origine bénéficie finalement d’autant, sinon de davantage, de qualifiés (c’est d’ailleurs ce qui ressort de l’expérience sud-africaine qui a vu le nombre d’infirmières dans le pays croître, alors même qu’un grand nombre avaient émigré vers les Royaume-Uni). Mais ce ne seront pas nécessairement les plus qualifiés d’entre eux qui resteront, et une partie du coût de formation reposera de toute façon sur les budgets de ces pays." Mais charité bien ordonnée commence par soi-même : « Toutefois, l’option qui consiste à former des étudiants étrangers en France pour satisfaire nos besoins en main d’œuvre comporte le risque que les étudiants fraîchement formés quittent la France pour alimenter les besoins en main d’œuvre d’autres pays développés, notamment en au sein de la Communauté européenne. Ce risque n’est pas à écarter, puisque les frais de scolarité d’un grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur sont peu élevés en France. » Quant à donner des informations chiffrées, le rapport navigue d’une approximation à une autre, s’appuyant tantôt sur la théorie économique, tantôt sur les statistiques de l’immigration aux USA, tantôt sur de savants calculs dont je vous fais grâce, pour avouer incidemment : « Ce résultat doit être pris comme tel : à ce jour, à notre connaissance, aucune étude n'a mesuré les conséquences sur les salaires d'une immigration qualifiée en France. » On en rirait presque s’il ne s’agissait pas de baisser les salaires en mettant en concurrence les salariés. Et de fait certaines données sont irréductibles aux calculs des experts bourgeois : ce sont la lutte de classe et l’unité des travailleurs français et immigrés ! |
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