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Xuan
Pr Samir AMIN, directeur du forum du tiers-monde : « Il n’y a jamais eu un développement fondé sur le capital étranger »


5/2/2013


En animant une conférence sur « Perspectives altermondialistes, Auto-structuration en Chine, Révoltes des peuples arabes, Crise au Sahel », samedi dernier à l’Ucad, le Pr. Samir Amin est revenu sur les raisons profondes qui expliquent le succès économique fulgurant de la Chine et le « désastre » qui frappe actuellement l’Egypte et le Mali. L’une des raisons avancées par le président du Forum du Tiers-monde est la présence d’un projet national souverain en Chine et son absence dans les deux autres pays.

Qu’est-ce qui réunit, sur le plan économique, des pays aussi différents que la Chine, l’Egypte et le Mali ?
Pour le Pr Samir Amin, c’est le fait qu’ils sont confrontés aux mêmes défis : la domination du capitalisme des monopoles et impérialiste des pays du Nord (Europe, Etats-Unis). Seulement, tandis que le peuple et l’Etat chinois relèvent le défi avec succès, le Mali et l’Egypte n’y arrivent pas, et par conséquent, sont en proie à des désastres sociaux et politiques. Selon le Pr Samir Amin, contrairement au discours dominant, le succès chinois ne résulte pas d’une bonne insertion dans la mondialisation. « L’Egypte et le Mali sont intégrés dans la mondialisation de façon inconditionnelle – et c’est là l’origine du désastre – alors que la Chine est insérée dans ce processus mais d’une manière conditionnelle par elle-même, et c’est la clé de son succès » .
En d’autres termes, les Chinois ont conditionné leur entrée dans la mondialisation par la mise en place d’un projet national souverain, contraignant les Occidentaux à s’adapter à leurs besoins de développement. Alors que l’Egypte et le Mali n’ont pas de projet national.

Système des changes flexibles

En acceptant les injonctions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi), consistant à ouvrir leurs portent sans conditions, ces pays (l’Egypte et le Mali) ont permis au capital étranger de perpétrer des opérations de razzia des ressources naturelles ou d’exploiter la main-d’œuvre à bon marché sans que cela constitue des éléments de construction d’un système productif national.
« Aucun pays qui a ouvert ses portes (au néolibéralisme) ne s’est développé – même si l’on peut noter ça et là des taux de croissance assez importants ». Le Pr Amin reste formel : dans l’histoire, « il n’y a pas eu un développement fondé sur le capital étranger » .
Cependant, pour des raisons géostratégiques – et c’est là les seules exceptions – les Etats-Unis ont toléré un capitalisme souverain et nationaliste en Corée du Sud et en Taïwan. D’où le succès de ces deux pays. Selon le Pr Amin, il y a deux caractéristiques de cette désobéissance de la Chine à la domination du capitalisme : l’accès au sol agraire et la non participation à la financiarisation monétaire.
Avec le Vietnam, la Chine est le seul pays où la terre agraire n’est pas susceptible d’appropriation privée – elle est un bien national confié aux communautés villageoises – explique-t-il.
Ce qui est le produit d’une politique « exceptionnellement intelligente ». L’autre clé du succès chinois consiste, malgré une entrée fracassante dans la mondialisation à partir des années 1990, au refus de participer au système financier et monétaire mondialisé et le système des changes flexibles. « Le yuan est la monnaie de la Chine, et c’est votre problème » , semble dire les Chinois ; exactement à la manière dont les Etats-Unis, en 1971, lorsqu’ils supprimaient la convertibilité du dollar à l’or, se sont adressés à l’Europe.

En ce qui concerne le Mali et l’Egypte, « ce sont des pays qui ont obéi et continuent d’obéir à l’ordre néolibéral » avec son cortège d’ajustements structurels et de privatisations qui, en réalité, ne sont qu’un pillage, un bradage des entreprises publiques vendues aux généraux de l’armée et aux commerçants (pour le cas de l’Egypte).
Ce « capitalisme des petits copains » a contribué, en Egypte, à la formation de gens riches mais pas d’une classe d’entrepreneurs.
Et c’est cela qui est à l’origine du désastre économique et social qui frappe ce pays actuellement, avec comme moyen de gestion (du système) une dictature sanglante, souligne Samir Amin. Selon lui, l’explosion (la révolte) qu’a connue ce pays, il y a deux ans, était prévisible.
Même si cette « révolution » n’a pas véritablement changé le système dans la mesure où le président Mohamed Morsi a rejeté le programme alternatif précis des révolutionnaires pour un autre programme également précis, celui du Fmi et de la Banque mondiale.

Catastrophe économique et sociale

Concernant le Mali, derrière la confrontation entre forces laïcs et celles qui se réclament de l’Islam, il y a la catastrophe économique et sociale. Pourtant, au lendemain de l’indépendance, il y a eu une tentative d’un projet malien souverain qui, à l’époque, a fait reculer la France car il y avait également un projet consistant à détacher cette région riche en ressources naturelles et des pays maghrébins et de ceux de l’Afrique au Sud du Sahara pour en faire un Sahara français.
Ce projet souverain malien a été enterré avec l’arrivée du dictateur Moussa Traoré. « Le malheur pour le Mali, c’est que la libération de la dictature de Moussa Traoré a coïncidé avec la grande victoire du néolibéralisme et que ni Alpha Oumar Konaré, ni Amadou Toumani Touré n’ont pu résister à l’insertion, la soumission du Mali à cette mondialisation. Et le désastre social a continué. Rien n’a été corrigé. Un désastre qui explique le succès de mouvements qui se réclament de l’Islam [et qui ont momentanément occupé le Nord du Mali] » .

Cependant, le vrai défi pour ce pays, c’est la soumission au néolibéralisme ou la création d’un projet alternatif, dit Samir Amin. Reste à savoir, face au désastre du libéralisme, quel modèle de développement pour l’Afrique ? « Ce modèle on l’invente en résistant au libéralisme » , conclut le Pr Samir Amin.

Seydou KA
source : Soleil on line - Sénégal
Xuan
Le Petit Blanquiste publie le 06/12/2010 l'article de Samir Amin ci-dessous.

Cet article zappe l'épisode de la concurrence pour l'hégémonie entre les deux superpuissances, jusqu'à l'effondrement du social-impérialisme. Malgré tout il dit l'essentiel et désigne à juste titre la superpuissance US comme l'ennemi principal des peuples aujourd'hui.

Impérialisme et mondialisation capitaliste

Inhérente à l’extension du capitalisme, la domination politique et économique de la planète par les Européens et leurs descendants nord-américains a connu deux grandes phases historiques et en amorce peut être une troisième, aujourd'hui.

La conquête des Amériques


La première phase impérialiste s'est produite au XVème siècle avec la conquête des Amériques. Confrontés à la résistance des populations indiennes, les colonisateurs européens - en dépît des valeurs chrétiennes professées - n'ont eu aucun scrupule à les exterminer de manière quasi systématique.

Ce massacre des peuples autochtones a eu pour résultat de priver les colonisateurs de la main-d'oeuvre qui leur était indispensable pour exploiter économiquement le continent ; d'où leur recours à la déportation massive de millions d'esclaves africains - la traite de sinistre mémoire.

Personne n'ignore aujourd'hui la relation étroite entre toutes ces horreurs et l'expansion du capital mercantiliste de l'Europe atlantique. Pourtant les Européens de l'époque ont accepté les discours idéologiques qui les ont légitimé.

La ruée vers l'Afrique et l'Asie


La deuxième phase impérialiste a correspondu à la révolution industrielle du XIXème siècle ; elle s’est traduite par la soumission coloniale de l’Asie et de l’Afrique afin d'« ouvrir les marchés » [1] ou de s’emparer des ressources naturelles de ces continents.

Encore une fois l'opinion européenne a accepté le discours légitimateur du capital : la mensongère « mission civilisatrice ».

C'est durant cette phase impérialiste qu'est survenue une polarisation des richesses qui a accru les rapports d'inégalité entre les peuples : de un à deux au maximum vers 1800 - pour ce qui concerne 80% de la population mondiale - à 1 à 60 aujourd’hui ; ce bouleversement n'a exclusivement profité qu'aux métropoles impérialistes – soit à peine 20 % de l’humanité.

A noter, également, que cette expansion territoriale est à l'origine de nombreuses confrontations diplomatiques et militaires entre les puissances européennes conquérantes ; la Première guerre mondiale en est l'exemple le plus monstrueux.

Cette deuxième phase impérialiste s'est clôturée au lendemain de la Seconde guerre mondiale quand les mouvements de libération d'Asie et d'Afrique ont arraché aux métropoles impérialistes l'indépendance politique de leurs nations. C'était, en même temps, la fin de l’ère de l’expansion européenne et du partage colonial inaugurés en 1492.

Une troisième phase ?


Aujourd’hui, le monde connaît l’amorce d’une troisième vague d’expansion impérialiste sous l’égide des États-Unis. Ceux-ci - forts de leur suprématie militaire - visent à s’assurer une hégémonie planétaire absolue et s’emploient à entraîner derrière eux l’ensemble des pays capitalistes avancés : Europe, Japon,...

Les objectifs des centres impérialistes sont toujours les mêmes : contrôle des marchés, pillage des ressources naturelles, surexploitation des réserves de main d’œuvre de la périphérie.

Le discours idéologique destiné à obtenir le consentement des peuples occidentaux à cette politique a été rénové : désormais, il n’est plus question de « mission civilisatrice » mais d’un « devoir d’intervention » que légitimerait la défense de la « démocratie » , des « droits de l’homme » , etc. [2]

L’OTAN est l’instrument militaire offensif de cette politique. Le nouveau « concept stratégique » que l'organisation a adopté, en avril 1999, étend ses missions à, pratiquement, toute l’Asie et toute l’Afrique ; les États-Unis se réservant le droit d’intervenir seuls en Amérique au nom de la doctrine Monroe. [3]

Ces missions - reformulées à Lisbonne récemment - intègrent de « nouvelles menaces » définies dans des termes suffisamment vagues - « terrorisme », « cyberattaques », « criminalité organisée », « prolifération balistique et nucléaire », « attaques contre les approvisionnements » , ... - de telle sorte qu'elles puissent justifier à peu près n’importe quelle agression utile aux États-Unis et à leurs alliés.

L'OTAN et les Etats-Unis eux-mêmes se considèrent, de surcroît, libérés de l'obligation de n'agir que sur mandat de l'ONU ; ils ont pour cette dernière un mépris comparable à celui que les puissances fascistes affichaient à l'égard de la Société des nations (SDN) dans les années 1930.


« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage », proclamait Jean Jaurès.

C'est aussi la pensée du philosophe Jean Salem qui écrivait récemment : « Le système capitaliste assure le plus bel avenir à la guerre. A la guerre de rapine, à la guerre de prédation, [...] à la guerre sino-américaine, par exemple, qui constitue désormais l'un des scénarios les moins improbables du futur proche ». [4]

JPD

Source : Un texte de Samir Amin, professeur d'économie du développement. Directeur du forum du tiers-monde, il enseigne l'économie dans les universités de Poitiers, de Paris et de Dakar. Parmi ses nombreuses publications figurent Eurocentrisme (1988), L'empire du chaos (1991) et Au-delà du capitalisme (1998).

[1] Comme celui de la consommation d’opium que les Anglais imposèrent aux Chinois.

[2] Le cynisme de ce discours paraît évident aux Asiatiques comme aux Africains, tant les exemples de « deux poids - deux mesures » sont flagrants ; mais l’opinion occidentale s’y est ralliée avec autant d’enthousiasme qu’elle s’était ralliée aux discours des phases antérieures de l'impérialisme.

[3] Dans un discours prononcé en 1823, James Monroe, président des Etats-Unis, interdit aux Européens d'intervenir sur le continent américain.

[4] Jean Salem, Lénine et la révolution, Ed. Encre marine, 2006.
 
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