Xuan |
![]() Cet article zappe l'épisode de la concurrence pour l'hégémonie entre les deux superpuissances, jusqu'à l'effondrement du social-impérialisme. Malgré tout il dit l'essentiel et désigne à juste titre la superpuissance US comme l'ennemi principal des peuples aujourd'hui. Impérialisme et mondialisation capitaliste Inhérente à l’extension du capitalisme, la domination politique et économique de la planète par les Européens et leurs descendants nord-américains a connu deux grandes phases historiques et en amorce peut être une troisième, aujourd'hui. La conquête des Amériques La première phase impérialiste s'est produite au XVème siècle avec la conquête des Amériques. Confrontés à la résistance des populations indiennes, les colonisateurs européens - en dépît des valeurs chrétiennes professées - n'ont eu aucun scrupule à les exterminer de manière quasi systématique. Ce massacre des peuples autochtones a eu pour résultat de priver les colonisateurs de la main-d'oeuvre qui leur était indispensable pour exploiter économiquement le continent ; d'où leur recours à la déportation massive de millions d'esclaves africains - la traite de sinistre mémoire. Personne n'ignore aujourd'hui la relation étroite entre toutes ces horreurs et l'expansion du capital mercantiliste de l'Europe atlantique. Pourtant les Européens de l'époque ont accepté les discours idéologiques qui les ont légitimé. La ruée vers l'Afrique et l'Asie La deuxième phase impérialiste a correspondu à la révolution industrielle du XIXème siècle ; elle s’est traduite par la soumission coloniale de l’Asie et de l’Afrique afin d'« ouvrir les marchés » [1] ou de s’emparer des ressources naturelles de ces continents. Encore une fois l'opinion européenne a accepté le discours légitimateur du capital : la mensongère « mission civilisatrice ». C'est durant cette phase impérialiste qu'est survenue une polarisation des richesses qui a accru les rapports d'inégalité entre les peuples : de un à deux au maximum vers 1800 - pour ce qui concerne 80% de la population mondiale - à 1 à 60 aujourd’hui ; ce bouleversement n'a exclusivement profité qu'aux métropoles impérialistes – soit à peine 20 % de l’humanité. A noter, également, que cette expansion territoriale est à l'origine de nombreuses confrontations diplomatiques et militaires entre les puissances européennes conquérantes ; la Première guerre mondiale en est l'exemple le plus monstrueux. Cette deuxième phase impérialiste s'est clôturée au lendemain de la Seconde guerre mondiale quand les mouvements de libération d'Asie et d'Afrique ont arraché aux métropoles impérialistes l'indépendance politique de leurs nations. C'était, en même temps, la fin de l’ère de l’expansion européenne et du partage colonial inaugurés en 1492. Une troisième phase ? Aujourd’hui, le monde connaît l’amorce d’une troisième vague d’expansion impérialiste sous l’égide des États-Unis. Ceux-ci - forts de leur suprématie militaire - visent à s’assurer une hégémonie planétaire absolue et s’emploient à entraîner derrière eux l’ensemble des pays capitalistes avancés : Europe, Japon,... Les objectifs des centres impérialistes sont toujours les mêmes : contrôle des marchés, pillage des ressources naturelles, surexploitation des réserves de main d’œuvre de la périphérie. Le discours idéologique destiné à obtenir le consentement des peuples occidentaux à cette politique a été rénové : désormais, il n’est plus question de « mission civilisatrice » mais d’un « devoir d’intervention » que légitimerait la défense de la « démocratie » , des « droits de l’homme » , etc. [2] L’OTAN est l’instrument militaire offensif de cette politique. Le nouveau « concept stratégique » que l'organisation a adopté, en avril 1999, étend ses missions à, pratiquement, toute l’Asie et toute l’Afrique ; les États-Unis se réservant le droit d’intervenir seuls en Amérique au nom de la doctrine Monroe. [3] Ces missions - reformulées à Lisbonne récemment - intègrent de « nouvelles menaces » définies dans des termes suffisamment vagues - « terrorisme », « cyberattaques », « criminalité organisée », « prolifération balistique et nucléaire », « attaques contre les approvisionnements » , ... - de telle sorte qu'elles puissent justifier à peu près n’importe quelle agression utile aux États-Unis et à leurs alliés. L'OTAN et les Etats-Unis eux-mêmes se considèrent, de surcroît, libérés de l'obligation de n'agir que sur mandat de l'ONU ; ils ont pour cette dernière un mépris comparable à celui que les puissances fascistes affichaient à l'égard de la Société des nations (SDN) dans les années 1930. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage », proclamait Jean Jaurès. C'est aussi la pensée du philosophe Jean Salem qui écrivait récemment : « Le système capitaliste assure le plus bel avenir à la guerre. A la guerre de rapine, à la guerre de prédation, [...] à la guerre sino-américaine, par exemple, qui constitue désormais l'un des scénarios les moins improbables du futur proche ». [4] JPD Source : Un texte de Samir Amin, professeur d'économie du développement. Directeur du forum du tiers-monde, il enseigne l'économie dans les universités de Poitiers, de Paris et de Dakar. Parmi ses nombreuses publications figurent Eurocentrisme (1988), L'empire du chaos (1991) et Au-delà du capitalisme (1998). [1] Comme celui de la consommation d’opium que les Anglais imposèrent aux Chinois. [2] Le cynisme de ce discours paraît évident aux Asiatiques comme aux Africains, tant les exemples de « deux poids - deux mesures » sont flagrants ; mais l’opinion occidentale s’y est ralliée avec autant d’enthousiasme qu’elle s’était ralliée aux discours des phases antérieures de l'impérialisme. [3] Dans un discours prononcé en 1823, James Monroe, président des Etats-Unis, interdit aux Européens d'intervenir sur le continent américain. [4] Jean Salem, Lénine et la révolution, Ed. Encre marine, 2006. |