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Xuan
L’Iran sur le chemin d’une explosion révolutionnaire, par Mikhail Magid

9 OCTOBRE 2022


https://histoireetsociete.com/2022/10/09/liran-sur-le-chemin-dune-explosion-revolutionnaire-par-mikhail-magid/

Si l’on veut comprendre ce qui se passe en Iran, cet article peut aider, il est du type de celui que l’on souhaiterait voir publier par la presse progressiste y compris celle qui jadis était communiste. Ce qui est sûr c’est qu’une véritable résistance à l’impérialisme et une défense de la souveraineté du peuple a de plus en plus besoin d’un pouvoir qui s’ancre réellement dans les intérêts du peuple, les formes conservatrices sont perméables à toutes les corruptions et plus la corruption grandit plus elle a besoin d’une police des mœurs. L’impérialisme utilise à plein dans son asphyxie cet effet… Là encore, les communistes doivent ne pas lui emboiter le pas mais œuvrer aussi et toujours aux côtés du peuple, ils sont parmi les seuls à pouvoir le faire… (Traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société

https://svpressa.ru/politic/article/348005/

Jusqu’à présent, les manifestations se sont déroulées sous des slogans “féministes”, mais le mécontentement à l’égard du gouvernement actuel des ayatollahs est très large dans le pays.

Des manifestations de masse se déroulent en République islamique d’Iran depuis la mi-septembre. Elles ont été déclenchées par la mort d’une jeune fille de 22 ans détenue par la police des mœurs. Elle s’appelait Mahsa Amini et est morte après avoir été arrêtée à Téhéran. Les autorités ont nié l’accusation selon laquelle la torture était la cause du décès. Cependant, il est apparu plus tard que la jeune fille avait été sévèrement battue.

Les étudiants de Téhéran et les voisins de Mahsa dans sa ville natale de Sakez ont manifesté en scandant le slogan “Femme, vie, liberté !”. Une vague d’indignation a déferlé sur le pays. Amini était originaire du Kurdistan et des grèves y ont éclaté. Les femmes ont ostensiblement arraché leurs hijabs et ont crié un message différent : “Mort au dictateur !”. Les manifestations ont continué, la foule jetant des pierres sur la police en criant : “A bas la République islamique !” et “Je tuerai les assassins de ma sœur !”

La crise iranienne est due à l’interaction d’un certain nombre de facteurs – économiques, environnementaux, politiques et nationaux. Cela crée des opportunités pour que le soulèvement s’étende et s’approfondisse. Des manifestations de masse dans le pays, y compris une violente résistance à la police, ont lieu depuis 2017.

Les manifestants s’opposent aujourd’hui à la république islamique. Certains réclament une république laïque normale. D’autres soutiennent une monarchie constitutionnelle dirigée par la progéniture de l’ancien Shah, renversé lors de la révolution de 1979. En Azerbaïdjan iranien et, en partie, au Kurdistan, des revendications d’indépendance nationale sont apparues. Jusqu’à 40 % de la population iranienne vit dans ces régions. Mais le principal slogan du soulèvement était Femme, Vie, Liberté ! Son symbole était le hijab arraché.


La crise de la république islamique

Ce qu’on appelle la République islamique est une théocratie chiite. L’Iran est dirigé par un chef spirituel (rahbar) nommé à vie et son bureau “bete rahbari”. La dictature du guide suprême est soutenue par l’une des armées iraniennes, le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC ou Revolutionary Guards), qui emploie les soldats les plus respectueux de la religion. Quelque 120 000 soldats et officiers parmi les plus pratiquants y servent, mais l’IRGC est plus qu’une simple armée. C’est aussi le réseau de services de renseignement et de milices sur lequel repose le régime. Les milices basiji, qui sont également sous la direction du corps, jouent un rôle clé dans la répression des protestations populaires.

Dans le même temps, le Corps des gardiens de la révolution est une société puissante, qui contrôle environ la moitié, voire, selon certains rapports, 80 % de l’économie iranienne, du système judiciaire et de presque tous les ministères. L’IRGC a littéralement tout entre ses mains, des exportations aux ressources en eau. Aujourd’hui, par exemple, les hauts fonctionnaires iraniens ne peuvent pas donner de chiffres exacts sur les exportations de pétrole – le principal produit d’exportation du pays – parce qu’ils sont entièrement entre les mains de l’IRGC, et que l’organisation ne veut pas partager ces données non seulement avec les simples mortels, mais même avec les fonctionnaires de haut rang. Cela crée, bien sûr, un terrain propice à la corruption à une échelle sans précédent.

En Iran, le terme “nezam” (système) est utilisé pour désigner le système d’organisations religieuses qui régit le pays. Il s’agit de l’État profond, qui comprend le chef suprême et son bureau (office), l’IRGC, à qui le chef suprême a pratiquement donné le pays, et quelques autres institutions.

En parallèle, il existe un état ordinaire. Mais le président et le parlement élus ne font que fournir la logistique d’une dictature militaro-religieuse. Le président iranien n’est rien de plus qu’un faible premier ministre sous la coupe d’un puissant dirigeant.

Toutefois, même ces structures parlementaires et présidentielles sont désormais représentées par des partisans de l’IRGC, car leurs opposants n’ont pas pu participer aux élections de l’année dernière. Le Conseil des experts (une sorte de tribunal constitutionnel islamique), au nom du chef suprême, a suspendu quelque 600 candidats à la présidence, n’en laissant que sept et éliminant tous les rivaux sérieux d’Ibrahim Raisi, qui est finalement devenu président.

La plupart des Iraniens ne se sont pas rendus aux urnes, et quatre autres millions ont rayé tous les candidats. En outre, le gouvernement a forcé des millions de fonctionnaires à voter pour Raisi. Cela a brisé ce qu’il restait de la légitimité politique de la république islamique en aliénant la majorité de la société. Les Iraniens, qui avaient l’habitude d’être autorisés à élire un chef de la logistique au moins une fois tous les quelques ans, étaient outrés et définitivement désillusionnés par le système politique existant.

Les politologues avaient l’habitude de dire qu’à l’intérieur de l’exosquelette rigide et lourd de la dictature bat un petit cœur vivant d’élections présidentielles et parlementaires, qui donne une certaine vitalité au système, en convainquant la population qu’elle a un impact sur la politique actuelle. Aujourd’hui, ce cœur est paralysé.

Selon des recherches menées par des sociologues, les régions les plus densément peuplées d’Iran, les régions dominées par les jeunes et celles où le nombre de personnes ayant participé aux scrutins est le plus faible sont les plus sujettes aux protestations. Il existe à tout le moins un lien entre la perte d’intérêt pour les élections et les émeutes.

Enfin, la maladie du Guide suprême s’est ajoutée à ce qui se passe. Ali Khamenei a 83 ans et serait atteint d’un cancer. Son état de santé a créé une incertitude – on ne sait pas qui sera le prochain chef de la théocratie. Il y a au moins deux prétendants au poste, le fils du dirigeant, Mojtaba Khamenei, et le président sortant, Ibrahim Raisi. Tous deux sont liés à diverses factions au sein du puissant IRGC. Tous deux sont très impopulaires dans le pays. Une lutte de pouvoir entre eux pourrait diviser les élites et les empêcher de réprimer les protestations.


Révolte des Femmes – Révolte des Hijabs

Dans la Russie de la première moitié du 20e siècle, les révoltes de femmes a été un phénomène très répandu. Les femmes, indignées par la politique des autorités, organisent des manifestations, tandis que les hommes, craignant des représailles, restent chez eux ou se joignent à elles plus tard, en surmontant leur peur. Quelque chose de similaire s’est produit en Iran aujourd’hui – les femmes en colère ont été les premières à descendre dans la rue.

Plus de 70% des Iraniens s’opposent au port obligatoire du hijab, selon les données sociologiques disponibles. Ironiquement, un certain nombre de théologiens musulmans chiites sont également en faveur d’un tel point de vue. L’un des dirigeants chiites de Téhéran lors de la révolution de 1979, l’ayatollah Mahmoud Tehani, a notamment interprété les textes sacrés à sa manière, arguant que le port du hijab était le choix de la femme. Mais son rival influent au pouvoir, le fondateur de la République islamique, l’ayatollah Ruhollah Khomeini, pensait autrement.

Le régime de Khomeini et son successeur, devenu le dirigeant absolu de facto de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, ont imposé à la société iranienne un code vestimentaire obligatoire, dont le hijab. La raison en est la volonté du clergé chiite, la classe religieuse qui dirige le pays, de contrôler la vie quotidienne des citoyens en s’ingérant constamment et en signalant leur présence.

En outre, l’exigence du port obligatoire du hijab a été avancée comme argument dans les conflits avec les détracteurs de Khomeini, tant avec les partisans des mouvements chiites sociaux-révolutionnaires (les associés de Telegani prônaient la propriété collective, une société sans classes et le pouvoir d’un gouvernement autonome élu – les conseils de travailleurs ou Shur), qu’avec les partisans des mouvements socialistes et libéraux laïques qui exigeaient un système d’État constitutionnel et le respect d’un certain nombre de droits et de libertés individuels.
Aujourd’hui, le clergé a perdu une partie de son pouvoir, qui est de plus en plus transféré à l’IRGC. Comme on le dit en Iran, “les gens en bottes aspirent le pouvoir des gens en turbans” . Mais le régime est toujours dirigé par un chef spirituel, le Grand Ayatollah, qui insiste sur le port du hijab. La police des mœurs harcèle les femmes qui osent sortir sans.

L’effondrement économique et la catastrophe environnementale ont engendré une crise sociale

La principale cause des troubles que connaît l’Iran depuis quelques années est une profonde crise économique et environnementale. Depuis 2017, le pays a traversé de nombreuses vagues de protestations de masse. Les dirigeants iraniens appellent parfois cela la “nouvelle normalité”, estimant qu’ils disposent de suffisamment de ressources pour faire face au problème. Cependant, il est possible qu’une autre vague de protestation les noie. Trop de contradictions se sont accumulées dans la société iranienne.

La croissance économique s’est pratiquement arrêtée. Jusqu’à 65 % des Iraniens vivent au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté. L’inflation, selon les chiffres officiels, est d’environ 50%, mais en réalité elle est probablement beaucoup plus élevée. La hausse des coûts s’est accompagnée d’une “précarisation” – le transfert des travailleurs vers des emplois temporaires ou à temps partiel, aggravant ainsi leur situation sur le lieu de travail. Cette situation a été à l’origine des grèves des travailleurs du pétrole, des enseignants et d’un certain nombre d’autres catégories de travailleurs.

Le travail des enfants est très répandu en Iran, avec 7 millions d’enfants travailleurs dans un pays de 90 millions d’habitants, selon les chiffres officiels.

Plusieurs millions de réfugiés chiites Hazara d’Afghanistan se trouvent en Iran. La plupart de ces migrants sont apatrides, ont des difficultés à accéder à l’éducation et sont employés sur des chantiers de construction comme semi-esclaves impuissants. Ils sont la partie la plus opprimée de la classe ouvrière.

La situation environnementale est encore pire. L’Iran se transforme en désert. Les rivières qui coulaient autrefois s’assèchent. Ceci est particulièrement vrai pour les rivières comme la Karoun et la Zayandeh. En conséquence, des provinces entières sont privées d’eau. Cela provoque des protestations occasionnelles, par exemple dans les villes d’Ahwaz et d’Isfahan. Lorsque Ahvaz a été privée d’eau l’été dernier (en été, par 50 degrés Celsius !), des émeutes contre le gouvernement y ont éclaté.

La raison de cette situation difficile en Iran est liée à deux facteurs : un système économique très inefficace et les sanctions américaines.

L’IRGC et les fonds spéciaux appartenant au clergé (“baniads”) contrôlent la majorité de l’économie. De nombreuses entreprises et infrastructures sont sous leur contrôle et reçoivent des subventions de l’État. D’autre part, un certain nombre d’hommes d’affaires qui possèdent des entreprises privées sont des parents de responsables du régime, des frères, des neveux et des oncles de membres de l’appareil de l’IRGC.

Par le biais du népotisme, ces hommes d’affaires détournent l’argent qui leur est alloué par l’État sous forme de commandes et de subventions et le partagent avec leurs proches, ce qui encourage la dilapidation des fonds. Il va sans dire que les fonctionnaires corrompus ne font généralement pas l’objet d’un procès car le système judiciaire est également aux mains de l’IRGC.

Cette forme de capitalisme corrompu et parasitaire enrichit rapidement la haute bureaucratie, tout en augmentant l’inefficacité et la pauvreté des masses de travailleurs.

Il en va exactement de même pour l’utilisation des ressources en eau, avec lesquelles l’Iran a traditionnellement des problèmes. Le ministère chargé des ressources en eau est aux mains de l’IRGC, tout comme diverses entreprises industrielles et agraires, privées et publiques, qui prélèvent la précieuse humidité. Le népotisme et la corruption entraînent une utilisation incompétente de l’eau et l’épuisement des rivières et des nappes phréatiques.

La deuxième cause de la crise, ce sont les sanctions américaines. À la suite du conflit politique entre l’Iran et les États-Unis, les Américains ont imposé plus de deux mille sanctions à l’Iran, frappant tous les secteurs de l’économie.

En conséquence, les exportations de pétrole de l’Iran, qui fournissaient autrefois l’essentiel des devises – la partie prédominante des recettes d’exportation – ont diminué de plusieurs fois, passant de trois millions de barils de pétrole par jour à un million, voire moins. Il y a moins de devises pour acheter des produits étrangers (l’Iran importait environ la moitié de ses denrées alimentaires) et, en outre, il est devenu difficile, voire impossible, d’importer toute une série de produits en raison des sanctions. Dans l’ensemble, cela entraîne de lourdes pertes dans tous les secteurs.

Dans cette situation, les dirigeants iraniens ont décidé de construire une “économie de résistance”, c’est-à-dire de s’orienter vers une industrialisation qui se substitue aux importations et de développer ses propres entreprises agricoles, y compris celles qui pratiquent des cultures gourmandes en eau. Des centaines d’entreprises et d’agro-firmes ont été construites. Des centaines de barrages sur les rivières ont contribué à augmenter les prélèvements d’eau à des fins agricoles et industrielles.

Hélas, le résultat a été un désastre, la désertification, comme le note le scientifique iranien Khalil Hani. Environ un tiers des Iraniens connaissent aujourd’hui des problèmes liés à la pénurie d’eau. Des millions d’agriculteurs sont ruinés ou au bord de la ruine – ils n’ont pas d’eau pour irriguer leurs champs et leurs palmiers dattiers. Ils migrent vers les villes, étendant ainsi les zones de pauvreté.
L’Iran est rapidement plongé dans un tourbillon de crises. Chaque décision prise pour tenter de redresser l’économie conduit à une aggravation de la situation. Les crises socio-économiques et socio-environnementales prennent un caractère catastrophique, se complétant et se renforçant mutuellement.

Conflits nationaux et régionalisme

Il y a toute une série de problèmes nationaux en Iran. Les Azerbaïdjanais, les Kurdes, les Baloutches et d’autres minorités nationales représentent ensemble environ la moitié de la population. Beaucoup sont mécontents de l’absence ou de la faible présence d’écoles dans leur langue nationale. En outre, certaines des minorités ethniques sont des musulmans sunnites et n’aiment pas la théocratie chiite. Ils n’apprécient pas non plus l’absence d’un gouvernement local complet, la dictature du centre et le fait que le gouvernement retire de l’argent et des ressources de leurs provinces pour développer l’industrie et approvisionner la province de Fars et la capitale, Téhéran.

À mesure que la popularité de la théocratie chiite dominante décline en Iran, cette organisation et cette idée intégratrices et unificatrices sont remplacées par le nationalisme perse, avec, par exemple, des pèlerinages de masse sur la tombe du roi Cyrus le Grand. Cependant, la montée du nationalisme perse déclenche à son tour un contre-mouvement – la montée des nationalismes azerbaïdjanais, kurde, baloutche et arabe. Si la crise se poursuit, le pays risque de s’effondrer.


Le fossé des âges

Enfin, le problème en Iran est que le régime, composé en partie d’hommes âgés qui se sont installés au pouvoir depuis la révolution de 1979, perd le contact avec la population. La majeure partie des Iraniens sont des jeunes. Ils sont irrités par le fait même que le pays est dirigé à vie par un vieil homme profondément enraciné, totalement incapable de comprendre les nouvelles générations. Khamenei, quant à lui, croit fermement que les mouvements populaires ne doivent rien concéder, car toute concession peut entraîner de nouvelles demandes et ne fera qu’enflammer ses opposants. Tout cela fait penser à un conflit entre un vieil homme têtu et des jeunes agités.

Les manifestations impliquent des dizaines de milliers de jeunes dans tout le pays, des pauvres des villes à la jeunesse dorée des quartiers les plus riches de la capitale, des étudiants aux chômeurs.

L’IRGC réprime brutalement ces émeutes multi-classes et multi-ethniques. Au total, des centaines de personnes ont déjà été tuées et blessées. En réponse, les jeunes ont pris les armes – il y a des morts également du côté du régime.


Une révolution ouvrière ?

En 1979, lors de la révolution anti-chah, les travailleurs iraniens ont élu des conseils de délégués et ont organisé une grève générale avec leur aide. Ils ont ensuite pris le contrôle des usines, les amenant à l’autonomie. Le slogan de la révolution sociale iranienne (peut-être le principal) était “Pain, travail, liberté !

Il est vrai que ce mouvement a ensuite été écrasé par la dictature bourgeoise des Ayatollahs (clergé chiite) et de l’IRGC (leur slogan était “le Shah est parti, l’Imam est venu !”). Ce segment de la révolution était lié au commerce traditionnel iranien (“bazari”) et au clergé musulman chiite, qui appartenait aux mêmes clans familiaux que les représentants du commerce national. L’alliance bourgeoise s’appuyait sur une masse de millions de banlieusards pauvres, sans emploi ou employés temporairement, qui survivaient grâce à l’aide alimentaire organisée autour de la mosquée.

Le clergé était avide de pouvoir et de richesse. Il était intéressé à la fois au renversement de la dictature du Shah, lié au capital transnational, et à la destruction du mouvement ouvrier, car ce dernier contestait sa richesse, la propriété privée en tant que telle et le travail salarié.

Jusqu’à présent, il semble que la révolution moderne en Iran soit de nature bourgeoise-démocratique. Son slogan, “Femme, vie, liberté !” – se recoupe en un sens avec les slogans de 1979 (l’auteur de l’article soutient le droit des femmes à ne pas porter le hijab si elles ne le souhaitent pas). Mais pour autant, on ne peut s’empêcher de souligner les différences. L’actuel soulèvement iranien ne ressemble pas encore à une révolution sociale de classe. En 1979, il y avait diverses tendances, tant des luttes de la classe ouvrière pour un nouvel ordre non capitaliste que des tendances théocratiques bourgeoises-démocratiques et même bourgeoises-dictatoriales associées au clergé.

Peut-être la classe ouvrière iranienne, dont le nombre a augmenté au cours des quatre dernières décennies, sera-t-elle en mesure d’établir ses propres organes d’autogestion élus – des soviets – à l’avenir. Nous l’avons vu l’année dernière lorsque 100 000 travailleurs de l’industrie pétrolière et pétrochimique se sont mis en grève illégale, réclamant une augmentation des salaires et protestant contre les réformes néolibérales – emplois temporaires, dégradation des conditions de travail. Ils ont mis en place un Conseil des travailleurs qui a coordonné la lutte par le biais du canal Telegram.

Le fait qu’il n’y ait pratiquement pas de syndicats en Iran revêt une grande importance. Le mouvement syndical, qui est lié à des formes de lutte réformistes (appels aux tribunaux, références à des documents officiels) a été presque étouffé par le régime (sauf peut-être pour le syndicat des enseignants). Les travailleurs ne peuvent créer que de petits groupes illégaux pour diffuser des appels via les médias sociaux, ou ils créent des conseils de délégués pendant les grèves. À l’heure actuelle, cependant, la voix de la classe ouvrière est à peine entendue en Iran.

Néanmoins, le chercheur irakien Anwar Najmadin, qui observe les événements en Iran, écrit ce qui suit : “Il y a une confrontation de classe entre les pauvres et la classe dirigeante, qui dure depuis 2017. “Femme, vie, liberté !” – est le slogan des libéraux.

Cependant, il existe de nombreuses tentatives de création de conseils de travailleurs dans le pays. De nombreux militants qui agissent ainsi ont été arrêtés. L’idée de créer des conseils de travailleurs a été exprimée pour la première fois en 2018, au plus fort des grèves ouvrières à Haft Tepe, dans le sud de l’Iran. Ils ont exprimé la nécessité pour les travailleurs de prendre le contrôle de l’usine. Ils ont dit : “Les ordres sont toujours venus d’en haut, mais aujourd’hui nous avons décidé de dicter les règles d’en bas. Nous fixons des tâches au gouvernement… Nous travaillons collectivement en tant que conseil… Il n’y a pas de place pour les individualistes, les nationalistes, les racistes et les réactionnaires parmi nous. Notre alternative, ce sont les conseils ouvriers. Cela signifie que nous prenons des décisions collectives concernant notre destin. Nous faisons nos propres jugements, nous agissons depuis le bas” .

Et maintenant ?

Ces derniers jours, les manifestations se sont calmées dans la capitale, Téhéran. Mais elles se sont étendues à plusieurs régions, où elles prennent la forme d’affrontements armés entre les minorités ethniques et les forces de sécurité. Cela fait peser la menace potentielle d’une désintégration de l’Iran, à l’image de celle de la Syrie ou de l’Éthiopie au cours des dernières décennies. Il pourrait bien y avoir un scénario dans lequel certaines régions resteraient aux mains du régime, tandis que d’autres tomberaient aux mains des milices ethniques locales. Mais il est trop tôt pour le dire.
 
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