| Mao Tsé-toung et la « théorie des forces productives » Dans ‘La révolution chinoise et le Parti Communiste Chinois’ [1] , Mao montre l’évolution et la situation des classes dans la Chine avant la révolution. Dans ces grandes lignes cette évolution se retrouve dans un grand nombre de colonies. D’une part l’impérialisme a accéléré la transformation de la société chinoise : « la société féodale chinoise a duré environ 3 000 ans. C'est seulement vers le milieu du XIXe siècle, par suite de la pénétration du capitalisme étranger, que de profonds changements se sont produits dans sa structure. L'économie marchande qui se développait en son sein portait déjà les germes du capitalisme. La société chinoise aurait donc pu se transformer peu à peu en une société capitaliste même sans l'influence du capitalisme étranger. Mais en pénétrant en Chine, celui-ci a accéléré le processus. Il a joué un rôle important dans la décomposition de notre économie sociale : d'une part, il a sapé les bases de l'économie naturelle qui se suffisait à elle-même et a ruiné l'industrie artisanale dans les villes et l'artisanat domestique dans les campagnes ; d'autre part, il a favorisé le développement de l'économie marchande dans les villes et les campagnes » . Cette accélération fait apparaître et se développer le capitalisme national : i]« sous l'effet stimulant du capitalisme étranger et par suite d'une certaine détérioration de la structure économique féodale, des commerçants, des propriétaires fonciers et des bureaucrates ont commencé à faire des investissements dans l'industrie moderne. Il y a une quarantaine d'années, à la fin du siècle dernier et au début du nôtre, le capitalisme national chinois a commencé à se développer. Et il y a vingt ans, pendant la première guerre mondiale impérialiste, alors que les pays impérialistes d'Europe et d'Amérique étaient occupés à faire la guerre et avaient momentanément relâché leur étreinte sur la Chine, l'industrie nationale chinoise, surtout le textile et la minoterie, a connu une nouvelle expansion »[/i]. Le capitalisme fait émerger deux classes « qui n’avaient jamais existé dans l’histoire de la Chine », « à la fois liées l’une à l’autre et antagonistes » : « A l'apparition et au développement du capitalisme national en Chine correspondent l'apparition et le développement de la bourgeoisie et du prolétariat. Si une partie des commerçants, des propriétaires fonciers et des bureaucrates ont été les précurseurs de la bourgeoisie chinoise, une fraction des paysans et des artisans ont été les précurseurs du prolétariat chinois » Mais l’une et l’autre ont des spécificités propres aux conditions nationales : « Cependant, le prolétariat chinois est apparu et s'est développé non seulement en même temps que la bourgeoisie nationale, mais aussi en même temps que les entreprises exploitées directement par les impérialistes en Chine. Il en résulte qu'une partie très importante du prolétariat chinois dépasse la bourgeoisie en âge et en expérience et, par conséquent, sa force sociale est plus grande, sa base sociale plus large ». Une autre particularité nationale s’applique au développement de ce capitalisme : « Toutefois, ce phénomène nouveau dont nous venons de parler, l'apparition et le développement du capitalisme, ne représente qu'un aspect des changements intervenus à la suite de la pénétration de l'impérialisme en Chine. Il y en a un autre, concomitant du premier et lui faisant obstacle, c'est la collusion de l'impérialisme avec les forces féodales pour empêcher le développement du capitalisme chinois. En pénétrant en Chine, les puissances impérialistes n'avaient aucunement l'intention de faire de la Chine féodale un pays capitaliste ; au contraire, elles voulaient en faire une semi-colonie et une colonie» . Mao décrit comment l’impérialisme empêche la Chine de devenir un pays capitaliste en prenant une série de dispositions militaires, politiques, économiques, et des moyens d'oppression culturelle et cite Staline sur l’alliance entre propriétaires fonciers féodaux et bourgeoisie compradore et l’impérialisme qui : « s'associe avant tout aux couches dominantes du régime social précédent - aux féodaux et à la bourgeoisie commerçante et usurière -, contre la majorité du peuple. L'impérialisme s'efforce partout de maintenir et de perpétuer toutes les formes précapitalistes d'exploitation (surtout à la campagne) qui sont la base même de l'existence de ses alliés réactionnaires . » [2] « L'impérialisme avec toute sa puissance financière et militaire en Chine est la force qui soutient, inspire, cultive et préserve les vestiges féodaux de ce pays avec toute leur superstructure bureaucratico-militariste . » [3] Sur la base de l'analyse ci-dessus, Mao Zedong a clairement indiqué que la classe ouvrière chinoise et son avant-garde le Parti communiste Chinois, pour atteindre l'objectif de l'industrialisation de la Chine, doivent d'abord terminer la révolution de démocratie nouvelle, en même temps, pour consolider la victoire de la révolution de démocratie nouvelle, nous devons nous efforcer de réaliser l'industrialisation en Chine. Il a dit: « Il ne sera pas possible de libérer les forces productives du peuple et de leur donner un plein développement avant que se réalisent, pour tout le pays, les conditions politiques de démocratie nouvelle. Les gens qui le comprennent sont de jour en jour plus nombreux. Quand ces conditions seront réunies, le peuple chinois et son gouvernement devront prendre des mesures effectives en vue de créer graduellement, en un certain nombre d'années, une industrie lourde et une industrie légère, et de faire de la Chine agricole un pays industriel. L'Etat de démocratie nouvelle ne pourra se renforcer que sur la base d'une économie solide, c'est-à-dire d'une agriculture avancée et nettement plus développée que notre agriculture actuelle, d 'u ne industrie de grande envergure qui occupe une position prédominante dans l'économie du pays , avec un développement correspondant des communications, du commerce et des finances. Nous, communistes, nous sommes prêts à lutter pour la réalisation de ces objectifs, de concert avec tous les partis et groupements démocratiques et tous les milieux industriels du pays. La classe ouvrière chinoise aura un grand rôle à jouer dans l'accomplissement de cette tâche…Sa tâche n'est pas seulement de lutter pour un Etat de démocratie nouvelle, mais également pour l'industrialisation de la Chine et la modernisation de son agriculture. » [4] On voit que, selon Mao, gagner la révolution de démocratie nouvelle et réaliser l'industrialisation de la Chine, constituent l'objectif des communistes chinois. De ce point de vue, l'industrialisation chinoise d’un côté, l'impérialisme et le féodalisme de l’autre sont les deux problèmes fondamentaux étroitement liés l’un à l'autre que la Chine doit résoudre. Comme seul le développement industriel à grande échelle et avec lui le transport, le commerce, les finances et les autres entreprises, peuvent consolider les fruits de la victoire de la révolution de démocratie nouvelle, Mao Zedong a en outre proposé que celle-ci prenne deux mesures. « la première [étape] consiste à transformer cette société en une société indépendante et démocratique ; la seconde, à développer plus avant la révolution et à édifier une société socialiste." [5]
_______________________ Notes : [1] Cours écrit par le camarade Mao Tsé-toung, dans l'hiver 1939, avec la collaboration de quelques camarades qui se trouvaient à Yenan. Le premier chapitre, "La société chinoise", a été rédigé par ces derniers et revu par le camarade Mao Tsé-toung. Le deuxième chapitre, "La révolution chinoise", a été écrit par le camarade Mao Tsé-toung lui-même. Un troisième chapitre, "L'édification du Parti", a dû être abandonné, les camarades chargés de le rédiger n'ayant pu l'achever. Cependant, les deux chapitres existants, et surtout le second, ont apporté une grande contribution à l'éducation du Parti communiste chinois et du peuple chinois. Le point de vue du camarade Mao Tsé-toung sur la démocratie nouvelle, exposé dans le deuxième chapitre, a été largement développé par lui dans "La Démocratie nouvelle", écrit en janvier 1940. [2] "Du mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux", thèses adoptées au VIe Congrès de l'Internationale communiste. [3] J. Staline: "La Révolution en Chine et les tâches de l'Internationale communiste", discours prononcé le 24 mai 1917 à la huitième assemblée plénière du Comité exécutif de l'Internationale communiste. [4] Œuvres choisies - tome III – du gouvernement de coalition - Ed. du Peuple 1967 - p 268-269. [5] Œuvres choisies tome - II - De la démocratie nouvelle - Ed. du Peuple 1967 - p 367 |
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