AFP
[url]https://www.boursorama.com/bourse/actualites/la-cour-de-cassation-requalifie-en-contrat-de-travail-le-lien-entre-uber-et-un-chauffeur-da7649dd41fdc8961aae62a58008eafd?fbclid=IwAR347cGCZnxq6QsYelFN_CC-fhAdNOyNkQBdUn0FXAW0q8KLG7adEQzis70[/url]
La Cour de cassation a validé mercredi la requalification en contrat de travail du lien entre Uber et un de ses anciens chauffeurs, une première en France qui pourrait faire bouger les lignes dans le débat sur le statut des travailleurs des plateformes.
La plus haute juridiction de l\'ordre judiciaire rejette ainsi le pourvoi formé par Uber et confirme une décision de la cour d\'appel de Paris de janvier 2019.
Elle estime que le lien de subordination entre le chauffeur et Uber est caractérisé lors de la connexion à la plateforme et que le conducteur ne doit donc pas être considéré comme un travailleur indépendant mais comme un salarié.
[i]"Le chauffeur qui a recours à l\'application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d\'exécution de sa prestation de transport"[/i], résume la Cour de cassation dans un communiqué.
Elle enfonce le clou en précisant que "[i]le fait que le chauffeur n\'ait pas l\'obligation de se connecter"[/i] et ne s\'expose à aucune sanction en ne se connectant pas [i]"n\'entre pas en compte"[/i].
[g][i][#0000ff]-"Statut fictif"-[/#][/i][/g]
Le statut de travailleur indépendant de ce chauffeur, actif sur la plateforme Uber quelques mois de 2016 et 2017, était "fictif", conclut la Cour.
Interrogé par l\'AFP, Fabien Masson, l\'avocat du chauffeur, s\'est félicité de cette "jurisprudence" qui vise [i]"le numéro un des plateformes VTC". "C\'est une première et ça va concerner toutes les plateformes qui s\'inspirent du modèle Uber"[/i], a-t-il estimé.
[i]"C\'est la seule et unique affaire en requalification que nous ayons jamais perdue en France[/i]" et "[i]cette décision ne reflète pas les raisons pour lesquelles les chauffeurs choisissent d\'utiliser l\'application Uber"[/i], à savoir [i]"l\'indépendance et la flexibilité"[/i], a réagi une porte-parole d\'Uber.
[i]"Au cours des deux dernières années, nous avons apporté de nombreux changements pour donner aux chauffeurs encore plus de contrôle sur la façon dont ils utilisent l\'application, ainsi qu\'une meilleure protection sociale"[/i], a-t-elle ajouté.
Dans l\'Hexagone, Uber recense 150 cas de chauffeurs ayant lancé une procédure dans le but de faire requalifier leur contrat de prestations de service en contrat de travail ou déclaré vouloir le faire, soit 0,2% des chauffeurs passés ou actuels de la plateforme.
[g][i][#0000ff]-"Droit dans le mur"-[/#][/i][/g]
L\'ancien chauffeur d\'Uber peut désormais demander devant les prud\'hommes rappels de salaire et indemnités de rupture de contrat.
Les autres chauffeurs [i]"vont bénéficier de cette décision"[/i], assure Me Masson. Il leur conseille d\'ailleurs d\'envoyer un courrier aux plateformes pour demander à [i]"bénéficier de cette jurisprudence"[/i].
[i]"C\'est exceptionnel"[/i], a salué son confrère Kevin Mention, qui suit une dizaine de dossiers de chauffeurs Uber. La décision [i]"va beaucoup plus loin que l\'arrêt Take Eat Easy"[/i] et [i]"la Cour de cassation a voulu frapper fort"[/i].
Cette dernière avait déjà établi en novembre 2018, pour la première fois, un lien de subordination entre une plateforme et un de ses travailleurs. Il s\'agissait de Take Eat Easy, une société de livraison de repas par des coursiers à vélo qui avait été liquidée.
[i]"Les plateformes, si elles ne changent pas leur modèle aujourd\'hui, vont droit dans le mur car c\'est la requalification assurée"[/i], avertit Me Mention.
Sur Twitter, Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint de l\'Unsa, a salué une [i]"jurisprudence historique qui doit faire progresser les droits sociaux des travailleurs des plateformes"[/i]. Régis Dos Santos, président des Assemblées confédérales de la CFE-CGC, a évoqué un "coup de tonnerre".
Confronté à une régulation de plus en plus stricte de son activité sur certains marchés, Uber a porté plainte contre une loi californienne visant à le contraindre à requalifier les conducteurs de VTC en salariés.
Plus largement, le statut d\'indépendant des travailleurs des plateformes, défendu par certains d\'entre eux, est contesté dans de nombreux pays.
Début février, la plateforme de livraison de repas Deliveroo a été condamnée par un juge départiteur du conseil des prud\'hommes de Paris pour travail dissimulé, à la suite de la requalification du contrat d\'un de ses coursiers.
La loi d\'orientation des mobilités (LOM), adoptée fin 2019, a mis en place un socle d\'obligations (droit à la déconnexion et transparence au niveau du prix des courses) pour les plateformes. Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré un article qui empêchait un juge de requalifier en contrat de travail l\'engagement des travailleurs indépendants.
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La Cour de cassation a validé mercredi la requalification en contrat de travail du lien entre Uber et un de ses anciens chauffeurs, une première en France qui pourrait faire bouger les lignes dans le débat sur le statut des travailleurs des plateformes.
La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire rejette ainsi le pourvoi formé par Uber et confirme une décision de la cour d'appel de Paris de janvier 2019.
Elle estime que le lien de subordination entre le chauffeur et Uber est caractérisé lors de la connexion à la plateforme et que le conducteur ne doit donc pas être considéré comme un travailleur indépendant mais comme un salarié.
"Le chauffeur qui a recours à l'application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d'exécution de sa prestation de transport" , résume la Cour de cassation dans un communiqué.
Elle enfonce le clou en précisant que " le fait que le chauffeur n'ait pas l'obligation de se connecter" et ne s'expose à aucune sanction en ne se connectant pas "n'entre pas en compte" .
-"Statut fictif"-
Le statut de travailleur indépendant de ce chauffeur, actif sur la plateforme Uber quelques mois de 2016 et 2017, était "fictif", conclut la Cour.
Interrogé par l'AFP, Fabien Masson, l'avocat du chauffeur, s'est félicité de cette "jurisprudence" qui vise "le numéro un des plateformes VTC". "C'est une première et ça va concerner toutes les plateformes qui s'inspirent du modèle Uber" , a-t-il estimé.
"C'est la seule et unique affaire en requalification que nous ayons jamais perdue en France " et " cette décision ne reflète pas les raisons pour lesquelles les chauffeurs choisissent d'utiliser l'application Uber" , à savoir "l'indépendance et la flexibilité" , a réagi une porte-parole d'Uber.
"Au cours des deux dernières années, nous avons apporté de nombreux changements pour donner aux chauffeurs encore plus de contrôle sur la façon dont ils utilisent l'application, ainsi qu'une meilleure protection sociale" , a-t-elle ajouté.
Dans l'Hexagone, Uber recense 150 cas de chauffeurs ayant lancé une procédure dans le but de faire requalifier leur contrat de prestations de service en contrat de travail ou déclaré vouloir le faire, soit 0,2% des chauffeurs passés ou actuels de la plateforme.
-"Droit dans le mur"-
L'ancien chauffeur d'Uber peut désormais demander devant les prud'hommes rappels de salaire et indemnités de rupture de contrat.
Les autres chauffeurs "vont bénéficier de cette décision" , assure Me Masson. Il leur conseille d'ailleurs d'envoyer un courrier aux plateformes pour demander à "bénéficier de cette jurisprudence" .
"C'est exceptionnel" , a salué son confrère Kevin Mention, qui suit une dizaine de dossiers de chauffeurs Uber. La décision "va beaucoup plus loin que l'arrêt Take Eat Easy" et "la Cour de cassation a voulu frapper fort" .
Cette dernière avait déjà établi en novembre 2018, pour la première fois, un lien de subordination entre une plateforme et un de ses travailleurs. Il s'agissait de Take Eat Easy, une société de livraison de repas par des coursiers à vélo qui avait été liquidée.
"Les plateformes, si elles ne changent pas leur modèle aujourd'hui, vont droit dans le mur car c'est la requalification assurée" , avertit Me Mention.
Sur Twitter, Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint de l'Unsa, a salué une "jurisprudence historique qui doit faire progresser les droits sociaux des travailleurs des plateformes" . Régis Dos Santos, président des Assemblées confédérales de la CFE-CGC, a évoqué un "coup de tonnerre".
Confronté à une régulation de plus en plus stricte de son activité sur certains marchés, Uber a porté plainte contre une loi californienne visant à le contraindre à requalifier les conducteurs de VTC en salariés.
Plus largement, le statut d'indépendant des travailleurs des plateformes, défendu par certains d'entre eux, est contesté dans de nombreux pays.
Début février, la plateforme de livraison de repas Deliveroo a été condamnée par un juge départiteur du conseil des prud'hommes de Paris pour travail dissimulé, à la suite de la requalification du contrat d'un de ses coursiers.
La loi d'orientation des mobilités (LOM), adoptée fin 2019, a mis en place un socle d'obligations (droit à la déconnexion et transparence au niveau du prix des courses) pour les plateformes. Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré un article qui empêchait un juge de requalifier en contrat de travail l'engagement des travailleurs indépendants.
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![]() UBÉRISATION. DES SYNDICATS AU-DEVANT DES TRAVAILLEURS DES PLATEFORMES Jeudi, 21 Mars, 2019 l'Humanité https://www.humanite.fr/uberisation-des-syndicats-au-devant-des-travailleurs-des-plateformes-669624?fbclid=IwAR3UoG-4NKUtoHR5De-3XkrmPqzgiAc1xjJKSan1JPWLMfP04SqmEA452nk Pierric Marissal À l’échelle européenne, les précaires du numérique sont de plus en plus nombreux et ont besoin des organisations de salariés pour conquérir de nouveaux droits. Celles-ci vont à leur rencontre et luttent pour préserver nos modèles sociaux. Les travailleurs indépendants utilisent de plus en plus les plateformes numériques. On les voit tous les jours, enfourchant leur vélo pour livrer des repas ou au volant de berlines noires. Mais ce sont aussi des personnels d’entretien, des soignants, des traducteurs, des travailleurs du clic, des ouvriers du bâtiment ou des codeurs informatiques… À l’échelle du Vieux Continent, ils représentaient 22 millions de travailleurs en 2018, selon la Confédération européenne des syndicats (CES). Ils ont parfois, comme seul interlocuteur et donneur d’ordres, une machine, un écran, et ne croisent que rarement des collègues. La plupart des syndicats acceptent dans leurs rangs les indépendants et s’adaptent de leur mieux à leurs besoins. Face à la numérisation, à l’isolement et aux nouvelles formes d’emploi, des centrales syndicales ne considèrent plus uniquement ce phénomène à l’échelle de la branche (transports, commerce…), mais l’embrassent de manière globale. Ils voient les indépendants comme des travailleurs comme les autres, qui nécessitent d’être protégés, mais qui doivent aussi cotiser et participer à la sauvegarde des modèles sociaux des pays. Ces syndicats font alors face à de nouveaux défis : nouer la relation avec ces travailleurs, répondre à leurs demandes, et surtout les fédérer pour créer un rapport de forces sans lequel aucun dialogue social n’est possible. « La négociation collective est le meilleur moyen pour les travailleurs d’obtenir de meilleures conditions, il faut l’étendre aux indépendants », résume Thiébaut Weber, secrétaire confédéral de la CES. Tour d’horizon de belles initiatives. Pierric Marissal ________________ ![]() Edité le 26-03-2019 à 20:36:46 par Xuan |
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![]() Un statut encouragé par le patronat et le gouvernement Microentreprise, une machine à fabriquer des pauvres Quand, en 2008, est créé le statut d’autoentrepreneur, les reportages enthousiastes fleurissent un peu partout. Neuf ans plus tard, les forçats du vélo font grève pour être payés correctement, les chauffeurs Uber sont en procès avec la plate-forme, les « indépendants » se mobilisent. En moyenne, les microentrepreneurs gagnent… 410 euros par mois, moins que le revenu de solidarité active (RSA). par Jean-Philippe Martin Au cœur de l’été 2017, le 11 août, en début de soirée, de gros sacs isothermes vert et gris s’entassent au pied de la statue de la République à Paris. À côté de leur barricade improvisée, plusieurs dizaines de livreurs de repas à vélo, travaillant en tant qu’autoentrepreneurs sous les couleurs de la multinationale britannique Deliveroo, s’accoudent à leurs guidons. Juridiquement parlant, comme ils sont travailleurs indépendants et non salariés, ils ne sont pas en grève : ils sont « déconnectés ». « C’est qui, les patrons ? » M. Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), retourne le stigmate, hilare. « On est des patrons, oui. On doit entreprendre ? Allons-y ! Mais nous, c’est quand on fait masse qu’on a une chance de commander ! » Partie de Bordeaux avant de s’étendre à Nantes, Lyon et Paris, la fronde a pour carburant la décision unilatérale de Deliveroo d’harmoniser par le bas le système de rémunération de ses « partenaires » — dans le lexique maison, on ne parle pas d’« employés » ; les nouveaux livreurs ne sont pas « embauchés », mais participent à des sessions d’« embarquement » ; ils ne sont pas accueillis par un directeur des ressources humaines (DRH) ou par des cadres, mais par des pairs qui ont le titre d’« ambassadeurs ». À la fin août dernier, la direction a donc décidé de payer à la course (5 euros, et 5,75 euros dans la capitale), remplaçant l’ancien système de tarif à l’heure (7,50 euros, auxquels s’ajoutent, selon les critères de rendement, entre 2 et 4 euros par livraison), encore en vigueur pour les contrats datant d’avant septembre 2016. Comme elle l’avait fait un an plus tôt au Royaume-Uni, provoquant là aussi la révolte de ses bikers, la multinationale n’offre pas en France d’autre choix à ses soutiers que d’accepter le travail à la tâche ou d’aller voir ailleurs, sans autre forme de procès. « 5,75 euros par course, c’est de la provocation, dénonce M. Pimot. Nous voulons des garanties horaires sur des bases qui sont un peu celles des salariés : 15 euros l’heure et 20 dans les créneaux les plus chargés, entre midi et 14 heures et de 19 heures à 21 heures. » « Deliveroo, tu vas manger ! » Rassemblés un peu plus tard devant la terrasse d’un restaurant couru du 10e arrondissement, au nez et à la barbe des hipsters, les coursiers scandent en chœur : « On ne veut pas pédaler sans être payés ! Deliveroo, tu vas manger ! » Livreur depuis l’année dernière une dizaine d’heures par semaine, et membre du CLAP, Adrien, 23 ans, décrit un modèle social et économique reposant sur l’existence d’une masse de précaires toujours plus nombreux. Inscrits en deux temps, trois mouvements sur la plate-forme, ils sont mis en concurrence sur fond de pénurie de travail. « En fait, le système est saturé par ceux qui veulent bosser et se disputent les créneaux. On a un mal fou à en obtenir : chaque semaine, ils sont disponibles le mercredi à 8 heures du matin, et deux minutes plus tard tout est complet. Payer les coursiers uniquement à la tâche, ça permet à Deliveroo de recruter tant qu’ils veulent, puisqu’un livreur qui attend une commande, dans la rue, puis au resto, ne lui coûte rien du tout ! » Alors que les silhouettes à deux roues ployant sous le poids de leurs sacs continuent de filer dans les rues adjacentes pendant la manifestation, « Harry JMG » raconte sa vie de coursier sur sa chaîne YouTube. Au passage, le jeune homme, qui a mis au point une application payante pour « garantir » les précieux créneaux de travail sur les plates-formes de livraison, propose de parrainer de nouveaux forçats du bitume. Il se charge d’ensevelir sous les sarcasmes un mouvement de grève qui va finir par s’étioler fin août : « Mais les gars, si maintenant que vous n’êtes plus payés à ne rien foutre, c’est la souffrance, et que ça ne vous plaît pas, barrez-vous ! Vous êtes autoentrepreneurs, vous avez signé, c’est comme ça ! Si je bossais dans une boîte, jamais de la vie je ne ferais une grève si un truc ne me convient pas. Juste, je me casse. » Sous couvert d’innovation et, plus chic encore, de « disruption » (rupture) resurgit à l’horizon le travail indépendant à la tâche qui date d’avant la construction politique et juridique du salariat. Dans la foulée de la révolution de février 1848, Adolphe Thiers, montant au front contre les périls de l’« association ouvrière » et du droit du travail, n’écrivait-il pas : « Je désire que l’ouvrier qui n’a que ses bras puisse aussi (…) devenir capitaliste à son tour, et s’élever à la fortune. Je ne crois pas qu’il le puisse en se mettant à la place de son maître, en s’associant avec ses camarades pour former avec eux une entreprise collective, qui manquera de capital, de direction, de tout ce qui fait réussir ; mais voici, pour l’ouvrier de mérite, un moyen certain d’arriver au résultat proposé, de devenir entrepreneur sans capital, et sans l’inconvénient attaché à une entreprise collective : ce moyen est celui du travail à la tâche que les nouveaux amis des ouvriers ont aboli (1). » Un texte que ne renierait pas M. Denis Pennel, auteur d’un rapport sur le « droit du travail dans une société postsalariale » publié par le think tank libertarien Génération libre : « Et si le futur ressemblait au passé ? » , interroge-t-il sans fard ni ironie. Sa référence absolue ? Les contrats de « louage » d’ouvrage et de service introduits par le code civil en 1804 par lesquels les travailleurs à la pièce sont considérés comme « entrepreneurs en ce qu’ils font » dans une relation strictement commerciale avec un donneur d’ordre. Une très bonne base pour l’avenir aux yeux de ce directeur général de World Employment Confederation (un nom un brin pompeux pour un lobby des entreprises de travail temporaire) qui prédit la fin de la « parenthèse du salariat » , appelé à disparaître au profit du « libertariat » (2). Les régimes d’autoemploi (self-employment), bâtis sur la commercialisation d’une tâche ou d’une pièce réalisée par un individu, se développent dans toute l’Europe. En 2003, l’ancien directeur du personnel de Volkswagen Peter Hartz a inventé le statut Ich-AG (littéralement, « moi-société anonyme » ![]() En France, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a instauré le régime de l’entrepreneur individuel. Popularisé sous le nom d’autoentrepreneur, le statut, entré en vigueur le 1er janvier 2009, est présenté comme extrêmement simple — on peut s’inscrire « en trois clics » — et ouvert à tous les types d’activité, ou presque. La communication gouvernementale est synthétisée dans le slogan « Faites fructifier vos talents » , accompagné d’un logo représentant un ballon qui s’envole en souriant. Dans les discours officiels, il s’agit de permettre aux chômeurs de cumuler une activité professionnelle indépendante avec leurs allocations, et aux salariés de compléter leurs revenus par le biais d’une autre activité. Avec, en prime, une promesse de protection sociale équivalente à celle des salariés… aux mailles néanmoins plus lâches, car les accidents du travail ou les maladies professionnelles ne sont pas pris en charge. Cela s’accompagne d’une série de facilités comptables et d’incitations fiscales : franchise de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), allègements de cotisations sociales et, dans certains cas, acquittement forfaitaire sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires, exemption de la cotisation foncière lors de la première année d’exercice. Cette sous-traitance déclinée à l’échelle des individus permet au « client » — bien souvent une entreprise donneuse d’ordre — de se désintéresser des questions de salaire minimum, d’horaires de travail, de droit au chômage et aux congés payés, de formation, de conditions préalables au licenciement, de lutte contre les discriminations et de partage de la valeur ajoutée à travers les mécanismes d’intéressement et de participation. Pour l’État lui-même, le bénéfice n’est pas négligeable en termes d’affichage : en endossant le statut de microentrepreneur — c’est désormais le titre officiel —, et donc en pouvant exercer une activité, même réduite, les chômeurs quittent la catégorie A (« sans emploi »), la seule qui entre en ligne de compte pour la présentation officielle des chiffres du chômage. Dans la même veine prestidigitatrice, les administrations, soumises à la « rigueur » budgétaire, voire à l’austérité, peuvent utiliser de faux indépendants en imputant les coûts en « dépenses de fonctionnement » , et non de personnel, comme l’explique la sociologue Sarah Abdelnour (3). Grossier mirage économique Dans les faits, ce régime s’inscrit à la fois dans les logiques d’« activation » des politiques sociales à destination des demandeurs d’emploi soupçonnés de ne pas chercher de travail, de modération salariale, d’exaltation de l’« esprit d’entreprise » et de brouillage des frontières de classe. Rien d’étonnant car tous ses concepteurs, sans exception, sont à rechercher dans le cercle le plus libéral de la droite française. Secrétaire d’État chargé des petites et moyennes entreprises (PME) et ordonnateur de la réforme au sein du gouvernement Fillon (2007-2012), M. Hervé Novelli a lâché le morceau dans un livre d’entretiens paru en 2009 (L’Auto-entrepreneur : les clés du succès, Éditions du Rocher, Paris). « Désormais, pour s’en sortir, les Français ne se tournent plus vers la collectivité, ils se tournent vers… eux-mêmes. Quelle plus belle réponse donner à tous ceux qui croient encore que, face à la crise, la seule réponse, c’est l’assistanat ? » Avant de fanfaronner : « Cela abolit, d’une certaine manière, la lutte des classes. Il n’y a plus d’exploiteurs et d’exploités. Seulement des entrepreneurs : Marx doit s’en retourner dans sa tombe. » En dépit de cette origine très marquée, le statut d’autoentrepreneur est pérennisé sans barguigner par M. François Hollande. Le régime franchit la barre du million d’inscrits en 2015, pendant son quinquennat. M. Emmanuel Macron entend le renforcer, en supprimant les cotisations sociales la première année et en doublant les plafonds annuels de chiffre d’affaires (portés à 170 000 euros pour le commerce et à 70 000 pour les services). Cette dernière mesure apparaît largement symbolique : selon les services de Bercy, seuls 5 900 microentrepreneurs sont concernés par le relèvement des plafonds (4), soit 0,55 % du total… Derrière la propagande gouvernementale apparaît vite un grossier mirage économique. D’après l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), le million d’inscrits au régime de la microentreprise réalise un chiffre d’affaires global de 8,75 milliards d’euros. Une somme non négligeable, peut-être, mais à rapprocher du résultat des 2,2 millions d’entreprises de moins de dix salariés qui, elles, cumulent 760 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Au-delà de ce poids dérisoire dans la création de richesses, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) précise que les autoentrepreneurs économiquement actifs ont retiré en moyenne 410 euros mensuels de leur activité en 2013, soit près d’une centaine d’euros de moins que le revenu de solidarité active (RSA). Et encore ce chiffre est-il gonflé par la poignée (10 %) qui est gratifiée de plus de 1 100 euros par mois, l’équivalent du smic net. En vérité, plus d’un sur quatre touche moins de 70 euros par mois et la moitié, moins de 240 euros (lire « Un million d’inscrits » ). « Le travail indépendant exclusif se situe essentiellement parmi les travailleurs les moins qualifiés et les moins protégés, tandis que le cumul des revenus est plus important parmi les salariés du privé comme du public , décrit Sarah Abdelnour (5). Les plus qualifiés, déjà protégés, en tirent des revenus supplémentaires, et même une protection sociale inutilement dédoublée, tandis que les plus fragiles, souvent des jeunes ou des femmes, semblent accumuler des bouts de ficelle d’une société du travail de laquelle ils peuplent les marges. » L’exemple typique en France est celui des chauffeurs Uber de Seine-Saint-Denis, qui utilisent le système pour sortir d’un marché du travail hautement discriminatoire (6). L’économiste américaine Juliet Schor constate que, loin de combler les inégalités, ce type d’emploi les accroît : aux États-Unis, sur fond de « raréfaction de l’emploi et du revenu » , les tâcherons les mieux formés, issus des couches moyennes, s’emparent désormais des emplois peu qualifiés, jusque-là réservés aux travailleurs des classes populaires (7). Cela n’empêche pas les marchands du « Tous entrepreneurs ! » de multiplier les injonctions aux accents libertaires : l’autoemploi serait l’avènement du travail pour soi, enfin. Mais la joie qu’expriment parfois certains des travailleurs laisse vite la place aux impératifs de la débrouille et des petits arrangements. Correcteur à temps partiel dans la presse, rémunéré à la pige, M. Jacques L. s’est inscrit après que sa conseillère de Pôle emploi lui a vanté les « avantages » du régime pour ses autres travaux. « Certes, il y a des abattements fiscaux et sociaux, mais cela ne dure pas. Je n’utilise plus ce statut, et quand je dois réviser un travail universitaire, par exemple, je le fais au noir. » Avant même l’émergence de l’économie du partage — selon l’expression en vogue dans les médias dominants —, la fiction de l’autoentrepreneuriat librement décidé avait volé en éclats. Nombre de professions y ont eu recours — et souvent l’ont imposé — dès 2009. Dans le domaine de l’édition, « près d’un tiers (31,4 %) des travailleurs à domicile [lecteurs, éditeurs, correcteurs, iconographes…] indiquent que leur employeur leur a suggéré de changer de statut et de devenir autoentrepreneur » , et « dans 81,5 % des cas ces pressions se sont répétées » , mentionne une étude menée pour Force ouvrière (FO) (8), qui conclut : « Le régime de l’autoentrepreneur a entraîné la substitution du statut d’indépendant à celui de salarié » , qui était plus favorable. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) dénonce le même type de pression dans les groupes de médias tels qu’Altice, Le Figaro, Mondadori, Prisma et TF1, notamment lors du lancement de journaux, suppléments ou programmes, où les journalistes sont payés comme de simples prestataires extérieurs, malgré la « présomption de contrat de travail » que prévoit le statut de journaliste professionnel. Un capitalisme des plates-formes Les opérateurs touristiques recrutent des guides sous ce statut et sans carte professionnelle, tout comme les clubs de sport avec leurs entraîneurs… Diplômée d’une école d’architecture, Mme Mathilde C. a dû passer trois ans sous ce statut dans un cabinet d’urbanisme avant d’être embauchée. « C’était une forme de période d’essai à rallonge, quasi systématique dans le secteur, témoigne-t-elle. J’étais présente comme tout le monde dans l’équipe, avec un bureau et tout… Mais quand j’étais malade, je devais aller travailler, sinon je n’étais pas payée. J’étais libre de fixer mes horaires de travail, mais c’était très théorique car il valait mieux être là, évidemment : se donner sans compter pour espérer rester. » Pas un secteur n’y échappe. À Saint-Michel (Aisne), plusieurs dizaines de salariés se sont mis en grève, fin septembre, pour contester le projet du nouveau patron de leur entreprise d’ambulances. « Le gérant a pris un bout de papier et il a fait un cercle autour du nom de la boîte, raconte un des salariés, non syndiqué, en contrat à durée indéterminée (CDI) depuis quelques années. Puis il l’a barré et a fait partir des tas de flèches vers chacun de nous qui devenions des autoentrepreneurs. Enfin il a sorti un tableau avec les avantages en termes de rémunération. On n’en revenait pas. Lui-même autoentrepreneur, il nous a dit qu’il gagnait plus de 4 000 euros par mois avec ce système. On ne touchait plus terre, puis on est rentrés chez nous et on a regardé ce que c’était : il fallait qu’on loue le véhicule, qu’on paie toute notre protection sociale, on pouvait se faire jeter du jour au lendemain. Et on s’est mis en grève ! » Quelques semaines plus tard, selon son collègue, M. Stéphane Denimal, délégué du personnel CFDT (Confédération française démocratique du travail), le patron revient pour rassurer tout le monde. « Il ne parle plus d’autoentrepreneurs, mais d’indépendants, rapporte le syndicaliste sans déceler qu’il n’y a guère de différences. On se serait mal compris… Mais, si le chiffre d’affaires ne se redresse pas, il remettra le sujet sur le tapis. » Dans l’ère du capitalisme des plates-formes, le statut d’autoentrepreneur constitue un vecteur de subordination supplémentaire pour ces salariés déguisés. L’emploi devient une marchandise hautement périssable, au gré des performances mesurées en temps réel, des notations effectuées par les clients, de critères de « fiabilité » établis par de très opaques algorithmes : en cas de résultats médiocres, les travailleurs sont éliminés purement et simplement. Ils sont surveillés en permanence par la géolocalisation ou la connexion à la plate-forme. Le contrôle devient toujours plus étroit, au point que certains parlent désormais de « sur-subordination ». Déjà, le Mouvement des entreprises de France (Medef) s’active face aux contentieux médiatisés devant les prud’hommes. Au moment où les procès se multiplient en Europe et aux États-Unis — au Royaume-Uni, Uber a été condamné le 10 novembre dernier à verser à ses chauffeurs un salaire minimum et à leur octroyer des congés payés —, il s’agit d’écarter tout risque de requalification en CDI de ces prestataires externalisés. Dans sa première version, début 2016, le projet de loi El Khomri avait accédé à cette demande, avec l’appui des deux rapporteurs socialistes à l’Assemblée, MM. Christophe Caresche et Yves Blein : « Il convient d’éviter que la reconnaissance d’une responsabilité sociale des plates-formes envers les travailleurs qui utilisent leurs services ne conduise à un “quasi-salariat” de fait, au détriment du modèle économique de ces plates-formes (9). » En vain : la disposition a finalement été retirée. Mais, à chaque occasion, le patronat revient à la charge. Ainsi, M. Oussama Ammar, cofondateur du fonds d’investissement The Family, qui organise un cycle régulier de conférences baptisé « Les barbares attaquent » en partenariat avec l’Institut Montaigne, prophétise l’avènement d’une économie où le « cachet » remplacerait le salaire ; les qualifications, les compétences ou l’expérience ne pèseraient plus rien à côté des missions acceptées avec « juste de l’envie » (10). Son compère Nicolas Colin, inspecteur des finances en disponibilité et éditorialiste invité à L’Obs, promet un « monde d’intermittence généralisée du travail » . Car, avec « l’économie numérique, les entreprises disposent maintenant d’un puits sans fond, débordant de travailleurs, dans lequel elles peuvent se servir pour remplacer ceux qui voudraient s’organiser et exiger de meilleures conditions de travail (11) » . Le même, flanqué cette fois de l’économiste ultralibéral Augustin Landier, « commissionné » par Uber quelques mois plus tard pour rendre une « étude » à sa gloire (12), a rédigé un rapport sur l’économie numérique pour le Conseil d’analyse économique (13). Les auteurs décrivent un marché du travail très polarisé, avec au sommet de la pyramide des « emplois bien rémunérés à dimension managériale ou créative » , et à la base des « emplois peu qualifiés qui sont peu rémunérés, car leur productivité reste faible » . Ils consacrent l’essentiel de leur propos à plaider pour l’ « emploi non salarié » , le régime de l’autoentrepreneur devenant la norme pour le travail peu qualifié. Aux nouveaux prolétaires, ils recommandent un système s’appuyant sur des notations. « Au lieu d’un diplôme ou d’un examen, il est possible de faire valoir la satisfaction des utilisateurs » , écrivent-ils, appelant à mettre en avant sa « réputation » dans les « parcours ultérieurs professionnels (accès à d’autres emplois) ou non professionnels (accès au crédit et au logement) » . Ouvrir des chemins d’émancipation Pour pallier l’absence de protection sociale, ils encouragent l’État à les « informer de la nécessité d’épargner » . Car, privés d’outils de travail ou de fonds de commerce, ces travailleurs ne pourront rien revendre pour survivre une fois à la retraite. Ils invitent alors à créer un dispositif d’épargne microentrepreneuriale « sur le modèle de l’épargne salariale » — à cette différence près que, dans le salariat, l’épargne éventuelle ne se substitue pas aux droits acquis à la retraite, au chômage, à la santé ou à la formation… Malgré l’éparpillement des microentrepreneurs et la domination des plates-formes, certains cherchent à ouvrir des chemins d’émancipation. Des mutuelles de travailleurs indépendants ont été créées, telle SMart en Belgique, ou des coopératives d’activité et d’emploi (CAE), comme Coopaname en France (850 membres), où chacun mène son activité de manière autonome tout en bénéficiant des filets de protection collectifs. Dans la foulée du mouvement Nuit debout du printemps 2016, le collectif CoopCycle s’est constitué pour mettre à la disposition de coopératives de coursiers un code et des algorithmes capables de concurrencer les multinationales du secteur. Avec une ambition plus affirmée encore, des syndicats allemands (Ver.di et IG Metall) et suédois (Unionen) travaillent en partenariat avec des organisations nord-américaines comme la Freelancers Union à élaborer un « coopérativisme de plates-formes » , susceptible de donner tout son sens à l’économie du partage (14). « La propriété et la gouvernance de l’Internet peuvent être changées, écrivent-ils dans leur manifeste (15). Les expériences déjà à l’œuvre démontrent qu’un écosystème mondial de coopératives et de syndicats peut, en collaboration avec des mouvements tels que ceux du logiciel libre et de l’open source, faire obstacle à la concentration des richesses et à la précarité des travailleurs résultant de l’idéologie du “gagnant emporte tout” prônée par la Silicon Valley. » Et si, au fond, l’avenir ressemblait au passé ? Et si ces expériences, encore embryonnaires, ouvraient de nouveaux droits ? Reste à faire repérer cette bifurcation au plus grand nombre. Jean-Philippe Martin Journaliste. (1) Adolphe Thiers, De la propriété, Paulin, Lheureux et Cie, Paris, 1848. (2) Denis Pennel, Travail, la soif de liberté, Eyrolles, Paris, 2017. (3) Sarah Abdelnour, « Administration publique recrute auto-entrepreneurs », Cadres, no 447, Paris, décembre 2011. (4) Marie Bellan, « Microentrepreneurs : le faible impact du relèvement des seuils », Les Échos, Paris, 5 octobre 2017. (5) Sarah Abdelnour, Moi, petite entreprise. Les auto-entrepreneurs, de l’utopie à la réalité , Presses universitaires de France, Paris, 2017. (6) Lire Hacène Belmessous, « En banlieue, autoentrepreneur faute de mieux », Le Monde diplomatique, mars 2017. (7) Juliet Schor, « Does the sharing economy increase inequality within the eighty percent ? » (PDF), Boston College, 2017. (8) Christophe Gautier, Antoine Remond et Yoan Robin, « Conditions et formes d’emploi des journalistes et travailleurs de l’édition : Quelle sécurisation ? » (PDF), Groupe Alpha, janvier 2015. (9) Assemblée nationale, 29 avril 2016. (10) « Les barbares attaquent les politiques de l’emploi », décembre 2014, vidéo consultable en ligne. (11) Nicolas Colin, « Reinventing labor : The sharing economy as professional leverage », 9 décembre 2016. (12) Augustin Landier, David Thesmar et Daniel Szomoru, « Travailler sur une plateforme Internet : une analyse des chauffeurs Uber en France », mars 2016. (13) Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen et Anne Perrot, « Économie numérique » (PDF), Les Notes du Conseil d’analyse économique, no 26, octobre 2015. (14) Cf., par exemple, Trebor Scholz, « Platform cooperativism : Challenging the corporate sharing economy » (PDF), Fondation Rosa Luxembourg (bureau de New York), janvier 2016. (15) Sur le site de Platform Cooperativism Consortium, http://platform.coop ___________________________ Un million d’inscrits par Jean-Philippe Martin • 1 072 000 microentrepreneurs sont comptabilisés en France fin 2016, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). • 62,5 % des inscrits fin 2016 sont considérés comme économiquement actifs. • 410 euros en moyenne par mois, c’est ce que gagnaient en 2013 les microentrepreneurs économiquement actifs — moins que le revenu de solidarité active (RSA) à la même époque et bien au-dessous du seuil de pauvreté (846 euros) (Insee Première, no 1627, décembre 2016). • 30,6 millions de personnes vivant dans l’Union européenne et âgées de 15 à 64 ans sont en situation d’autoemploi (self-employed) en 2016, d’après Eurostat. Soit 14 % de la population active. • Avec 29 % de sa population active en autoemploi, la Grèce occupe en 2016 la première place, suivie de l’Italie (21 %) et de la Pologne (18 %). Avec 11 % de travailleurs « indépendants » — la catégorie déborde le seul autoentrepreneuriat —, la France reste sous la moyenne européenne. Jean-Philippe Martin |
Xuan |
![]() Les contradictions avec l'artisanat s'accentuent Nous avons vu que dans bien des cas – comme celui des livreurs- l’auto entreprenariat n’est qu’un salariat déguisé sans protection, sans couverture sociale, de sorte qu’ils constituent aussi une concurrence pour les salariés eux-mêmes. En parallèle il est notoire que le statut des auto entrepreneurs a précipité sur le marché des artisans à bas coût, qui ont piqué la clientèle de ces derniers avec des tarifs impossibles à concurrencer. Avec la loi Pinel, les jeunes qui s’y étaient lancés dans l’aventure ont dû s’acquitter de taxes imprévues et de contraintes nouvelles (cf l’Expansion du 24/11/2010), de sorte que l’engouement initial a été sérieusement refroidi (cf Challenges 18/06/2015) : ![]() Loin d’améliorer leur sort, l’Etat bourgeois, représentant l’intérêt des grands monopoles, entend bien tirer sur la corde jusqu’au bout en doublant le plafond du chiffre d’affaire des micro entreprises. De la sorte est exacerbée la concurrence avec les artisans dont la disparition est à terme inéluctable. La Confédération des PME voit le sol se dérober sous ses pieds et s’avise de pleurer auprès des pouvoirs publics mais en vain. |
Xuan |
![]() La fronde prend de l'ampleur chez les coursiers à vélo de Deliveroo Par Challenges.fr le 11.08.2017 à 13h04, mis à jour le 12.08.2017 à 09h51 Des livreurs Deliveroo dénoncent une modification de leur contrat qui leur ferait perdre une partie de leurs revenus. ![]() La société de livraison de repas à vélo compte 7.500 coursiers en France. SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA Une quarantaine de livreurs de l'entreprise de livraison de repas à domicile Deliveroo se sont rassemblés vendredi à Paris pour réclamer une augmentation du prix de leur course, a constaté une journaliste de l'AFP. La manifestation a rassemblé au total une centaine de personnes, en majorité des militants politiques et syndicaux. Elle était soutenue par la CGT et Solidaires commerce et services. "La rue est notre usine, les forçats du bitume relèvent la tête" , proclamait une banderole. A Lyon, une vingtaine de coursiers se sont rassemblés pour mener une une campagne de "sensibilisation" auprès de plusieurs restaurateurs du centre, selon leur porte-parole, Diego Guglieri. "Il y aura d'autres actions à la rentrée quand les clients de Deliveroo seront rentrés" , a-t-il affirmé. Soumis à un nouveau contrat depuis fin août 2016, la majorité des coursiers "ne sont plus payés à l'heure mais seulement à la commande, au prix de 5,75 euros à Paris et 5 euros en province, un tarif qu'ils souhaitent voir passer à 7,50 euros" , avec un "minimum de deux courses par heure" , a expliqué à l'AFP Jérôme Pimot, à la tête du collectif parisien qui les représente, le Clap. Il dit vouloir notamment se battre pour l'instauration d' "un minimum garanti" . Auparavant, les coursiers, au statut d'indépendants, étaient payés 7 euros de l'heure auxquels s'ajoutait une prime de 2 à 4 euros. Deliveroo a donné jusqu'à fin août à ceux qui travaillent encore à ces conditions pour changer de contrat. 8% des livreurs concernés Dans un communiqué diffusé vendredi, la direction de Deliveroo assure que seuls "8%" de ses "7.500 livreurs" sont encore soumis à l'ancienne tarification. Elle dit "vouloir faire converger l'ensemble des contrats" dans un objectif d'équité et assure également que "la tarification à la course permet (...) de générer en moyenne plus de 14 euros de l'heure" . A Bordeaux, des livreurs ont manifesté à plusieurs reprises fin juillet pour dénoncer les changements dans leur contrat de travail qui les "précarisent" davantage, selon le syndicat CGT des coursiers à vélo de la Gironde. Depuis la mise en place de la nouvelle tarification, Deliveroo a recruté massivement, notamment à Paris. "Ce nouveau régime, auquel s'ajoute une quantité incroyable d'entreprises de délivrance de repas à domicile dans la capitale, aggrave les conditions de travail et les précarise" , insiste Jérôme Pimot. "Un bon coursier réalise au mieux 2,2 courses à l'heure lorsqu'il est bien rôdé; un nouveau une seule par heure voire aucune" , dit-il, dénonçant une "flexibilisation à outrance". Selon Deliveroo, ses livreurs "collaborent en moyenne 22 heures par semaine" . (Avec AFP) |
Xuan |
![]() ______________________ Deliveroo, Uber… quand les travailleurs de l'ubérisation se rebellent Par Marion Perroud le 15.10.2016 à 16h12 Challenges Ils sont chauffeurs de VTC ou livreurs à vélo. Uber, Deliveroo, Foodora et autres plateformes de l'économie collaborative leur avaient vendu l'eldorado du travail indépendant, à l'heure du numérique. Aujourd'hui, un nombre croissant de ces travailleurs de l'ubérisation s'en mord les doigts... et contre-attaque. ![]() L’association du Collectif des coursiers franciliens s’est créée après le placement en redressement judiciaire de la start-up belge Take Eat Easy fin juillet. (C) TEE Pierre Serra est coursier pour le compte de la plateforme collaborative de livraison à vélo Stuart depuis environ un an et demi. En tant qu'indépendant autoentrepreneur, il travaille en moyenne "40 à 60h" par semaine pour un chiffre d'affaires mensuel qui oscille entre 2000 et 3000 euros. "Le système est vraiment souple. On choisit notre mode de rémunération, nos horaires sans jamais avoir un patron pour nous dire d'aller plus vite ou nous donner des ordres." Comme 66%* des autoentrepreneurs* inscrits sur ce type de plateformes de services aux particuliers, Pierre Serra affirme être satisfait de l'expérience. "C'est un bon tremplin lorsqu'on a des projets en parallèle" , juge le jeune coursier qui s'investit par ailleurs dans la musique. D'autres n'ont pas toujours cette chance. C'est notamment le cas de Jérôme Pimot, également coursier autoentrepreneur. TokTokTok, Take Eat Easy, Deliveroo… Pendant près de deux ans, il est passé par presque toutes les plateformes de livraison de plats à vélo de la capitale. "On me répétait que j'étais indépendant et en même temps on m'imposait des tas de contraintes comme celle de porter l'uniforme de la marque, de réaliser un maximum de courses ou d'accepter un mode de tarification par défaut. Deliveroo m'a d'ailleurs "remercié" en avril dernier car je ne voulais pas porter leur veste" , lâche-t-il amer lors des 4ème assises de l'autoentrepreneur, organisées par la Fédération des autoentrepreneurs (Fedae), qui se sont tenues le 29 septembre. Avec le recul, celui qui se surnomme aujourd'hui sur les réseaux sociaux comme un "sniper combattant l'ubérisation" , s'estime floué par ces plateformes "qui sont des vendeurs de pelles de l'Eldorado et exposent en réalité leurs livreurs à tous les dangers sans les former ni les informer" . Pour lui, "cette économie ne marche pas sans lien de subordination pour la simple et bonne raison que ces sites ont besoin d'afficher une image de marque forte et une qualité de service uniforme qui supposent un protocole et des process quasi impossibles sans avoir recours au salariat." Raison pour laquelle, le coursier réfléchit désormais à attaquer Deliveroo pour "travail déguisé" . "Suis-je un salarié ou un indépendant?" Un risque de requalification de la prestation de services en contrat de travail, auquel de plus en plus d'entreprises sont exposées. Avec à la clé, de lourdes sanctions potentielles (rappels des salaires, dommages et intérêts, redressement URSSAF…) pour celles dont les abus seraient avérés. Le phénomène est pour l'heure difficile à quantifier –aucune statistique officielle ne recense le nombre d'entreprises attaquées aux prud'hommes ni le nombre de redressements URSSAF sur ce motif– mais une chose est sûre, il inquiète. L'enjeu est de taille: les professionnels de l'économie collaborative ont pour la plupart fondé leur modèle économique et leur attractivité sur le recours à une collectivité de travailleurs indépendants vis-à-vis desquels ils n'ont aucune responsabilité sociale ou juridique. Les reconnaître en tant que salariés reviendrait tout bonnement à balayer d'un revers de main la viabilité de leur activité. En la matière, les pratiques des sites de livraison de plats à domicile sont loin d'être les seules dans le viseur. Uber(chauffeurs VTC) ou encore Click and Walk (partage d'informations sur des produits et magasins contre rémunération) font déjà l'objet de procédures pour "travail dissimilé". En cause, un flou juridique latent encadrant la requalification éventuelle en contrat de travail, appuyée non pas par des critères précis mais qui doit être fondée sur un faisceau d'indices concordants tels que l'attribution de matériels, laissant ainsi une large place à l'interprétation des inspecteurs du travail et des juges. "J'aimerais que la loi se prononce sur cette question: suis-je un salarié ou un indépendant?", insiste Jérôme Pimot. A l’heure où la France compterait plus de 13 millions de travailleurs indépendants au sens large (en complément d’une activité ou à plein temps), le gouvernement commence à prendre très au sérieux cet épineux sujet. Si bien que la loi travail, promulguée en août dernier, crée dans le cadre de son article 60 une forme de responsabilité sociale de ces plateformes vis-à-vis des indépendants, notamment en matière de couverture des risques professionnels (accidents de travail, maladie...) et de formation professionnelle. Elle introduit également le droit pour ce type de collectivité d’indépendants de constituer une organisation syndicale et de "défendre leurs revendications professionnelles". "Je ne sais pas si le gouvernement aura le temps de sortir tous les décrets d’ici la fin du quinquennat mais c’est déjà une belle avancée technique" , salue Grégoire Leclercq, président de la Fedae. La clarification du statut de travailleur indépendant attendra, elle, pour plus tard. L'union fait la force Certains n’ont pas attendu la promulgation de la loi pour faire valoir leurs droits collectivement. En juin dernier, 350 chauffeurs VTC travaillant avec Uber ont ainsi lancé une campagne de crowdfunding –qui n'a finalement pas abouti- pour attaquer en justice la plateforme afin de demander une requalification des contrats passés avec Uber en contrat de travail. L’association du Collectif des coursiers franciliens s’est par ailleurs créée après le placement en redressement judiciaire de la start-up belge Take Eat Easy fin juillet. L’objectif: mener "une action collective pour requalifier tout coursier le souhaitant en salarié" pour le travail réalisé. Plus de mille personnes ont d’ores et déjà rejoint le groupe Facebook, parmi lesquelles Jérôme Pimot. "Il a fallu que je passe à l’autoentrepreneuriat pour me syndiquer!" , plaisante-t-il. Lui planche actuellement à la création d’une coopérative de coursiers à vélo en Ile-de-France pour passer de "l’économie collaborative à l’économie sociale et solidaire" en garantissant "une vraie protection pour les livreurs" . Une initiative soutenue entre autres par Danielle Simmonet, élue Front de gauche conseillère municipale à la mairie de Paris, qui défend actuellement sur les planches sa pièce de théâtre résolument engagée "Uber, les salauds et mes ovaires" , dans le 19e arrondissement de la capitale. Face à ces revendications de plus en plus médiatisées, certains acteurs de l’économie collaborative tentent de sortir du lot en proposant des services spécifiques aux autoentrepreneurs avec lesquels ils collaborent, tels que BeeBoss, plateforme de mise en relation entre travailleurs indépendants et clients de grandes entreprises partenaires pour des prestations variées (ex: garde d’enfant, montage de meubles, assistance informatique, coiffure…). "Notre responsabilité c’est de faire preuve de bienveillance sociale vis-à-vis des 'talents' présents sur notre site. Caution bancaire, formation, assurances, centrale d’achat… nous leur permettons d’accéder à un ensemble de services" , liste Sergine Dupuy, fondatrice de BeeBoss. D’autres, à l’instar de SOS Jober, proposent aux indépendants une sorte de certification de l’expérience acquise via sa plateforme. Les géants de l'économie collaborative risquent-ils d’être à leur tour "ubérisés" par ces nouveaux venus et autres Scop de travailleurs indépendants qui tentent de les concurrencer sur le plan social? Difficile à dire... Uber, Deliveroo et autres Foodora n'ont en tout cas pas fini de se casser les dents avec ce modèle social plus que contesté. *Sondage Fédération des auto-entrepreneurs Juin 2016 Edité le 13-08-2017 à 23:03:46 par Xuan |
Xuan |
![]() Lorsqu'elle se rapproche de l'artisanat, sa fonction aboutit à baisser les prix et en fait les revenus de l'ensemble des artisans et des autoentrepreneurs. Fréquemment elle fournit à des entreprises donneurs d'ordre des équivalents salariés dépourvus de toute sécurité, garantie ou avantage. Quand ce ne sont pas ces entreprises elles-mêmes qui obligent leurs salariés à accepter ce statut. ____________________ Sur Boursorama Take Eat Easy : les coursiers veulent se battre pour un meilleur statut Boursorama avec AFP le 12/08/2016 à 08:36 Obligés de travailler sous le statut d'auto-entrepreneurs, les livreurs à vélo de l'enseigne belge se sont retrouvés sans rien lorsque l'entreprise a fait faillite fin juillet. Regroupés en collectif, ils envisagent de saisir les prud'hommes. ![]() Des livreurs Deliveroo, qui propose le même service que Take Eat Easy, le 31 mars 2016 à Paris (Illustration). ( AFP / ERIC FEFERBERG ) Depuis 2013, Take Eat Easy proposait un service de livraison de repas, issus de divers restaurants, à domicile par l'intermédiaire de coursiers à vélo. Faute d'avoir réussi sa dernière levée de fonds, l'entreprise belge a mis la clé sous la porte le 25 juillet dernier. Une faillite qui a également coûté cher aux milliers de coursiers, entre 2.000 et 3.000 en France et 4.000 en Europe. La particularité de ces coursiers, comme des chauffeurs d'Uber ou de certaines aides à domicile travaillant pour l'économie collaborative, est qu'ils ne sont pas salariés mais indépendants et ont un statut d'auto-entrepreneur, une condition obligatoire pour travailler pour ce type d'entreprises et start-up vendant des services par le biais de plateformes. Un statut leur permettant d'avoir un revenu plus avantageux mais qui ne leur assure aucune garantie de salaire en cas de faillite et pas de chômage. En juillet, ils n'ont pas été payés. "LE COLLECTIF COURSIER FRANCILIEN" PRÊT À ATTAQUER Un collectif de coursiers, dont beaucoup travaillaient pour l'enseigne belge, s'est alors créé pour obtenir la "requalification" de leurs contrats "très précaires". Baptisé "le collectif coursier francilien" et détenteur d'un compte Facebook, il revendique quelque 700 membres dont "150 se disent prêts à attaquer la plateforme" devant les prud'hommes afin de percevoir leurs revenus de juillet et d'obtenir la "requalification de leurs contrats" de travail, "très précaires" , selon Matthieu Dumas, son président âgé de 22 ans, qui travaillait pour Take Eat Easy depuis octobre 2015. Au-delà des coursiers de Take Eat Easy, au nombre de 2.000 à 3.000, selon les sources, le collectif espère fédérer "tous les coursiers indépendants à travers toute la France" , explique Matthieu Dumas. Il entend lutter pour une "meilleure protection" de ces travailleurs indépendants en obtenant la "requalification de leur contrat commercial" et "obliger les plateformes collaboratives à leur assurer une protection sociale" , inexistante à ce jour. UN "MODÈLE ÉCONOMIQUE CAPITALISANT SUR LA MISÈRE" "Ces start-up nous vendent le statut d'auto-entrepreneur comme le Saint Graal sans jamais nous parler des inconvénients" , dit Matthieu Dumas. Il dénonce un "modèle économique capitalisant sur la misère" , qui permet à des étudiants, jeunes professionnels sans emploi ou chômeurs en fin de droit de trouver facilement une activité rémunérée, mais reposant sur des tâches accomplies par des personnes à leur compte, flexibles et pour lesquelles il n'y a aucune charge sociale à acquitter. L'idée du collectif lui est venue, explique Matthieu Dumas, après un email de Take Eat Easy "en janvier, nous annonçant que les bonus pour les week-ends travaillés et les tarifs minimum garantis par créneau horaire étaient supprimés, sans aucune explication. Ca faisait passer mes revenus mensuels de 1.800 à 1.200 euros" . Edité le 13-08-2017 à 22:57:10 par Xuan |