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Xuan
En guise d'illustration à ce sujet déjà un peu ancien, un article du Diplo qui explique clairement la révolte des producteurs de lait, leur oppression et leur exploitation, leurs illusions, ainsi que la trahison de la FNSEA :


Entre trayeuses laser et revenus de misère

La course infernale des producteurs de lait

Chaque jour, un agriculteur se donne la mort, ce qui fait de cette catégorie socioprofessionnelle la première victime du fléau des suicides en France. Contraints à une course effrénée à la production afin de compenser des prix d’achat misérables, les producteurs de lait se rêvent en « entrepreneurs », mais vivent comme les esclaves des grands groupes pour lesquels ils travaillent.


par Maëlle Mariette

Dans un gigantesque bâtiment de cinq mille mètres carrés, des centaines de vaches qui ne fouleront jamais l’herbe déambulent sous de grands ventilateurs-brumisateurs qui tournent silencieusement. À intervalles réguliers, de petits wagonnets parcourent le corps de ferme sur leurs rails, circulant d’un silo de stockage à l’autre, mélangeant les aliments et distribuant les rations. Dans l’étable, rebaptisée « stabulation », les vaches vont et viennent autour de quatre imposantes machines rouges. Ce sont des robots de traite. Attirées par une ration de granulés, elles viennent s’y placer à tout moment du jour et de la nuit, laissant les portes se refermer le long de leurs flancs. Le processus est entièrement automatisé : le robot commence par identifier la vache grâce à son collier électronique, puis il détecte l’emplacement de ses pis au moyen d’une caméra intégrée. Débarrassés de leurs saletés par un rouleau nettoyeur, ceux-ci sont ensuite scannés par un laser 3D rouge qui détermine la localisation des mamelles au millimètre près. La machine y place alors ses gobelets trayeurs : la traite peut commencer.

En ce mois de septembre 2020, une journée portes ouvertes est organisée à l’exploitation agricole des Moulins de Kerollet, à Arzal, dans le Morbihan. M. Erwan Garrec, éleveur laitier d’une quarantaine d’années, a fait une heure de route pour assister à cette démonstration du dernier robot de traite de la marque Lely, qui domine le marché. Investir dans un tel système, « c’est s’offrir les services d’un “employé modèle”, capable de traire vos vaches vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pendant de nombreuses années » , vante la brochure du groupe. « Ça vous dégage du temps et vous libère des contraintes liées à la traite » , commente un vendeur du stand, avant de préciser : « À la moindre anomalie ou panne, vous recevez une alerte sur votre smartphone. » Grâce à son système de traite en continu, ce robot « permet d’augmenter facilement votre production de 10 à 15 % » .

M. Garrec n’a pas de smartphone, mais il rêve de la liberté qu’offrirait pareille technologie, lui qui s’occupe seul d’une grosse centaine de vaches laitières et travaille sans relâche plus de quinze heures par jour, trois cent soixante-cinq jours par an. Mais la liberté a un prix : s’offrir les services d’un de ces « employés modèles » impliquerait de débourser 150 000 euros, sans compter les 12 000 euros annuels de maintenance et les travaux d’aménagement à effectuer dans le bâtiment. Il faudrait de plus en changer tous les dix ans. Et, comme l’automate sature à partir d’une soixantaine de vaches, son exploitation en exigerait deux. Le vendeur le rassure : « Pour l’emprunt, on peut s’arranger. Le Crédit agricole encourage ses clients à se moderniser. Nous, on les connaît bien. »

Des emprunts, M. Garrec en a déjà contracté plusieurs. Pour son bâtiment, d’abord. Comme il a dû doubler le nombre de ses vaches afin de garantir la survie de son exploitation, il a fallu agrandir la ferme familiale, qui ne suffisait plus : une salle de traite plus vaste, un second silo pour stocker davantage de maïs. Et, comme il fallait plus de maïs, il a fallu doubler le nombre d’hectares destinés à en produire, et donc acquérir de nouveaux tracteurs. M. Garrec produit aujourd’hui un million de litres de lait par an, soit trois fois plus que la moyenne des éleveurs laitiers français.

« On prend des risques, on investit »
Une telle performance implique une course quotidienne contre la montre. Chaque matin, M. Garrec franchit en courant la centaine de mètres de pâturages qui séparent sa maison — construite sur l’une des parcelles de son exploitation — du bâtiment où se trouvent les vaches. Vêtu d’un bleu de travail, un seau à la main, il court encore, cette fois d’un bout à l’autre de sa stabulation de deux mille mètres carrés où flotte l’odeur nauséabonde du maïs ensilage (1). Ses gestes sont répétitifs et ajustés au centimètre près, pour économiser de précieuses secondes. Ce matin, il jette un coup d’œil rapide à sa montre et lance : « Ça va, on est dans les clous ! »

« Grâce à cette alimentation, les vaches sont plus performantes » , nous explique-t-il. Et puis, les faire pâturer s’avérerait chronophage, car elles sont nombreuses. Mais ce régime alimentaire coûte cher. Le maïs, qui vient de ses champs alentour, constitue son « plus gros poste de dépenses » : il nécessite des semences, des intrants, de l’irrigation et du travail agricole — externalisé par manque de temps.

Le maïs ensilage étant dépourvu de protéines, les rations distribuées aux vaches s’accompagnent de granulés de soja génétiquement modifié venu d’Amérique latine, ainsi que de minéraux et d’oligo-éléments en poudre. Les vaches de M. Garrec sont des prim’Holstein, une race réputée pour être la plus productive du monde. « Le problème, c’est qu’elles sont fragiles. Il y a donc des frais de vétérinaire importants. » L’éleveur a cependant pu améliorer la productivité de son cheptel en recourant aux services de la coopérative d’insémination et de génétique animale Évolution. Son catalogue de plus d’une centaine de taureaux permet d’améliorer les performances des vaches, en adaptant par exemple leur morphologie (taille et hauteur de la mamelle, notamment) aux caractéristiques de la trayeuse. Cela n’empêche pas que 30 % du troupeau parte à l’abattoir chaque année en raison de mamelles non standards et de pis inadaptés. La proportion monterait à 50 % avec le calibrage du robot Lely Astronaut.

« On a un travail répétitif comme celui d’un ouvrier. Mais nous, on est notre propre patron. On prend des risques, on investit, on fait vivre et travailler plein de gens » , développe M. Garrec en branchant inlassablement ses vaches aux trayeuses. À vrai dire, c’est d’abord Lactalis, numéro un mondial des produits laitiers et treizième groupe agroalimentaire de la planète, que notre agriculteur fait vivre. « Là, je suis en train de produire le lait du mois de septembre, mais je ne sais pas encore à quel prix je le vendrai. » Car, dans la filière, c’est le client (ici Lactalis, mais il en va de même avec ses concurrents) qui fixe le prix et qui facture le produit, envoyant tous les mois au producteur sa « paye de lait » . Le contrat qui lie les deux parties ne fixe pas le prix, mais le nombre de litres qui doivent être produits.

Il est 1 heure du matin lorsque la course folle de M. Garrec prend fin. Après la traite du soir, il éteint la lumière du bâtiment et parcourt les pâturages en sens inverse, dans la nuit noire, guidé par la lumière de son téléphone, deux bouteilles de lait encore chaud à la main. Fourbu, il avale, avant de se coucher, un Nesquik dans lequel il a jeté de la semoule : « Ça prend cinq minutes. » Dans quelques heures, tout recommence.

Comme la plupart des éleveurs de la région, et à l’instar des ouvriers à la chaîne, M. Garrec ne sait pas ce que va devenir le fruit de son labeur : « De la mozzarella ou de la poudre de lait, peut-être ? » Et il s’agit de ne pas émettre de réserves à propos des produits finaux, ni, surtout, de protester contre l’entreprise, même lorsqu’elle impose aux éleveurs des conditions difficilement compatibles avec leur survie. Comme l’explique M. Bernard Le Bihan, éleveur laitier proche de la retraite, le contrat qui lie les producteurs à Lactalis contient « une clause qui interdit l’atteinte à l’image de l’entreprise ou de ses produits » . Nul ne peut se permettre de rompre avec l’entreprise qui, chaque année, en France, transforme plus de cinq milliards de litres de lait (de vache, essentiellement, mais aussi de brebis) en produits qui inondent les rayons des supermarchés : camembert Président, roquefort Société, lait Lactel, petits pots La Laitière, mozzarella Galbani, imitation de feta Salakis, etc.

M. Garrec loue les succès commerciaux de Lactalis : « Ils font de la plus-value et leurs produits sont recherchés. Ils innovent, ils vont de l’avant, ils ne cessent de se développer. Ils ont encore racheté plusieurs laiteries cette année. » Les techniciens de la société qui passent régulièrement à sa ferme tiennent le même discours. Il s’agit pour eux de « garder un œil sur les producteurs, sur leur manière de travailler, pour voir s’il y a un problème. Par exemple, si l’étable est très sale, on dit de nettoyer un peu, parce qu’on a une image à tenir en tant que leader mondial » , nous explique M. Nicolas Huet, technicien Lactalis. Il s’agit aussi de régler des problèmes de qualité du lait, le plus souvent en conseillant aux producteurs « de faire appel à un contrôleur laitier pour les aider » , sous peine de voir le géant mondial « arrêter de ramasser leur lait » . La prestation de base de ce service est facturée environ 12 000 euros par an par les entreprises de conseil en élevage.

Ces dernières ne sont pas les seuls prestataires de services qui gravitent en permanence autour des éleveurs. « Quand on va chez les agriculteurs, on doit aussi vendre des produits : un bac à eau pour faire boire les vaches, des produits pour l’hygiène de la mamelle, des conservateurs pour l’ensilage…, nous explique M. Huet. Ce qui est un peu délicat, c’est qu’on achète le lait au producteur et qu’on ne paie pas très bien. Alors, après, leur vendre quelque chose… Parfois, ça ne passe pas trop. Je le sais bien, car mes parents sont éleveurs laitiers ; parfois, ça me met mal à l’aise. Mais, pour être bien vu de Lactalis, il faut vendre… L’avantage, c’est qu’on a tous les résultats des producteurs, donc on sait où sont leurs faiblesses. Pour la vente, c’est un outil précieux : on connaît les points qu’ils doivent améliorer. »

Au fil des visites, la relation commerciale en enfante souvent une autre, plus intime : « On est les personnes qu’ils voient le plus, et nos échanges tombent parfois dans le registre du social ou de la psychologie. Il m’est arrivé de rentrer dans une étable et de voir les gens en train de pleurer. » Et si, tel M. Garrec, les agriculteurs sont conscients du fait qu’il s’agit avant tout de leur « refourguer le plus de trucs possible » dans un « défilé permanent de charlatans dont chacun vient avec ses nouveaux produits tous plus révolutionnaires les uns que les autres » , Lactalis parvient à se démarquer grâce à un atout de taille : non seulement l’entreprise « vend de tout » là où d’autres sociétés d’agro-fournitures sont plus spécialisées, mais elle « vend même aux agriculteurs les plus endettés, car elle prélève ce qui est dû directement sur la paye de lait ; elle est donc sûre d’être payée, contrairement aux autres marchands de fournitures, qui peuvent refuser de vendre » . Comme beaucoup d’agriculteurs se retrouvent ainsi endettés auprès de leur groupe agro-industriel, « ils ne peuvent pas aller ailleurs ». « C’est la base du système » , explique M. Patrick Danzé, professeur de gestion à la retraite dans un lycée agricole de la région.

Un quart des agriculteurs sous le seuil de pauvreté
Mais les éleveurs sont surtout endettés auprès des banques. Celles-ci ont en effet ouvert tout grand les vannes du crédit, soutenant les investissements que les agriculteurs sont de toutes parts poussés à faire. Les concessionnaires de matériel agricole ne vendent pas tant des machines que les plans de défiscalisation par l’investissement vantés par des conseillers de centres de gestion. « Ils m’ont dit : “Il faut investir pour que ton exploitation ne perde pas de la valeur et pour payer moins de charges et moins d’impôts” » , nous raconte un agriculteur. Les investissements effectués étant comptabilisés comme des charges d’exploitation, ils diminuent le résultat, et donc le montant de l’imposition. Le problème, explique M. Danzé, « c’est que votre trésorerie plonge dans le rouge, et que les agios s’accumulent. En bout de course, vous finissez par travailler pour les banques » . Il poursuit : « Ici, en Bretagne, le taux moyen d’endettement bancaire et auprès des fournisseurs est d’environ 70 % de l’actif pour les exploitations laitières. À ces taux-là, on est très vulnérable. À la première crise sanitaire, climatique ou économique, tout bascule. »

Selon M. Ronan Mahé, lui aussi éleveur, cette fragilité trouve également son principe dans le fait que, « depuis trente ans, le prix du lait n’a pas changé, et a même baissé ; pendant ce temps-là, tout a augmenté : aliments, matériel, charges, cotisations, mises aux normes, etc. » . Plus du quart des paysans vivent ainsi sous le seuil de pauvreté, avec des revenus souvent inférieurs au revenu de solidarité active (RSA). Ils sont la catégorie socioprofessionnelle la plus touchée par la misère. En 2017, près de 20 % d’entre eux ont déclaré un revenu nul, voire un déficit de leur exploitation (2).

Le patron de M. Mahé se nomme Emmanuel Besnier. Il préside le groupe Lactalis, créé par son grand-père. En juin 2020, à Saint-Faron, dans l’une des plus petites laiteries du groupe, où sont « moulés à la louche et selon les recettes historiques » les bries de Meaux et de Melun, il annonçait que Lactalis avait atteint 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, « avec un an d’avance sur ses objectifs » . Au cours de cette année « historique » , le groupe a connu sa plus forte croissance, avec notamment neuf acquisitions. La fortune de M. Besnier a suivi la même progression, le hissant à la neuvième place du classement Challenges des personnes les plus riches de France (il est depuis redescendu à la onzième place). Lors d’une conférence de presse, il a également annoncé que le prix du lait allait encore baisser, « pour affronter les difficultés qui s’annoncent dans le secteur laitier » en raison de la pandémie de Covid-19 (3). « Il y a une course à la baisse entre les industriels, explique M. Le Bihan. Ils tirent les prix vers le bas pour dégager de la marge et rester concurrentiels. Lactalis, Sodiaal [première coopérative (4) laitière française] et les autres tiennent tous le même discours. »

Il n’y a pas si longtemps encore, les prix étaient encadrés par le système des quotas laitiers, mis en place en 1984 dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). En attribuant à chaque exploitation un quota de production (au-delà duquel des pénalités financières s’appliquaient), ce système européen garantissait aux agriculteurs des prix relativement élevés grâce à la maîtrise des volumes produits. Il s’agissait de juguler les excédents engendrés par une politique productiviste dont le but initial était l’autosuffisance alimentaire de l’Europe après la seconde guerre mondiale. En 2015, arguant de la lourdeur et du coût de cette régulation des marchés agricoles, Bruxelles décida d’y mettre un terme, dans la continuité d’une logique de désengagement progressif de la puissance publique.

Les agriculteurs ont alors été confrontés à une nouvelle donne : des marchés qui ne sont plus protégés et des prix instables, soumis au bon vouloir de laiteries de moins en moins nombreuses. Parmi les vingt leaders mondiaux du secteur, cinq sont français (Lactalis, Danone, Savencia, Bel et Sodiaal), ce qui fait de l’Hexagone le pays le plus représenté dans ce classement. Alors que l’industrie laitière est la première industrie agroalimentaire de France et que le marché du lait y atteint 29 milliards d’euros par an, ces grands groupes dictent leur loi aux 80 000 producteurs français, puisqu’ils assurent l’essentiel de la collecte de leur lait. Le « bas de la chaîne » n’a d’autre choix que d’accepter les conditions des collecteurs de sa région, qu’une main invisible semble harmoniser : « Moi, je suis Sodiaal, et mon voisin Lactalis, mais c’est le même camion qui nous ramasse, s’amuse M. Michel Corlay. Ils s’arrangent entre eux. Ça me fait bien rigoler ; ce n’est pas de la concurrence. Sur les prix aussi, ils sont pareils, au centime près. » Mais gare à celui qui s’aviserait de changer de laiterie : « C’est dangereux, car personne ne te prendra en face ! » Les groupes s’accordent en effet pour s’épargner une coûteuse lutte de captation de producteurs. C’est ainsi que MM. Garrec et Mahé sont « chez Lactalis » comme leurs pères, et que MM. Corlay et Éric Jégo sont « chez Sodiaal » comme les leurs. « Quand tu reprends une ferme, tu reprends ses quotas et sa laiterie » , résume M. Mahé.

Usure physique et mentale
À l’annonce de la fin des quotas laitiers, on a dit aux éleveurs : « C’est une chance, la demande mondiale est en hausse, le marché mondial est à vos pieds ! » , relate M. Corlay, alors aux premières loges. L’emballement qui s’est ensuivi a conduit bon nombre d’entre eux à suivre la même feuille de route : produire plus et mieux s’équiper, dans la perspective de voir s’envoler le prix du lait. Comme beaucoup, M. Mahé et son épouse Sylvie ont effectué d’importants travaux dans leur exploitation. La fin du système des quotas a ainsi entraîné une explosion de la production, qui, couplée aux fluctuations de la demande mondiale, a provoqué une chute des prix.

C’est alors que sont apparues les organisations de producteurs (OP), qui réunissent des éleveurs livrant à un même industriel. Elles se chargent de négocier les contrats pour eux. Responsable d’une des vingt OP négociant avec Lactalis, M. Le Bihan nous raconte : « Négocier avec une multinationale, ça ne se fait pas comme ça. Le rapport de forces est déséquilibré. » Tous les deux mois, il quitte la ferme familiale, où il élève cent cinquante vaches laitières avec ses deux associés, pour aller négocier avec les « grands directeurs » de Lactalis, rodés à l’exercice. « C’est un métier, négocier : il faut sentir les points de rupture, les limites à ne pas dépasser, les coups fourrés. Certains d’entre nous sont allés suivre des formations à Paris. En dix ans, on a beaucoup appris, et on a avancé sur quelques petits points annexes. Mais sur le prix du lait, rien… »

Le combat des éleveurs, explique M. Le Bihan, c’est de « faire entrer les coûts de production dans le calcul du prix du lait. Car nos charges augmentent constamment. Pendant quelques années, on a pu un peu compenser la chose par les volumes ou par l’automatisation, mais ça a ses limites. Avec l’automatisation et la technique, le volume de production par personne a augmenté, mais les journées ne font que vingt-quatre heures ; l’usure physique et mentale de courir après le prix, il y a un moment où ça ne tient plus. » Or, poursuit-il, « la laiterie a peur de manquer de lait, et si beaucoup de gens arrêtent par manque de rentabilité, alors… » . Pour neutraliser cette menace, il suffisait d’amener les exploitations, dont le nombre ne cesse de diminuer, à accroître leur production. M. Fabien Choiseau, directeur de l’approvisionnement en lait de Lactalis, chargé des négociations avec les producteurs, nous explique les choses en ces termes : « Comme il y a une restructuration constante des exploitations avec des producteurs qui arrêtent, notre but est d’accompagner cette restructuration et de proposer aux éleveurs les transferts de volumes nécessaires pour garantir l’approvisionnement de Lactalis. Nous les accompagnons dans leurs projets de développement. Nous sommes là pour les producteurs. » M. Garrec analyse les choses autrement : « Ils n’augmentent jamais le prix du lait, mais, pour faire plaisir et pour que les gens ne disent rien, ils donnent des volumes supplémentaires. Et puis, chaque année, on doit produire un peu plus pour gagner la même chose, car les charges augmentent. On a toujours besoin de volumes en plus, et ils le savent. »

« À un moment, il faut arrêter de se plaindre »
Quant aux OP, M. Garrec note qu’il vaut mieux s’en remettre à elles qu’aux syndicats pour défendre leurs intérêts : « Je ne milite pas trop, car sinon on est mal vu, et parfois même pénalisé. » « Quand on négocie, on ne manifeste pas, résume M. Le Bihan. Depuis qu’il y a les OP, il y a beaucoup moins de manifs. » Lactalis apprécie, qui n’hésite pas à « créer des dissensions » entre les OP avec lesquelles il traite « en donnant une fois à l’un, une fois à l’autre » .

Et si les éleveurs n’ont rien obtenu concernant l’augmentation du prix du lait, peut-être est-ce aussi en partie parce que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), majoritaire, n’y trouve rien à redire : « Moi, je dis qu’il faut arrêter de fantasmer sur un prix du lait à 400 euros les mille litres. On est dans une économie mondiale et il y a des réalités de marché » , assène M. Bruno Calle, cadre de la FNSEA et chef d’exploitation des Moulins de Kerollet.

« L’autre problème » , pour M. Calle, c’est que « la notion de chef d’entreprise n’est pas dans l’ADN de tout le monde ; à un moment, il faut prendre un peu de hauteur, écouter les conseils du comptable ou du banquier, et arrêter de se plaindre. Quand mon comptable me raconte que parfois, lorsqu’il fait la remise des résultats de l’année, l’agriculteur s’endort ou lui dit : “Tu as une heure, montre en main, car après j’ai du travail”, ça ne va pas » . Il faut aussi, développe-t-il, « se poser les bonnes questions, se demander : “Comment est-ce que je peux diversifier mon activité ?” Plutôt que de subir, agir. Dans notre métier, il faut être décideur. À cœur vaillant rien d’impossible ! » .

À la mi-septembre 2020, au moment même où M. Besnier savourait la réussite de Lactalis, « exemple presque parfait des succès du capitalisme familial à la française » , lors de « son anniversaire, avec sa femme et ses trois enfants, en vacances à l’île de Ré (5) » , M. Garrec nous confiait, assis à la table de son salon aux murs nus, face à la fenêtre par laquelle il voit passer ses vaches, qu’il rêvait de « fonder une famille ». Avant d’ajouter avec un soupçon d’angoisse dans la voix que, célibataire à 43 ans, il avait intérêt à ne plus traîner. Mais encore faudrait-il qu’il puisse « consacrer du temps » à sa famille, ce qui signifierait « soit prendre un employé, soit prendre un robot » — comme le Lely Astronaut dont il observait attentivement la démonstration quelques jours plus tôt. Or, dans les deux cas, cela impliquerait « de produire plus, pour compenser le coût » . Et donc de poursuivre sa course infernale contre le temps.

Maëlle Mariette

Journaliste.

(1) Maïs transformé afin de pouvoir être conservé.

(2) « Les revenus d’activité des non-salariés en 2017 » (PDF), Insee Première, n° 1781, Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Paris, 7 novembre 2019.

(3) Marie-Josée Cougard, « Le géant du lait Lactalis touche la barre des 20 milliards d’euros », Les Échos, Paris, 4 juin 2020.

(4) Lire Patrick Herman, « Pratiques criminelles dans l’agroalimentaire », Le Monde diplomatique, septembre 2017.

(5) Charles Jaigu, « Le triomphe modeste d’Emmanuel Besnier », Le Figaro Magazine, Paris, 31 juillet 2020.
Xuan
Quelques infos complémentaires sur ce dossier d'octobre 2017, qui éclaire les contradictions entre l'industrie agroalimentaire et la grande distribution :

Une partie des industriels du beurre ne livrent plus les enseignes, en raison de la flambée des prix, ce qui augmente de fait la pénurie.


source

La tendance est de plus en plus visible dans les supermarchés : le beurre manque dans les rayons. Pour expliquer cette pénurie, il y a bien sûr la baisse de production de lait et la hausse de la demande mondiale, en Chine et aux États-Unis. Mais il y a également une autre raison : un blocage entre les industriels et les grandes surfaces.

En ce moment, un bras de fer est en cours au sujet du prix, car le cours du beurre a explosé. De manière assez logique, les industriels veulent profiter de cette hausse et demandent donc des augmentations de prix des barquettes de beurre en grande surface. Pas question, répond la grande distribution. Conséquence : les industriels ne veulent pas livrer ces enseignes.

Différence entre les grandes marques et les autres. On pourra objecter que l'on trouve malgré tout des grandes marques dans les rayonnages. C'est tout à fait logique : ils n'ont pas le choix. Les marques comme Président, Elle et Vire ou encore St Hubert sont sous contrat pour un an et sont obligés de vendre au prix du contrat, même si les coûts ont augmenté depuis.
En revanche, les marques de distributeurs (les "MDD" ) telles que les marques repères et autres petits prix ont des contrats de 6 mois, de 3 mois, voire moins. Ces industriels peuvent donc logiquement décider de ne plus livrer la grande surface si elle refuse de payer plus.

>> LIRE AUSSI - Pourquoi les rayons de beurre sont-ils de plus en plus vides dans les supermarchés ?

"Marché intérieur moins rémunérateur". "Ces contrats ne sont pas renouvelés pour l'instant et c'est pour ça que les distributeurs ne sont plus achalandés(*). On n'approvisionne pas le marché intérieur car il est moins rémunérateur que le marché mondial. C'est un choix d'industriels" , résume André Bonnard, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait. Pour être pleinement rémunérateur, estiment les professionnels, il faudrait que les grandes surfaces augmentent de 5 à 10% les prix des barquettes de beurre en grande surface.

Le beurre, 10% du lait français. Côté producteurs de lait, cette pénurie de beurre n'est pas non plus une manne financière exceptionnelle. Pour une raison très simple : moins de 10% du lait en France sert à faire du beurre. Ils en profitent donc un petit peu sur cette partie-là, mais sur les 90% restants, les prix restent extrêmement bas. Il faut bien comprendre que ce n’est pas le lait qui est recherché, mais bien le produit fini, en l’occurrence ici le beurre.

Des prix qui vont rester élevés. Pour faire revenir les marques des distributeurs dans les rayons, tout va dépendre de la volonté des grandes surfaces. Vont-elles remonter leur prix d’achat ? Selon les professionnels de la filière, le problème peut être réglé du jour au lendemain. Certains ont bon espoir, car le beurre est d'après eux l’un des produit essentiels d’une supermarché. Ce qui est sûr, c’est que les prix vont rester élevés, parce que les stocks resteront toujours très faibles et la demande très importante.

(*) il voulait dire moins approvisionnés

___________________


Voir aussi :
http://www.ladepeche.fr/article/2017/10/24/2671561-prix-du-beurre-les-dessous-de-la-hausse.html
http://www.lamontagne.fr/paris/economie/commerce-artisanat/2017/09/24/hausse-du-prix-du-beurre-de-170-pour-les-boulangers-tout-comprendre-en-5-points_12562932.html

___________________


Cotation du lait (http://www.web-agri.fr/observatoire_marches/lait.html):

2016 – 1 299 € /1000 litres
2016 – 2 283 € /1000 litres
2016 – 3 307 € /1000 litres
2016 – 4 322 € /1000 litres
2017 – 1 330 € /1000 litres
2017 – 2 332 € /1000 litres
2017 – 3 337 € /1000 litres
2017 – 4 355 € /1000 litres

Au 19 décembre 364,2
Xuan
Pénurie de beurre : les producteurs laitiers dénoncent la responsabilité des grandes surfaces



Dans de nombreuses grandes surfaces, de plus en plus de consommateurs ont du mal à trouver du beurre. Or pour les éleveurs laitiers, il ne faut pas parler de pénurie. Depuis hier, jeudi 26 octobre, ils multiplient les actions coup de poing pour dénoncer la responsabilité des distributeurs.



Mis à jour le 27/10/2017 | 22:45
publié le 27/10/2017 | 22:45

Voir le vidéo sur le site france tvinfo


Les éleveurs laitiers ont envahi les rayons de ce supermarché de Pordic (Côtes-d'Armor). Les producteurs sont venus interpeller les consommateurs pour expliquer la pénurie de beurre. "Aujourd'hui, on dit aux consommateurs qu'il y a une pénurie de beurre parce qu'il y a une pénurie de matières premières, Or il y a toujours du lait en France. La pénurie est orchestrée par les grandes surfaces" , dénonce Nathalie Carmès, agricultrice.

De nouvelles actions déjà prévues par les syndicats

Depuis le début de l'année, les prix du beurre explosent sur les marchés, dopés par une forte consommation à l'étranger. Mais en France, les distributeurs refusent de répercuter ces hausses auprès des consommateurs.
Résultat, les supermarchés ne sont plus livrés, le beurre se fait rare et les rayons sont pris d'assaut. Les producteurs de lait refusent de porter la responsabilité. Les syndicats prévoient déjà de nouvelles actions.
Xuan
La ruine des producteurs de lait continue, les monopoles comme Lactalis (et non plus Bruxelles) sont clairement désignés comme l'ennemi des producteurs. Des contradictions sont aussi apparues avec des syndicats agricoles dirigés par des cumulards.

________________


Pourquoi les producteurs de lait sont-ils en guerre contre Lactalis ?


Boursorama avec AFP le 22/08/2016 à 08:50, mis à jour à 09:027

Les producteurs de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire se sont donné rendez-vous lundi soir à Laval, devant le siège du numéro un mondial des produits laitiers. Ils veulent manifester contre le groupe qui rémunère le moins bien ses producteurs.


Action des agriculteurs contre les produits Lactalis dans un supermarché du Mans le 29 juillet 2016 (Illustration) ( AFP / JEAN-FRANCOIS MONIER )

Chez les producteurs de lait, la colère gronde. "On est dans une situation dramatique" , résume auprès de l'AFP Pascal Clément, président de la section laitière de la FRSEA/Ouest. "Et elle continue de se dégrader" , alors que "les groupes laitiers ont fait des résultats en très forte hausse l'an dernier". "Sur le dos des producteurs" . Cible de cette gronde : Lactalis.

Le numéro un mondial du secteur, connu pour ses marques comme Lactel, Bridel ou Président, est considéré comme "le plus mauvais payeur" parmi les industriels laitiers. Le géant familial dirigé par Emmanuel Besnier propose 257 euros pour 1.000 litres de lait. Les concurrents comme Bongrain, Danone ou des PME proposent de 10 à 30 euros de plus.

Or, selon le président de la FDSEA de Mayenne, Philippe Jéhan, il faudrait que le prix du lait atteigne 386 euros les 1.000 litres pour qu'un producteur puisse s'accorder un salaire d'un SMIC et demi.

"FAIRE PLIER LACTALIS"

Cette colère va prendre la forme dès ce lundi soir 22 août d'un siège du rond-point d'accès au siège de Lactalis de Laval, en Mayenne. Les producteurs de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire se sont donné rendez-vous pour cette manifestation interrégionale, une initiative des Fédérations départementales des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA, syndicat majoritaire) et des Jeunes agriculteurs (JA). L'objectif : faire plier Lactalis". "Il faut que les négociations reprennent" avec le groupe, pour arriver à "un juste prix", disent les responsables syndicaux.

Les producteurs de lait lanceront l'assaut dès 21h et tiendront le siège toutes les nuits et se relayeront chaque jour afin "de tenir dans la durée" , selon Franck Guéhennec, de la FDSEA du Morbihan. Ainsi, pour relever les agriculteurs de Mayenne, les fédérations du Morbihan et du Maine-et-Loire assureront la garde mardi de 9h à 21h, tandis que celles du Finistère, des Côtes-d'Armor, l'Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique prendront celle de mercredi rapporte France Bleu. La Sarthe et la Vendée s'occuperont de celle de jeudi.

UNE CRISE DE SURPRODUCTION

"Il n'y a qu'en France où le syndicalisme agricole refuse la réalité du marché et s'en prend à une entreprise en particulier, avec un discours irresponsable que le groupe Lactalis a dénoncé et condamne fermement", dénonçait jeudi Lactalis face à cette contestation annoncée.

Le groupe laitier rappelait que cette crise est "avant tout une crise de surproduction". Depuis deux ans, la situation en Europe s'est en effet dégradée avec la fin des quotas laitiers au 1er avril 2015, le coup de frein aux importations chinoises et l'embargo russe, décidé à la mi-2014. Comme la demande interne n'a pas augmenté, cela a créé une situation de surproduction.

LACTALIS " TRÈS AFFECTÉ PAR DES PRIX CONCURRENTIELS "

Sur France Info ce lundi matin, Michel Nalet, porte-parole du groupe laitier expliquait que ce "prix est un prix qui a été décidé uniquement sur cette période estivale". "Le prix du lait ne s'apprécie pas sur deux mois mais sur une année et rien ne dit que ce prix va rester sur ce niveau-là", assurait-il.

Au micro de la station publique, il a assuré que les conséquences de la baisse du prix du lait sur les producteurs n'était pas sous-estimées. "Mais aujourd'hui, nous avons aussi à faire face à une crise de surproduction, un environnement économique très concurrentiel. Cette réalité du marché, nous ne pouvons pas nous en exonérer avec des concurrents européens qui paient le prix du lait de manière bien inférieure à celui que nous payons en France" , a-t-il également dit.

Alors que Lactalis fait partie des industriels qui achètent au plus bas, M. Nalet s'est justifié : "Notre groupe a proportionnellement beaucoup plus d'excédents à traiter. Ils sont commercialisés sur des bases de prix du lait autour de 220 euros les 1.000 litres, alors que nous sommes sur des prix d'achat aux producteurs à 260. Pratiquement 50% de nos volumes sont soumis à cette concurrence européenne internationale. Notre groupe est très affecté par des prix concurrentiels."


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Dans l'Humanité :

Le jeu dangereux de Lactalis contre les producteurs de lait


GÉRARD LE PUILL
DIMANCHE, 21 AOÛT, 2016
HUMANITE.FR


AFP

En deux ans, le premier groupe industriel laitier français a fait baisser de prix du lait qu’il paie aux producteurs de 10 centimes par litre. Des manifestations de producteurs sont prévues dès lundi auprès des laiteries du groupe pour obtenir une hausse alors que la firme envisage une nouvelle baisse de la rémunération des éleveurs laitiers.

Des manifestations de producteurs de lait sont prévues à partir de lundi devant le siège de Lactalis à Laval en Mayenne. Lactalis est le plus grand groupe privé de l’industrie du lait. C’est même le second industriel laitier au niveau mondial derrière Nestlé avec 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Propriété de la famille Besnier , il collecte le lait de 20% des producteurs en France et est connu des consommateurs via les marques Président pour certains fromages et autres plaquettes de beurre , pour le Roquefort Société , pour les briques de lait et autres produits frais vendus sous la marque Lactel dans nos grandes surfaces. En juillet 2014 Lactalis versait à ses fournisseurs un prix moyen de 363€ pour 1.000 litres de lait collectés à la ferme. En juillet 2016, Lactalis ne verse plus que 257€ pour la même quantité de lait, soit une baisse d’environ 30% sur chaque litre de lait. C’est 15€ de moins que les autres grands groupes coopératifs ou privés et même 40 à 45€ de moins que certaines PME qui ont une bonne valorisation du lait. Au prix que paie Lactalis, rares sont les producteurs de lait à ne pas perdre de l’argent chaque jour. On estime en effet que le prix de revient moyen du litre de lait est de 34 centimes, en France comme en Allemagne. Or Lactalis va, selon certaines sources, encore baisser le prix du lait à 250€ les 1.000 litres. D’où la colère des producteurs notamment dans les régions Bretagne et Pays de la Loire.

Ruineuse pour les producteurs, cette baisse du prix du lait est la conséquence directe d’une politique de dérégulation. Durant la présidence de Nicolas Sarkozy en France, avec Bruno Le Maire au ministère de l’Agriculture, les pays membres de l’Union européenne, ont accepté, sur proposition de la Commission, de mettre fin aux quotas laitiers à partir d’avril 2015. En place depuis 1984, les quotas laitiers autorisaient un volume annuel de lait à ne pas dépasser dans chaque pays membre de l’Union. Cette régulation permettait de faire de sorte que l’offre laitière européenne dépassait rarement la demande globale de produits transformés, la concurrence entre pays et entreprises étant néanmoins ouverte au sein de l’Union. Il en résultait un prix du lait plutôt stable et convenablement rémunérateur pour les paysans dans toute l’Union.
Avant même la sortie des quotas, les laiteries de pays comme l’Allemagne, l’Irlande, la Pologne, les Pays Bas et quelques autres ont poussé leurs livreurs à augmenter la production afin de prendre des parts de marché au sein de l’Union comme dans des pays tiers tels que la Chine et la Russie. Mais la Chine a réduit ses achats et la Russie a répliqué aux sanctions économiques européennes à propos de l’Ukraine en mettant l’embargo sur les exportations de produits agricoles européens dont le beurre et les fromages. Entre 2014 et 2016, la production laitière européenne a augmenté d’environ 4%. Comme pour l’extraction du pétrole, cette offre légèrement supérieure à la demande s’est traduite par une baisse du prix du lait de 20 à 30% selon les laiteries dans la plupart des pays de l’Union européenne. Autant dire que l’immense majorité des producteurs européens est aujourd’hui en difficulté. Car le prix du lait est fixé de façon unilatérale par les transformateurs, les producteurs ayant le choix entre vendre à ce prix où ne pas trouver preneur pour le produit de la traite des vaches deux fois par jour.

Il faut avoir ces éléments en tête pour analyser le communiqué de Lactalis du 18 août qui dénonce le « discours irresponsable » de la FNSEA et de sa Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) affirmant qu’ « il n’y a qu’en France que le syndicalisme agricole refuse la réalité du marché et s’en prend à une entreprise en particulier, avec un discours irresponsable que le groupe Lactalis a dénoncé et condamne fermement » . Dans son communiqué, le premier groupe laitier français concède que cette crise est « avant tout une crise de surproduction » et ajoute qu’elle paie le lait un prix « supérieur à ceux de tous les grands concurrents européens » avant de fustiger « les déclarations irresponsables de la FNSEA et de la FNPL» .

Il est vrai que le président de la FNSEA s’est adressé à Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis dans un courrier en date du 4 août dernier. Dans cette lettre au contenu très modéré, Xavier Beulin écrit que « la FNSEA et la FNPL, sa branche laitière, en tant qu’organisations responsables, ont toujours porté la voix des producteurs laitiers en étant force de proposition (…) C’est ainsi que la FNPL a porté sa charte laitière des valeurs. Tous les distributeurs ont montré leur bonne volonté en la signant et en respectant leur engagement. Mais votre groupe a soigneusement évité d’apparaître comme signataire de cette charte. Peut-être parce que cette initiative émanait du syndicalisme » , poursuit le président de la FNSEA en souhaitant être reçu avec le président de la FNPL par le patron de Lactalis.
Car poursuivait Xavier Beulin « nous devons désormais évoquer les sujets de fond : évidemment, en premier lieu, le niveau de rémunération du prix du lait, mais aussi l’avenir de la filière. Les industriels aussi ont besoin de stabilité et de visibilité. Pas uniquement d’un approvisionnement au plus bas prix possible qui ne saura être durable pour personne »

Tels étaient le propos du président de la FNSEA que le PDG de Lactalis a pris pour un « discours irresponsable » choisissant de répondre à cet appel au dialogue par un communiqué au lieu de recevoir le premier responsable du syndicat majoritaire avec Thierry Roquefeuil , le président de la FNPL.. Dès lors, il ne reste plus que l’appel à la mobilisation contre Lactalis à partir de lundi matin pour tenter de sortir de l’impasse.
Xuan
Après deux ans d'accalmie, les abris de grande surface risquent de voler à nouveau sur les parkings.

Sous le titre Prix du lait : avis de gros temps pour les producteurs , les Echos annoncent la menace de surproduction, à trois mois de la fin des quotas :

"Poussés par une forte demande et des prix très rémunérateurs, tous les pays producteurs de l'Union européenne ont anticipé la fin des quotas, accroissant largement leur production.
Si bien que la collecte de lait en Europe a augmenté de 5,1 % entre le 1er janvier et le 31 octobre.
Les Britanniques viennent en tête de la croissance, avec un bond des volumes de 9,1 %, suivis par la Pologne (+ 7,7 %) et l'Espagne (+ 6,3 %), qui a bénéficié d'une pluviométrie favorable à la persistance des pâturages.
L'Irlande et la France suivent, avec des progressions respectives de 5,9 % et 5,8 %. Au total, sept pays européens ont dépassé leur quota dans de fortes proportions, de 5 % à 6 %."


La fin des quotas se traduira par des amendes dont l'effet accroît encore la surproduction :
« Les éleveurs n'ont pas vraiment le choix. Ils ont des coûts fixes importants et, quand les marges se réduisent, ils augmentent les volumes pour essayer de dégager un revenu malgré tout. »

La surproduction - entraînée aussi par l'embargo contre la Russie - n'est pas limitée à ces quelques pays mais concerne le monde entier, occasionnant des baisses de prix de 50 %.

Encore une fois les contradictions entre producteurs et industrie agro-alimentaire / grande distribution vont devenir explosives. Les conséquences de la recherche du profit maximum et la soumission aux directives de l'OTAN aboutiront ainsi à la ruine de milliers de producteurs.


Edité le 03-01-2015 à 22:53:19 par Xuan


Xuan
Le décès du Président de la FNSEA Lemétayer donne lieu à pas mal de réactions, où les paysans modestes reconnaîtront leurs amis et les autres : http://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/coop-de-france-salue-sa-memoire-205-92049.html
Xuan
Le Foll visé par une manifestation d'agriculteurs dans le Finistère


Source BFMTV


Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a été visé dans la nuit de vendredi à samedi par une action d'agriculteurs, principalement des producteurs de lait, qui ont déversé plusieurs centaines de chariots à proximité de sa maison, à Berrien (Finistère), a-t-on appris auprès du préfet et de la gendarmerie.

Peu avant 3 heures du matin, un cortège de douze tracteurs et remorques s'est dirigé vers la maison de Stéphane Le Foll, à Berrien, dans le centre du Finistère.

A 150 mètres de l'habitation, protégée par les gendarmes, ils ont déversé de la terre et "plusieurs centaines de chariots d'hypermarchés", selon la gendarmerie, qui évoque des manifestants "cagoulés, masqués et qui avaient masqué les plaques d'immatriculation des tracteurs".

Dans la soirée et dans la nuit, les manifestants, "très virulents mais agissant hors des organisations syndicales" , selon Jean-Jacques Brot, préfet du Finistère, ont aussi manifesté dans plusieurs grandes surfaces du département, à Morlaix notamment, déversant des détritus, de la terre, arrachant des chariots ou endommageant les abris où ils sont rangés.

Les manifestants ont dénoncé par des tags -comme "Voleurs"- l'attitude de la grande distribution à l'égard des producteurs de lait en particulier. L'entrée d'un centre Leclerc a été défoncée. Il n'y a pas eu d'interpellation.

Egalement :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-agriculteurs-s-en-prennent-a-la-maison-de-stephane-le-foll_1223975.html



Ce lundi soir, après une journée d’action mouvementée dans les rues de Quimper, les agriculteurs ont vidé leur dernière benne au rond-point du Lududu, avant d’entrer sur la Transbigoudène.

Ce doit être la dernière action de la journée avant un retour plus tranquille vers chacune des exploitations. Les agriculteurs ont bloqué le rond-point du Lududu, ce lundi soir, en signe de protestation face à la hausse des charges. « Aujourd’hui, le coût de revient du lait, c’est 350 €/1000 litres. Le prix de base payé au producteur, c’est 310€/1000 litres. Ce qui représente un déficit de 40 €/1000 litres supportés par qui ? Par nous, les producteurs » , explique un agriculteur de Douarnenez.

Ouest-France





Dans la nuit de vendredi à samedi, entre 11 h 30 et 2 h du matin, une quarantaine de tracteurs et de remorques ont investi les parkings de trois grandes surfaces de l’agglomération morlaisienne, Géant, Leclerc et Intermarché.

Abris bus, lampadaires, chariots, arbres, toit de parking couvert ont fait les frais de la colère d’une centaine d’agriculteurs. Certains manifestants étaient encagoulés.

Les dégâts sont très importants. L’hypermarché Leclerc estime son préjudice entre 300 000 et 400 000 €. Cependant l’accès aux trois commerces n’est pas entravé ce samedi.

Ouest-France


Edité le 23-02-2013 à 20:15:45 par Xuan


Xuan


Manifestation de la Confédération Paysanne lors de l'élection du Président de la Chambre d'Agriculture de l'Ardèche.
Sur les pancartes on lit :

Elections 2013 CA
mode de scrutin injuste
représentativité bafouée


mode de scrutin actuel
Conf Pays 37,2 % - 4 élus
FDSEA Ja 47,7 % - 16 élus
C. R. 15,1 % - 1 élu


En ce moment, les nouveaux élus de la chambre d’agriculture de l’Ardèche votent, à bulletin secret, pour élire le nouveau président de la chambre consulaire. Deux candidats sont en lice : Jean-Luc Flaugère (FDSEA-JA, président sortant) et David Loupiac (Confédération paysanne). Avant de se déclarer candidat, ce dernier a expliqué pourquoi, dans le fond de la salle, quatre paysans étaient bâillonnés. Sur une pancarte relative à l’élection du conseil d’administration 2013, on pouvait lire : « Mode de scrutin = injuste ; Représentativité bafouée ». Ils ont ainsi protesté contre le mode de scrutin actuel des élections professionnelles. Immédiatement, ils ont reçu le soutien de Gibert Besseas, seul élu de la Coordination rurale. [Dauphiné Libéré]
Membre désinscrit
Xuan a écrit :


Le ministre de l’Agriculture et la FNSEA, représentants les gros paysans, les trusts de l’agroalimentaire et de la grande distribution se retrouvent donc au coude à coude face aux agriculteurs acculés à la ruine.
La FNSEA et les JA (Jeunes agriculteurs) ont critiqué à cette occasion "une telle violence qui crée un climat de haine et de rejet" .

Notons par ailleurs que les revendications de ces JA ont été largement reprises par le NPA dans de nombreux départements l'année dernière quand le NPA se la jouait LKP du pauvre
En ce qui concerne le Vaucluse, voici les revendications de l'AG "interpro"/début mars (cad profs, étudiants... et jeunes agriculteurs ):
Nous exigeons :
- L'augmentation de tous les bas salaires
- la diminution des marges de la grande distribution pour une rétribution juste des producteurs
- Baisse des prix de tous les produits de 1ère nécessité
- le soutien à une consommation locale et solidaire
- une répartition équitable des richesses
- la transparence totale du système bancaire mondial
- Abrogation des traités économiques Européens
- la reconnaissance de la légitimité des militants et de leurs revendications

Véridique, j'ai rien enlevé, et rien rajouté...!
Faut dire aussi que les JA ont un peu les mêmes pratiques que le NPA 84 tendance islamiste (les camarades de blaki) qui constitue le gros des forces de la milice BDS pro-Hamas locale, à savoir venir faire les guignols dans les supermarchés...
Xuan
la FNSEA et le ministre dans le même sac :

Tandis que la Confédération Paysanne occupait la maison du lait à Paris pour obtenir la fin de la représentation exclusive de la FNSEA, Bruno Lemaire et Jean-Michel Le Métayer ont étés conspués par 300 agriculteurs excédés au salon de l’élevage à Rennes. Les stands du ministère de l'Agriculture, de la Fnsea, des Jeunes Agriculteurs (JA) et du CNIEL (interprofession laitière) ont été dévastés.



Après avoir tenu une réunion en catimini avec la FNSEA pour lui confirmer l’élimination des petits producteurs contre 300 millions d’euros sur trois ans , Le Maire a dû sortir par une porte dérobée pour éviter les sacs à merde, tandis que son acolyte récoltait la monnaie de sa pièce.

Le ministre de l’Agriculture et la FNSEA, représentants les gros paysans, les trusts de l’agroalimentaire et de la grande distribution se retrouvent donc au coude à coude face aux agriculteurs acculés à la ruine.
La FNSEA et les JA (Jeunes agriculteurs) ont critiqué à cette occasion "une telle violence qui crée un climat de haine et de rejet" .
Comme on les comprends.

De son côté l’éditorialiste de l’Huma Matthieu Alexandre titrait « des éleveurs désemparés » .
On sait que les ouvriers licenciés sont désespérés et que les paysans ruinés sont désemparés, mais qu’ils ne sont jamais en colère.
La colère est mauvaise conseillère et elle est punie par les tribunaux bourgeois, tandis que l’action désespérée autorise la clémence des juges.
On aura bien compris tout le désarroi du camarade Matthieu Alexandre .

A cette occasion, je cite Staline sur le question paysanne :
« On ne peut certes pas qualifier de réponse l'opinion de certains pseudo-marxistes qui considèrent que, dans ces conditions, [lorsqu’il reste des petits et moyens producteurs] il conviendrait de renoncer à la prise du pouvoir et d'attendre que le capitalisme ait pris le temps de ruiner les millions de petits et moyens producteurs, de les transformer en salariés agricoles et de concentrer les moyens de production dans l'agriculture; qu'après cela seulement on pourrait poser la question de la prise du pouvoir par le prolétariat et de la socialisation de tous les moyens de production. On comprend que les marxistes ne peuvent accepter pareille « solution » sans risquer de se déshonorer à fond.
On ne peut pas non plus considérer comme une réponse l'opinion d'autres pseudo-marxistes qui pensent qu'il conviendrait peut-être de prendre le pouvoir, de procéder à l'expropriation des petits et moyens producteurs à la campagne et de socialiser leurs moyens de production. Les marxistes ne peuvent pas non plus s'engager dans cette voie insensée et criminelle qui enlèverait à la révolution prolétarienne toute possibilité de victoire et rejetterait pour longtemps la paysannerie dans le camp des ennemis du prolétariat. »

[Staline : Les problèmes économiques du socialisme en URSS]
 
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