Forum Marxiste-Léniniste
Forum Marxiste-Léniniste
 
Retour au forum
 

Ajouter une réponse

Pseudo :    S'inscrire ?
Mot de passe :    Mot de passe perdu ?
Icône :
                                
                                
Message :
 
 
 
Smilies personnalisés
 
Options :
Notification par email en cas de réponse
Désactiver les smilies
Activer votre signature
 
 
Dernières réponses
Finimore
Ce livre est très intéressant, facile à lire, et donne beaucoup d'infos sur certains débats internes au mouvement communiste de l'URSS dans la période Gorbatchev. Il donne également beaucoup d'infos concernant le rôle de la seconde économie et de son rôle dans la chute de l'URSS.
Le rôle et une certaine filiation entre certaines idées de Boukharine, Krouchtchev et Gorbatchev est effectivement bien repérés.
La lutte contre les idées révisionnistes est également expliquée (voir par exemple le rôle de la lettre de Nina Andreeva) mais il n'y a aucune mention en terme de révisionnisme moderne et les seules références dans le livre à la lutte du PCC et la rupture avec Krouchtchev sont expédiés en quelques lignes et présenter unilatéralement comme gauchistes et pro-américaines.
En fait les auteurs comme le dit Maria Mc Gavigan sont proches du PCUSA qui visiblement n'a pas rompu avec les thèses du révisionnisme moderne en 1963. Ce qui fait que les critiques dont certaines sont très justes des idées révisionnistes se font depuis une analyse révisionniste. Pour simplifier je dirais que c'est des révisionnistes qui critiquent des positions ultra-révisionnistes.
Il est important de bien connaitre et comprendre les analyses venant des communistes de l'ex-URSS, car c'est bien aussi de ces communistes (qui ont continué à se référer au marxisme-léninisme) que nous comprendrons mieux le processus révisionniste qui a fait chuté l'URSS.
Finimore
Études marxistes
Revue n° 83, date de publication: 2009-01-27
http://www.marx.be/fr/content/%C3%A9tudes-marxistes?action=get_doc&id=81&doc_id=608

Le socialisme trahi

Voici un livre important1 qui est à beaucoup d’égards complémen­taire aux travaux de Ludo Martens sur l’effondrement de l’URSS.

Plus de la moitié du livre traite de la période de 1985 à 1991, l’époque de Gorbatchev. Cette partie est cependant précédée de deux chapitres consacrés aux deux leitmotifs du livre : l’existence depuis le début de l’URSS de deux lignes dans la politique soviétique et le développement d’une économie parallèle surtout à partir de Khrouchtchev.

Selon les auteurs2, toute l’histoire de la politique soviétique est celle de la lutte entre deux tendances qui reflétaient les deux classes qui avaient fait la révolution, la classe ouvrière et la petite bourgeoisie (surtout la paysannerie au début). La première tendance, défendue par Staline notamment, prétendait qu’il était possible de construire le so­cialisme dans un seul pays, mais à trois conditions, toutes liées : une rapide industrialisation, une mécanisation (et donc une collectivisa­tion) de l’agriculture, une planification centrale de l’économie.

La deuxième tendance, défendue par Boukharine et plus tard, mais de manière différente, par Khrouchtchev et Gorbatchev, était essen­tiellement social-démocrate. Boukharine s’opposait à l’industrialisa­tion rapide, à la collectivisation de l’agriculture et à l’idée même de la lutte de classe sous le socialisme. Il défendait comme une politique à long terme le socialisme de marché et les concessions faites aux petits­bourgeois par la NEP3. Quand Khrouchtchev est arrivé au pouvoir, il a réintroduit certains mécanismes de la NEP. Il a aussi pris des mesures qui allaient affaiblir le parti communiste à long terme. Mais à l’époque, le parti était encore fort et la base matérielle qui permettrait plus tard la restauration du capitalisme faible. Khrouchtchev a été éjecté, mais ses idées ont continué à faire leur chemin.

Dans les années vingt, les idées de Boukharine s’appuyaient essen­tiellement sur les intérêts de classe de la paysannerie, surtout la paysannerie riche. En 1975, la paysannerie ne représentait plus que 20 % de la population et était largement collectivisée. Par contre, les années Khrouchtchev ont vu l’émergence dans les différentes couches de la population (ouvriers, paysans, intellectuels) d’une économie privée parallèle, qui a continué à se développer sous Brejnev. Les auteurs dé­finissent cette « seconde économie » comme de l’activité économique, légale ou illégale, poursuivie pour des gains privés. Curieusement, un des facteurs qui ont stimulé l’émergence de cette économie parallèle a été les mesures prises sous Khrouchtchev (au nom de l’approche du communisme) pour niveler les salaires et qui ont eu comme consé­quence de décourager l’initiative personnelle.

Une certaine activité économique privée légale avait toujours existé, mais après 1953 c’est surtout l’activité économique illégale qui a décol­lé. Cela commençait d’habitude par le vol de l’État : des paysans qui vo­laient au kolkhoze du fourrage pour leurs propres bêtes, des chauffeurs qui volaient et revendaient de l’essence, des médecins qui volaient des médicaments, etc. Des gens faisaient des réparations (de maisons, de voitures…) contre rémunération ou construisaient même des maisons, souvent avec du temps et des matériaux volés aux entreprises d’État. À la fin, il y a eu carrément des entreprises privées de production clan­destines. Le corollaire de tout cela naturellement était la corruption, qui trouvait un terreau fertile dans un parti affaibli. Des chercheurs ont estimé qu’à la fin des années 70, 30 % du revenu dans les villes prove­nait de l’économie parallèle. Ce pourcentage était apparemment plus élevé dans le sud que dans le nord. Ce qui était important, disent les auteurs, « n’était pas les petits vols ou l’achat de produits sur le marché noir, mais l’émergence d’une couche de gens qui dépendaient de l’acti­vité privée pour tout leur revenu ou pour une partie très importante ».

Selon les auteurs, l’URSS n’était aucunement en crise en 1985, lorsque Gorbatchev est arrivé au pouvoir. Il y avait certes des problèmes, poli­tiques et surtout économiques, auxquels Andropov avait essayé de re­médier avant sa mort prématurée. Il y avait aussi une agressivité accrue de la part des États-Unis. Les premières mesures de Gorbatchev, comme celles d’Andropov, étaient destinées à accélérer le progrès scientifi que et technique, améliorer le management et augmenter la discipline. Gorbat­chev a aussi appelé à la fin de la corruption, au soutien de la libération nationale et au renforcement du rôle dirigeant du parti, ainsi qu’à la glas­nost ou transparence sur le travail du parti. Quand, pourquoi et comment cette politique a-t-elle changé ? Selon les auteurs, Gorbatchev n’était pas un social-démocrate caché depuis toujours.

C’est seulement à partir de janvier 1987 que la tendance anticommuniste a commencé à dominer. Le processus de réforme initié par Gorbatchev a déclenché une offen­sive lancée par les intérêts anticommunistes qui se développaient dans la société soviétique depuis l’époque de Khrouchtchev. Fondamentale­ment, il manquait à Gorbatchev la force et la volonté nécessaires pour faire face à ces intérêts. Il était peu formé théoriquement, relativement inexpérimenté (les auteurs suggèrent qu’il a été promu surtout parce que, étant le secrétaire général du parti dans une station balnéaire, il a appris à connaître beaucoup de membres de la direction), ambitieux et vaniteux et il connaissait bien mieux certains pays étrangers que l’Union soviétique même où il avait peu voyagé (ce qui fait notamment qu’il n’a jamais rien compris à la question nationale). « Gorbatchev a vacillé et puis capitulé. Son désir de succès rapide, indolore et à court terme et de l’adulation et de la sécurité politique que cela lui apporterait l’a amené à s’unir avec la couche grandissante de bureaucrates et petits entrepre­neurs liée à l’économie parallèle et à leurs défenseurs et sympathisants parmi l’intelligentsia4. » Idéologiquement, Gorbatchev était un social-dé­mocrate qui a déclenché un processus qu’il ne pouvait plus contrôler. Il croyait pouvoir atteindre ses objectifs en diminuant radicalement le pou­voir du parti (où il rencontrait une certaine résistance), mais le résultat a été de le laisser impuissant devant Eltsine et ses forces ouvertement procapitalistes. Les trois dernières années de l’URSS, pendant lesquelles les Soviétiques ont appris à détester Gorbatchev, sont dépeintes comme une véritable descente aux enfers.

Les auteurs semblent être proches du PCUSA. Ils parlent peu de la période avant Khrouchtchev et donc peu de Staline, sauf pour approu­ver sa ligne dans le conflit avec Boukharine (voir ci-dessus). À un ou deux endroits, ils laissent entendre que la politique de Staline était trop répressive. Ils parlent aussi très peu — et c’est plus étonnant — de la guerre en Afghanistan. Le lecteur comprend néanmoins qu’à leurs yeux l’intervention soviétique était totalement justifi ée.

Le livre est très bien écrit, sans langage d’initié, très clair, bien struc­turé, bien référencé (surtout des sources académiques, y compris des sources soviétiques traduites en anglais, dont il semble en exister beau­coup, et des sources pro et anti-Gorbatchev), très lisible. Il intéressera certainement tous les communistes et anciens communistes ainsi que les historiens de l’époque et mériterait d’être traduit en français et en néerlandais.


--------------------------------------------------------------------------------

1. Roger Keeran et Thomas Kenny, Socialism betrayed : Behind the Collapse of the Soviet Union, International Publishers, 2004, 230 p, ISBN 0-7178-0738-X.

2. Roger Keeran est historien et auteur de The Communist Party and the Auto Workers’ Un­ions. Thomas Kenny est économiste.

3. NEP : La Nouvelle économie politique, introduite en 1922, visait à réintroduire temporairement quelques éléments du capitalisme dans le but de relancer l’économie après les ravages de la guerre civile.

4. Keeran et Kenny, op.cit., pp. 85-86


MARIA MCGAVIGAN
Xuan
"le socialisme trahi
les causes de la chute de l'union soviétique"


En effet, un ouvrage très intéressant.
Il ne parle pas de la politique étrangère social-impérialiste par contre.
Eric
Un ouvrage qui remet en question les poncifs de la propagande bourgeoise .
Je reproduis la présentation de l'ouvrage et l'entretien accordé par Médiapart aux deux auteurs .



C'est un ouvrage de 330 pages que les Editions Delga publient, écrit par deux
citoyens des Etats-Unis, Roger Keeran et Thomas Keeny. Roger Keeran enseigne
l'Histoire dans une Université de New-York et Thomas Keeny est économiste.
Dans la Dialectique des phénomènes humains et historiques, il faut donc
constater que les meilleurs spécialistes de l'Histoire soviétique sont “américains”.
Le paradoxe est apparent, seulement. En effet, en raison de l'Histoire de la
“guerre froide”, de l'idéologie anticommuniste de la superstructure etats-unienne
(de MacCarthy à la CIA jusqu'à Reagan), c'est dans ce pays que des milliers
d'hommes et de femmes ont scruté, étudié, espionné, l'ex URSS, ont accumulé des
documents. Il faut imaginer ce que peut représenter pour un citoyen des EtatsUnis comme Roger Keeran d'oser contredire toute la propagande fasciste qui
depuis des décennies salit et insulte les principaux dirigeants de l'ex URSS, à
commencer par Staline. Et en France ? En France, une “doxa” s'est forgée au fur
et à mesure des décennies et s'est solidifiée, au point de se retrouver dans les
livres d'Histoire, les manuels scolaires, les émissions de télévision et de radio, à
savoir que, un, Staline était un monstre, deux, l'ex URSS s'est effondrée parce qu'il
s'agissait d'un système stérile et en échec, trois, il s'agissait d'un régime totalitaire
comparable au nazisme, etc (et dans les etc, on trouve l'affirmation selon laquelle
Staline a été stupéfait et désarçonné par l'attaque allemande du 21/22 juin 1941).
Que ce soit à son encontre ou même en son sein, l'ex URSS a subi les effets du
“manichéisme” sectaro-religieux : avec le maccarthysme, les agents du FBI et de
la CIA étaient des agents du Bien qui luttaient contre le Mal; l'empire du Bien (le
capitalisme des USA) luttait contre l'empire du Mal. Après la disparition de
l'URSS, le Bushisme des années 2000 a servi à nouveau cette nourriture mentale
empoisonnée, en réchauffant les vieux plats. Mais plus le temps passe, plus les
justifications simplistes de “la politique américaine”, intérieure et extérieure,
passent plus difficilement ou ne passent pas du tout. Lorsque l'URSS existait, tout
était justifié, y compris les moyens pour atteindre la “fin” qui justifie...
Maintenant, “l'ennemi” n'existe plus, Ben Laden a été assassinée, et Al Qaeda est
une nébuleuse fracturée, résiduelle, capable d'opérer des piqures de moustiques.
Le temps est donc venu pour enfin pouvoir faire une Histoire, posée, sérieuse,
dont les éléments pourront donc servir les conditions du nouveau présent que tant
de citoyens du monde se souhaitent et préparent. C'est pourquoi cet ouvrage est
important. Les idéologues absolument pour et absolument contre auront du mal. Les premiers seront déçus que Roger Keeran et Thomas Keeny démontrent que la
politique du PCUS n'a jamais été un long fleuve tranquille, que des courants
divers et même opposés s'y affrontaient, et que des “communistes” (parce qu'ils
avaient une carte du PCUS) ne partageaient ni le désir ni l'enthousiasme ni la
volonté pour la construction et le développement d'un monde communiste, et les
seconds devront accepter d'entendre (qu'ils y répondent par des preuves s'il en
ont), que l'URSS a été pendant longtemps un système économique et politique qui
fonctionnait et réussissait, même partiellement – et s'ils se gaussent de ces
résultats “partiels”, il faudra qu'ils nous expliquent pourquoi les pays
capitalistes de l'Ouest ont eux aussi eu des résultats positifs partiels pendant tout
le 20ème siècle (citons par exemple le chômage, le détournement des fonds
publics et privés, la mise en danger de la vie d'autrui dans un monde productif
dangereux, comme le prouve le dossier de l'amiante, etc) qui eux seraient
compréhensibles et tolérables. L'ex URSS, devenu Etat mondial, aura été une
comète dans l'Histoire humaine. Il faut dire que cet Etat fédéral a eu des
dirigeants qui l'ont construit, et des dirigeants qui l'ont détruit. Le plus
emblématique de ces bâtisseurs aura été Staline, si décrié pour avoir lutté
férocément contre ceux qui voulaient empêcher, annuler, ou diminuer sa
construction, si décrié pour n'avoir pas été un Robespierre qui se laisse
assassiner. En 20 ans, lui ET LES AUTRES DIRIGEANTS DU PCUS (puisque les
charlatans qui s'expriment publiquement sur le sujet tendent à faire de Staline
l'homme qui dirigeait, décidait, faisait tout !) ont cherché à construire cet Etat, et
ont été obligés d'affronter une guerre “mortelle”, mortelle, parce qu'elle visait à
les faire disparaître, et parce que les Nazis ont employé tellement de moyens
qu'ils ont assassiné 20 millions de Soviétiques. Il a bien fallu des forces, des
ressources et de l'intelligence, pour gagner, mais les mêmes charlatans leur
dénient tout ou presque. Et lorsqu'il faut bien concéder quelques résultats, ils se
réfugient dans la “cruauté de Staline” pour continuer d'affirmer le caractère
néfaste de ce projet soviétique. Il faut le dire clairement : trop de violences ont
fait du 20ème siècle mondial un siècle épouvantable, terrible. Trop de violences
dans des régimes “communistes” ont porté des coups très durs à ce projet, à ce
“rêve”. Un régime idéal ne peut se permettre d'être abîmé d'une manière ou
d'une autre par des fautes et des défauts, humains, trop humains. Certains
dirigeants n'ont pas su être à la hauteur. Il faut dire que, DANS LE MEME TEMPS, les pays capitalistes ont connu leur lot
de violences contre les citoyens, mais comme ce type de régime ne promeut aucun
idéal, tout lui est “pardonné”, puisqu'il ne se fixe aucune ambition humaine
collective. Par exemple, il est acquis que les “goulags” sont stigmatisés,
vilipendés, pendant que les “prisons américaines” des années 30, 40, 50, ne le
sont pas EN TANT QUE TELLES ! Si un film hollywoodien vient à dénoncer la
violence carcérale d'une prison américaine, et notamment celle des “gardiens”,
des “dirigeants”, le fait est toujours interprété comme un cas individuel qui
déroge au Droit général, et que des “gentils”, de l'intérieur, de l'extérieur,
découvrent, dénoncent, et, bien entendu, réussissent à stopper. Hollywood raconte
de “jolies histoires” pour les enfants et notamment les grands enfants, mais ce
sont des fables, extrêmement nécessaires au système américain pour laisser
croire et penser que, heureusement, via la “liberté individuelle”, des héros se
lèvent et redressent un système à la dérive. Enfin, quand tant dénoncent les
goulags, combien ont étudié les conditions de “vie”, plus exactement de survie
des prisonniers américains durant ces décennies, combien ont étudié le nombre et
la nature des condamnés à mort ? L'Historiographie sérieuse commence PAR
DELA LE BIEN ET LE MAL. Il ne s'agit pas de faire une “Histoire” amorale,
sans prise en compte des biens et des maux, mais de faire une Histoire
apatriotique, et s'il faut dénoncer la farce hollywoodienne et digne de Disney
d'une Histoire qui oppose les Saints américains aux Diables soviétiques, l'inverse
est tout aussi délirante. Dans cet ouvrage, les deux auteurs traitent longuement
des conditions et des effets de la politique soviétique sous Khroutchev, en lequel
ils perçoivent un prédécesseur aussi néfaste à Gorbatchev. Ils ne se contentent
pas le le dire, ils le prouvent, par des faits et des chiffres. Les pages qui
concernent Andropov sont sans doute les plus originales qui soient. C'est que sa
place à la tête de l'URSS a été très brève (en raison de sa maladie et de son
décès), et parce que les caricaturistes classiques en font un “apparatchik” type
sénile et fou, ce qui selon un expert américain de la superstructure CIA, est tout à
fait faux, puisqu'ils l'ont considéré comme un dirigeant dangereux POUR EUX,
donc brillant). Les pages sur la “seconde économie” (l'économie illégale) sont
certes brèves mais importantes, parce qu'elles prouvent que ce que les autres pays
ont qualifié de “dictature” était bien peu “dictatorial”, étant donné la
permanence de cette économie de trafic, de spoliation, de type mafieuse, chatiée
et contrôlée sous Staline, débridée et protégée sous Khrouchtchev et Gorbatchev.La dernière moitié de l'ouvrage est consacrée à la dernière période : le déclin et
l'autodestruction de l'URSS par l'action d'une partie de ses élites, et ce contre la
volonté majoritaire des Soviétiques qui, aujourd'hui encore, regrettent amèrement
la disparition de cet Etat et de ce régime qui leur a apporté niveau de vie, études
scolaires longues, ascension sociale, conditions de vie uniques dans le monde
avec la gratuité. Depuis la Grèce antique, la problématique du choix du dirigeant
principal est fondamental. On sait que, pour l'URSS, le choix de Staline a été le
bon, parce qu'il a contribué à une victoire que d'autres n'auraient jamais réussi à
créer. A l'inverse, le choix de Gorbatchev a été catastrophique, parce qu'ils n'ont
pas su l'arrêter à temps. Gorbatchev est-il pour autant un total traître ? En
faisant disparaître l'URSS de la scène internationale, les dirigeants des EtatsUnis n'ont plus d'”ennemi”, selon leur vocabulaire. Ils ne peuvent plus justifier
les problèmes mondiaux en les attribuant aux autres, et notamment à l'URSS. Or,
depuis la disparition de l'URSS, les problèmes mondiaux ont-ils diminué ou
augmenté ? Et s'ils ont diminué, lesquels, par qui et pour quoi ? Et s'ils ont
augmenté, lesquels, par qui et pour quoi ? A chacun de répondre, selon ses
besoins. L'entretien
Quels sont à vos yeux les dirigeants les plus influents, que ce soit positivement
(dans la construction) ou négativement (dans la détermination d'un régime trop
militariste, militarisé ?)
L’Union sovietique avait une equipe de dirigeants, qui étaient extraordinairement
capable pendant les quarante premières années. Tous les dirigeants méritent une
mention pour la construction du socialisme, particuliérement l’industrialisation du
pays à partir du premier plan quinquennal en 1928, la collectivisation de
l’agriculture, et le développement de ces programmes sociaux comme la gratuité
des soins et l'éducation gratuite dans les années 1930, le comportement victorieux
de la Seconde Guerre mondiale, et la reconstruction du pays en cinq ans après la
guerre. Bien sûr, personne ne mérite plus de crédit pour ce travail que le dirigeant
du parti et du pays, Joseph Staline. Deux autres dirigeants, dont les contributions
étaient superbes, étaient Lazar Kaganovitch, qui a supervisé la construction du
métro de Moscou et Vyacheslav Molotov, qui a supervisé l'effort de guerre
soviétique. Nous ne partageons pas l’hypothèse sur laquelle la deuxième partie de
la question est basée, que l’Union soviétique était « trop militariste, militarisé. »
Si vous voulez dire que le socialisme a souffert parce que l'Union soviétique a dû
consacrer trop de ressources à la défense militaire, c'est sans doute vrai.
Cependant, si l'on tient compte de l'environnement hostile dans lequel l'Union
soviétique a vécu, alors le niveau de militarisation était compréhensibleVous connaissez sans aucun doute l'ouvrage de Losurdo sur Staline. Nous
assistons depuis quelques années à un travail de résistance de la part
d'historiens, qui n'acceptent plus les diktats de l'extrême-droite et des
anticommunistes, et dont le travail permet de mieux comprendre un dirigeant
déterminant. Quelle analyse faite vous de son rôle dans la direction de l'URSS ?
Une évaluation du rôle de Staline est trop grande et trop difficile à entreprendre
ici. Nous sommes d'accord qu'une réévaluation de Staline est d'une importance
vitale, à cause des mensonges et les distorsions qui ont commencé dans le
discours soi-disant secret du 20e Congrès par Khrouchtchev et ont perpétué par
une légion d’historiens, de journalistes et d’idéologues de la guerre froide.
Beaucoup d'historiens ont commencé cette tâche. Outre le livre de Losurdo, nous
pouvons citer les travaux des historiens contemporains Geoffrey Roberts, J. Arch
Getty et Roberta Manning, et Wendy Goldman. Il y a aussi les livres sur Staline
par Kenneth Cameron, le livre de Félix Chuev (Molotov se souvient) et le livre de
Grover Furr (Khrouchtchev Lied).Outre les phénomènes politiques et économiques que votre ouvrage analyse,
qu'est-ce que cela dit sur la faiblesse de la pensée communiste au sein même de
l'URSS, notamment à travers sa transmission scolaire ?
Nous sommes d'accord. Comme nous l'avons noté dans le livre, il y avait une
faiblesse dans le développement de la théorie et de l'idéologie du
marxisme-léninisme sous Khrouchtchev et Brejnev. Cette faiblesse se reflète dans
la critique de Youri Andropov. Il se reflète aussi dans l'incapacité de la plupart
des économistes soviétiques à reconnaître la croissance de la deuxième économie
et le danger qu’elle représentait. Aussi, cette faiblesse se reflète par la volonté de
nombreux universitaires (comme Abel Abanbegyan) d'épouser des idées
capitalistes.
Une des originalités de votre ouvrage est de parler du méconnu Andropov qui a
failli jouer un rôle salvateur pour l'URSS. Quel homme était-il ? Quels sont les
points les plus importants de son action politique, dans le bref temps qui fut le
sien ?
La chose importante à propos de Youri Andropov, et d'autres comme Yegor
Ligatchev, c'est qu'ils montrent que, même dans le milieu des années 1980, le
système soviétique possédait une certaine vitalité. Il produisait encore des
dirigeants et penseurs qui ont compris les problèmes rencontrés par le socialisme
soviétique. Ces dirigeants et penseurs avaient une vision de ce que pourrait
devenir le socialisme soviétique, et ils avaient des politiques concrètes pour faire
avancer le pays. Malheureusement, l'ascendant de Gorbatchev et la destruction de
l'Union soviétique ont obscurci cette vérité.Les ennemis historiques du Bolchévisme et du Communisme mettent en cause la
Révolution d'Octobre, dans sa réalisation et ses développements postérieures,
dans sa "violence". Pour l'avenir, est-il possible de penser une "Révolution" non
violente (sans qu'il s'agisse de faire du Gandhisme). Et pouquoi à votre avis la
violence qui est si déterminante dans l'Histoire des Etats-Unis (en tant que
système qui s'est confronté à l'URSS et qui a été, qui est valorisé, par
comparaison avec l'URSS) est si minorée ? Pourquoi tant d'intransigeances
contre l'URSS et tant de mansuétudes pour les Etats-Unis ?
Il serait absurde de prétendre que, dans l'avenir, une révolution pacifique
socialiste est impossible. Le développement de l'histoire peut nous surprendre.
Les transformations récentes de la Tunisie et de l’Égypte affichent ce message.
Pourtant, il serait stupide de sous-estimer le caractère impitoyable de la classe
dirigeante des États-Unis. De bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki aux
récentes invasions et des attaques de drones, cette classe dirigeante a montré sa
volonté de recourir à toute forme de violence pour défendre ses intérêts. Il est vrai
que beaucoup sont prêts à fermer les yeux sur la violence des États-Unis et en
même temps condamner la violence de la révolution russe. Cela montre le succès
de l'hégémonie bourgeoise, une idéologie qui considère la violence continue de
l'impérialisme comme normale, mais considère toute menace à la propriété privée
avec horreur.
Roger Keeran et Thomas Kenny
Février 2013
 
Retour au forum
 
créer forum